Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Points de vue - Page 3

  • Aux origines de l’antiracisme (2) : « L’idéologie française » de Bernard-Henri Lévy...

    Nous reproduisons ci-dessous la suite de l'exploration de Jean Montalte, cueillie sur le site de la revue Éléments, consacrée aux origines de de la "religion" antiraciste...

    Première partie : Origines et fins de l’idéologie antiraciste (1)

    BHL_L'idéologie française.jpg

    Aux origines de l’antiracisme (2) : « L’idéologie française » de Bernard-Henri Lévy

    Nous allons explorer, dans le cadre de notre enquête sur les origines de l’antiracisme, grâce à l’auteur de La Barbarie à visage humain, ce qu’il nomme le fascisme aux couleurs de la France. Tout un programme. L’auteur a l’amabilité de nous prévenir : « Je ne dirais pas que j’ai pris plaisir à cette descente aux abîmes de l’idéologie française. J’ai eu peine, parfois, à réprimer une nausée face à ce que j’y découvrais et aux vapeurs qu’il m’y fallait respirer. » Munissez-vous donc de vos sacs de vomi chers lecteurs, il y a de quoi gerber, je vous le confirme, dans cette « descente aux abîmes » que constitue l’enquête philosophique intitulée L’idéologie française. Je dis bien enquête philosophique puisque Bernard-Henri Lévy prend soin de  distinguer sa démarche de celle de l’historien, et il fait bien… « L’idéologie française était un livre, nous dit-il, non d’histoire mais de philosophie. C’était un livre qui, lorsqu’il disait « pétainisme », entendait une catégorie, non du temps, mais de la pensée. » 

    Ainsi, le « pétainisme » étant élevé à la dignité d’une catégorie métaphysique soustraite aux contraintes du temps et de l’espace, pourra désigner des phénomènes, des attitudes, des pensées, des discours, qui n’ont qu’un rapport très lointain avec le phénomène circonscrit historiquement de la Collaboration. Au fond, soyons un peu taquin, il y a de quoi voir dans cette méthode la mère de tous les amalgames ! Pourquoi, en effet, s’embêter avec des contraintes, étayer son propos en se basant sur des réalités vérifiables plutôt que divaguer lyriquement ? Aussi, il faudra bien se garder de confondre la thèse philosophique de Lévy avec les travaux historiques d’un Zeev Sternhell, par exemple, aussi contestables soient-ils par ailleurs et même si la thèse d’une origine française de l’idéologie fasciste semble les unir, pour ainsi dire naturellement, dans l’esprit des lecteurs. Leurs démarches respectives sont bien distinctes et nous aurons l’occasion de le vérifier. Sternhell tiendra, d’ailleurs, à se démarquer publiquement de Bernard-Henri Lévy – on ne mélange pas les torchons et les serviettes ! – : « Il convient de souligner ici la grande faiblesse de cet ouvrage de vulgarisation qu’est L’idéologie française de Bernard-Henri Lévy, qui ignore les impératifs de la recherche scientifique, ne craint pas le ridicule en disant qu’il existait une idéologie commune à tous les Français et qui serait proche du fascisme. »

    Cette méthodologie singulière, qui s’affranchit de la logique historique, scientifique, des faits et des documents, de la réalité, en somme, permet d’exécuter de belles cabrioles herméneutiques. Elle permet des affiliations rétroactives, des à peu près, des généralisations abusives. Elle permet – et c’est un des sommets de cette mise en application de cette méthode – de salir la mémoire et l’œuvre de Péguy, tué le 5 septembre 1914, c’est-à-dire tout au début de la première guerre mondiale, dans un livre qui traite du fascisme et du pétainisme, donc de phénomènes bien postérieurs à sa mort héroïque sur le champ d’honneur. Il s’agit là d’un exercice conceptuel qui exige une rare dextérité philosophique et, sans doute, une absence d’inhibition morale presque complète.

    Lutter contre le « mensonge français »

    Dans la préface à la seconde édition de L’idéologie française, Bernard-Henri Lévy évoque « la nécessité d’ouvrir un nouveau front dans la juste lutte contre le mensonge français. » Quand on a le courage de ses idées, fût-il germanopratin sur les bords, on annonce la couleur. Et Lévy ne s’en prive pas. Nous lui savons tous gré d’une telle franchise. Franchise qui, tout de même, pâlit un peu, par contraste, lorsqu’il substitue à l’attitude guerrière, la pose victimaire : «  Et je publie donc ce livre […] qui va devenir, en quelques semaines, l’épicentre d’une tempête dont je n’avais, évidemment, rien pressenti et dont la violence, l’acharnement ad hominem, l’excès, me paraissent, avec le recul, très étranges. » Notre soldat d’une engeance particulière, celle des petits bichons, n’imaginait pas une seule seconde qu’il puisse y avoir des réactions vives à ses éructations anti-françaises diluviennes. C’est un cas de curiosité psychologique, sans doute, mais nous n’avons pas de divan assez large pour convier son ego à s’y allonger.

    Ce qui est très fort chez Lévy, et qui fera des émules, c’est de représenter le courant idéologique majoritaire, d’être du bon côté du manche, et de réussir à se faire passer pour le persécuté, avec cette rhétorique qui tient davantage du délire obsidional que de la démonstration philosophique : « L’attaque vient de la gauche et de la droite. Elle vient des cercles intellectuels, mais aussi politiques et journalistiques. J’ai l’impression, sur le moment, de voir se constituer une sorte de parti, aux frontières indécises mais assez vaste, puisqu’il va du Débat à Esprit, de l’Action Française, ou de ce qu’il en reste, au Parti communiste et aux réseaux personnalistes – un parti donc, ou un axe [ c’est nous qui soulignons pour les raisons que vous imaginez ] qui semble n’avoir d’autre objet que de discréditer ce livre-édit. » Donc une coalition AF-Coco-Personnaliste qui fond sur le discours anti-français d’un Bernard-Henri Lévy comme une hydre à mille têtes dans tout le pays. Si vous avez des témoins qui ont assisté à ces événements, prière de contacter la rédaction d’urgence et nous mettrons à jour les indices d’évaluation d’une paranoïa peu banale, avec prosternation subséquente devant l’idole injustement lapidée.

    Nous pouvons lire sur le site de Bernard-Henri Lévy Une autre idée du monde qu’il a participé, en 1984, à la fondation de l’association SOS Racisme. Il en porte visiblement les stigmates, dont cette volonté de rabaisser la France – « Il faut réduire le caquet du coq gaulois » dira-t-il -, de la salir et la peur panique d’une hypothétique mais très imminente – imminente depuis quarante ans, mais quand on aime on ne compte pas ! – montée du fascisme, qui a dû atteindre de tels sommets depuis le temps qu’il n’est décidément plus discernable que par satellite de pointe.

    Paul Yonnet, dans Voyage au centre du malais français, fait cette observation éclairante à cet égard : « Mais la relation de l’antiracisme à la suggestion de l’idée de mort ne se limite pas à cette magie de péché fondée sur des mécanismes de rétroaction historique menant au dégoût de soi et aux moyens d’y mettre fin. Il y a aussi une suggestion de l’idée de mort destinée aux antiracistes, à usage interne, destinée à majorer la racistophobie au travers de signaux laissant entendre l’imminence d’un envahissement de la société, non par les immigrés cette fois, mais par les Français racistes ». À S.O.S. Racisme, il est même suggéré beaucoup plus aux militants, comme l’inévitabilité de la défaite devant l’intarissable fécondité de la « bête immonde » qui monte, ou va monter (l’une des propriétés du racisme vu par les antiracistes est en effet qu’ « il monte»). Le slogan affiché par voie de presse dans l’Île-de-France pour annoncer le concert annuel de S.O.S. Racisme en 1991 était : « La fête, vite! » C’est la réponse que l’organisation a trouvée au fameux « Le Pen, vite! » vu partout dans l’Hexagone durant une décennie. À ce slogan d’attente des premiers jours qui suivraient la défaite du vieux monde de l’établissement républicain, selon les partisans du Front national, S.O.S. Racisme a répondu par un slogan d’attente des derniers jours. L’espérantisme lepéniste n’est détourné par un thème crépusculaire que pour y renvoyer, non pour le démentir: la dernière fête, peut-être, avant que le ciel ne nous tombe sur la tête.

    Poser l’évidence du fait raciste

    Observons bien d’ailleurs le sigle du mouvement: comme pour toutes les organisations de type S.O.S. (S.O.S. Plomberie ou autres), il s’applique à des équipes spécialisées dans l’intervention d’urgence – elles n’ont pour vocation ni le travail de fond ni la prévention une fois que l’événement a eu lieu. Le sigle a pour fonction, chaque fois qu’il est prononcé, de poser l’évidence du fait raciste, que les Français racistes frappent et frapperont encore. Subtilement, Léon Boutbien, membre de la commission de la Nationalité, a fait remarquer, lors de l’audition des leaders du mouvement, que ce combat antiraciste était mené « sous le signe d’une incantation presbytérienne, car en fait S.O.S., c’est  » Sauvez notre âme », c’était l’incantation presbytérienne des marins quand ils allaient mourir ».  « Sauvez nos âmes, le racisme est là comme la fatalité d’une mer déchaînée qui nous entraîne inexorablement vers l’abîme » : c’est l’incantation implicite mais très environnante – des antiracistes qui voudraient croire qu’eux-mêmes et faire croire que les Français vont en mourir. »

    Qui de mieux placé, alors, pour sauver notre âme que Bernard-Henri Lévy. Il est si christique, à un degré que seul saint François d’Assise a pu atteindre, qu’il fut même stigmatisé ! Lévy – oui oui ! – a prétendu que des stigmates sont apparus sur son corps, les stigmates du Christ tout bonnement, à l’exemple de Padre Pio, qui doit être flatté – de là où son âme nous surplombe — d’un lien confraternel si sublime. L’anecdote a été confiée au micro de Christophe Barbier pour L’Express le 8 février 2010. Barbier qui suggère à Bernard-Henri Lévy qu’un tel événement doit changer un homme, le rendre mystique, croyant à tout le moins, s’entend rétorquer pour toute réponse : « non ». Puis un développement verbeux, une logorrhée sur l’essence de l’homme qui réside non dans la chair, les muscles et autres propriétés secondaires, mais dans le signifiant. L’homme est fait de mots, et ces mains du philosophe qui saignent, ce sont des mots qui saignent. Voilà voilà ! Mais pour l’heure, les mots de notre philosophe ont surtout vocation à faire saigner la France, pour lui faire expier ses crimes, qui sont innombrables.

    Bernard-Henri Lévy s’est fixé un but digne du Bouddha avec L’idéologie française : l’éveil. Raison pour laquelle ce livre ne peut être lu qu’en position du lotus, sous peine de n’y rien comprendre. Rien moins que de déchirer le voile d’illusion qui encombre la vue et fait miroiter une « France imaginaire » dans laquelle nous serions « tous fils de Lumière, issus d’une Histoire fabuleuse, peuple de communards, de dreyfusards, de maquisards, – nos hérauts avantageux dans l’ordre de l’honneur. » Or nous savons désormais que tout cela est faux, une sinistre farce, une fable propre à égarer les fous. L’heure est grave, et c’est à Lévy qu’il incombe de remettre les pendules à l’heure : « Il est l’heure, enfin, de regarder la France en face. » Jusqu’alors nous la regardions de biais, les plus téméraires osèrent un regard de trois quarts, mais personne n’était allé plus loin dans cette franchise envers soi-même, dans ce respect scrupuleux des lois de l’optique – Ô mânes de Descartes qui honora cette science de son génie pourtant si français, avez-vous déserté nos faibles esprits ?

    Notre fringant auteur-prophète-éveillé-stigmatisé passe au peigne fin un certain nombre de thèmes qui sont comme les soubassements idéologiques du fascisme et du nazisme – pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? – à savoir : la Nation, la Terre, le Corps. En ce qui concerne la nation, on voit bien ce qu’elle fait là. La terre, elle, est incriminée pour cette raison toute simple : « La terre où il faut être né pour participer des valeurs de la race. La terre où il faut prendre racine pour appartenir au grand corps de la Nation. » Gaston Bachelard a pourtant consacré deux très beaux livres à la Terre, dans le cadre de sa philosophie de l’imagination matérielle : La Terre et les rêveries de la volonté et La Terre et les rêveries du repos, où il n’est pas tellement question d’appartenance raciale mais d’une « métaphysique de l’adhésion au monde ». Bernard-Henri Lévy serait-il de ceux qui, comme l’écrivait Jean-François Mattéi dans L’ordre du monde, « incapables de sentir en eux leurs propres racines, s’acharnent à arracher celles des autres » ?

    Mais le corps ? Suggérez-vous que le fascisme commence quand on entreprend une série de pompes pépère dans son salon ? L’auteur évoque, alors, à propos du corps une « identité compensatoire » – formule qui vaut ce qu’elle vaut c’est-à-dire pas grand-chose en définitive – et l’injonction à « faire corps, se faire corps, chanter haut et fort la gloire de Dieu le Corps. » Mais puisque notre auteur n’est pas particulièrement fatigué par l’effort entrepris, son corps étant par trop éthérique pour souffrir, il poursuit : « Relisez l’hymne de Drieu encore à Doriot « le bon athlète », qui « étreint » le « corps débilité » de « sa mère », la France, et « lui insuffle la santé dont il est plein ». » Vous avez compris : Le triomphe de la volonté, le paganisme charnel, le sauvetage herculéen de mémère patrie…

    Tous les français sont coupables !

    La thèse de L’idéologie française est très simple : les français, qu’ils soient communistes, anarchistes, pétainistes, monarchistes, personnalistes, chrétiens, athées, païens, rouges, bruns, rouges-bruns sont tous coupables, à tout le moins très suspects. Il est même question – c’est le titre d’un chapitre – de « pétainisme rouge » (sic). Et la formule gaullienne « une certaine idée de la France » se voit supplantée subtilement par « une certaine idée de la race ». Un président de la république offre une synthèse de choix : Mitterrand. Voici ce qu’en dit Lévy : « Nous avons eu un président de la République qui a pu revendiquer à la fois, et sans contradiction, son passé de pétainiste et de résistant : je l’ignorais à l’époque – mais quelle leçon ! Quelle improbable, mais implacable, illustration de ma thèse ! » Et oui, pétainiste, résistant, pas de différence, puisqu’ils ont en commun d’être français – crime des crimes – et par ce fait, comptables de l’ignominie du fascisme. La France n’est-elle pas, selon notre philosophe, « la patrie du national-socialisme » où la xénophobie est « considérée comme un des beaux-arts » ? Oui, ça ose tout…

    La résistance avait pourtant bénéficié d’un traitement de faveur et d’un regard indulgent, il est vrai au prix d’une interprétation frauduleuse du phénomène réel que recouvre ce terme. Paul Yonnet écrit à ce propos, toujours dans Voyage au centre du malaise français : « La Résistance n’intéresse les étudiants vaincus de 1968 et les post-soixante-huitards que dans la mesure où elle est résistance à la France, avons-nous écrit, résistance contre la France. Logiquement prend naissance le mythe – celui-là, pure affabulation – d’une Résistance antinationale, antipatriotique, fondée sur le refus de la « patrie pétainiste, concrète et charnelle à souhait, pétrie de sang et de mort, dont on peut fouler le sol, humer les odeurs familières, contempler les cimetières et entendre les angelus ». La Résistance serait motivée par une « pure idée gaullienne, abstraite et désincarnée », opposant « un nationalisme de l’Idée » à un « nationalisme de la terre », une  « France des nuées […], de papier […], sans odeur » à la France « du limon » qui est nécessairement celle du « vieux fonds fasciste » hexagonal. Bernard-Henri Lévy, qui concrétise en 1981, dans un essai-pamphlet, une décennie de révision historique menée par la génération de mai 1968, explique le défaut de résistance sous l’Occupation par un déficit d’abstraction et d’attachement « aux grands signifiants d’universalité». Trop d’amour de la patrie, des racines et des ancêtres, de la « nation substantielle » aurait empêché les Français de prendre les armes, et c’est en somme d’une révolte contre le sentiment patriotique qu’aurait dépendu la massification d’un comportement de résistance, qui ne s’est pas produit. Comme l’a écrit Pierre Nora, en examinant L’idéologie française, « le mépris a priori des faits est consubstantiel aux nécessités de la démonstration » que ce livre contient. L’engagement dans la Résistance ou la France libre a eu lieu en réaction à des événements concrets se produisant sur le sol de France et est entièrement subsumé par l’idée patriotique la plus traditionnelle : c’est France d’abord, organe des F.T.P.F. (Francs-Tireurs et Partisans français), l’organisation militaire d’un Front national, le Front national de lutte pour l’indépendance et la libération de la France; c’est Défense de la France, qui changera de titre, à la Libération, pour devenir France-Soir; «Ni traître ni boche » définira les motivations du ralliement aux organisations unies dans le Conseil national de la Résistance. Dans le genre nationaliste, de Gaulle était plutôt un ultra, souvent taxé pour cette raison de « maurrassien ». La Résistance aurait été surprise d’apprendre qu’elle incarnait une idée pure et abstraite contre une idée « substantielle » de la nation. Que cela plaise ou non, elle se voulait compétitive avec le pétainisme sur le même champ de valeurs patriotiques, celui de « la France éternelle», de «la France de toujours», de la France à longue mémoire. Voici d’ailleurs comment Raymond Aron, de Londres, le 15 juin 1941, voyait dans l’interrogation des « maîtres du passé», alors florissante dans l’Hexagone, le signe d’un salutaire « retour à la France», apte, selon lui, à fortifier les bases d’un esprit de résistance. Comme par hasard, Aron revendiquait Péguy, cible centrale de Lévy dans L’idéologie française (« Péguy le raciste », « Péguy le nigaud», créateur d’un « racisme sans racisme», etc.): « Nul signe plus frappant de la ferveur patriotique qui anime les Français que cette interrogation des maîtres. Les colonnes des journaux sont remplies d’articles sur Molière, sur Corneille, sur Racine, sur Montesquieu. On fait le compte de ce qui a résisté au désastre. Un poète entre tous paraît présent, vivant dans notre patrie meurtrie: Charles Péguy – tué d’une balle au front en septembre 1914, Péguy, fils du peuple, catholique et socialiste à la fois et avant tout Français. »

    Lien permanent Catégories : Points de vue 1 commentaire Pin it!
  • Origines et fins de l’idéologie antiraciste (1)...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean Montalte, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré aux origines de de la "religion" antiraciste...

     

    SOS Racisme.jpg

    Origines et fins de l’idéologie antiraciste (1)

    Le sang du pauvre, c’est l’argent, disait Léon Bloy. Désormais le sang du pauvre, c’est aussi l’antiracisme, cette idéologie de mort. Elle a été et reste le meilleur alibi fourni à ceux qui haïssent leur pays d’accueil et les habitants – les autochtones – qui l’ont reçu en héritage. L’ennemi à abattre, le seul, c’est le facho, c’est-à-dire le kouffar de la religion antiraciste, l’hérétique étant vraiment trop démodé. Et la conférence des évêques se déroule désormais à la cérémonie des Césars ou tout autre lieu où s’entrelèchent nos élites plus mondaines que culturelles. Le temps est loin où un Claude Lévi-Strauss pouvait encore opposer la sagesse mesurée d’un humanisme déjà en fin de course à l’hystérie collective qui allait s’emparer du monde occidental : « Rien ne compromet davantage, n’affaiblit de l’intérieur et n’affadit plus la lutte contre le racisme que cette façon de mettre le terme à toutes les sauces, en confondant une théorie fausse, mais explicite, avec des inclinations et des attitudes communes dont il serait illusoire d’imaginer que l’humanité puisse un jour s’affranchir. »

    Nous connaissons, en effet, le slogan : « l’extrême droite tue », qui s’est enrichi récemment d’un très précis et très précieux « partout tous les jours dans le monde ». L’important n’est pas que ce soit vrai, mais que vous y croyez ou que vous dansiez autour de ce fétiche pour qu’une pluie acide tombe sur les membres innombrables de l’internationale nazie qui dirige en secret le monde. Marc Vanguard, statisticien, a diffusé le nombre d’attentats perpétrés par les islamistes en France depuis 2012, à savoir 57 attentats islamistes, plus de 300 morts ; puis ceux qui ont été perpétrés par l’ultra-droite, à savoir 4 attaques, 4 morts. Ces chiffres ont inspiré ce commentaire à un militant d’extrême gauche, dont on peut savourer le sens logique parfaitement aiguisé : « Total des morts causés par l’extrême droite depuis 2012 : 304 ». C’est une rhétorique qui prend de l’ampleur, malgré son absurdité évidente pour qui n’a pas subi une ablation du cerveau. Clémence Guetté (LFI), n’a-t-elle pas donné le signal de départ pour cette interprétation de qualité en déclarant : « Tous les attentats en France sont commis par l’extrême droite » ?

    Le réel et la logique sont racistes

    Si vous trouvez que la logique est offusquée ici, c’est que vous n’êtes pas encore au courant : la logique c’est raciste ! Jean-François Braunstein, dans La religion woke, nous le rappelle opportunément : « Mais l’idéologie woke n’est pas qu’un snobisme passager et sans conséquences. On a affaire à des militants qui s’enthousiasment pour leur cause. Ce ne sont plus des universitaires, mais des combattants au service d’une idéologie qui donne sens à leur vie. Quiconque a eu l’occasion de tenter de débattre avec des wokes comprend très bien qu’il a affaire, au minimum, à des enthousiastes, et dans bien des cas à ce que Kant nommait des “visionnaires”. Il suffit de consulter l’une des nombreuses vidéos qui relatent la prise de pouvoir des wokes à l’université d’Evergreen aux Etats-Unis pour comprendre qu’il n’est pas envisageable d’argumenter avec ces jeunes militants, assez comparables aux gardes rouges chinois durant la révolution culturelle. Comme le résume très brutalement l’un des agresseurs de Bret Weinstein, le seul professeur qui ait eu le courage de résister à ces militants et qui essayait de les raisonner : “Arrête de raisonner, la logique c’est raciste.” Cette affirmation résume la radicalité d’un mouvement inaccessible à la raison. » Toute cette rhétorique fonctionne à la manière des discours religieux et nous en sommes au point où, selon le mot de Nietzsche, « on a considéré la valeur de ces valeurs comme donnée, comme réelle, comme au-delà de toute mise en question. »

    On voudrait nous faire croire, cependant, que les excès du wokisme seraient infidèles à une idéologie antiraciste originellement pure de toute souillure ou de mauvaises intentions, dénuée d’agressivité envers l’homme blanc, ou plus précisément envers les nations qui accueillaient les populations venues du Sud. Cette falsification a rendu pratiquement impossible l’usage du terme wokisme, qui sonne désormais son Philippe de Villiers, tout empêtré dans ses barbelés.

    Continuité de l’antiracisme

    L’antiracisme était bien, dès sa naissance, une idéologie agressive et haineuse. J’ai écrit ailleurs, pour montrer la continuité entre un prétendu antiracisme universaliste qui serait le bon et un mauvais antiracisme indigéniste, décolonial et identitaire, qui en serait le dévoiement, voire la trahison : « Dans la perspective du mouvement décolonial – bien mal nommé – la dissolution de la “blanchité” semble indispensable pour permettre l’assomption des minorités éternellement opprimées, comme si cette oppression était, pour les Blancs, une occupation à plein temps, une préoccupation de tous les instants ! Paranoïa ? Allons, allons… Rien de nouveau sous le soleil, saint Coluche avait procédé à la même annulation du Blanc, du Français de souche, pour permettre une adhésion facilitée aux thèses de l’antiracisme institutionnel. Voici les propos que ce dernier a tenus le 26 mars 1985, lors du septième concert annuel de SOS Racisme : “Les Français sont pas français : la France est au milieu du reste et tout le monde passe par là… Dans notre histoire, toutes nos mères ont été violées, sauf celles qui n’ont pas voulu.” “Tout le monde passe par là”, sous-entendu tout le monde doit continuer à passer par là, exit par conséquent la moindre velléité ou tentative de contrôler les flux migratoires.

    Commentaire de Paul Yonnet, auteur de Voyage au centre du malaise français : “L’attention doit être immédiatement attirée sur le fait que cet élément persistant de la base antiraciste lie explicitement – et de façon spontanée – l’extinction d’un fait national français – et même du fait national français – à la transformation de sa composition ethnique. C’est là une conception racialiste de la nation qui donne raison à tous ceux qui disent vouloir sauvegarder l’homogénéité ethnique de l’Hexagone pour que la France puisse persister dans un être profond.” Culture du viol exceptée, cette conception des choses – ou plutôt cette rhétorique – n’a pas beaucoup varié : il faut dissoudre le fait français pour avaliser une société multiraciale et aujourd’hui la “blanchité”, facteur d’oppression systémique, universelle, totalitaire et cosmique. Ce néo-antiracisme n’est finalement pas si novateur… Il a seulement accompli sa mue et perfectionné ses éléments de langage pour donner l’impression d’une forte charpente idéologique, le travail sur la sémantique se substituant au sens du réel. »

    Si, finalement, un Macron déclare benoîtement qu’il « n’y a pas de culture française », c’est pour répondre à un même besoin d’annihilation du fait national français. Il se situe en cela, dans la droite ligne de l’idéologie antiraciste, d’hier et d’aujourd’hui.

    Le discours antiraciste est indissociable, depuis le début, d’un discours anti-français. La déclaration, tristement célèbre, que Bernard-Henri Lévy a placée au seuil de son livre L’idéologie française est caractéristique de cet état de fait, et sert de modèle infiniment réitérable : « Je ne dirais pas, nous confie-t-il, que j’ai pris plaisir à cette descente aux abîmes de l’idéologie française. J’ai eu peine, parfois, à réprimer une nausée face à ce que j’y découvrais et aux vapeurs qu’il m’y fallait respirer. » S’ensuit une logorrhée sur le thème pétainisme égale idéologie française, qui permet au sieur Lévy de rayer d’un trait de plume ce pays, son peuple, son histoire et sa culture : « Le problème, à la limite, ce n’était même pas l’antisémitisme comme tel ; ce n’était pas l’énoncé de la thèse et, pour ainsi dire, le passage à l’acte ; c’était, en amont de l’énoncé, dans ce secret nocturne des textes où se fomentent les actes de pensées, l’identification d’une matrice, à la fois philosophique et littéraire, dont la plupart des éléments se perpétuent jusqu’aujourd’hui et qu’il suffit de synthétiser pour qu’apparaisse, sinon le pire, du moins son site : culte des racines et dégoût de l’esprit cosmopolite, haine des idées et des intellectuels dans les nuées, anti-américanisme primaire et refus des nations abstraites, nostalgie de la pureté perdue ou de la bonne communauté – telles étaient les pièces de la machinerie qui, lorsqu’elle tourne à plein régime et lorsqu’elle vient, aussi, au contact de l’événement, dessine la forme française du délire, et l’accouche. » Pour finir : « L’idéologie française était un livre, non d’histoire mais de philosophie. C’était un livre qui, lorsqu’il disait pétainisme, entendait une catégorie, non du temps, mais de la pensée. »

    J’ai déjà eu l’occasion de commenter ce livre à l’occasion du changement de statut opéré par la chaîne Arte pour permettre au philosophe milliardaire de se maintenir pour un huitième mandat au poste de président du conseil de surveillance de la chaîne. Voilà ce que j’écrivis : « Je connais des mauvaises langues qui dénient à Bernard-Henri Lévy la qualité de philosophe sous prétexte qu’il n’a inventé aucun concept de toute sa vie. Nous voyons ici à quel point ces critiques se fourvoient. C’est à lui qu’on doit l’élévation à la hauteur d’une catégorie philosophique le concept de pétainisme qui n’a plus besoin d’être référé à une réalité précise. De quoi rassurer notre cher député Delogu qui n’aura plus à se sentir ignare sur cette question. L’ignorance historique est permise puisqu’il s’agit d’une catégorie de l’esprit, désormais applicable à tant de réalités diverses et rétroactives qui plus est. Nous apprendrons qu’elle s’applique même à Charles Péguy. Salir la mémoire et l’œuvre de Péguy, tué le 5 septembre 1914, c’est-à-dire tout au début de la Première Guerre mondiale, dans un livre qui traite du fascisme et du pétainisme, donc de phénomènes bien postérieurs à sa mort héroïque sur le champ d’honneur, c’est un exercice conceptuel qui exige une rare maîtrise de la logique et une absence d’inhibition morale presque complète. Bernard-Henri Lévy nous a rendu cet immortel service de nous apprendre à renier, voire haïr notre patrie, sans fard ni complexe. Mettre une claque à sa grand-mère est devenu une activité philosophique comme une autre, une praxis salubre de défascisation, de dénazification. »

    Une rupture annoncée entre « Beurs » et « Juifs »

    On voudrait aussi nous faire croire que le mouvement décolonial, par antisionisme voire par antisémitisme, se serait mis la communauté juive à dos et que cette opposition était impossible à prévoir à l’orée du mouvement antiraciste originel, qui aurait uni dans une osmose parfaite toutes les communautés, toutes les minorités ; il est vrai, sur le dos du beauf, du Gaulois, du Français de souche qui n’existe pas mais qui peut, malgré son inexistence, par magie sans doute, faire l’objet d’une haine viscérale. Petit aparté : il est très important d’avoir bien présents à l’esprit ces deux axiomes : le français de souche n’existe pas lorsqu’il menace de défendre son identité. Il existe quand on peut déverser sur lui sa haine. Bref, c’est également faux… La rupture entre Juifs et Beurs était déjà en germe dans le SOS Racisme des origines. En effet, Paul Yonnet écrit dans Voyage au centre du malaise français. L’antiracisme et le roman national : « Quelques grandes dates ponctuent l’histoire de l’organisation. Octobre 1984 : dépôt des statuts de l’association humanitaire SOS Racisme à la préfecture de police de Paris. Juin 1985 : apogée de la popularité du mouvement auprès des moins de quarante ans, dont témoigne la foule des militants de loisirs qui se presse au grand concert gratuit de la Concorde. Août 1987 : apogée de la popularité personnelle du président Harlem Désir après son passage à l’émission télévisée L’Heure de vérité. 1988 : l’âme du mouvement, son penseur et tacticien principal, Julien Dray, devient député du Parti socialiste, où il anime un courant ultra-gauche. Fin 1990- début 1991 : implosion du mouvement à propos de l’attitude à adopter face à la guerre du Golfe. Deux camps se forment : pacifiste et belliciste. Le second, qui comprend la quasi-totalité de la composante juive et l’un des principaux bailleurs de fonds (Pierre Bergé), abandonne SOS Racisme, non sans avoir dénoncé l’« infantilisme » d’Harlem Désir. » Où l’on peut constater que les questions internationales ont toujours divisé un camp antiraciste dont l’unité est purement fantasmatique.

    Désormais Julien Dray a son rond de serviette sur les plateaux de CNews, débat courtoisement avec Sarah Knafo sur le plateau de FigaroTV, en devisant sur la stratégie à adopter concernant les problématiques d’insécurité et d’immigration, problématiques qu’il a toujours interdit aux Gaulois d’aborder sous prétexte d’antiracisme, exerçant son terrorisme idéologique pendant des décennies.

    La suggestion de l’idée de mort

    Paul Yonnet, encore dans son livre Voyage au centre du malaise français, évoque « les effets chez les individus ou les groupes d’individus de l’idée de mort suggérée par la collectivité », une notion centrale développée par l’anthropologue Marcel Mauss. Marcel Mauss rapporte, en effet, l’existence « de véritables maux de conscience qui entraînent des états de dépression fatale et qui sont eux-mêmes causés par une magie de péché qui fait que l’individu sent être dans son tort, être mis dans son tort ».

    Paul Yonnet écrit, à propos de l’effet morbide suscité par le discours antiraciste, autrement appelé magie de péché par Marcel Mauss : « Pour le redire d’une autre manière, cet antiracisme, libéré de ses deux adversaires européens du demi-siècle que furent l’impérialisme raciste du nazisme et les empires coloniaux, a pour socle référentiel l’immigration (et pour caution latérale et adjacente, jusqu’à un passé récent, destinée à établir de fausses équivalences de situations, le lointain apartheid en Afrique du Sud). Il est relié aux phénomènes de suggestion de l’idée de mort de deux manières. Une première fois parce qu’il remonte la chaîne des culpabilités rétrospectives en nazifiant la tradition française par glissement et association d’événements : si quelques individus de nationalité française ont provoqué la mort au cours de crimes racistes récents, il faut entendre que ce serait dans la droite ligne d’une histoire marquée par “les crimes de la colonisation” et “la participation française à la solution finale”, pour reprendre des expressions aujourd’hui aussi banalisées qu’elles étaient jugées scandaleuses il y a quarante-cinq ans. Décidément, ce pays ne pourrait jamais que donner la mort.

    Ainsi, se sentant “être dans son tort”, ou “être mis dans son tort”, selon la définition de la magie de péché donnée par Marcel Mauss, le Français “antiraciste” se trouve en situation psychologique de vouloir précipiter passivement ou activement la disparition de cet ensemble France traditionnellement si meurtrier, de se prémunir à tout le moins contre le regain d’une aussi douteuse identité, pour “régénérer” l’une et l’autre “par le sang neuf” de l’immigration, comme on le lit si souvent. C’est pourquoi, aux Français qui s’inquiètent de l’avenir d’une identité (et une identité est tout autant une réalité subjective qu’objective, donc avant tout une représentation de l’identité), aux Français qui se demandent : “Serons-nous encore français dans trente ans ?”, l’antiracisme répond : “Non, et d’ailleurs c’est mérité, cela vaut mieux comme cela.” Un concept résume cette attitude : le sociocentrisme négatif, défini par Pierre-André Taguieff comme “haine de soi, idéalisation du non-identique, de l’étranger, de l’Autre”. Sachant ce que nous savons déjà, il saute aux yeux que la résistance à SOS Racisme et à l’idéologie antiraciste actuelle est une résistance à cette magie de péché. »

    Jean Montalte (Site de la revue Éléments, 11 avril 2025)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Nucléaire français et défense européenne...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun cueilli sur Geopragma et consacré à l'éventuelle inclusion de la dissuasion nucléaire française dans la défense européenne en devenir...

    Membre fondateur de Geopragma, Pierre de Lauzun a fait carrière dans la banque et la finance.

    Vigilant.jpg

    Nucléaire français et défense européenne

    Devant les développements spectaculaires de la scène internationale et notamment l’évolution des Etats-Unis, les dirigeants européens cherchent frénétiquement à afficher la perspective d’une défense européenne commune autonome par rapport à ces derniers.

    On peut sérieusement douter du réalisme de ce projet, et plus encore de la possibilité qu’il ait la moindre influence sur les événements de terrain avant 15-20 ans. Ne serait-ce que du fait de leurs divergences profondes d’intérêts et de priorités, de leur retard technique, de leur peu de goût pour le combat, ou encore de leur expérience passée et présente, où l’achat d’armements américains a constamment eu la priorité sur l’achat de matériels européens concurrents, notamment français.

    Mais il est un point d’achoppement clef, qui se présente dès maintenant : l’armement nucléaire, essentiellement celui français (le britannique est en réalité dans les mains des Américains, au moins sur le plan technique). Emmanuel Macron avait déclaré en mai 2024, puis récemment réaffirmé, être ouvert au débat sur son inclusion dans une défense nucléaire européenne, suscitant à l’époque une réaction largement négative dans la classe politique.  Il a récidivé depuis, avec une proposition qui a reçu un certain écho.

    L’extrême gravité de cette perspective a été peu soulignée. Pour la défense de la France ce serait pourtant un acte mettant gravement en danger la sécurité du pays.

    Il n s’agit en effet pas là de nucléaire tactique, mais du stratégique. L’arme nucléaire française est uniquement stratégique ; elle est à même d’infliger des dommages très graves à un assaillant éventuel ; elle est censée par-là être à même de le dissuader d’attaquer la France. Mais si cet assaillant est lui-même une puissance nucléaire, cela implique le risque en retour de dommages dévastateurs pour la France. La menace d’utilisation de cette arme n’a donc de sens que par rapport à une attaque contre des intérêts non seulement vitaux pour la France, mais impliquant sa survie même. Il est donc non seulement absurde mais criminel d’envisager explicitement de l’utiliser pour protéger un pays voisin, même ami, même européen. Certes, il est de la nature de cette dissuasion de ne pas être précise dans son mode d’emploi : il est donc compréhensible qu’on évite de se prononcer sur ce point. Mais sur le fond, ceux qui courent le risque, c’est-à-dire les Français, doivent savoir qu’elle ne peut être mobilisée que pour les défendre, parce que ce sont eux seuls qui courent le risque de riposte. Tout autre décision d’emploi mettrait en risque les Français de façon gravissime.

    A côté de cette considération majeure et décisive, on peut rappeler qu’une telle dissuasion n’a de sens que si elle dépend de la capacité de réaction rapide et immédiate du décideur. Ce ne peut donc être le fait d’une concertation à l’européenne. De fait, on nous explique que la décision resterait française. Mais en supposant qu’on fasse confiance aux macronistes sur ce point, cela implique que la dissuasion resterait en réalité française. La seule différence par rapport à la situation actuelle serait que la France déclarerait que les autres pays européens seraient couverts par elle. Et on retombe alors sur la remarque précédente.

    Ajoutons que du point de vue des autres pays européens, la protection nucléaire offerte par un autre Européen ne saurait être rassurante. Certains par exemple s’inquiétaient de l’élection de Marine Le Pen (ou équivalent) en 2027 ou après. La question n’est pas ici de ce que ferait Marine le Pen ou un autre, mais de la perception que les autres en ont. Et même avec une présidence plus classique, il n’est en rien évident qu’il mettra en risque la France pour protéger Vilnius. En outre, est-il envisageable que les seuls Français décident de mettre en risque un autre pays européen en l’exposant aux représailles ?

    Ce qu’on appelle parapluie américain n’est pas non plus garanti au niveau du nucléaire stratégique : croire que les Américains accepteraient le risque de voir New York rasé pour protéger Vilnius est d’une rare naïveté. Mais la différence avec la France est le nucléaire tactique, dont ils disposent, eux, qui est déjà prépositionné en Europe, et qui offre une étape intermédiaire, rendant beaucoup plus crédible la dissuasion au profit des Européens. Sachant, cela dit, que la mise en œuvre du nucléaire tactique américain en Europe ferait courir un risque appréciable à ces mêmes Européens.  

    Par ailleurs, du fait de l’importance centrale de la dissuasion nucléaire pour celui qui en dispose, si inversement la défense nucléaire française reste française et ne couvre que la France, la défense française ne peut pas se noyer dans une défense européenne. Et donc la notion de défense européenne intégrée ne peut être qu’une coordination intensifiée de moyens de défense ; dont le choix d’emploi reste national – ce que d’ailleurs elle devrait être de toute façon. Après tout, en outre, il y a trop d’intérêts français spécifiques, notamment outre-mer, pour qu’une défense européenne vraiment intégrée puisse prendre le relais. Et il n’y a pas de raison pour que cela change, sauf à sacrifier précisément ces intérêts majeurs. En revanche bien sûr, le besoin d’accroître massivement l’effort de défense de tous est un impératif urgent.

    Dit autrement, le champ que peut couvrir (tout au plus) une coopération militaire européenne est réel mais délimité, excluant les intérêts vitaux d’un côté (couverts par le nucléaire) et les intérêts spécifiques de l’autre (outre-mer et marine notamment), et laissant la liberté de l’emploi. Ce champ est réel et majeur, mais il a ses limites.

    Pierre de Lauzun (Geopragma, 7 avril 2025)

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Pourquoi le système ne laissera jamais la droite prendre le contrôle...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique de David Engels sur Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, datée du 4 avril 2025 et consacrée à l'éviction judiciaire de Marine Le Pen de l'élection présidentielle...

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan, à l'Institut Catholique de Vendée ainsi qu'au Mathias Corvinus Collegium de Bruxelles, David Engels est l'auteur de trois essais traduits en français, Le Déclin - La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013), Que faire ? - Vivre avec le déclin de l'Europe (La Nouvelle Librairie, 2024) et, dernièrement, Défendre l'Europe civilisationnelle - Petit traité d'hespérialisme (Salvator, 2024). Il a  également dirigé deux ouvrages collectifs, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020) et Aurë entuluva! (Renovamen-Verlag, 2023), en allemand, consacré à l’œuvre de Tolkien.

     

     

                                              

    Lien permanent Catégories : Multimédia, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Insécurité, délinquance, criminalité : 50 ans de pensée de gauche en action...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Julius Muzart, cueilli sur Polémia et consacré à la responsabilité de la pensée de gauche sur la montée de l'insécurité. Julius Muzart, ancien haut-fonctionnaire enseigne le droit public.

    La police tue.jpg

    Insécurité, délinquance, criminalité : 50 ans de pensée de gauche en action

    Les malheurs qui se sont accumulés sur notre pays, nos compatriotes les connaissent et les subissent. Nous citerons l’explosion de l’insécurité, l’écrasement des familles et des entreprises sous une pression fiscale et sociale démente, la paralysie et la chasse aux pauvres organisées par un « écologisme » délirant et uniquement punitif, une immigration hors de contrôle par des communautés qui se revendiquent réfractaires à notre culture, et aujourd’hui une crise du logement digne d’une après-guerre que les médias font semblant de découvrir. Nos compatriotes savent tout cela. Ce qu’ils savent moins, c’est que tous ces malheurs prennent leur source dans une origine commune : la « pensée de gauche ».
    Tout a été fait pour cacher ou diluer cette réalité. Pourtant, il ne s’agit ni d’un délire paranoïaque, ni d’une invective tenant lieu d’argument : c’est une réalité démontrable.

    C’est ce que nous nous proposons de faire dans ce texte. Après avoir évoqué la crise du logement, intéressons-nous à l’insécurité.

    L’impact de mai 68 sur la culture de l’excuse

    Les sympathisants de gauche n’aiment pas qu’on parle de 1968 : ils disent que la droite radote, qu’elle fait une fixation sur cet épisode. L’habitude de prendre les sophismes pour des démonstrations. Ce qui ne les a jamais empêchés de ramener Pétain à toute occasion.

    Personne ne songe à prétendre que c’est cette année-là exclusivement que ni la pensée ni la situation politiques ont basculé. Mais c’est par sa valeur de symbole et de synthèse que 68 s’est imposée comme date charnière.
    C’est aussi en 68 qu’on voit apparaître en gros titres les thèmes, les slogans, les mots, qui sont venus sur le devant de la scène et qui, bien que vides et usés, servent toujours de « ligne » aux néo-gauchistes d’aujourd’hui.

    C’est d’abord la haine de la police. En 68, la police devient « l’ennemi ». Ce n’est pas parce qu’elle lutte contre la délinquance : c’est parce qu’elle est chargée du maintien de l’ordre, que les agités qui se rêvent « révolutionnaires » appellent « la répression ». Déjà fanatiques du simplisme et de l’outrance, les manifestants professionnels apparus dans le paysage lancent le slogan : « CRS = SS ».
    L’opprobre est lancé. Il va s’incruster.

    Dans la même veine, les thèmes politiques qui sous-tendent le mouvement donnent de la voix : c’est la révolution post-marxiste : les pauvres contre les riches, les prolétaires contre les capitalistes.
    Personne ne semble s’étonner de ce que le statut social des meneurs les situe aux antipodes de ceux qu’ils prétendent représenter.

    Mais si ces fils et filles de bourgeois n’ont pas idée de ce qu’est le peuple, ils ont des idées pour lui. Ce sont eux, les intellectuels, qui détiennent le savoir et qui doivent guider « les masses ». Stratèges innés à 20 ans, ils sont forts d’une idée bien pratique : la défense et le statut de « prolétaire » justifient tout, dans tous les domaines.

    La délinquance, par exemple : c’est le produit de la révolte des pauvres, sa répression est donc forcément illégitime et injuste.
    C’est ainsi que se développe « la culture de l’excuse », qui continue à dominer la « pensée de gauche » aujourd’hui.
    C’est aussi dans cette veine que s’élabore la notion de « délinquance de besoin » (chez des gens qui n’ont pas idée de ce qu’est le besoin).

    Le problème, en 2025, c’est que les sophismes de l’époque ont eu la vie dure et n’ont changé que d’accoutrement : 40 ans plus tard, quand les « jeunes » des zones de non-droit cassent, pillent, incendient, blessent et même tuent, la presse de « bon esprit » vous explique qu’en réalité, ils sont des victimes et qu’ils se révoltent contre les discriminations.
    La pensée de gauche a même mis au point, il y a longtemps, la notion de « récupération individuelle ». C’est plus chic que de dire « le vol ».
    La pensée de gauche en faveur du laxisme

    Mais – c’est un peu moins connu – 1968, c’est aussi une année charnière sur le chemin du désarmement moral et judiciaire de la France.

    En 2025, la classe médiatique s’est enfin avisée que la France avait un sérieux problème avec une partie significative de sa magistrature : depuis quelques années déjà, il ne se passe guère de jour sans qu’on entende parler du « laxisme des tribunaux » comme d’un fléau social.

    Eh bien, c’est en 68 que se trouve l’acte fondateur du laxisme judiciaire : 1968, c’est la création, par un groupe de magistrats et de politiciens ancrés à l’extrême gauche, du Syndicat de la magistrature.
    L’objectif de ce « syndicat » n’était pas la défense de la profession : il s’agissait d’emblée d’un mouvement à objectif politique. Pour une justice politique « à gauche toute ».

    Cette caractéristique s’exprima officiellement sept ans plus tard, avec la publication d’un document qui s’imposa immédiatement comme « la charte » du syndicat, ou sa feuille de route.
    Elle est connue sous le titre « La harangue de Baudot », du nom du président du syndicat : Oswald Baudot.

    La lecture de ce document a de quoi faire frémir. En prendre connaissance est un devoir pour quiconque souhaite comprendre le désastre actuel de l’institution judiciaire en France.
    Nous avons bien noté que les magistrats marseillais avaient, tout récemment, pris conscience de ce que « la guerre contre le narcotrafic était déjà perdue ».

    On pourrait, une fois encore, leur citer Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».

    « Comment en est-on arrivé là ? », couinent les experts de plateaux télé.
    Un conseil, messieurs : lisez La harangue de Baudot : tout y est.

    Il faut lire l’intégralité, mais en voici déjà des extraits :

    Dans vos fonctions, ne faites pas un cas exagéré de la loi et méprisez généralement les coutumes, les circulaires, les décrets et la jurisprudence. Il vous appartient d’être plus sages que la Cour de cassation, si l’occasion s’en présente. La justice n’est pas une vérité arrêtée en 1810. C’est une création perpétuelle. Elle sera ce que vous la ferez. N’attendez pas le feu vert du ministre ou du législateur ou des réformes, toujours envisagées. Réformez vous-mêmes. Consultez le bon sens, l’équité, l’amour du prochain plutôt que l’autorité ou la tradition.

    La loi s’interprète. Elle dira ce que vous voulez qu’elle dise. Sans y changer un iota, on peut, avec les plus solides « attendus » du monde, donner raison à l’un ou à l’autre, acquitter ou condamner au maximum de la peine. Par conséquent, que la loi ne vous serve pas d’alibi.

    Ne soyez pas de ceux qui augmentent la somme des souffrances. Soyez  partiaux. Pour maintenir la balance entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, qui ne pèsent pas d’un même poids, il faut que vous la fassiez un peu pencher d’un côté. C’est la tradition capétienne. Examinez toujours où sont le fort et le faible, qui ne se confondent pas nécessairement avec le délinquant et sa victime. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour l’écrasé contre la compagnie d’assurance de l’écraseur, pour le malade contre la sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice.

    Comment voudriez-vous, après cela, que la guerre contre le narcotrafic ne soit pas perdue quand on annonce d’entrée « nous nous rendons ! »

    La gauche et la drogue

    Il y a un instant, nous parlions des magistrats marseillais. Eh bien, la drogue, parlons-en aussi.

    Car, là aussi, « la pensée de gauche » a apporté une contribution décisive aux dégâts.
    Relisez les publications des tenants du « progressisme », comme ils disent, sur les quarante dernières années !
    En résumé : il faut distinguer entre drogue dure et « drogue douce ». « La drogue douce, c’est fun, il faut dépénaliser ». Et pour ce faire, militons.

    C’est ce que défendaient les auteurs de « l’appel du 18 joint », manifeste en faveur du cannabis : « Il faut rompre avec le “tout répressif” » (traduire : zéro répression).
    Tant et si bien qu’aujourd’hui, après avoir obstinément regardé à côté, l’appareil d’État proclame la répression « grande cause nationale ».

    Sauf que… « en même temps », deux députés déposent une proposition de loi (encore une) pour dépénaliser le cannabis. Des esprits malicieux – dont nous ne sommes pas – pourraient être tentés de se demander si c’est pour faciliter la vie de leurs collègues…

    Et à présent ? Eh bien, loin de tirer les leçons de l’expérience, les « nouveaux enragés », enkystés dans leurs certitudes, en rajoutent !

    Les législateurs de gauche créent des règlements pour rendre la procédure pénale impraticable et son aboutissement incertain (interdiction des caméras en garde à vue, présence de l’avocat obligatoire, obstacles multipliés à l’expulsion des délinquants, textes paralysants pour l’action de la police judiciaire, lois obsolètes et hors-sol sur la « justice des mineurs », réductions de peine automatiques…), tout un dispositif pensé pour faciliter l’activité criminelle et délictuelle à l’abri des sanctions.

    On rêverait qu’en France, on s’avise enfin de protéger les victimes aussi bien que les délinquants. Il est vrai que ces derniers ont, eux, les moyens de se payer d’excellents avocats. Ce qui fait qu’aujourd’hui, criminels et délinquants tiennent les « politiques » pour des clowns et s’en moquent ouvertement.
    Et parallèlement, chaque jour, les truands tuent sans limite et sans frein.
    Et tous les jours, si un policier, en état de « légitime défense de soi-même ou d’autrui », fait usage de son arme « de service », il se trouve facilement un juge pour le mettre en prison.

    Et ce n’est pas près de s’arranger : à l’Assemblée, la désignation des forces de l’ordre comme ennemi à abattre (au sens propre, hélas) se poursuit avec les imprécations et appels au meurtre des LFI.
    « La police tue », dit Mélenchon.

    Il est vrai qu’avec trois députés délinquants de droit commun, la dénonciation de la police a des allures de plaidoyer pro domo. Et ce n’est pas près de s’arranger !

    ***

    À la fin de son poème La Lorelei, Heinrich Heine écrit :
    Und das hat mit ihrem Singen die Lorelei getan.
    C’est-à-dire : « Et cela, c’est la Lorelei qui l’a fait avec ses chants. »

    On pourrait en dire autant du désastre sécuritaire en France :
    « Et cela, c’est la pensée de gauche qui l’a fait, avec ses chansons. »

    Julius Muzart (Polémia, 7 avril 2025)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • L'architecture face au tabou de l'ornementation...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de l'architecte Florent Auclair cueilli sur Figaro Vox et consacré au tabou de l'ornementation dans l'architecture contemporaine...

     

    Blade Runner.jpeg

    Le Los Angeles du film Blade runner

     

    Architecture : après avoir levé la tête de notre smartphone, a-t-on envie de contempler des écrans sur nos façades ?

    Depuis sa remise en question par l’architecte Adolf Loos en 1910 et son rejet par les Ciam (congrès international d’architecture moderne) quelques années plus tard, l’ornementation est devenue taboue en architecture. Les Trente Glorieuses ont définitivement acté la superficialité et la fin d’un langage pourtant intrinsèquement lié à l’architecture, qui fixe et raconte une époque. Voilà une dizaine d’années que, dans les nouveaux projets architecturaux, les mêmes ingrédients reviennent inlassablement : du bois, des arbres, des jardins d’hiver. C’est donc cela, l’empreinte de notre époque, celle de la révolution numérique, sur notre paysage bâti ?

    Il faut dire qu’après des années de frugalité ornementale, de normes énergétiques strictes et de contraintes budgétaires, les acteurs de la fabrique de la ville en auraient presque oublié ce qui fait, et fera, parler l’architecture : l’ornementation. Après une brève résurgence, frôlant le burlesque, durant le postmodernisme, une tentative de réhabilitation de l’ornement architectural eut lieu dans les années 1990-2000, avec l’essor du numérique dans les agences d’architecture. Un retour limité à la façade, basé principalement 
    sur des motifs géométriques, générés par ordinateur.

    Aujourd’hui, il suffit d’ouvrir un magazine d’architecture : la plupart des nouvelles façades sont blanches, dépourvues de toute trace d’ornement, hormis donc quelques jardins d’hiver ou plantations en toiture. La production architecturale commune s’appauvrit et raconte toujours 
    moins. Chacun y trouvera une justification : modestie, réduction des coûts, style mondialisé ou politesse envers un contexte urbain de plus en plus complexe. Or nous vivons une époque de bouleversements profonds pour la société, affectant l’architecture. La dématérialisation du monde et la numérisation exponentielle des relations humaines, des récits, des images, placent l’architecture – matérialisation ultime du monde – face à une concurrence féroce.

    L’ornementation ne se limite pas à une dimension esthétique, elle témoigne et raconte une époque, pour les contemporains et les générations futures.

    Désormais, la façade évolue à l’heure du tout-écran. Certains architectes, de Las Vegas à Paris, expérimentent la fusion entre bâtiment et écran. Là où, hier, on apprenait à lire une façade, aujourd’hui, elle devient écran géant, déversant ses images. Mais a-t-on réellement envie de s’immerger dans une « ville-écrans » après avoir réussi à lever la tête de son smartphone ? 
    Ces tentatives, un peu trop littérales, ne renouvellent pas la richesse des interactions possibles entre la ville et ses habitants, par le vecteur de l’ornement.

    Les promoteurs de la modernité fonctionnelle du début du XXe siècle – à la suite d’Adolf Loos, qui condamnait l’ornementation comme « moralement dégénérée » et contraire au «progrès» – ont pensé l’architecture moderne en réaction à l’ornement, support coûteux d’un langage et de significations. D’autres, plus habiles, ont su tirer parti des avancées technologiques de leur époque pour renouveler la place de l’ornementation dans l’architecture. C’est notamment le cas de Louis Sullivan, l’inventeur des gratte-ciel, qui a su concilier nouvelles techniques constructives et ornementation. Montrant ainsi qu’une architecture novatrice pouvait rester expressive.

    Aujourd’hui, nous vivons les révolutions de l’intelligence artificielle et de la réalité augmentée. Elles bouleverseront profondément notre rapport au monde, donc à la ville et à l’architecture. Nous allons peut-être voir, au cours des prochaines années, fleurir des façades évolutives générées par ChatGPT. Observer l’émergence d’espaces intérieurs réellement vides, mais pourtant bien aménagés dans votre Apple Vision . Il est même possible que nous vivions bientôt dans des logements construits par des imprimantes 3D béton, dont les plans seront dessinés par l’IA.

    Nous voyons combien il est crucial de se réapproprier l’ornement architectural, ce langage de la matière, cet acte de civilisation. D’autant plus si nous l’abordons avec une sensibilité contemporaine. Ainsi, l’architecture s’affirmera à nouveau comme un levier d’amélioration du cadre de vie, confortant son rôle d’« intérêt public », tel que défini par nos textes de loi. L’ornementation ne se limite pas à une dimension esthétique, elle témoigne et raconte une époque, pour les contemporains et les générations futures. Entre le style «urbanovernaculaire» – devenu tacitement obligatoire pour remporter un concours – et l’abandon du langage architectural à l’intelligence artificielle, nous devons collectivement recentrer, réinvestir et actualiser le récit que porte l’architecture, par l’ornementation.

    Florent Auclair (Figaro Vox, 3 avril 2025)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!