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Points de vue - Page 2

  • Géopolitique : retour sur les fondamentaux...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean Goychman, cueilli sur Breizh-Info et consacré à l'affrontement géopolitique qui voit la domination de l’État profond occidental être puissamment contestée par ses adversaires, y compris aux États-Unis...

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    Géopolitique. Retour sur les fondamentaux

    A la fin de la Seconde Guerre mondiale, le monde était divisé en deux entre le bloc communiste et ce qu’il était convenu de désigner comme « le camp de la liberté ».

    De même que la Première Guerre mondiale avait vu disparaître les empires monarchiques, les conséquences de la seconde furent la disparition des empires coloniaux. La voie était alors libre pour ceux qui, depuis plus de deux cent ans, aspiraient à dominer le monde, à l’unique condition de faire disparaître les souverainetés nationales.

    Un tel dessein ne pouvant s’accomplir qu’au détriment des peuples qui allaient voir leurs cultures et leur identités diluées dans un ensemble informe et déshumanisé, il était impératif d’entourer tout ceci d’un halo de mystère propre à dissimuler les intentions réelles de cette infime minorité.

    La montée des puissances souterraines

    Devant cette nécessité d’agir dans l’ombre, il fallait  donner aux opinions publiques, et notamment à celle du pays le plus puissant, l’illusion d’un pouvoir issu de la volonté populaire.

    Afin d’exercer la réalité de ce pouvoir, désigné aujourd’hui comme étant « l’État profond », celui-ci s’est progressivement mis en place et a patiemment et discrètement  colonisé tous les étages de l’administration fédérale américaine avant de s’internationaliser, ou plus exactement de « s’extraterritorialiser ». Pour y arriver, il fallait continuer à contrôler l’émission du dollar qui, tout en restant la monnaie domestique américaine, était devenu la monnaie mondiale après les accords de Bretton-Woods de 1944. Mais il fallait également contrôler l’armée américaine, devenue sans rivale depuis 1945 et, plus important encore, prendre le contrôle des médias et plus particulièrement ceux de grande diffusion née des technologies récentes.

    Peter Dale Scott a consacré trois livres à cette mise en place progressive de cet État profond devenu tentaculaire au fil du temps.

    Pourtant, dès 1934, les mises en garde adressées au peuple américain n’ont pas manqué, telle celle-ci : « Nous avons dû lutter contre les vieux ennemis de la paix: le monopole commercial et financier, la spéculation, la pratique bancaire immorale, l’antagonisme des classes, la défense des intérêts particuliers, les profiteurs de guerre. Ils ont commencé à considérer le gouvernement des États-Unis comme un simple appendice de leur propres affaires. Nous savons maintenant qu’il est tout aussi dangereux d’être gouverné par le crime organisé que par l’argent organisée ».
    Franklin Delano Roosevelt, 1936

    Dwight Eisenhower puis JFK respectivement en 1961 et 1963 ont également lancé l’alerte.

    La guerre qui surplombe toutes les autres

    Il est dans la nature des choses (et des hommes) que tout pouvoir ayant une propension à l’absolutisme génère tôt ou tard un contre-pouvoir. Aujourd’hui, ce contre-pouvoir semble incarné par Donald Trump. Dès son arrivée à la Maison Blanche en janvier 2017, il n’a jamais caché que son adversaire était le « deep state » qu’il comparait à une sorte de « marigot qu’il fallait assainir » (drain the swamp) de même qu’il n’a jamais fait mystère de son opposition à un monde « monopolaire ». Il a pu se faire une idée assez exacte de l’étendue du pouvoir de l’État profond tout au long de son premier mandat et en perdant l’élection de 2020 qui l’a écarté des affaires, sans pour autant que cessent les attaques, notamment judiciaires, contre lui pendant les presque quatre ans qui suivirent.

    Durant cette période, ses équipes ne sont pas restées inactives. Elles semblent avoir soigneusement mis au point le plan destiné à porter un coup fatal à cet adversaire.

    Son récent retour à la Maison Blanche a démontré l’efficacité des actions entreprises et a conduit cet État profond à se replier là où il pouvait encore le faire, c’est à dire en Europe de l’Ouest. Il y dispose notamment de la City londonienne pour la finance et de l’OTAN pour la puissance militaire.

    En outre il y dispose de la « bienveillance » de certains dirigeants européens qu’il a contribué, d’une façon ou d’une autre, à mettre en place.

    Mais Donald Trump ne semble pas pour autant avoir cessé de combattre cet État profond supranational dont l’objectif principal est d’établir un monde monopolaire dirigé par un gouvernement mondial. Le discours remarqué du vice-président Vance à Munich contre les élites européennes et les actions de soutien aux partis souverainistes des pays membre de l’UE menées par Elon Musk participent  de ce combat.

    La recherche des alliances

    Donald Trump a pu mesurer le pouvoir énorme dont dispose encore ses adversaires à la tête de cet État profond et il paraît logique qu’il cherche à s’allier avec des pays ayant un intérêt commun à lutter contre lui. D’après le principe quasi-mathématique « l’ennemi de mon ennemi est mon ami » le rapprochement entre Donald Trump et Vladimir Poutine trouve sa justification et on peut douter de la sincérité de ceux qui semblent s’en étonner. Par ailleurs, le rapprochement avec la Chine paraît également être amorcé et, en dépit d’une apparente guerre des droits de douane, va se poursuivre dans le but d’obtenir, à minima, une forme de « neutralité bienveillante » de la part de cette dernière dans ce combat de titans qui s’annonce, opposant l’État profond supranational et mondialiste au reste du monde.

    Le détonateur de la guerre en Ukraine

    Dans ce contexte, la guerre en Ukraine doit être examinée avec attention. Présentée comme une agression délibérée de la Russie envers l’Ukraine, les conséquences immédiates furent des sanctions économiques contre la Russie, sanctions qui devaient « mettre son économie à genoux »

    Il est rapidement apparu que tout ceci n’était qu’une sorte de prétexte qui devait conduire à un affrontement entre l’OTAN et la Russie, ou plus précisément entre l’État profond et la Russie. Car les causes de ce conflit étaient bien antérieures à 2022 et remontaient à 2014 et les évènements de la place Maidan, dans lesquels Victoria Nuland, numéro deux du département d’État, avait reconnu être impliquée. L’attitude de Donald Trump face à cette guerre montre clairement qu’il en fait porter la responsabilité non pas à la Russie de Poutine mais bel et bien à l’État profond et que, si elle ne s’arrête pas, ce sont les États-Unis qui se dégageront et cesseront toute aide à l’Ukraine et (même s’il ne le dit pas clairement) sortiront de l’OTAN.

    Car la crainte, probablement justifiée de Donald Trump est que cette guerre se transforme en un affrontement entre la Russie et des puissances nucléaires européennes toujours sous l’influence mondialiste de l’État profond. Ces deux pays sont la France et l’Angleterre et on ne voit pas à quel titre elles pourraient être menacées par la Russie. Par contre le danger grandissant est celui décrit dans « le piège de Thucydide », non pas entre la Chine et les États-Unis mais entre l’État profond et le reste du monde. Une guerre entre puissances nucléaires ne peut que déboucher sur un conflit nucléaire car on ne voit pas comment le perdant pourrait renoncer de lui-même à l’emploi de l’arme nucléaire si celui-ci lui évite la défaite…

    L’enjeu est l’ordre mondial

    La guerre en Ukraine a été un accélérateur prodigieux en faveur d’un monde multipolaire car elle a permis, au travers d’un certain nombre de votes dans le cadre de l’ONU, de constater que la Russie était de moins en moins isolée et qu’un nombre très important de pays ne voulaient plus subir la domination occidentale, souvent imposée par la puissance de l’armée américaine.

    La réélection de Donald Trump et sa reprise en main de l’armée et de l’administration américaine a encore renforcée cette tendance lourde. Nombreux sont les observateurs qui, comme Jeffrey Sachs, admettent d’une manière quasi-officielle que la venue d’un monde multipolaire est inéluctable.

    Aujourd’hui, l’inventaire des forces en présence est de moins en moins favorable aux partisans d’un monde monopolaire. L’État profond américain ne peut pratiquement plus intervenir sur la politique étrangère américaine, que ce soit sur le plan diplomatique comme sur le plan militaire. Son influence médiatique est très diminuée par la cessation d’activité d’USAID. Il lui reste, et c’est loin d’être négligeable, le pouvoir d’émettre des dollars, mais pour combien de temps encore ?

    En face, nous avons la création de nouvelles alliances, reposant sur la perspective d’un monde respectueux des souverainetés nationales et dont les pivots seront les continents dans lesquels les grandes puissances exerceront naturellement leur influence en les dotant des infrastructures nécessaires au développement des voies de communication internes à ces continents.

    Cela mettra probablement un terme à la domination vieille de plus de cinq siècles des puissances maritimes dont la propension naturelle a toujours été de dominer la planète en se rendant maître de tous les acheminements des denrées et des produits.

    Tels sont les véritables enjeux de la partie qui se déroule sous nos yeux.

    Jean Goychman (Breizh-Info, 28 avril 2025)

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  • Mort du pape François : l’Église catholique à la croisée des chemins idéologiques...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Xavier Consoli cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à la succession du Pape François. Essayiste et journaliste, François-Xavier Consoli est l'auteur de deux ouvrages, La République contre la France et Les aventuriers de la vie - Destins d'exception.

     

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    Mort du pape François : l’Église catholique à la croisée des chemins idéologiques

    Le Vatican a confirmé le décès du souverain pontife ce lundi, succombant à un accident vasculaire cérébral ayant entraîné une insuffisance cardiaque. Quelques heures avant sa mort, le pape avait rencontré le vice-président américain J.D. Vance et avait fait une dernière apparition pour bénir les foules de Pâques à la basilique Saint-Pierre. L’Église se prépare maintenant à l’un des conclaves les plus diversifiés et les plus idéologiquement chargés de l’histoire pour choisir un nouveau Pape. Actuellement, 135 cardinaux âgés de moins de 80 ans sont habilités à voter pour le prochain occupant du trône de St Pierre. La grande majorité d’entre eux ont été nommés par François lui-même. Dans sa démarche un brin « tiers-mondiste », le défunt Pape a élevé 79 % des cardinaux en âge de voter, dont beaucoup viennent de régions sous-représentées du monde catholique : le « sud global », les petites nations insulaires et les diocèses éloignés qui n’ont jamais été influencés par le Vatican.

    « Dans les semaines à venir, 120 des cardinaux ayant le droit de vote entreront dans la chapelle Sixtine pour entamer la tâche solennelle et secrète d’élire le prochain pape. Le conclave doit commencer dans les 20 jours suivant la mort du pontife. Ce sera très intéressant cette fois-ci car, contrairement à ce qui s’est passé dans le passé, je ne pense pas qu’il y ait un successeur évident », déclare Rebecca Rist, professeur d’histoire médiévale à l’université britannique de Reading.

    Un pape hostile au vieux continent

    Le pontificat de François Ier aura marqué les esprits. Premier Pape jésuite et non européen, et ostensiblement hostile au vieux continent, ses nombreuses interventions auront provoqué la controverse. Sous ses airs débonnaire et populaire, c’est avec une main de fer dans un gant de velours qu’il s’est évertué à exercer son autorité. La curie romaine s’en est d’ailleurs difficilement remise. La caractéristique des démocrates qui, une fois au pouvoir, ne peuvent s’empêcher de faire le vide autour d’eux. Certains catholiques appellent à prendre du recul par rapport à ce qu’ils considèrent comme les bouleversements de ces dernières années. En bon jésuite, nombreuses de ses déclarations se sont révélés plus des exercices de rhétoriques, soufflant le chaud le lundi, pour vite faire retomber le thermomètre le mardi. François a souvent frustré les catholiques conservateurs par son ton pastoral et son programme réformateur. En restreignant la messe traditionnelle en latin et en adoptant une position plus accueillante à l’égard des catholiques LGBTQ et des personnes divorcées, il a adopté une approche qui, selon ses détracteurs, a brouillé les lignes doctrinales et remis en cause des normes établies de longue date. Pour autant, le cardinal Bergolio n’était pas un partisan de l’herméneutique marxiste de la « théologie de la libération[1] » comme il lui a souvent été reproché. Ce dernier mettant en garde contre la tentation d’idéologiser le message évangélique par une «réduction socialisante. »

    Un pape Arc-en-ciel ?

    « Notre Dieu est peut-être un Dieu de surprises, mais aujourd’hui, j’ai l’impression que nous avons besoin de beaucoup moins de nouveautés, d’intérêts et de surprises, et de beaucoup plus de choses simples, solides et saines », écrit le commentateur catholique Robert Royal dans The Catholic Thing.

    D’autres catholiques se sont opposés à l’idée que François soit un « pape progressiste ».

    « François était extrêmement traditionnel. Et je pense que c’est un malentendu de dire qu’il n’était pas traditionnel. Rien de ce qu’il a dit ne remet en cause la doctrine », rappelle Phyllis Zagano, professeur adjoint de religion à l’université Hofstra. Il ajoute : « Je pense donc que l’Église, dans sa sagesse, élira un pape qui poursuivra les enseignements de l’Église catholique. Ce qui doit déranger certaines personnes semble-t-il, c’est le sentiment que l’enseignement social catholique est un commentaire politique sur des pays ou des actions spécifiques, alors que l’enseignement social catholique est simplement l’explication de l’Évangile. »

    Les prises de position concernant l’immigration du Pape défunt restent le point d’achoppement pour certains, notamment l’administration Trump. En février, le pontife a écrit une lettre aux évêques américains pour excuser les politiques d’immigration de la Maison-Blanche et qualifier les efforts d’expulsion de « crise majeure. »

    « L’acte d’expulser des personnes qui, dans de nombreux cas, ont quitté leur propre pays pour des raisons de pauvreté extrême, d’insécurité, d’exploitation, de persécution ou de grave détérioration de l’environnement, porte atteinte à la dignité de nombreux hommes et femmes, et de familles entières, et les place dans un état de vulnérabilité particulière et sans défense », pouvait on lire dans cette lettre.

    Indépendamment des tendances politiques de François, ou de leur absence, certains s’attendent à ce que son successeur ramène l’Église vers le centre idéologique.

    « Quel que soit le candidat élu, il sera d’un tempérament centralement conservateur, après 12 ans de « remue-ménage » de la part du pape François », a déclaré Serenhedd James, rédacteur en chef du magazine britannique Catholic Herald. « Je pense que les cardinaux voudront quelqu’un qui adoptera une approche différente et plus calme. »

    D’autres estiment que l’Église continuera à suivre la voie idéologique tracée par François.

    « L’Église devient plus globale et moins centrée sur Rome qui « dirige » tout », nuance David Gibson, directeur du Centre sur la religion et la culture à l’université Fordham, à Newsweek. « Je pense qu’il est peu probable que l’on obtienne le pape-policier que certains membres de la droite américaine semblent souhaiter. »

    Les changements au sein du conclave sont en effet d’ordre géographique. En 2013, lorsque François a été élu, les cardinaux européens représentaient 57 % de l’électorat. Aujourd’hui, ils ne représentent plus que 39 %. L’Amérique latine, l’Afrique et l’Asie n’ont cessé de gagner en influence. Cette évolution pourrait ralentir le prochain conclave.

    « Il est possible qu’un grand nombre des hommes qui se réuniront pour élire le prochain pape soient des étrangers les uns pour les autres », précisait le site d’informations catholique The Pillar l’an passé.

    Des candidats se démarquent

    Plusieurs candidats de premier plan ont émergé des ailes progressistes et traditionalistes de l’Église. Parmi ces derniers, figure le cardinal Luis Antonio Tagle, originaire des Philippines, 67 ans, théologien et ancien fonctionnaire du Vatican souvent décrit comme le « pape François asiatique. » Ce dernier a appelé à une Église catholique plus inclusive et a parlé ouvertement de la nécessité d’accueillir les catholiques divorcés et LGBTQ. Son élection constituerait la première papauté asiatique. Le cardinal français Jean-Marc Aveline, 66 ans, est également en lice. Il serait le cardinal « préféré » de François pour lui succéder. L’analyste du Vatican Giuseppe Masciullo a déclaré que le cardinal Aveline « est particulièrement apprécié » dans les camps ecclésiastiques et politiques de gauche et qu’il soutient une « forte décentralisation » de l’Église, selon le New York Post.

    Dans le camp conservateur, c’est bien sûr cardinal Robert Sarah, 78 ans, originaire de Guinée, qui se démarque. Énergique partisan de la tradition, il a appelé à un retour à la messe en latin et a vigoureusement critiqué ce qu’il considère comme une dérive théologique sous le pape François.

    Le cardinal Fridolin Ambongo Besungu du Congo, 65 ans, est également considéré comme un candidat conservateur. Il dirige le Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar et s’est aussi avéré être un grand critique de la décision du Vatican d’autoriser les bénédictions homosexuelles.

    Le cardinal italien Pietro Parolin, 70 ans, secrétaire d’État du Vatican, représente l’establishment centriste. Il est considéré comme un candidat de continuité qui pourrait atténuer l’audace de François tout en conservant son héritage en matière de politique étrangère. Un candidat « en même temps » pouvant faire la différence, histoire de calmer tout ce petit monde, s’inscrivant dans la continuité du défunt Pape.

    Parmi les autres noms en lice figurent le cardinal italien Matteo Zuppi, un confident de François connu pour avoir mené des pourparlers de paix en Ukraine ; le cardinal hongrois Peter Erdo, un intellectuel rigide sur le plan doctrinal ; le cardinal sri-lankais Malcolm Ranjith, qui s’oppose au mariage homosexuel et soutient la liturgie latine ; et le cardinal brésilien Odilo Scherer, un modéré ayant l’expérience des finances du Vatican. Le cardinal Ranjith, 77 ans, archevêque de Colombo, au Sri Lanka, est considéré comme un candidat particulièrement plausible, sa région d’origine connaissant une forte croissance du catholicisme. Un autre candidat, le cardinal Willem Jacobus Eijk, 71 ans, médecin et théologien des Pays-Bas, attire l’attention. Administrateur accompli, il s’oppose à la bénédiction des couples homosexuels et à la « thérapie de genre. »

    Même avec des idéologies concurrentes, les cardinaux doivent élire un pape qui sera à la hauteur de l’accessibilité de François, tout en adoucissant peut-être son rythme de changement, un brin soutenu.

    « En termes de relations publiques, il ne serait pas bon d’avoir un pontife très distant et royal », a déclaré Mathew Schmalz, professeur d’études religieuses au College of the Holy Cross. « Je m’attends donc à quelqu’un qui soit un homme du peuple (…) mais qui s’engage avec les autres un peu différemment du pape François. Si ce n’est pas le cas, le conclave pourrait durer très longtemps. » Quoi qu’il en soit, l’Église ne devrait pas s’attendre à ce que le prochain pape penche d’un côté ou de l’autre, politiquement parlant.

    Dans la marine, on dit : « Dirigez votre propre cap, mais restez dans la flotte. » Il est à parier que c’est cette direction qui ressortira du conclave. A l’intérieur de la chapelle Sixtine, pendant le conclave (du latin « cum clave », qui signifie « avec la clé »), les cardinaux voteront jusqu’à quatre fois par jour. Si aucun candidat n’obtient la majorité des deux tiers requise après 30 tours, le vote se resserre. Seuls les deux premiers candidats restent éligibles et les électeurs doivent choisir entre eux jusqu’à ce que l’un d’entre eux obtienne le soutien nécessaire pour devenir le prochain évêque de Rome.

    François-Xavier Consoli (Site de la revue Éléments, 24 avril 2025)

     

    Note :

    [1] Courant de pensée théologique chrétienne venu d’Amérique latine, suivi d’un mouvement socio-politique, visant à rendre dignité et espoir aux pauvres et aux exclus en les libérant d’intolérables conditions de vie. L’expression « théologie de la libération » fut utilisée une première fois par le prêtre péruvien Gustavo Gutiérrez lors du congrès de Medellín du Conseil épiscopal latino-américain (CELAM), en 1968. Il développa sa pensée dans l’ouvrage Théologie de la libération, paru en 1972, qui est largement considéré comme le point de départ de ce courant. Pour la pratique, l’instrument d’analyse et d’observation utilisé s’inspire du marxisme

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  • La pluralité des civilisations, une guerre inévitable ?...

    Dans cette nouvelle vidéo, Ego Non nous fait découvrir la pensée de Feliks Koneczny, qui a proposé une théorie des civilisations très différente de celles enseignées par les traditions française, allemande ou anglaise. Ego Non, alias Antoine Dresse, vient également de publier un court essai d'introduction à cet auteur, La Guerre des civilisations - Introduction à l’œuvre de Feliks Koneczny.

     

                                                

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  • Origines et fins de l’antiracisme (3)...

    Nous reproduisons ci-dessous la troisième partie de l'exploration de Jean Montalte, cueilli sur le site de la revue Éléments, consacrée aux origines de de la "religion" antiraciste...

    Première partie : Origines et fins de l’idéologie antiraciste (1)

    Deuxième partie : Aux origines de l’antiracisme (2)

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    Origines et fins de l’antiracisme (3)

    L’État laïque se dote d’une nouvelle religion. À quand la séparation ?

    Il est très important de noter que l’antiracisme est idéologie d’État avant d’être portée par les organisations associatives et les O.N.G.. Il ne faudrait pas croire que le régalien aurait été pris d’assaut, incapable de se défendre contre une agression extérieure, fût-elle idéologique. C’est, non seulement avec son plein concours que cette idéologie s’est mise en place, mais à son initiative. De quoi relativiser les thèses farfelues sur un « racisme systémique d’État » qui reste une allégation improuvée, alors que l’antiracisme comme idéologie d’État est parfaitement documentée. Seul l’antiracisme est systémique, n’en déplaise à nos pourvoyeurs de mensonges professionnels.

    Voici ce que Paul Yonnet écrit dans son Voyage au centre du malaise français :  « Pour ce qui concerne l’exercice du pouvoir par les socialistes depuis 1981, il faut multiplier les observations précises et datées afin d’échapper aux ornières à courte utilité des raisonnements politiciens. Pour la droite, en effet, la cause est entendue. Les socialistes, en difficulté en 1985, se sont ralliés, pour en profiter machiavéliquement, au mouvement antiraciste. Or c’est tout simplement là un contresens historique oublieux : l’antiracisme est idéologie d’État plus d’un an avant la naissance de S.O.S. Racisme (octobre-novembre 1984). S.O.S. Racisme descend de l’idéologie d’État antiraciste développée par le socialisme au pouvoir, avant d’y remonter ».

    À l’automne de 1983 s’est déroulée la Marche des jeunes pour l’égalité et contre le racisme, autour d’un noyau de jeunes Maghrébins (dits « beurs ») en « difficulté d’insertion » originaires des Minguettes, un quartier à problèmes de Lyon. La marche est publiquement encouragée et applaudie par de nombreux ministres (Jack Lang, ministre de la Culture, Raymond Courrière, secrétaire d’État aux Rapatriés, Pierre Bérégovoy, ministre des Affaires sociales et de la Solidarité, Georgina Dufoix, secrétaire d’État chargé de la Femme, de la Population et des Travailleurs immigrés). La chose n’est pas sue, mais un homme de confiance membre du cabinet de Georgina Dufoix aide efficacement les marcheurs à organiser leur progression et à faire face à leurs difficultés financières, matérielles et de sécurité. Le Parti socialiste, le Mouvement des radicaux de gauche et le Parti socialiste unifié ont appelé conjointement à rejoindre la marche pour son arrivée à Paris, le 3 décembre 1983. Une banderole unique surplombe celle-ci : « Vivre ensemble avec nos différences. » Dans la foulée de ce qui reste un succès, le M.R.A.P, (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) lance une campagne sur le même thème en vue d’assises qui se tiennent le 17 et 18 mars 1984 à Paris. Elles sont financées pour moitié par le gouvernement (à hauteur de 900 000 francs) et se déroulent au siège de l’Unesco, où Georgina Dufoix déclare : « Nous devons vivre ensemble avec nos différences. » Cette prescription différentialiste signifie bien évidemment que les Français sont et vont être confrontés à plus de différents et plus de différences qu’auparavant. S.O.S. Racisme n’a donc en aucune manière inventé un discours antiraciste différentialiste. Celui-ci le précède. Il s’y est lové à ses débuts. »

    Nicolas Sarkozy, dans la continuité d’une promotion étatique de l’idéologie antiraciste, a estimé lors de son discours sur la diversité prononcé le 17 décembre 2008 à l’Ecole Polytechnique à Palaiseau que « la France doit relever le défi du métissage ». Pour faire bonne mesure, il a pris soin d’affirmer que « l’universalisme de la France est basé sur le métissage », ce qui fit, on l’imagine sans peine, grincer des dents son conseiller Patrick Buisson. Valéry Giscard d’Estaing, également à droite de l’échiquier politique, avait été précurseur dans ce domaine en promulguant le regroupement familial, réforme mise en place en 1976. Pourtant, une passe d’armes l’opposera à Kofi Yamgnane, né à Bassar au Togo et secrétaire d’État à l’intégration de 1991 à 1993, lorsqu’il évoquera des « risques d’invasions ». Kofi Yamgnane rétorquera : « Giscard d’Estaing a toujours le droit de préférer les Noirs qui distribuent des diamants et concèdent leur chasses à ceux qui nettoient les trottoirs de Paris […]. Ses ancêtres à particule ont arraché à l’Afrique et vendu cent cinquante millions d’hommes, ses esclaves, pour créer leur richesse et leur bien-être. Était-ce invasion ou immigration ? » Il y a lieu, ici, malgré ces accrochages de circonstance, de remarquer que le clivage gauche-droite s’estompe devant les impératifs de cette religion séculière.

    L’antiracisme : l’union de l’Église et de l’État

    Lorsque la psychanalyse était encore en vogue, l’Église envoyait volontiers ses séminaristes faire ausculter leur psyché sur le divan, afin de déterminer quel complexe trouble avait bien pu motiver cette vocation hors d’âge. C’était un substitut branché aux exercices de saint Ignace de Loyola, réputés sentir la naphtaline par un clergé en mal de modernisation. Aujourd’hui, sa soif de ralliement a élu en priorité l’antiracisme et son corollaire l’immigrationnisme. Le Pape François, lors d’un synode sur la réforme de la gouvernance de l’Église, est allé jusqu’à instituer sept nouveaux péchés, très officiellement, dont le « péché contre les migrants ». Toute personne qui mettrait en œuvre des tentatives pour les repousser serait alors coupable de ce péché. En un tournemain, la question est réglée : une ou deux citations relatant la fuite de la sainte famille en Égypte et l’exégèse théologique est bouclée, la caution évangélique scellée. Les confessionnaux devront-ils bruire de ces aveux, dont la chrétienté s’était passée pendant deux millénaires ?

    Le paradoxe, c’est que l’encyclique qui évoque la légitime défense de la race (ce sont les termes de l’époque) n’est autre que l’encyclique Mit Brennender Sorge, écrite le 14 mars 1937, pour mettre en garde contre le national-socialisme. La seule encyclique, à ma connaissance, rédigée en langue vernaculaire, ce qui en dit long sur le prix que lui accordait le Pape. Pie XII manifeste alors – je cite l’encyclique – « une vive inquiétude et un étonnement croissant que depuis longtemps nous suivons des yeux les douloureuses épreuves de l’Église et les vexations de plus en plus graves dont souffrent ceux et celles qui lui restent fidèles par le cœur et la conduite, au milieu du pays et du peuple auxquels saint Boniface a porté autrefois le lumineux message, la bonne nouvelle du Christ et du Royaume de Dieu. »

    Le Pape poursuit et précise l’objet de son inquiétude : « Quiconque prend la race, ou le peuple, ou l’État, ou la forme de l’État, ou les dépositaires du pouvoir, ou toute autre valeur fondamentale de la communauté humaine – toutes choses qui tiennent dans l’ordre terrestre une place nécessaire et honorable,- quiconque prend ces notions pour les retirer de cette échelle de valeurs, même religieuses, et les divinise par un culte idolâtrique, celui-là renverse et fausse l’ordre des choses créé et ordonné par Dieu : celui-là est loin de la vraie foi en Dieu et d’une conception de la vie répondant à cette foi. » Ainsi, « la race » est bien une « valeur fondamentale de la communauté humaine », selon le Pape, et compte au nombre de ces «choses qui tiennent dans l’ordre terrestre une place nécessaire et honorable ». L’inquiétude repose, non sur sa défense, jugée alors légitime car relevant du droit naturel, mais sur un « culte idolâtrique » dont elle pourrait faire l’objet. Sont condamnées, en conséquence, « d’arbitraires  » révélations  » que certains porte-parole du temps présent prétendent faire dériver de ce qu’ils appellent le Mythe du Sang et de la Race ».

    On attend encore la condamnation du mythe antiraciste, du citoyen sans racines et sans identité, qui prétend se substituer à la Révélation évangélique. Non seulement elle ne vient pas, mais cette substitution des révélations est opérée à la tête de l’Église, par son représentant le plus éminent, à savoir le Pape, qui semble voir dans la figure du migrant une nouvelle figure sacrée, messianique pour trancher le mot.  Avec un brin de malice, Laurent Dandrieu n’avait-il pas placé en exergue de son livre Église et immigration, le grand malaise ce tweet du Pape François, daté du 9 août 2016 : « Exigeons que soient respectés les peuples autochtones, menacés dans leur identité et leur existence même » ?

    Jean Montalte (Site de la revue Éléments, 22 avril 2025)

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  • Trump et l’art du chaos...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Francis Jubert, cueilli sur le site du Nouveau Conservateur et consacré à la stratégie du chaos utilisée par Trump, une stratégie dont l'Europe pourrait tirer des leçons...

     

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    Trump et l’art du chaos : une stratégie visionnaire pour l’Amérique et l’Occident ?

    Depuis sa réélection en 2024, Donald Trump ne cesse de surprendre. Sa stratégie, souvent perçue comme chaotique, repose pourtant sur une vision claire de souveraineté et de renforcement des États-Unis. L’annonce récente de la suspension des surtaxes à 20% contre l’Europe pour une durée de 90 jours, à l’exception des droits de douane contre la Chine, illustre parfaitement sa méthode : déstabiliser les adversaires pour les contraindre à venir à la table des négociations. Une démarche qui démontre la capacité de Trump à manœuvrer et à surprendre, mais aussi à rechercher des compromis qui servent les intérêts américains à long terme.

    Le chaos stratégique : Une négociation fondée sur l’art du « deal »

    L’art du chaos, que Trump met en œuvre avec constance, est loin d’être le fruit du hasard. Dans The Art of the Deal (1987), il définit la négociation comme un affrontement stratégique visant à déstabiliser l’adversaire et à forcer des concessions. Aujourd’hui, cette philosophie se manifeste dans ses politiques commerciales et diplomatiques, où il n’hésite pas à bousculer les équilibres pour obtenir un avantage.

    Récemment, sa décision de suspendre certaines surtaxes, tout en maintenant la pression sur la Chine qui écope d’une surtaxe de 125%, démontre cette stratégie. En suspendant pendant 90 jours les droits de douane sur l’Europe, il oblige ses partenaires à réévaluer leur position et à se préparer à des négociations difficiles. Cette posture est essentielle pour Trump, qui continue de maintenir une pression maximale sur les grandes puissances économiques mondiales, tout en préservant des marges de manœuvre pour d’éventuelles discussions. C’est une tactique de négociation implacable, où le chaos à court terme ouvre la voie à des gains à long terme.

    Relocalisation et classe moyenne : une vision économique en action

    Au cœur de la stratégie actuelle de Trump se trouve la relocalisation des chaînes de production et la préservation des emplois pour la classe moyenne américaine. Bien que les médias aient souvent réduit cette politique à une simple guerre commerciale, elle s’inscrit dans un projet plus vaste de souveraineté économique. Grâce à des mesures protectionnistes, notamment des droits de douane, il a créé les conditions d’une relocalisation de l’industrie américaine. Des entreprises comme Apple ont ainsi déplacé une partie de leur production de Chine vers les États-Unis, contribuant à restaurer la base industrielle du pays.

    Cet effort vise à renforcer la classe moyenne américaine, qui est au cœur de la vision de Trump. En ramenant des emplois manufacturiers sur le sol américain, il entend réduire la dépendance aux chaînes de production mondialisées, particulièrement celles dominées par la Chine, et assurer une croissance économique durable. À ce jour, fait observer François Lenglet, « Trump a obtenu ce qu’il voulait : l’ouverture d’un guichet de négociation mondiale pour vendre au plus cher l’accès au marché américain. Avec, en plus, une taxe universelle de 10% comme point de départ, qui est désormais entérinée. Gardons-nous donc de parler de défaite. Jusqu’ici, tout est conforme au plan du président. »

    La négociation entre égaux : une leçon pour l’Occident

    La stratégie de Trump repose également sur l’idée que les négociations internationales ne peuvent aboutir que si les partenaires se traitent d’égal à égal, acceptant le face à face, la confrontation des points de vue. Le président Trump est un adepte des négociations entre égaux dans la mesure où il cherche à maximiser les bénéfices pour les États-Unis tout en exigeant de ses partenaires qu’ils assument leurs responsabilités et défendent leurs intérêts avec la même vigueur, dans une logique de réciprocité. Contrairement à une diplomatie européenne qu’il perçoit comme trop souvent marquée par la soumission, Trump privilégie une approche axée sur le rapport de force qui valorise les négociations directes où chaque partie doit être prête à faire des concessions tangibles. 

    Pour la France et l’Union européenne, cette approche est une invitation à repenser leurs stratégies diplomatiques et économiques. Si la France, par exemple, veut conserver une position de puissance nucléaire et de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, ses intérêts économiques, en particulier dans l’industrie et l’agriculture, exigent de protéger ses capacités de production. 

    Une approche de « réarmement » économique, technologique et militaire de chacun des membres de l’Union européenne pourrait être bénéfique pour restaurer l’équilibre des relations internationales. Dans un domaine au moins l’Europe n’a pas désarmé : le naval militaire. Elle a conservé ses chantiers et ses compétences et achète du made in Europe », ce qui n’est malheureusement pas le cas dans les avions de combat ou les systèmes de défense aérienne

    Des exemples concrets pour l’Europe inspirés par Trump

    Les Européens ont tout à gagner, en s’inspirant de la stratégie actuelle de Trump, à  renforcer leur propre autonomie économique et stratégique. C’est l’un des enseignements que tire François Lenglet de l’ère nouvelle dans laquelle nous entrons : « L’analyse de Trump, en économie politique, est bonne. Les tarifs douaniers sont un outil parmi d’autres pour redonner du pouvoir d’achat aux classes moyennes, le problème étant qu’ils ont été mis en place de façon désordonnée et dangereuse avec cette salve universelle [ndlr : de surtaxes douanières imposées unilatéralement]. Mais la réindustrialisation va prendre du temps. »

    Voici quelques pistes d’action :

    1. Souveraineté énergétique renforcée : comme les États-Unis avec le gaz de schiste, l’Europe pourrait intensifier ses investissements dans les énergies renouvelables et le nucléaire pour réduire sa dépendance aux importations d’énergie.
    2. Relocalisation industrielle : inspirée par le modèle américain, l’Europe pourrait mettre en place des politiques favorisant le retour de certaines productions stratégiques sur son sol, notamment dans les secteurs technologiques et pharmaceutiques.
    3. Contrôle des importations : à l’instar des États-Unis, l’Europe devrait instaurer des contrôles stricts sur les produits qu’elle importe, afin de s’assurer qu’ils respectent les normes de sécurité sanitaire et environnementale qu’elle s’impose à elle-même.
    4. Négociations commerciales fermes : l’Europe pourrait adopter une approche plus affirmée dans ses négociations internationales, en exigeant des contreparties strictes, tant sur le plan social qu’environnemental, dans ses accords commerciaux.
    5. Renforcement de la classe moyenne et des catégories populaires : l’Europe pourrait suivre l’exemple américain en soutenant davantage ses PME et en favorisant des circuits courts pour réduire sa dépendance aux importations, dynamiser l’emploi local et redonner du pouvoir d’achat.

    L’émancipation stratégique de l’Europe : un futur à construire

    La stratégie de Trump montre l’importance cruciale de l’indépendance économique et de la souveraineté stratégique. L’Europe, dans sa quête de résilience face aux défis mondiaux, pourrait grandement bénéficier de cette approche pragmatique. En s’inspirant de ces principes, elle pourrait retrouver sa place sur la scène mondiale en maîtrisant ses chaînes de valeur et en négociant des partenariats équilibrés avec des nations partageant des intérêts similaires. 

    Conclusion : une vision de long terme

    Le « Trump bashing » systématique ne rend pas justice à la complexité et à la profondeur de la stratégie du président des Etats-Unis. Le « fou » n’est pas toujours celui qu’on croit, comme le fait très justement remarquer le politologue Giuliano da Empoli dans le numéro d’avril 2025 de Politique magazine sans un article où il défend l’idée que le chaos n’est plus l’arme de l’insurgé mais le sceau du pouvoir. Il est « plus rationnel, écrit-il, de miser sur le ‘fou’ qui se déclare prêt à tenter ce que personne n’a jamais osé faire. Il n’est pas toujours irrationnel de miser sur le chaos. » En orientant son action vers la souveraineté économique, la négociation entre égaux et une politique pragmatique, Trump ouvre la voie à une refondation des relations internationales. Pour l’Europe, cette dynamique est sans doute l’occasion de redéfinir sa place dans le monde. Loin des caricatures médiatiques, Trump propose une vision stratégique audacieuse et une action géopolitique dont les effets à long terme pourraient bien se révéler décisifs tant pour les États-Unis d’Amérique que pour l’avenir de l’Occident lui-même. Ne pas se saisir aujourd’hui de cette opportunité c’est, pour l’Europe, prendre le risque de sortir définitivement de l’histoire !

    Francis Jubert (Le nouveau Conservateur, 15 avril 2025)

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  • Nihilisme et technologie: le vide numérique de l'époque moderne...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bernard Lindekens cueilli sur Euro-synergies et consacré au nihilisme technologique.

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    Nihilisme et technologie: le vide numérique de l'époque moderne

    Nous vivons à une époque où la technologie a radicalement changé notre vie. L'intelligence artificielle, les réseaux sociaux, la réalité virtuelle et la prise de décision guidée par des algorithmes déterminent de plus en plus notre réalité. En même temps, de nombreuses personnes luttent contre un profond sentiment d'insignifiance et d'aliénation. Le nihilisme – l'idée que la vie n'a pas de signification inhérente – semble aller de pair avec les avancées technologiques. Comment se fait-il qu'à une époque de possibilités technologiques sans précédent, le sentiment de vide et de manque de but soit si fortement présent ? Et que dit cela sur l'avenir de l'humanité ?

    Qu'est-ce que le nihilisme ?

    Le nihilisme est la conviction philosophique qu'il n'y a pas de signification, de valeurs ou d'objectif objectif dans la vie. Le terme est devenu particulièrement connu grâce à Friedrich Nietzsche, qui a mis en garde contre les dangers d'un monde où les valeurs traditionnelles perdent leur signification. À ses yeux, le nihilisme, s'il n'était pas surmonté, pourrait conduire à une crise existentielle où les gens sombraient dans la passivité, le cynisme ou la destruction.

    Il existe différentes formes de nihilisme :

        - Nihilisme existentiel : l'idée que la vie n'a pas de signification inhérente.

        - Nihilisme épistémologique : la conviction que la connaissance et la vérité sont fondamentalement inaccessibles.

        - Nihilisme moral : le rejet des valeurs morales objectives.

    Bien que le nihilisme soit souvent associé à la philosophie et à la littérature, il a pris une nouvelle dimension à l'époque actuelle : celle du nihilisme technologique.

    L'essor du nihilisme technologique

    La technologie a amélioré de nombreux aspects de notre vie : communication plus rapide, meilleurs soins médicaux et accès illimité à l'information. Mais paradoxalement, cette avancée a également créé un sentiment de manque, d'absence de but et d'aliénation.

    Autrefois, les gens trouvaient un sens dans les expériences physiques, la religion, la famille et les interactions sociales directes. Aujourd'hui, une grande partie de notre vie se déroule dans des environnements numériques. Les réseaux sociaux, les jeux vidéo et les environnements issus du travail en ligne font que nos expériences sont de plus en plus médiatisées par des écrans et des algorithmes.

    Le problème est que les expériences numériques sont souvent superficielles et éphémères. Les « likes », les partages et les vues remplacent les interactions sociales plus profondes. Les identités en ligne sont soigneusement mises en scène, mais manquent d'authenticité. Cela crée un paradoxe: nous sommes plus connectés que jamais, mais nous nous sentons souvent plus seuls et plus aliénés.

    Dans un monde nihiliste où les valeurs traditionnelles s'effondrent, les gens cherchent de nouvelles structures pour donner un sens à leur vie. La technologie joue un rôle de plus en plus important dans ce processus. Les big data et l'IA sont de plus en plus utilisés pour orienter les décisions humaines, qu'il s'agisse de quels films nous regarderons ou de quels partenaires nous fréquenterons. Mais si les algorithmes déterminent notre vie, qu'est-ce que cela signifie pour le libre arbitre et l'autonomie ?

    Des critiques comme le philosophe Byung-Chul Han avertissent que nous vivons dans une société « guidée par les données » où l'expérience humaine est réduite à des calculs. L'individu perd lentement son autonomie et devient un consommateur passif dirigé par des forces invisibles. Cela conduit à un nihilisme technologique où la quête de sens disparaît : si tout est déterminé par des algorithmes, pourquoi devrions-nous encore réfléchir à nos choix ?

    La Silicon Valley a créé une idéologie spécifique où la technologie est présentée comme LA solution à tous les problèmes humains. Le transhumanisme, la promesse d'immortalité via l'IA et le métavers sont des exemples de la manière dont la technologie est utilisée comme un récit quasi-religieux.

    Mais beaucoup de critiques voient ces utopies comme une forme d'évasion. Au lieu de répondre à de véritables questions existentielles, les entreprises technologiques créent une illusion de progrès. Elles promettent que la technologie sauvera l'humanité, tandis que les questions fondamentales – Quelle est le sens de la vie ? Comment faisons-nous face à la mortalité ? – restent sans réponse.

    Le nihilisme technologique n'est donc pas seulement un sous-produit du monde numérique, mais aussi une stratégie consciente: en laissant les gens croire que la technologie résoudra leurs problèmes, ils deviennent passifs et dépendants. L'une des formes les plus directes de nihilisme technologique est l'essor de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée. Avec le développement du métavers et des mondes entièrement numériques, la frontière entre réalité et fiction devient de plus en plus floue. D'une part, cela offre d'énormes possibilités : les gens peuvent acquérir de nouvelles expériences, entretenir des relations sociales et même travailler dans des environnements numériques. Mais d'autre part, il y a le danger que les gens cherchent de plus en plus refuge dans ces réalités alternatives.

    Dans une société nihiliste où le monde physique est perçu comme dépourvu de sens, la réalité virtuelle peut devenir l'évasion ultime. Pourquoi faire face à la dure réalité lorsque l'on peut pénétrer dans un monde parfaitement simulé où l'on a le contrôle total ?

    Des philosophes comme Jean Baudrillard nous ont déjà averti de cette dérive en avançant le concept d'hyperréalité : un monde où les simulations remplacent la réalité, jusqu'à ce que les gens ne puissent plus voir la différence.

    L'intelligence artificielle a le potentiel de reproduire la créativité humaine, l'émotion et même la conscience. Mais l'IA fonctionne selon un modèle strictement rationnel et calculé. Elle n'a pas d'expérience subjective, pas de sentiment de signification ou d'objectif. À mesure que de plus en plus de fonctions humaines sont reprises par l'IA, cela soulève des questions existentielles. Qu'est-ce que cela signifie d'être humain dans un monde où l'intelligence et la créativité sont répliquées par des machines ? L'expérience humaine a-t-elle encore une valeur intrinsèque si un algorithme peut produire un art, de la musique ou même de la littérature meilleurs que nous-mêmes?

    La combinaison de l'IA et du nihilisme conduit à une conclusion inconfortable : si les machines peuvent finalement tout faire mieux que nous, pourquoi devrions-nous encore nous donner du mal ? C'est le cœur du nihilisme technologique : le sentiment que l'homme devient finalement superflu dans ses propres créations.

    Comment en sortir ?

    Bien que le nihilisme technologique soit une force puissante dans le monde moderne, cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas lui opposer une résistance. Il existe différentes manières d'utiliser la technologie sans sombrer dans le vide existentiel. Au lieu de nous laisser guider aveuglément par des algorithmes et des données, nous devons utiliser la technologie de manière consciente. Cela signifie réfléchir de manière critique à la façon dont les réseaux sociaux, l'IA et les outils numériques nous influencent. Un véritable sens émerge dans les relations humaines et les expériences. En considérant la technologie comme un moyen plutôt que comme un objectif, nous pouvons nous concentrer sur des interactions authentiques plutôt que sur des connexions superficielles en ligne. Le nihilisme peut être surmonté par une recherche active de sens. La philosophie, l'art et la réflexion personnelle offrent des alternatives pour envisager le monde et trouver un sens dans une société technologique. Au lieu d'utiliser la technologie comme une évasion ou un remplacement de l'expérience humaine, nous devons aspirer à une technologie qui renforce notre humanité. Cela signifie une IA éthique, des interactions numériques humaines et un focus sur le bien-être plutôt que sur le profit.

    Le nihilisme et la technologie sont profondément interconnectés dans le monde moderne. Le défi du 21ème siècle n'est pas seulement de rendre la technologie plus intelligente, mais aussi de veiller à ne pas sombrer dans un état de nihilisme technologique. Ce choix nous appartient.

    Bernard Lindekens (Euro-Synergies, 14 avril 2025)

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