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Points de vue - Page 5

  • Quelle Europe devrions-nous sauver ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Emmanuel Goût cueilli sur Geopragma et consacré aux gesticulations de la Commission européenne sur la question de la guerre en Ukraine et de la défense européenne. Emmanuel Goût est membre du Conseil d’Orientation Stratégique de Geopragma.

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    Quelle Europe devrions-nous sauver ?

    Le vendredi 28 février 2025 restera mémorable pour le déroulé de la rencontre entre le Président ukrainien ad intérim Zelensky et le Président américain Trump qui, rappelons-le aux virtuoses de la défense de la démocratie, a battu dans sa récente réélection des records de suffrages populaires. 

    Un autre évènement a aussi retenu mon attention par sa logique copier-coller, avec le monde d’Hollywood et de Taylor Swift mobilisés pathétiquement pour Kamala Harris, c’est la cérémonie des Césars. On y vit une Catherine Deneuve, de retour à cette cérémonie qu’elle a tant « snobée », avoir le besoin de dédier cette soirée à l’Ukraine… 

    On imagine en effet le désarroi d’une communauté dite « culturelle », de part et d’autre de l’Atlantique, perdre ses repères, depuis la chute du Président Biden (et de sa Vice-présidente), un Biden reconnu pourtant gâteux une intervention sur deux, pourfendeur de guerres toute sa vie durant, et demeurant néanmoins symbole du ralliement occidental ! 

    Malheureusement, il n’y a pas que cette communauté « culturelle » qui vocifère, car aux cotés de celle-ci, tous nos leaders politiques n’ont pas manqué d’exprimer leur soutien à Zelensky, se disant choqués, leurs déclarations faisant écho aux aboiements désespérés de nos médias mainstream.

    Face à une telle avalanche d’avis en tout genre, sur les dynamiques du monde et de la géopolitique, je finis par penser, en les écoutant, à mon barbier qui sans aucun doute peut me confier ses propres commentaires sur le monde mais dont, honnêtement et sans lui manquer de respect, je limite ma reconnaissance à ses compétences professionnelles qui m’ont amené à franchir son pas de porte. J’applique la même sentence aux artistes. Ils pourraient nous économiser des prises de position aussi prévisibles que superficielles, sans pour autant renoncer bien entendu au cinéma engagé : ma conscience politique doit sûrement encore beaucoup, à titre d’exemple, à Costa Gavras et son « Z » ou à Apocalypse Now de Coppola. 

    Mais que dire alors desdits experts et des journalistes ?

    Aux origines du mal, il faut sûrement pouvoir dénoncer l’aveuglement de deux professions en particulier : les journalistes et les diplomates. Ils assument, sans prendre le moindre recul, des conclusions manichéennes, conditionnées par une communication « tweetérisée ».

    Ils deviennent la matrice des politiques ou des analystes en tout genre, de tout niveau, ceux-là même qui refusent tout débat contradictoire, et dont les compétences improvisées ne peuvent prétendre à la moindre autorité. 

    Un peu comme si demain votre serviteur voulait se projeter conseiller pour la constitution de l’équipe de France…

    Aux origines du mal repose cette totale incapacité à ne pas savoir écrire, à ne pas savoir raisonner sans partir d’une conclusion apriori. Un tel obscurantisme se voit tristement consolider par un refus systématique de débattre avec les opinions différentes. 

    La formation des décideurs résulte par conséquent exclusivement de ces a priori

    En ce qui concerne les journalistes en particulier, ce comportement partisan remonte sûrement en grande partie au moment où la rédaction d’une information finit par se fondre avec l’éditorial :

    La présentation d’une information et d’interprétations enrichies par des recherches et vérifications les concernant devrait constituer deux moments distincts de l’écriture, en mesure d’offrir aux lecteurs une véritable stimulation à la réflexion. 

    Il en va de même pour les diplomates qui ont depuis trop longtemps abandonné les conseils qui ressortent des « portraits de diplomates qui ont changé le monde », dirigés par Hubert Védrine et que sont la curiosité et l’écoute

    Dans ce nouvel environnement géopolitique, l’Europe de la Commission, prolongeant les déclarations de nos politiques, refuse toute remise en cause, tout « mea culpa », gesticule, renouvelle son soutien indéfectible à l’Ukraine quitte à y risquer plus de morts et un élargissement du conflit, tire à boulets rouges sur le président de cette Amérique dont nous sommes vassaux affirmés depuis des décennies, et revendique même un nouveau leadership pour le « monde libre », dixit Madame Kallas. On croit rêver, c’est un cauchemar.

    L’Europe, que la Commission dirige, a en trois ans rendu nos foyers et nos entreprises dépendants énergétiques des USA – aujourd’hui les vrais gagnants – et de l’Algérie par exemple depuis l’abandon des fournitures énergétiques en provenance de Russie, sans oublier le surcoût que cette politique comporte : je vous renvoie à votre dernière facture.

    Cette nouvelle dépendance énergétique vient compléter la dépendance de nos économies à l’économie américaine – en particulier l’Allemagne -. Mais aussi, alors que nos politiques européens font un credo de la nécessité d’une défense européenne, faut-il ne pas négliger notre dépendance technologique globale aux USA puisque 50 %, pas moins, de nos équipements militaires dépendent directement ou indirectement des USA avec tout ce que cela comporte et que d’un point de vue pratique, à titre d’exemple, sur le front ukrainien, sans les réseaux satellitaires américains et leurs radars, nous nous retrouverions fort démunis, pour ne pas dire impuissants.

    Pour compléter le tout, nos eurocrates, à commencer par Mario Draghi, poussent à un endettement européen pour financer cette hypothétique défense européenne indépendante. Compte-tenu de ce qui précède, elle ne nécessiterait pas moins de 30 ans pour sa mise en place, privée de toute dépendance… Ce financement nécessaire de 800 milliards, décrit et promu entre autres par Draghi, reposerait sur un endettement européen (comme celui pour le Covid qui a tristement ouvert la brèche). Qui dit endettement dit impôt européen à venir ; M. Draghi est italien, pays qui pratique traditionnellement la culture du plus de dettes et de plus d’impôts !

    Sans compter enfin le contexte et la précipitation dans lequel se développe l’idée d’une défense européenne, celui d’une paranoïa maladive qui verrait la Russie vouloir s’en prendre à l’Europe. C’est ignorer l’histoire et la réalité.

    Tristes fondamentaux d’une Europe de la Commission que nous avons le devoir de combattre et d’empêcher nous conduire à un nouveau conflit mondial.

    Dans cette « illogisme destructeur », nous devons dénoncer et tenter de stopper les va-t-en guerres, les va-t-en impôts, les va-t-en règlements de l’information, les Van der Leyen, Kallas, Draghi, Macron.

    C’est servir une Europe qui pourrait sinon paradoxalement éclater. 

    Les européens doivent pouvoir prendre le dessus sur les européistes.

    L’Allemagne n’économise pas depuis les dernières élections, par la voix du leader de CDU Merz, des revendications et surenchères européennes. Elle oublie, comme sa maison mère l’Europe, qu’elle s’est générée depuis le conflit aux portes de l’Europe une nouvelle dépendance, une profonde dépendance énergétique aux USA qui s’additionne à sa dépendance économique qui résulte des déséquilibres des échanges bilatéraux. L’Allemagne parle d’une Europe plus européenne désormais… mais elle finira par se réconcilier avec son Est géopolitique aux dépends de la France, même si l’Angleterre fera tout pour entretenir, comme par traditions millénaires la permanence du conflit qu’elle favorise – comme au printemps 2022 faisant sauter l’accord de paix -, contribuant ainsi à l’affaiblissement de l’Europe continentale.

    Puis il y a toute une série de pays, Hongrie, Slovaquie…, qui ne voudront plus subir la politique de chantage qu’imposent ces prétendus illuminés de démocratie de la Commission pour les garder dans le giron des politiques de sanctions européennes à la Russie.

    Enfin il y a ceux, comme la Pologne qui parieront toujours plus sur les américains que sur l’Europe ou comme le Danemark qui doit protéger ou négocier son Groenland…

    Le monde est en totale ébullition. L’Histoire pluri-millénaire enseigne qu’il n’y a rien d’irrévocable et que les a priori ne sont que des manquements à l’intelligence.

    Il ne faut pas sauver cette Europe mais il y a urgence à penser l’Europe différemment, urgence à sauver une autre Europe. 

    Il y a ceux qui veulent le retour aux Nations souveraines, ceux qui veulent reparcourir l’idée de l’Europe des Nations ou ceux qui voudraient un leadership européen plus éclairé, indépendant et capable d’interagir tant à l’ouest qu’à l’est, forte d’une vocation « civilisationnelle » qui, aux côtés d’autres civilisations du monde, fait la richesse de notre terre et de sa diversité.

    Confrontés à cette effervescence géopolitique, toujours sujette à retour de flammes, n’oublions jamais que quel que soit le Président américain, démocrate ou républicain, gâteux ou illuminé, ce sera toujours America first ! Et les russes le savent. 

    Emmanuel Goût (Geopragma, 3 mars 2025)

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  • IA et fracture humaine : une élite augmentée face à une masse déclassée ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique de David Engels sur Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, datée du 28 février 2025 et consacrée à la question de l'intelligence artificielle.

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan, à l'Institut Catholique de Vendée ainsi qu'au Mathias Corvinus Collegium de Bruxelles, David Engels est l'auteur de trois essais traduits en français, Le Déclin - La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013), Que faire ? - Vivre avec le déclin de l'Europe (La Nouvelle Librairie, 2024) et, dernièrement, Défendre l'Europe civilisationnelle - Petit traité d'hespérialisme (Salvator, 2024). Il a  également dirigé deux ouvrages collectifs, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020) et Aurë entuluva! (Renovamen-Verlag, 2023), en allemand, consacré à l’œuvre de Tolkien.

     

                                           

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  • Les «bons Européens»...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Duarte Branquinho, cueilli sur le site de l'Institut Iliade et consacré à l'avenir que nous devons donner à l'Europe.

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    Les « bons Européens »

    Le discours du vice-président américain à la Conférence de Munich sur la sécurité du 14 février 2025 a engendré une secousse politique et diplomatique majeure. Si Vance est perçu comme une voix d’espérance à droite, un modèle à imiter, en ce qui concerne le centre et la gauche, il représente l’incarnation du mal, du diable intervenant dans l’existence des autres pour les anéantir.

    Sommes-nous voués à être de « bons Européens », apaisés et soumis, paralysés par l’individualisme consumériste, ou de « mauvais Européens », autodestructeurs et aveuglés par un amour inconditionnel pour autrui, abrutis par le nihilisme progressiste ?

    Guillaume Faye écrit qu’« un peuple ou une civilisation qui abandonne sa volonté de puissance sera inévitablement submergé ; car celui qui n’avance pas recule, et celui qui refuse le combat comme étant essentiel à la vie ne vivra pas longtemps ». La clé réside justement dans la volonté d’affirmation et seuls les Européens pourront construire l’Europe, en tant qu’enfants du futur. La troisième voie est celle de ceux que Nietzsche distingue des patriotes, les Bons Européens.

    Les propos de Vance ne sont pas nouveaux, mais il semble qu’un point de vue extérieur soit nécessaire, notamment celui du porte-parole de la plus grande puissance mondiale, afin que nous puissions percevoir ce qui est devant nous. Examinons les trois questions clés de son allocution, sous un angle européen :

    • L’immigration de masse, la menace la plus importante. Vance n’a pas nié les menaces extérieures, telles que la Russie ou la Chine, mais a rappelé l’évidence, le danger intérieur. Les élites européennes ont oublié la figure de « l’ennemi à l’intérieur de leurs propres portes » et ont trop longtemps nié toute conséquence négative du phénomène migratoire, mais aujourd’hui le fantasme de la fin de l’histoire s’estompe. La seule réponse politique viable au défi actuel est de stopper les flux et de les inverser, un changement qui ne sera efficace que s’il est mis en oeuvre au niveau européen.
    • Une politique de défense européenne est indispensable. Vance a déclaré catégoriquement qu’« il est essentiel que, dans le futur proche, l’Europe fasse un pas en avant pour assurer sa propre défense ». Que ce soit pour protéger leurs citoyens et leurs frontières, ou investir dans leurs forces armées, les Européens ne peuvent dépendre d’aucune puissance extérieure. La paix se maintient en se préparant pour la guerre, et c’est l’enseignement classique qui devrait nous guider. Les premiers jalons de l’affirmation européenne en tant que puissance militaire se posent par le biais du développement de l’industrie de défense européenne et la mise en place d’un commandement des forces armées interétatique à l’échelle européenne.
    • La démocratie, règne de la volonté populaire. Vance est venu nous rappeler qu’il ne peut y avoir de place pour des cordons sanitaires électoraux ou d’autres formes de restrictions de l’expression des citoyens. Selon ses propres termes, « aucune démocratie, qu’elle soit américaine, allemande ou européenne, ne peut survivre au fait de dire à des millions d’électeurs que leurs pensées et leurs préoccupations, leurs aspirations, leurs appels à l’aide ne sont pas valables ou ne méritent même pas d’être pris en considération. » Les soi-disant populismes constituent actuellement le tournant de cette impasse politique, provoquée par la crise de légitimité.

    Les critiques qui ont volontiers vu dans ce discours une ingérence de Vance dans les affaires européennes sont ceux qui délèguent allègrement la défense de l’Europe aux États-Unis et ferment les yeux sur les soutiens financiers extérieurs de toutes sortes réalisés par les Américains, y compris ceux aux médias dits « de référence ».

    Ceux qui voient dans ces propos une atteinte à la démocratie européenne sont ceux qui veulent interdire les partis qui dérangent, surtout lorsqu’ils représentent une part toujours croissante de la population, ou qui s’opposent aux référendums sur des questions fondamentales comme l’immigration.

    Face aux présentistes, qui confondent l’Union européenne avec l’Europe, aux passéistes, qui rêvent de souverainetés impossibles, ou aux fatalistes, pour qui rien ne vaut la peine, la meilleure idée que JD Vance a véhiculée dans son discours de Munich était que « nous n’avons pas à avoir peur de l’avenir ».

    L’accélérationnisme se fait sentir à la fin de cet interrègne et, avec l’Europe à l’horizon, je me souviens des paroles sages et inspirantes de Giorgio Locchi : « Si nous voulons parler de l’Europe, si nous voulons planifier l’Europe, nous devons penser l’Europe comme quelque chose qui n’a jamais existé, quelque chose dont le sens et l’identité n’ont pas encore été inventés. L’Europe n’a pas été et ne peut pas être une « patrie », une « terre des pères » ; ne peut être planifiée, projetée, selon les mots de Friedrich Nietzsche, que comme une « terre des fils ». »

    Duarte Branquinho (Institut Iliade, 19 février 2025

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  • Black Rock, les nouveaux maîtres de la finance ?...

    En complément de son article sur le sujet dans le dernier numéro de la revue Éléments, Guillaume Travers nous fait un point de situation sur ces fonds d'investissement géant, qui, comme Black Rock, dominent désormais la finance occidentale.

     

                                            

    " À quoi ressemblent les plus gros actionnaires de la planète ? On se figure volontiers des investisseurs à succès, des traders ayant réalisé de gros coups dans les salles de marché des banques ou des gérants de fonds spéculatifs. Ce serait oublier une révolution qui a bouleversé la finance depuis plusieurs années: celle de l'investissement dit « passif » ou « indiciel », bien plus méconnu, mais dont un nom émerge néanmoins avec récurrence, celui de BlackRock."

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  • Rod Dreher : « Sans Européens, l’Europe n’a aucun avenir »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Rod Dreher, cueilli sur Breizh-Info et consacré à la question démographique en Europe. Rod Dreher est un essayiste catholique conservateur américain, installé en Hongrie depuis trois ans.

     

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    Rod Dreher : « Sans Européens, l’Europe n’a aucun avenir »

    La crise démographique mondiale, c’est-à-dire la forte baisse du taux de natalité qui touche presque tous les pays du monde, à l’exception (pour l’instant) de ceux d’Afrique subsaharienne, est peut-être la plus grande menace à laquelle la civilisation est confrontée. Mais c’est celle dont peu de gens veulent parler.

    Eh bien, ce n’est pas tout à fait vrai. En Europe, où les taux de natalité sont inférieurs au seuil de renouvellement des générations depuis de nombreuses années, les dirigeants politiques n’ont d’autre choix que d’en parler. Le problème, c’est que la plupart d’entre eux ne veulent dire et entendre qu’une seule chose : que la migration massive depuis les pays plus fertiles est la seule solution possible.

    En janvier, lorsque la Commission européenne a présenté sa « boîte à outils démographique », les parlementaires européens conservateurs l’ont critiquée pour avoir donné la priorité à la migration par rapport à d’autres solutions potentielles à la crise. Les députés européens de gauche les ont dénoncés, comme on pouvait s’y attendre, comme racistes, haineux et xénophobes, toujours convaincus, on suppose, qu’ils peuvent faire disparaître comme par magie les vérités désagréables avec des mots à la mode progressistes.

    Mais peut-on raisonnablement nier que les migrations de masse déchirent l’Europe ? Oh, c’est certainement le cas – non seulement par les dirigeants de l’establishment, mais aussi par les millions d’électeurs qui les soutiennent encore, par peur de voter pour la soi-disant « extrême droite ». L’AfD, parti de droite, a été tenu à distance lors des récentes élections en Allemagne, malgré le fait qu’il ait doublé son nombre de voix, mais personne de sérieux ne s’attend à ce que la coalition centriste de l’establishment qui gouvernera désormais l’Allemagne résolve ses graves crises.

    Il en va de même dans toute l’Europe, mais cela ne durera pas. Dans une implacable analyse de la mort de l’ancien ordre, Gerry Lynch, commentateur libéral nord-irlandais, a fustigé la gauche pour son refus béat d’accepter que les conditions du monde réel aient radicalement changé, au point que ses anciennes certitudes ne tenaient plus. Lynch écrit : « Les paradigmes dépendent de la foi ; la perte de la foi les tue. »

    Son argument est que le paradigme libéral-gestionnaire qui a encadré et guidé la politique aux États-Unis et en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale est mort. Les Européens ont idéalisé leur modèle de gouvernance transnationale, avec son état-providence, sa laïcité intransigeante, son libéralisme culturel, son hostilité à la souveraineté nationale, son humanisme sentimental et son ouverture aux migrations de masse. Les Européens ont vécu dans un monde imaginaire, en partie grâce à la volonté des États-Unis de payer pour leur défense.

    Le coût de la vie croissant inhérent à ce paradigme a été nié pendant de nombreuses années par les dirigeants européens et ceux qui votent pour eux. Sur la question de l’immigration, comme en Amérique, les politiciens ont toujours agi contre la volonté de leur opinion publique, mais ils n’ont généralement pas eu à en payer le prix. Ces jours sont en train de toucher à leur fin, et le changement de régime – le changement de paradigme – en Amérique accélérera l’effondrement de ce que l’on pourrait appeler l’utopie de Bruxelles.

    Il faut dire, cependant, que ce n’est pas seulement un problème de la classe dirigeante eurocratique. L’Europe dépend vraiment de la main-d’œuvre immigrée bon marché. Le ministre français de l’Économie a récemment déclaré à la télévision nationale que la France avait besoin de plus d’immigrés. Le coût culturel massif de cette politique économique structurelle est payé par les Européens ordinaires qui sont confrontés à une montée en flèche de la criminalité violente, y compris les meurtres terroristes commis par des islamistes. Et ce sont les générations futures d’Européens qui paieront, en héritant de nations peut-être irréversiblement modifiées – dé-européanisées – par la présence de ces migrants et de leurs enfants.

    Tous les Européens honnêtes le savent. Et ils le détestent. Tous les autres vivent dans le déni ou, comme le politicien français d’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon, encouragent le Grand Remplacement comme une bonne chose (« Nous sommes destinés à être une nation créole, et tant mieux »).

    Et pourtant, la dure réalité demeure : sans Européens, l’Europe n’a pas d’avenir. Si la migration de masse est une solution inacceptable, alors la seule chose à faire pour les Européens est d’avoir plus d’enfants. Il n’y a pas de troisième choix.

    Entrez Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois, qui vient d’annoncer une nouvelle politique nataliste radicale : une exonération à vie de l’impôt sur le revenu pour les femmes qui ont deux enfants ou plus.

    Le gouvernement pro-famille du Fidesz a longtemps été à l’avant-garde de l’utilisation de la politique fiscale pour stimuler la natalité. Aujourd’hui, le gouvernement Orbán fait un grand pas en avant dans sa politique nataliste, malgré un coût considérable en termes de dépenses publiques.

    Les priorités ambitieuses d’Orbán sont justes : il ne peut y avoir d’avenir européen sans Européens, et les gouvernements européens doivent faire de l’incitation à la natalité une priorité absolue. Malheureusement, les résultats sont très mitigés, comme l’a expliqué le démographe nataliste Lyman Stone en 2022.

    « Les politiques de la Hongrie jusqu’à présent révèlent une triste réalité : les changements de politique, même spectaculaires, ne suffisent tout simplement pas à créer le monde que de nombreux conservateurs souhaitent », a-t-il écrit.

    La principale raison pour laquelle les mères n’ont pas d’enfants n’est pas financière. Nicholas Eberstadt, l’un des plus grands démographes américains, souligne que la dépopulation touche aussi bien les pays riches que les pays pauvres. Selon lui, ce qui se passe, c’est une révolution culturelle mondiale dans la formation des familles. Lorsque les femmes se rendent compte qu’elles n’ont pas besoin d’avoir une famille nombreuse, elles choisissent généralement de ne pas en avoir. Il écrit :

    Les gens du monde entier sont désormais conscients de l’existence de modes de vie très différents de ceux qui ont confiné leurs parents. Il est certain que la croyance religieuse, qui encourage généralement le mariage et célèbre l’éducation des enfants, semble être en déclin dans de nombreuses régions où les taux de natalité s’effondrent. À l’inverse, les gens accordent de plus en plus d’importance à l’autonomie, à l’épanouissement personnel et à la commodité. Et les enfants, pour leurs nombreux plaisirs, sont par essence peu pratiques.

    Comme tous les parents le savent, élever des enfants exige des sacrifices qui ne sont pas simplement matériels. Créer une famille nécessite de renoncer à une grande partie de son autonomie. En 1999, alors que ma femme et moi nous préparions à accueillir notre premier enfant, ma sœur, qui avait déjà deux petits, m’a dit : « Vous allez tous les deux perdre la liberté dont vous avez joui. Il n’y a pas d’échappatoire, et je pense que tu le sais. Mais ce que tu ne sais pas, c’est à quel point tu vas être heureux en tant que parents. C’est quelque chose que tu ne peux pas savoir tant que tu ne l’as pas fait. »

    Elle avait raison. Nous avons eu deux autres enfants, et nous avons arrêté seulement pour des raisons médicales. Élever des enfants a été la chose la plus difficile que nous ayons jamais faite, mais aussi la plus gratifiante. Ma sœur avait raison, cependant, de dire que les bienfaits qui découlent du sacrifice de son autonomie et de sa commodité sont très difficiles à communiquer à ceux qui n’ont pas d’enfants. Les parents de mes enfants ont fini par comprendre que notre « épanouissement personnel » consistait principalement à être parents.

    Pourtant, nous étions probablement la dernière génération en Amérique à avoir été élevée avec l’idée que le mariage et les enfants étaient un bien primordial, c’est-à-dire quelque chose que l’on faisait simplement pour mener une bonne vie. Il importait également que nous soyons chrétiens et que nous considérions la procréation, avec ses sacrifices, comme une vocation divine. Aujourd’hui, la culture américaine, comme la culture européenne et la plupart des autres cultures mondiales, considère la formation d’une famille comme un bien relatif. Autrement dit, les enfants sont une bonne chose, mais seulement s’ils peuvent s’intégrer dans le cadre d’une vie réussie, une vie qui ne fait pas du mariage et de la procréation le telos de la vie, mais qui les subordonne plutôt à l’objectif ultime d’épanouissement personnel et de « bien-être ».

    En ce sens, la société hongroise n’est pas différente des autres. Une amie catholique de Budapest, mère de trois enfants et âgée d’une trentaine d’années, s’est un jour plainte que sa génération de Hongrois ne souhaite rien de plus que de voir leur pays devenir une version magyare de la Suède. Elle voulait dire par là que malgré le conservatisme manifeste de la Hongrie, au fond, les jeunes Hongrois partagent l’aspiration paneuropéenne à une vie de laïcité, de consumérisme et de confort. Selon elle, ils ne sont pas motivés par des idéaux supérieurs qui les appellent à sortir de leur individualité. Ce n’est pas seulement un problème hongrois, mais aussi européen, américain et même mondial.

    C’est une leçon difficile mais nécessaire à retenir. J’aime citer un discours de Viktor Orbán d’il y a quelques années sur les limites de la politique. Les politiciens, a-t-il expliqué, peuvent fournir la base matérielle du changement et du renouveau culturels, mais ils ne peuvent pas les forcer. Cela ne peut se faire que lorsque d’autres institutions (familles, églises, écoles, organisations civiques, artistes, etc.) profitent de l’espace créé par la politique pour faire ce qu’elles seules peuvent faire.

    Le plus grand défi auquel l’Europe est confrontée est d’inverser son déclin démographique catastrophique sans céder à la migration de masse qui détruit la civilisation. Dans cette crise, la politique est nécessaire, mais pas suffisante. Orbán est très, très en avance sur la plupart des politiciens européens pour ce qui est de saisir la gravité de la crise et ses conséquences à long terme et de mettre toutes les ressources disponibles de son gouvernement au service de sa résolution d’une manière qui garantisse la survie de la Hongrie en tant que telle et de l’Europe en tant qu’Europe.

    Mais, comme je pense qu’il l’admettrait lui-même, à moins qu’Orbán ne trouve des partenaires pro-natalistes en dehors de la politique pour mener une révolution culturelle, tous ses efforts extraordinaires seront vains. Aucun dirigeant politique ne peut forcer des personnes réticentes à avoir des enfants et à les accueillir dans des familles fonctionnelles. Une culture qui en est venue à croire que le bonheur individuel est son but ultime est une culture qui est en voie de stérilité et d’extinction.

    Pensez-y : si nous sommes ici aujourd’hui, c’est parce que nos ancêtres, à une époque de pauvreté matérielle bien plus grande et souvent d’instabilité, ont cru que la formation d’une famille en valait la peine. Ils ont choisi la vie, malgré tout. Pourtant, nous voici, les générations les plus riches et les plus sûres qui aient jamais vécu, et que faisons-nous ? Nous choisissons une mort très confortable. C’est un paradoxe que la politique ne peut résoudre.

    Rod Dreher (Breizh-Info, 27 février 2025)

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  • Économie circulaire : état des lieux et perspectives...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Etienne Gervais cueilli sur le site de l'Institut Georges Valois et consacré à l'économie circulaire...

     

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    Économie circulaire : état des lieux et perspectives

    L'économie circulaire est un concept qui se présente comme une alternative aux modèles économiques traditionnels où les ressources sont extraites, transformées, consommées, puis jetées. Ce modèle linéaire qui est basé sur le triptyque « produire, consommer, jeter », a dominé l'économie mondiale depuis la révolution industrielle. Il repose sur une consommation croissante de ressources naturelles, entraînant une production accrue de déchets, et des impacts environnementaux importants. À l'inverse, l'économie circulaire vise à minimiser la consommation de ressources, à maximiser l'efficacité des processus de production et à réintégrer les déchets dans le cycle économique en tant que matières premières. Elle est souvent résumée par les "3R" : Réduire, Réutiliser, Recycler.

    Définition et principes de l'économie circulaire

    L'économie circulaire est donc un système économique régénératif par conception. Elle cherche à maintenir la valeur des produits, des matériaux et des ressources le plus longtemps possible dans l'économie en minimisant la génération de déchets. Plutôt que de suivre un cycle de vie linéaire (de l'extraction à l'élimination), elle propose de concevoir des cycles de vie fermés où les produits sont fabriqués pour être durablement utilisés, réparés, réutilisés, et recyclés à la fin de leur vie utile.

    Il y a plusieurs principes de l’économie circulaire, le premier étant d’abord la durabilité des produits, ils doivent être conçus pour durer avec des matériaux de haute qualité qui sont réparables voire modulaires pour faciliter leur entretien et leur mise à jour. Le deuxième principe est la préservation des ressources. Il s'agit de réduire l'utilisation des matières premières en favorisant l'utilisation de matériaux recyclés et la récupération des ressources présentes dans les déchets. Le troisième principe est l'optimisation de l'utilisation des produits. Cela inclut des pratiques telles que la localisation, le partage et les modèles d'affaire basés sur la fonctionnalité, la généralisation du marché de la seconde main.

    Historique de l'économie circulaire en France

    L'intérêt pour l'économie circulaire en France a commencé à émerger dans les années 2000, bien que ses racines puissent être tracées plus tôt, notamment à travers les mouvements écologistes des années 1970 et 1980, qui mettaient en avant la nécessité de réduire l'empreinte écologique des sociétés industrialisées. Cependant, c'est réellement à partir de 2010 que l'économie circulaire s'impose progressivement comme un enjeu majeur des politiques publiques et des stratégies d'entreprise.

    En 2010, la France a adopté la loi Grenelle II, qui a marqué une première étape significative en matière de développement durable. Cette loi a introduit des mesures visant à encourager la réduction des déchets et la valorisation des matériaux. C'est également à cette époque que la notion d'économie circulaire commence à être mentionnée dans les discours politiques et économiques.

    Le tournant décisif se produit en 2015 avec la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV). Cette loi fixe des objectifs ambitieux en matière de réduction des déchets, de recyclage et de réutilisation des matériaux. Elle a également introduit des mesures pour encourager l'écoconception, renforcer la responsabilité élargie des producteurs (REP), et développer de nouvelles filières de recyclage.

    Et en 2020, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) est adoptée. Cette loi renforce encore le cadre législatif français en matière d'économie circulaire et introduit des mesures phares telles que l'interdiction de certains plastiques à usage unique, le développement du réemploi et de la réparation, et l'obligation pour les entreprises de communiquer aux consommateurs l'empreinte environnementale de leurs produits.

    L'avenir de l'économie circulaire en France apparaît prometteur au vu de la bonne réputation qu’il a dans l’ensemble de l’échiquier politique, bien qu'il soit encore semé de défis. D'un point de vue politique, l'économie circulaire est aujourd'hui au cœur des stratégies de développement durable du gouvernement. Le plan France Relance, lancé en 2020 pour faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire, consacre une partie de ses financements à la transition écologique, incluant des mesures pour soutenir les projets d'économie circulaire.

    La Commission européenne a également adopté un nouveau plan d'action pour l'économie circulaire, qui vise à accélérer la transition vers une économie neutre en carbone, durable et circulaire. Ce plan d'action encourage les États membres à développer des politiques nationales ambitieuses et à investir dans les infrastructures nécessaires pour soutenir l'économie circulaire.

    Sur le plan économique, l'économie circulaire offre de nombreuses opportunités pour les entreprises françaises. Elle permet de créer de nouvelles filières industrielles, comme celles du recyclage des matériaux complexes ou de la réparation des produits électroniques. Elle incite également à l'innovation, en stimulant le développement de nouveaux matériaux durables, de technologies de recyclage avancées, et de modèles d'affaires basés sur l'économie de la fonctionnalité. À long terme, l'économie circulaire pourrait devenir un moteur de compétitivité pour les entreprises françaises, en leur permettant de réduire leurs coûts de production, d'accéder à de nouvelles sources de revenus, et de répondre aux attentes croissantes des consommateurs en matière de durabilité.

    Cependant, plusieurs défis devront être relevés pour réaliser pleinement le potentiel de l'économie circulaire : Le premier défi est celui de l'innovation. Pour que l'économie circulaire se développe à grande échelle, il sera nécessaire de continuer à investir dans la recherche et le développement, pour mettre au point de nouvelles technologies de recyclage, de nouveaux matériaux durables, et de nouveaux modèles économiques.

    Le deuxième défi est celui de la sensibilisation et de la formation. Pour que l'économie circulaire se développe, il faudra sensibiliser l'ensemble des acteurs de la société à commencer par les consommateurs qui peuvent déjà se tourner vers des offres de seconde main puis viennent ensuite les procédures logistiques à mettre en place dans les entreprises pour développer le marché de la seconde main. On peut évidemment citer le site « Vinted » spécialisé dans ce marché mais d’autres grands groupes comme Decathlon développent aussi depuis peu des entrepôts dédiés à l’économie circulaire avec des réparateurs dans ces établissements afin de revendre leurs produits sur leur site internet, ce qui leur permet de faire une réelle offre e-commerce de seconde main.

    En conclusion, l'économie circulaire représente une opportunité pour la France de réinventer son modèle économique, en le rendant à la fois plus durable, plus résilient, plus performant et plus écologique. Si de nombreux progrès ont déjà été réalisés, notamment grâce à un cadre législatif favorable et à une prise de conscience croissante des enjeux environnementaux, il reste encore beaucoup à faire pour que l'économie circulaire se normalise.

    Etienne Gervais (Institut Georges Valois, 22 février 2025)

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