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europe - Page 138

  • Eléments pour la civilisation européenne !

    “La lutte de l’avenir n’opposera plus la droite et la gauche, le socialisme et le libéralisme mais les forces identitaires d’enracinement qui défendent la cause des peuples – de tous les peuples…”

    Alain de Benoist

     

     

     

    La revue Eléments est à la pointe du combat pour la civilisation européenne depuis près de 40 ans !

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  • Les héros ne sont pas fatigués !...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte d'Alain de Benoist, publié en novembre 1978 dans le Figaro magazine et consacré à l'idéal héroïque.

     

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    LES HEROS NE SONT PAS FATIGUES

     

    La guerre de 1914-1918 : vingt-et-un million de morts. La Seconde Guerre mondiale : au moins quarante millions. Les hécatombes peuvent inspirer des sentiments divers. Tout dépend des valeurs auxquelles on se réfère. Tous les hommes tombés à la guerre n’étaient certes pas des héros. Tous n'étaient pas partis au front pour « se faire une âme », comme dit Montherlant. Mais leur sacrifice collectif n’en est pas moins une leçon d’héroïsme. Les faits, après tout, prennent leur sens selon la perspective dans laquelle on les place. Et dans notre histoire, l'héroïsme, forme d'exemplarité poussée jusqu’à ses dernières limites, a pendant des siècles été constamment admiré. Qu'au pays de Voltaire, il y ait aussi des esprits hypercritiques pour en sourire, tant pis ! L'ironie est la forme française de l'impuissance.

    Ce qui distingue le héros du marchand, disait Werner Sombart, c'est que le premier cherche toujours ce qu'il peut donner à la vie tandis que le second recherche ce qu'il peut en retirer. Le héros, cependant, retire lui aussi quelque chose de ses actes. Il en retire une certaine conformité à l'idée qu'il se fait de lui-même, en même temps qu'un agrandissement de soi. Chez le héros, le Moi de la conscience n'étouffe jamais complètement le Moi vital. Tout héros pense comme Goethe : au début était l'action. Les récits héroïques sont essentiellement dynamiques : jaillissements permanents d'expressions et d'images. Dans un monde toujours inapte à totalement satisfaire, l'acte d'héroïsme apparaît comme une révolte. Le héros, par ses actes, cherche à se donner une forme, à se donner une âme, à passer du statut d'individu à celui de personne. Soumis à la fatalité, il la défie pourtant. Et par cette contradiction, il se transfigure, se dépasse et s'atteint en même temps.

    L'héroïsme n'est pas seulement un don de soi. La liberté pour mourir est aussi une liberté pour vivre – sous-tendue par les mêmes raisons. Ainsi que l'a remarqué Philippe Sellier (Le mythe du héros, Bordas, 1970), l'acte d'héroïsme traduit fondamentalement un « désir d'être dieu ». Il n'y a pas de transformation du monde qui ne repose d'abord sur un dépassement de soi. Le héros constitue un trait d'union incessant entre des dieux et des hommes qui se sont mutuellement conçus à leur image. Le héros n'est pas un homme-dieu, mais un demi-dieu, un homme divin : « le divin Achille », répète Homère. Tout homme qui se dépasse participe lui aussi de la divinité, devient porteur d'une étincelle divine. L'abondance des héros dans l'antiquité gréco-romaine et celto-germanique va de pair avec la multiplicité des dieux.

    Achille, Hector, Enée, Léonidas, Goliath, Siegfried, Heraklès, Roland, Rodrigue, Arthur ou Lancelot : dans une certaine mesure, la vraie religion de l'Europe, c'est ce « culte des héros » évoqué par Carlyle au siècle dernier, dans un ouvrage (Les héros. Le culte des héros et l'héroïque dans l'histoire, 1840) qui s’employait à tracer une trajectoire depuis Odin jusqu'à Napoléon. L'histoire universelle, disait Carlyle, repose sur des « biographies de héros ». C'est que l'exemplarité de ses « travaux » fait du héros une figure populaire, une figure qui parle immédiatement à un peuple dont elle incarne les aspirations inconscientes et les sentiments collectifs. L'épopée antique, dont Georges Dumézil, élu tout récemment à l'Académie française, a montré toute l'importance dans le développement des cultures indo-européennes (Mythe et épopée, 3 vol., Gallimard, 1968-77), n'est rien d'autre que l'expression d'une structure mentale axée sur des valeurs héroïques.

    On connaît la fraternité des anciens combattants. Seule l'adhésion aux valeurs héroïques permet d'éviter le moralisme totalitaire, car seule elle permet d'estimer l'adversaire par-delà ce qui peut séparer de lui. Il fut un temps où l'on ne se battait bien que contre ceux qu'on estimait : telle fut l'origine du duel. D'où la notion de « fraternel adversaire » : séparés par des idées ou des frontières, des hommes se reconnaissent lorsqu'ils adoptent le même style, se rallient aux mêmes valeurs. Un ennemi reste un frère quand il vit au même niveau que nous. Quand Achille tue Lycaon, il lui dit : Alla, philos !, « Meurs, ami ! » Ce sont les idéologies modernes, prenant le relais des anciennes religions dogmatiques, qui ont exigé qu'on haïsse l'adversaire. Comment aurait-on pu, sans cela, être pacifiste et se battre ? Pour combattre des hommes quand on se déclare « humaniste », il faut leur dénier leur humanité, les réduire au statut de « non-hommes » : dès lors, contre eux, tout est permis.

    L'Europe a fait sien pendant des siècles le mot de Sénèque : « Vivre est le fait d'un guerrier ». Mais l'héroïsme déclenchait déjà les sarcasmes de Pascal et d'Augustin. Aujourd'hui, à nouveau, on semble ne plus croire aux « grands hommes » – quitte à se dire disciples de Marx, de Freud ou de Mao. Ce n'est d'ailleurs pas un mince paradoxe que le socialisme ait si souvent rencontré l'idéal héroïque, alors que l'esprit petit-bourgeois l'a toujours dédaigné : le désir de sécurité à tout prix a gommé l'esprit héroïque plus sûrement que les révolutions, qui l’ont au contraire entretenu.

    Ce n'est probablement qu'une apparence. L'héroïsme répond à un besoin éternel de l'âme européenne (et de ce point de vue, l'hostilité moderne au héros dissimule d'évidence une hostilité plus générale à un système de valeurs spécifiquement européen). Bachelard rappelait que « l'imagination est toujours jeune ». Drieu La Rochelle et Romain Rolland, Saint-Exupéry et Malraux ont continué en ce siècle d'exalter la grandeur. Non, les héros ne sont pas fatigués, c'est le monde qui s'est provisoirement lassé d'eux. Les demi-dieux se sont réfugiés dans l’inconscient des peuples, dans l'imagination populaire. Ils attendent leur heure, sûrs de leur retour, comme les chevaliers d'Arthur dans les brumes d'Avalon – l'« île des pommes » de la légende celtique – ou ceux de Barberousse dans les forêts sauvages du Kyffhäuser. 

    Alain de Benoist (Le Figaro Magazine, 10 novembre 1978)

     

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  • Quelques réflexions sur l'islamisation de la France...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue intéressant de Thierry Mudry sur l'islamisation de la France, publié sur Realpolitik.tv. Avocat, Thierry Mudry est un spécialiste de la géopolitique des Balkans, et est , notamment, l'auteur de Histoire de la Bosnie-Herzégovine (Ellipse, 1999) et de Guerres de religions dans les Balkans (Ellipse, 2005).

     

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    Quelques réflexions sur l'islamisation de la France
    La visibilité sociale accrue de l’Islam en France, avec la multiplication des lieux de culte musulmans, l’accroissement du nombre des femmes voilées, l’apparition du voile intégral, la prolifération des restaurants servant exclusivement de la nourriture halal, etc., suscite un évident et bien compréhensible malaise chez nombre de Français non musulmans qui voient leur paysage familier transformé par cette nouvelle donne. Ce malaise est manifeste aussi chez certains Français d’origine musulmane qui ne souhaitent pas que la France reproduise un modèle d’outre-Méditerranée que leurs parents ou eux-mêmes ont laissé sans regret derrière eux.

    La visibilité sociale accrue de l’Islam a conduit beaucoup à évoquer une « islamisation » de la France. Mais deux questions se posent ici.

    Peut-on parler d’une véritable islamisation, en ce que cette visibilité de l’Islam traduirait son influence grandissante, religieuse, voire politique, en France ? Deuxième question : les musulmans eux-mêmes sont-ils à l’origine de ce phénomène d’islamisation ?

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    Du fait de la poursuite de l’immigration qui s’est transformée, comme l’a observé Hervé Juvin, en « immigration de peuplement », le nombre de musulmans tend bien évidemment à s’accroître chaque année en France.

    Pour autant, il convient de distinguer ces deux réalités que sont l’immigration et l’islamisation.1

    En effet, tous les immigrés ne sont pas musulmans, loin s’en faut. Une partie non négligeable d’entre eux provient de l’Extrême-Orient ou de l’Afrique sub-saharienne, chrétienne et animiste. D’autre part, l’immigration musulmane elle-même ne relève bien évidemment pas d’un projet pan-islamiste de conquête de l’Europe, mais bien plutôt de la volonté séculaire du patronat français de disposer sur place d’une main d’œuvre bon marché, et de la volonté des immigrés de trouver en France, pour eux-mêmes et leur famille, des conditions de vie meilleures que dans leur pays d’origine.

    En outre, les citoyens ou les résidents français d’origine musulmane sont loin d’être tous pratiquants, voire croyants, et, dans l’immense majorité des cas, leur pratique religieuse, alignée sur les traditions familiales, se limite à consommer de la viande halal (ou, à tout le moins, à ne pas manger de porc) et à observer, plus ou moins rigoureusement, le jeûne du ramadan . Selon un sondage CSA réalisé pour l’hebdomadaire catholique La Vie du 17 avril au 30 août 2006, 88% des musulmans de France affirmaient faire le ramadan2, 43% faire les cinq prières quotidiennes, 20% lire le Coran au moins une fois par semaine, 17% aller à la mosquée au moins une fois par semaine, et 4% être déjà allés à La Mecque. Il convient de préciser que ce sondage a été réalisé auprès de personnes se déclarant de confession musulmane, ce qui exclut les personnes d’origine musulmane qui s’affirment incroyantes ou qui adhèrent à un credo religieux non musulman, dont la proportion reste à déterminer !

    Plutôt que d’une islamisation « en profondeur », sans doute convient-il de parler ici d’une islamisation apparente. Cette dernière n’est toutefois pas innocente et sans portée comme l’a montré l’exemple de la Bosnie-Herzégovine, dont le paysage rural et urbain s’était ré-islamisé à partir des années de la fin des années 1960 avec la construction massive de mosquées et de lieux de culte musulmans financée par les pays arabes avec l’assentiment des dirigeants communistes locaux3.

    Le renouveau symbolique de l’Islam en Bosnie-Herzégovine servait la politique étrangère de la Yougoslavie titiste, qui avait pris la tête du mouvement des non-alignés et se montrait soucieuse de se ménager l’appui diplomatique des Etats musulmans.

    Mais, alors même que les nouvelles mosquées étaient fort peu fréquentées, au grand dam des autorités islamiques locales, cette ré-islamisation du paysage bosniaque favorisa une polarisation identitaire de la société qui s’avéra plus tard lourde de conséquences.

    Au bout du compte, peut-on parler d’une influence religieuse grandissante de l’Islam en France ? Cela reste à prouver : la multiplication des mosquées est, en effet, moins le signe du dynamisme de l’Islam en France que celui de son atomisation, les pratiquants se répartissant en associations cultuelles distinctes, qu’il n’est pas abusif de qualifier pour certaines de « sectes », s’opposant vivement sur l’interprétation du corpus islamique.

    En revanche, le poids politique de l’Islam se fait sentir en France, quoi qu’indirectement, avec le Conseil français du culte musulman, volontiers consulté par le pouvoir politique, au même titre toutefois que les représentants des autres confessions de France, chrétiennes et juive.

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    Cette visibilité sociale, ce poids accrus de l’Islam en France sont-ils imputables aux musulmans eux-mêmes ? Ne sont-ils pas plutôt le fait de l’État français, des collectivités publiques et des grandes entreprises, qui manifestent ainsi un parti-pris idéologique en faveur du multiculturalisme (ou de « la diversité », pour reprendre le jargon en vigueur) – un parti-pris favorable qui ne s’étend toutefois pas aux cultures et aux langues régionales – et la volonté de contrôler, ou d’encadrer, les nouvelles populations implantées en France?

    Notons d’abord que le Conseil français du culte musulman créé en 2003 à l’instigation des autorités françaises, en particulier de Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur chargé des cultes, n’apparaît guère représentatif de la population musulmane de France. Ses membres sont d’ailleurs élus par un collège électoral restreint composé de délégués des associations cultuelles largement soumises à l’influence des Etats étrangers (Algérie, Maroc et Turquie surtout) et des groupes proches des Frères musulmans.

    En outre, si l’État et les collectivités publiques ne peuvent financer le culte musulman, il apparaît que les communes, depuis plusieurs années, interviennent largement dans la création de lieux de cultes, à travers notamment les subventions accordées aux associations culturelles musulmanes (ces dernières servant de support aux associations cultuelles) ou la mise à disposition de locaux, ou de terrains concédés parfois sous la forme de baux emphytéotiques. Il est certes tout à fait normal que des lieux de culte musulmans puissent voir le jour, mais on constate que les largesses publiques bénéficient bien souvent à de petites minorités activistes au sein de la population musulmane.

    Précisons ici que, contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les musulmans qui éprouvent le plus de difficultés à ouvrir des lieux de culte en France, mais certaines églises chrétiennes, en particulier les églises évangéliques, celles-ci se heurtant à l’hostilité affichée des municipalités communistes de la banlieue parisienne. La journaliste Stéphanie Le Bars soulignait dans Le Monde que « de nombreux responsables d’églises évangéliques, dont la vitalité ne se dément pas, notamment en région parisienne, rencontrent des difficultés pour offrir à leurs fidèles des « lieux de culte dignes ». A la recherche d’entrepôts ou de cinémas désaffectés, ils passent d’une localité à l’autre, parfois pendant plusieurs années, avant de trouver un point de chute. « Lorsqu’elles visent un local, les communautés évangéliques se heurtent souvent au droit de préemption des mairies ou à leur refus de changer la destination des locaux » ». « Comparativement, les musulmans jouissent désormais d’une relative facilité pour ouvrir une salle de prière ou une mosquée. Si des besoins demeurent en termes de surface, notamment, « l’islam des caves » est en passe de disparaître. « Un lieu de culte ouvre en moyenne par semaine », indique M. Leschi [alors chef du bureau des cultes au ministère de l'Intérieur]. Plus de 2000 lieux de culte musulman fonctionnent aujourd’hui. Et les responsables musulmans le reconnaissent eux-mêmes, il est devenu électoralement payant pour un élu d’assister à la pose de la première pierre d’une mosquée ».4

    Quant aux grandes entreprises, en accordant des salles de prière sur le lieu de travail, des aménagements des horaires de travail en fonction des fêtes religieuses et des repas halal à leurs employés, sans même que des exigences dans ce sens aient été formulées par leurs employés musulmans ou par une majorité de ceux-ci, elles entendent clairement développer une stratégie « identitaire » de gestion des ressources humaines dans le droit fil du multiculturalisme ambiant.

    C’est là qu’il apparaît clairement que l’islamisation de la France, voire de l’Europe, s’accorde parfaitement avec leur américanisation, avec la transposition locale du modèle américain.

    Il n’y a à cela rien d’étonnant quand on sait que, loin d’être nécessairement hostile aux États-Unis, l’Islam, dans certaines de ses expressions dont la Turquie de l’A.K.P., la fraction moderniste des Frères musulmans et les Etats du Golfe offrent l’exemple le plus éclairant5, peut se révéler parfaitement américano-compatible, géopolitiquement et économiquement parlant, et même sur le plan civilisationnel, ainsi qu’en témoignent la reconnaissance et l’approbation par ces courants islamistes de l’hégémonie états-unienne, leur adhésion au néo-libéralisme mondialisé décrit comme profitable aux élites musulmanes, et leur promotion du consumérisme de masse à peine amendé par quelques interdits alimentaires et prescriptions vestimentaires.

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    L’ampleur de la responsabilité des décideurs politiques et économiques français dans ce phénomène d’« islamisation » se donne également à voir dans des cas particuliers, apparemment anodins, tirés du quotidien. On évoquera ici, pour illustrer notre propos
    - celui des Quick halal, et
    - celui de l’abattage rituel des animaux de boucherie.

    La chaîne de restauration Quick a décidé, au début de l’année 2010, de bannir toute viande de porc dans huit de ses établissements et de ne servir à la clientèle de ces établissements que de la viande de bœuf halal. Leur nombre a été porté quelques mois plus tard à 22. Mais la qualité halal des produits vendus a été partiellement mise en doute par les mosquées de Paris et d’Evry, qui se livraient, semble-t-il, à une féroce concurrence sur le marché de la certification, et par les rédacteurs du site internet Al Kanz voué à la défense des consommateurs musulmans.

    Cette stratégie du tout halal a été initiée par Quick dans le but de séduire les banlieues mais également (et surtout) de conquérir le marché nord-africain.

    Il n’est pas indifférent de savoir que le capital de Quick appartient pour 95% à la Caisse des dépôts et consignations, personne morale de droit public dont la mission est définie par le code monétaire et financier.

    On voit donc que l’État, à travers la Caisse des dépôts et consignations, joue un rôle majeur dans un processus d’islamisation, dont l’authenticité est cependant contestée par les musulmans eux-mêmes.

    Une directive européenne du 18 novembre 1974 avait imposé le principe de l’étourdissement des animaux de boucherie avant leur abattage. Ce principe, repris dans une directive du 22 décembre 1993, connaissait cependant une dérogation, fondée sur le respect de la liberté de religion: celle de l’abattage rituel.

    Les dispositions de ces directives ont été transposées dans le droit français, et incluses dans le code rural, où figurent également les dispositions prévoyant l’exception de l’abattage rituel.

    Cependant, le Rapport d’enquête sur le champ du halal, rendu en septembre 2005 par le Comité permanent de coordination des inspections, relevait (page 33) que « l’abattage sans étourdissement préalable tend à devenir la norme pour certaines espèces ». « En France, 80% des ovins, 20% des bovins et 20% des volailles seraient abattus selon le rite halal ».

    L’existence d’une telle dérive a été confirmée par la direction générale de l’alimentation du ministère de l’Agriculture en 2007 et par le ministre de l’Agriculture lui-même dans sa réponse à la question posée à ce sujet par le député du Nord Christian Vanneste en 2009. Les enquêtes de terrain de l’Oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs réalisées ces dernières années montrent l’ampleur de cette dérive, l’abattage rituel concernant, selon les constatations faites, 62% des ovins et caprins tués en abattoirs, 43% des veaux et 28% des gros bovins (en 2006 et 2007).

    L’abattage sans étourdissement présente un double attrait aux yeux des entrepreneurs de la filière: il est plus économique, et il permet de pouvoir exporter de la viande vers des pays musulmans. Un tel attrait justifie pour eux qu’on puisse en imposer, sans les informer, la consommation à des non musulmans en France.

    Les législations européennes et françaises sont ainsi bafouées dans les abattoirs français, avec l’assentiment du ministre de l’Intérieur, supérieur hiérarchique des préfets compétents pour délivrer les agréments aux activités d’abattage des animaux, et du ministre de l’Agriculture, supérieur hiérarchique des directeurs départementaux des services vétérinaires chargés de contrôler les abattoirs.

    Mettant en avant la complicité de ces ministres dans ces violations du code rural, qui pouvaient également tomber sous le coup de l’article 521-1 du code pénal punissant la cruauté envers les animaux, Brigitte Bardot avait saisi d’une plainte dans ce sens la Cour de justice de la république en février 2011. Mais cette dernière n’a pas voulu y donner suite.

    Là encore, la responsabilité des dirigeants politiques et économiques dans la généralisation de l’abattage rituel (que beaucoup de musulmans disent à juste titre conditionnée par des impératifs de rentabilité et non par des motifs religieux) est sans commune mesure avec celle des musulmans eux-mêmes.

    On voit bien que, si islamisation de la France il y a, celle-ci, même si elle répond aux vœux d’une minorité des musulmans, est essentiellement le résultat de l’action des décideurs – des décideurs non musulmans.

    Thierry Mudry (Realpolitik.tv, 5 septembre 2011)

     

    1 – S’agissant des problèmes liés à l’immigration, le lecteur se reportera aux analyses d’Hervé Juvin et aux propositions qu’il formule sur ce site (Realpolitik.tv).

    2 – En revanche, le port du voile, en particulier du voile intégral, marque plutôt une rupture avec les traditions familiales. Il répond, chez les femmes qui l’assument, à des motivations complexes, et procède le plus souvent d’un choix individuel, volontiers provocateur (cf. Raphael Liogier, « L’islamophobie, symptôme de la décadence européenne », article paru sur le site de l’Observatoire du religieux : www.world-religion-watch.org.)

    3 – La Bosnie-Herzégovine comptait 969 mosquées et lieux de culte musulmans en 1960. Elle en comptera 1437 en 1970 et 1661 en 1976 (Cf. Thierry Mudry, Histoire de la Bosnie-Herzégovine. Faits et controverses, Paris, Ellipses, 1999, p. 217-218).

    4 – « Les évangéliques, en plein essor, peinent à trouver des lieux de culte », in Le Monde, 8 mars 2007.5 – On lira sur la Turquie les articles de Tancrède Josseran. Il faut cependant souligner que l’Islam, pluriel par essence, est loin d’être uniformément américano-compatible.

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  • La crise nous interpelle !...

    Hervé Juvin analyse dans cet chronique donnée à Realpolitik.tv au cours du mois d'août 2011 les derniers rebondissements de la crise. Il évoque notamment la mise en oeuvre, au travers de la crise financière, d'une stratégie indirecte de démolition de l'euro et de l'union européenne... Intéressant, comme toujours !...

     


    Hervé Juvin : "la crise nous interpelle" par realpolitiktv

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  • De Gaulle et l'Allemagne...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte d'Alain de Benoist, publié en janvier 1979 dans le Figaro magazine et consacré au général De Gaulle et à sa politique à l'égard de l'Allemagne.

     

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    EUROPE : DE GAULLE ET L’ALLEMAGNE

     

    « Non à l'Europe allemande ! » : c'est le thème de la campagne anti-européenne que mène actuellement le parti communiste, suivi par un certain nombre de membres du RPR. Le PC dénonce l’« Europe allemande » comme Drumont dénonçait la « France juive ». Et certains ne se cachent pas de vouloir « casser du Boche ». Les partis chauvins rêvent visiblement d'une Allemagne affaiblie, comme le fut l'Allemagne de Weimar après le Diktat de Versailles – dont Hitler sut si bien tirer parti. Mais l’étonnant, dans cette affaire, est que ces adversaires d'une prétendue « Europe allemande » n'hésitent pas à se réclamer de l'exemple du général de Gaulle, auquel ils prêtent d'emblée des sentiments anti-allemands et anti-européens.

    Or, en ce domaine, comme en bien d'autres, les vues du Général n'ont pratiquement jamais changé. De Gaulle a toujours considéré que le but à atteindre était l'« unité de l'Europe », que celle-ci résulterait de l’« association organisée de ses peuples, depuis l'Islande jusqu'à Istamboul et de Gibraltar à l'Oural », et qu'une telle association aurait pour épine dorsale l'alliance privilégiée de la France et de l'Allemagne.

    Dès avril-mai 1945, voyageant outre-Rhin, le Général constate la tragédie allemande, la famine, le désespoir, les destructions massives. « Je sentais, dira-t-il, se serrer mon cœur d'Européen, je sentais s'atténuer dans mon esprit la méfiance et la rigueur. Même, je croyais apercevoir des possibilités d'entente que le passé n'avait jamais offertes ». Quatre ans plus tard, il proclame : « La raison exige qu'il y ait un jour moyen d'établir entre le peuple allemand et le peuple français une entente pratique et directe ».

    Il s'y emploiera dès son retour au pouvoir. A l’issue de ses entretiens avec Adenauer, les 14 et 15 septembre 1958, à Colombey-les-deux-Eglises, il déclare : « Ce doit être fini à jamais de l'hostilité d'autrefois […] Nous avons la conviction qu'une coopération étroite entre la République fédérale d'Allemagne et la République française est le fondement de toute œuvre constructive en Europe ». L'année suivante, le 25 mars 1959, il répète : « La haine ne doit plus exister entre les deux peuples. Mieux même, elle doit faire place à l'amitié ». Et de rappeler que la réunification de l'Allemagne – « destin normal du peuple allemand » – est la condition même de la réunification de l'Europe entière.

    En butte à l'hostilité de certains de ses partenaires, qui ne comprennent pas sa position réservée à l'endroit de l'Angleterre, de Gaulle décide d'aller de l'avant et de « donner l'exemple », en proposant à Adenauer la constitution d'une Europe autonome à direction franco-allemande. Ce sera, déclare-t-il le 31 mai 1960, le socle de « cette Europe d'Occident, qui fut jadis le rêve des sages et l'ambition des puissants »… Dès le mois de juillet, les troupes françaises et allemandes défilent de concert au camp de Mourmelon.

    Le 2 juillet 1962, le général de Gaulle tire un trait sur un passé où les responsabilités furent partagées : « L'Allemagne et la France, en cherchant à s'imposer réciproquement leur domination pour l'étendre ensuite à leurs voisins, poursuivaient chacune pour son compte le vieux rêve de l'unité qui, depuis quelque vingt siècles, hante les âmes sur notre continent ». La même tendance qui opposait hier les deux pays, ajoute-t-il, pourrait demain les associer.

    Au mois de septembre de la même année, l'Allemagne, unanime, fait au Général un accueil triomphal. Le 4, saluant les élèves-officiers de l'école de guerre de Hambourg, de Gaulle leur déclare que la coopération franco-allemande constituera « la base d'une Europe dont la prospérité, la puissance, le prestige égaleront ceux de qui que ce soit ». Le 9, à Ludwigsburg, il s'adresse à la jeunesse : « Je vous félicite d'être de jeunes Allemands, c'est-à-dire les enfants d'un grand peuple. Oui ! d'un grand peuple ! qui parfois, au cours de son histoire, a commis de grandes fautes et causé de grands malheurs condamnables et condamnés. Mais qui, d'autre part, répandit de par le monde des vagues fécondes de pensée, de science, d'art, de philosophie, enrichit l'univers des produits innombrables de son invention, de sa technique et de son travail, déployant dans les œuvres de la paix et dans les épreuves de la guerre des trésors de courage, de discipline, d'organisation. Sachez que le peuple français n'hésite pas à le reconnaître, lui qui sait ce que c'est qu'entreprendre, faire effort, donner et souffrir ». « La base sur laquelle peut et doit se construire l'union de l'Europe, répète-t-il, le plus solide atout de la liberté du monde, c'est l'estime, la confiance, l'amitié mutuelle du peuple français et du peuple allemand ».

    Le 18, parlant au nom de la France, de Gaulle propose au gouvernement de Bonn la création d'une étroite union politique, culturelle et militaire. « Il y a une solidarité entre l'Allemagne et la France, déclare-t-il à cette occasion. De cette solidarité dépend la sécurité immédiate des deux peuples. Il n'y a qu'à regarder la carte pour en être convaincu. De cette solidarité dépend tout espoir d'unir l'Europe dans le domaine politique et dans le domaine de la défense, comme dans le domaine économique. De cette solidarité dépend, par conséquent, le destin de l'Europe tout entière depuis l'Atlantique jusqu'à l'Oural ».

    Dès lors, la voie était tracée. Elle aboutit à la signature, le 22 janvier 1963 à l'Elysée, du traité franco-allemand d'amitié et de coopération, qui allait servir de cadre aux relations entre les deux pays. Viendront ensuite l'Office franco-allemand pour la jeunesse, le Comité franco-allemand de coopération économique et industrielle, les jumelages de villes, les premiers « sommets » franco-allemand, etc.

    Reçu par le chancelier Ehrard, le 11 juin 1965, le général de Gaulle déclare : « Nous entreprenons, vous et nous, la construction de l'Europe occidentale. Ah, quelle cathédrale ! Eh bien, cette cathédrale, elle a une fondation et une fondation nécessaire, c'est la réconciliation de l'Allemagne et de la France. Elle a des piliers ou elle aura des piliers, et ces piliers, c'est la Communauté économique européenne qui doit les constituer. Et puis, quand ce sera fait, il y aura à placer les arceaux et le toit, c'est-à-dire la coopération politique. Et qui sait, quand nous aurons abouti, peut-être aurons-nous pris goût à bâtir de tels monuments, et peut-être voudrons-nous alors, et pourrons-nous alors, construire une cathédrale encore plus grande et encore plus belle, je veux dire l'union de l'Europe tout entière ! »

    Le général de Gaulle voulait l'Europe. Mais pas n'importe laquelle. Il s'agit, disait-il, de réunir tous les États européens afin d'en faire « l'une des trois puissances planétaires et, s'il le faut, un jour, l'arbitre entre les camps soviétique et anglo-saxon ». Dans cette perspective, pensait-il, la seule façon de prémunir les Allemands contre l’obédience « atlantiste » consiste, d'abord à leur offrir une « alternative » – l'alliance avec la France – et, ensuite, à faire d'eux des partenaires à part entière : « Pour faire l'Europe, il faut ancrer l'Allemagne. Elle est la base de l'Europe. Sinon, l'Europe partira à la dérive ». Comment s’étonner en effet qu’une Allemagne que l’on mettrait « à l’index » aille chercher ailleurs les garanties de son existence et de sa sécurité ?

    Cette idée et cette conviction, constamment réaffirmées par le général de Gaulle, beaucoup de gaullistes semblent aujourd'hui l'avoir oubliée. C'est en revanche Michel Poniatowski, dans L'avenir n'est écrit nulle part (Albin Michel, 1978), qui souligne : « Il est contradictoire de faire reproche à l'Allemagne de s'en remettre aux Etats-Unis des moyens d'assurer sa sécurité et, en même temps, de prétendre l'empêcher d'acquérir ou de participer aux moyens d'une défense autonome ». Loin d’être conforme à la pensée du Général, la campagne anti-allemande qui se développe aujourd'hui remet en question tout un acquis de l'héritage gaullien.

    Alain de Benoist (Le Figaro magazine, 6 janvier 1979)

     

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  • La Turquie : un modèle pour les pays arabes ?...

    Nous reproduisons ci-dessous l'éditorial du dernier numéro de la revue Eléments (n°140, juillet septembre 2011), signé comme toujours par Robert de Herte (alias Alain de Benoist).

    Il est possible de se procurer ce numéro en kiosque ou sur le site internet de la revue où il est, par ailleurs, possible de s'abonner.

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    Le modèle turc

    Personne n'avait prévu le « printemps arabe », mais on l'a beaucoup commenté. On a glosé sur la « chute des dictatures», l'aspiration à la liberté de peuples enfin redevenus maîtres de leur destin. On a insisté sur l'importance des questions économiques et sociales, sur lesquelles les Occidentaux étaient jusque là restés aveugles. On a prédit un « retour à la démocratie», celle-ci étant évidemment conçue sur le modèle occidental. On a dit enfin que les Américains seraient désormais obligés de prendre en compte la « rue arabe », dont ils se moquaient totalement jusque là. Tout cela reste à vérifier.

    Ce qui est vrai, c'est que les Tunisiens et les Égyptiens ne supportaient plus le pillage de l'État par les cartels et les clans familiaux au pouvoir, le despotisme et l'autoritarisme sans bornes des dirigeants politiques, la corruption généralisée et le détournement des biens communs. Mais le peuple a-t-il bien été l'acteur principal de ces manifestations de colère? Les révoltes ont été fortement citadines et bourgeoises, peu ouvrières ou paysannes. C'est plutôt à des « émeutes de la frustration" (Olivier Roy) que l'on a assisté. Et le facteur décisif a été l'appui de l'armée, appui si net que l'on peut se demander si les « révolutions populaires» n'ont pas été aussi des coups d'État militaires déguisés.

    On ne doit pas non plus se dissimuler les profondes différences de situation qui continuent d'exister dans le monde arabe. Le fait le plus marquant est la disparition des mouvements se réclamant d'un nationalisme laïc, à la façon du socialisme national d'un Gamal Abdel Nasser ou du baasisme syro-irakien. Dès les années 1950 et 1960, les États-Unis, qui s'inquiétaient de leurs positions" prosoviétiques », se sont employés à les faire reculer au profit de mouvements islamistes jugés moins dangereux. Le soutien apporté aux extrémistes islamistes lors de l'occupation russe de l'Afghanistan, puis la promotion active du salafisme et du wahhabisme séoudien par les monarchies pétrolières du Golfe, enfin l'élimination du régime laïc de Saddam Hussein, ont représenté les étapes principales de cette politique. Les islamistes se sont ensuite, dans certains cas, retournés contre leurs protecteurs, mais le nationalisme laïc n'est pas réapparu.

    L'ancien islamisme, cependant, ne fait plus recette non plus. Contrairement à ce que certains prédisaient, les islamistes n'ont d'ailleurs pas été à la pointe du mouvement du printemps dernier. Certes, dans les sociétés arabes, l'affirmation identitaire reste profondément liée à la pratique religieuse et à la dimension sociale de l'islam. Mais c'est à un islam différent qu'elles se réfèrent désormais. Un islam délivré du vocabulaire halluciné de l'espérance eschatologique du djihadisme comme du littéralisme wahhabite. La nouvelle génération veut moins un islam politique qu'une islamisation conservatrice de la société. Elle reste fermement musulmane, mais elle a aussi constaté l'échec du néofondamentalisme, que ce soit en Arabie séoudite ou en Iran. Ben Laden n'est plus depuis longtemps un modèle et les Frères musulmans, en Égypte, sont eux-mêmes des conservateurs-libéraux, adeptes de valeurs conservatrices et d'un « islam de marché».

    Le concept d'État islamiste n'étant plus à l'ordre du jour du jour, c'est la voie turque qui se profile à l'horizon. Le pays qui sert désormais de référence, c'est en effet la Turquie d'Erdogan et le parti islamique modéré qui dirige ce pays depuis huit ans. Proche à la fois de la Syrie et de l'Iran, laTurquie, dont le poids au Moyen-Orient n'a cessé de croître depuis qu'elle a pris ses distances vis-à-vis de l'Amérique et affiché son hostilité à l'encontre de la politique israélienne, apparaît comme un exemple de mariage réussi entre islam et démocratie, tandis que le redéploiement « néo-ottoman» («touranien ») de sa diplomatie aujourd'hui sortie de son ancienne tutelle militaire, inquiète les chancelleries occidentales.

    Les États-Unis s'intéressent d'abord aux retombées du réveil arabe sur l'ordre géopolitique. Hosni Moubarak était, avec Israël, un pilier de leur politique régionale depuis trente ans. La Tunisie de Zine el-Abbidine Ben Ali leur était favorable, tout comme le régime de Saleh au Yémen. Il s'agit maintenant pour eux de retrouver les moyens de contrôler la région, le problème étant de s'assurer que les nouvelles équipes dirigeantes ne remettront pas en cause leur alliance avec Washington, leur soutien aux accords de Camp David de 1978, ni leur opposition au régime de Téhéran.

    Les États-Unis et l'Union européenne vont s'y employer à leur manière habituelle: en achetant leurs alliés. La volonté affichée par le G20 d'« accompagner » les réformes en cours par une aide financière est à cet égard parlante: il s'agit de fidéliser une clientèle nouvelle à coups de dollars et d'euros. C'est aussi dans ce contexte qu'il faut interpréter le soutien américain à l'absurde guerre contre la Libye, cette guerre sans objectifs définis concoctée dès novembre 2010 par les Français et les Britanniques, qui a conduit les Occidentaux à s'immiscer dans une querelle tribale - entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque - dont aucun des protagonistes ne constituait pour eux la moindre menace, sans oublier les opérations de déstabilisation du régime syrien et la répression par les troupes spéciales séoudiennes des émeutes populaires chiites à Bahreïn.

    Pour reconquérir la région, les États-Unis disposent de deux alliés de poids: Israël et l'Arabie séoudite (en particulier, chez les Séoudiens, les gérontocrates du clan Sudairi). Mais le pays-clé, c'est évidemment l'Égypte, le pays plus peuplé et l'épicentre stratégique du monde arabe. Que l'Égypte bascule dans un sens ou dans un autre, et toute la région en sera affectée. C'est ce dont s'inquiète Israël. L'État juif a longtemps pu compter avec le soutien de fait des deux grandes puissances régionales que sont l'Égypte et la Turquie. Mais la Turquie a viré de bord, et l'Égypte, dont l'avenir est incertain, pourrait bien succéder à l'Iran comme principale source de cauchemar pour les Israéliens.

    Toute la question, maintenant, est donc de « savoir comment les mouvements actuels pourront résister aux récupérations de toutes sortes, voire aux contre-révolutions» (Georges Corm). « On osa jusqu'à la fin, parce qu'on avait osé d'abord », disait Saint-Just à propos de la Révolution de 1789. Mais les révolutionnaires français savaient au moins ce qu'ils voulaient. L'anonyme « printemps arabe», qui n'a pour l'instant fait émerger aucune idée neuve, aucune figure capable de remplir le vide du pouvoir, aucune classe intellectuelle capable de théoriser ses aspirations, osera-t-il « jusqu'à la fin " ? On peut en douter. Les révoltes permettront à de nouvelles générations d'accéder au pouvoir, pas forcément de changer de régime.

    Le monde arabe moderne est né en 1916, quand les populations du Proche-Orient se sont soulevées contre les Turcs ottomans, maîtres de la région depuis le début du XVIe siècle. Depuis cette date, les « printemps arabes» se sont succédé, mais 1'« indépendance» proclamée le 5 juin 1916 à La Mecque est toujours restée un rêve. On attend encore qu'il puisse se concrétiser.

    Robert de Herte (Eléments n°140, juillet – septembre 2011)

     

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