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  • Les marchés et les oligarques n'aiment pas la démocratie !...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la crise grecque. A l'issue de ces quelques jours, on a bien compris que non seulement les oligarques n'aimaient pas la démocratie mais aussi qu'ils ne rechigneraient pas à la museler le cas échéant... Nous sommes plus si loin de la doctrine de la souveraineté limitée chère à Brejnev et aux dirigeants de l'Union Soviétique...

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    Les marchés et les oligarques n'aiment pas la démocratie

    Après des semaines de palabres et de sommets internationaux, les gouvernements avaient laborieusement mis au point un nouveau plan de sauvetage de la petite Grèce dont le risque de faillite menaçait, paraît-il, la survie de l’euro : un plan qui exigeait de nouveaux « efforts » de la part des Grecs. Les marchés retrouvaient déjà l’euphorie à l’annonce de ce succès magnifique ! Car les marchés aiment bien que ce soient les peuples qui fassent les sacrifices à leur place.

    Quelle audace !

    Mais voilà que le premier ministre grec annonce qu’il soumettra ce nouveau plan – c'est-à-dire les engagements qu’il a été contraint de prendre au nom de son pays – ainsi que le maintien de la Grèce dans la zone euro, à un prochain référendum.
    Panique dans les salles de marchés : la Bourse de Milan perd du coup 6,8%, celle de Paris 5,38% et New York 2,48% ! Quelle audace ! De quoi se mêle-t-il, celui-là ?

    La propagande de l’oligarchie financière

    Nicolas Sarkozy s’est immédiatement fendu d’un communiqué indiquant que « si donner la parole au peuple est toujours légitime » il convenait néanmoins que chaque pays fasse les efforts requis par la solidarité européenne. En d’autres termes, les Grecs seraient autorisés à voter, mais seulement pour adopter les sacrifices requis par les « grands argentiers ». Le peuple grec, qui souffre depuis quatre ans d’une cascade de mesures de rigueur sans précédent en Europe, ne doit surtout pas s’inviter à la table des négociations. La survie de l’euro est une chose trop grave pour la confier à ces Grecs mafieux, feignants et vivant sur la bête européenne comme tend à nous le faire croire une propagande insidieuse au service de l’oligarchie financière depuis quelques mois.

    L’hypocrite communiqué de Nicolas Sarkozy prend toute sa saveur dans la bouche de celui qui a refusé de tenir compte des résultats négatifs en France du référendum sur la prétendue constitution européenne et qui s’est empressé de l’imposer par la voie détournée de la ratification parlementaire du Traité de Lisbonne.

    Les marchés n’aiment pas les peuples

    Car les marchés n’aiment pas les peuples souverains et fiers d’eux-mêmes. Ils préfèrent avoir affaire à des foules solitaires manipulées, à des consommateurs endettés et à une docile ressource humaine, sommée de s’adapter en permanence à leurs exigences changeantes.

    La démocratie qu’ils souhaitent est une démocratie domestiquée : domestiquée par le politiquement correct, par les médias, par le chantage économique, le cas échéant. Et peut-être un jour par la guerre. Les Irlandais ont été priés de revoter jusqu’à ce qu’ils approuvent le traité constitutionnel : pour les y contraindre les grandes entreprises transnationales ont menacé de remettre leurs projets d’investissement et donc de frapper directement l’emploi des Irlandais. Vous avez dit « Etat de droit» ?

    Un déni permanent de démocratie

    Toute la construction européenne repose ainsi sur un déni permanent de démocratie : elle se résume, en effet, à la mise en place d’un ordre oligarchique qui repose sur trois piliers : la Commission, c'est-à-dire les bureaucraties bruxelloises, les juges de la Cour de justice européenne et, enfin, l’indépendance de la Banque centrale européenne ; trois entités qui ont justement pour caractéristique d’être irresponsables devant les peuples dont ils façonnent pourtant chaque jour un peu plus le destin. L’Union européenne repose sur la déconstruction de la souveraineté des Etats, c'est-à-dire de la souveraineté des peuples européens. Elle repose aussi sur le refus d’assumer et de protéger ses frontières, que l’on a cherché au contraire à détruire avec constance car derrière les frontières il y a l’identité européenne. Mais l’oligarchie européenne ne rêve que d’une Europe ouverte à tous les vents, composée surtout d’immigrés, car elle ne veut surtout pas que notre continent soit un « club chrétien ».

    Les peuples européens n’ont été nullement consultés directement sur cette dérive oligarchique et totalitaire des institutions européennes, que le prétendu « parlement européen » a toujours revêtu de son onction.

    Quand on croyait encore à la croissance tout allait bien. Mais maintenant que vient l’heure des comptes et des sacrifices, on commence à s’interroger sur les belles promesses dont on nous a bercés. L’euro nous rend plus forts ? Mais ce n’est manifestement pas le cas dans les pays du sud de l’Union. Et comment se fait-il que la croissance stagne justement dans la zone euro ? La BCE nous protège de l’inflation ? Oui mais pas des déficits ni du chômage ! Et pourquoi faut-il que le contribuable renfloue les banques ?

    Qui t’a fait roi, disent désormais de plus en plus fort les peuples « indignés » à l’encontre de l’oligarchie européenne.

    Vive la Grèce !

    Quel symbole : la petite Grèce, patrie historique de la démocratie sur notre continent, mère des sciences et des arts et qui a su se libérer du joug ottoman, menace le diktat des marchés. L’ombre de quelques bulletins de vote fait trembler Wall Street ! Tout n’est donc pas perdu. La Grèce nous ouvre une porte.

    Michel Geoffroy (Polémia, 2 novembre 2011)

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  • Un choix existentiel...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré à la crise de l'Europe.

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    Le choix économique est un choix existentiel

    Entre effet de manche et coup de menton, une remarque en apparence anodine, destinée à justifier certaines palinodies, comme l’ « aide » massive accordée aux Etats endettés, ou l’accroissement substantiel du Fonds de Soutien financier, voire l’idée de plus en plus concrète de gouvernement économique de l’Union, jette une lumière crue sur la capacité réelle de ceux qui ont entrepris de diriger le destin de l’Europe. Le traité de Maastricht, nous dit-on, ne prévoyait pas que dût se produire une crise. Aucune autre absurdité, parmi d’autres, ne saurait mieux singulariser cette entreprise aussi utopique et sournoise que fut l’instauration d’un grand marché montrant maintenant sa faillite. Car elle dénote un trait psychologique saillant chez la technocratie politique libérale. Elle ne doute jamais. Ou, plutôt, adoptant les présupposés anthropologique de Fukuyama, elle considère que la libre concurrence, le flux illimité et sans frein des hommes et des marchandises, doit à terme aplanir les obstacles immémoriaux entre les peuples, faciliter l’entente universelle et procurer à tous le confort de vie qui rend impensable le ressentiment, la haine et le conflit. Qui se souvient qu’en 1992 on nous promettait des emplois à gogo, et que, un peu plus tard, la création de la monnaie unique allait les démultiplier.

    Or, paradoxalement, les crises s’enchaînèrent, tirant à hu et à dia les gouvernements qui, en pompiers dépassés par les foyers d’incendies multiples, s’empressaient, en tenant toujours les mêmes discours lénifiants, d’éteindre ici et là ce feu qu’on avait allumé.

    Les peuples, du moins ce qu’il en reste, n’y comprenaient goutte. Des voix s’élevaient, de-ci, de-là, chez tel intellectuel, tel prix Nobel, mais très minoritaires, et de toute façon inaudibles parce qu’on les occultait, ou qu’elles étaient noyées dans le tsunami des commentaires avisés de spécialistes rémunérés au mensonge. Qui pouvait comprendre, s’il n’était spécialiste ? Le langage de la technique, aussi crédible soit-il à l’intérieur de chaque domaine spécifique, n’est jamais si utile que quand il brouille les pistes. Dans le périmètre des sciences économiques, l’usage de termes anglo-saxons, d’abréviations et de schémas mathématiques, ne sont pas en mesure de clarifier une situation qui se précipite en cahotant, comme un véhicule qui a perdu son chemin. On invoque alors les dérives, laissant entendre qu’il existerait un ordre normal à une organisation qui ne l’est pas, on désigne un Kerviel, un voyou, pour suggérer que le système, dont on affiche pourtant l’amoralisme avec quelque jubilation, puisse devenir moral.

    Si bien que l’on est plus près d’une certaine vérité quand on réagit de façon épidermique quand, dans le même temps où la bourse joue du yoyo en engraissant les spéculateurs, on assiste, impuissant, à la destruction des emplois, à la désindustrialisation du pays, et à l’arrogance sans retenue des bénéficiaires d’une mondialisation dont on peut considérer qu’elle est une agression sans mesure des riches contre les pauvres, et du désert culturel contre l’ethnodiversité du monde.
    Si l’on se fiait aux déclarations officielles, chaque action entreprise serait un triomphe historique, et la solution enfin trouvée. Si la misère, tant sociale que culturelle, se répand comme un désert humain, pendant que dans le même temps l’immobilier s’envole, et le parc portuaire des bateaux de loisir prolifère, c’est que quelque chose est en route, un phénomène relativement simple, même si la sarabande des chiffres et la valse des réunions au sommet embrouillent la surface d’une eau pourtant aussi limpide que la vérité. Au fond, si l’on suivait son instinct, il y aurait longtemps qu’on aurait imité Jésus, qui, un fouet à la main, renversait les étals des marchands du temple.

    Mais le temps des révolutions semble révolu. L’insurrection populaire est un soubresaut historique qui, sous couvert de changer de société, accélère un processus de « modernisation ». Il est bien évident que les peuples ont toujours été floués. Finalement, seule la révolution de Cromwell réussit à lier, dans un commun projet de pillage marchand, entreprise poursuivie par les Etats unis d’Amérique, toutes les classes nationales, les mêlant dans une sorte de fraternité de brigandage. Orwell, certes, a souligné combien cette mise en place de cette société de l’argent roi s’est faite avec quelque difficulté, mais enfin, elle parvint à ses fins, et ce n’est pas sans surprise que nous, vieille civilisation où la notion de Res publica a toujours été vivante, voyons que, par-delà le Channel, la chose publique n’ait été perçue que comme un problème de gestion économique, et les convictions comme autant de choix de la vie privée.

    L’absence de réactions sérieuses face à la destruction de plusieurs siècles de culture sociale et politique, sur le vieux continent, dont l’exemple de « primaires », données comme « expérience «démocratique » ou comme « modernisation de la vie publique », n’est qu’une déclinaison, parce qu’elle avalise l’existence de deux niveaux d’engagement, montre bien la profondeur de l’anglosaxonnisation des mœurs. Il n’existe plus, en fait, de frontière étanche entre l’appréhension du politique, et, par exemple, la variété des choix de consommation, ou bien la superficialité du monde du spectacle.

    Lorsqu’on parcourt l’ouvrage qu’Alain Peyrefitte consacra à De Gaulle (« C’était De Gaulle »), on est frappé non seulement par la capacité qu’avait le général de se projeter dans l’avenir, mais aussi par une culture historique profonde, autant dire une distance, que n’ont plus nos hommes politiques. Car, contrairement à ce qu’on laisse entendre, il n’était pas contre l’Europe. Si celle-ci, à ses yeux, devait devenir une confédération, une « Europe des Nations », il soulignait, en critiquant le Traité de Rome, combien c’était s’enfermer que de commencer par l’économie. Non qu’il eût fallu le faire par la culture, comme l’aurait regretté, dans une phrase apocryphe, Jean Monnet, ce qui ne signifie pas grand-chose, mais, comme les structures mentales de sa génération, nourrie de Maurras, de Nietzsche et de Napoléon, l’y poussaient, par le politique. La grande politique, devrions-nous ajouter. C’est pourquoi De Gaulle sacrifia l’Algérie française pour risquer l’aventure nucléaire et asseoir la réputation mondiale de la France, c’est ainsi qu’en 1966 il expulsa l’Otan, c’est enfin pour cette raison qu’il se méfia tout le temps d’une Europe qu’il croyait à bon escient infestée de libéraux et de complices des Anglais et des Américains.

    Il est donc juste de répéter, encore et toujours, que l’économie, le paramètre économique, pour expliquer le monde et le sauver, est un leurre, un piège, une fausse équation : la résolution d’une de ses composantes ne peut aboutir au bonheur, à l’épanouissement, à la réalisation des individus et des peuple. Car le choix de l’ardente obligation économique est une option existentielle. On aboutit par là toujours à un problème moral, voire à une problématique de moraliste. Pourquoi d’ailleurs exempter de la faute des peuples qui ont cru toucher des dividendes à l’abandon de leur honneur et de leurs traditions ? Il est bien évident que l’absence de combattivité, jusqu’à la catastrophe personnelle, qui touche son foyer, son emploi, son quartier, n’est jamais si visible que par l’avidité souvent frustrée de profiter des miettes du système. C’est l’hybris qui est cause du dysfonctionnement, ou, pour mieux dire, du fonctionnement naturel d’une logique qui s’est éloignée radicalement de la nature, du bien commun, de la décence. C’est en voulant accumuler, en désirant s’enrichir, en croyant que la jouissance matérielle n’a pas de fin, et que, pire, elle peut remplacer la joie humaine, le sens de la vie, que nous avons été conduits au désastre.

    On nous dit que la gouvernance économique, dont l’Allemagne va prendre la tête, se met en place. On nous fait miroiter une Fédération européenne. Tout cela est vain, trompeur. On ne cherche qu’à améliorer l’intégration d’un espace à un autre, mortifère, empoisonné. Rien ne change radicalement rien, et d’autres crises adviendront, de plus en plus sévères. Il s’agit donc d’inverser la vision, les priorités. Ce n’est pas les pieds qu’il faut privilégier dans la marche, mais l’intelligence, l’esprit, le sens moral. Ce n’est pas l’addiction matérialiste qu’il faut encourager, mais la fierté d’être libre, indépendant, pourvu d’une direction qui travaille vraiment pour la civilisation européenne, qui soit vraiment patriotique. Ce n’est pas le « comment ?» qu’il faut poser, mais le « Pourquoi ? »

    Claude Bourrinet (Voxnr, 28 octobre 2011)

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  • Avant la tempête...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue cueilli sur le site de l'agence de presse russe RIA Novosti et signé par Hugo Natowicz, journaliste français installé à Moscou, dont le blog Impressions de Russie mérite d'être visité.

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    Avant la tempête

    En 2007, le journal espagnol El Pais publiait un supplément week-end consacré au "miracle islandais". Le ton du journal était empreint d'une grande bienveillance: économie, société, l'Islande était à la pointe de l'humanité. Je me rappelle surtout d'un trait d'esprit du journaliste qui mettait en opposition, classements à l'appui, ce petit paradis avec la lie de l'Europe: la Russie. Un pays miné par la grisaille, la déprime et la vodka. Ces lignes, ce ton, m'avaient indigné, même si je ne pouvais deviner le krach qu'allait connaître le "miracle islandais", et bien d'autres miracles tout aussi illusoires, comme celui de l'Espagne ou encore des "tigres baltes".

    Le temps passant, c'est désormais l'ensemble du "miracle européen" qui est au bord du gouffre. A mesure que le système sur lequel s'est érigée la prospérité de l'après-guerre se fissure, la crise nous renvoie à une question essentielle: sur quoi repose réellement la richesse des nations? N'étant pas économiste, je ne cherche nullement à dresser ici une analyse technique de la situation mondiale dans ce domaine. Toujours est-il qu'une rencontre fortuite m'a poussé à y réfléchir.

    La scène se passait dans un café du centre de Moscou. Je liai la conversation avec mon voisin de table, un homme d'affaires russophone originaire des républiques baltes qui s'était reconverti dans la vente d'or. Je lui fis remarquer que les affaires devaient bien marcher dernièrement. Après avoir évoqué la ruée vers l'or actuelle des épargnants, il fit une remarque assez juste, que je résumerai comme suit: "L'or est indépendant de toutes les magouilles d'un marché dont la valeur ne repose sur rien et s'écroulera prochainement. Vous autres Européens allez particulièrement souffrir. Vos dirigeants ont fait le choix de former des générations de nantis qui ont perdu tout contact avec la réalité, le concret. En Russie, les gens ont connu un défaut de paiement il y a 13 ans, et n'ont pas encore confiance dans le système financier. Ils auront moins de mal à prendre une bêche, un râteau et à aller cultiver le jardin de leur datcha".

    Cette vision un peu apocalyptique de notre futur proche possède néanmoins une part de vérité. J'ai toujours considéré qu'en France, l'attachement aux bienfaits octroyés par l'Etat-providence avait atteint un niveau pervers, bridant le développement de la société. Gâtés par un système fondé sur des privilèges en tous genres, les Français donnent souvent l'impression de s'agripper à leurs acquis au point d'en perdre toute initiative. Retraite, chômage, allocations, et j'en passe: la prospérité est une manne qui rappelle à de nombreux égards une drogue dure. Une drogue qui a dans une large mesure précipité les gouvernements dans la spirale de la dette. Les graves problèmes de l'économie mondiale risquent de malmener l'édifice social de l'Europe, et de ramener ses citoyens vers une dure réalité.  

    Retard salvateur?
    C'est un fait: l'équilibre actuel des pays occidentaux, caractérisé par une économie réelle déconnectée d'un système financier devenu fou, ne peut durer ad vitam aeternam. Une partie importante de la prospérité actuelle est fondée sur un leurre: le crédit, unissant un club de pays s'empruntant les uns aux autres. La crise aidant, il se pourrait fort bien qu'un ou plusieurs maillons lâchent. Et que la corne d'abondance de cet argent "fictif" tarisse. Il est symptomatique de constater que la Russie, pour de multiples raisons historiques, reste en marge de la mondialisation. Une circonstance qui pourrait s'avérer cruciale, à l'heure où différents économistes sérieux augurent un krach historique dans un avenir proche.

    Suite au défaut de paiement de 1998, qui provoquait une ruée vers les banques et la ruine de nombreux épargnants, la Russie a dû remonter la pente en s'astreignant à la plus grande austérité. Riche de ses matières premières, le pays bénéficie d'un vaste excédent commercial. Refusant de vivre au-dessus de ses moyens et de recourir à l'endettement à outrance, la Russie affiche certes un "retard" sur l'Occident en termes de progrès et de bien-être social. La contrepartie, c'est qu'elle a largement échappé au piège d'une financiarisation à outrance de son économie. Cause ou conséquence? L'attachement des Russes aux bienfaits de la société moderne reste moins important qu'à l'ouest de l'Europe.

    Je citerai à nouveau le cinéaste russe Andreï Konchalovski, qui évoque mieux que quiconque le "retard salvateur" qu'affiche la Russie au sein du monde moderne: "Huxley a dit que l’Ouest allait vers la crise en Rolls Royce, et les Russes en tramway. Et comme nous sommes en tramway, il nous reste quelques valeurs du XIXe siècle : l’amour pour le théâtre, pour les livres, on lit, on se dispute, on discute du sens de la vie. Il y a belle lurette qu’on ne parle plus de ces choses en Europe! Au temps de Herzen ou de Dostoïevski on n’en parlait déjà plus! On ne parle que d’argent. Mais en Russie il reste un besoin pour les choses spirituelles, qui ne pénètre pas partout de façon homogène dans la société, mais reste très fort. Et c’est précisément parce que nous sommes en retard que nous sommes forts".

    Si les risques sont grands pour l'économie occidentale sur le court terme, c'est aussi l'ensemble du système politique et moral que celle-ci soutenait qui pourrait s'effondrer. Les forces de l'histoire menacent, comme elles l'ont fait avec l'empire romain et d'autres, une architecture qui il y a peu semblait indestructible. La crise pourrait alors pousser l'homme à regarder en face sa condition, et à adopter un nouveau paradigme de pensée.

    Dans cette vaste réorganisation, la Russie, "forte" de son retard, pourrait constituer un important réservoir d'inspiration pour l'avenir.

    Hugo Natowicz (RIA Novosti, 21 octobre 2011)

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  • Alain de Benoist s'entretient avec David L'Epée (2/2)...

    Vous pouvez visionner ci-dessous la suite de l'entretien d'Alain de Benoist avec David L'Epée.

    Thèmes abordés :

    1 –  Le péril américain
    2 –  Peut-on parler d’une islamisation de l’Europe ?
    3 –  Le progrès, la mondialisation et le sens de l’histoire
    4 –  Quel avenir pour la globalisation ?
    5 –  L’écologie : à la fois conservatrice et révolutionnaire
    6 –  La décroissance : une chasse gardée de l’extrême gauche ?
    7 –  Considérations sur quelques esprits libres d’hier et d’aujourd’hui
    8 –  Quel mode de vie pour un penseur dissident ?
    9 –  S’instruire et écrire : une question d’organisation et de discipline.

    David L'Epée dispose d'un site sur internet : David L'Epée, intellectuel indépendant

    Vous pouvez, par ailleurs, suivre les activités d'Alain de Benoist et vous tenir informé de ses publications sur le site : Les amis d'Alain de Benoist

     

     


    Entretien avec Alain de Benoist 2/2 par davidlepee

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  • «Puissance» : mot tabou ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre Deplanche, cueilli sur le site Infoguerre et consacré à la disparition du concept, et même du mot, dans le débat publique...

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    «Puissance» : mot tabou ?

    Pourquoi ne parle-t-on plus de puissance aujourd’hui en France ? Le thème n’est, à ce jour, porté par aucun des candidats à la présidence de la république. Les problèmes qui se posent à la France sont pourtant légions. Suffirait-il d’affirmer que l’amoindrissement de la France dans certains domaines, ou en tout cas de la perception que nous en avons – qui est bien souvent celle que des « déclinologues » forgent pour nous et nous distillent – peut nous conduire à intégrer définitivement l’idée que toute prétention de ce pays à l’augmentation de sa puissance est illusoire ?  Que le mot « puissance » en ce qui concerne l’hexagone ne saurait s’utiliser qu’affublé d’épithètes comme « moyenne » ou « régionale » ? Que l’heure est venue pour des pays comme le nôtre d’accepter un rôle subalterne, que c’est là le cycle « naturel » des cultures constitué d’apogées et de déclins et que l’avenir signifie la décroissance ? Ce tableau d’un pays qui a fait civilisation et qui se retire du monde comme on part en retraite porte en soi les germes de la « dé-puissance » et élimine jusqu’à la simple utilisation  ordinaire du terme « puissance ».

    Le thème de la puissance nationale est devenu honteux. Au-delà du thème lui-même, c’est l’idée même de puissance qui semble repoussante car elle reste associée à tout ce qu’un pays comme la France a pu commettre pour se hisser au rang où elle est parvenue aujourd’hui. La puissance ne serait finalement que le résultat de la coercition, du pillage, de la négation de l’autre spolié de ses droits et de ses richesses. La puissance et l’influence françaises ne se sont pas construites que sur des guerres et le colonialisme. Ce sont pourtant ces événements, indubitablement éléments constitutifs de puissance, que la mauvaise conscience collective retient encore aujourd’hui (et que certains cercles intellectuels entretiennent par héritage et tradition politique) au point qu’il est aujourd’hui encore très politiquement correct de ne pas même employer le terme « puissance » pour figurer le rôle et le rang de la France dans le monde.

    La culpabilité cultivée et diffusée par la bien-pensance hexagonale ne trouve pas forcément un équivalent dans d’autres cultures ; certainement pas dans celles qui n’ont pas renoncé à l’augmentation de leur puissance. En tout état de cause, la culpabilité ne se manifeste pas de façon identique. Là où, par exemple, le gouvernement français a cherché à la fin des années soixante-dix à « adoucir » la Marseillaise en en ralentissant le tempo, tentant par là de la faire passer de chant révolutionnaire à anthem à l’anglo-saxonne, jamais les gouvernements américain et allemand n’envisagèrent de modifier respectivement Star Sprangled Banner ou encore Deutschland über Alles, hymnes aux accents pourtant guère moins menaçants et hégémonistes que la Marseillaise, même si dans le dernier cas quelques voix allemandes s’étaient élevées pour souhaiter des paroles moins agressives. Ces deux Etats ont leurs propres comptes à régler avec l’Histoire. Pour autant, ils n’ont jamais cessé d’être en recherche de puissance. Power, voire potency, sont, aux Etats-Unis, d’un emploi fréquent et utilisés de façon décomplexée, que ce soit pour évoquer les marchés conquis par les entreprises américaines ou la stratégie d’influence au niveau internationale de l’administration en place.

    Pourquoi le mot « puissance » n’est-il plus employé  en France? Est-ce le sentiment que nous semblons développer collectivement de ne plus compter dans le monde qui fait que nous générons un complexe conduisant à une autocensure au point où le mot devient presque tabou ? A « puissance » et au champ lexical qui lui est associé, nous avons substitué «développement économique», «croissance économique », etc. Or, la croissance n’est pas la puissance, surtout lorsque le politique, dans un oxymoron inspiré, parle de « croissance 0 ». Nous avons manifestement remisé l’idée de puissance. Nous avons purement évacué la dénomination de son avènement et par là, sa réalité.  La France n’a plus de politique de puissance parce qu’elle n’a tout bonnement plus de vision de sa puissance.  Elle ne la dit plus parce qu’elle ne la conçoit plus. A l’inverse, comme elle ne la conçoit pas comme une idée au sens presque philosophique du mot, elle ne peut lui donner sa légitimité lexicale, donc d’existence. L’incapacité à dire la puissance manifeste son oblitération.

    Comment l’usage du mot en est-il venu  peu à peu à disparaître ? Sous la pression d’une bien-pensance consensuelle rongée par la culpabilité, à cause de la représentation que nous avons de nous-mêmes mais également en raison du regard  que des autres nations moins puissantes ou en émergence portent sur nous. La France continue de rayonner mais elle a perdu de son influence. Notre propre regard sur nous-mêmes conjugué à celui qui est porté sur nous s’alimentent mutuellement en un jeu de miroirs qui figure notre doute sur notre capacité à toujours vouloir la puissance et à l’augmenter.

    La disparition du mot « puissance » du vocabulaire politique – et par là de toute ambition de puissance – prend peut-être également racine dans notre conviction que la puissance acquise devenait, à un certain stade, permanente. Au regard de la situation  socio-économique actuelle de la France, il faut ici parler au passé. Nous avons peut-être pensé  la puissance comme une pérennité. L’utilisation du terme « puissance » dans le discours politique avait-il encore une justification puisque le pays y avait accédé ? Or, la puissance, c’est de l’entropie ; c’est une dynamique qu’il convient d’alimenter à chaque instant  et qui ne souffre pas de stagnation. Avoir pensé la puissance comme acquise et permanente a généralement mené à une vision court-termiste des politiques publiques, et a conduit l’Etat à engager des dépenses sans se soucier des recettes au point où le montant de la dette actuelle de la France atteste de sa perte de puissance.

    Enfin, la disparition graduelle du mot « puissance » du discours tient peut-être à l’individualisation de la société. La puissance est une dynamique qui puise au collectif. Elle ne peut exister si elle n’est pas portée par l’énergie d’un ensemble fédéré autour d’elle. Mais comment, dans une société qui promeut l’individu, fédérer des énergies autour un programme lorsque le mot qui en constitue l’essence a été sorti du vocabulaire ?
    Résumer la perte de puissance de la France à la disparition d’un vocable est une tentative d’explication pour le moins hétérodoxe, voire légère. D’aucun diront que c’est la perte de l’ambition de puissance qui signe la disparition de l’usage du terme. Certes. Pour autant, l’utilisation récurrente du mot « puissance » signifie déjà le désir de puissance, la mobilisation collective, la puissance comme dessein et garante de la pérennité d’un modèle sociétal. Le verbe mobilise. Il agrège. Peut-on ne faire exister la puissance qu’en la nommant ? Probablement pas, mais le mot la manifeste ; il l’officialise et d’une certaine façon, il la fait exister. La France est confrontée à un environnement politique et économique mondial chahuté ; il est par conséquent plus que temps de remettre à l’honneur le mot « puissance », de le vulgariser et de l’assumer en espérant que l’usage finira par réveiller chez les décideurs des envies de stratégie de puissance. L’enjeu est capital pour la France. Il l’est tout autant pour l’Union européenne.

    Pierre Deplanche (Infoguerre, 19 octobre 2011)
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  • Retrouver l'autonomie politique de la France !

    Nous reproduisons ci-dessous une tribune libre d'Hervé Juvin, l'auteur du remarquable essai intitulé Le renversement du monde (Seuil, 2010), publiée dans le quotidien Le Monde le 29 septembre 2011, dans laquelle il propose quelques pistes pour redonner à la France et à l'Europe une autonomie politique...

     

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    Retrouver l'autonomie politique de la France

    Le débat "protectionnisme vs libre-échangisme" est largement un faux débat. Il prétend enfermer le choix politique dans une alternative, ce qui est faux et dangereux. Il désigne deux perversions égales, la fermeture stérilisante, l'ouverture débilitante. La vérité est qu'il y a une infinie de variété de nuances entre l'ouverture totale, qui signifie qu'il n'y a plus d'entité politique, et la fermeture totale, qui signifie l'asphyxie. Il en est dans ce domaine de l'ouverture aux mouvements de capitaux comme de l'ouverture aux mouvements de biens et de service, et de l'ouverture aux migrations des hommes.

    Un peuple qui ne sait tenir sa frontière, géographique ou virtuelle, n'est plus digne de l'histoire. La vérité est aussi qu'il est des temps pour ouvrir, pour attirer, pour accroître la diversité interne, et des temps pour choisir, pour distinguer, et pour affirmer l'unité interne. J'ai peu de doute à ce sujet ; le temps de la France, de l'Europe, est revenu de travailler à leur unité interne, d'affirmer leur singularité, et elles le feront d'abord en se séparant de tout ce qui n'est pas elles, ensuite en se protégeant de tout ce qui menace leur projet et cette identité qui doit permettre à tous ceux qui s'y reconnaissent de faire société, ensemble, et pour un avenir commun.

    Dans le domaine économique et commercial, il s'agit d'abord de ne pas être les idiots de la classe de la mondialisation, ensuite de prendre conscience et de défendre nos intérêts propres, ceux des Français, ceux des Européens, dans un monde qui ne fait et ne fera pas de cadeaux. Personne ne juge mauvais que les Chinois aient une préférence pour les intérêts de la Chine. Personne ne doute que les Américains poursuivent avec constance l'intérêt américain. Pourquoi est-ce que seuls les Français ne pourraient pas poursuivre les intérêts de la France, et les Européens manifester leur préférence européenne ?

    Si l'objet est d'en finir avec une dépendance à l'égard des marchés financiers qui tourne à l'esclavage, si l'objet est de retrouver une autonomie politique, qui est l'autre nom de la liberté de nos peuples à choisir leur destin, il ne s'agit pas seulement de tarifs douaniers, de contrôles aux frontières et de réciprocité négociée. Des dispositions techniques et juridiques précises dans le domaine du placement de la dette, des privatisations, des opérations de marché, de la réglementation bancaire, peuvent engager des évolutions à terme considérables, et nécessaires.

    La renationalisation de la détention de la dette. Elle s'applique aux OAT ; elle s'appliquerait tout autant et sinon plus, aux euroobligations. Pour gagner quelques points de rendement, le Trésor français, après et comme d'autres, a consenti un abandon majeur de souveraineté ; une dette publique détenue par les nationaux s'apparente à l'impôt, l'inflation peut la réduire ; une dette détenue majoritairement à l'extérieur est une dette, et le défaut est le seul moyen de l'alléger vraiment. Les résidents détiennent moins de 35 % de la dette publique de leur pays ; il leur est impossible d'acheter en direct des titres de la dette nationale ; et certains besoins d'investissement ne peuvent être satisfaits que par des titres émis ailleurs. Il est urgent de renationaliser la détention de la dette publique, non dans un but de fermeture, mais d'autonomie politique. Dans ce but, les Français doivent pouvoir acheter des titres de dette publique au guichet de leur banque, ou par Internet, et les Européens doivent pouvoir souscrire des euro-obligations comme ils le veulent. Dans ce but aussi, et face à l'ampleur de la question du vieillissement, l'émission d'obligations du Trésor indexées sur l'inflation et d'une durée de 40 ans est la solution manifeste aux besoins d'investissement des fonds de retraite (PERCO, PERP, Assurance-vie, fonds Madelin, etc.) dont la principale préoccupation pour les décennies à venir est la protection contre l'inflation. Le choix des gérants et leur préférence pour la France et l'Europe fera le reste.

    L'émission de parts d'associés. La privatisation des grandes sociétés de service collectif a permis la constitution de rentes indues et fait perdre à la collectivité nationale et européenne un contrôle sur des actifs essentiels, et stratégiques. Les ravages de la propriété d'Etat et du contrôle public sont connus, les ravages de la privatisation se découvrent. L'application du modèle actionnarial, de la course à la création de valeur et de la concurrence à ces sociétés dites naguères "gestionnaire de monopoles naturels" est un échec. C'est vrai pour l'énergie, c'est vrai pour les réseaux ferrés, c'est vrai pour la poste, c'est vrai pour la banque de détail. Il faut en tirer les conséquences, et d'abord sur l'inadéquation du modèle de propriété actionnarial. Pour les futures opérations d'ouverture de capital de sociétés publiques ou de monopoles naturels, il est urgent d'inventer un titre d'associé aux droits et aux rémunérations proches de ceux des sociétaires des coopératives, des parts dont l'achat et la vente sont soumis à l'agrément de l'entreprise, et dont les droits de vote sont effectifs sur le mode "un homme, une voix". L'offre de vente de ces parts d'associés à des personnes physiques et morales, ferait des Français les propriétaires associés des grandes entreprises de service commun. L'expérience des réseaux mutualistes prouve la facilité à lever des capitaux, la facilité aussi à organiser le lien avec les marchés de capitaux, donc la respiration du capital.

    La création d'un marché boursier centralisé. La directive européenne dite "MIF" a détruit trois siècles d'expérience et de progrès européen dans le domaine du lien entre modèle de marché, activité boursière, société et intérêt collectif. La directive a organisé l'éclatement de la liquidité, fait perdre l'unicité du prix et fourni aux intermédiaires les plus puissants ou les plus retors toutes les occasions de jouer contre les intermédiaires plus petits, les investisseurs de long terme et les épargnants. L'aveuglement européen a fait des marchés boursiers un mauvais lieu, qui va tuer l'actionnariat populaire et qui commence à provoquer des retraits de la cote, depuis que le marché sert à tout sauf à financer les entreprises. Dans le domaine des marchés d'actions comme dans celui des marchés d'options et de dérivés, comme dans celui des matières premières, la centralisation des ordres sur un système d'ordre public est le préalable à toute moralisation de la finance. Des chefs d'entreprise s'émeuvent désormais ouvertement de l'absence de tout lien entre leur activité, leur performance, leurs résultats, et les mouvements de leur titre en Bourse ; ils sont choqués de voir leur titre négocié à des prix différents au même moment, des mouvements importants de leur capital se dérouler ans des "trous noirs" sans transparence et sans équité. Sur les marchés des actions, des obligations, comme sur ceux des matières premières, l'obligation d'une centralisation des ordres, d'une unicité des prix, et d'une transparence sur les conditions, est un objectif stratégique de retour au lien indissociable qui unit les épargnants, les associés, et les sociétés cotées.

    La séparation des métiers bancaires. Il y aurait les bonnes banques et les méchants Hedge Funds. C'est ignorer le fait que les hedge funds ne travaillent qu'à partir du crédit que leur fournissent les banques, et qui fait jouer l'effet de levier dévastateur. Quelle est la responsabilité d'UBS dans le levier qu'ont fait jouer tel ou tel hedge fund dans les années 2000 ? La séparation entre dépôts, crédit et opérations de marché est fondatrice de la confiance, de la sécurité et de la morale. Elle doit permettre d'éliminer les acteurs non conformes, et de restaurer la notion de criminalité financière, certains comportements et certaines opérations suggérant moins des dérives professionnelles qu'une qualification d'entreprise frauduleuse, voire criminelle, permettant le retrait de la licence d'opérer sur le territoire européen, la mise sous contrôle des opérations, voire la saisie des actifs détenus. Ni protectionnisme, ni libre échangisme, cette perversion d'une technique économique, le libre échange, devenue idéologie ; la maîtrise retrouvée des activités financières, des organisations de marché et des activités de crédit et d'investissement désigne le véritable sujet. Car la désignation d'ennemis lointains, la Chine étant la cible désignée, est une diversion habile qui n'égarent que ceux qui ignorent que la majorité des déficits a lieu entre pays développés, et que l'origine des déficits abyssaux qui volent notre avenir est à rechercher dans les dérives de la finance de marché et dans la privatisation des Etats par les banques, bien plus que dans la mondialisation ou la concurrence déloyale des pays à bas revenus. Ne pas se tromper d'ennemi et de cible ; ceux qui vont se battre pour redonner à la France et à l'Europe leur autonomie de choix et de destin devront d'abord acquérir une rare et dangereuse lucidité à cet égard.

    Le retour à la mention d'origine des produits. C'est la dignité et le respect du consommateur qui peut choisir et arbitrer en fonction d'information dont le prix n'est qu'une composante, et qui peut attribuer une valeur aux choses différentes de leur prix. Le stupide "made on earth by humans" est la fin du politique et la dissolution de toute société organisée dans l'isolement généralisé. Il y a un prix à payer contre l'isolement, contre la dissociété, et contre la décivilisation qui nous gagne.

    Ni protectionnisme ni libre-échangisme, le vrai débat politique et le vrai clivage opposent ceux qui se battent pour l'autonomie des peuples, peuple français, peuple européen, et ceux qui travaillent à leur asservissement aux intérêts privés, dans le cadre du droit et du marché. Au nom d'un internationalisme mal compris, au nom d'un attachement aux droits qui détruit le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, une partie des socialistes se fait complice des forces du capital sans frontières, sans identité et sans liens. Récemment disparu, Paul Yonnet a été l'un des premiers à avoir percé à jour la contre-manœuvre socialiste – contre-manœuvre, parce qu'elle produit l'inverse des buts qu'elle affiche. Derrière l'éloge de la mobilité il faut entendre l'esclavage, derrière le sans-frontièrisme, il faut entendre apologie des invasions et des colonisations, derrière les Droits universels il faut entendre l'extinction des peuples libres de se donner leur loi, de se compter et de se nommer. Et derrière la liberté du marché, il faut voir les faux-monnayeurs, les charlatans et les usuriers qui reviennent.

    Hervé Juvin (Le Monde, 29 septembre 2011)

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