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Décryptage - Page 109

  • Le Point découvre un complot néocons...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse de François Bernard Huyghe, cueilli sur son site huyghe.fr et consacré au dossier du magazine Le Point de cette semaine. Quand Franz-Olivier Giesbert (FOG) et ses petits camarades se livrent à une subtile opération de brouillage idéologique...

     

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    Le Point découvre un complot néocons

    Curieuse stratégie sémantique du Point qui, cette semaine, dénonce sur sa couverture "Les néocons", gens dont on nous révèle qu'ils "détestent" l'Europe, le libéralisme et la mondialisation, qu'ils représentent "le triomphe de l'idéologie du repli" et qu'ils on des "réseaux à gauche et à droite". La photo de la même couverture montre un château de sable, dont la dérisoire fragilité, rassure ceux que le titre aurait affolés et qui songeraient déjà à émigrer avant qu'on n'ouvre des Guantanamo en France.
     
    Des noms ? Outre les inévitables et médiatisés Zemmour ou Polony, sont convoqués au tribunal Chevénement, Marine Le Pen, Montebourg,  Guaino, Debray, Buisson, Michéa, Dupont-Aignan, Cochet, c'est-à-dire des gens qui s'inscrivent sur un arc allant de l'extrême-droite à l'extrême-gauche de l'éventail politique mais à qui le journal prête une triple phobie commune (libéralisme, mondialisation, Bruxelles). Cela les mettrait dangereusement en contradiction avec le sens de l'histoire : leur vrai ancêtre, révèle le Point, est Maginot, constructeur de la ligne du même nom et que symbolisait le château de sable (passons sur le fait que le très modéré général Maginot, ministre de Millerand ou de Tardieu puisse difficilement être considéré comme un ultra-réac en rupture avec les valeurs de son époque). 
    Par ailleurs, si l'on prend le critère du "contre", pourquoi ne pas intégrer Abdelhakim Dekhar qui a attaqué BFM, Libération et la Société Générale - symboles incontestables de la même trilogie libéralisme, EU, mondialisation - dans la liste ? Ou Besancenot ? Ou les bonnets rouges ?

    Cela rappelle un peu l'affaire dite des "nouveaux réactionnaires", un pamphlet ("Le rappel à l'ordre") de D. Lindenberg publié il y a onze ans et qui, d’Alain Finkielkraut à Jacques Julliard, de Philippe Sollers à André Glucksmann, de Michel Houelbeck à Alain Minc, de Luc Ferry à Pascal Bruckner, d'Alain Badiou à P. A. Taguieff, dressait la liste des auteurs coupables du même crime contre l'esprit. Crime dont l'auteur semblait penser qu'il consisterait à trahir leur mission d'intellectuels en prenant fait et cause contre le voile islamique, en s'inquiétant des émeutes de banlieue ou en réclamant de la discipline à l'école. 

    Bien entendu, les critères de Lindenberg (ne dénonçant que des intellectuels et s'appuyant sur des critères plus "sociétaux" pour définir le crime) ne sont pas ceux du Point, plus droitiers. Les premiers conspirateurs (ceux du "rappel à l'Ordre") sont plutôt des anti bobos se réclamant de la République, les seconds, ceux du Point, sont décrits comme des nuls en économie, frileusement repliés sur la Nation. L'hebdomadaire se place surtout du point de vue d'un supposé réalisme économique, même s''il doit concéder qu'il se trouve aussi des économistes sérieux pour contester les bienfaits de l'euro et du lasser-passer. 
    Le Point a parfaitement le droit de chanter les bienfaits du libre-échange, de la commission européenne et de la mondialisation heureuse. Et de considérer tous ceux qui pensent autrement comment destinés aux poubelles de l'histoire (mais en ce cas, pourquoi nous peindre leurs rapprochements supposés comme redoutables ?). On peut moins apprécier  la technique du "Machin à rencontré Truc qui a voté Chose qui, comme lui, est hostile à l'Otan..". Passons... Si l'hebdomadaire s'était borné à s'en prendre aux souverainistes ou au eurosceptiques, et à leur prêter des niaiseries et des connivences, en titrant "tous nuls en économie", il n'y aurait rien à redire, nous resterions dans le cadre du débat, primaire, mais du débat.

    Notre embarras vient l'emploi du terme "néocons" qui a une connotation historique précise : la guerre d'Irak . À l'époque, tout le monde (y compris l'auteur de ses lignes) écrivait sur ces idéologues qui avaient poussé G.W. Bush à  renverser le régime de Bagdad (en attendant, espéraient-ils de s'en prendre à la Syrie, à l'Iran). Passons sur le fait que probablement 100% de ceux qu'épingle le Point aient été opposés à cette guerre.
    Le problème est que les néocons américains sont des partisans affirmés de la mondialisation et du libre-échange planétaire. Quant à l'U.E. c'est une institution dont ils ne cessent de faire l'éloge, le seul reproche qu'ils aient fait  à lui faire  étant que certains États européens (qui n'ont pas suivi en Irak)  profitent  de la protection militaire américaine mais refusent de s'engager dans des conflits qui intéresse le camp des démocraties.
    L’essentiel du discours néo-conservateur est un  mélange de scepticisme et d’idéalisme.  Scepticisme à l'égard du multilatéralisme des concessions, des solutions diplomatiques. Les néocons sont  persuadés de l’excellence des principes de liberté incarnés par l’Amérique et, en ce sens, ils ont bien davantage le culte des droits de l’homme que d’autres situées plus à leur gauche. Surtout, ce sont des wilsoniens musclés : ils pensent qu’ils ont le devoir de faire un usage moral du pouvoir militaire pour combattre ce qu'ils appellent les quatre fascismes : nationaliste, nazi, (brun), communiste (rouge) et islamiste (vert). Quand des néocons emploient des formules aussi niaise que «An end to Evil» (il faut mettre fin au mal, titre d’un best-seller de Richard Perle), ils sont moins utopistes qu’optimistes. 

    Ils croient que les dictatures ne demandent qu’à s’effondrer et les peuples qu’à adopter la démocratie, une fois débarrassés de leurs tyrans. Ils croient que l’adversaire n’est jamais fort que de votre propre faiblesse. Ils croient que l’Histoire leur a donné raison sous Reagan et sous G.W. Bush. Ils croient que l’audace paie toujours et le compromis jamais. Ils croient que leur modèle étant le meilleur tout homme doté de raison et à qui on donne la liberté de l’information et du choix, finira par l’adopter avec reconnaissance.Ils croient qu'il faut affirmer toujours des valeurs universelles démocratiques et lutter contre tous les relativismes.
     Ajoutons que les néoconservateurs ont dit du bien de Sarkozy au moment de la Libye, de Hollande au moment du Mali et de Fabius au moment de la négociation avec l'Iran. Tandis que, pour la presse néoconservatrice Chevénement est un paléo-stalinien et Marine Le Pen, une dangereuse chauvine populiste.

    À ce compte, en jouant sur le sens du mot "liberal" outre-Atlantique, où il est à peu près équivalent de "gauchiste" ou de "soixante-huitard" chez nous, pourquoi ne pas titre "les néo-libéraux attaquent",  pour présenter  un numéro sur Christine Taubira, Nicolas Demoran et Cécile Duflot ?

    François-Bernard Huyghe (huyghe.fr, 29 novembre 2013)

     

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  • Petit dictionnaire de novlangue...

    Polémia a rassemblé dans son Nouveau dictionnaire de novlangue 500 mots parmi les plus employés par l’oligarchie dirigeante et les médias pour tromper l’opinion. Des mots tabous, trompeurs, marqueurs, sidérants ou subliminaux décryptés pour nous. On trouvera également dans ce recueil un texte de Michel Geoffroy (« Les habits "républicains" de l'oligarchie ») et un texte de Jean-Yves Le Gallou (« La novlangue de l'Union européenne ».

    Cet ouvrage est en vente sur le site de Polémia.

     

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    " La novlangue se développe et se répand à la vitesse d’un cheval au galop. Comme dans bien d’autres domaines, on assiste à une dénaturation du langage, les médias étant le gros porteur du nouveau vocabulaire. Des mots sont inventés ; on les appelait naguère néologismes et ils étaient prononcés avec réticence et presque un sentiment de culpabilité jusqu’à ce qu’ils soient entrés dans le langage courant ; d’autres perdent leur sens étymologique et, au regard de leur signification première, sont utilisés à mauvais escient. Aujourd’hui, c’est la compétition : le bobo « néologise » et rivalise avec les médias qui vendent ce nouveau vocabulaire sans retenue.

     

    Curieusement, ces mots de la novlangue ont une fonction banalisante, visant à adoucir la réalité : à la société il faut parler avec précaution (en jouant du principe du même nom), dans des termes édulcorés, non seulement pour cacher volontairement des choses qui ne seraient pas bonnes à dire, mais aussi, et surtout, pour lobotomiser les cerveaux et ainsi éviter des réactions brutales. "

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  • Lorànt Deutsch et la Bataille de l'Histoire dans les médias

    Nous avons cueilli sur le site de l'Observatoire des journalistes et de l'information médiatique une excellente mise en perspective de la polémique médiatique autour de Lorànt Deutsch et de son dernier livre, intitulé Hexagone et consacré à l'histoire de France.

     

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    Lorànt Deutsch et la Bataille de l'Histoire dans les médias

    Après l’incroyable succès de Métronome (Michel Lafon), qui s’est vendu à plus de deux millions d’exemplaires et a été adapté sur Arte pour atteindre un record d’audience, Lorànt Deutsch a récidivé avec Hexagone (Michel Lafon), sorti le 26 septembre dernier. Réutilisant le même procédé ludique, sur un ton toujours aussi passionné, c’est cette fois-ci l’Histoire de France, après celle de Paris, que le comédien évoque en suivant les routes et les fleuves du pays, comme il avait eu recours aux stations de métro pour raconter la capitale. Tiré à 220 000 exemplaires, le livre est déjà en réimpression et s’annonce comme un nouveau best-seller historique. Mais ce succès, qui donnerait lieu de se féliciter d’un tel regain d’intérêt pour l’Histoire chez nos concitoyens, a surtout accouché d’une polémique. En effet, trois universitaires, William Blanc, Aurore Chéry et Christophe Naudin, qui avaient déjà attaqué Métronome dans la presse et publié en mars dernier un livre pamphlétaire : Les Historiens de garde (Inculte), remontent à l’assaut pour dénoncer les méthodes et, essentiellement, l’idéologie que Lorànt Deutsch véhiculerait à travers ses livres. Les historiens étendent leur critique à la diffusion médiatique de l’Histoire. Leur thèse : Bénéficiant de postes, de relais ou de complicité dans les médias, un groupe d’historiens divulguerait une version tronquée de l’Histoire afin de gaver les masses d’idées chauvines, réactionnaires et étriquées… En un mot : « nauséabondes ». Quelle est donc la véritable nature de cette polémique ?

    Le facho nouveau est arrivé !

    Tout d’abord, il est évident que la désignation d’un ennemi mal-pensant illico « fascisé » est une maladie chronique dont souffre le débat national depuis au moins une décennie. L’année dernière, à la même époque, c’est l’écrivain Richard Millet qui déclenchait l’ « affaire » de septembre et se trouvait qualifié de « réac », de « néo-facho », d’« islamophobe », sa prose étant jugée « nauséabonde ». La polémique Deutsch semble donc, au premier abord, relever simplement du procès d’inquisition annuel. « Chasse aux sorcières nous rétorquera-t-on », conviennent d’ailleurs les auteurs des Historiens de garde dans un article du Huffington Post. Mais ces derniers nous assurent cependant que cette chasse n’est pas gratuite et qu’il y a un véritable crime : « Son Métronome scande l’histoire aux rythmes des grands hommes, monarques et saints, construisant depuis l’aube des temps une nation quasi-éternelle et figée où Paris serait depuis toujours capitale de la France, de l’Empire romain quand il ne s’agit pas carrément de la chrétienté. »

    Or pour William Blanc, Aurore Chéry et Christophe Naudin, on est là face à une « vision quasi-maurassienne de l’Histoire ».

    Certes la formule est impropre mais riche d’insinuations. Impropre, parce que Maurras n’était pas historien et que c’est Bainville qui assurait cette fonction dans le célèbre quotidien royaliste que le premier dirigeait. Il serait donc plus juste de dire « banvillienne ». Impropre surtout, parce que l’Histoire de Bainville n’accorde pour le coup pas beaucoup de place aux saints, que sa perspective est surtout géopolitique, et sa tradition plutôt rationaliste, et que son travail n’est par conséquent pas représentatif de ce qui est reproché à Deutsch. Mais Maurras s’étant, à la fin de sa vie, compromis dans la collaboration en soutenant le régime de Pétain, ne faut-il pas comprendre « quasi-maurrassienne » comme « crypto-pétainiste » ? On atteint ainsi sans beaucoup de virages le fameux point Godwin. Au-delà de cette attaque de fond, sur laquelle nous reviendrons, le point le plus sensible où se cristallise la polémique dans la presse (puisque le livre Les Historiens de garde ne traite pas d’Hexagone) est la bataille de Poitiers, telle que la raconte Lorànt Deutsch dans son dernier ouvrage.

    Le tabou islamique

    En effet, l’acteur commet la faute inexcusable de raconter la bataille de Poitiers comme elle a toujours été présentée partout (y compris sur ce site d’Histoire militaire anglais, par exemple : militaryhistory.about.com), oubliant que depuis dix ans, pour complaire à une population musulmane à la fois nombreuse, en partie non-intégrée et parfois irritable, il est devenu convenable de présenter l’Andalousie comme un âge d’or et Poitiers comme un détail de l’Histoire du bas moyen-âge. Or, note Christophe Naudin avec une remarquable perspicacité : « La bataille de Poitiers est en effet un marqueur idéologique qui n’a rien d’anodin. » Ainsi, depuis que les Identitaires ont brandi une banderole en hommage à Martel, glorifier l’action du Maire du Palais et grand-père de Charlemagne serait suspect ? En fait, Poitiers est surtout un marqueur du totem-tabou absolu de notre époque : l’Islam. Sainte Geneviève peut toujours repousser les Huns, Eudes de Paris les Vikings, Jeanne d’Arc les Anglais, mais Charles Martel, lui, n’a plus l’autorisation de bouter hors de France les Sarrazins. Et pourtant, Lorànt Deutsch précise ne s’être pas spécialement focalisé sur l’épisode : « Sur les 2 600 ans d’Histoire dont je parle, mes détracteurs ne retiennent qu’une page, celle sur la bataille de Poitiers. Oui, c’est un événement marquant de notre Histoire, mais ce n’est pas un marqueur idéologique. »

    Complot ?

    Si l’on résume le procès, on obtient donc à peu près ça : accusé principal : Lorànt Deutsch (en tant que figure la plus célèbre de la conjuration) ; Sacrilège majeur : lèse-Islam ; co-inculpés : Patrick Buisson, directeur de la chaîne Histoire, Stéphane Bern (« Secrets d’Histoire » sur France 2), Franck Ferrand (« Au cœur de l’Histoire » sur Europe 1), Dimitri Casali (Historien médiatique), Jean Sévilla (Historien et journaliste au Figaro), Éric Zemmour (journaliste féru d’Histoire actif au Figaro, à RTL et sur Paris Première). Motif de l’accusation : tenter de faire ressurgir le « roman national » avec la complicité des médias. « Tels des chiens de garde, pour reprendre l’image de Paul Nizan, ils sont les historiens de garde d’un trésor poussiéreux qui n’est que le fruit d’une inquiétude face au passé qu’eux seuls n’arrivent pas à assumer. » (Introduction des Historiens de garde).

    L’expression qu’utilise Christophe Naudin en présentant son livre pour critiquer un « Rouleau compresseur médiatique de ce genre d’Histoire », insinue une forme de complot médiatico-politique ayant pour ambition de reformater les masses.

    Théorie évidemment difficile à soutenir, notamment sur le plan des complicités médiatiques, à moins de parvenir à démontrer que les dirigeants de France 2 ou d’Arte sont de mèche avec les producteurs de Radio Courtoisie. La vérité est plus simple. Tout comme Éric Zemmour dans son domaine, Lorànt Deutsch a bénéficié d’un succès aussi impressionnant qu’imprévisible. C’est le plébiscite qui l’a placé où il se trouve, et certainement pas des réseaux médiatiques plutôt marqués à gauche, comme l’OJIM le montre régulièrement.

    À fronts renversés

    Quand des étudiants et des profs de gauche s’en prennent à Canal++ pour reprocher à des journalistes « chiens de garde » de défendre un historien amateur, royaliste assumé, contre leurs attaques, on se demande d’abord si l’on est tombé par mégarde dans une faille temporelle. C’est pourtant bien ce qui s’est produit dans le Huffington Post sous la plume de Christophe Naudin : « Un sujet, intitulé “Accusé de faire le jeu de l’extrême droite, Lorànt Deutsch répond à ses détracteurs”, a égrainé tout l’arsenal du “journalisme chien de garde” pour parvenir à caricaturer le propos des “détracteurs” (…), tout en laissant l’acteur se défendre face à une animatrice complaisante (…) ». C’est que les « détracteurs » en question auraient trouvé sans doute naturel que l’animatrice de l’émission voue à l’humiliation publique un auteur de best seller et acteur populaire sous prétexte de déviance idéologique… Si l’animatrice est « complaisante », sans imaginer un complot pétainiste, c’est peut-être seulement : 1) qu’il s’agit de la tendance naturelle d’une animatrice, et 2) qu’elle voit plus d’intérêt à pouvoir réinviter Lorànt Deutsch sur son plateau que Christophe Naudin dont tout le monde se fiche. De là à en tirer des conclusions de connivences idéologiques et de manipulation politique…

    En revanche, on peut se demander s’il ne faut pas quelques complicités médiatiques de nature idéologique pour permettre à un William Blanc par exemple, de poser en adversaire crédible face à Lorànt Deutsch. Celui-là, en effet, n’est nullement un historien reconnu, mais, au même âge que l’acteur qui compte à son actif une trentaine de films et bientôt deux best sellers, William Blanc, quant à lui, est essentiellement connu pour avoir tenu les murs de la fac Tolbiac en jouant les nervis de la CNT, étudiant professionnel n’étant toujours pas parvenu à passer sa thèse. Quant à ses co-auteurs, pas un seul qui n’ait même la très relative reconnaissance d’une fiche Wikipedia. Cette absence de « stature légitime » pourrait bien entendu être largement compensée par la qualité de leur texte. Mais pour cela, encore faudrait-il qu’ils sachent au moins construire des phrases, objectif qui, même en s’y mettant à trois, n’est pas toujours atteint.

    L’aspiration au « roman national »

    S’il y a complot médiatico-politique, alors ce serait celui qui permettrait à trois militants parfaitement inconnus de tous de se faire un nom sur le dos de Lorànt Deutsch, afin justement de contrer un phénomène pour le moins gênant au regard de l’idéologie dominante. Ce phénomène, c’est celui qui a propulsé Lorànt Deutsch où il se trouve et qui a fait l’étonnant succès des émissions d’Histoire de Stéphane Bern ou de Franck Ferrand. Ce phénomène, c’est ce qui fait dire à certains que « La télé préfère les historiens réacs », pour ne pas avouer que c’est l’audimat, en fait, qui préfère les historiens « réacs », c’est-à-dire les historiens du « roman national » tant décrié. Ce phénomène traduit une profonde aspiration du peuple français au « roman national » méprisé par les élites et retiré des programmes par les réformes de l’enseignement.

    Et qu’est-ce que ce phénomène a de tellement déroutant, de si incroyable, de si déstabilisant aux yeux de certains intellectuels ? Dans un pays ravagé par la crise économique, en pleine crise de confiance et en pleine crise d’identité, qu’y a-t-il d’étonnant à ce que le peuple éprouve un irrépressible besoin qu’on lui raconte à nouveau son Histoire ? D’où il vient, ce qu’il a accompli, quels furent ses idéaux ? Lorsque l’on dispose en outre d’une Histoire aussi exceptionnelle que la nôtre, oui, se la remémorer suffit à remonter à bon compte un moral dramatiquement en berne. Où est le complot, là-dedans ? Il faut être aveuglé par des fantasmes pour ne pas se rendre à une si naturelle évidence.

    La bataille des romans

    L’autre argument des contempteurs de cette Histoire « réac » qui envahirait les médias, est d’expliquer qu’elle est arriérée, approximative, ne tient pas compte des recherches historiques récentes et qu’elle serait prisonnière de mythologies défuntes. Parce qu’elle s’intéresse au « roman national », cette vision de l’Histoire serait forcément « étriquée » et « téléologique » (c’est à dire orienté en fonction d’une fin prédéfinie), et il serait d’autant plus absurde de l’évoquer après la « déconstruction » que l’historienne Suzanne Citron a fait du mythe national en 1989. Il faut déjà admettre que Suzanne Citron, ancienne maire PS de Domont, ait une légitimité historique suffisante – et supérieure à celles de Michelet, Lavisse ou Bainville -, pour nous « interdire » de parler après elle de « roman national. » Pointer le fait que le « roman national » est une construction, souvent a posteriori, forcément relative et partiale, de l’Histoire, n’est pas inutile. Cependant, écrire une Histoire quelconque à partir de simples sources est toujours une construction, est toujours un acte partial et téléologique. S’il est bon de n’en être pas dupe, il serait bon également de n’être pas dupe du fait qu’on n’y échappe pas. Il n’y a pas d’un côté des historiens médiatiques qui seraient enfermés dans leur vision nationale et défendraient un « roman » illusoire, et de l’autre, des chercheurs sérieux aux méthodes « scientifiques ». Il y a simplement l’opposition de deux prismes historiques, deux « romans » : le « roman national » et le « roman communiste », lequel est enfermé dans son idéologie et se prévaut fantasmatiquement d’objectivité « scientifique » au sein d’une discipline qui ne s’y prête pas, exactement comme la politique conduite par Lénine et Staline se prétendait issue d’un « socialisme scientifique ». En outre, c’est pour répondre aux nécessités de sa propre fiction que le « roman communiste » se doit de dépasser la forme nationale pour établir ses visées internationalistes. Il est donc dans sa logique narrative de dévaloriser par tous les moyens ce qui a trait à la nation et d’attaquer tous ceux qui la défendent.

    Un os…

    Il y a cependant quelque chose de neuf dans le paysage médiatique que cette polémique met en évidence, c’est que les chiens de garde, les vrais, ceux qui désespèrent de ne parvenir, pour l’heure, à siffler le reste de la meute, sont tombés sur un os. Cet os, c’est qu’à rebours des discours officiels mondialistes, multiculturalistes ou internationalistes, les Français, en l’occurrence les téléspectateurs et les auditeurs français, expriment un besoin profond de se ressaisir, en tant que peuple, à travers leur Histoire nationale. Et cela répond à une nécessité bien plus grave, bien plus intime, bien plus essentielle que les clivages partisans ou les querelles idéologiques. C’est cette nécessité qui a abouti à un véritable plébiscite obligeant des médias, contraints par l’audimat, à donner une place importante à des personnalités  qui par leurs convictions ou leur sensibilité patriotique, dénotent en effet dans la pensée majoritaire ayant cours dans ces milieux. Pourtant, il ne s’agit pas ici de danger fascisant ou autres fantasmes dont sont si friands les inquisiteurs patentés afin de se donner la sensation d’être des résistants. Il ne s’agit même pas de politique à proprement parler. Il s’agit, simplement, dans nos circonstances, d’une sorte de fatalité historique, qui pourrait du reste préluder d’un sursaut.

    (Observatoire des journalistes et de l'information médiatique, 28 octobre 2013)

     

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  • Vers l'africanisation de la France ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Falko Baumgartner, cueilli sur le site Les 4 vérités, dans lequel l'auteur se livre à une analyse éclairante des données épidémiologiques françaises concernant la détection de la drépanocytose chez les nouveaux-nés. La drépanocytose est une maladie héréditaire du sang qui concerne quasi-exclusivement les population extra-européennes, et en particulier les populations d'origine africaine.

     

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    L'africanisation de la France

    Géographiquement, la France se trouve en Europe, mais démographiquement, le pays se glisse rapidement vers l’Afrique, comme des données récentes nous l’indiquent. La France, à l’encontre des États-Unis, n’autorise pas les recensements ethniques, choisissant plutôt de suivre l’idéal d’une république sans couleur. Évidemment, tout cela ne change en rien la réalité ethnique sur le terrain, mais il est sûr que cela contribue à maintenir le peuple dans l’ignorance. Jusqu’à présent il n’existait que peu de chiffres officiels sur l’ampleur des populations immigrantes, d’une part, et des Français autochtones, d’autre part. Des renseignements utiles nous sont parvenus d’une source tout à fait inattendue: la médecine, nous signalant que nous pourrons enfin regarder d’un oeil suffisamment précis et sans préjugés la croissance massive de la population non-blanche en France.

     

    Depuis 2000, le pays mène un programme national de dépistage de la drépanocytose, une maladie génétique, propre, pour la plupart, aux peuples non-européens. Pourtant, en raison de l’immigration du Tiers Monde, elle est devenue la maladie génétique la plus répandue dans la France d’aujourd’hui. Dans le but de fournir le plus tôt possible des soins contre la maladie, l’Institut de veille sanitaire a défini des groupes ciblés susceptibles d’être testés, dont la plupart sont des peuples d’origine africaine, de l’Afrique du Nord et subsaharienne, ainsi que des Amériques. Un deuxième groupe ciblé consiste en des peuples d’origine proche- et moyen-orientale (la Turquie, la péninsule arabique et les pays arabes qui se trouvent entre les deux) et des Indes. Le reste consiste en des migrants d’un littoral relativement petit de l’Europe du Sud, à savoir le Portugal, l’Italie du Sud, la Grèce et les îles de Corse et la Sicile.

     

    Les nouveaux-nés en France sont définis comme « étant en danger de la drépanocytose lorsqu’au moins un parent vient d’une région à risque » où le gène responsable sévit. La politique nationale de dépistage basée sur l’origine ethnique des parents nous permet de voir l’entière portée de la démographique non-blanche en croissance rapide au sein de la population française:

     

    En 2000, 19% de tous les nouveaux-nés en France métropolitaine avait au moins un parent originaire des régions susmentionnées. Ce chiffre est monté à 28,45% en 2007 et jusqu’à 31,50% en 2010, soit, en tout, 253.466 nouveaux-nés sur 805.958. Autrement dit: en une décennie, le nombre de bébés (en partie) non-européens en métropole est passé d’un cinquième à presque un tiers.

     

    L’étude médicale nous fournit encore plus de données, à savoir une analyse par région (voir la carte ci-dessous). On y apprend qu’en 2010, 60% des nouveaux-nés en Île-de-France, essentiellement Paris, descendaient de non-européens. En Provence-Alpes-Côte-d’Azur, où le Front National de Le Pen est particulièrement fort, la proportion des non-blancs était de 43,2%; en Languedoc-Roussillon voisin, 41,6%. Le taux le plus faible était de 5,5%, en Bretagne. Dans chacune des vingt-deux régions de la France métropolitaine la proportion des nouveaux-nés issus de l’immigration a augmenté entre 2007 et 2010.

     

    Que peut-on opposer à ces chiffres? Pas grand-chose, en effet: ils justifient toutes les apparences. Si les auteurs de l’étude affirment que le dépistage des nouveaux-nés ne se fait pas universellement, ils considèrent les cas omis comme étant « relativement rares ». Ceux-ci, dans tous les cas de figure, ne réduiraient pas, mais augmenteraient la proportion de bébés non-blancs dans la population. Il ne reste que les immigrants de l’Europe du Sud, qui ne sont pas inclus à titre indépendant dans les statistiques, comme le facteur inconnu dans ces calculs. Combien sont-ils dans le groupe ciblé? Faut-il réviser à la baisse de façon significative le nombre de bébés non-blancs pour accommoder leur part dans le groupe ciblé? Je répondrais que ça ne changerait en rien la tendance: quoiqu’il y ait, selon les données, des millions de descendants des peuples italiens en France, la plupart d’entre eux sont là depuis des générations. Pourtant, le dépistage, si je comprends bien, a été réservé aux bébés dont le père et/ou la mère vient/viennent d’une des régions à risque. Il ne comprend donc que l’immigration récente.

     

    Les auteurs de l’étude médicale eux-mêmes ne laissent pas de doute sur ce qu’ils considèrent comme la cause principale de la montée de la drépanocytose. Ils l’attribuent, carrément, à la hausse de l’immigration africaine ou, pour les citer: « le résultat de la croissance de la population dans les régions afro-antillaises du DOM, et maintenant de l’immigration essentiellement de l’Afrique du Nord et de l’Afrique subsaharienne en France métropolitaine. »

     

    Or, mon souci, ce n’est pas l’évolution de la drépanocytose, en tant que maladie, mais le déclin démographique subite de la France blanche que ces chiffres démontrent, et l’interdiction au droit d’en parler dans le climat multiculturaliste qui sévit actuellement en Europe.

     

    Comme je suis politologue de profession, je regarde avec envie ces scientifiques médicaux, biochimistes, et génétistes libres – sans l’entrave du langue de bois et apparemment totalement inconscients des implications retentissantes de leurs statistiques – discuter sur ce qui revient pour le moins au changement démographique le plus profond que la France ait connu depuis la conquête par les Francs et la création de l’État français lui-même.

     

    C’est frappant: on n’a qu’à remplacer « bébés ciblés » avec « nouveaux-nés afro-orientaux », puis regarder la carte de la population testée en France, pour avoir une idée assez complète de ce que la France des Lumières refuse depuis longtemps de communiquer à son peuple: que la France blanche, la France originale, la France qui a fait la France, est en voie de disparition progressive, faisant  place à une société hybride eurafricaine. L’immigration massive est devenue autodestructrice pour le pays de Voltaire. On pourrait soutenir que même les immigrants en tirent des rendements décroissants: plus la France disparaît, et moins le pays retient le caractère qui les avait attirés en premier lieu.

     

    Lorsque j’ai dit « assez complète », ce n’était pas entièrement exact. La situation démographique de la France blanche est, en vérité, encore pire pour deux raisons: premièrement, mon analyse n’a pas encore abordé le sujet des départements d’outre-mer occupés depuis toujours par des populations d’ethnies diverses. En incluant ces nouveaux-nés, qui sont dans leur totalité soumis à un dépistage de la drépanocytose, la portion des naissances non-blanches pour toute la France monte à 34,6% (292.041 nouveaux-nés). En second lieu, les chiffres de dépistage ne comprennent pas tous ces groupes d’immigrants non-européens qui ne sont pas génétiquement prédisposés à la drépanocytose, comme les Asiatiques orientaux et les Hispaniques. Lorsqu’on y ajoute leurs taux de naissances, la proportion des Français de race blanche se trouve encore réduite d’une quantité inconnue.

     

    L’ironie amère c’est que ces chiffres sur la population laissent entendre que la France a été plus radicalement transformée par ses anciennes colonies qu’elle ne les a elle-même transformées. À l’encontre de la Grande Bretagne, son rival maritime, la France n’a jamais réussi son entreprise coloniale. Sa seule colonie permanente notable c’est le Québec auquel elle n’a envoyé que dix mille colonisateurs au plus. S’il y a une « revanche des colonies », comme prétendent ces gauchistes dont l’égo se gave de la culpabilité de l’Occident, il n’y a aucun doute que la France en reçoit plus que son dû.

     

    Comme l’Amérique, la France a toujours été fière de se présenter au monde entier comme la championne des valeurs républicaines modernes et « culturellement neutres ». Sa réussite historique à faire rayonner ses Lumières partout dans le monde est indéniable. Mais ce rôle de phare l’a aveuglée aux effets négatifs qui se sont produits dans son propre pays: elle ne s’est jamais pleinement rendu compte que la propagation totale de ces idéaux ont en même temps engendré un citoyen culturellement et ethniquement éventré, un être dépossédé de ses propres racines, à qui le droit même de les posséder est interdit. Elle n’a jamais tout à fait compris qu’un sens fort de l’identité culturelle et ethnique n’est pas l’ennemi des valeurs démocratiques, mais plutôt leur complément nécessaire et naturel. Elle a oublié que la Révolution française, son cadeau offert au monde démocratique, n’a pas été créée dans un vide ethnique et culturel, mais par un peuple doué d’une identité et d’une histoire: une identité blanche européenne.

     

    Il se peut donc que ce ne soit pas une coïncidence que la France, comme l’Amérique, est parmi les premiers pays occidentaux à être victime démographique de son propre déni de culture et ethnie. Dans un sens, le cercle historique est bouclé: ce que la France, au départ, exportait comme une idée: la république radicalement déculturée, la laisse désormais sans les moyens de faire face à sa rapide déeuropéenisation – la révolution dévore ses enfants, pour de bon.

    Falko Baumgartner (Les 4 vérités, 31 juillet 2013)


    Sources

    J. Bardakdjian-Michau, M. Bahuau, D. Hurtrel, et al.: « Neonatal screening for sickle cell disease in France », in Journal of Clinical Pathology, January 2009, Volume 62, Issue 1, Pages 31-33 (http://jcp.bmj.com/content/62/1/31; également disponible en format pdf à:

     

    http://hailtoyou.files.wordpress.com/2012/10/neonatal-screening-for-sickle-cell-disease-in-france1.pdf)

     

    J. Bardakdjian-Michau, M. Roussey: « Le dépistage néonatal de la drépanocytose en France » (Newborn screening for sickle cell disease in France), in Bulletin épidémiologique hebdomadaire: « La drépanocytose en France: des données épidémiologiques pour améliorer la prise en charge » (Sickle cell disease in France: epidemiological data to improve health care management), July 2012, Issue 27-28, Pages 313-317 (http://www.invs.sante.fr/pmb/invs/%28id%29/PMB_10831)

     

    Traduit de l’anglais par Tiberge (http://galliawatch.blogspot.com)

     

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  • Merci à la Russie ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la politique de puissance de la Russie.

     

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    Merci à la Russie !

    Le Système médiatique occidental diabolise en permanence la Russie contemporaine. Quoi qu’il fasse, le président Poutine est systématiquement présenté dans les médias comme un dangereux autocrate, un mafieux ennemi  des droits de l’homme et des Femen, ainsi qu’un fauteur de guerre froide.

    Par exemple, quand la Russie se trouve elle aussi aux prises avec le terrorisme islamique, on nous dit qu’elle terrorise les gentils Tchétchènes. Quand elle met au pas l’oligarchie économique et financière qui bradait les richesses nationales depuis la chute de l’URSS, on nous dit qu’elle menace les libertés. Quand elle encourage la natalité et la famille, on nous dit qu’elle est homophobe. Quand quelques isolés manifestent contre le gouvernement, on nous dit que la rue est contre Poutine et tout à l’avenant.


    La Russie ? Une résistance bénéfique à l’ordre mondial

    Pareil biais, alors que l’URSS ne subissait pas du tout le même traitement médiatique, ne peut signifier qu’une chose : que la Russie incarne une résistance bénéfique à l’ordre mondial que veulent imposer les Anglo-Saxons et les valets qu’ils recrutent dans l’oligarchie occidentale.

    A l’heure du renversement des valeurs, instrument de cette tentative, on peut sans se tromper affirmer que la Russie reste dans le vrai quand l’Occident sombre dans l’erreur et le déclin. C’est pourquoi l’Occident cultive la haine de la Russie.

    Mais cela veut dire aussi que la Russie redevient un modèle à suivre pour les vrais Européens.


    La Russie fière de son passé comme de son identité

    On a un peu vite oublié en Occident que le peuple russe a payé très cher – par des millions de morts – son entrée dans le XXe siècle, l’instauration du communisme et sa victoire dans la seconde guerre mondiale : un sacrifice qui dépasse de très loin celui supporté par les Occidentaux et notamment les Etats-Unis, bien à l’abri dans leur continent-île.

    Pourtant la Russie a su tourner la page et intégrer ce passé tragique dans son histoire comme dans ses monuments, à la différence d’un Occident déboussolé qui ne cesse de ressasser la repentance instrumentée des « heures-sombres-de notre-histoire » et de nous rejouer les drames de la seconde guerre mondiale.

    La Russie a aussi retrouvé son âme orthodoxe, c’est-à-dire chrétienne, alors qu’en Occident, soumis au culte de Mammon et du Veau d’homme, les églises sont vides et les mosquées se remplissent.

    Merci à la Russie de nous démontrer qu’on peut entrer dans le XXIe siècle en restant soi-même.


    Le cauchemar des Anglo-Saxons

    Les Anglo-Saxons ont un cauchemar : celui d’une Europe puissance, d’une « maison commune » de l’Atlantique à l’Oural à laquelle ont rêvé tant de grands Européens. Toute leur diplomatie depuis deux siècles vise à rendre ce rêve impossible.

    En Europe occidentale, l’instrument de cette diplomatie se nomme aujourd’hui Union européenne. C’est-à-dire une machine (un « machin », disait De Gaulle) destinée à détruire la souveraineté et la liberté des Etats, à détruire leur prospérité et à remplacer leur population ; un empire du néant, qui doit s’ouvrir à tous les vents à la condition de rester prisonnier des « liens transatlantiques », c’est-à-dire de rester vassal des Etats-Unis.

    A l’est, l’instrument de cette diplomatie se nomme diabolisation, affaiblissement et isolement de la Russie. Car la Russie a cher payé aussi l’implosion de l’URSS : un pays ruiné, mis en coupe réglée par les oligarques, entouré d’une ceinture d’Etats plus ou moins artificiels mais dans l’orbite occidentale, une armée détruite face à l’OTAN renforcé et agressif.

    A la chute de l’URSS, les Occidentaux sous la direction américaine se sont immédiatement engagés dans une stratégie d’isolement de la Russie, dont l’affaire du Kossovo a constitué le point d’orgue, après la désagrégation de la Yougoslavie. Sans parler de la tentative de s’approprier ses ressources naturelles et de lui injecter les « valeurs » – c’est-à-dire les vices décadents – des Occidentaux.  En clair, les Occidentaux donneurs de leçons n’ont eu de cesse de profiter et d’amplifier la faiblesse de la Russie.

    Toute l’action de la présidence Poutine vise au contraire à recouvrer la puissance et la souveraineté de la Russie. Voilà qui insupporte nos maîtres.

    Merci à la Russie de faire de la puissance une idée neuve en Europe.


    Un monde multipolaire grâce à la réapparition de la puissance russe

    La chute de l’Union soviétique fut, bien sûr, une bonne nouvelle, marquant la fin de la menace communiste en Europe. On ne la regrettera pas. Mais elle a fait aussi disparaître un contrepoids à l’unilatéralisme yankee et à sa prétention, ridicule mais dangereuse, d’imposer un modèle de société humaine indépassable.

    On a vu ce qu’a donné en quelques années un tel unilatéralisme libéré de tout contrepoids : les conflits et les agressions militaires à répétition, la déstabilisation du Moyen-Orient ou la mise en œuvre d’un libre-échangisme débridé aux effets destructeurs.

    Les vrais Européens ne peuvent donc que se réjouir de voir réapparaître la puissance russe. L’Europe manque désespérément de puissance, en effet, dans un monde de plus en plus dur et concurrentiel, face aux grands blocs de l’Asie, de l’Amérique et de l’Afrique.

    La réintroduction de la puissance russe dans le jeu diplomatique mondial aura nécessairement des effets positifs, comme le montre déjà l’affaire syrienne. La Russie a résisté clairement et patiemment en effet aux fauteurs de « frappes »  en vue d’une solution politique en Syrie. C’est-à-dire qu’elle s’est prononcée en faveur de la stabilisation contre l’aventure.

    Il faut que le pouvoir arrête le pouvoir : merci à la Russie de nous rappeler cette antique loi européenne.


    A l’est la liberté

    Contrairement à ce que nous serinent nos médias, la démocratie – c’est-à-dire le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple – et la liberté sont moins menacées en Russie qu’en Europe occidentale.

    Comme il est curieux qu’un Snowden, qui a dévoilé au monde la réalité de  l’espionnage des communications mondiales par les Etats-Unis et leurs alliés, ne puisse trouver refuge qu’en Russie ! Mais pas en Europe de l’Ouest qui se targue pourtant d’accueillir à bras ouverts les réfugiés du monde entier. Comme il est curieux qu’un acteur français célèbre, lassé du fiscalisme et de la médiocrité ambiantes, préfère rejoindre la Russie plutôt que la côte est des Etats-Unis !

    C’est que l’Occident ne vit plus en démocratie mais en post-démocratie : un régime de totalitarisme mou qui vide la nationalité et la citoyenneté de leur sens, un régime où l’Etat se dresse contre la nation et installe la loi de l’étranger. Car les vrais oligarques ne prospèrent qu’en Occident : en Russie ils sont sous contrôle ou ils vont en prison.

    Merci à la Russie de nous rappeler que le salut du peuple – et non celui des banques ou des lobbys – doit rester la loi suprême des Etats.

    Michel Geoffroy (Polémia, 10 septembre 2013)


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  • Syrie : vendre la guerre...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec François-Bernard Huyghe, cueilli sur le site de TV5 Monde et consacré à l'analyse de la propagande mise en œuvre pour convaincre l'opinion publique de la légitimité d'opérations de guerre contre la Syrie. François-Bernard Huyghe est l'auteur de nombreux essais consacrés à l'infostratégie comme L 'Ennemi à l'ère numérique, Chaos, Information, Domination (PUF, 2001) ou  Maîtres du faire croire. De la propagande à l'influence (Vuibert, 2008). Il a dernièrement publié avec Alain Bauer Les terroristes disent toujours ce qu'ils vont faire (PUF, 2010).

     

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    Syrie : de l'art de vendre la guerre à une opinion récalcitrante

    Pédagogie, explications, information de la part des dirigeants politiques occidentaux pour la promotion de l'utilisation de la force, mais propagande lorsque Bachar al-Assad s'exprime : la propagande n'existe donc pas en France et aux Etats-Unis et seulement ailleurs, comme en Syrie ?

    Il est bien connu que nos idées sont des idées vraies, et que les idées des autres sont des idées mensongères et dangereuses ! L'usage du mot propagande fait lui-même partie de la propagande. Et il est entendu, que nous, les occidentaux, nous faisons de la communication, de la pédagogie, parce que, vous savez, le peuple n'est pas très malin, il faut un petit peu l'éclairer, tandis que les autres (qui ne sont pas nos alliés, ndlr) sont par essence mauvais, ils n'obéissent pas comme nous à un désir de justice et ils ont des intérêts immondes. Donc, leur parole est par nature mensongère. Le jeu pour qualifier l'autre de propagandiste est le jeu le plus classique de ce que l'on peut appeler "la vente de la guerre", une sorte de mise en forme de la guerre. La preuve de ce que je dis remonte à 1918, avec un Lord anglais, Lord Ponsonby qui a dénoncé les mensonges de guerre de son propre pays, l'Angleterre, lors de la première guerre mondiale. Il a donné un certain nombre de règles, de points (voir encadré, les méthodes de propagande en cas de conflit). Il y a par exemple, "nos adversaires utilisent des armes illicites, nous pas", et aussi "nos adversaires mentent et font de la propagande, nous pas", et surtout, "ceux qui croient ce que disent nos adversaires sont soit des imbéciles, soit victimes de la propagande".
     
    Mais, c'est aussi ce que font les dirigeants des pays comme la Syrie ou l'Iran ?

    Bien entendu, on  peut lire les échos de ces pays par leurs agences, en anglais et en français : les arguments sont retournés, ce sont les occidentaux qui sont par nature des impérialistes. Par exemple, Bachar el-Assad a expliqué que les Français étaient les "toutous du Qatar". C'est un élément intéressant dans la propagande effectuée de l'autre côté : il donne une grille où ce sont les sunnites qui égarent les pauvres occidentaux pas très malins comme les Français, enfin leur président, en tout cas. Ce qui amène les Américains à faire des choses contradictoires avec leurs propres intérêts, puisque comme nous dit souvent Bachar, "vous êtes en train d'aider Al-Qaïda et les gens qui ont fait le 11 septembre."
     
    Assiste-t-on à une sorte de "vente de la guerre", présentée comme un produit auquel il faut adhérer, une guerre parée de vertus ? Il faudrait croire à une sorte de guerre nécessaire, qui ne s'en prend pas aux populations, mais seulement aux symboles du régime syrien  ? Difficile à croire, non ?

    Les arguments de vente sont importants : le produit est sans danger puisque grâce aux frappes chirurgicales vous ne toucherez que des méchants et vous ne serez responsable d'aucune victime civile innocente. Notez que les victimes civiles sont toujours innocentes. Vous ne prendrez aucune risque puisque des missiles très très perfectionnés vont faire le travail à distance. On insiste quand même sur le côté "aucun soldat ne sera perdu", et puis qu'Obama est beaucoup plus malin que Bush : il n'envoie pas des soldats sur un sol étranger. Enfin, il y a l'argument éthique qui est très important, puisqu'on nous dit que si nous ne faisons rien, nous serions des salauds, au sens "sartrien" du terme, c'est-à-dire indifférents à la souffrance des autres. Cette guerre, si elle se déclarait, a pour but de faire une punition morale, elle n'a donc en aucune façon l'objectif d'acquérir un territoire ou un avantage. Elle est désintéressée. C'est une guerre policière, nous sommes chargés par la communauté internationales, même si l'ONU vote contre nous, d'être les chevaliers de l'universel. On retrouve les trois éléments de la rhétorique d'Aristote : Ethos, pathos, logos. Ethos, avec l'obligation morale de faire cette guerre, pathos, avec le "regardez comme c'est horrible", et logos avec le "oui, c'est logique de la faire, en plus on va la gagner".
     
    L'adhésion de l'opinion est nécessaire pour les dirigeants, mais l'opinion se cabre : peut-on penser que les citoyens occidentaux, après les révélations des mensonges sur la guerre d'Irak de 2003, puis les fuites de Wikileaks, celles d'Edward Snowden, ne croient plus vraiment dans la parole de leurs dirigeants ?

    Il y a plusieurs couches dans la réponse : un premier fait est évident, c'est qu'après s'être fait balader avec le canon de Saddam qui allait tirer des gros obus à gaz sur Jérusalem, les faux cadavres de Timisoara, le génocide du Kosovo où on allait retrouver des charniers partout, les armes de destruction massive de Saddam qui allait avoir la bombe atomique dans les trois semaines, le public est devenu très sceptique, il n'est pas idiot. Cela va de pair avec un scepticisme plus général : il y a de moins en moins de confiance dans la classe politique mais aussi envers les média. Dans le cas d'Obama, s'être fait élire en disant "je mettrai fin à la guerre d'Irak", ce qui est un mensonge puisque les accords de départ des soldats d'Irak ont été signés par les Républicains, avoir le prix Nobel de la paix en envoyant le même mois 30 000 soldats en Afghanistan, etc, c'est un peu difficile à avaler. Obama était dans l'image du bon démocrate pacifique opposé au crétin-sanglant Bush, et ce type merveilleux qui incarnait Martin Luther-King en joueur de golf, ce type merveilleux, ne libère pas les gens de Guantanamo, surveille la presse, laisse s'organiser une chasse aux sorcières de ses opposants par les services fiscaux. L'archange Obama est en train de défendre Prism, XKeyscore (les programmes de surveillance numérique planétaire de la NSA, ndlr). Sur la preuve de la responsabilité du régime syrien dans l'attaque chimique du 21 août, ce sont des écoutes qui sont censées être des preuves. Mais les écoutes n'ont pas été divulguée par le gouvernement américain, il y a seulement des retranscriptions où l'on entend un haut responsables du régime syrien poser des questions et qui dit : "mais qu'est-ce que c'est que ça, il y a eu une attaque chimique, est-ce que c'est nous qui avons fait cette chose là ?" Mais on n'a pas la réponse.
     
    Que peuvent faire ceux, qui souhaitent l'intervention militaire ? Parler de Munich, comme Kerry, effectuer un parallèle entre Assad et Hitler ?

    Chez nous, on est dans une rhétorique où Bachar est "le Hitler de l'année", le méchant qui tue son propre peuple. L'hitlérisation est un grand classique de la propagande. C'est ce qui est appelé le "point Godwin", une théorie qui établit que dès qu'une discussion devient un peu polémique et un peu stupide, l'un des participants va comparer l'autre à Hitler. Hitler est devenu un peu le pilier symbolique de notre civilisation, le "référent horrifiant", comme j'ai l'habitude de dire : ça paralyse totalement le raisonnement. Une des armes de la propagande dans ces domaines là, est de prêter des sentiments horribles ou des desseins horribles à l'autre. Vient ensuite l'argument, qui est déjà utilisé aux Etats-Unis, sur le fait que l'on ne fait que se défendre : si on laisse faire Bachar el-Assad cette fois-ci, tous les dictateurs feront pareil, et c'est donc très dangereux pour la sécurité des Etats-Unis.
     
    On en vient à penser que la propagande est générale, et qu'il ne faut plus croire personne : comment savoir ce qui est de l'ordre de l'information et ce qui est de l'ordre de la propagande ?

    Ca c'est un travail qui est dur : Churchill disait "la première victime de la guerre, c'est la vérité". On peut dire que la propagande est extrême, donc tout doit être fait pour faire disparaître l'intelligence et la nuance. Mais je ne suis pas totalement pessimiste : il y a pas mal de mensonges de guerre, de bidouillages, qui ont été découverts, documentés après coup. Les lanceurs d'alerte américains révèlent pas mal de choses sur les malversations de leur pays. Des militaires américains ont dénoncé en Irak le fait que des néo-conservateurs étaient présents en grand nombre et faisaient remonter en permanence des informations redondantes qui allaient dans leur sens mais pas les autres. C'est une technique de propagande, là aussi, de manipulation de l'opinion : vous faites travailler des tas de gens des services de renseignement sur le terrain, etc, et ces gens gens là sont le plus souvent fort honnêtes. Mais il y a un moment où il faut que vous synthétisiez l'information, et si vous ne retenez que les éléments à charge, oubliez les autres, citez cinq fois ce qui va dans un sens et que vous évoquez à peine ce qui va dans un autre, vous obtenez des choses particulières. On peut penser à ce document de Matignon, présenté il y a quelques jours, comme preuve de la responsabilité du régime syrien dans l'attaque chimique et qui a été écrit par un énarque. Il n'y a aucune preuves dans ce document, mais un faisceau de présomptions, des convictions.
     
    L'opinion pourrait-elle se retourner, en fin de compte, en faveur de l'intervention, une fois la "vente" de cette guerre effectuée : au cas où la proposition russe de destruction des armes chimiques ne fonctionnait pas ? Il est souvent discuté du façonnage de l'opinion, de la fabrique du consentement…

    Très souvent, quelques jours avant une guerre, il est normal que les gens ne veuillent pas faire la guerre et sont plus portés pour qu'on cherche une solution politique. Ensuite, il y a le réflexe de légitimité une fois le premier coup de canon donné. Puis, la légitimité est concentré le plus souvent par des révélations d'horreur qui sont découvertes. Là, en général, la "côte", si j'ose dire, de la guerre, remonte, surtout chez les plus de 50 ans, parce ce que sont des générations qui sont plus touchées par le sujet. Dans le cas de la Syrie, si il y avait intervention, il n'est pas certain que la légitimité "du premier coup de canon" fonctionne. Les images d'exécutions de soldats par des rebelles, celles du rebelle cannibale, sont un repoussoir. Plus le fait de ne pas vouloir faire la guerre avec Al-Quaïda, qui est un message qui prend bien aux Etats-Unis, comme celui, en France, d'être au service de l'Arabie saoudite et du Qatar, donc d'aider à massacrer des chrétiens. Ca n'aide pas. Surtout pour la France : quand on veut être les chevaliers universels mais sans preuves, sans l'ONU, sans l'Europe, et considérer des pays munichois pourris et immondes comme la Russie, la Chine, l'Inde, le Brésil, l'Allemagne et le Vatican, puisque le Pape est contre, là c'est dossier qui n'est en fin de compte pas très bien vendu dès le départ.
     
    François-Bernard Huyghe, propos recueillis par Pascal Hérard (TV5 Monde, 11 septembre 2013)
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