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Points de vue

  • La victoire de Donald Trump va-t-elle contraindre les Européens à renforcer leur union ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Patricia Lalonde, cueilli sur Geopragma et consacré à la position diplomatique difficile des Européens vis-à-vis de la guerre en Ukraine avec le prochain retour au pouvoir de Donald Trump. Patricia Lalonde est vice-présidente de Geopragma.

     

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    Guerre en Ukraine : la victoire de Donald Trump va-t-elle contraindre les Européens à renforcer leur union ?

    Alors que les pays des BRICS et ceux qui y postulent, viennent d’afficher leur unité pour faire face à l’unilatéralisme des Etats-Unis et de l’Europe, lors du sommet de Kazan, l’incontestable et large victoire de Donald Trump peut-elle à nouveau redessiner le paysage géopolitique mondial ?

    La plupart des pays présents à Kazan se sont réjouis publiquement des résultats de l’élection américaine ; seule la Chine a montré un certain scepticisme.

    Donald Trump a promis de mettre fin aux guerres sans fin des Américains, à commencer par l’Ukraine et le Moyen Orient.

    L’Europe, qui a adoubé les Etats-Unis en s’impliquant fortement dans cette guerre, ne risque-t-elle pas d’être la seule et principale victime de ce changement de situation ?

    C’est en tout cas ce qu’ont laissé présager les déclarations des élites européennes, en continuant à refuser tout plan de paix avec la Russie qui laisserait à celle-ci les territoires acquis, c’est-à-dire ceux qui avaient déjà fait l’objet de négociations à Istanbul en mars 2022, négociations qui furent refusées par Boris Johnson, sur ordre des Américains.

    Plus de 800.000 morts et le double de blessés plus tard, l’Europe souhaite-t-elle continuer la guerre ? Mais cette fois ci, seule, puisque l’allié américain, sous Donald Trump, pourrait cesser toute aide militaire ou financière à l’Ukraine.

    Comme l’a avoué lui-même Thierry Breton, le mot « PAIX » est devenu un gros mot dans les couloirs de Bruxelles et une véritable défaite de Poutine, l’unique solution.

    Mark Rutte, le tout nouveau Secrétaire général de l’OTAN, s’est officiellement prononcé pour la poursuite de la guerre « nous devons renouveler notre engagement et poursuivre la guerre et nous devons faire plus que simplement maintenir l’Ukraine dans le combat … »  Boris Johnson prédit même que Londres pourrait envoyer des troupes si Kiev tombait…

    Et « last but not least » Joe Biden a offert un cadeau de départ aux Ukrainiens : l’autorisation d’utiliser les missiles à longue distance sur le territoire russe, ignorant au passage le nouvel ajustement russe de leur doctrine nucléaire…

    Les « va-t-en-guerre » déstabilisés par l’élection de Donald Trump, vont-ils prendre le risque de mettre l’Europe en première ligne ?

    Les pays européens sont divisés : la Hongrie de Victor Orban ou encore l’Italie de Meloni ont déjà condamné cette décision… Ils ont le contact direct avec Donald Trump et désirent entamer des négociations de paix ; Olaf Sholtz, il vient de donner un coup de pieds dans la fourmilière après avoir rendu publique sa conversation avec Vladimir Poutine et avoir osé parler de plan de paix.

    Emmanuel Macron tout comme le Premier ministre anglais, Keir Starmer, persiste dans le déni de réalité ; il n’accepte pas la défaite de l’Ukraine et multiplie les déclarations va-t-en-guerre, allant même jusqu’à soutenir son prédécesseur qui envisageait l’envoi de troupes !

    Mais la donne vient de changer depuis la décision de Joe Biden d’autoriser le lancement de missiles ATACMS américains sur le territoire russe, ce qui fut immédiatement suivi d’effet.

    La réponse russe ne s’est pas fait attendre :  l’ envoi d’un missile balistique hypersonique russe à portée intermédiaire sur le territoire ukrainien, sans charge nucléaire, suivi de la menace de frapper les pays de l’OTAN qui auraient permis à l’Ukraine d’utiliser leurs missiles à longue portée dans le territoire russe, semblent  faire prendre conscience aux Européens comme aux Américains de la dangerosité de la situation, pendant les deux mois qui nous séparent de la prise de pouvoir de Donald Trump.

    Selon le Washington Post, une rencontre entre le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte et Donald Trump à Mar-a-Lago  devrait être programmée et selon la publication néerlandaise De Telegraaf, elle aurait même déjà eu lieu, pour discuter de la stratégie de négociations de paix avec l’Ukraine, signe que Trump prendra en mains les négociations avec l’Ukraine avant l’échéance du 20 Janvier ; il vient d’ailleurs de nommer  Richard Grenell, qui s’est toujours opposé à l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan, pour mener ces négociations.

    La fin de la guerre en Ukraine souhaitée par Donald Trump va-t-elle contraindre les Européens à plus d’unité et ainsi éviter l’isolement que des négociations directes entre Poutine et Trump pourraient malheureusement imposer ?

    Patricia Lalonde (Geopragma, 25 novembre 2024)

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  • Pillage organisé et tiers-mondisation...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Julien Dir cueilli sur Breizh-Info, et consacré à la faillite d'un état gangrené par la médiocrité et la corruption, qui trahit les citoyens français...

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    Pillage organisé et tiers-mondisation : où disparaît l’argent que nous prend tous les jours la République française ?

    La coupe est pleine. L’annonce du déremboursement partiel des médicaments et l’augmentation du reste à charge en médecine sonne comme une gifle à un peuple déjà pressuré par un système fiscal hors de contrôle. Où va l’argent ? Où passent les milliards d’euros siphonnés chaque année par un État obèse et dysfonctionnel ? Taxes, impôts, charges sociales, prélèvements divers : les Français se tuent à la tâche pour alimenter un monstre bureaucratique qui ne remplit même plus ses missions essentielles. Ce système, gangrené par la médiocrité et la corruption, trahit ses citoyens chaque jour davantage.

    Une machine fiscale vorace, mais inefficace

    Les Français, champions du monde des prélèvements obligatoires, sont étouffés par un matraquage fiscal incessant. Chaque euro gagné par un salarié, un entrepreneur ou un artisan est amputé d’une part scandaleuse pour alimenter un État qui, en retour, offre des services publics de plus en plus dégradés. Hôpitaux en ruine, urgences saturées ou « régulées », maternités fermées : c’est un paysage de tiers-mondisation que le gouvernement impose à un pays autrefois leader en matière de santé et d’éducation. Et pendant ce temps, on assiste, impuissants, à l’effondrement de l’école, à la montée en flèche de l’insécurité et à l’explosion des inégalités territoriales.

    Où est passé l’argent collecté sur le dos des travailleurs et des entrepreneurs ? L’État dilapide ces fonds dans des politiques aussi inutiles que dispendieuses, refusant d’assumer ses responsabilités dans la gestion des deniers publics. Les « responsables » politiques de ce fiasco ne sont jamais inquiétés. Pourquoi ceux qui ont contracté des dettes abyssales depuis des décennies ne sont-ils pas en prison pour haute trahison ? Ces énarques de salon, protégés par leur immunité et leur arrogance bureaucratique, continueront d’échapper à toute poursuite pendant que la population paye leurs erreurs au prix fort.

    Une République du « pire » : entre libéralisme sauvage et soviétisation bureaucratique

    La République française offre désormais à ses citoyens le pire des deux mondes : un libéralisme sauvage pour les plus faibles et une bureaucratie soviétique pour tous les autres. Les travailleurs et les classes moyennes doivent composer avec des services publics qui s’effondrent, tandis que l’élite politico-administrative reste grassement rémunérée pour son incompétence. Derrière chaque fermeture de service hospitalier, chaque régulation des urgences, chaque école qui se délite, se cache une armée de technocrates bien à l’abri dans leurs bureaux, obsédés par leurs tableaux Excel et leurs réformes sans vision.

    Le plus révoltant ? Personne n’est jamais responsable. Jamais coupable. Le système entier repose sur une dilution de l’autorité et une déresponsabilisation systémique. Comme en Union Soviétique, on ne trouve jamais de visage derrière l’échec, seulement des excuses bureaucratiques et des rapports interminables.

    Les autorités françaises trahissent leur mission première : protéger leur peuple. Elles s’effacent devant des priorités idéologiques absurdes, tout en abdiquant leurs devoirs régaliens. Où sont les investissements dans nos hôpitaux ? Pourquoi les maternités ferment-elles alors que l’immigration continue d’être financée sans limite ? Pourquoi un système déjà au bord de l’implosion se permet-il de verser des milliards pour accueillir des populations supplémentaires, sans demander leur avis aux Français ?

    La tiers-mondisation de la France s’accélère sous nos yeux. Nos enfants héritent d’un avenir sinistre : une école au rabais, des conditions de vie de plus en plus précaires, et, pour seule consolation, des antidépresseurs ou des stupéfiants pour fuir une réalité insoutenable. Le tout, dans une société où règnent l’insécurité et l’éclatement communautaire. Il n’est plus question de solidarité nationale : c’est chacun pour soi dans un système qui divise au lieu de fédérer.

    Le réveil ou l’effondrement

    Face à cette situation, deux voies s’ouvrent à nous : l’acceptation de la décadence ou la révolte. La population ne tolérera pas éternellement d’être méprisée et pillée. Si l’État refuse de remplir ses obligations fondamentales – sécurité, santé, éducation –, il est inévitable que les citoyens prennent leur destin en main. La fracture entre le peuple et ses élites devient un gouffre. La révolte gronde.

    Pour éviter un effondrement total, il faut agir immédiatement. Nettoyer les écuries d’Augias. Réformer en profondeur un système qui n’a plus de sens. Réduire drastiquement les postes parasites et les bureaucraties inutiles. Mettre fin aux subventions folles à l’immigration et aux politiques inefficaces. Favoriser les entrepreneurs, les travailleurs, et cesser de récompenser les comportements de rente. Cela signifie une révolution économique, sanitaire, sociale et sécuritaire. Maintenant.

    Nous devons reconstruire un État décentralisé, au service de ses citoyens, avec une gestion rigoureuse des fonds publics et des priorités claires. Il est temps de réinvestir dans la santé, d’assurer une éducation de qualité et de rétablir la sécurité sur tout le territoire. Cela implique également de restaurer un projet commun pour la nation, une vision claire et fédératrice, loin des divisions communautaristes imposées par un multiculturalisme hors de contrôle.

    La Bretagne, la France méritent mieux que ce spectacle lamentable. Mais elle ne s’en sortira que si elle retrouve le courage de faire des choix. Les Français doivent reprendre le contrôle de leur destin. Et cela commence par une remise à plat totale de ce système à bout de souffle. Plus qu’un appel à la réforme, c’est un cri de survie. Le changement radical, la rupture, ou l’abîme. Choisissons vite.

    Julien Dir (Breizh-Info, 20 novembre 2024)

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  • Une période qui ressemble à la fin de la République romaine...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique de David Engels sur Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, datée du 21 novembre 2024 et consacrée à la situation actuelle de l'Europe.

     

                                               

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  • La séparation des pouvoirs en question...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Delcroix, cueilli sur Polémia et consacré à la question de la nécessaire séparation des pouvoirs, que vient mettre en lumière le procès dans l'affaire des assistants parlementaires du RN.

    Juriste et ancien avocat, Eric Delcroix a publié notamment Le Théâtre de Satan- Décadence du droit, partialité des juges (L'Æncre, 2002), Manifeste libertin - Essai révolutionnaire contre l'ordre moral antiraciste (L'Æncre, 2005) et Droit, conscience et sentiments (Akribéia, 2020).

     

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    Marine Le Pen face à la justice : la séparation des pouvoirs en question

    Les réquisitions du Parquet du 13 novembre devant le tribunal correctionnel de Paris, au procès dit des assistants parlementaires européens du Rassemblement national (Front national à l’époque), ont éclaté comme un coup de tonnerre.

    Des peines très lourdes demandées

    Il est demandé, pour s’en tenir au cas de Marine Le Pen, contre la cheftaine du RN, cinq ans de prison dont trois fermes, une lourde amende et une peine d’inéligibilité de cinq ans. Et ceci, avec exécution provisoire, comme si la prévenue risquait de réitérer l’infraction présumée, au su et au vu de tous, ou de se teindre en brune pour aller se cacher, sous une fausse identité, au Kamtchatka pour ne pas affronter l’appel qu’elle ne manquerait pas d’interjeter si le Tribunal suivait lesdites réquisitions.

    Coup de tonnerre dans le ciel bas et gris de la politique française, mais surtout le prix d’un État de droit accepté au lieu et place de l’État légal républicain. En effet, pourquoi avoir accepté le procès tel quel, pourquoi cette défense de connivence jusqu’ici, comme un voleur à la tire, alors que le rupture s’imposait dès l’origine ? Avec ou sans succès judiciaire direct, mais avec un retentissement politique autre et pas seulement pour pleurer a posteriori sur le lait répandu.

    « Je suis la République ! »

    Jean-Luc Mélenchon s’était opposé à la perquisition de son bureau de député français au siège de son parti (LFI), criant de façon spectaculaire aux policiers instrumentaires, et sous les caméras, « Je suis la République ! » (2018). Le parquet avait reculé, mais devant le Tribunal M. Mélenchon n’avait malheureusement pas repris cette défense politique et radicale, abandonnant l’État légal républicain à son absorption par l’État de droit (Rechtsstaat made in Germany [1]).

    Dans l’État légal, de la tradition républicaine française historique, la loi est au-dessus du juge et non l’inverse, contrairement à qui prévaut dans cet État de droit, que nous avons connu avant la lettre en France comme vice de l’Ancien régime (hors la trop courte parenthèse Maupeou de 1771-1774). Ou bien on s’y fait et on doit cesser de nous bassiner avec la République, ou bien on regimbe et on revendique la restauration de notre régime dans son essence spécifique.

    L’ordre légal républicain, jamais remis en cause avant l’émergence de l’État de droit dans la Vème république de l’après De Gaulle, supposait une stricte séparation des pouvoirs, l’article 127 de l’ancien Code pénal (1810-1994) édictant que le magistrat qui refusait d’appliquer une loi commettait le crime de forfaiture. Toutefois, avant même l’abrogation de ce code au profit du Code Badinter (1994), l’article 55 de la Constitution, énonçant la supériorité des traités sur la loi nationale, avait déjà servi de palliatif pour contourner l’interdit criminel. Selon l’historien de droit Jacques Krynen [2] cet article ne visait alors qu’à rassurer les Alliés de la France quant à ses engagements vis-à-vis d’eux (Guerre froide).

    Mais la Cour de cassation, en 1975 [3], puis le Conseil d’État, en 1989 [4], ont pris leurs aises jurisprudentielles devant l’indifférence distraite de nos politiciens qui n’aiment pas tant le pouvoir que son apparence (n’ont-ils pas abandonné récemment leur compétence en matière d’avortement au profit du Conseil constitutionnel de composition non démocratique ?).

    La séparation des pouvoirs, un droit et deux ordres

    Dès son origine, la république française, précisément pour en finir avec l’État de droit encore innomé de l’Ancien régime, avait établi, sous l’autorité suprême de la Loi formelle, une stricte séparation des pouvoirs, au point de connaître une postérité originale typiquement française. En effet, l’interdiction faite à l’autorité judiciaire de s’immiscer dans les fonctions des pouvoirs législatifs et exécutifs finira par conduire à la création d’un droit administratif autonome (1873) avec un ordre juridictionnel parallèle, mis sous l’égide du Conseil d’État afin de laisser l’ordre judiciaire, et donc la Cour de cassation, absolument en dehors du jeu.

    Or, si le Front national/Rassemblement national a donné aux fonds parlementaires qui lui étaient dus par le Parlement européen une affectation tout ou partie étrangère à leur objet, est-ce à un juge de l’ordre judiciaire de le sanctionner ? Que dirait-on si, symétriquement, une commission parlementaire perquisitionnait le cabinet d’un juge pour voir s’il fait bien son travail et utilise à bon escient l’argent du contribuable ? Là, on entendrait glapir à la « violation de la séparation des pouvoirs ! ». Et à juste titre ! Certes, mais alors il appartient aux assemblées d’établir leurs systèmes disciplinaires distincts, comme nous sûmes établir historiquement nos juridictions administratives, au nom du respect de la séparation des pouvoirs. Que reste-t-il de cette séparation des pouvoirs si le juge peut dire aux députés ce qui est ou n’est pas un travail parlementaire ?

    Bon. Vous allez m’opposer que ce n’est pas le parlement de la République qui est en cause ici, contrairement au précédent (avorté) Mélenchon. Peut-être. Peut-être, mais nous faut-il céder nos valeurs historiques devant le parlement croupion de Bruxelles et Strasbourg, lieux de jeux de rôles pour entretenir le personnel politique des 26 ou 27 (et plus si affinité) en mal de sièges et de prébendes, et qui n’a guère de pouvoirs d’initiatives démocratiques et pas même l’initiative des lois ?

    Ou alors, soumis et en connivence comme le RN devant le Tribunal, ayons le bon sens d’acter la fin de la République et de reconnaître notre dissolution dans l’Union européenne que l’ancien dissident Vladimir Boukovsky (« … je viens de votre futur ») décrivait comme une nouvelle URSS en devenir.

    Éric Delcroix (Polémia, 19 novembre 2024)

     

    Notes :

    [1] Voyez mon ouvrage Droit conscience et sentiments, Akribeia, 2020.
    [2] Voyez son ouvrage Le Théâtre juridique, une histoire de la construction du droit, Gallimard, 2018.
    [3] Arrêt Société des Cafés Jacques Vabre.
    [4] Arrêt Nicolo.

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  • L’Arctique : Guerre Froide ou Guerre Congelée ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christopher Coonen cueilli sur Geopragma et consacré à l'Arctique, future zone de conflit géopolitique...

    Secrétaire général de Geopragma, Christopher Coonen a exercé des fonctions de directions dans des sociétés de niveau international appartenant au secteur du numérique. 

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    L’Arctique : Guerre Froide ou Guerre Congelée ?

    Le conflit ukrainien a été le révélateur d’un nouvel échiquier géopolitique mondial, mettant fin à presque sept décennies d’un affrontement bipolaire entre les États-Unis et l’Union Soviétique, suivi d’une vision unipolaire américaine après l’éclatement de son empire rival russe. Nous avons bel et bien basculé dans un nouveau paradigme multipolaire assorti d’opportunités et de tensions inévitables entre l’Occident, les BRICS+ et le « Grand Sud ».

    Les ramifications de cette rivalité remettent en cause à juste titre l’hypocrisie occidentale sur son rôle soi-disant « juste et de principes » en termes de Droits de l’homme et de démocratie ; l’attitude cynique, belliqueuse et extraterritoriales des USA et le suivisme attentatoire européen sont passés par là. Elles englobent les questions de culture, d’économie, de sécurité et de défense, allant même jusqu’à œuvrer pour la dédollarisation des échanges commerciaux mondiaux et des réserves de devises détenues par les banques centrales.

    Ce nouvel échiquier cristallise aussi des aspirations de projection de puissance et de rapports de force, laissant poindre les zones géographiques terrestres ou du Cosmos qui deviennent ou deviendront des enjeux de tensions et de crises actuelles et futures. L’un de ces espaces est l’Arctique.

    Longtemps perçu comme un territoire hostile et inaccessible, l’Arctique redevient une préoccupation pour les grandes puissances en 1996 avec la création du Conseil de l’Arctique, un forum d’échanges et de coopération autour des sujets touchant le climat, l’environnement, la science et la sécurité, entre les 8 pays frontaliers de l’Arctique : la Russie, les États-Unis, le Canada, le Danemark (Groenland), la Suède, la Finlande, la Norvège et l’Islande. A noter que cinq des huit sont membres de l’OTAN, avec deux pays supplémentaires en lice suite aux candidatures exprimées en juin dernier par la Finlande et la Suède. Sous le droit international existant, les huit nations se sont mises d’accord alors pour définir les zones exclusives économiques (ZEE), comprenant les 12 milles d’eaux territoriales et limitées aux 200 milles d’eaux internationales au-delà.

    Cependant deux enjeux majeurs ont amplifié depuis quelques années ces sujets : le réchauffement climatique et les questions militaires.

    La fonte accélérée de la banquise ouvre deux nouvelles opportunités : les passages maritimes et l’accès facilité aux ressources gisant sous la calotte de glace. À ces événements géopolitiques s’ajoutent des observations scientifiques inédites. Les grandes puissances prennent alors véritablement conscience du bouleversement à venir. Selon les experts du Giec, avec la hausse des températures, la banquise pourrait totalement disparaître en été d’ici 2030, ouvrant de nouvelles voies maritimes, c’est à dire le passage du Nord-Est, ouvrant la voie la plus courte pour relier l’Europe à l’Asie ou vice-versa, le long des côtes russes, plutôt qu’empruntant le canal de Suez. Temps de croisière diminué de 24 à 12 jours. De plus, l’Institut polaire norvégien révèle que, pour la première fois depuis le début de ses constatations en 1972, le passage du Nord-Ouest (reliant l’Alaska à l’Europe) est « entièrement ouvert à la navigation ».

    Selon une étude en 2008 du très sérieux US Geological Survey, la zone arctique recèlerait plus de 10 % des réserves mondiales de pétrole et près de 30 % des réserves de gaz naturel. Et la fonte des glaces apparaît alors comme une aubaine économique pour les pays concernés car l’Arctique regorge d’autres trésors : nickel, plomb, zinc, uranium, platine, terres rares … Cependant une grande majorité de ces hydrocarbures et ressources est située dans la ZEE russe.

    Vladimir Poutine mise beaucoup sur cet eldorado polaire et veut quadrupler d’ici 2025 le volume de fret transitant par l’Arctique. Symbole de ces aspirations, la gigantesque usine de liquéfaction de gaz naturel dans la péninsule de Yamal, conçue en collaboration avec la Chine et le groupe français Total. Outre la possibilité de développer des routes commerciales plus courtes par les passages du nord, la Chine veut ainsi imprimer sa présence sur les « routes de la Soie polaire » car les projets de GNL représentent la pierre angulaire de la coopération sino-russe en Arctique. En général, l’Empire du Milieu ne cache pas son attrait pour ce vaste territoire situé pourtant à 1.400 km de ses côtes. « Ce regain d’intérêt s’est matérialisé dès 2004 par la construction d’une station scientifique sur l’archipel norvégien du Svalbard » ; la Chine s’est peu à peu imposée comme un partenaire scientifique mais aussi comme un partenaire économique majeur.

    En 2013, l’Islande devient ainsi le premier pays européen à signer un accord de libre-échange avec Pékin. La même année, la Chine fait son entrée au Conseil de l’Arctique avec un statut de pays observateur. En 2018, la Chine présente pour la première fois sa politique arctique et se définit désormais comme un « État proche-Arctique » – un statut inventé et fondé sur une nouvelle interprétation des cartes. En quelques années, Pékin est devenu le premier investisseur dans la zone et s’est impliqué dans des dizaines de projets miniers, gaziers et pétroliers.

    La Russie, qui détient la frontière la plus longue avec l’océan Arctique, pourrait être tentée de bloquer ces routes en cas de tensions et d’escalade avec les pays occidentaux. Si les démonstrations de force de la Russie en Arctique inquiètent les pays occidentaux, pour le moment aucun pays arctique n’a intérêt à développer un conflit armé dans la région car l’instabilité ferait sans doute fuir les investisseurs, à minima.

    Des tensions géopolitiques ou de la militarisation, il n’en a pas été question à Reykjavik en mai 2021 lors du dernier Forum ; il s’était officiellement réuni pour parler développement durable, coopération économique et pacifique et protection des populations autochtones menacées par le réchauffement climatique, trois fois plus rapide dans le Grand Nord que sur le reste de la planète. « Nous nous engageons à promouvoir une région arctique pacifique où la coopération l’emporte en matière de climat, d’environnement, de science et de sécurité », a déclaré alors le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken.

    Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, a martelé que l’Arctique était une zone d’influence légitime de Moscou et dénoncé « l’offensive » occidentale dans la région, tandis son homologue américain en visite au Danemark quelques jours auparavant, avait pointé du doigt « l’augmentation de certaines activités militaires dans l’Arctique ».

    Ce dernier conclave a débouché sur une déclaration commune sur la nécessité de préserver la paix et de lutter contre le réchauffement climatique. Une entente de façade alors que les rivalités ne cessent de grandir dans cette région devenue le pôle de toutes les convoitises.

    Depuis 2010, la Russie a en effet construit ou modernisé 14 bases militaires datant de l’époque soviétique et multiplié les exercices militaires. En mars 2017, Moscou a simulé une attaque d’avions contre un radar norvégien. Puis les forces russes ont réalisé l’exploit d’un parachutage à 10.000 mètres d’altitude dans le cercle polaire, démontrant leur capacité de projection dans des conditions extrêmes. Des images satellites récentes montrent ces vieilles bases militaires et hangars sous-marins de l’époque soviétique rénovés, des stations radars flambant neuves installées non loin de l’Alaska et des pistes d’atterrissage qui sont apparues dans l’archipel des îles de Nouvelle-Sibérie, confirmant l’ampleur de cet effort. Pour souligner le tout, Vladimir Poutine a signé au cœur de l’été 2022 une nouvelle doctrine pour sa marine, indiquant que la Russie défendrait « par tous les moyens » ses eaux arctiques ; le document les mentionne 66 fois.

    C’est en effet dans cette région que se trouve la flotte du Nord, la plus puissante des quatre flottes russes, et qui constitue la colonne vertébrale de la dissuasion nucléaire maritime russe.

    En face, l’OTAN montre aussi les muscles avec des exercices militaires de plus en plus fréquents. En 2018, l’exercice « Trident Juncture » en Norvège a rassemblé des troupes des 29 pays membres, rejointes par celles de la Suède et de la Finlande. D’une ampleur inégalée depuis la fin de la Guerre froide, cette manœuvre avait provoqué la fureur du Kremlin. En amont d’une visite en août 2022 du système de radars de Cambridge Bay, au Canada, le Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a indiqué dans une tribune que l’organisation militaire « muscle la sécurité de l’Arctique », soulignant que « le chemin le plus court vers l’Amérique du Nord pour les missiles ou bombardiers russes serait le pôle Nord ». Les États-Unis voient d’un mauvais œil cette montée en puissance militaire à quelques centaines de kilomètres de leur territoire en Alaska. “Nous avons des intérêts de sécurité nationale évidents dans cette région que nous devons protéger et défendre”, a averti en 2021 John F. Kirby, alors porte-parole du Pentagone.

    Mais dans l’esprit américain, cette militarisation de l’Arctique n’est pas seulement à but défensif. Washington craint le spectre du missile sous-marin Poséidon que la Russie serait en train de mettre au point dans l’une de ses bases tout au nord du pays. Si ces nouvelles armes inquiètent tant, c’est qu’il s’agit de drones capables de déjouer les systèmes américains de détection sous-marine et qui sont équipés de têtes explosives de plusieurs mégatonnes. En explosant, elles pourraient créer des ‘tsunamis’ radioactifs au large des côtes américaines.

    La multiplication des bases militaires russes permettrait de préparer le contrôle de facto par la Russie du trafic maritime le long de cette route. Les États-Unis n’ont aucune envie de voir se répéter dans cette région la même situation qu’en mer de Chine méridionale, où Pékin essaie d’imposer sa souveraineté en construisant un réseau d’installations militaires. Mais les Chinois essayent aussi de projeter leur influence en Arctique, en témoignent les récents exercices navals avec la Russie dans cette zone.

    Si vis pacem para bellum. Alors que John F. Kirby semblait suggérer en 2021 que “personne n’a intérêt à ce que l’Arctique devienne une zone militarisée”, ce n’était pas tant un appel à la paix dans le monde des glaciers, qu’une mise en garde indiquant que les États-Unis sont prêts à défendre leurs intérêts économiques. Les États-Unis ont déployé le 28 février dernier l’un de leurs seize Boeing E6-Mercury en Islande, qui servent (avec une autonomie de 12.000 kilomètres) de postes de commandement aériens et de relais de communication pour le National Command Authority américain, pour des attaques intercontinentales nucléaires potentielles à partir des silos aux US ou depuis les SNLEs américains qui rôdent sous la banquise à l’année, jouant au chat et à la souris avec les vaisseaux russes ou français … Des E6 additionnels pourraient rejoindre prochainement d’autres cieux otaniens en Europe.

    Plus l’Arctique se libère, plus il est rentable et intéressant d’y mener des activités économiques et militaires. Il va donc devenir un point de convergence de rivalités croissantes des puissances de l’hémisphère nord: États-Unis, Russie et Chine. L’Arctique, c’est l’enjeu du siècle à venir.

    Christopher Coonen (Geopragma, 18 novembre 2024)

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  • Innovation et destruction créatrice, l'essence du capitalisme...

    Dans cette nouvelle vidéo, Ego Non nous fait découvrir l’œuvre de l'économiste hétérodoxe austro-hongrois Joseph Schumpeter, qui a identifié le principe de la destruction créatrice comme moteur du capitalisme.

     

                                             

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