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Points de vue

  • La question de la guerre juste...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun cueilli sur Geopragma et consacré à la question de la guerre juste. Membre fondateur de Geopragma, Pierre de Lauzun a fait carrière dans la banque et la finance.

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    Qu’une guerre est juste ou pas s’apprécie dans le temps et cela peut changer avec les faits : Ukraine, Gaza

    Venant après la guerre d’Ukraine, la guerre à Gaza a remis sur le devant de la scène la question de la guerre juste. Mais la plupart des réactions se caractérisent par une dominante extrêmement émotionnelle, certes compréhensible, mais qui envoie les uns et les autres dans des directions complétement divergentes, et ne donne pas de repères pour le jugement. Par ailleurs, il n’est que très rarement fait référence à la réflexion sur ce qu’on peut qualifier de guerre juste. Celle-ci est pourtant une aide précieuse pour le jugement et pour l’action. Et pour échapper aux manipulations à prétexte moralisant.

    Mais il est un point important qui est encore plus négligé : la possibilité que ce jugement puisse évoluer dans le temps, en fonction du déroulement des opérations d’une part, de l’évolution des buts de guerre réels de l’autre. Le fait qu’une guerre soit considérée juste au départ, par exemple en réponse à une agression caractérisée, n’implique pas que les décisions prises ultérieurement le soient aussi. Et il faut savoir reconnaître quand le déroulé des combats et conséquemment l’évolution des enjeux changent les données du raisonnement initial.

    Les données du débat

    Rappelons que la justesse d’une guerre ne se limite pas à la justesse de la cause défendue, mais aussi à la haute probabilité du succès des opérations, et à la conviction raisonnablement établie que la situation résultante sera sensiblement meilleure que ce qu’elle aurait été sinon. Tous facteurs de considération réaliste qui sont par nature évolutifs. En ce sens donc, réalisme et moralité ne s’opposent pas : bien au contraire ils se combinent étroitement.

    En particulier, comme je l’ai souligné par ailleurs, la guerre une fois déclenchée a sa logique : qui dit guerre dit choc de deux volontés en sens contraire, dont la solution est recherchée dans la violence réciproque. Par définition, cela suppose que l’une au moins des deux parties considère que ce recours à la force a un sens pour elle, et que l’autre soit ait la même perception, soit préfère résister à la première plutôt que céder. La clef de la sortie de l’état de guerre est dès lors principalement dans la guerre elle-même et son résultat sur le terrain. Mais comme la guerre est hautement consommatrice de ressources, puisque son principe est la destruction, elle a en elle-même un facteur majeur de terminaison : elle ne peut durer indéfiniment. Le rapport de forces sur le terrain peut d’abord aboutir à la victoire d’une des deux parties… Alternativement, on a une situation non conclusive, mais qui ne peut durer indéfiniment. A un moment donc les opérations s’arrêtent… Mais tant que ces facteurs de terminaison n’ont pas opéré suffisamment, la guerre continue… Arrêter prématurément signifierait en effet pour celui qui va dans ce sens non seulement que tous ses efforts antérieurs ont été vains, pertes humaines et coûts matériels en premier lieu, mais surtout cela reviendrait à accepter une forme de défaite avant qu’elle soit acquise ; or il avait par hypothèse décidé de se battre. Dès lors il continue, et l’adversaire de même. C’est là que les bonnes volontés, attachées à la paix, sont déçues – un peu naïvement. Leurs appels à une cessation des hostilités, si possible sans gagnant ni perdant, tombent alors presque toujours sur des oreilles sourdes. Du moins tant que la logique même du déroulement de la guerre n’y conduise.

    La guerre d’Ukraine

    Prenons la guerre en Ukraine. Sans remonter aux origines, il paraît clair que la résistance ukrainienne à l’invasion russe était une guerre juste. Corrélativement, il était justifié pour les Européens et les Américains de vouloir éviter une déferlante russe qui aurait déséquilibré le continent, et donc d’aider les Ukrainiens, en particulier par des armes. En revanche, l’ampleur des sanctions économiques était totalement disproportionnée et courait un risque élevé d’être contreproductive. Sur ce dernier plan, les faits ont confirmé cette analyse : la perte sèche de plus de 100 milliards d’actifs européens en Russie a été une grave sottise, sans parler du coût de la guerre, direct ou indirect. Parallèlement, la Russie a progressivement réorienté son activité en la rendant bien plus autonome, et surtout travaille à ressusciter son complexe militaro-industriel, dans la tradition soviétique, ce qui n’est certainement pas une évolution souhaitée par le côté européen.

    Quant au terrain principal, qui est la guerre elle-même, la perspective d’une victoire ukrainienne est désormais plus éloignée que jamais. Si donc la réaction initiale était justifiée, le jugement à porter n’est plus le même. Ni les chances de gain, ni la perspective d’une situation meilleure ne sont favorables. Et une escalade occidentale, que certains appellent de leurs vœux, serait dévastatrice. En termes clairs, pour les Ukrainiens la recherche d’une solution de paix devient de plus en plus seule pertinente, ou au moins de cessation des hostilités.

    La guerre à Gaza

    Passons maintenant à Gaza. De la même façon, l’agresseur immédiat et caractérisé le 7 octobre dernier est le Hamas, marqué en outre par une barbarie révélatrice. De plus, le programme du Hamas prévoit la destruction d’Israël, et il paraît crédible que tel est bien leur but. Dès lors l’attaque d’Israël sur Gaza paraît justifiée en soi.

    Je laisse ici de côté une question pourtant importante : celle des modalités de l’opération, notamment à l’égard des civils, car y répondre suppose une information qui me paraît actuellement trop parcellaire. Certes, à partir du moment où un pouvoir politique utilise sa population comme bouclier, on voit mal comment l’éradiquer sans des dommages sur celle-ci ; encore faut-il les réduire le plus possible, et pour cela il faut savoir dans quelle mesure la méthode suivie par Israël le fait. Je laisse donc ce débat ouvert à ce stade.

    Mais le point qui nous concerne plus directement ici est la suite des opérations. D’un côté, la guerre suscite des réactions émotionnelles considérables, notamment dans le monde arabo-musulman, mais aussi ailleurs dans le monde. On peut certes souligner qu’il y a là deux poids et deux mesures par rapport à bien d’autres situations souvent plus douloureuses pour des populations elles aussi musulmanes, mais qui ne suscitent pas les mêmes indignations bruyantes (Iraq contre Daech avec notamment la prise de Mossoul, Syrie, Yémen, Ouigours etc.). Ce qui est vrai ; mais il faut néanmoins prendre en compte la réalité de cette différence de traitement, sans doute due en bonne partie au fait qu’ici l’autre protagoniste (Israël) est perçu comme occidental. Une telle réaction peut avoir éventuellement des conséquences géopolitiques non négligeables, et pourrait déraper en guerre élargie dans la région – même si ce n’est pas le plus probable à ce stade. Sous un autre angle, on constate la même pression émotionnelle en Israël, pays démocratique obsédé par la question des otages et par là vulnérable.

    D’un autre côté, en soi la logique de l’opération israélienne est de finir ce qui a été commencé : si la guerre s’arrête demain sans élimination de l’essentiel des forces du Hamas, d’une certaine manière son effet sera limité, et par là sa justification éventuelle réduite. Toutes choses égales par ailleurs, au point où ils en sont, il peut être alors légitime pour Israël de continuer. Cela dit, la pression, notamment externe, peut conduire à une issue hybride, qui risque de ne rien clarifier.

    En revanche, il est une autre considération qui sera décisive pour apprécier la justesse de cette guerre : ce que fera Israël sur la question palestinienne. On ne peut en effet apprécier le juste fondement d’une guerre que dans une perspective longue, en considérant l’ensemble de la situation. Et donc, soit Israël propose à un moment approprié un plan de paix raisonnablement crédible, donc avec une forme ou une autre d’Etat palestinien (hors Hamas évidemment) ; mais cela suppose la viabilité des territoires palestiniens, et donc un abandon de la colonisation en Cisjordanie, y compris d’une part appréciable de celle déjà réalisée. Soit Israël écarte cette hypothèse et poursuit sa politique de réduction progressive des territoires palestiniens. Mais cela signifie alors que le problème subsistera intégralement ; la seule stabilisation possible de la situation impliquerait alors d’une manière ou d’une autre le départ des Palestiniens, ce qui n’est ni juste, ni crédible : ils ne partent pas, et leur natalité est forte ; il y en a deux fois plus dans les zones concernées qu’il y a trente ans. Du point de vue de la guerre juste, dans cette deuxième hypothèse l’objectif de la guerre devient contestable ; en tout cas elle ne peut être qualifiée de guerre juste. Dit autrement, en supposant même que la conduite de la guerre soit acceptable, une opération aussi violente et brutale que l’intervention chirurgicale en cours sur Gaza ne peut être qualifiée de juste, que si, par un paradoxe apparent, elle s’accompagne au moment approprié d’une offre de paix crédible.

    Conclusion

    Naturellement, à nouveau, le déluge d’émotions contradictoires que suscitent ces conflits, surtout le dernier, est sans commune mesure avec les considérations précédentes. Mais cela n’enlève rien à celles-ci : c’est en regardant les réalités en face qu’on peut progresser. D’autant que l’utilisation abusive d’arguments moralisants par les divers camps en présence exige de prendre du recul. Plus que jamais, l’utilisation d’arguments moraux dans des conflits suppose une analyse lucide et attentive, en outre susceptible d’évoluer dans le temps. Le raisonnement prudentiel est une chose, la vengeance ou l’émotion incontrôlée une autre.

    Pierre de Lauzun (Geopragma, 4 décembre 2023)

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  • «La France ne doit plus s'en remettre aux superproductions étrangères pour raconter son histoire !»

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Aurélien Duchêne cueilli sur Figaro Vox et consacré à l'absence de la France dans la production de films historiques sur son propre passé. Aurélien Duchêne est un publiciste spécialisé dans les questions de défense et de politique étrangère.

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    Napoléon: « La France ne doit plus s'en remettre aux superproductions étrangères pour raconter son histoire ! »

    Le film de Ridley Scott sur Napoléon suscite la controverse. En particulier en France, où le traitement de l'histoire par ce biopic émeut naturellement plus qu'ailleurs. D'aucuns y dénoncent une véritable propagande anti-française et d'autres, plus nombreux, y déplorent une occasion manquée de mieux valoriser un chapitre essentiel de notre histoire.

    Quoique l'on pense de ce film, qui relève certes du divertissement mais traite d'un sujet qui ne s'y limite pas, il soulève un enjeu étonnamment peu débattu : nous nous en remettons à d'autres lorsqu'il s'agit de faire revivre notre histoire à grand spectacle et gros budget. On peut critiquer la vision de Napoléon par un Anglais, mais quel film français s'est-il récemment emparé de sa légende avec la même ambition ? Nous ne parlons pas ici des quelques réalisations françaises sur l'ère napoléonienne depuis 2000, aux moyens et à l'audience limités. Mais de blockbusters de portée mondiale, que la France ne produit ni sur cette période, ni sur le reste de son histoire.

    Énième représentation de l'Empereur au cinéma, le Napoléon de 2023 était d'autant plus attendu qu'il a davantage de potentiel auprès du grand public international qu'aucun de ses prédécesseurs à l'écran : il cumule un réalisateur et un acteur de renommée planétaire tout comme des moyens financiers et techniques inédits. De quoi bâtir un succès commercial exceptionnel pour un film historique, et plus encore influer sur la vision qu'auront de l'histoire des dizaines, puis centaines de millions de spectateurs.

    Car là est l'enjeu : c'est aujourd'hui via des superproductions – films, séries, jeux vidéo – que le grand public, français et étranger, découvre des pans entiers de l'histoire. C'est par des réalisations de cette envergure que le monde entier assimile ainsi l'histoire américaine ou britannique, mais aussi un prisme anglo-saxon appliqué à l'histoire du monde, dont celle de la France.

    Ne serait-ce qu'en passant sous silence le rôle de notre pays durant le conflit, ces blockbusters entretiennent par exemple l'idée que la France aurait été lâche et insignifiante durant la Seconde Guerre mondiale, laquelle aurait été gagnée par les seuls Anglo-américains. Jusqu'à effacer les Français de batailles où ils ont payé le prix fort, comme dans Dunkerque (2017), succès commercial qui «oublie» le rôle des Français sans qui les Britanniques n'auraient pu continuer la guerre.

    L'exemple de la Seconde Guerre mondiale illustre l'importance des grosses productions dans la transmission de l'histoire, mais également celle de la mémoire dans la vision du monde des spectateurs. Russes et Chinois ne s'y trompent pas lorsqu'ils cherchent à concurrencer les blockbusters occidentaux dont la trame est basée sur des périodes entières de leurs histoires.

    De leur côté, la Russie, la Chine, l'Inde ou encore la Turquie à travers ses séries et films pseudo-historiques promouvant le discours néo-ottoman d'Erdogan, investissent dans les superproductions historiques pour servir leurs ambitions géopolitiques. Elles diffusent ainsi leur réécriture de l'histoire et leur vision du monde avec une efficacité redoutable auprès d'audiences domestiques et internationales.

    L'enjeu peut paraître secondaire, mais cette bataille des récits est toujours plus importante dans un monde où les guerres d'influence et le fameux « soft power » deviennent incontournables, et où «le passé change le monde», comme le montre Bruno Tertrais dans La Revanche de l'Histoire.

    La France doit-elle céder à la réécriture de son histoire, et instrumentaliser son passé pour peser dans cette bataille des récits où elle est trop absente, voire victime ? Certainement pas. Mais il lui faut enfin promouvoir à son tour son histoire auprès du grand public international. Celui-ci y sera d'autant plus réceptif qu'il est demandeur : les grosses productions historiques britanniques trouvent par exemple leur audience, pourquoi n'en serait-il pas de même pour l'histoire du pays le plus visité au monde, dont l'héritage rayonne toujours ?

    Obsédée par son déclin qu'elle mesure autant à l'aune de ses gloires passées qu'à celle de ses faiblesses actuelles, la France souffre certes d'un déclassement de sa puissance qui est à bien des égards sans retour, mais conserve un poids et un potentiel immenses sur le plan culturel. À défaut de prétendre à la grandeur d'hier, elle peut la faire revivre demain au travers de films, séries ou jeux vidéo à grand budget et grande audience.

    Nous avons tous les talents pour cela : la nouvelle adaptation au cinéma des Trois Mousquetaires par Martin Bourboulon, l'un des seuls blockbusters historiques français de ces dernières décennies, le montre. Il reste à multiplier les productions de ce type, et ne manquent pour ce faire que la volonté politique et l'allocation de budgets qui pourraient être prélevés ailleurs dans nos politiques culturelles.

    Financer des superproductions sur les grands moments et personnages de l'histoire de France contribuerait à réinventer notre soft power à l'international, mais aussi à redonner unité, fierté et optimisme à une société française divisée, en plein doute et en panne de grands récits fédérateurs capables de rassembler les Français de toutes origines et générations.

    C'est d'autant plus nécessaire alors que nous peinons à transmettre notre histoire et notre mémoire, notamment auprès d'une jeunesse dont une large partie ne s'identifie plus à cet héritage. Quoi de mieux pour cela que des films et séries capables de toucher tous les publics, en conciliant divertissement et culture historique ?

    Comme le rappelle la controverse sur le film Napoléon, ne soyons plus dépendants du bon vouloir et du jugement des autres pour raconter notre passé. Réaliser enfin des superproductions sur l'histoire de France, c'est un enjeu clé pour peser dans les guerres d'influence, réinventer notre soft power, et mieux transmettre notre héritage historique auprès de Français de tous âges et milieux.

    Aurélien Duchêne (Figaro Vox, 1er décembre 2023)

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  • Tragédie de Crépol : un simple fait divers ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'analyse à chaud par l'Observatoire du journalisme du traitement par les médias du raid sauvage mené par une meute d'allogènes armés de couteaux contre le bal du village de Crépol, qui s'est terminé par le meurtre du jeune Thomas Perotto.

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    Tragédie de Crépol : rixe ou agression ?

    Tragédie de Crépol : rixe ou agression ?

    Un bal d’automne dans la Drôme tourne au massacre. Dans la nuit du 18 au 19 novembre 2023, à Crépol, une quinzaine d’individus armés de couteaux font irruption dans la salle communale, assassinent Thomas, jeune lycéen, et blessent 16 autres personnes. Un énième “fait divers” qui vient troubler la tranquillité de ce village auvergnat.

    Une couverture à géométrie variable

    Cette attaque d’une violence inouïe a frappé Crépol le week-end du 18 novembre 2023. À cette période, tous les médias mainstream étaient tournés vers l’agression au cutter par un vieillard de Mourad, un jardinier dans le Val-de-Marne dont le camion bloquait une route, mais n’ont eu aucun mot pour Thomas pendant les trois jours suivant l’attaque (Boulevard Voltaire, 22/11/2023).

    Marion Maréchal a alors pris la parole affirmant que “Pour un Mourad, il y a cent Thomas” et ajoutant que ce fait divers révèle “les prémices de la guerre civile” et d’une ”guerre ethnique” (Le Figaro, le 22/11/2023).

    « Rixe» employé à la place d’attaque préméditée

    Il est intéressant de noter le choix délibéré et systématique du terme “rixe” dans les premiers rapports médiatiques. Ce choix sémantique semble avoir été privilégié pour banaliser et minimiser l’importance de ce “fait divers”, en renvoyant à une altercation entre jeunes plutôt qu’un acte unilatéral de violence préméditée. Effectivement, lors de sa conférence de presse, le procureur de Valence, Laurent de Caigny, avait qualifié l’événement de “rixe générale” et d’”expédition programmée” (Valeurs Actuelles, le 20/11/2023).

    Cette volonté de marteler la notion de “fait divers” constitue une réelle stratégie visant, selon certains, à dépolitiser un sujet d’une plus grande ampleur (Valeurs Actuelles, 22/11/2023).

    « Planter des blancs »

    Alors que la section de recherche de Grenoble est chargée de l’enquête, les militaires assurent – sans rire — qu’il n’y a eu “aucune revendication religieuse ou politique” et que les faits s’apparentent davantage à une “bagarre” ou “une rixe” (Le Figaro, le 19/11/2023).

    Comme le rapporte Le Dauphiné (20/11/2023), des mères s’insurgent : “Certains médias disent qu’il s’agit d’une rixe ou d’un règlement de comptes, c’est faux ! On ne peut pas laisser dire ça !”. Un jeune homme présent au moment des faits rapporte que les agresseurs ont dit vouloir “planter des Blancs” et ajoute : “C’était l’horreur. Pour moi c’est clairement un attentat”.

    Entre euphémismes et cachotteries

    « Il faut à ce stade rester prudent sur l’origine des agresseurs » témoigne une source proche de l’enquête dans Le Parisien, BFMTV fait état d’une “rixe”, d’une “bagarre” et du “pain bénit pour l’extrême droite” que constituerait cette affaire.

    France Info s’est aussi vu attribuer une note de la communauté sur le réseau social X suite à sa description de l’attaque mortelle de samedi soir comme une “rixe en marge d’une fête à Crépol”. Cette note souligne que “la manière dont l’information était présentée de manière trompeuse. Il s’est agi d’un meurtre, de tentatives de meurtre, coups et violence en bande organisée commis par des jeunes contre les participants pacifiques à une fête de village”. En effet, le terme “rixe” fait davantage allusion à une querelle violente dans un lieu public, entre deux groupes antagonistes, et non à une telle agression conclue par le meurtre d’un adolescent et les blessures d’autres innocents. Ce même média a préféré accuser l’”instrumentalisation” et la “surenchère de la récupération politique” de la part d’une partie de la droite (FranceInfo, le 21/11/2023).

    En réalité, l’enquête est menée pour “tentatives de meurtre, de coups et de violences en bande organisée” (Le Dauphiné, le 22/11/2023).

    De nombreux témoins s’agacent des termes utilisés par les publications susnommées, minimisant la réelle ampleur de l’événement, comme Emmanuelle, l’une des organisatrices du bal affirmant : « C’était une attaque pas une rixe ou une bagarre ! Y’avait du sang partout… Des gens essayaient de sauver Thomas » (Le Parisien) ou encore Léo, l’un de ses amis “On a la haine, Personnellement j’ai un sentiment de violence incontrôlable” .

    Une affaire Lola bis

    Comme Lola ou encore Enzo, et tant d’autres innocents, Thomas sera rapidement oublié, n’aura pas de minute de silence à l’Assemblée nationale, et ne sera pas élevé au rang de “petit ange parti trop tôt”. L’appareil médiatique préfèrera se conforter dans la pusillanimité, renonçant une nouvelle fois à énoncer la réalité.

    Observatoire du journalisme (Ojim, 24 novembre 2023)

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  • Crise mondiale : une aubaine pour la Chine...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gérard Chesnel cueilli sur Geopragma et consacré au jeu de la Chine dans le chaos mondial.  Ancien ambassadeur et agrégé d'histoire, Gérard Chesnel est membre fondateur de Geopragma.

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    Crise mondiale : une aubaine pour la Chine

    Les relations internationales connaissent, depuis plusieurs années, un grand chambardement, qui s’est accentué depuis la crise de l’Ukraine et, tout récemment, la question palestinienne. Les changements en profondeur des équilibres traditionnels, s’ils inquiètent à juste titre les pays occidentaux, sont au contraire, pour la Chine et quelques grands pays du Sud, porteurs de promesses.

    Un exemple parmi beaucoup d’autres : fin 2020, les accords d’Abraham ont permis, sous l’égide des Etats-Unis, une normalisation des relations entre Israël et plusieurs pays arabes, Bahrein, les Emirats Arabes Unis, le Maroc ainsi, un peu plus tard, que le Soudan. Ce fut le plus grand succès diplomatique de Donald Trump. A peine trois ans plus tard, en juillet 2023, c’est sous l’œil bienveillant de Xi Jinping que l’Arabie Saoudite et l’Iran signent, à Pékin, un accord qui entérine leur rapprochement. Washington n’est pas dans le jeu. On peut épiloguer sur les raisons qui ont entraîné cette attitude de Riyad. L’une d’entre elles est sans nul doute le besoin de consolider ses relations avec les pays de la région à l’heure où les difficultés s’accumulent avec Washington (notamment sur les Droits de l’Homme).

    Petit à petit, la Chine, avec la lenteur et la prudence qui caractérisent sa diplomatie, prend des parts de marché aux Etats-Unis. Et, sous ses encouragements, et souvent à son initiative, le Sud s’organise. En 2001 Pékin crée l’Organisation de Coopération de Shanghai, qui réunit six pays (Chine, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan et Ouzbékistan) auxquels vont bientôt s’ajouter l’Inde et le Pakistan en 2016 puis l’Iran en 2021. L’Afghanistan, la Biélorussie et la Mongolie sont observateurs. On peut voir dans l’OCS un galop d’essai du projet tentaculaire des nouvelles routes de la soie (BRI ou Belt and Road Initiative).

    Et l’on n’en reste pas à l’Asie. Le 15è sommet des BRICS, à Johannesburg en août dernier, a entériné l’élargissement de l’organisation, à partir du 1er janvier 2024, à six nouveaux pays (Iran, Ethiopie, Egypte, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis et Argentine).

    La Chine tire derrière elle la Russie, mal aimée des pays occidentaux. Celle-ci fait partie de toutes les organisations susnommées, BRICS, OCS, BRI. La troisième session de bilan des nouvelles Routes de la Soie, le 17 octobre, à Pékin, a permis une mise en scène très réussie sur le plan médiatique, où Xi Jinping trône aux côtés de son hôte d’honneur, Vladimir Poutine (qui, quelques jours plus tôt, était annoncé comme mourant par une certaine presse occidentale). Mais à l’inverse de la rencontre entre Staline et Mao, à Moscou en décembre 1949, cette fois-ci le grand frère, c’est la Chine. Ce renforcement de l’amitié sino-russe est une mauvaise nouvelle pour l’Europe qui n’a pas su l’éviter, et a préféré se rallier sans discernement à la politique américaine de sanctions. Au total, il est remarquable que bon nombre de pays du Sud (32 exactement) se soient abstenus lorsqu’il s’est agi de condamner l’invasion russe de l’Ukraine.

    Certes, il existe aussi des problèmes dans les pays du « Sud ». On fait grand cas, à l’Ouest, de la disparition de plusieurs dirigeants chinois, dont le ministre des Affaires Etrangères nouvellement nommé. Comme si les difficultés que pourrait connaître la Chine devaient nous dispenser d’avoir une politique étrangère clairement définie.

    Mais il faut raison garder : le grand basculement n’est pas pour demain, même s’il a déjà commencé. Les pays africains qui se sont « libérés » de la présence française, avec l’aide de la Russie, n’ont pas encore réussi à installer de régimes stables, dans ce continent où les coups d’Etat sont si fréquents. Et nous ne devons pas les passer par pertes et profits. Notre coopération doit pouvoir reprendre si les conditions le permettent et il faut se tenir prêts. En Amérique du Sud, Lula a repris le pouvoir mais ses opposants, Bolsonaro en tête, n’ont pas baissé les bras.

    L’Europe a certes elle aussi son lot de problèmes qui peuvent hypothéquer l’avenir. La Hongrie se distingue particulièrement par ses réticences à suivre les règles européennes qui ne lui conviennent pas. Il en est de même de la Pologne qui n’a pas voulu se soumettre aux diktats de Bruxelles sur son système judiciaire. Et le nouveau gouvernement slovaque prend ses distances vis-à-vis de la politique européenne à l’égard de l’Ukraine. Mais l’Union Européenne parvient encore à maintenir une certaine cohésion, s’agissant de politique étrangère.

    Quid de l’OTAN ? La Suède n’y est toujours pas admise, face aux objections de la Turquie. Celle-ci joue d’ailleurs un rôle particulièrement ambigu : deuxième puissance militaire de l’Alliance, elle parvient à maintenir un dialogue constructif avec la Russie, notamment sur la question des exportations de blé et du contrôle de la mer Noire. Discrète, comme la Chine, sur la question palestinienne, elle semble attendre son heure pour jouer un rôle accru dans les conflits régionaux (sans oublier les problèmes du Karabagh et du Nakhitchevan).

    De tout cela, la Chine n’a que des bénéfices à tirer. Installée depuis toujours dans le temps long, elle pousse tranquillement ses pions sur le grand échiquier mondial, convaincue que l’avenir lui sera favorable.

    Gérard Chesnel (Geopragma, 19 novembre 2023)

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  • Entre déclin et renouveau, repenser l'Europe...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une nouvelle vidéo d'Ego Non qui évoque les réflexions sur l'Europe du penseur espagnol José Ortega y Gasset au travers d'un de ses essais publié en 1960 (et récemment traduit en français), Méditation sur l'Europe (Bartillat, 2023).

     

                                             

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  • Cachez ce prénom que je ne saurais voir...

    Nous reproduisons ci-dessous un pont de vue de l'Observatoire du journalisme consacré à l'omission volontaire de l'origine des  auteurs d'actes rapidement qualifiés de faits divers...

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    Cachez ce prénom que je ne saurais voir

    Le « vivre ensemble » est une chimère qu’une caste politique, médiatique et intellectuelle cherche à imposer depuis des décennies aux Français. Les faits divers étant souvent en contradiction avec cette volonté, les médias de grand chemin ont trouvé le moyen de maintenir l’illusion en pratiquant l’omission volontaire. Reprendre un fait divers en omettant le prénom ou l’origine de l’agresseur, souvent pour masquer des origines étrangères, voilà la recette. Pour nos lecteurs, examinons en détail quelques exemples de cette pratique.

    BFM Lyon est un peu amnésique…

    Le premier cas que nous citons concerne un viol commis en pleine rue le 3 novembre 2023 à Lyon. Selon le site d’actualité locale LyonMag, une étudiante sud-coréenne a été violée dans les rues de Lyon par un migrant guinéen après avoir été roué de coups. L’auteur des faits avait ensuite, quelques jours plus tard, voulu réitérer sur une quinquagénaire qu’il avait étranglée. La victime avait repris connaissance alors que l’homme lui touchait le sexe en se déshabillant. Ce fait divers grave a été repris par la journaliste Lucie Nolorgues qui travaille pour BFM Lyon. Néanmoins, elle a bien omis de préciser que le suspect était un migrant guinéen.

    Cas de récidive

    Un oubli peut arriver, dirons-nous. Cependant en cherchant un peu, un autre exemple d’omission, commis par la même journaliste, est facilement trouvable. Cette fois-ci nous sommes en mai 2023, c’est encore le site LyonMag qui révèle l’information. Quatre jeunes avaient lynché trois policiers après que le leader ait commis un refus d’obtempérer suite à un vol à l’arraché. Dans l’accroche de l’article, LyonMag précise que les suspects, ayant été condamnés à des peines allant de dix mois à deux ans de prison, sont « de jeunes Algériens en situation irrégulière ». Là-encore, bis repetita c’est Lucie Nolorgues qui reprend l’article pour BFM Lyon en omettant à nouveau les origines des suspects.

    De Lyon à Bordeaux

    Continuons notre plongée au sein d’une certaine idée de la déontologie journalistique avec une agression qui s’est produite à Bordeaux le 3 novembre 2023. Elouan, un jeune bordelais de 16 ans, se balade dans les rues de la ville avec sa petite amie. Soudain, un homme du même âge qu’Elouan aborde le couple et poignarde le jeune homme en prenant son téléphone. Le Figaro, qui a fait la chronique des faits, précise que la mère de la victime a signalé que l’agresseur avait « un survêt et des traits maghrébins », un élément qu’Actu Bordeaux ne juge pas nécessaire de préciser à ses lecteurs. Nos lecteurs se demanderont peut-être pourquoi nous ne citons pas un média plus connu ? Aucun de ces « gros médias » n’a trouvé utile de publier un article sur une agression comme celle-ci, violente, mais devenue banale dans la France Orange mécanique.

    De la Gironde au Var

    Cas suivant avec un autre viol, survenu dans le Var en août 2023. Une joggeuse trentenaire est violée sur les rives du fleuve Reynard. L’agresseur, confondu grâce à ses empreintes présentes dans le fichier des traces génétiques en France et en Allemagne, s’avère être un Afghan âgé de 25 ans. Tenant d’un solide palmarès, il avait quelques jours plus tôt « importuné » une femme travaillant pour l’association d’aide aux migrants par laquelle il était pris en charge. Notons également qu’il était connu de la police outre-Rhin pour une agression sexuelle. C’est France Bleu Var qui nous apprend cette histoire et le profil du suspect car BFM, fidèle à ses habitudes, a repris l’article mais en omettant, là-encore, l’origine du suspect.

    Du Var à Marseille

    Autre histoire, même procédé avec une agression à Marseille qui date de fin octobre 2023. Ce jour-là, près de la gare Saint-Charles, une jeune femme de 32 ans est passée à tabac par un homme de 51 ans à coups de pieds pendant plus de dix minutes. L’agression a défiguré la jeune femme. Un fait grave, mis en avant par Valeurs Actuelles. Le site d’actualité Actu Marseille reprend l’information, avec une omission, comme s’en doutent nos lecteurs, le profil du barbare : un Algérien en situation irrégulière.

    De la Provence à la Bretagne

    Enfin, concluons ce triste florilège par une histoire dont les médias de grand chemin ont peu parlé mais qui illustre l’impunité quasi totale des délinquants commettant ce genre d’agressions. Nous sommes à Dinan, dans les côtes d’Armor, le 30 août 2023. Une agression particulièrement violente est filmée par un jeune qui dit « finis-le wesh » en incitant ses congénères à mettre des « penaltys » dans la tête des victimes, deux jeunes hommes. Les agresseurs, six jeunes hommes, dont un Malgache sous OQTF, s’en sont pris à ces deux jeunes gens et ont causé, pour l’un d’eux, 45 jours d’ITT pour le motif suivant : les victimes étaient rousses. C’est par Le Petit Bleu des Côtes d’Armor que nous apprenons l’info. Nous avons cherché, rien dans les médias de grand chemin, la seule reprise que nous avons trouvée est un article du Télégramme, lacunaire et qui ne dit rien sur le profil des suspects. Notons que les auteurs des faits n’ont écopé que de peines de prison aménagées, des petites peines dont les auteurs s’enorgueillissaient en sortant fièrement du tribunal.

    Terminons par Paris

    Terminons par une « petite omission », cette fois il ne s’agit pas des origines mais du prénom de l’agresseur qui a été mis de côté par ActuParis. L’histoire a eu lieu à Boulogne-Billancourt, où un chauffeur VTC a jugé qu’il était de sa mission de se glisser nu dans le lit d’une de ses clientes. Le Figaro, grâce à qui nous savons l’affaire, précise que le suspect s’appellerait Medhi. Un élément omis par le site que nous avons cité plus haut.

    Cet article semble redondant et il l’est. Ces faits se multiplient en France mais ce n’est pas le cœur de notre sujet. Ce qui nous intéresse ici c’est de constater que certains journalistes, pour des motifs divers, mettent de côté des informations qui pourraient permettre aux Français de prendre conscience des conséquences de l’immigration. Comme si la consigne en était donnée dans les principales écoles de journalisme.

    Observatoire du journalisme (Ojim, 14 novembre 2023)

     

     

    Le « vivre ensemble » est une chimère qu’une caste politique, médiatique et intellectuelle cherche à imposer depuis des décennies aux Français. Les faits divers étant souvent en contradiction avec cette volonté, les médias de grand chemin ont trouvé le moyen de maintenir l’illusion en pratiquant l’omission volontaire. Reprendre un fait divers en omettant le prénom ou l’origine de l’agresseur, souvent pour masquer des origines étrangères, voilà la recette. Pour nos lecteurs, examinons en détail quelques exemples de cette pratique.
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