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Points de vue

  • Qu’est-ce que l’USAID, cette énième agence du « soft power » américain  ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de François-Xavier Consoli cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à l'USAID, agence d'influence américaine que compte démanteler l'administration Trump, aux grand désarroi des innombrables organismes et officines qu'elle finançait à travers le monde et notamment en Europe...

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    Qu’est-ce que l’USAID, cette énième agence du « soft power » américain  ?

    Entité typique de la guerre froide, « l'Agence des États-Unis pour le développement international » (United States Agency for International Development), est un peu le visage « humanitaire » du pays de l'Oncle Sam. Créée en 1961 par le président John Fitzgerald Kennedy, l'USAID s'inscrit dans la continuité du Plan Marshall, destiné à l’Europe, mais avec une perspective « d'aide économique et humanitaire » étendue au monde entier. Au cours des décennies qui ont suivi, républicains et démocrates se sont affrontés au sujet de cette agence, des ses objectifs, et de son financement. Elle est désormais sur la sellette.

    Ce mardi 12 février, l’inspecteur général de l’USAID, Paul Martin, s’est fait éjecter manu militari de son poste, sur ordre de la Maison Blanche. Un licenciement intervenant un jour après la mise en garde de l’inspecteur général de l’agence où il s’en prend vertement au président Donald Trump et au nouveau responsable du Département de l’Efficacité gouvernementale (Department of Government Efficiency /DOGE), Elon Musk, notamment quant à la gestion des 8,2 milliards de dollars de fonds humanitaires inutilisés, après cette énorme secousse qui vient frapper l’agence d’aide au développement. Le patron de X s’est d’ailleurs illustré sur son réseau en expliquant : « L’USAID est une organisation criminelle », l’accusant de « mener les basses œuvres de la CIA ».

    Précédemment à ce limogeage tonitruant, l’administration Trump est venue purger plus d’une douzaine d’inspecteurs généraux après la fracassante annonce du gel d’une partie importante de son aide internationale, en ce début de mois de février 2025. Des dizaines de hauts fonctionnaires mis en congé, des milliers de contractuels licenciés, des programmes à l’arrêt, des bénéficiaires poussant des cris d’orfraie… Une véritable bascule dans la logique interventionniste américaine, bouleversant un réseau pléthorique d’associations et filiales installées dans le monde entier.
    Ce gel brutal de l’aide étrangère par l’administration américaine oblige également les fournisseurs et les entrepreneurs américains de l’USAID à procéder à des licenciements massifs, dont 750 dans une entreprise, Chemonics International 1, basée à Washington.

    « On ne saurait exagérer l’impact de cette conduite illégale : sur les entreprises, grandes et petites, contraintes de mettre fin à leurs programmes et de licencier leurs employés ; sur les enfants affamés du monde entier qui n’auront rien à manger ; sur les populations du monde entier confrontées à des maladies mortelles ; et sur notre ordre constitutionnel », ont déclaré les entreprises et les organisations américaines touchées par cette décision. Les « enfants affamés » ont toujours bon dos…

    Recours en justice

    Une organisation représentant 170 petites entreprises américaines, de grands fournisseurs, une association d’avocats, l’American Bar Association 2 et d’autres se sont rassemblés pour un recours en justice. Celui-ci a été déposé devant le tribunal du district de Washington contre le président Donald Trump, le secrétaire d’État Marco Rubio, l’administrateur adjoint par intérim de l’USAID, Peter Marocco, nommé par Trump, et Russell Vought, le directeur du Bureau de la gestion et du budget de Trump.

    Mais au fond, qu’est-ce que l’USAID ?

    Kennedy a créé l’USAID au plus fort de la guerre froide qui opposait alors les États-Unis à l’Union Soviétique. Ce dernier souhaitait ainsi mettre en place un moyen plus efficace de contrer l’influence soviétique dans le monde par le biais de l’aide étrangère et considérait que le département d’État était limité dans ses moyens d’action par sa bureaucratie. Le Congrès a adopté la loi sur l’aide à l’étranger et Kennedy présentait alors l’USAID comme une agence indépendante. Cette création s’inscrit dans la continuité du Foreign Assistance Act, promulgué le 4 septembre 1961, une loi régissant la politique d’aide internationale qui vient définir les principes politiques et idéologiques de l’aide étrangère des États-Unis, remanie et réorganise de manière significative la structure des programmes d’aide, établissant une distinction juridique entre l’aide militaire et l’aide non militaire. C’est en vertu de cette même loi que le président Joe Biden, le 16 mars 2022,  a autorisé une nouvelle aide à la sécurité de 800 millions de dollars pour l’Ukraine. Cette disposition juridique subtile est donc d’une redoutable efficacité pour le soft power américain.

    L’USAID a survécu à l’Union soviétique, qui s’est effondrée en 1991. Aujourd’hui, les partisans de l’USAID affirment que l’aide américaine aux pays contrecarre l’influence russe et chinoise tandis que ses détracteurs affirment que ces programmes sont inutiles, et qu’ils ne correspondent plus  à la politique non-interventionniste préconisée par l’administration Trump. Le financement des agences des Nations Unies, y compris les agences de maintien de la paix, des droits de l’homme et des réfugiés, a toujours été la cible des administrations républicaines. La première administration Trump avait déjà pris des mesures pour réduire les dépenses d’aide étrangère, en suspendant les paiements à diverses agences de ces mêmes Nations Unies, y compris ses fonds pour la population et le financement de l’Autorité palestinienne. Au cours du premier mandat de Donald Trump, les États-Unis se sont retirés du Conseil des droits de l’homme de l’ONU et de leurs obligations financières à l’égard de cet organe.

    Quelques exemples de l’implication de l’USAID au sein de différents programmes de santé, de développement économique, de gouvernance, ou d’environnement pour y voir plus clair :

    -Lutte contre le VIH/SIDA : Via des initiatives comme le PEPFAR (President’s Emergency Plan for AIDS Relief), l’USAID a soutenu des programmes de prévention, de traitement, et de soutien aux orphelins et enfants vulnérables.

    -Planification familiale : projets visant à augmenter l’accès aux services de planification familiale de qualité.

    -Développement de l’énergie : à travers l’initiative Power Africa, l’USAID a soutenu le développement de nouvelles sources d’énergie, notamment en aidant à des transactions énergétiques en Côte d’Ivoire.

    -Promotion des droits humains : soutien à des ONG pour défendre les droits de l’homme, dans les Balkans dans les années 1990 notamment, ou en Russie.

    -Stratégies climatiques : financement de projets pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation au changement climatique.

    Les exemples sont pléthoriques. Personne au monde, évidemment ne s’offusquerait de ses programmes d’aide au développement, qui semblent, à première vue, contribuer à l’amélioration du sort des populations prises en charge. Mais il existe une face sombre à ces aides, car un interventionnisme international sur une durée aussi longue ne peut se garder de quelques critiques. Par exemple :

    Bolivie, en 2013, le président Evo Morales expulse l’USAID, accusant l’agence de manipuler des dirigeants et de soutenir financièrement des groupes d’opposition, y compris des organisations séparatistes à Santa Cruz. Au Nicaragua, l’USAID a été associée à des opérations de soutien à l’opposition aux régimes marxistes ou « anti-américains », notamment dans les années 1980 avec des projets de pacification qui servaient aussi de couverture pour des actions de contre-insurrection de la CIA. Au Chili, l’agence a été impliquée dans des projets liés à des efforts de la CIA pour soutenir des coups d’État, notamment pendant l’ère Pinochet. En Ukraine, l’USAID a été accusée d’avoir financé des initiatives qui ont contribué aux événements du Maïdan en 2014, avec des accusations de soutien à des groupes politiques pour déstabiliser le gouvernement en place. Des personnalités comme Victoria Nuland ont été mentionnées dans ce contexte par des observateurs. Toujours en Ukraine, mais aussi Serbie ou Kirghizistan, l’USAID, via des ONG comme Freedom House, a financé des formations pour soutenir des « révolutions colorées », visant à renverser des régimes jugés hostiles aux États-Unis. Au Vietnam, durant le conflit, les fonds de l’USAID étaient utilisés pour financer des projets de développement qui faisaient partie de la stratégie de pacification, visant à contrer le soutien populaire au Viet Cong. Ou encore en Russie, qui expulse l’USAID en 2012, accusant l’agence de financer des ONG pour influencer la politique interne russe, notamment dans des régions sensibles comme le Caucase du Nord.

    Au total, selon un rapport publié le mois dernier par le Congressional Research Service, les États-Unis ont dépensé environ 40 milliards de dollars en aide étrangère pour l’année fiscale 2023. Les États-Unis sont le premier fournisseur d’aide humanitaire au monde, bien que d’autres pays y consacrent une part plus importante de leur budget. Dans l’ensemble, l’aide étrangère représente moins de 1 % du budget des États-Unis. Mais elle demeure un levier d’influence non négligeable.

    Une tirelire gouvernementale pour les causes d’extrême gauche

    Après l’annonce du démantèlement de l’USAID, les libéraux sont montés au créneau. Des manifestants versant des larmes de crocodile se sont même rassemblés devant le siège de l’organisation à Washington pour condamner le président Trump. Certains responsables démocrates, comme la députée Ilhan Omar du Minnesota et le sénateur Chris Van Hollen du Maryland ont également dénoncé cette liquidation de l’USAID.

    Pour d’autres, comme Nayib Bukele, président du Salvador, il ne s’agit pas d’y aller avec le dos de la cuillère : « Alors qu’ils sont présentés comme un soutien au développement, à la démocratie et aux droits de l’homme, la majorité de ces fonds sont acheminés vers des groupes d’opposition, des ONG aux agendas politiques et des mouvements déstabilisateurs », a-t-il écrit sur X.

    Selon lui, en 2021, l’administration Biden a utilisé l’agence pour soutenir un mouvement de protestation communiste s’opposant au gouvernement. Il en veut pour preuve des messages WhatsApp de fonctionnaires de l’agence, venant corroborer ses propos quant à l’ingérence américaine dans le processus démocratique de son pays.

    Après une rencontre avec Bukele à San Salvador, le secrétaire d’État Marco Rubio a exprimé la même frustration à l’égard de l’USAID. Il a déclaré que les objectifs de la politique étrangère de l’America first du président Trump étaient sapés par « des agents malhonnêtes au sein de la bureaucratie. »

    S’appuyant sur un audit réalisé par une équipe de jeunes prodiges réunie sous la houlette d’Elon Musk, nombreux programmes et financements de l’USAID ont été mis en lumière. Un écheveau d’associations, groupes et autres partenariats, distribuant pléthore de dollars. Ainsi, la Maison Blanche a pu dresser une liste de ces aides étrangères, dont certaines confinent à l’absurde : 5,5 millions de dollars pour les causes LGBTQ en Ouganda, 1,5 million de dollars pour l’inclusion sur le lieu de travail en Serbie, 7,9 millions de dollars pour lutter contre le « langage binaire » au Sri Lanka, 6,3 millions de dollars pour une étude sur la santé sexuelle des hommes en Afrique du Sud, 20 millions de dollars pour la production d’une version locale du programme télévisé pour enfant, Sesame Street, en Irak, 47 000 dollars pour un opéra transgenre en Colombie, 32 000 dollars pour une bande dessinée transgenre au Pérou, 2 millions de dollars pour « l’activisme LGBT » au Guatemala, ou encore 70 000 dollars pour une comédie musicale « Diversité Équité et Inclusion » en Irlande.

    Près de 200 millions de dollars de dépenses douteuses de la part de l’USAID, ont été ainsi mis à jour par l’administration Trump. Et l’une d’elle, 10 millions de dollars alloués à la distribution de repas destinés à des groupes liés à Al-Qaïda, passe très mal..

    La course contre le gaspillage menée par Elon Musk pourrait donc mettre l’USAID définitivement sur la touche.

    François-Xavier Consoli (Site de la revue Éléments, 17 février 2025)

     

    Notes :

    1 – Chemonics International est une société de conseil et de développement international, ayant reçu certains des plus gros contrats d’aide du gouvernement américain dans les domaines suivants : agriculture, conflits et crises, démocratie, développement économique, éducation, énergie, gouvernance, soins de santé et chaîne d’approvisionnement, commerce international, micro-finance, développement durable, eau, réforme de l’aide sociale et programmes pour la jeunesse. Cette société a travaillé sur des projets dans plus de 150 pays d’Afrique, d’Asie, d’Europe, d’Amérique latine et des Caraïbes, et du Moyen-Orient.

    2 – L’American Bar Association (ABA) est une association d’avocats dits « bénévoles » et d’étudiants en droit américaine. D’envergure nationale, elle n’est pas spécifique à une seule juridiction. Fondée en 1878, elle se donne pour objectif, comme énoncé dans ses statuts « le progrès de la science de la jurisprudence, la promotion de l’administration de la justice et l’uniformisation de la législation dans l’ensemble du pays… »

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  • Jean-Marie Le Pen n’avait pas que des ennemis, dans le show-biz…

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un article de Nicolas Gauthier cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré aux amitiés discrètes et surprenantes de Jean-Marie Le Pen dans le monde du cinéma ou de la chanson...

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    Jean-Marie Le Pen n’avait pas que des ennemis, dans le show-biz…

    On ne s’avancera guère en prétendant que Jean-Marie Le Pen n’était pas exactement l’un des chouchous du show-biz hexagonal. Et pourtant, ces millions de voix, il fallait bien qu’elles viennent de quelque part ; et pas que du bas peuple, mais un peu aussi de celui de la France d’en haut.

    En matière de célébrités, le premier nom qui vienne à l’esprit est évidemment celui d’Alain Delon qui, toujours, revendiqua l’amitié portée à ce Menhir rencontré durant la guerre d’Indochine : « Je n’ai jamais caché et je ne cacherai pas ma sympathie pour Jean-Marie Le Pen, que je connais depuis très longtemps, avant même que l’on parlât du Front national. » Une déclaration qui remonte à 1989.  Mais il affirmait déjà à Paris Match, en mai 1984 : « Je peux lui reconnaître au moins trois choses. Il est sympa. Il dit tout haut des choses que les autres osent à peine dire tout bas. Il parle différemment. »

    Brigitte Bardot, une amie commune de tout aussi longue date, n’a jamais mis non plus son drapeau lepéniste dans la poche, tel qu’en témoignent ces phrases issues du second tome de ses Mémoires, Le Carré de Pluton (Grasset) : « Ma vieille amie Madeleine avait une passion pour Jean-Marie Le Pen. D’après elle, personne d’autre ne pouvait sauver la France de l’état dans lequel elle était. Je lui parlais de Chirac. Elle me répondit, c’est un con ! Ah bon ! Pourtant ! Pourtant, rien du tout. Elle jugeait avec sa sagesse, son expérience, son courage de femme d’âge presque canonique. Elle avait raison et je pus, au fil des jours, des mois, et maintenant des années, m’en rendre compte. »

    Le lepénisme selon Claude Autant-Lara

    Ce qui nous amène, pour continuer de filer la métaphore politico-cinématographique, à Claude Autant-Lara (1901-2000), qui est élu en 1989 député au Parlement européen sur la liste du Front national, avant de rapidement démissionner pour avoir tenu des propos antisémites à l'égard de Simone Veil. C’est à ce grand cinéaste, venu de la gauche, longtemps président de la Fédération nationale du spectacle CGT, que BB doit l’un de ses plus beaux rôles, avec En cas de malheur (1958) ; une reconnaissance qui va bien au-delà de sa carrière, puisque affirmant à propos de l’engagement de son ancien bienfaiteur, au Choc du mois, en mai 2006 : « Ceux qui ont des couilles les assument ! » Il est un fait que pour assumer, Claude Autant-Lara assume : « Ce qui me plaît en Le Pen, c’est que c’est un homme neuf. Quand je vois quelqu’un qui me dit qu’il va voter UDF ou RPR, je luis dis : pauvre con ! Tu vas voter pour ceux qui nous ont poussés à la décadence depuis plus de quarante ans. Tu veux remanger ton vomi ? » C’était en 1988, à l’occasion d’un autre entretien, déjà accordé au Choc du mois. Lequel entretien, singulièrement roboratif, se concluait par un vibrant : « Ce qui me plaît en Le Pen, c’est qu’il pense français. Comme moi. On peut me traiter de fasciste, je n’en ai rien à foutre ! D’ailleurs, le cosmopolitisme, je lui pisse à la raie ! » Emballé, c’est pesé, et ce n’est pas du Timotée Chalamet.

    Mouloudji, pas déserteur en amitié

    Puis, il y a d’autres habitués du parc de Montretout. Le chanteur d'origine kabyle Mouloudji (1922-1994), l’homme du Déserteur, que Jean-Marie Le Pen, toujours farceur, aime entonner avec lui en fin de repas. Le principal intéressé admet, dans L’Album Le Pen (Objectif France), l’un des nombreux ouvrages lui ayant été consacrés : « Le Déserteur ? Cette chanson ne me gêne pas. Il faut d’abord remettre les mots à leur place. Il ne s’agit pas d’un déserteur, mais d’un réfractaire. C’est très différent. Et nous autres, patriotes, nous sommes tous un peu antimilitaristes, non ? » Dans le tome 1 de ses Mémoires, Le Pen raconte que le chanteur lui avait « fait cadeau d'une magnifique édition originale de ses Complaintes, illustrées par lui-même ».

    Les conseils de Guy Béart

    À l’enterrement de Mouloudji, Jean-Marie Le Pen est l’une des rares personnalités à faire le déplacement. Toujours dans le registre de la chanson, il est une autre amitié, autrement plus discrète, celle qui le lia à Guy Béart. À sa mort, le 16 septembre 2015, il le salue en ces termes : « C’était un ami, un grand poète, patriote, plein de talents, de délicatesse. » Mieux : on apprend encore que Guy Béart est à l’origine d’une des affiches de Marine Le Pen, à l’élection présidentielle de 2012. Explications du Menhir : « Nous bavardions sur la propagande politique et il disait, "le Français n’est pas une langue très synthétique, comme l’Anglais, or il faut faire court pour frapper". » D’où ce fameux slogan « Oui ! La France », ensuite placardé sur tous les murs de France…

    Le panache de Claude Chabrol

    Et puis, il y a Claude Chabrol, le copain de la Corpo de droit. Celui qui, en 1999, alors en pleine promotion de ses mémoires, chez Bernard Pivot, crée le scandale en expliquant, hilare : « Mais j’étais copain comme cochon avec Le Pen entre, voyons, que je ne dise pas de bêtises, entre 1949 et 1952, à peu près. Hé oui ! C’est marrant : Le Pen, c’était un fout-la-merde magnifique ! Je suis persuadé qu’il y a dans sa démarche une volonté très nette de foutre la merde. Je n’ai jamais été inquiété par le Front national, je sais pas. Mais par lui, non ! » Et de conclure, devant un Jacques Attali au bord de l’apoplexie : « Le Pen entrerait là, on se taperait sur l’épaule, quoi, pas de doute ! Bon, faudrait pas qu’il tape trop fort, c’est un type très costaud ! » Le diagnostic de Claude Chabrol quant au côté « fout-la-merde » de Jean-Marie Le Pen se vérifiera quelques années plus tard, quand ce dernier accepta d'être le parrain de la petite Plume, fille de Dieudonné, baptisée par l’abbé traditionaliste Philippe Laguérie.

    Françoise Hardy

    Elle n'était ni une amie ni même une relation de Jean-Marie Le Pen mais elle avait eu le malheur, en 1992, de déclarer que le fondateur du FN ne manquait « ni de brio ni de repartie » et d'avoir évoqué un « racisme antifrançais ». La belle Françoise Hardy fut alors sommée de s’expliquer au tribunal médiatique de Thierry Ardisson. Un grand moment de télévision et l’élégance d’une dame jetée alors dans la fosse aux lions. C’était il y a plus de 32 ans. Rien n’a fondamentalement changé depuis.

    Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 11 janvier 2025)

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  • Ukraine, Trump et Visegrád : Bruxelles contraint à un revirement stratégique ?

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique de David Engels sur Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, datée du 14 février 2025 et consacrée au Groupe de Visegrád. L'échec de ce regroupement centre-européen, que la Commission européenne n'a eu de cesse d'affaiblir ces dernières années, va avoir de lourdes conséquences pour l'Union maintenant qu'une victoire diplomatique russe se profile en Ukraine avec l'accord des Etats-Unis.

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan, à l'Institut Catholique de Vendée ainsi qu'au Mathias Corvinus Collegium de Bruxelles, David Engels est l'auteur de trois essais traduits en français, Le Déclin - La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013), Que faire ? - Vivre avec le déclin de l'Europe (La Nouvelle Librairie, 2024) et, dernièrement, Défendre l'Europe civilisationnelle - Petit traité d'hespérialisme (Salvator, 2024). Il a  également dirigé deux ouvrages collectifs, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020) et Aurë entuluva! (Renovamen-Verlag, 2023), en allemand, consacré à l’œuvre de Tolkien.

     

                                            

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  • Benoît Chervalier : « Ne soyons pas trumpistes, mais soyons courageux et audacieux. »

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Benoît Chervalier, cueilli sur Figaro Vox et consacré à la politique de Trump qui privilégie l’intérêt des États-Unis, pour le service exclusif du peuple américain. Benoît Chervalier est chef d'entreprise et enseignant à l'ESSEC.

     

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    Et si Donald Trump était un gaulliste qui s’ignore ?

    Mettre sur la même photo le Général de Gaulle, personnage emblématique de l’histoire de France, respecté pour son courage, sa droiture et une certaine idée de son pays, et Donald Trump, magnat de l’immobilier controversé et président réélu des États-Unis peu adepte des nuances et de culture, peut paraître osé, voire incongru. Pourtant, à y regarder de près, Trump pourrait bien être gaulliste sans le savoir, avec son discours sur la grandeur (au nom de la grandeur passée : « great again ») et son souci constant de l’intérêt des États-Unis, pour le service exclusif du peuple américain.

    Malgré la violence verbale et la brutalité des premières annonces de Trump, sa présidence amène le monde, l’Europe et la France en particulier, à s’interroger sur des choix fondamentaux dans les domaines constitutionnels, économiques et politiques que les gouvernements successifs ont effectués, consciemment ou non, depuis près de 50 ans.

    Trump a décidé de s’attaquer frontalement, nominalement, juridiquement et financièrement à la Cour pénale internationale, un organe judiciaire supranational reconnu par 126 États, mais ignoré par les nouvelles puissances telles que la Chine, l’Inde, l’Indonésie, la Russie, la Turquie ou les États-Unis. Beaucoup de pays et de juristes s’en émeuvent. Pourtant, cette décision soulève une question politique majeure : les décisions d’une organisation ou juridiction internationale peuvent-elles être supérieures au droit national ?

    La France, avec l’évolution de la jurisprudence du Conseil d’État et le fameux arrêt Nicolo en 1989, a reconnu la supériorité du droit international sur le droit national. Cela s’est accompagné de transferts de souveraineté. De Gaulle, en 1966, n’hésita pas à jouer la chaise vide, estimant que le compte n’y était plus, et s’était toujours opposé à toute forme de supranationalité. C’est le ressort profond du Brexit. C’était l’un des messages du référendum de 2005, qui a été ignoré : reprendre le manche pour que le seul intérêt souverain prime. La montée de tous les populismes en Europe et aux Etats-Unis est la traduction politique de cette mise à l’écart.

    Trump a également choisi de faire du chantage à ses partenaires commerciaux, notamment la Chine, le Canada et le Mexique, en augmentant les droits de douane arbitraires, estimant que le compte n’y était plus pour le citoyen américain. Il provoque ouvertement son voisin en invitant le Canada à rejoindre les États-Unis, ce qui aurait des conséquences politiques et institutionnelles auxquelles l’administration américaine n’a sans doute même pas pensé. De Gaulle ne changea-t-il pas les codes de la communication politique, lui qui parla d’un Québec libre ? La manière de faire de Trump et les mots qu’il choisit peuvent heurter, mais, là encore, l’essentiel réside ailleurs : il défend avant tout l’intérêt de ceux qui l’ont élu. Qui peut nier que les États-Unis affichent de larges déficits commerciaux avec leurs principaux partenaires ? Qui peut dénier le droit de reprendre le volant lorsque la trajectoire n’est plus la bonne ? La méthode et les choix de Trump sont discutables, mais ils ont le mérite de faire bouger les lignes. Les Européens et les Français attendent à leur tour une reprise en main de leur destin.

    Trump a aussi pris la décision de sortir de l’Organisation mondiale de la santé. Bien que cette décision puisse être largement contestée, car cette organisation est par essence au service du bien commun, elle soulève néanmoins une question sous-jacente d’une ampleur tout autre : l’adhésion d’un pays à une organisation sert-elle ou non ses intérêts ? En attaquant également l’Agence de développement américaine (USAID), l’administration Trump invite à dépasser le cadre national et à réfléchir à l’utilité et à l’efficacité du système multilatéral tel qu’il existe aujourd’hui, appuyé sur ces institutions internationales. Servent-elles réellement l’intérêt de la France et de l’Europe ?

    Il serait erroné de considérer que Trump est le seul « bad guy ». Les États-Unis, qu’ils soient dirigés par des démocrates ou des conservateurs, sont mus par leur intérêt national. Ainsi le président Obama avait-il refusé de rejoindre la Banque internationale asiatique pour les infrastructures, créée en 2014 par la Chine, estimant que c’était une organisation alternative aux institutions de Bretton Woods. Les pays européens, quant à eux, ont préféré pour des raisons diverses monter dans ce train. Des pays comme la France ou l’Allemagne ont rejoint cette institution pour un coût élevé (un milliard d’euros fut déboursé à cette fin par les contribuables français), et pour un bénéfice politique et institutionnel qui peut être discuté.

    Au-delà de cette organisation, la France est souvent prisonnière de son universalisme atavique et de son ambition d’être une puissance d’équilibre. En voulant être partout, on finit par être nulle part, surtout dans un environnement budgétaire de plus en plus contraint. Rien ne sert de courir sur toutes les balles, il faut savoir gagner des points (et surtout des matchs). Il est donc essentiel d’évaluer les coûts et les bénéfices de nos décisions, en ayant une vision claire de leurs effets directs et induits. Le tableau global pour la France et pour l’Europe doit être nuancé, mais les évolutions sont rapides et la trajectoire nous est défavorable, particulièrement du fait de notre démographie et de nos performances économiques médiocres.

    Cette approche doit conduire la France, ainsi que l’Europe, à mener une analyse lucide sur les organisations et institutions dont elle est membre ou actionnaire, et qui coûtent cher au contribuable ou génèrent des normes contraignantes. Il ne s’agit sûrement pas de jeter le bébé avec l’eau du bain. La France n’est pas les États-Unis, et Trump n’est pas de Gaulle. « Ne soyons pas trumpistes, mais soyons courageux et audacieux. »

    Il est temps de remettre ces questions fondamentales sur la table, d’affronter la réalité et de faire des choix clairs que nous devons assumer pour dessiner la trajectoire politique et historique que le pays souhaite suivre, et en exposer clairement les enjeux au peuple souverain.

    Benoît Chervalier (Figaro Vox, 14 février 2025)

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  • Les frontières après Trump : Groenland et Panama...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun cueilli sur Geopragma et consacré aux menaces d'annexion du Groenland et du canal de Panama formulées par Trump...

    Membre fondateur de Geopragma, Pierre de Lauzun a fait carrière dans la banque et la finance.

     

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    Les frontières après Trump : Groenland et Panama

    Le président Trump a stupéfait le monde des relations internationales en expliquant récemment qu’il souhaitait acquérir le Groenland ainsi que le canal de Panama, et qu’il n’excluait pas l’usage de la force à cette fin. Il ajoutait qu’il apparaissait naturel que le Canada soit lui aussi intégré dans l’Union, mais cette fois sans usage de la force.

    Il va de soi que dans la logique de Donald Trump, ceci est largement un discours destiné à faire pression dans une négociation, et ne signifie pas automatiquement intention arrêtée de passer à l’acte. Cela pourrait aussi relever de son goût pour les provocations apparemment gratuites, ce dont Gaza vient de faire les frais de façon spectaculaire. Mais le cas du Groenland et du Panama est plus plausible.

    Il est dès lors intéressant de le prendre au mot, et d’analyser la signification de telles déclarations pour le cadre international dans son ensemble.

    Rappel de réflexions d’ensemble

    Dans un billet précédent j’avais évoqué la question de la modification des frontières par la force. Je notais : « il peut être légitime de vouloir poser le principe d’un respect des frontières existantes, qui ne seraient pas modifiables sauf accord mutuel, et cela au nom de la paix… Cela dit, l’examen des précédents depuis 1945 montre que même s’il a servi de règle de base, le principe a connu une existence souvent chaotique. On a pu régulièrement s’assoir dessus, et même justifier son exact contraire, parfois par de grands arguments moralisants ».

    Mais je rappelais par ailleurs que « la mise en œuvre du principe peut aboutir à des résultats embarrassants. Prenons le cas de Taiwan, reconnue comme partie intégrante de la Chine par la plupart des Etats. Le respect des frontières reconnues, compris littéralement, va ici manifestement dans le sens de Pékin. Ce qui choque. Et donc on cherche à moduler le principe… Soit en considérant qu’une frontière même contestable au départ devient légitime avec le temps, ce qu’en pratique on fait assez largement… Soit en se calant sur des procédures d’autodétermination… Mais si on retient ce critère, on risque justement de conduire à des remises en causes nombreuses des frontières existantes par toutes sortes de séparatistes, ou d’intervenants extérieurs, du plus souple au plus violent ».

    Je concluais que « ce principe a rendu de réels services ici ou là. C’est un moyen de calmer le jeu, qui n’est pas à mépriser. Mais à condition de ne pas le voir comme le grand principe moral qu’on tend à en faire ; c’est simplement une règle pratique, pragmatique, permettant de maintenir la paix dans bien des cas. »

    Le cas du Groenland

    Que peut-on dire des cas évoqués ? Pas grand-chose sur le Canada, car Trump ne parle pas d’employer la force. Les deux autres sont de ce point de vue plus intéressants. En commun est le fait qu’ils constituent ou peuvent constituer des enjeux stratégiques majeurs, et qu’en même temps la population directement concernée est minime.

    L’immense Groenland est un enjeu géopolitique majeur, dans la perspective du contrôle de l’Arctique et pour ses matières premières, et il le devient chaque jour plus avec le réchauffement climatique. Concrètement, même tout impérialisme mis à part, et sans vouloir choquer personne, on pourrait dès lors défendre l’idée que les 57 000 habitants actuels ne peuvent être le seul décideur, et peut-être même pas le décideur principal – ce qui n’exclut pas de respecter leurs droits par ailleurs (autonomie, accès aux fruits des ressources, culture etc.). En sens inverse, le principe d’autodétermination a un rôle réel : c’est, comme le respect des frontières, une balise, frêle, mais qui régule et limite quelque peu les appétits.

    Qui d’autre alors aurait voix au chapitre ? Côté américain, la revendication est ancienne, mais n’a aucune base historique ou culturelle. Elle ne peut donc consister que dans l’affirmation d’un équivalent de la prise de possession d’une res nullius : cela revient à dire que le Groenland n’étant ni peuplé par une vraie nation, actuelle ou potentielle, ni capable de se défendre, ni d’exploiter ses ressources, un autre peut et doit le faire. Or, pourrait-on avancer dans cette ligne, les Etats-Unis sont ceux qui actuellement assument ces fonctions, même si c’est sur le mode mineur (notamment par une base militaire). Mais évidemment, dans un tel cas, d’autres pourraient avoir aussi des ambitions. En un sens, la déclaration d’intérêt de Trump est au minimum un moyen de dire à ces derniers : attention, ça m’intéresse, n’y touchez pas ou vous aurez affaire à moi.

    Outre le principe d’autodétermination, une objection majeure vient évidemment du rôle du Danemark et derrière lui, de l’Europe. Jusqu’à récemment le Groenland était danois. Désormais, c’est un territoire autonome, simplement associé à l’Union européenne, mais dont le Danemark assume en théorie la défense, et qui demande l’indépendance. D’un côté donc, le lien existe, et dans la mesure où on entrerait dans le raisonnement précédent, les Danois seraient plus fondés que les Américains à revendiquer l’île, et derrière eux l’Europe. Cela dit, il ne paraît pas évident que ce soit l’option préférée des Groenlandais eux-mêmes. Mais d’un autre côté, sans l’appui déterminant des Américains, les Européens seraient incapables de défendre le Groenland contre une attaque par un grand pays. Il n’est donc pas évident qu’ils soient en état de revendiquer pour eux seuls la décision ; même s’ils sont légitimement une partie prenante.

    Dès lors, en cas de pression soutenue de Trump, on peut concevoir qu’une solution se dégage après négociation, avec inévitablement un rôle appréciable des Américains. On peut aussi imaginer que la question passe dans l’arrière-plan pendant un temps.

    Cela dit, la situation pourrait se tendre dans la zone, avec une vraie menace (russe, chinoise ou autre), militaire ou économique. Ce n’est pas le cas actuellement. Mais si cela se produisait, une action un peu brutale des Etats-Unis serait certes contraire au droit, mais ni incohérente avec leur comportement passé (et pas seulement au XIXe s.), ni purement arbitraire. Dans un cas extrême, ce serait peut-être même indispensable. Mais alors les Groenlandais seraient peut-être les premiers à la demander…

    Le cas de Panama

    Ce cas est assez différent historiquement, car l’Etat même de Panama a été de fait créé assez brutalement par les Etats-Unis (par sécession forcée hors de la Colombie, en 1903), justement à propos du canal. Ce dernier est une voie d’eau internationale majeure. En outre, les Etats-Unis en avaient gardé le contrôle total jusqu’en 1999, le retrait faisant suite à une décision de restitution prise sous le président Carter.

    Si donc les Américains revenaient sur cette décision, en reprenant le contrôle du canal, ils pourraient évoquer le précédent historique. Ils pourraient en outre, comme pour le Groenland, souligner l’intérêt majeur du canal ainsi que l’incapacité du Panama (pays de 4,5 M d’habitants, sans armée véritable) de le défendre contre une puissance agressive. Plus, inversement, le risque éventuel d’un pouvoir local qui en fasse un usage hostile. Et, contrairement au Groenland, ils sont la seule puissance ayant vocation à intervenir.

    Là aussi, sauf négociation aboutissant plus ou moins paisiblement à une solution, un usage de la force ne serait certainement pas fondé à ce stade. Mais si une vraie menace devait se concrétiser, il ne faudrait pas s’étonner de voir les Américains agir. Et, au moins dans certaines circonstances (non réalisées à ce jour), cela pourrait se défendre.

    Conclusion

    En conclusion, il ne faut voir en l’espèce les paroles de Donald Trump ni comme des paroles en l’air, ni comme de la pure arrogance irrationnelle. L’intérêt des Américains a une certaine rationalité. Mais sauf concrétisation manifeste d’une menace sur ces territoires, actuellement non avérée, l’usage direct de la force peut difficilement être défendu.

    Une telle action, si elle se produisait, serait en outre un coup de canif appréciable dans une conception westphalienne des relations internationales, où en principe on respecte la souveraineté des autres ; et a fortiori si on se réfère à une norme basée sur le droit. Certes, on l’a rappelé, ce ne serait pas le premier de ces coups de canif. Mais la manière de faire serait un élément nouveau. En effet, même si sur Panama ou même le Groenland on pourrait soutenir que le réalisme donne quelconque consistance aux objectifs de Trump, le fait d’assumer sans complexe un comportement régulé par ses seuls intérêts et envisageant sans retenue le recours à la violence pour les satisfaire constitue un élément nouveau dans les relations internationales actuelles.

    Bien sûr, on resterait dans le contexte d’un interventionnisme militaire américain qui est une donnée quasiment permanente depuis 1945 (sauf, étrangement, sous Trump I !). Mais l’adoption d’une ligne explicitement centrée sur les seuls intérêts américains est néanmoins une nouveauté, car les motivations affichées par eux pendant cette période avaient toujours une forte dimension idéologique (sincère ou pas), et en tout cas affichaient le respect de certaines règles. Ici on raisonnerait sur un critère d’enjeu purement stratégique, qui justifierait d’agir sans plus de considération.

    Sur la planète, cela pourrait inquiéter un peu plus pas mal de monde. Mais cela constituerait évidemment et surtout un pas majeur dans le glissement vers un nouveau style de rapports. On l’a dit, il ne s’agit pas là de principes absolus et sacrosaints ; mais ils ont une certaine vertu pour calmer le jeu à l’occasion. Dans un tel monde, il n’y aurait plus de motif pour condamner l’invasion du Koweït par Saddam : si une coalition se formait dans un tel cas afin de résister au coup de force, ce serait par un pur calcul d’intérêts ou de rapports de forces. Et donc, même si on doit reconnaître les limites des règles, leur effacement complet représenterait un changement a priori peu souhaitable.

     Ajoutons qu’à terme une telle évolution serait particulièrement favorable à la résurrection du concept d’empire, appelé à un vrai avenir comme je l’ai évoqué par ailleurs.

     

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  • L’Allemagne à la croisée des chemins : une crise politique et identitaire ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Nicolas Faure, correspondant de Polémia en Allemagne, consacré à la crise politique et identitaire chez nos voisins d'outre-Rhin.

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    L’Allemagne à la croisée des chemins : une crise politique et identitaire ?

    Une coalition gouvernementale à bout de souffle

    Depuis son arrivée au pouvoir en 2021, le chancelier Olaf Scholz a été incapable de redresser le pays. Son gouvernement, tiraillé entre les exigences idéologiques des Verts et la gestion financière libérale du FDP, a sombré dans l’inaction et la contradiction. L’inflation galopante, le coût exorbitant de la transition énergétique et l’explosion des dépenses sociales liées à l’accueil des migrants ont plongé l’Allemagne dans une crise profonde.

    Alors que la classe moyenne est de plus en plus accablée par des impôts et des réglementations toujours plus lourdes, les grandes entreprises délocalisent leurs activités, attirées par des politiques plus compétitives à l’étranger. Le « miracle économique » allemand n’est plus qu’un souvenir lointain, remplacé par une stagnation inquiétante.

    L’immigration au cœur du débat

    La question migratoire est devenue le principal sujet de préoccupation des électeurs. Les vagues migratoires massives de ces dernières années ont mis à rude épreuve l’intégration et la cohésion sociale du pays. Les faits divers impliquant des demandeurs d’asile, de plus en plus médiatisés, attisent la colère d’une partie grandissante de la population qui réclame un changement radical.

    Les récents appels de la CDU/CSU pour une politique migratoire plus stricte, voire un rapprochement avec certaines idées défendues par l’AfD, montrent un glissement vers une ligne plus sécuritaire et souverainiste. Friedrich Merz, leader de la CDU, s’est d’ailleurs attiré les foudres des médias « progressistes » en affirmant qu’il fallait mettre un terme aux « abus du droit d’asile ».

    L’AfD : entre diabolisation et popularité croissante

    Face à cet échec du gouvernement, l’Alternative für Deutschland (AfD) connaît une ascension fulgurante dans les sondages. Avec des intentions de vote dépassant les 22 %, le parti national-conservateur incarne désormais une opposition crédible à l’establishment. Son discours en faveur d’une identité allemande forte, d’un rejet du multiculturalisme imposé et d’une souveraineté retrouvée séduit un nombre croissant d’électeurs, notamment dans les Länder de l’ex-RDA, où il dépasse nettement la CDU.

    Cette progression effraie l’élite politique et médiatique, qui multiplie les attaques et tentatives de censure. Des manifestations organisées par des mouvements de gauche aux décisions judiciaires visant à surveiller de plus près certaines branches du parti, l’AfD fait face à une hostilité systématique. Pourtant, loin de ralentir, cette dynamique semble renforcer la détermination de ses électeurs, lassés par ce qu’ils perçoivent comme une manipulation du débat public. L’AfD se montre de plus en plus critique envers l’Union européenne, jugée responsable de nombreuses politiques contraignantes pour l’Allemagne. Certains de ses dirigeants évoquent même la possibilité d’un « Dexit », à l’image du Brexit britannique.

    « L’ingérence »d’Elon Musk et la critique de l’Europe

    Dans un contexte international tendu, même des figures influentes comme Elon Musk s’intéressent à la situation allemande. Récemment, le patron de Tesla et SpaceX est intervenu dans un meeting de l’AfD, dénonçant le déclin industriel du pays et l’idéologie écologiste radicale qui pénalise les entreprises.

    L’AfD, quant à elle, se montre de plus en plus critique envers l’Union européenne, jugée responsable de nombreuses politiques contraignantes pour l’Allemagne. Certains de ses dirigeants évoquent même la possibilité d’un « Dexit », à l’image du Brexit britannique.

    Un tournant décisif pour l’Allemagne

    À quelques semaines du scrutin, l’Allemagne semble plus divisée que jamais. La CDU/CSU pourrait revenir au pouvoir, mais la pression exercée par l’AfD et une frange plus conservatrice de l’électorat pousse le parti vers un durcissement de sa ligne. L’avenir politique du pays dépendra de la capacité des électeurs à choisir entre la continuité d’un modèle en déclin ou un renouveau axé sur la souveraineté, l’identité et la sécurité.

    L’Allemagne est-elle prête pour une révolution conservatrice ? Le 23 février prochain apportera une réponse qui pourrait changer le visage du pays pour les années à venir. Ces évolutions reflètent les préoccupations des électeurs face aux défis actuels, notamment en matière d’immigration et de sécurité. Un sondage DeutschlandTrend indique que 67 % des électeurs soutiennent l’instauration de contrôles permanents aux frontières, y compris plus de la moitié des partisans du SPD du chancelier Olaf Scholz. À quelques semaines du scrutin, l’Allemagne se trouve à un carrefour politique, avec des électeurs appelés à choisir entre la continuité et un changement potentiellement radical dans la gouvernance du pays.

    Nicolas Faure (Polémia, 3 février 2025)

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