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Décryptage - Page 105

  • Merci à la Russie ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la politique de puissance de la Russie.

     

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    Merci à la Russie !

    Le Système médiatique occidental diabolise en permanence la Russie contemporaine. Quoi qu’il fasse, le président Poutine est systématiquement présenté dans les médias comme un dangereux autocrate, un mafieux ennemi  des droits de l’homme et des Femen, ainsi qu’un fauteur de guerre froide.

    Par exemple, quand la Russie se trouve elle aussi aux prises avec le terrorisme islamique, on nous dit qu’elle terrorise les gentils Tchétchènes. Quand elle met au pas l’oligarchie économique et financière qui bradait les richesses nationales depuis la chute de l’URSS, on nous dit qu’elle menace les libertés. Quand elle encourage la natalité et la famille, on nous dit qu’elle est homophobe. Quand quelques isolés manifestent contre le gouvernement, on nous dit que la rue est contre Poutine et tout à l’avenant.


    La Russie ? Une résistance bénéfique à l’ordre mondial

    Pareil biais, alors que l’URSS ne subissait pas du tout le même traitement médiatique, ne peut signifier qu’une chose : que la Russie incarne une résistance bénéfique à l’ordre mondial que veulent imposer les Anglo-Saxons et les valets qu’ils recrutent dans l’oligarchie occidentale.

    A l’heure du renversement des valeurs, instrument de cette tentative, on peut sans se tromper affirmer que la Russie reste dans le vrai quand l’Occident sombre dans l’erreur et le déclin. C’est pourquoi l’Occident cultive la haine de la Russie.

    Mais cela veut dire aussi que la Russie redevient un modèle à suivre pour les vrais Européens.


    La Russie fière de son passé comme de son identité

    On a un peu vite oublié en Occident que le peuple russe a payé très cher – par des millions de morts – son entrée dans le XXe siècle, l’instauration du communisme et sa victoire dans la seconde guerre mondiale : un sacrifice qui dépasse de très loin celui supporté par les Occidentaux et notamment les Etats-Unis, bien à l’abri dans leur continent-île.

    Pourtant la Russie a su tourner la page et intégrer ce passé tragique dans son histoire comme dans ses monuments, à la différence d’un Occident déboussolé qui ne cesse de ressasser la repentance instrumentée des « heures-sombres-de notre-histoire » et de nous rejouer les drames de la seconde guerre mondiale.

    La Russie a aussi retrouvé son âme orthodoxe, c’est-à-dire chrétienne, alors qu’en Occident, soumis au culte de Mammon et du Veau d’homme, les églises sont vides et les mosquées se remplissent.

    Merci à la Russie de nous démontrer qu’on peut entrer dans le XXIe siècle en restant soi-même.


    Le cauchemar des Anglo-Saxons

    Les Anglo-Saxons ont un cauchemar : celui d’une Europe puissance, d’une « maison commune » de l’Atlantique à l’Oural à laquelle ont rêvé tant de grands Européens. Toute leur diplomatie depuis deux siècles vise à rendre ce rêve impossible.

    En Europe occidentale, l’instrument de cette diplomatie se nomme aujourd’hui Union européenne. C’est-à-dire une machine (un « machin », disait De Gaulle) destinée à détruire la souveraineté et la liberté des Etats, à détruire leur prospérité et à remplacer leur population ; un empire du néant, qui doit s’ouvrir à tous les vents à la condition de rester prisonnier des « liens transatlantiques », c’est-à-dire de rester vassal des Etats-Unis.

    A l’est, l’instrument de cette diplomatie se nomme diabolisation, affaiblissement et isolement de la Russie. Car la Russie a cher payé aussi l’implosion de l’URSS : un pays ruiné, mis en coupe réglée par les oligarques, entouré d’une ceinture d’Etats plus ou moins artificiels mais dans l’orbite occidentale, une armée détruite face à l’OTAN renforcé et agressif.

    A la chute de l’URSS, les Occidentaux sous la direction américaine se sont immédiatement engagés dans une stratégie d’isolement de la Russie, dont l’affaire du Kossovo a constitué le point d’orgue, après la désagrégation de la Yougoslavie. Sans parler de la tentative de s’approprier ses ressources naturelles et de lui injecter les « valeurs » – c’est-à-dire les vices décadents – des Occidentaux.  En clair, les Occidentaux donneurs de leçons n’ont eu de cesse de profiter et d’amplifier la faiblesse de la Russie.

    Toute l’action de la présidence Poutine vise au contraire à recouvrer la puissance et la souveraineté de la Russie. Voilà qui insupporte nos maîtres.

    Merci à la Russie de faire de la puissance une idée neuve en Europe.


    Un monde multipolaire grâce à la réapparition de la puissance russe

    La chute de l’Union soviétique fut, bien sûr, une bonne nouvelle, marquant la fin de la menace communiste en Europe. On ne la regrettera pas. Mais elle a fait aussi disparaître un contrepoids à l’unilatéralisme yankee et à sa prétention, ridicule mais dangereuse, d’imposer un modèle de société humaine indépassable.

    On a vu ce qu’a donné en quelques années un tel unilatéralisme libéré de tout contrepoids : les conflits et les agressions militaires à répétition, la déstabilisation du Moyen-Orient ou la mise en œuvre d’un libre-échangisme débridé aux effets destructeurs.

    Les vrais Européens ne peuvent donc que se réjouir de voir réapparaître la puissance russe. L’Europe manque désespérément de puissance, en effet, dans un monde de plus en plus dur et concurrentiel, face aux grands blocs de l’Asie, de l’Amérique et de l’Afrique.

    La réintroduction de la puissance russe dans le jeu diplomatique mondial aura nécessairement des effets positifs, comme le montre déjà l’affaire syrienne. La Russie a résisté clairement et patiemment en effet aux fauteurs de « frappes »  en vue d’une solution politique en Syrie. C’est-à-dire qu’elle s’est prononcée en faveur de la stabilisation contre l’aventure.

    Il faut que le pouvoir arrête le pouvoir : merci à la Russie de nous rappeler cette antique loi européenne.


    A l’est la liberté

    Contrairement à ce que nous serinent nos médias, la démocratie – c’est-à-dire le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple – et la liberté sont moins menacées en Russie qu’en Europe occidentale.

    Comme il est curieux qu’un Snowden, qui a dévoilé au monde la réalité de  l’espionnage des communications mondiales par les Etats-Unis et leurs alliés, ne puisse trouver refuge qu’en Russie ! Mais pas en Europe de l’Ouest qui se targue pourtant d’accueillir à bras ouverts les réfugiés du monde entier. Comme il est curieux qu’un acteur français célèbre, lassé du fiscalisme et de la médiocrité ambiantes, préfère rejoindre la Russie plutôt que la côte est des Etats-Unis !

    C’est que l’Occident ne vit plus en démocratie mais en post-démocratie : un régime de totalitarisme mou qui vide la nationalité et la citoyenneté de leur sens, un régime où l’Etat se dresse contre la nation et installe la loi de l’étranger. Car les vrais oligarques ne prospèrent qu’en Occident : en Russie ils sont sous contrôle ou ils vont en prison.

    Merci à la Russie de nous rappeler que le salut du peuple – et non celui des banques ou des lobbys – doit rester la loi suprême des Etats.

    Michel Geoffroy (Polémia, 10 septembre 2013)


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  • Syrie : vendre la guerre...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec François-Bernard Huyghe, cueilli sur le site de TV5 Monde et consacré à l'analyse de la propagande mise en œuvre pour convaincre l'opinion publique de la légitimité d'opérations de guerre contre la Syrie. François-Bernard Huyghe est l'auteur de nombreux essais consacrés à l'infostratégie comme L 'Ennemi à l'ère numérique, Chaos, Information, Domination (PUF, 2001) ou  Maîtres du faire croire. De la propagande à l'influence (Vuibert, 2008). Il a dernièrement publié avec Alain Bauer Les terroristes disent toujours ce qu'ils vont faire (PUF, 2010).

     

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    Syrie : de l'art de vendre la guerre à une opinion récalcitrante

    Pédagogie, explications, information de la part des dirigeants politiques occidentaux pour la promotion de l'utilisation de la force, mais propagande lorsque Bachar al-Assad s'exprime : la propagande n'existe donc pas en France et aux Etats-Unis et seulement ailleurs, comme en Syrie ?

    Il est bien connu que nos idées sont des idées vraies, et que les idées des autres sont des idées mensongères et dangereuses ! L'usage du mot propagande fait lui-même partie de la propagande. Et il est entendu, que nous, les occidentaux, nous faisons de la communication, de la pédagogie, parce que, vous savez, le peuple n'est pas très malin, il faut un petit peu l'éclairer, tandis que les autres (qui ne sont pas nos alliés, ndlr) sont par essence mauvais, ils n'obéissent pas comme nous à un désir de justice et ils ont des intérêts immondes. Donc, leur parole est par nature mensongère. Le jeu pour qualifier l'autre de propagandiste est le jeu le plus classique de ce que l'on peut appeler "la vente de la guerre", une sorte de mise en forme de la guerre. La preuve de ce que je dis remonte à 1918, avec un Lord anglais, Lord Ponsonby qui a dénoncé les mensonges de guerre de son propre pays, l'Angleterre, lors de la première guerre mondiale. Il a donné un certain nombre de règles, de points (voir encadré, les méthodes de propagande en cas de conflit). Il y a par exemple, "nos adversaires utilisent des armes illicites, nous pas", et aussi "nos adversaires mentent et font de la propagande, nous pas", et surtout, "ceux qui croient ce que disent nos adversaires sont soit des imbéciles, soit victimes de la propagande".
     
    Mais, c'est aussi ce que font les dirigeants des pays comme la Syrie ou l'Iran ?

    Bien entendu, on  peut lire les échos de ces pays par leurs agences, en anglais et en français : les arguments sont retournés, ce sont les occidentaux qui sont par nature des impérialistes. Par exemple, Bachar el-Assad a expliqué que les Français étaient les "toutous du Qatar". C'est un élément intéressant dans la propagande effectuée de l'autre côté : il donne une grille où ce sont les sunnites qui égarent les pauvres occidentaux pas très malins comme les Français, enfin leur président, en tout cas. Ce qui amène les Américains à faire des choses contradictoires avec leurs propres intérêts, puisque comme nous dit souvent Bachar, "vous êtes en train d'aider Al-Qaïda et les gens qui ont fait le 11 septembre."
     
    Assiste-t-on à une sorte de "vente de la guerre", présentée comme un produit auquel il faut adhérer, une guerre parée de vertus ? Il faudrait croire à une sorte de guerre nécessaire, qui ne s'en prend pas aux populations, mais seulement aux symboles du régime syrien  ? Difficile à croire, non ?

    Les arguments de vente sont importants : le produit est sans danger puisque grâce aux frappes chirurgicales vous ne toucherez que des méchants et vous ne serez responsable d'aucune victime civile innocente. Notez que les victimes civiles sont toujours innocentes. Vous ne prendrez aucune risque puisque des missiles très très perfectionnés vont faire le travail à distance. On insiste quand même sur le côté "aucun soldat ne sera perdu", et puis qu'Obama est beaucoup plus malin que Bush : il n'envoie pas des soldats sur un sol étranger. Enfin, il y a l'argument éthique qui est très important, puisqu'on nous dit que si nous ne faisons rien, nous serions des salauds, au sens "sartrien" du terme, c'est-à-dire indifférents à la souffrance des autres. Cette guerre, si elle se déclarait, a pour but de faire une punition morale, elle n'a donc en aucune façon l'objectif d'acquérir un territoire ou un avantage. Elle est désintéressée. C'est une guerre policière, nous sommes chargés par la communauté internationales, même si l'ONU vote contre nous, d'être les chevaliers de l'universel. On retrouve les trois éléments de la rhétorique d'Aristote : Ethos, pathos, logos. Ethos, avec l'obligation morale de faire cette guerre, pathos, avec le "regardez comme c'est horrible", et logos avec le "oui, c'est logique de la faire, en plus on va la gagner".
     
    L'adhésion de l'opinion est nécessaire pour les dirigeants, mais l'opinion se cabre : peut-on penser que les citoyens occidentaux, après les révélations des mensonges sur la guerre d'Irak de 2003, puis les fuites de Wikileaks, celles d'Edward Snowden, ne croient plus vraiment dans la parole de leurs dirigeants ?

    Il y a plusieurs couches dans la réponse : un premier fait est évident, c'est qu'après s'être fait balader avec le canon de Saddam qui allait tirer des gros obus à gaz sur Jérusalem, les faux cadavres de Timisoara, le génocide du Kosovo où on allait retrouver des charniers partout, les armes de destruction massive de Saddam qui allait avoir la bombe atomique dans les trois semaines, le public est devenu très sceptique, il n'est pas idiot. Cela va de pair avec un scepticisme plus général : il y a de moins en moins de confiance dans la classe politique mais aussi envers les média. Dans le cas d'Obama, s'être fait élire en disant "je mettrai fin à la guerre d'Irak", ce qui est un mensonge puisque les accords de départ des soldats d'Irak ont été signés par les Républicains, avoir le prix Nobel de la paix en envoyant le même mois 30 000 soldats en Afghanistan, etc, c'est un peu difficile à avaler. Obama était dans l'image du bon démocrate pacifique opposé au crétin-sanglant Bush, et ce type merveilleux qui incarnait Martin Luther-King en joueur de golf, ce type merveilleux, ne libère pas les gens de Guantanamo, surveille la presse, laisse s'organiser une chasse aux sorcières de ses opposants par les services fiscaux. L'archange Obama est en train de défendre Prism, XKeyscore (les programmes de surveillance numérique planétaire de la NSA, ndlr). Sur la preuve de la responsabilité du régime syrien dans l'attaque chimique du 21 août, ce sont des écoutes qui sont censées être des preuves. Mais les écoutes n'ont pas été divulguée par le gouvernement américain, il y a seulement des retranscriptions où l'on entend un haut responsables du régime syrien poser des questions et qui dit : "mais qu'est-ce que c'est que ça, il y a eu une attaque chimique, est-ce que c'est nous qui avons fait cette chose là ?" Mais on n'a pas la réponse.
     
    Que peuvent faire ceux, qui souhaitent l'intervention militaire ? Parler de Munich, comme Kerry, effectuer un parallèle entre Assad et Hitler ?

    Chez nous, on est dans une rhétorique où Bachar est "le Hitler de l'année", le méchant qui tue son propre peuple. L'hitlérisation est un grand classique de la propagande. C'est ce qui est appelé le "point Godwin", une théorie qui établit que dès qu'une discussion devient un peu polémique et un peu stupide, l'un des participants va comparer l'autre à Hitler. Hitler est devenu un peu le pilier symbolique de notre civilisation, le "référent horrifiant", comme j'ai l'habitude de dire : ça paralyse totalement le raisonnement. Une des armes de la propagande dans ces domaines là, est de prêter des sentiments horribles ou des desseins horribles à l'autre. Vient ensuite l'argument, qui est déjà utilisé aux Etats-Unis, sur le fait que l'on ne fait que se défendre : si on laisse faire Bachar el-Assad cette fois-ci, tous les dictateurs feront pareil, et c'est donc très dangereux pour la sécurité des Etats-Unis.
     
    On en vient à penser que la propagande est générale, et qu'il ne faut plus croire personne : comment savoir ce qui est de l'ordre de l'information et ce qui est de l'ordre de la propagande ?

    Ca c'est un travail qui est dur : Churchill disait "la première victime de la guerre, c'est la vérité". On peut dire que la propagande est extrême, donc tout doit être fait pour faire disparaître l'intelligence et la nuance. Mais je ne suis pas totalement pessimiste : il y a pas mal de mensonges de guerre, de bidouillages, qui ont été découverts, documentés après coup. Les lanceurs d'alerte américains révèlent pas mal de choses sur les malversations de leur pays. Des militaires américains ont dénoncé en Irak le fait que des néo-conservateurs étaient présents en grand nombre et faisaient remonter en permanence des informations redondantes qui allaient dans leur sens mais pas les autres. C'est une technique de propagande, là aussi, de manipulation de l'opinion : vous faites travailler des tas de gens des services de renseignement sur le terrain, etc, et ces gens gens là sont le plus souvent fort honnêtes. Mais il y a un moment où il faut que vous synthétisiez l'information, et si vous ne retenez que les éléments à charge, oubliez les autres, citez cinq fois ce qui va dans un sens et que vous évoquez à peine ce qui va dans un autre, vous obtenez des choses particulières. On peut penser à ce document de Matignon, présenté il y a quelques jours, comme preuve de la responsabilité du régime syrien dans l'attaque chimique et qui a été écrit par un énarque. Il n'y a aucune preuves dans ce document, mais un faisceau de présomptions, des convictions.
     
    L'opinion pourrait-elle se retourner, en fin de compte, en faveur de l'intervention, une fois la "vente" de cette guerre effectuée : au cas où la proposition russe de destruction des armes chimiques ne fonctionnait pas ? Il est souvent discuté du façonnage de l'opinion, de la fabrique du consentement…

    Très souvent, quelques jours avant une guerre, il est normal que les gens ne veuillent pas faire la guerre et sont plus portés pour qu'on cherche une solution politique. Ensuite, il y a le réflexe de légitimité une fois le premier coup de canon donné. Puis, la légitimité est concentré le plus souvent par des révélations d'horreur qui sont découvertes. Là, en général, la "côte", si j'ose dire, de la guerre, remonte, surtout chez les plus de 50 ans, parce ce que sont des générations qui sont plus touchées par le sujet. Dans le cas de la Syrie, si il y avait intervention, il n'est pas certain que la légitimité "du premier coup de canon" fonctionne. Les images d'exécutions de soldats par des rebelles, celles du rebelle cannibale, sont un repoussoir. Plus le fait de ne pas vouloir faire la guerre avec Al-Quaïda, qui est un message qui prend bien aux Etats-Unis, comme celui, en France, d'être au service de l'Arabie saoudite et du Qatar, donc d'aider à massacrer des chrétiens. Ca n'aide pas. Surtout pour la France : quand on veut être les chevaliers universels mais sans preuves, sans l'ONU, sans l'Europe, et considérer des pays munichois pourris et immondes comme la Russie, la Chine, l'Inde, le Brésil, l'Allemagne et le Vatican, puisque le Pape est contre, là c'est dossier qui n'est en fin de compte pas très bien vendu dès le départ.
     
    François-Bernard Huyghe, propos recueillis par Pascal Hérard (TV5 Monde, 11 septembre 2013)
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  • A propos du printemps arabe...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous, dans une vidéo cueillie sur son site, Bernard Lugan présenter avec brio et clarté son dernier livre intitulé Printemps arabe - Histoire d'une tragique illusion. Le livre est disponible ici.

     


    Bernard Lugan présente son nouveau livre par BernardLugan

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  • La recherche d'un prétexte à tout prix...

    Nous reproduisons ci-dessous une excellente analyse d'Eric Dénécé, spécialiste des questions de renseignement et ancien analyste Secrétariat Général de la Défense Nationale, qui anime depuis quelques années les travaux du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Eric Dénécé a récemment publié La face cachée des « révolutions » arabes (Ellipses, 2012) et Les services de renseignement français sont-ils nuls ? (Ellipse, 2012).

     

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    Intervention en Syrie : la recherche d'un prétexte à tout prix

    La coalition réunissant les Etats-Unis, le Royaume Uni, la France, la Turquie, l'Arabie saoudite et le Qatar vient de franchir un nouveau pas dans sa volonté d'intervenir en Syrie afin de renverser le régime de Bachar El-Assad. Utilisant ses énormes moyens de communication, elle vient de lancer une vaste campagne d'intoxication de l'opinion internationale afin de la convaincre que Damas a utilisé l'arme chimique contre son peuple, commettant ainsi un véritable crime contre l'humanité et méritant  « d'être puni ».

    Aucune preuve sérieuse n'a été présentée à l'appui de ces affirmations. Au contraire, de nombreux éléments conduisent à penser que ce sont les rebelles qui ont utilisé ces armes. Ces mensonges médiatiques et politiques ne sont que des prétextes. Ils rappellent les tristes souvenirs du Kosovo (1999), d'Irak (2003) et de Libye (2010) et ont pour but de justifier une  intervention militaire afin de renverser un régime laïque, jugé hostile par les Etats-Unis  - car allié de l'Iran et ennemi d'Israël - et impie par les monarchies wahhabites d'Arabie saoudite et du Qatar. Il est particulièrement affligeant de voir la France participer à une telle mascarade.

    La falsification des faits

    Depuis deux ans, des informations très contradictoires et souvent fausses parviennent en Europe sur ce qui se passe actuellement en Syrie. Il est ainsi difficile de comprendre quelle est la situation exacte dans ce pays. Certes, le régime syrien n'est pas un modèle démocratique, mais tout est mis en œuvre par ses adversaires afin de noircir le tableau, dans le but d'assurer le soutien de l'opinion internationale à l'opposition extérieure et de justifier les mesures prises à son encontre, dans l'espoir d'accélérer sa chute.

    Cette falsification des faits dissimule systématiquement à l'opinion mondiale les éléments favorables au régime :

    - le soutien qu'une grande partie de la population syrienne - principalement les sunnites modérés et les minorités (chrétiens, druzes, chiites, kurdes) - continue d'apporter à Bachar El-Assad, car elle préfère de loin le régime actuel - parfois par défaut - au chaos et à l'instauration de l'islam radical ;

    - le fait que l'opposition intérieure, historique et démocratique, a clairement fait le choix d'une transition négociée et qu'elle est, de ce fait, ignorée par les pays occidentaux ;

    - la solidité militaire du régime : aucune défection majeure n'a été observée dans l'armée, les services de sécurité, l'administration et le corps diplomatique et Damas est toujours capable d'organiser des manœuvres militaires majeures ;

    - son large soutien international. L'alliance avec la Russie, la Chine, l'Iran et le Hezbollah libanais ne s'est pas fissurée et la majorité des Etats du monde s'est déclarée opposée à des frappes militaires, apportant son soutien total aux deux membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU - Russie et Chine - qui ont clairement indiqué qu'ils n'autoriseraient pas une action armée contre la Syrie. Rappelons également que le régime syrien n'a été à ce jour l'objet d'aucune condamnation internationale formelle et demeure à la tête d'un Etat membre à part entière de la communauté internationale ;

    - le refus délibéré des Occidentaux, de leurs alliés et de la rébellion de parvenir à une solution négociée. En effet, tout a été fait pour radicaliser les positions des ultras de Damas en posant comme préalable le départ sans condition du président Bachar.

    Au contraire, l'opposition extérieure, dont on cherche à nous faire croire qu'elle est LA solution, ne dispose d'aucune légitimité et demeure très éloignée des idéaux démocratiques qu'elle prétend promouvoir, en raison de ses options idéologiques très influencées par l'islam radical.

    De plus, la rébellion syrienne est fragmentée entre :

    - une opposition politique extérieure groupée autour des Frères musulmans, essentiellement contrôlée par le Qatar et la Turquie ;

    - une « Armée syrienne libre » (ASL), composée d'officiers et d'hommes de troupe qui ont déserté vers la Turquie et qui se trouvent, pour la plupart, consignés dans des camps militaires faute d'avoir donné des gages d'islamisme suffisants au parti islamiste turc AKP. Son action militaire est insignifiante ;

    - des combattants étrangers, salafistes, qui constituent sa frange la plus active et la plus violente, financés et soutenus par les Occidentaux, la Turquie, le Qatar et l'Arabie saoudite.

    Ainsi, la Syrie connaît, depuis deux ans, une situation de guerre civile et des affrontements sans merci. Comme dans tous les conflits, les victimes collatérales des combats sont nombreuses, ainsi que les atrocités. Toutefois, les grands médias internationaux qui donnent le ton - qui appartiennent tous aux pays hostiles à la Syrie - cherchent à donner l'impression que les exactions, massacres et meurtres sont exclusivement le fait du régime et de son armée.

    Si certaines milices fidèles au régime ont commis des exactions, cela ne saurait en aucun cas dissimuler les innombrables crimes de guerre qui sont chaque jour, depuis deux, ans l'œuvre de la rébellion, et dont sont victimes la population syrienne fidèle au régime, les minorités religieuses et les forces de sécurité. Ce fait est systématique passé sous silence. Pire, les nombreux actes de barbarie des djihadistes soutenus par l'Occident, la Turquie et les monarchies wahhabites sont même souvent attribués au régime lui-même, pour le décrédibiliser davantage.

    L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), principale source des médias sur les victimes de la « répression », est une structure totalement inféodée à la rébellion, crée par les Frères musulmans à Londres. Les informations qu'il diffuse relèvent de la pure propagande et n'ont donc aucune valeur ni objectivité. S'y référer est erroné et illustre l'ignorance crasse ou de la désinformation délibérée des médias.

    Enfin, face à ce Mainstream médiatique tentant de faire croire que le Bien est du côté de la rébellion et de ses alliés afin d'emporter l'adhésion de l'opinion, toute tentative de vouloir rétablir un minimum d'objectivité au sujet de ce conflit est immédiatement assimilée à la défense du régime.

    Les objectifs véritables d'une intervention en Syrie

    Dès lors, on est en droit de s'interroger sur les raisons réelles de cet acharnement contre Bachar Al-Assad et d'en rechercher les enjeux inavoués. Il en existe au moins trois :

    - casser l'alliance de la Syrie avec l'Iran ; le dossier iranien conditionne largement la gestion internationale de la crise syrienne. En effet, depuis trois décennies, Damas est l'allié de l'Iran, pays phare de « l'axe du mal » décrété par Washington, que les Américains cherchent à affaiblir par tous les moyens, tant en raison de son programme nucléaire, de son soutien au Hezbollah libanais, que de son influence régionale grandissante ;

    - rompre « l'axe chiite » qui relie Damas, Bagdad, Téhéran et le Hezbollah, qui est une source de profonde inquiétude pour les monarchies du Golfe qui sont, ne l'oublions pas, des régimes autocratiques et qui abritent d'importantes minorités chiites. Ainsi, Ryad et Doha ont désigné le régime iranien comme l'ennemi à abattre. Elles veulent la chute du régime syrien anti-wahhabite et pro-russe, afin de transformer la Syrie en base arrière pour reconquérir l'Irak - majoritairement chiite - et déstabiliser l'Iran. Elles cherchent aussi à liquider le Hezbollah libanais. En cela, leur agenda se confond avec celui de Washington ;

    - détruire les fondements de l'Etat-nation laïc syrien pour le remplacer par un régime islamiste. Cela signifie livrer Damas aux forces wahhabites et salafistes favorables aux pétromonarchies du Golfe, ce qui signifie l'éclatement du pays en plusieurs entités en guerre entre elles ou, pire, l'asservissement voire le massacre des minorités non sunnites.

    Ces objectifs non avoués n'ont pas été jusqu'ici atteints et ne le seront pas tant qu'existera le soutien sino-russe et tant que l'axe Damas-Téhéran ne se disloquera pas.

    Le faux prétexte des armes chimiques

    Face à la résistance de l'Etat syrien et de ses soutiens, la coalition américano-wahhabite a décidé d'employer les grands moyens afin de faire basculer l'opinion et de justifier une intervention militaire : accuser Damas de recourir aux armes chimiques contre sa propre population.

    Une première tentative a été entreprise en avril dernier. Malheureusement, l'enquête des inspecteurs de l'ONU a révélé que l'usage d'armes chimiques était le fait de la rébellion. Ce rapport n'allant pas dans le sens que souhaitait la coalition américano-wahhabite, il a été immédiatement enterré. Seul le courage de Carla del Ponte a permis de révéler le pot aux roses. Notons cependant que les « médias qui donnent le ton » se sont empressés de ne pas lui accorder l'accès à leur antenne et que cette enquête a été largement passée sous silence.

    Les événements du 21 août dernier semblent clairement relever de la même logique. Une nouvelle fois, de nombreux éléments conduisent à penser qu'il s'agit d'un montage total, d'une nouvelle campagne de grande envergure pour déstabiliser le régime :

    - le bombardement a eu lieu dans la banlieue de Damas, à quelques kilomètres du palais présidentiel. Or, nous savons tous que les gaz sont volatils et auraient pu atteindre celui-ci. L'armée syrienne n'aurait jamais fait cela sauf à vouloir liquider son président !

    - les vecteurs utilisés, présentés par la presse, ne ressemblent à aucun missile en service dans l'armée syrienne, ni même à aucun modèle connu. Cela pourrait confirmer leur origine artisanale, donc terroriste ;

    - de plus, des inspecteurs de l'ONU étaient alors présents à Damas et disposaient des moyens d'enquête adéquats pour confondre immédiatement le régime ;

    - les vidéos présentées ne prouvent rien, certaines sont même de grossières mises en scène ;

    - enfin, le régime, qui reconquiert peu à peu les zones tenues par la rébellion, savait pertinemment que l'emploi d'armes chimiques était une « ligne rouge » à ne pas franchir, car cela déclencherait immédiatement une intervention militaire occidentale. Dès lors, pourquoi aurait-il pris in tel risque ?

    Aucune preuve sérieuse n'a été présentée à l'appui la « culpabilité » de l'armée syrienne. Au contraire, tout conduit à penser que ce sont les rebelles qui ont utilisé ces armes, car contrairement à ce qui est avancé par la note déclassifiée publiée par le gouvernement français, les capacités chimiques des terroristes sont avérées :

    - en Irak (d'où proviennent une partie des djihadistes de la rébellion syrienne), les autorités ont démantelé début juin 2013 une cellule d'Al-Qaida qui préparait des armes chimiques. Trois laboratoires ont été trouvés à Bagdad et dans ses environs avec des produits précurseurs et des modes opératoires de fabrication de gaz sarin et moutarde ;

    - en Syrie, le Front Al-Nosra est suspecté avoir lancé des attaques au chlore en mars 2013 qui auraient causé la mort de 26 Syriens dont 16 militaires ;

    - pour sa part, Al-Qaida a procédé en 2007 une douzaine d'attaques du même type à Bagdad et dans les provinces d'Anbar et de Diyala, ce qui a causé la mort de 32 Irakiens et en a blessé 600 autres. En 2002, des vidéos montrant des expérimentations d'armes chimiques sur des chiens ont été trouvées dans le camp de Darunta, près de la ville de Jalalabad, en Afghanistan.

    Les errements de la politique étrangère française

    A l'occasion cet imbroglio politico-médiatique dans lequel ses intérêts stratégiques ne sont pas en jeu, le gouvernement français mène une politique incompréhensible pour nos concitoyens comme pour l'étranger.

    Depuis deux ans, la France, par le biais de ses services spéciaux, - comme d'ailleurs les Américains, les Britanniques et les Turcs - entraîne les rebelles syriens et leur fournit une assistance logistique et technique, laissant l'Arabie saoudite et le Qatar les approvisionner en armes et en munitions.

    Ainsi, la situation syrienne place la France devant ses contradictions. Nous luttons contre les djihadistes au Mali, après les avoir aidés à prendre le pouvoir à Tripoli - en raison de l'intervention inconsidérée de l'OTAN en Libye, en 2011, dans laquelle Paris a joué un rôle clé - et continuons de les soutenir en Syrie, en dépit du bon sens. Certes le régime de Bachar Al-Assad n'est pas un modèle de démocratie et il servait clairement les intérêts de la minorité alaouite, mais il est infiniment plus « libéral » que les monarchies wahhabites : la Syrie est un Etat laïque où la liberté religieuse existe et où le statut de la femme est respecté. De plus, il convient de rappeler que Damas a participé activement à la lutte contre Al-Qaïda depuis 2002. Pourtant, nous continuons d'être alliés à l'Arabie saoudite et au Qatar, deux Etats parmi les plus réactionnaires du monde arabo-musulman, qui, après avoir engendré et appuyé Ben Laden, soutiennent les groupes salafistes partout dans le monde, y compris dans nos banlieues. Certes, notre soutien aux agendas saoudien et qatari se nourrit sans nul doute de l'espoir de quelques contrats d'armement ou pétroliers, ou de prêts financiers pour résoudre une crise que nos gouvernants semblent incapables de juguler.

    Une question mérite donc d'être posée : la France a-t-elle encore une politique étrangère ou fait-elle celle du Qatar, de l'Arabie saoudite et des Etats-Unis ? Depuis la présidence de Nicolas Sarkozy la France aligne ses positions internationales sur celles des Etats-Unis et a perdu, de ce fait, l'énorme capital de sympathie que la politique du général de Gaulle - non ingérence dans les affaires intérieures des Etats et défense du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes - lui avait constitué.

    Si les élections de mai 2012 ont amené un nouveau président, la politique étrangère n'a pas changé. En fait, nous observons depuis plusieurs années la conversion progressive d'une partie des élites françaises  - de droite comme de gauche - aux thèses néoconservatrices américaines : supériorité de l'Occident, néocolonialisme, ordre moral, apologie de l'emploi de la force ...

    Surtout, un fait nouveau doit être mis en lumière : la tentative maladroite des plus hautes autorités de l'Etat de manipuler la production des services de renseignement afin d'influer sur l'opinion publique et de provoquer un vote favorable des parlementaires. Ce type de manœuvre avait été conduit par Washington et Londres afin de justifier l'invasion de l'Irak en 2003, avant d'être dénoncé. Onze ans plus tard, le gouvernement recourt au même artifice grossier et éculé pour justifier ses choix diplomatiques et militaires. Compte tenu de la faiblesse des arguments présentés dans la note gouvernementale - qui n'est pas, rappelons-le, une note des services -, celle-ci ne sera d'aucune influence sur la presse et l'opinion. En revanche, par sa présentation, elle contribue à décrédibiliser le travail des services de renseignement, manipulés à leur insu dans cette affaire.

    Le mépris des politiques français à l'égard des services est connu. Est-ce un hasard si cette affaire survient alors que l'actuel ministre des Affaires étrangères est celui-là même qui, en 1985, alors qu'il était chef du gouvernement, a fort élégamment « ouvert le parapluie », clamant son absence de responsabilité à l'occasion de l'affaire du Rainbow Warrior ?

    Une chose au moins est sûre : une remise à plat de notre position à l'égard de la Syrie et de notre politique étrangère s'impose, car « errare humanum est, perseverare diabolicum ».

    Eric Dénécé (Centre français de recherche sur le renseignement, 6 septembre 2013)

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  • A propos des troupes d'occupation mentale...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien avec Laurent Ozon, cueilli sur le site d'Avant-guerre, dans lequel il développe un point de vue incisif sur les journalistes des grands médias...

     

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  • Punir Bachar ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François Bernard Huyghe, à l'ironie mordante, cueilli sur son blog et consacré aux menaces occidentales contre la Syrie...

     

    Punir Bachar.JPG

     

    Punir Bachar ?

    Nous allons donc punir Bachar. Sans consentement de l'Onu (mais ce ne serait pas la première fois que les démocraties déclenchent une guerre sans l'accord des Nations Unies). Sans avoir vraiment examiné les preuves. Sans nous être demandés pourquoi un régime qui est responsable de cent mille morts et qui va peut-être gagner utilise un moyen  militairement inutile (terroriser les populations ? elles ne le sont pas au bout de deux ans ?) : il donne ainsi une légitimité aux puissances étrangères qui veulent appuyer la rébellion et un admirable prétexte aux partisans du principe néo-conservateur - frapper tous les tyrans pour déclencher un tsunami démocratique, naturellement pro-occidental.

    L'affaire semble entendue, et quand bien même les preuves manqueraient, cela démontrerait a fortiori l'ignominie de Bachar qui les dissimule (après avoir eu la stupidité de faire venir des inspecteurs des Nations Unies, qui se font tirer dessus par des snipers). C'est une application du principe des ADM : puisque personne ne peut les trouver, c'est que Saddam les dissimule, ce qui le rend encore plus coupable. CQFD.

    D'ailleurs Foreign Policy a produit des interception démontrant que les responsables du régime cherchent à dissimuler leur crime (tiens, cela ne vous rappelle rien ?). On voit donc que Prism contribue à sauver la démocratie et que ceux qui critiquent la NSA sont sans doute des partisans du gazage des populations civiles.

    Le président de la République nous a fort clairement expliqué la dialectique de la punition. Ou bien être complices ou bien agir, Ou bien supporter l'intolérable, ou bien sauver des populations civiles. Dit en ces termes, sauf à être un collabo pro-gazage, on voit mal ce que l'on pourrait objecter.

    Nous allons frapper. Sans doute avec des missiles de croisière. Pour des raisons techniques, la participation française sera fort modeste, mais nous trouverons peut-être une petite hachette made in France à joindre au Thomawaks d'Obama. Ce sera symbolique et cela permettra à nos ressortissants de jouir d'une aura de sympathie auprès des chiites du monde entier (15% des musulmans) qui comprendront que nous faisons cela pour leur bien.

    Comme Bachar est stupide (cf. plus haut), il a certainement groupé ses dépôts d'arme ou ses centres militaires dans le désert, loin de toute population civile, il n'y aura donc pas de victimes innocentes (pas plus que lors d'une frappe de drone démocratique, par exemple).

    Comme Bachar est menteur, la télévision de Damas ne manquera pas de produire des images d'enfants tués par les missiles démocratiques.

    Comme nous sommes intelligents nous comprendront qu'il s'agit de propagande (contrairement aux vidéos sincères et authentiques produites par l'opposition). Tiens, au fait, pourquoi ne pas bombarder la TV de Damas comme nous avons bombardé celle de Belgrade en 99 ?

    Comme le président Hollande (une guerre tous les huit mois) a bonne mémoire, il sait que :

      • En 1991 nous avons cru à l'armée irakienne qui était la quatrième du monde, aux couveuses débranchées et aux canons qui allaient tirer des obus au gaz sur Israël. Nous avons puni Saddam (pas assez pour l'empêcher de gazer des Kurdes après coup, mais puni quand même)
           
      • En 1999, nous avons cru au génocide des Kosovars, aux charniers que l'on allait découvrir et aux boucliers humains. Nous avons puni Milosevic et, au bout de quelques temps, confié les clefs du Kosovo à des gens parfaitement honorables (voir Kosovo: Une guerre juste pour créer un État mafieux, de Pierre Péan)
           
      • En 2003 nous avons un peu moins cru aux Armes de Destruction Massive de Saddam. Mais nos amis américains ont fait le travail quand même et l'Irak baigne dans un océan démocratique de paix et de bonheur.

    Comme le président sait cela, nous pouvons y aller de confiance. La punition ne renversera pas le régime de Bachar, certes,  mais cela l’amènera certainement à résipiscence. Il faudrait songer à une sorte de peine probatoire à la Taubira pour les dictateurs. Bachar n'osera plus frapper des civils (par peur des représailles), ni des militaires (par peur qu'ils se défendent) : c'est tout bénéfice.

    Allez, on y va ! Mais surprise : le président Obama se met à freiner des quatre fers ! Le voilà qui déclare : "Un engagement direct militaire des États-Unis.. ne serait pas bénéfique pour la situation sur le terrain... (cela) ne résoudra pas tous les problèmes de la Syrie. Évidemment, cela ne mettra pas fin aux morts de civils innocents en Syrie."
    Et si Obama ne doute pas que Assad a "recours à des armes chimiques à grande échelle contre son propre peuple, contre des femmes, des bébés, des enfants", il en tire pour conséquence "qu'il crée une situation dans laquelle les intérêts nationaux américains sont affectés et qu'il faut que cela cesse". C'est dit de façon assez indirecte. Ce n'est pas exactement un ultimatum ou l'annonce de l'Apocalypse pour dans la soirée. Le président Obama a-t-il réfléchi ou n'a-t-il pas le mâle courage du notre ?

    Comme il est utile que nos lecteurs puissent mesurer les progrès de l'esprit humain en presque un siècle nous terminerons en leur rappelant un texte classique que nous avions déjà signalé

    Ce sont les dix règles établies par lord Ponsonby en 1918 :

    "Il faut faire croire :

    1. que notre camp ne veut pas la guerre ;

    2. que l'adversaire en est responsable ;  

    3. qu'il est moralement condamnable ;  

    4. que la guerre a de nobles buts ;

    5. que l'ennemi commet des atrocités délibérées (pas nous) ;

    6. qu'il subit bien plus de pertes que nous ; 

    7. que Dieu est avec nous

    8. que le monde de l'art et de la culture soutient notre combat ;

    9. que l'ennemi utilise des armes illicites (pas nous) ;

    10. que ceux qui doutent de ces neuf premiers points sont soit des traîtres, soit des victimes des mensonges adverses (car l'ennemi, contrairement à nous qui informons, fait de la propagande).

     

    François- Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 29 août 2013)

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