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Points de vue - Page 5

  • La culture d’abord !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Thierry DeCruzy, cueilli sur Polémia et consacré à la nécessité pour la droite de mener la guerre culturelle. 

    Contributeur du mensuel Politique Magazine, Thierry DeCruzy travaille sur le rôle de la musique dans la société. Il a notamment publié un essai intitulé Démondialiser la musique - Une réponse au naufrage musical européen (La Nouvelle Librairie/Iliade).

     

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    La culture d’abord !

    « Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver ». Attribuée à Goebbels, la citation est fausse, mais elle convient bien aux élus nationaux qui ont abandonné le combat culturel. Le problème n’est pas dans les positions hégémoniques de l’adversaire, mais dans la volonté de l’affronter…

    La fête de l’Huma : preuve de l’importance de la culture

    Pour évaluer le chemin à parcourir, un petit exemple suffit. Les communistes n’ont plus qu’un poids électoral résiduel (2,3 % aux dernières élections), tout en conservant une audience disproportionnée dans la société française. Si le PC (communiste devrait être remplacé par wokiste ou altermondialiste) s’est toujours inscrit dans la mouvance révolutionnaire œuvrant à éliminer toute résistance au “progrès”, sa politique culturelle reste son relai essentiel dans l’opinion. Avec 430 000 visiteurs, la dernière Fête de l’Huma en a encore été une illustration. Le programme musical, une quarantaine d’artistes, sert d’appât pour une jeunesse qui ne rate pas une occasion de faire la fête, et ses débats réunissent des personnalités aux engagements divers, de Mélenchon à de Villepin, confortant une capacité à rassembler.

    Cet ancrage légitimise une influence sur tous les milieux culturels, comme l’avait montré en 2022 la stagiaire recalée lors d’un entretien d’embauche à l’Opéra de Paris. Elle avait travaillé pour Valeurs Actuelles, publication classée à l’extrême droite : « Le monde de la culture est de gauche, ne perdez pas votre temps à postuler » est déclaré à la postulante. L’Opéra abrite le plus ancien orchestre de France, créé en 1668 par Louis XIV, véritable temple de la danse et de la musique classique. Ce lieu de traditions est tenu par des révolutionnaires, ceux qui veulent déconstruire et imposer leur cancer idéologique.

    Le combat culturel ne peut être refusé

    La déficience culturelle du courant national traduit une incapacité à affronter l’adversaire politique, car la musique rend compte de l’état des sociétés. En 1985, c’est par le concert de SOS Racisme place de la Concorde que Mitterrand tente de masquer l’échec économique du Programme commun. Les grands concerts entretiennent une ambiance propice. La culture est le décor dans lequel évoluent les sociétés, elle entretient l’ambiance et l’ambiance affecte les comportements, influençant directement les votes. Le combat culturel est donc prioritaire et ne peut être relégué dans l’attente d’une victoire toujours retardée. Voilà plus de 40 années que le courant national est revenu dans l’arène politique. Disparue en 2000, la SERP, société d’édition musicale, confortait une réelle politique culturelle dans ce domaine. Disparue en 2006, la fête des BBR offrait une scène aux musiciens dissidents, ceux qui avaient l’audace de contester l’hégémonie culturelle gauchiste. Daniel Guichard, vrai dissident du showbiz, en a payé le prix fort après sa prestation aux BBR de 1991. Étiqueté « nationaliste » et « populiste », le chanteur Jean-Pax Méfret n’est venu pourtant qu’une fois sur la scène des BBR, à leur première édition en 1981. Présents sur scène en 1996 et 1998, les groupes de RIF (Rock identitaire français) ont affolé les médias, tout simplement pour leur audience auprès de la jeunesse, et la SERP en produisait plusieurs. Les attaques iront jusqu’à l’attentat à la bombe contre le festival de RIF à Vitrolles en novembre 1998. Que l’adversaire en soit réduit à cette extrémité contre la musique dissidente révèle l’importance de l’enjeu et montre que le combat ne peut être refusé.

    Si les musiciens dissidents ne sont pas forcément nombreux, du fait de l’absence de scène pour se produire, certains font transpirer les médias. Le récent exemple des Brigandes, ces chanteuses convoquées à l’Assemblée nationale, en est une illustration. La soumission culturelle des représentants politiques du courant national reflète leur capacité combative, leur motivation à intervenir dans le débat. Cantonnés dans les limites imposées par l’adversaire, et alors qu’ils représentent un tiers de l’électorat, ces élus refusent l’affrontement.

    Sortir d’une posture d’évitement

    Il est faux d’invoquer la puissance de l’adversaire, depuis des décennies les plus fortes mobilisations sont d’origine dissidente, malgré les dénonciations médiatiques et la sous-estimation systématique des chiffres officiels. Déjà en 1984 le retour du courant national en politique est contemporain de la mobilisation pour l’école libre qui faisait reculer la Gauche dans sa volonté de contrôler l’enseignement. Les manifestations contre le mariage homosexuel n’ont pas abouti à cause de l’absence des politiques. Les Gilets Jaunes ont pareillement été abandonnés, comme les antipass. Dans la rue, les dissidents sont les plus nombreux. À l’heure des caméras à haute résolution, l’absence de chiffres incontestés signe une volonté de tromper. Pourquoi continuer à croire dans la sincérité des élections alors que le contrôle n’est exercé que dans les seuls bureaux de vote et pas sur l’ensemble du processus (depuis les listes électorales jusqu’à la proclamation des résultats, il n’existe aucun observatoire indépendant) ? Avec les institutions républicaines, le succès électoral est un mirage. Depuis 40 ans d’existence, le courant national a non seulement jamais infléchi la politique de destruction de l’identité française, mais a été incapable de ralentir le programme des minorités (climatologistes, avorteuses, homosexuelles, transgenres, euthanasistes…). Si le combat politique ne doit pas être négligé, il n’est pas suffisant pour atteindre le pouvoir.

    Des atouts puissants et reconnus

    Il est bien évident que la reconquête du terrain culturel perdu ne se fera pas en un jour. Mais il est tout aussi évident que cette reconquête s’appuiera sur des positions solides et des atouts puissants, nombreux, appréciés des Français, et reconnus des étrangers. Depuis les années 1990, la France est la première destination touristique de la planète (données de l’OMT). En 2019, 830 millions d’euros de dons sont collectés après l’incendie de la cathédrale Notre-Dame, montrant un profond attachement au patrimoine. Les monuments les plus visités témoignent de cet attachement : 1. Musée du Louvre (8 millions en 2019), 2. Château de Versailles, 3. Tour Eiffel, pour l’Île-de-France et le Mont Saint-Michel en 6e position. Si les visiteurs sont à 15 millions pour Disneyland et 3 millions pour le Parc Astérix, ils sont 2 millions pour le Puy-du-Fou avec une thématique visant un « combat culturel », dixit son fondateur, Philippe de Villiers. Dans l’écosystème culturel français très particulier et malgré les attaques, il a été capable d’obtenir une reconnaissance internationale en exportant son modèle.

    Une hégémonie de carton-pâte

    Les atouts culturels français sont nombreux (monuments, œuvres d’art, musique, gastronomie, paysages…), mais il faut faire preuve de discernement tout simplement en défendant la tradition historique et l’authenticité, contre les produits mondialisés. Le socle culturel français prend ses racines dans une civilisation européenne millénaire. Il est autrement plus puissant et solide face à quelques décennies de culture révolutionnaire et wokiste.

    Car le refus du combat culturel est un acte d’allégeance aux codes imposés par l’adversaire, clairement perçu par la population et donc les électeurs. Il faut commencer par dénoncer ses règles truquées. Un exemple, par besoin de crédibilité les politiques nationaux considèrent comme valorisant de répondre aux invitations dans les médias du “service public”, financé et dirigé par l’État. Il serait plus efficace de prioriser – et non boycotter – les médias dissidents, leur procurant une audience et un soutien qui seraient en mesure d’inverser le rapport de forces médiatique. En décembre dernier, talonnée par l’audimat de CNews, BFMTV invite Thaïs d’Escufon, ancienne porte-parole de Génération Identitaire, pour tenter de remonter son audience. L’influenceuse est aussi sollicitée par Cyril Hanouna qui doit finalement reculer. Devant le risque d’effondrement de ses relais d’influence, l’inquiétude est palpable à gauche. Un monopole présenté comme solidement établi, n’est en réalité qu’un décor qui ne demande qu’une poussée pour tomber. L’extrême violence des antifas à attaquer toute forme d’expression culturelle dissidente ne confirme pas seulement l’importance de l’enjeu, elle révèle la faiblesse des positions de l’adversaire. Il faut sortir de la soumission, le combat culturel n’est pas une option, il est un préalable.

    Thierry DeCruzy (Polémia, 5 octobre 2024)

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  • Un Frexit institutionnel ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Philippe Duranthon, cueilli sur Geopragma et consacré à la grave perte d'influence de la France au sein de la Commission européenne. Jean-Philippe Duranthon est haut-fonctionnaire et membre fondateur de Geopragma.

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    Un Frexit institutionnel

    Les tentatives de séduction, les portes qui claquent et les accusations d’infidélité, dignes de Feydeau, qui ont caractérisé le choix du Premier Ministre puis la formation du gouvernement, ont éclipsé l’annonce de la composition de la nouvelle Commission européenne : celle-ci a été à peine évoquée dans la presse et est restée absente des déclarations des responsables politiques. Elle est pourtant riche d’enseignements sur l’influence que la France a désormais au sein de l’Union Européenne et vis-à-vis de la Commission.

    Quatre faits sont troublants.

    1/ Thierry Breton a eu l’élégance de déclarer qu’il n’était plus candidat, ce qui a arrangé tout le monde, mais en précisant qu’Ursula von der Leyen avait réclamé son départ ; il a ensuite affiné son propos en indiquant que celle-ci avait placé Emmanuel Macron devant un choix : « ou bien c’est Thierry Breton mais avec un plus petit portefeuille, ou bien c’est un autre, mais avec un plus gros portefeuille ». Une forme de chantage, donc. Le propos n’est pas ici de dire qui, d’Ursula von der Leyen ou de Thierry Breton, avait raison dans les différents débats qui les ont opposés ces derniers mois ; il est de remarquer que la présidente de la Commission s’est permise de récuser un candidat présenté par la France et que le président de la République s’est plié à cette étrange initiative. On peut en déduire que le rapport de forces entre ladite présidente et ledit président n’est pas en faveur de ce dernier, à qui pourtant elle doit son poste, et que le poste de président de la Commission a pris une stature nouvelle, qui le place au-dessus des chefs d’Etat, ces derniers fussent-ils d’un grand pays.

    2/ La « grosseur » du portefeuille alloué au commissaire français peut être discutée. Celui-ci est en charge de « la prospérité et la stratégie industrielle » : « vaste programme ! », pourrait-on s’exclamer, tant ces deux thèmes, et surtout le premier, sont vastes. Mais ils sont aussi bien vagues !  Cette imprécision autorise tous les débordements mais permet aussi une « cornérisation ». D’ailleurs, d’autres commissaires ont en charge « la transition » (climatique, peut-on supposer), « la souveraineté technologique », « l’économie et la productivité », « l’énergie », « la recherche et l’innovation », concepts qui sont beaucoup plus précis ; peut-on agir pour « la prospérité » et définir la stratégie industrielle de l’Union sans s’intéresser à ces domaines qui sont en d’autres mains ? L’action de « notre » commissaire sera donc conditionnée par celle de ses collègues compétents pour les mêmes problématiques.

    On pourrait se rassurer en notant que le commissaire français fait partie des quatre « vice- présidents exécutifs » de la Commission. Mais le titre est plus honorifique que fonctionnel (la précédente Commission comportait huit vice-présidents exécutifs, chiffre élevé qui amène à relativiser l’importance du rôle) car leurs titulaires ne bénéficient d’aucun pouvoir hiérarchique sur les commissaires « de base » ; il ne peut d’ailleurs pas en être autrement puisque les décisions de la Commission sont collectives et que, juridiquement, chaque commissaire dispose du même poids que les autres. En outre, les trois autres vice-présidents exécutifs sont les commissaires présentés par l’Espagne, la Finlande et la Roumanie : difficile d’en déduire que le titre reflète l’importance du pays au sein de l’UE.

    Le portefeuille confié au commissaire français est-il vraiment « un plus gros portefeuille » comme l’avait promis Ursula von der Leyen ?

    3/ Le choix de Stéphane Séjourné peut surprendre. Il ne s’agit pas ici de discuter des mérites et des limites d’une personne mais seulement de noter que le nouveau commissaire français n’a ni la personnalité, ni l’expérience longue et multiple de son prédécesseur. Il est peu probable qu’il ait rapidement le même poids que lui au sein des instances européennes.

    Les mauvais esprits pourraient penser qu’au moment où, en France, se met laborieusement en place une vraie-fausse cohabitation, son choix résulte avant tout de la volonté du président de la République d’avoir à Bruxelles un commissaire qui lui sera personnellement fidèle, de montrer que le choix du commissaire et les relations avec la Commission font partie du « domaine réservé » qu’il n’entend pas partager. Si cela était vrai, il faudrait en déduire que les vicissitudes de la politique intérieure ont le pas sur la défense des intérêts du pays au sein de la Commission.

    4/ Le choix des commissaires et la répartition des rôles entre eux ne sont pas toujours favorables aux intérêts français. Ainsi, les deux commissaires qui seront en première ligne sur les questions énergétiques sont de fervents adversaires du nucléaire : l’Espagnole Teresa Ribera Rodriguez,

    « vice-Présidente exécutive à la transition juste, propre et compétitive », et le Danois Dan Jorgenson, « commissaire à l’énergie et a au logement ». Il est étrange que, s’agissant d’un sujet aussi important et sensible, qui fait l’objet de fortes oppositions au sein de l’Union, la France n’ait pas pu éviter que les deux commissaires en charge de cette politique fassent l’un et l’autre partie du camp hostile aux orientations qu’elle défend.

    Plusieurs conclusions peuvent être tirées de ce rapide examen :

    1/ Le poids de la France dans l’UE se réduit. L’époque où les pays fondateurs pilotaient le processus est bien fini, la France n’est plus qu’un pays comme un autre, l’élargissement a fait son œuvre. La Commission s’est émancipée et le « couple franco-allemand » n’est qu’un souvenir.

    2/ Le Commissaire français aura bien des difficultés à défendre, dans le cadre des orientations communautaires, nos intérêts nationaux. Il disposera de bien peu de leviers pour son action au sein des institutions communautaires.

    3/ Alors que chaque renouvellement de la Commission est toujours l’occasion, pour chaque pays, de pousser ses pions, les dirigeants français ont fait preuve d’une grande légèreté (naïveté ou impuissance ?). Ils n’ont pas cherché à, ou su, résister aux pressions de leurs homologues ou de la présidente de la Commission. C’est surprenant compte tenu de l’importance que tient l’Europe dans leurs discours.

    Tout se passe donc comme si la France se désengageait involontairement du pilotage des institutions européennes, Une sorte de Frexit institutionnel, en quelque sorte. Etonnant !

    Jean-Philippe Duranthon (Geopragma, 29 septembre 2024)

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  • Après la défaite de la pensée, la défaite de la parole...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jure Georges Vujic, cueilli sur Polémia et consacré à l'appauvrissement de la parole publique...

    Avocat franco-croate, directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, Jure Georges Vujic est l'auteur de plusieurs essais, dont Un ailleurs européen (Avatar, 2011),  Nous n'attendrons plus les barbares - Culture et résistance au XXIème siècle (Kontre Kulture, 2015) et Les convergences liberticides - Essai sur les totalitarismes bienveillants (L'Harmattan, 2022).

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    Après la défaite de la pensée, la défaite de la parole

    Nul besoin d’être décliniste pour constater l’appauvrissement de la parole, et particulièrement dans le domaine public, dans les médias, la culture et la sphère politique. À la défaite de la pensée annoncée par le philosophe Alain Finkielkraut, succéderait par voie de causalité une défaite de la parole, dans le sens d’une déliaison à la fois sémantique mais aussi épistémique. Les logos incarnant en quelque sorte l’esprit contemporain, le Zeitgeist du moment, il va de soi que cette parole serait l’expression d’une culture du loisir abêtissante et standardisée, d’un jeunisme qui prêche par excès de confusionnisme et relativisme culturel. Bien sûr, bien avant Finkielkraut, d’autres penseurs avaient réfléchi sur les causes et les formes du déclin des civilisations. En effet, alors que Paul Valéry avait affirmé que « [nous] autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », Spengler, Toynbee avaient démontré que les principales causes du déclin des civilisations étaient endogènes, parmi lesquelles la perte d’identité, de sens, et l’appauvrissement de la langue en tant que symptômes de ce long processus de déclin – « Les civilisations meurent par suicide, non par meurtre » (Toynbee).

    La parole « émancipée » et la crise de l’esprit

    Il est vrai que le statut de la parole d’une société, voire d’une civilisation, est en relation étroite avec le choix d’une ontologie de la pensée, de l’être. Alors que dans l’Antiquité la parole était un moyen de cheminement vers la vérité (alètheia), aujourd’hui, le cynisme et la démagogie de la parole politique qui ne représente plus rien à l’échelle de la vérité et de la morale en tant que respect de la parole donnée rendent compte de l’affaiblissement général du politique en tant que discours d’adhésion. En effet, la parole autoréférentielle, dénuée d’engagement pratique et téléologique, prend le pas sur l’action, le dire sur le faire, l’impression sur la réalité, le semblant sur l’être, la conservation du pouvoir sur son exercice ; alors qu’à l’époque classique la parole préparait l’action véritable en formulant la prise de décision. La sidérante capacité des gouvernants de certaines époques à changer d’idées, comme si celles-ci n’avaient réellement aucune importance par rapport aux nécessités de la conquête et de la conservation du pouvoir, ne laisse rien augurer de bon. Et pourtant, ce n’est pas la pensée révolutionnaire, progressiste, des Lumières qu’il convient de regretter, comme le fait Finkielkraut, car c’est bien leurs hybris, leur exacerbation, leurs métastases épistémologiques qui ont engendré ce double désordre à la fois ontologique et langagier conduisant à cette « crise de l’esprit » évoquée par Valéry lui-même. Par une sorte de ruse de l’histoire, on pourrait presque dire que la défaite de la pensée issue des Lumières aura, par excès d’universalisation, réhabilité les valeurs organiques d’un J.G Herder, de J. de Maistre et L. de Bonald opposant « l’inconscient » national, « enraciné » dans l’histoire, la géographie, les coutumes, les préjugés nationaux, qui pourtant, à force d’être ignorés durant des décennies, reviennent comme un boomerang dans le réel.

    La parole performative : parole magique ?

    Tout se passe comme si la parole performative agit seule en tant que prophétie autoréalisatrice. La parole libérée de l’esprit, de l’engagement, de la morale et de la responsabilité, qui peut dire le tout et son contraire, se transforme en signe interchangeable qui réalise lui-même ce qu’il énonce. Dans cette incantation permanente d’un lyrisme de pacotille, d’un tragique d’opérette et de la simulation sophiste, la parole devient une sorte de parole magique aux mille et une vertus prophylactiques, alors que nos politiciens revêtent les habits d’alchimiste du verbe ou de chaman du storytelling quotidien. Malgré la dégradation de la langue via la culture visuelle, la toxicité des réseaux sociaux et la dégradation de l’enseignement, la défaite de la parole est toujours une faillite de l’esprit, qui elle-même renvoie à une crise de sens. C’est aussi une faillite de notre imaginaire collectif colonisé par des signes consommatiques, symptôme de notre époque postlittéraire. Ainsi, la parole publique est bien le reflet de cette post-vérité contemporaine, qui n’est pas le mensonge, mais bien l’indifférence à la distinction entre mensonge et vérité, ce qui est le propre du totalitarisme, comme l’avaient si bien démontré H. Arendt et G. Orwell. On se souvient que E. Cassirer, dans Le Mythe de l’État, procédait à une distinction entre l’usage magique et l’usage sémantique du mot, l’usage sémantique servant à décrire les choses, alors que l’usage magique, chargé d’affects du mot, visait plus à produire des effets et à changer le cours de la nature. Libérée de toute morale et d’impératif de vérité, la parole devient le vecteur des « fausses promesses et des vraies menaces » évoquées par Paul Ricœur, qui lui-même faisait le lien entre la sophistique et la tyrannie, entre un usage pervers du langage et la tyrannie (perversion du régime).

    Vers une ère techno-vocifère

    La langue française serait en passe de devenir, dans la plus grande indifférence, une langue morte sous la pression conjuguée de l’abandon de l’emploi de certaines temporalités comme le passé simple et le subjonctif (reflets de la nuance), des niaiseries franglaises et des emprunts anglicistes tels que hosting, trip, etc.. Cette dégradation ne s’est pas faite de façon évolutive et elle est le résultat d d’une longue déconstruction programmée et mise en œuvre par l’idéologie progressiste de la novlangue inclusive, du genre et des lubies wokistes. Non, la langue et la parole ne sont pas une simple construction de la réalité sociale sujette au remodelage mutilant et constant au service de la mondialisation et du marché, comme l’affirment les déconstructeurs. Nous vivons bien à une époque postlittéraire, alors que nous ne sommes pas loin d’être aussi à l’aube d’une ère techno-vocifère ou phono-tactile, qui coïnciderait avec un retour de l’animalité où la communication se réduirait à des onomatopées et des phonèmes ponctués de tapotages numériques. La langue ne constitue pas un simple critère de reconnaissance et d’identification. Elle est au contraire l’émanation de l’essence d’un peuple, son « âme » – c’est-à-dire le lieu où il lui donne une forme concrète. En effet, cette dénaturation de la langue est concomitante au déclin de la poésie, des belles lettres, de la sensibilité et de l’art de la nuance face à la polarisation des points de vue, la prolifération de la bêtise idéologique et de la surenchère débile sur les réseaux sociaux. On se souvient que, pour l’historien et anthropologue des « mœurs » Norbert Elias, la prise de parole constituait un élément fondamental du processus de civilisation et de la mise en place de la « civilité », qui servira bientôt à la société européenne de notion centrale pour se définir elle-même, et conduira au recul systématique et général de la violence sociale. Or, de nos jours, la parole libérée de toute retenue morale s’inscrit, surtout avec les nouveaux moyens de communication des réseaux sociaux, dans une économie globale des pulsions et des émotions, qui lui procurent une extraordinaire amplitude et accélération. C’est bien cette démesure et cet affranchissement de la parole de la civilité qui constituent le premier degré de violence sociale à travers l’ensauvagement du langage et des comportements sociaux.

    Jure Georges Vujic (Polémia, 1er octobre 2024)

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  • Vers la fin des états-nations en Europe ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique de David Engels sur Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, datée du 27 septembre 2024 et consacrée à la bascule de pouvoir, en train de se produire, des capitales des États européens vers Bruxelles.

     

                                                

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  • La fin de l’illusion de l’État de droit : le contrat social est rompu en République française...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Julien Dir cueilli sur Breizh-Info et qui évoque la faillite de l’État de droit...

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    La fin de l’illusion de l’État de droit : le contrat social est rompu en République française

    Depuis des décennies, les élites politiques françaises ne cessent de brandir le terme « État de droit » comme une bannière sacrée. Ce concept, qui serait l’incarnation ultime de la justice et de la sécurité, nous est vendu comme le fondement de la République. Pourtant, derrière ce fantasme d’un État omnipotent et bienveillant, se cache une réalité tout autre : celle d’un contrat social rompu, d’un peuple trahi et d’une nation en déliquescence.

    Un État central pour protéger ses citoyens, en théorie…

    Historiquement, l’État centralisé s’est imposé en France, souvent de force, avec la promesse de protéger ses citoyens. En échange de cette soumission à une autorité centrale et de l’acceptation (parfois contrainte) de rendre ses armes à la République, les Français devaient obtenir trois choses essentielles : la sécurité, la santé et la prospérité. Ce contrat implicite, inscrit dans la tradition régalienne, a longtemps permis de justifier l’autorité de l’État sur ses citoyens. La sécurité des personnes et des biens, la protection contre les menaces extérieures et intérieures, mais aussi l’accès à des soins de qualité et à une éducation digne de ce nom constituaient le socle de cette entente.

    Or, que constate-t-on aujourd’hui ? La réalité de 2024 est à l’opposé de ces promesses. L’immigration incontrôlée, que l’État semble incapable, voire réticent, de gérer, fait peser sur la population une insécurité croissante. On en voit les conséquences tous les jours. Les Français, pourtant habitués à la douceur d’un modèle social protecteur, découvrent à présent que se soigner devient un parcours du combattant. Enfin, loin de la prospérité tant vantée, la pauvreté ne cesse de gagner du terrain, plongeant des millions de citoyens dans une précarité inquiétante.

    La sécurité : une promesse non tenue

    Première et plus fondamentale mission de l’État : assurer la sécurité de ses citoyens. Or, force est de constater que cet engagement est aujourd’hui un échec patent. L’explosion de la violence, en grande partie liée à une immigration massive et incontrôlée, est désormais le quotidien de nombreux Français. Les agressions, les meurtres, les actes terroristes ne sont plus des exceptions, mais des réalités que l’État de droit prétend combattre, sans jamais y parvenir. Les zones de non-droit, véritables enclaves étrangères sur notre propre sol, prolifèrent. Pendant ce temps, le citoyen français est désarmé, moralement comme légalement, incapable de se défendre, forcé de compter sur un État qui ne remplit plus son rôle.

    En vérité, les citoyens ont été dépossédés de leur droit naturel à se défendre. Pourtant, face à la démission de l’État, ne devraient-ils pas reprendre ce droit ? Quand l’autorité légitime faillit à protéger les siens, ne serait-il pas juste que les Français reprennent en main leur propre sécurité, rétablissant ainsi l’équilibre rompu par l’incapacité étatique ?

    Santé et prospérité : un modèle en déclin

    Le système de santé français, autrefois fleuron de la République, est aujourd’hui en ruine. La faute à une gestion déplorable notamment en matière de formation et de recrutement, à une surcharge due à une immigration massive, et à une politique d’austérité déguisée qui étrangle les services publics. Les citoyens, ceux qui travaillent et paient des impôts, peinent à obtenir des soins dignes de ce nom. Pendant ce temps, l’État de droit consacre des sommes colossales à des populations auxquelles il n’a jamais été demandé par le peuple souverain de venir s’installer ici.

    Quant à la prospérité, elle est devenue une chimère pour de nombreux Français. Les classes moyennes, pilier de la société, sont écrasées par une pression fiscale asphyxiante et voient leur pouvoir d’achat fondre comme neige au soleil. Les emplois se précarisent, les salaires stagnent, et la colère monte. Loin d’assurer la prospérité de son peuple, l’État français le mène droit vers une paupérisation générale.

    L’État éducateur : une machine à fabriquer des “soldats républicains”

    Le système éducatif, autrefois garant de l’ascension sociale et de la transmission des valeurs, est aujourd’hui un instrument d’endoctrinement républicain. Dès le plus jeune âge, les enfants sont façonnés pour devenir de parfaits petits soldats du progressisme : « valeurs républicaines », multiculturalisme imposé, remise en cause systématique de notre histoire et de nos racines. Tout cela sous prétexte de former des citoyens égaux, ouverts, tolérants, et, bien sûr, désarmés intellectuellement face aux réalités du monde.

    Les Français n’ont jamais été consultés sur ces bouleversements, que ce soit sur l’immigration de masse ou sur les réformes éducatives. Pourtant, on leur impose un modèle de société qui nie leur identité, leur histoire, et leurs aspirations légitimes à vivre en paix dans un environnement sûr et prospère. Ce même État de droit, si fier de ses principes égalitaires, ne fait qu’accentuer le fossé entre une élite protégée et un peuple en souffrance.

    Le contrat social est rompu

    Dans une telle situation, il est légitime de se poser une question : si l’État ne protège plus ses citoyens, pourquoi ces derniers continueraient-ils à lui obéir ? Le contrat social est fondé sur une réciprocité : protection contre obéissance. Or, aujourd’hui, l’État n’offre plus la protection promise, mais impose toujours plus de contraintes, de taxes, de lois liberticides. Cet État, qui prétend défendre un « État de droit », n’a plus aucune légitimité populaire.

    Il est temps de rompre avec cette illusion. Les Français, abandonnés par leur propre gouvernement, ont non seulement le droit mais aussi le devoir de reprendre en main leur destin. Cela implique de se réapproprier leurs libertés, leur sécurité, et leur identité. Le véritable État de droit est celui qui repose sur la légitimité populaire, pas sur des élites déconnectées et des dogmes idéologiques.

    Julien Dir

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  • La révolution du Bonheur et ses conséquences...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de un point de vue de César Cavallère, cueilli sur le nouveau site de l'Institut Georges Valois et consacré à la révolution du bonheur...

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    La révolution du Bonheur et ses conséquences

    Dans « la société de consommation », Baudrillard nous explique que la révolution a été un premier pas vers la société du bonheur, comble de l’individualisme que nous connaissons aujourd’hui. Faire du bonheur l’ultime horizon c’est être bien peu ambitieux. Aujourd’hui, le capitalisme du désir nous fait miroiter le bonheur à l’image d’un flot incessant de produits nouveaux à acheter et à consommer, agités par une mode toujours fluctuante.

    Jacques Julliard fait remonter au XIXe les deux écoles, les deux voies royales établies par la modernité pour atteindre le bonheur. La première repose sur l’organisation d’une société juste et peut prendre comme maître Saint-Just, l’autre se base sur le plaisir sans limite et a été initiée par Sade.

    Mais si Saint-Just appelait de ses vœux une tyrannie du bonheur, comme ravissement imposé par la puissance publique, ce qui en a résulté est l’injonction adressée à chaque individu de poursuivre le bonheur. Le projet de ressusciter le civisme antique en réglementant chaque aspect de l’intimité s’étant avéré impossible, c’est non pas à la l’État qu’a échu cette recherche d’une « révolution permanente » vers le bonheur, puisque chacun s’est vu reconnaître la Liberté.

    C’est partiellement conforme à l’idéal antique de la souveraineté de soi, de l’homme qui doit devenir maître de sa vie et cultivant sa vertu. Mais ce développement individuel ne pouvait trouver sa réalisation qu’à travers la Cité et la vie civique. C’est à ce titre qu’Hannah Arendt dit que dans la poursuite effrénée pour changer le monde, en émancipant l’individu de ses racines vivantes, on a perdu « la vie ».

    Les explications du système sur le bonheur en tant que fin ne sont pas plus convaincantes, car économicistes. Chaque année nous est présenté, décortiqué et commenté le PIB, comme si l’indicateur lui-même reflétait l’état moral du pays.

    Le bonheur comme fin de l’économie

    C’est une belle subversion qu’a opérée le Bhoutan en imposant l’indice du Bonheur national brut (BNB), en remplacement du Produit national brut. Sachant qu’il ne pouvait pas rivaliser avec les autres pays sur le terrain de la production, il désigne directement la fin recherchée par l’étude des phénomènes économique en accusant sa publicité pseudo-scientifique et la recherche d’une croissance infinie.

    Bien entendu c’est une vision matérialiste qui ne saurait contenter personne d’autres que les statisticiens : le bonheur n’est pas quantifiable par l’attribution de ressources, par une gestion plus ou moins bonne de l’économie ou par la sauvegarde de l’environnement. Le bonheur n’est pas mesurable, du tout.

    Cela dit, il est intéressant de voir que le Bhoutan convoque les traditions au titre des piliers fondamentaux du bonheur. Cette vision, qui pourrait être rapprochée de celle d’une Simone Weil ou d’un Maurice Barrès souligne l’importance de l’enracinement pour vivre une vie épanouie, en plus de faire un pied de nez aux occidentaux. Quand les pays industrialisés prennent comme Alpha et Omega de la plénitude l’abondance financière et matérielle, la recherche du Vide survit encore en Asie.

    Le Bhoutan indique que cet indice doit permettre d’évaluer une économie à l’aune du Bouddhisme. Et force est de reconnaître que seul un universalisme fou pourrait croire que l’économie, facteur du bonheur, se calcule pareillement au Togo et en Italie, alors même que la conception du bonheur n’y est pas la même. Entendre le bonheur comme seulement matériel, dépouillé du spirituel, est une chose sur laquelle la majorité ne serait pas d’accord.

    Dans « A lecture on human happiness » publié en 1825, John Gray accordait déjà aux questions de la production la condition du bonheur. Certes en négatif il comptait également l’anxiété, qu’il fallait faire disparaître pour atteindre le bonheur, où l’on peut retrouver l’ataraxie stoïcienne, soit l’absence de trouble. Mais cette anxiété, en l’espèce, n’est considérée que comme causée par un rendement insuffisant.

    L’Homo Economicus, homme nouveau, fils monstrueux du libéralisme et du rationalisme n’a pas de fin. Tant qu’il est en vie, il devra se comporter comme l’être le plus économiquement raisonnable, performant. Débarrassé du spirituel, avec le matériel seul en ligne de mire, seules des utopies peuvent apparaître.

    La quête du bonheur, maladie infantile du socialisme

    Le communisme est pensé, comme le remarque Jung, sur l’idée du Paradis. Une fois l’égalité réalisée et les travailleurs disposants de leurs moyens de production, bonheur perpétuel.

    « Le monde communiste, on le remarquera, possède un grand mythe. Ce mythe, c’est le rêve archétypique, sanctifié par un espoir millénaire, de l’Âge d’Or (ou Paradis), dans lequel chacun aura de tout en abondance, et où un grand chef, juste et sage, régnera sur un jardin d’enfants. Cet archétype puissant s’est emparé du monde communiste sous sa forme la plus puérile, mais il ne disparaîtra pas du monde parce que nous lui opposerons la supériorité de notre point de vue. Nous aussi, nous l’alimentons par notre propre puérilité, car la civilisation occidentale se trouve sous l’emprise de la même mythologie. Inconsciemment, nous nourrissons les mêmes préjugés, les mêmes espoirs et la même attente. Nous croyons aussi à l’État Providence, à la paix universelle, à l’égalité de tous les hommes, à nos droits éternels, à la justice, à la vérité, et (mais ne le disons pas trop haut) au Royaume de Dieu sur Terre. »

    Ce mythe de l’Âge d’Or est prégnant sous la plume de nombreux socialistes dont le souci, avoué ou apparaissant en filigrane, est le retour à la féodalité à travers les communes ou les phalanstères. il est cependant intéressant de noter que le communisme et le capitalisme partagent cette recherche de la production sans limite et que c’est cette abondance qui constitue l’idée du bonheur. Ce n’est pas étonnant pour Jung car le communisme constitue l’Ombre (au sens psychologique) du capitalisme. Maurras les rejetait dos à dos l’un et l’autre en tant que chacun est une émanation de l’individualisme moderne, s’opposant à la recherche du Bien commun.

    Le 20 décembre 1943, Georges Orwell publiait sous pseudo dans Tribune un article « can socialists be happy ? ». Dans celui-ci, l’anarchiste tory remarquait que « tous les efforts pour décrire un bonheur permanent {…} ont été des échecs. Les utopies ont été communes dans la littérature des trois ou quatre siècles passées, mais celles qui sont « favorables » sont invariablement insipides, et souvent aussi manquant de vitalité ».

    Ainsi à cette réalité figée qu’exprime la planification s’oppose le fascisme, terrifié par un monde trop lisse, trop confortable et trop rationnel. Orwell nous dit qu’au temps où les utopies huxleiennes sont techniquement possibles, la question est devenue « comment éviter de devenir cette utopie ? ». Jacques Julliard souligne l’aspect particulièrement puéril de ce projet d’inspiration rousseauiste, selon lequel il serait possible de protéger l’homme de la société et de son péché originel.

    On peut retrouver la même naïveté chez Kollontaï, féministe soviétique, avec son concept d’amour-camaraderie, amour non-exclusif qu’on désignerait aujourd’hui comme polyamour. Ce projet a échoué dans sa vie personnelle comme elle a causé des drames massifs en URSS (abandons d’enfants, délinquance juvénile, prostitution généralisée, augmentation significative du divorce, de l’avortement). Ce libertarisme sexuel était même généralisé chez Fourier qui arrivait à faire la jonction entre les délires de Saint Just et ceux de Sade. Sauf que celle-ci est règlementée strictement, ses acteurs sont hierarchisés et leurs rôles déterminés pour qu’à l’image de toute l’organisation communautaire, chaque action soit réalisée comme le papier à musique d’une symphonie totalitaire. L’utopie (littéralement « nulle part ») est donc le Neverland de Peter Pan, l’endroit de ceux qui ont refusé de grandir.

    Cet état de fait se retrouve aussi dans la confusion entre « révolution » et « libération ». d’après Baudrillard, la révolution devient un but en soi : « Désir de révolution – révolution du désir. Faire de la révolution un objet de désir, comme si le désir pouvait avoir un objet final, et comme si la révolution elle-même était une fin. Contresens égal à celui de faire du désir une force de subversion, une force de déliaison. Économie libidinale, révolution moléculaire, c’est le plus beau mixage du xxe siècle. [1]». Le capitalisme même se réapproprie l’esthétique révolutionnaire pseudo-subversive.

    Ainsi les présupposés socialistes reposent sur un but enfantin, aussi confortable que l’absence de liberté. Le but que nous devons poursuivre est de remplir les conditions de réalisation d’un Bien commun à la nation, bien loin des chimères internationalistes. Le bonheur ne se conquiert qu’à travers la Tradition et l’enracinement, ce qui est absent des thèses socialistes. Quand chez Barrès le tissu social se constitue à travers cet attachement charnel au pays, le socialiste qui met en avant l’importance de cette communauté sociale, semble avoir artificiellement et autoritairement mis ensemble des individus ne partageant rien pour vivre ensemble.

    César Cavallère (Institut Georges Valois, 24 septembre 2024)

    Note :

    [1] https://www.cairn.info/revue-lignes1-2001-1-page-15.htm#:~:text=Désir%20de%20révolution%20–%20révolution%20du,subversion%2C%20une%20force%20de%20déliaison.

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