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Points de vue

  • La fin des débats : vers une autre révolution...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Richard Dessens, cueilli sur le site d'Eurolibertés et consacré à la fin des débats apaisé et convenus.

    Docteur en droit et professeur en classes préparatoires, Richard Dessens a notamment publié La démocratie travestie par les mots (L'Æncre, 2010), Henri Rochefort ou la véritable liberté de la presse (Dualpha, 2017) et La démocratie interdite (Dualpha, 2018).

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    La fin des débats : vers une autre révolution

    Le débat est fécond dit-on. La confrontation des idées constituerait le moteur d’une démocratie saine et apaisée, même si le débat peut être virulent. C’est en tout cas ce qui s’est passé jusqu’à présent, dans la mesure où le principe même du débat repose sur l’acceptation par les parties en présence de valeurs communes, d’une doxa largement partagée. La représentation nationale reflétait d’ailleurs cette configuration dans laquelle la gauche et la droite s’affrontaient à fleurets relativement mouchetés en se partageant le pouvoir avec toutes les variantes ou les sensibilités qui voulaient laisser croire à des oppositions importantes. Mais, sur le fond, et quelle que soient leurs différences d’approche, gauche et droite raisonnaient sur les mêmes fondements : valeurs démocratiques, droits de l’homme, modération en toutes choses. D’ailleurs sur les « grands sujets » sociétaux notamment, gauche et droite votaient largement ensemble : avortement, abolition de la peine de mort ; car dans la « gauche » on trouvait de nombreuses variantes de même que dans la « droite » sur laquelle les idées de gauche avaient imprégné sur de larges pans. Ainsi, « débattre » devient un exercice de bon aloi, avec parfois des dehors d’une violence affectée, et aboutit à des solutions finalement à la marge, sans jamais remettre en cause la doxa démocratique des Lumières, avec un regard bienveillant sur la Révolution et une admiration pour les penseurs de la IIIème République, plus les droits de l’homme et l’exaltation du capitalisme et de la mondialisation venus compléter ce qu’il faut penser à droite comme à gauche.

    S’agit-il alors de véritables débats dans des conditions qui l’encadrent étroitement ? Le XXIe siècle est en train de prouver le contraire, dans la suite de la théorie d’un « choc des civilisations » qui anéantit toute sorte de débat apaisé et convenu. Au niveau national, l’émergence de LFI rebat les cartes par sa remise en cause les modes de vie et les identités traditionnelles séculaires; en théorisant à l’extrême la mixité et la mondialisation ; en prônant l’immigration massive et le wokisme, entre autres menées révolutionnaires. Comment débattre lorsque les grilles de pensées des débatteurs sont fondamentalement opposées ? Personne ne parle plus alors ni des mêmes choses, ni ne se base sur les mêmes principes de pensée. Le débat devient un dialogue de sourds. Seule une révolution violente peut permettre de sortir d’une telle situation dans laquelle aucun consensus ne peut plus mettre d’accord personne. Le Front National de Jean-Marie Le Pen a été un temps dans cette situation de principe qui remettait en cause les vérités intouchables qui fondaient nos régimes politiques bien équilibrés et consensuels au fond. Sa philosophie, sa conception de la société et de l’identité nationale, de la civilisation, ses valeurs, rien ne correspondait aux règles convenues et censées inviolables au risque d’être rejeté, ostracisé, diabolisé. Par conséquent aucun débat n’était possible. C’est bien ce qu’a compris sa fille qui a su se couler dans le moule des concepts intouchables de la gauche et de la droite traditionnelles.

    Le verrouillage du débat est une réalité qui tient aux tournants radicaux que la pensée politique mais surtout philosophique, conceptuelle, est en train de prendre. Tournants certainement révolutionnaires qui peuvent soit faire peur, soit ouvrir de nouveaux horizons, le tout étant de savoir : quelles sortes d’horizons ? Guerres civiles probablement dans tous les cas, jumelées et renforcées avec une présence très importante d’éléments extra-européens prompts à faire triompher leurs propres valeurs contre celles de leur terre d’accueil. Sauf à conserver la passivité qui permettra d’accepter ou de subir, résigné, le sort promis par les nouvelles révolutions issues d’une immigration invasive et conquérante, et encadrées par les nouveaux penseurs de type LFI.

    Mais, aussi bien, d’autres philosophies, ou concepts, pourraient rejaillir ou émerger, basés, ceux-ci, sur une approche radicalement différente, eux aussi, qui ne serait pas une « contre-révolution » mais une « autre révolution ». Idéal nationaliste ou d’une Europe raciale fondée sur d’anciennes valeurs actualisées ? Ou d’autres encore. Rien n’est plus à écarter à l’occasion du grand chambardement qui s’annonce.

    Au plan international, une réflexion sur la véritable nature du débat s’impose aussi aux mêmes lumières. Si, par exemple, on prenait le temps, et si on s’intéressait sérieusement à l’histoire de la Russie depuis le 9ème siècle, cela permettrait de comprendre que la position de la Russie actuelle est parfaitement compréhensible, alors qu’un « débat » sur le fondement de la culture politique et historique de l’Europe de l’Ouest, et notamment de la France, est incompatible avec les valeurs d’une Russie aux concepts très différents, à la manière de penser distincte de celle de nos dirigeants européens. Dialogue de sourds là aussi, valeurs et objectifs différents, histoires forgées sur des évènements sans communes mesures. Si la Russie (ou plutôt les trois Russie (approximativement : Russie blanche -ou Biélorussie Est-Pologne aujourd’hui-, Petite Russie -Ukraine d’aujourd’hui- et Grande Russie -Russie centrale européenne) est proche de l’Europe, elle est surtout le trait d’union entre l’Europe et l’Asie, dont elle a subi l’invasion plus de deux siècles en en conservant de nombreuses traces. En outre son histoire et son identité orthodoxe – Moscou est la Troisième Rome- face à une Europe catholique ou protestante, ont pesé lourd dans ses rapports et ses politiques avec l’Europe. Sa position d’aujourd’hui n’est que la continuité difficile, meurtrière et remplie de souffrances terribles de six siècles d’histoire depuis Ivan IV, Pierre le Grand et Catherine II notamment.

    Là encore peut-on parler sérieusement de débat possible, de type UE, sur les critères des démocraties européennes et européistes ?

    N’est-il pas temps de reconsidérer les relations nationales et internationales sur d’autres bases que celles qui ont fait, ou défait, le monde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ? Cesser de vouloir imposer la loi et la pensée d’un plus fort, l’Europe, qui ne l’est plus sur aucun plan à commencer par l’ « intelligence » de ses valeurs universelles, ses vérités immuables, son « état d droit ». Au plan national, européen ou international au sens large, le débat est mort et il n’y a plus de solutions acceptables à en attendre aujourd’hui. Au profit peut-être du respect des valeurs des autres, de la compréhension de leurs nécessités vitales, chacun dans sa sphère, ses territoires historiques et civilisationnels, et dans son domaine d’influence. Discussions dans lesquelles la force de la volonté, la fierté de ses identités et la puissance assumée permettent de se tenir à distance et d’établir de nouveaux équilibres qui permettent toutefois d’autres et nouveaux échanges fructueux.

    Richard Dessens (Eurolibertés, 19 mars 2025)

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  • Vers une bombe atomique européenne ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Georges Feltin-Tracol cueilli sur Euro-Synergies et consacré à la question de la mise en place d'une dissuasion nucléaire européenne.

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    Vers une bombe atomique européenne?

    C’est l’Arlésienne de la géopolitique française et européenne. C’est aussi l’impensé de la stratégie militaire et diplomatique sur le continent européen depuis la fin de la première Guerre froide (1947 - 1991). Le Brexit accentue son acuité face aux fractures récentes du bloc atlantiste.

    Le sujet revient au premier plan de l’actualité avec la distance prise par les États-Unis trumpiens par rapport au conflit russo-ukrainien. La vive algarade à la Maison Blanche entre Volodymyr Zelenski, Donald Trump et J. D. Vance confirme le dégagement, plus ou moins partiel, des intérêts étatsuniens en Europe. Le 14 février dernier, le nouveau secrétaire étatsunien à la Défense, Pete Hegseth, avait déclaré que l'Europe devait s’attendre que la présence des troupes US sur le continent ne durerait pas éternellement.

    Ces deux faits tétanisent les pitoyables responsables européens qui ont cru en la permanence du protectorat étatsunien. Quelle naïveté ! Ce bouclier militaire et diplomatique est désormais bien ébréché. Qui pourrait désormais remplacer cette ancienne protection de huit décennies? Certaines capitales du Vieux Monde regardent la France. Pourquoi ? Paris dispose d’une force de dissuasion nucléaire indépendante (en partie, car des composantes proviennent des industries étatsuniennes). Le thème d’étendre la dissuasion française au champ européen n’est pas neuf. De Valéry Giscard d’Estaing à Emmanuel Macron, tous les chefs d’État hexagonaux appelèrent plusieurs fois à un réveil de la conscience européenne en matière de défense commune. Par exemple, dès 1996, Jacques Chirac souhaitait instituer un pilier européen au sein de l’OTAN. Il suggérait même que le commandement en Méditerranée revînt à un amiral européen et non pas yankee. Washington rejeta ces deux demandes et les interlocuteurs européennes de Chirac montrèrent leur franche hostilité, atlantisme oblige.

    Outre la Russie et les États-Unis dont quelques bases situées en Europe détiennent des fusées nucléaires, les deux seules puissances atomiques sur le Vieux Continent sont la Grande-Bretagne et la France. Or le premier ministre britannique ne peut pas déclencher seul le feu suprême. Il doit d’abord en référer à Washington. Des éléments des ogives nucléaires sont d’origine étatsunienne ainsi que leur maintenance. Au contraire, le président français reste, en cas d’éventuelle tragédie, le seul ordonnateur de la riposte fatidique.

    Toutefois, il faut regretter la suppression au nom des « dividendes de la paix » des vecteurs de la dissuasion nucléaire. Ceux-ci ne sont aujourd’hui qu’aéroportés et sous-marins. N’existent plus le missile sol – sol nucléaire à courte portée tactique Hadès (photo) et le site de lancement de missiles balistiques nucléaires aménagé sur le plateau d’Albion à cheval sur la Drôme, le Var et les Alpes-de-Haute-Provence sans omettre l’abandon criminel et honteux de la bombe à neutrons adaptable sur le système Hadès.

    Ces tristes constats empêcheraient-ils que la dissuasion nucléaire française puisse suppléer le parrain yankee ? En d’autres termes, la France pourrait-elle protéger par sa « Bombe » Helsinki, Stockholm, Riga, Vilnius, Varsovie et Bucarest ? Des souverainistes obtus refusent l’idée. Pour eux, la dissuasion, acmé de la souveraineté nationale, ne se partage pas. En effet, la souveraineté partagée est une chimère politique inapplicable. En revanche, la souveraineté se décline selon le principe de subsidiarité en promouvant l’enchâssement des souverainetés familiales, communales, régionales, nationales, continentales, économiques et professionnelles. La bureaucratie soi-disant européenne pervertit ce principe essentiel trop mal connu de l’opinion.

    Réunir en urgence un Conseil européen avec son président, la sinistre présidente de la Commission de Bruxelles et vingt-sept chefs d’État et de gouvernement afin de trancher par un vote unanime ou à la majorité qualifiée de recourir à l’arme ultime serait dispendieux et inutile. On peut penser que si la France étend sa couverture militaire aux vingt-six autres États-membres de l’Union dite européenne, le pouvoir de décision fatidique reviendra toujours au seul président français. D’ailleurs, lors de son intervention radio-télévisée du 5 mars dernier, Emmanuel Macron a réaffirmé ce monopole crucial.

    C’est l’une des raisons qui incita en 1962 Charles De Gaulle à faire élire au suffrage universel direct le président de la République. Par l’onction populaire du vote des Français, le locataire de l’Élysée reçoit l’imperium, à savoir la puissance jupitérienne de la foudre. Il serait cependant temps que la force de frappe nucléaire soit enfin consacrée dans la constitution de 1958 par un ajout substantiel à l’article 15 sans le soumettre au contreseing du premier ministre ou de tout autre ministre. La constitution de la Ve République est de nature polémogène : son fonctionnement atteint une efficacité maximale pendant les crises majeures. Marine Le Pen avait proposé en 2022 cette constitutionnalisation bien plus nécessaire que le gadget de l’avortement. Pendant ses discussions avec son mémorialiste Alain Peyrefitte, Charles De Gaulle considérait déjà le projet européen comme le levier de puissance de la France, d’où son soutien insistant aux plans Fouchet qui suggéraient une union d’États pourvue de la personnalité juridique. Il soulignait aussi que les intérêts vitaux de la France ne s’arrêteraient pas au bord du Rhin...

    Les réticences allemandes à devoir une protection quelconque venue de la France s’estompent progressivement. Tout atlantiste qu’il est, le futur chancelier fédéral Friedrich Merz a évoqué, le 21 février dans un entretien à la presse écrite, que Berlin devrait négocier avec Paris et Londres de l’extension de leur parapluie de dissuasion nucléaire à l’Allemagne. Le plus étonnant est que cette proposition date de la fin des années 1960 à l’initiative d’Adolf von Thadden. À ce moment-là, sa formation politique, la NPD (Parti national-démocrate d’Allemagne), connaissait un succès électoral certain dans plusieurs Landtage de la RFA. Sa popularité s’arrêta nette aux législatives de 1969 avec 4,31 %, probablement grâce à des bulletins manipulés, annulés ou falsifiés. À rebours de l’atlantisme social-démocrate-chrétien libéral, Adolf von Thadden, par ailleurs informateur attitré du MI6 britannique, rêvait que la dissuasion atomique française se transformât en force nucléaire européenne indépendante des blocs. Tenant d’un axe gaullien franco-allemand, le chef de la NPD déplorait que le gouvernement fédéral allemand ne participât ni au financement, ni à l’élaboration d’infrastructures économiques performantes dans cette audacieuse coopération.

    Il est maintenant caustique d’observer que l’effort exigé aux États-membres pour se réarmer oblige la Commission de Bruxelles à extraire de la règle des 3% prévue par le pacte de stabilité les dépenses souscrites en matière de défense, ce qui implique une remise en cause de plusieurs traités européens. Mais pourquoi seulement la défense? La sécurité intérieure, la justice, les transports, les infrastructures de communication, voire l’enseignement contribuent à leur manière à la possibilité de réarmer. En outre, le simple ordonnancement des différentes armées nationales reste aléatoire. Les quelques industries de l’armement (française, suédoise) se concurrencent avec férocité quand les États-membres achètent pour plus de 60% du matériel aux États-Unis.

    Il est donc risible de prôner une nouvelle course aux armements de la part d’États surendettés en proie à des déficits publics structurels gigantesques. Le Danemark entend déjà porter à 70 ans l’âge de départ à la retraite afin de financer l’augmentation des dépenses militaires. L’austérité budgétaire et la rigueur financière se profilent derrière les appels à un hypothétique effort de guerre. Il existe pourtant de vastes gisements propices aux réductions des coûts: le poids de l’immigration, la prolifération des agences administratives indépendantes comme l’ARCOM, le financement public des partis politiques, des syndicats et des associations, les subventions au secteur des « cultureux », l’aide officiel à la presse, etc.

    Le court-termisme propre aux soi-disant démocraties libérales occidentales empêche de facto toute émergence concrète d’une vraie « Europe cuirassée » selon l’heureuse formule de Maurice Bardèche dans L'Œuf de Christophe Colomb. Lettre à un sénateur d'Amérique (1951). Une bombe atomique d’échelle européenne et d’emploi strictement français peut contribuer à l’avènement d’une Europe plus consistante à la condition que les actuels dirigeants, des nabots insupportables, renoncent définitivement au wokisme ambiant, aux inepties de l’État de droit et à leur vassalisation lamentable envers l’Oncle Sam. L’ère s’annonce carnassière. Magnifique enjeu pour que les peuples européens retrouvent un caractère carnivore.

    Georges Feltin-Tracol (Euro-Synergies, 16 mars 2025)

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  • La fin des idéologies : vers un monde où le pouvoir personnel prime sur les doctrines...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique de David Engels sur Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, datée du 14 mars 2025 et consacrée au retour du pouvoir personnel...

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan, à l'Institut Catholique de Vendée ainsi qu'au Mathias Corvinus Collegium de Bruxelles, David Engels est l'auteur de trois essais traduits en français, Le Déclin - La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013), Que faire ? - Vivre avec le déclin de l'Europe (La Nouvelle Librairie, 2024) et, dernièrement, Défendre l'Europe civilisationnelle - Petit traité d'hespérialisme (Salvator, 2024). Il a  également dirigé deux ouvrages collectifs, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020) et Aurë entuluva! (Renovamen-Verlag, 2023), en allemand, consacré à l’œuvre de Tolkien.

     

                                              

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  • Guerre en Ukraine : une politique étrangère macroniste qui interpelle...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Michel Leblay, cueilli sur Polémia et consacré à l'étrange politique étrangère d'Emmanuel Macron sur la question du conflit russo-ukrainien.

    Michel Leblay a été un des animateurs du Club de l'Horloge.

     

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    Guerre en Ukraine : une politique étrangère macroniste qui interpelle

    Le président de la République puis le premier ministre, dans leurs interventions respectives, ont formulé, s’agissant de la guerre en Ukraine, une position de la France d’une grande intransigeance au regard de la négociation engagée entre les Etats-Unis et la Fédération de Russie. Cette position veut s’inscrire dans une politique qui serait celle de l’Union européenne à laquelle, de plus, le Royaume-Uni s’associerait. Au-delà, de la dénonciation de l’agression de la Fédération de Russie et de l’impérialisme dont fait preuve son président, le réquisitoire vise, en apparence, la volonté du nouveau président des Etats-Unis de parvenir rapidement à une paix négociée.

    À l’origine, un incident diplomatique non une aggravation de la situation militaire

    Bien sûr, s’il est pour le moins normal que les autorités françaises affichent une préoccupation majeure pour un conflit de haute intensité qui se déroule sur le sol européen et dont l’un des deux protagonistes est l’une des deux grandes puissances nucléaires de la planète, le ton par rapport au moment suscite quelques réflexions. Au premier degré, la situation est présentée comme alarmante comme si l’armée russe avait percé les défenses ukrainiennes et qu’elle pourrait maintenant menacer à bref délai d’autres Etats, impliquant l’organisation d’une riposte. En fait, exprimé du point de vue de la politique étrangère, le discours s’avère être, en la circonstance, une condamnation de la volonté du nouveau président des Etats-Unis de parvenir à un accord de paix dans un duo avec la Russie. Il lui est reproché de trahir une alliance en abandonnant l’Europe et de bafouer des valeurs morales. L’enchainement des déclarations de ces derniers jours fait suite à l’échange tendu entre les présidents Trump et Zelinsky, avec la présence active du vice-président des Etats-Unis, lors de la conférence de presse tenue le 28 février 2025 à la Maison Blanche. S’il est exceptionnel dans ce type de tractations qu’un différend soit publiquement affiché, de manière aussi brutale, entre les deux chefs des Etats parties prenantes, pour autant, sur le fond, aucun bouleversement n’était intervenu sur le plan militaire dans les jours qui précédaient. Le projet de Donald Trump d’engager des pourparlers de paix était connu de longue date, avant même son élection.

    Des références historiques mal appropriées

    Pour qualifier la menace, considérée comme inédite sur le sol européen depuis la capitulation allemande du 8 mai 1945, les références historiques aux années 1930 sont allées bon train. Vladimir Poutine s’apparenterait au maître du IIIè Reich. Après l’absorption de l’Ukraine, il pourrait avoir pour ambition de s’en prendre à ses voisins d’Europe centrale avant d’étendre sa domination sur le continent. C’est au moins par les comparaisons faites, le sous-entendu. En évitant toute digression morale sur la gradation dans le mal, force est de reconnaître que la comparaison historique avec les années 1930 est mal appropriée. Relativement, la Fédération de Russie de 2025 n’a pas la puissance de l’Allemagne de 1938 et le président russe n’a pas développé de doctrines s’apparentant à celle d’Hitler. D’une manière générale, les parallèles historiques entre des époques fort différentes dans l’environnement qui les constitue, les mentalités et le cadre des idées et des croyances, exigent la culture et le discernement qui permettent d’en montrer les limites.

    Vladimir Poutine, un russe affligé par la chute de l’URSS et de la puissance perdue

    Vladimir Poutine à une conception de l’exercice du pouvoir certainement fort distincte de celle qui prévaut dans les sociétés occidentales mais qu’il faut, sans l’excuser ni la justifier, situer dans un héritage historique où le pouvoir absolu a été la règle et que trois quarts de siècle d’un régime communiste, totalitaire n’ont, pour le moins, pas contribuer à en amender profondément la pratique. Le président de la Fédération de Russie est, à tout le moins, un nationaliste russe pour lequel le démembrement de l’URSS, héritière de l’empire des tsars et de l’espace qu’il dominait, a été vécu comme un insupportable effondrement. Cet empire s’étendait de la frontière occidentale de l’Ukraine aux rives du Pacifique, d’ouest en est, et de l’arctique au Caucase, du nord au sud. Nul ne peut affirmer ce que pourrait entreprendre ou pas, dans le futur, le président russe. Si, Vladimir Poutine a pour ambition de recouvrer une zone d’influence dans les limites de l’ancienne URSS, Hitler, conquérant, avait pour objectif d’accaparer un « espace vital » sur les terres de l’est, en particulier l’Ukraine, pour y implanter une population allemande se substituant à celle slave installée avant notre ère.

    Les erreurs initiales de la politique étrangère américaine

    Sans excuser en quoi que ce soit l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe en février 2022, il est nécessaire pour envisager les voies d’une résolution du conflit de comprendre la succession d’évènements intervenus depuis le démembrement de l’URSS en décembre 1991. A cet égard, un article de l’auteur de ces lignes avait été publié le 13 décembre 2023 par Polemia : Guerre en Ukraine : une histoire, une géopolitique. Il est bien certain que Le grand échiquier de Zbigniew Brzeziński, publié en 1997, ne reflétait pas le rapport de puissance à venir. La nouvelle Russie restait pour les Etats-Unis une préoccupation sinon un adversaire potentiel tandis qu’ils ouvraient la voie à l’adhésion de la Chine à l’OMC le 11 décembre 2001. Dans la lignée d’une fin de l’histoire, il y avait probablement l’illusion que cette intronisation économique et commerciale de l’empire du Milieu amènerait celui-ci à terme à se convertir aux valeurs défendues par l’Amérique. Il n’en fut rien.

    La montée de la rivalité chinoise face à une Amérique empreinte de faiblesses économiques et financières

    L’ascension économique de la Chine devenue progressivement l’atelier du monde depuis la fin du XXè siècle, développant des capacités techniques de premier ordre, a constitué un facteur de puissance que jamais, au niveau où il a été porté, l’URSS n’a pu atteindre dans sa rivalité avec les Etats-Unis. Face à ceux-ci, la Chine est devenue le compétiteur sinon l’antagoniste à même de les supplanter économiquement, les dégradant dans leur richesse et le niveau de vie de leur population. Avec le conflit ukrainien et les sanctions prises à l’encontre de la Russie, il s’est formé un « Sud global », certes hétérogène mais caractérisé par une hostilité à l’Occident. Si les Etats-Unis demeurent la première puissance économique, leur économie est fortement désindustrialisée depuis le dernier quart du XXè siècle et leur endettement public est colossal en valeur absolue comme en valeur relative par rapport au PIB (plus de 125 %). Dans ces conditions, le caractère du dollar comme monnaie de réserve internationale s’avère indispensable à l’Amérique. Au-delà de la forme prise par sa politique, c’est à cette situation que Donald Trump est confronté, situation prise en compte depuis Barack Obama. De son point de vue, le conflit ukrainien impose un coût géopolitique et financier inutile face au défi que représente la rivalité chinoise. Plus largement, raisonnant en termes financiers, le président américain considère que la contribution en termes de dépenses militaires des pays européens, au sein de l’Alliance atlantique, n’est pas en proportion de l’effort consenti par les Etats-Unis pour assurer la protection du Vieux continent.

    Une position d’Emmanuel Macron qui interpelle

    Si la défense des pays européens est effectivement une question primordiale dont dépend leur indépendance donc leur souveraineté, la manière dont elle est posée par Emmanuel Macron, en rapport avec les derniers évènements relatifs au conflit ukrainien, interpelle. Comme il a été précédemment indiqué, aucun bouleversement n’est intervenu dans la situation militaire et l’enjeu présent tient aux négociations qui s’engagent entre les Etats-Unis et la Fédération de Russie. Pour une guerre, de haute intensité, qui se déroule sur le sol européen, il est à l’évidence regrettable qu’aucun pays européen ne soit une partie prenante des pourparlers et, bien sûr, en premier lieu la France. Aurait-ce été le cas au temps où le général De Gaulle présidait aux destinées du pays. Il est permis d’en douter. Dans les apparences qu’il présente, le président de la République procède comme si l’éventualité d’un accord de paix était un danger en elle-même. Il est certain aujourd’hui que même avec une aide militaire accrue, l’Ukraine ne pourra pas reconquérir les territoires perdus depuis 2014 et, même si la progression de l’armée russe est très lente, le risque d’une percée, certes limitée en importance est réel. L’Ukraine se trouverait alors dans une position plus défavorable. Si l’aide militaire américaine est réduite, les pays européens n’ont aucunement les moyens de la compenser. Cette aide ne saurait être que matérielle, l’engagement d’unités de combat étant exclu. Tout en condamnant la violation du droit international commise par la Fédération de Russie, il eut mieux valu qu’une diplomatie discrète soit engagée offrant un rôle à notre pays. L’agressivité affichée à l’encontre du président russe ne peut être qu’un facteur de marginalisation. Même si cela heurte, la politique étrangère ne serait se réduire à une affaire de morale. Pour autant, dans les rapports avec la Fédération de Russie, l’action que celle-ci mène à l’encontre de la France ne saurait être occultée : expulsion du Sahel par l’appui accordé aux gouvernements des Etats de la région, entreprises de déstabilisation dans les territoires d’outre-mer, cyberattaques sur le territoire. Guerre de l’ombre, cela nécessite, bien entendu, les réponses adaptées à ce type d’opérations.

    Que peut être une politique européenne de défense ?

    Quant à une politique de défense européenne, elle ne se définit pas dans l’immédiateté. Elle exige des moyens importants mais surtout une configuration. L’Europe n’étant ni un Etat, ni un peuple, l’échelon d’une direction au niveau de l’Union européenne n’aurait aucun sens. Il ne pourrait donc s’agir que d’une alliance entre Etats pour laquelle il faudrait définir les menaces et les moyens en rapport. Pour les premières, la Fédération de Russie est-elle appréhendée au même niveau par tous les partenaires de l’alliance potentielle, pour les autres y-aurait-il un accord sur ces menaces et, là encore, seraient-elles perçues au même degré de risque ? Pour les moyens, la première distinction, essentielle, tient à détention de la force nucléaire, d’une part, et ce qui est de l’ordre des moyens dits conventionnels, d’autre part. La force nucléaire, force de dissuasion absolue, ne peut relever que d’un Etat et de son chef. De plus, l’opportunité de son emploi en fonction du caractère de la menace ne saurait faire l’objet d’un affichage. Pour les moyens conventionnels, si des coopérations doivent être envisagées et certaines structures mises en place, là aussi, les menaces n’étant pas à l’identique pour chaque Etat, ceux-ci, tout en respectant le cadre d’une alliance, ces moyens doivent rester d’abord à la disposition de l’Etat. Par exemple, si nos territoires d’outre-mer encouraient la menace de puissances adverses, nos partenaires européens appréhenderaient-ils celle-ci, au à un même degré que la France. Le sujet demande donc du temps et de la réflexion.

    La motivation qui peut être prêtée à Emmanuel Macron

    Il est à craindre que le président ait voulu répondre à la fois à une considération idéologique, faire progresser l’idée européenne, au sens où il l’entend et, même si cela est nié, polariser l’opinion sur un risque majeur, la guerre, afin de rétablir sa position politique interne et d’affaiblir durablement une opposition dont l’hypothèse de l’accès aux responsabilités est sérieuse. Malheureusement pour le Président, les échéances électorales ne sont pas immédiates et l’émotion suscitée dans l’opinion risque d’être fugace. La réalité présente n’est pas celle d’une aggravation du conflit et de son extension mais une voie vers une solution diplomatique, certes avec tous les aléas qu’elle comporte. Par rapport à d’autres sujets de politique étrangère la même fermeté sera réclamée. Il est fort peu probable que les semaines passant, il soit possible de détourner l’attention des Français et de l’électeur à venir d’une situation intérieure politique, économique et en termes de sécurité, très dégradée, source d’instabilité et de contestation.

    Michel Leblay (Polémia, 15 mars 2025)

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  • Résister à l'extrême-droite ? Réponse à Salomé Saqué...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une réponse apportée par Ego Non à Salomé Saqué , journaliste influenceuse, auteur d'un opuscule intitulé Résister, appelant à s'opposer à la menace de la droite radicale.

    Né à Liège, en Belgique, Antoine Dresse a suivi des études de philosophie à Bruxelles. Il anime la chaîne de philosophie politique Ego Non sur YouTube et écrit régulièrement dans la revue Éléments. Il a récemment publié Le Réalisme politique - Principes et présupposés (La Nouvelle Librairie/Institut Iliade, 2024).

     

                                                

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  • Trump, Musk et l'écho de la République romaine : l'Occident à l'aube de sa fin...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique de David Engels sur Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, datée du 7 mars 2025 et consacrée au césarisme qui s'installe aux États-Unis et à ses conséquences pour l'Europe...

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan, à l'Institut Catholique de Vendée ainsi qu'au Mathias Corvinus Collegium de Bruxelles, David Engels est l'auteur de trois essais traduits en français, Le Déclin - La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013), Que faire ? - Vivre avec le déclin de l'Europe (La Nouvelle Librairie, 2024) et, dernièrement, Défendre l'Europe civilisationnelle - Petit traité d'hespérialisme (Salvator, 2024). Il a  également dirigé deux ouvrages collectifs, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020) et Aurë entuluva! (Renovamen-Verlag, 2023), en allemand, consacré à l’œuvre de Tolkien.

     

                                           

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