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Décryptage - Page 108

  • Un blocus monétaire ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jacques Sapir, cueilli sur son blog RussEurope et consacré à la crise chypriote et au rôle qu'entend jouer dans celle-ci le gouverneur de la Banque centrale européenne, et ancien serviteur de Goldman Sachs, Mario Draghi...

     

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    Chypre : Draghi use du Blocus monétaire

    Le « blocus monétaire » de Chypre qui vient d’être mis en œuvre par la BCE est un acte d’une extraordinaire gravité, dont les conséquences doivent être soigneusement étudiées. La décision de M. Mario Draghi porte sur deux aspects : tout d’abord la BCE n’alimente plus la Banque Centrale de Chypre en billets (point qui n’est pas essentiel car les réserves de « cash » semblent importantes) et ensuite elle interrompt les transactions entre les banques chypriotes et le reste du système bancaire de la zone Euro. C’est cette dernière mesure qui est la plus grave. D’une part, elle condamne à court terme les banques chypriotes (mais aussi les entreprises basées à Chypre) car désormais elles ne peuvent plus faire de transactions avec le reste de la zone Euro. D’autre part, elle équivaut à un « blocus » économique, c’est-à-dire dans les termes du droit international un « acte de guerre ». C’est donc dire la gravité de la décision prise par Mario Draghi. Elle pourrait d’ailleurs se prêter à contestation devant les cours internationales.

    Sur l’interruption des relations entre banques chypriotes et la zone Euro, l’argument invoqué est le « doute » sur la solvabilité des dites banques chypriotes. C’est à l’évidence un pur prétexte car des « doutes » il y en a depuis juin dernier. Tout le monde sait qu’avec les conséquences du « haircut » imposé sur les créanciers privés de la Grèce, on a considérablement fragilisé les banques de Chypre. La BCE n’avait pas réagi à l’époque et ne considérait pas le problème de la recapitalisation de ces banques comme urgent. Elle se décide à le faire au lendemain du rejet par le Parlement chypriote du texte de l’accord imposé à Chypre par l’Eurogroupe et la Troïka. On ne saurait être plus clair. Le message envoyé par Mario Draghi est donc le suivant : ou vous vous pliez à ce que NOUS avons décidé ou vous en subirez les conséquences. Ce n’est pas seulement un message, c’est un ultimatum. On mesure ici que toutes les déclarations sur le « consensus » ou l’« unanimité » qui aurait présidé à la décision de l’Eurogroupe ne sont que des masques devant ce qui s’avère être un Diktat.

    Mais il y a un message dans le message. Mario Draghi vient, d’un seul geste, de faire sauter la fiction d’une décision collective au sein de la BCE, car le Président de la Banque Centrale de Chypre n’a pas donné son accord. Les règles n’ont ainsi même pas été respectées. Il vient, ensuite, d’affirmer au reste du monde que les décisions ne sont pas prises par l’Eurogroupe ou l’Union Européenne mais par lui et lui seul, fonctionnaire désigné et non élu, irresponsable au sens le plus politique du terme. La nature profondément tyrannique des institutions mises en place dans le cadre européen se révèle pleinement dans cet incident. Les grands discours sur la coopération et sur l’expertise cèdent la place au froid rapport des forces et sentiment de puissance.

    Les conséquences de cette décision seront, quoi qu’il advienne, dramatiques. Il est possible que le Parlement chypriote se déjuge sous la pression, mais ce faisant il ouvrira une crise ouverte avec son peuple. La tradition de violence politique que l’on a à Chypre ne doit pas être négligée. Il est aussi possible que l’on aille jusqu’au bout de cette crise et que Chypre soit de facto expulsée de la zone Euro du fait de la décision de Mario Draghi. Le précédent ainsi établi aura dans ce cas des conséquences profondes pour l’ensemble des autres pays. Nous aurons des indications sur le cours que les événements vont prendre d’ici 48 heures.

    Jacques Sapir (RussEurope, 20 mars 2013)

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  • Les Bobards d'or 2013...

    La Fondation Polémia organise la quatrième édition de la cérémonie des Bobards d'or le mardi 19 mars 2013, à Paris, 8 rue d'Athènes.

    Cette cérémonie est destinée à récompenser les meilleurs des  journalistes, les meilleurs professionnels des médias, ceux qui n’hésitent pas à mentir délibérément pour défendre le politiquement correct, pour servir la cause de leurs employeurs, oligarques de la finance, pour vanter l’idéologie dominante, le libre-échange, la rupture des traditions et de notre culture ancestrale, la désintégration et la dénaturation de la société française…

    Vous pouvez découvrir des informations sur les candidats en lice sur le site de la cérémonie : Bobards d'or 2013


    19 mars 2013 : 4ème édition des "Bobards d'Or" par MrPierreLegrand

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  • Florange sacrifié sur l'autel du mondialisme ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Drac, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la capitulation du gouvernement dans l'affaire de l'acierie de Florange. Michel Drac est l'animateur du site Scriptoblog et est l'auteur de plusieurs essais comme Crise ou coup d'état ? (Le Retour aux sources, 2009) ou Crise économique ou crise du sens ? (Le retour aux sources, 2010).

     

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    Florange sacrifié : au profit de qui ?

    Lors du débat récent sur le site sidérurgique de Florange, nous avons assisté à l’opposition médiatique de deux discours simplistes : d’un côté, les partisans du maintien de l’activité ont jugé le site conforme aux normes de rentabilité exigées par le marché ; en face, leurs adversaires ont soutenu la thèse inverse. Opposition frontale, argumentaires fragiles : les médias ne nous ont offert que très peu d’informations approfondies. Quid des processus sur site ? Leurs inducteurs de coûts ? L’analyse de la valeur de leurs outputs ? On n’en saura rien, ou presque.

    Mais sans doute n’était-ce pas vraiment de technique qu’il était question.

    Débat médiatique, rideau de fumée. L’agressivité des échanges révélait un non-dit : la véritable interrogation porte souterrainement sur le cadre conceptuel de l’analyse et non sur ses conclusions. Un véritable débat oppose ceux qui jugent Florange dans le cadre conceptuel défini par le libre-échange inéquitable, les marchés financiers dérégulés et le monétarisme laxiste contemporain, à ceux qui raisonnent hors de ce cadre.

    Allons à l’essentiel : énoncer que le critère de décision principal relatif à la continuation de l’exploitation à Florange est la rentabilité du site, du point de vue des actionnaires et selon les normes des marchés financiers, c’est affirmer que ce site existe en premier lieu pour rémunérer le capital nomade et spéculatif. On pourrait très bien opposer à ce point de vue actionnarial un point de vue productif : dans cette optique, le site de Florange existerait d’abord pour répondre aux besoins en acier de l’économie physique.

    Ici, un tel renversement de perspective est d’ailleurs très plaidable. La sidérurgie n’est pas une activité en déclin. On n’a jamais produit autant d’acier dans le monde : 1,4 milliards de tonnes par an. Et ce n’est pas fini. Nous allons vers de grands bouleversements dans la métallurgie : de nombreux minerais vont être éteints à l’extraction primaire dans les décennies qui viennent. Une des pistes envisageables pour des substituts acceptables réside dans le développement d’alliages à base de fer mimant les propriétés des métaux non ferreux. C’est dire si la sidérurgie de haute technicité est un métier d’avenir. La rentabilité de court terme offerte au capital spéculatif ? Mais il s’agit de la robustesse future des économies européennes !

    Bien sûr, un tel débat est interdit. Montebourg prononce le mot de « nationalisation », et déjà montent au créneau les défenseurs de l’économie globalisée. Où l’on verra un BHL trancher la question, lui qui n’a probablement jamais vu fonctionner un laminoir, mais a, en revanche, très bien compris que dans l’intérêt d’une hyperclasse globalisée parasitaire et prédatrice, il ne doit pas tolérer le pourtant nécessaire débat sur le cadre conceptuel de la décision économique.

    Michel Drac (Boulevard Voltaire, 26 décembre 2012)

     

     

     

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  • La bataille pour l'Eurasie va-t-elle s'accélérer ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alexandre Latsa, cueilli sur le site de l'agence de presse Ria Novosti et consacré à la lutte souterraine mais bien réelle que les Etats-Unis et la Russie se livrent en Eurasie.

     

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     La bataille pour l'Eurasie va-t-elle s'accélérer ?


    "Les Etats-Unis s’opposeront à des processus d'intégration dans l'espace postsoviétique". Hillary Clinton - 2012

    Les récentes déclarations de la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton sur l'intention de Washington de s'opposer aux processus d'intégration dans l'espace postsoviétique lors d’une conférence tenue à Dublin le 6 décembre 2012 ont au moins un mérite, celui de démontrer que l’Union Douanière, et donc la future Union Eurasiatique sont considérés par l’administration américaine comme le mal absolu. Hillary Clinton n’a pas pris de gants, pour elle, l’union eurasiatique n’est ni plus ni moins que la réincarnation de l’Union Soviétique, et traduit donc la volonté de la Russie de vouloir reprendre le contrôle du cœur de l’Eurasie, que Russie et Occident, via l’Angleterre puis l’Amérique, se disputent depuis prés de 150 ans.

    Un retour en arrière s’impose pour comprendre ce que signifie la bataille pour le contrôle de l’Eurasie, qui est tout sauf un fantasme ou une légende. Il s’agit au contraire d’une réalité géopolitique qui constitue un volet important de la politique étrangère américaine et occidentale depuis la chute du mur de Berlin.
     
    Durant la guerre froide, la puissance américaine ne luttait pas seulement pour la victoire contre son adversaire Soviétique, elle luttait aussi pour le contrôle du monde. Ce faisant, les stratèges américains restaient fidèles à la ligne tracée par les maitres de la géopolitique anglo-saxonne, particulièrement Halford Mackinder et Nicholas Spykman. Pour ces derniers, la maitrise du monde ne pouvait passer que par le contrôle de la zone ou devait se concentrer dans l’avenir tant le gros des habitants, que le gros des ressources énergétiques de la planète: l’Eurasie, encore appelée l'Ile Monde ou Heartland.
     
    " Qui contrôle le Heartland, contrôle le monde ".  Halford John Mackinder – 1919
     
    En ce sens, la mise sous tutelle après 1945 de l’Europe de l’ouest par l’Otan n’a été rien de plus qu’une mise en application des principes de Nicholas Spykman qui jugeait lui essentiel de maitriser l’anneau périphérique (Rimland) de cette Ile monde, de ce Heartland continental. L’Europe de l’ouest représente la partie occidentale sous contrôle de cet anneau. Comme on peut le voir ici, la zone qui s’étend du pourtour de la caspienne jusqu'à l’Asie centrale constitue sa partie orientale et c’est précisément cette zone qui est visée par les propos d’Hillary Clinton.
     
    " Qui contrôle le Rimland contrôle l’Eurasie. Qui dirige l’Eurasie contrôle la destinée du monde". Nicholas J. Spykman - 1942
     
    Les tentatives avortées du GUAM (Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan, Moldavie) puis la tentative de prise de contrôle de ces mêmes états (membres de cet anneau périphérique) par les révolutions de couleurs planifiées aux USA doivent être comprises et vues dans ce sens: comme une étape nouvelle du containment russe, préalable essentiel au bouclage du Rimland. D’ailleurs, dans sa déclaration Hillary Clinton a insisté sur la déception profonde que représentait l’Ukraine pour le département d’état Américain, tout un symbole lorsqu’on sait l’énergie et les moyens mis en œuvre par l’administration américaine pour faire de l’Ukraine un pion essentiel de l’Otan. Un projet ancien qui prévoyait la constitution d’un axe Allemagne-Pologne-Ukraine dont Zbigniew Brezinski rêvait déjà en 1997 et qui selon lui devait servir à repousser l’influence russe le plus à l’est possible, et renforcer l’Otan au cœur de l’Europe de l’est.

    "Il est impératif qu'aucune puissance eurasienne concurrente capable de dominer l'Eurasie ne puisse émerger et ainsi contester l'Amérique". Zbigniew Brezinski - 1997
     
    Bien sur les déclarations d’Hillary Clinton ont provoqué les regrets de Leonid Sloutski, chef de la commission de la Douma pour les Affaires de la CEI. Celui-ci constatait que le potentiel croissant de regroupement géopolitique en Eurasie pourrait faire de cette région l'un des acteurs majeurs du monde. Une situation bien différente de celle qu’impliquait le monde unipolaire de 1991, qui ne laissait aucune place à la Russie.

    Beaucoup de pays occidentaux appréciaient Eltsine surtout parce qu'il était le symbole d’une Russie faible, et le symbole de leur victoire sur l’URSS. 20 ans plus tard, alors que le centre de  gravité du monde se déplace vers l’Asie et la Chine, l’Occident américano-centré traverse une crise économique qui l’a considérablement affaibli sur la scène internationale. Pendant ce temps, à mi chemin entre l’Occident et l’Asie, la Russie s’est redressée pour redevenir aujourd’hui la puissance principale d’Eurasie.
     
    Le monde multipolaire qui prend forme devrait vraisemblablement prendre l'aspect d'un monde d’alliances. Les grands états de ce monde sont tous dans des logiques de regroupements économiques, politiques et militaires, que ce soit au cœur de l’Europe, par dessus l’Atlantique, en Amérique du sud  ou encore en Asie. Ces alliances pourraient rapidement voir l’émergence de blocs souverains tant sur le plan militaire, qu’économique ou politique, et la fragmentation du monde en zones d’influences souveraines.
     
    Pourquoi les nations d’Eurasie n’auraient elle dès lors pas le droit de procéder à une intégration régionale approfondie?  Les menaces américaines contre une alliance volontaire de pays souverains semblent éloigner considérablement les possibilités d’un réel reset russo-américain. Le désaccord sur l’Affaire Syrienne, pays que l’Union Douanière envisageait du reste d’intégrer à une zone de libre échange il y a encore quelques mois, accentue encore le malaise.

    Voila donc des propos belliqueux en provenance d'Amérique et prononcés à Dublin, alors même que le chef de l’état russe a pourtant récemment rappelé que la Russie devait trouver sa place géopolitique dans le monde de façon pacifique et que l’intégration eurasiatique devait elle se faire dans le respect de la souveraineté des états. Un principe de souveraineté nationale bien mis à mal durant l’époque unipolaire mais qui constitue tant le point névralgique du développement des BRICs (lire cette analyse a ce sujet) que le cœur de la politique internationale russe, notamment en Syrie.

    Souveraineté VS interventionnisme, Unilatéralisme VS Multilatéralisme. Ces deux conceptions du monde diamétralement opposées vont-elles relancer la bataille pour l’Eurasie?

    Alexandre Latsa (Ria Novosti, 12 décembre 2012)
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  • Réalités identitaires contre leurres géo-économiques...

    Dans cette chronique, mise en ligne sur Realpolitik.tv,  Hervé Juvin procède à un brillant démontage des notions géo-économiques factices de "pays émergents" et de "BRICS" (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) créées pour tenter d'effacer l'identité politico-historique de ces pays ...

     


    Considérations géo-économiques sur les concepts... par realpolitiktv

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  • Pathologie américaine ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent entretien avec Xavier Raufer, cueilli sur Causeur et consacré à la récente tuerie de Newtown et au rôle supposé joué par la vente libre des armes...

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    De la violence en Amérique

    Gil Mihaely : La récente tuerie dans l’école primaire de Newtown relance le débat sur le contrôle des armes à feu. La disponibilité de ces armes, notamment des armes de guerre, explique-t-elle ces épisodes meurtriers ?

    Xavier Raufer : La dernière tuerie en date n’a “relancé le débat sur le contrôle des armes à feu” que dans les médias et, de façon factice, chez des politiciens américains incapables de résoudre ce problème. À ce propos, il est inquiétant que sans exception, les grands médias d’”information”, quotidiens, radios, télés, énoncent ensemble, au même instant et sans nulle nuance, précisément la même idée, formant ainsi une vaste Pravda collective.

    GM : Même si certains médias le manipulent, le problème existe…  

    XR : Oui, et pas seulement aux Etats-Unis ! Mais pour les médias c’est toujours la même rengaine : les tueries entre gangsters à Marseille ? Les Kalachnikov ! On n’en sort pas. Les massacres de masse aux Etats-Unis : les armes ! Rien d’autre. Or les armes ne tuent jamais – une kalachnikov posée sur la table prend juste la poussière – ce sont ceux qui en usent : gangsters à Marseille, bombes humaines aux Etats-Unis, qui posent problème. Mais non : la fascination médiatique pour la quincaillerie est absolue.

     GM :  Des lois plus restrictives voire la « prohibition » des armes à feu ne feraient-elles pas baisser le nombre de tueries aux Etats-Unis ?

    XR : Dans l’affaire des massacres de masse aux Etats-Unis, le paramètre des armes n’est ni l’explication, ni la solution. Que les médias d’information s’interrogent : pourquoi n’y a-t-il absolument aucun massacre de masse au Brésil et au Mexique, qui comptent vingt fois plus d’armes incontrôlées que les Etats-Unis ? Un autre phénomène devrait nous interroger : des massacres dans des écoles surviennent parfois en Chine – mais sans armes à feu, plutôt avec des explosifs ou des armes blanches.

    GM :  Certes, mais la disponibilité des armes à feu n’augmente-t-elle pas la gravité des autres crimes ?

    XR : Bien sûr. Dans West Side Story, les bandes s’expliquent à coups de couteaux. Que ce soit désormais à l’arme de guerre ne fait aucun bien aux statistiques criminelles.

    GM : Si ce n’est pas la disponibilité des armes, quel est donc le facteur déterminant dans les tueries de masse aux Etats-Unis ?

    XR : Ce qui provoque ces massacres aux Etats-Unis ne tient pas à l’accessibilité des armes – qui est à l’évidence, un facteur aggravant – mais à l’essence de la société américaine en général, au psychisme de quelques individus en particulier. Esquissons une comparaison avec un drame psycho-social français : l’alcoolisme. Ce phénomène est très profondément enraciné, terriblement long et difficile à réduire. Pour autant, l’alcoolisme est-il réductible à la seule accessibilité de l’alcool ? Vous avez vu, les Etats-Unis et la prohibition ? Voilà ce qu’il faut méditer, au lieu de s’hypnotiser sur des outils homicides.

    GM : L’existence de bombes humaines désocialisées comme Adam Lanza, le tueur de Newtown, est-elle un phénomène spécifiquement américain ?

    XR : Là est le sujet. Pratiqué par des solitaires frustrés ou enragés, éduqués mais coupés de la société, le massacre de masse peut s’appuyer sur un prétexte idéologique ou millénariste. Certains vont aussi prendre pour objet phobique une école, des minorités, etc.

    Mais l’origine psychologique n’est pas garantie : parfois, la biologie s’en mêle. Le premier massacre de masse moderne – 15 morts, 32 blessés – est perpétré en août 1966 à l’Université d’Austin (Texas) par Charles Whitman, 25 ans. Abattu par la police, Whitman évoque dans son testament d’étranges élans homicides. Son autopsie révèle une grosse tumeur dans un secteur cérébral régulant l’agressivité.

    À ce jour, ces massacres de masse prennent l’ampleur d’un phénomène de société dans des pays riches marqués par un « protestantisme sociologique » provoquant un conformisme et une bienséance insupportables. Toute expression forte ou dissidente y fait horreur. Toute négativité en est bannie : les églises n’y montrent plus le Christ crucifié – odieuse vision d’une incorrecte torture. Exemple : l’Amérique blanche suburbaine du Colorado où, en 1999, deux élèves du lycée Columbine abattent 13 de leurs condisciples et en blessent 32, avant de se suicider. Désormais, Newtown.

    GM : Une société trop policée est donc criminogène ?

    XR : Evidemment ! L’être humain n’est pas un robot. L’homme jeune est aventureux, souvent outrancier de propos ou d’actes (“il faut bien que jeunesse se passe”…). Etouffez-le dans le politically correct et la bienséance gnan-gnan – vous aurez inévitablement 999 moutons bêlants – et une bombe humaine. Tout ca est su depuis des siècles – Pascal : “Qui veut faire l’ange, fait la bête” – mais plus présent dans la culture catholique que protestante – sans doute l’une des origines profondes de toute l’affaire.

    GM : Dans les exemples que vous avez cités plus haut, les tueurs sont de jeunes hommes blancs. Peut-on établir le un profil de ces « loups solitaires » et des communautés ou des lieux qu’ils risquent de prendre pour cibles ?

    XR : Impossible. Le FBI  essaie depuis vingt ans d’établir un profil dans l’”active Shooter phenomenon” sans que cela ne donne rien. Des individus solitaires, d’apparence sombre et mutique, blancs, mâles et jeunes – il y en a  vingt millions aux Etats-Unis, pouvant aussi bien être sujets à une sévère rage de dents, à une psychose homicide ou à un chagrin d’amour…

    GM : Outre Atlantique, les faits divers, la télévision et le cinéma semblent illustrer une certaine obsession américaine pour le meurtre. Comme l’expliquez-vous ?

    XR : L’acte fondateur des Etats-Unis, c’est la Guerre de sécession. Or, loin des superbes batailles bien rangées, des charges de cavalerie du général Lee, ce fut à 90% une atroce guerre de voisinage, terriblement sanglante et durable. Songez qu’elle s’achève en 1865 et qu’en 1882 encore, le soldat sudiste Jesse James braque toujours des banques, explicitement au nom de la “Lost Cause1 (sudiste) !

    Avant cette guerre, il n’y avait que peu d’armes aux Etats-Unis. Le nécessaire pour les ours, les pumas – ou les Indiens. Que vos lecteurs anglophones lisent les deux fascinants livres mentionnés ci-après, ils seront édifiés2. Ces massacres ont donc pour origine un séculaire traumatisme originel. L’arme à feu, la mort, sont enfouis au plus profond de la psyché américaine. Réduire ce drame à une simple affaire de quincaillerie est quand même désolant.

    Xavier Raufer, propos recueillis par Gil Mihaely (Causeur, 20 décembre 2012)

     

    Notes :

    1. La cause perdue
    2. Daniel E. Sutherland, « A savage conflict », UNC Press NC, USA 2009 et T.J. Stiles, « Jesse James, last rebel of the Civil War », Vintage, NY, USA, 2007

     

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