Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

europe - Page 143

  • Les illusions de la protection...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Michel Geoffroy, cueilli sur le site de Polémia et consacré à ces idées rassurants qui visent à anesthésier l'opinion publique...

    La République.jpg

    Les illusions de la «protection»

    Les Français vivent sous une double ombre tutélaire : celle de Big Brother et celle de Big Mother. Big Brother leur dit ce qu’il faut penser ; Big Mother veille à les protéger. Ainsi tous les discours officiels tournent autour de la « protection » : une défense maternisante du système en place couplée avec une présentation anxiogène des propositions alternatives.

    L’euro nous protège et nous rend plus fort : mais quand même ce n’est pas tout à fait le cas pour la Grèce, pour l’Italie, pour l’Espagne et sans doute aussi pour le Portugal. Un Etat de la zone euro ne peut pas faire faillite : mais quand même, le défaut de la Grèce est désormais de l’ordre du possible.

    L’Union européenne nous protège : mais le secrétaire d’Etat au Trésor M. Geithner a quand même déclaré que « l’Europe doit agir plus vigoureusement pour susciter la confiance dans sa capacité à résoudre la crise et dans sa volonté de le faire ».

    Les traités européens nous protègent : mais pour tenter d’enrayer la crise financière, il faut quand même que la BCE finance la dette des Etats, ce qui lui était interdit jusqu’en 2008, et il faudrait que la Grèce abandonne la zone euro, ce qui n’est pas prévu non plus par les traités européens. Des Etats réclament aussi de rétablir des contrôles aux frontières en contradiction avec l’espace Schengen. Conclusion : les traités européens nous protègent de mieux en mieux.

    Les gouvernements comptent sur la croissance pour nous protéger du chômage : mais les prévisions de croissance pour la zone euro ont quand même encore été révisées à la baisse : 1,6% contre 2% pour 2011 et 1,1% contre 1,7% pour 2012. Et le président de la BCE, M. Trichet, a quand même déclaré le 8 septembre que « le message principal dans ce domaine c’est l’incertitude ».

    Un peu d’efforts et de rigueur et tout ira mieux : mais quand même ni en Grèce ni en Grande-Bretagne la rigueur ne parvient à diminuer la dette souveraine.

    Les dépôts dans les banques sont protégés et « quels que soient le scénario grec et les provisions à passer, les banques françaises ont les moyens d’y faire face » (F. Baroin le 12/9/11) : mais quand même les banques européennes ont perdu 200 Mds € avec la crise des dettes souveraines selon le FMI (Les Echos du 22/9/2011). Le commissaire européen M. Barnier a pour sa part évoqué des pertes de 400 Mds € le 22 septembre 2011, soit deux fois plus ; depuis le 22 juillet les valeurs de la Société Générale, du Crédit Agricole et de BNP Paribas ont quand même perdu respectivement 60, 55 et 53 points (Les Echos du 23 septembre 2011).

    Les révolutions arabes leur ont apporté la « démocratie » et N. Sarkozy a « protégé » les Libyens d’un méchant dictateur ennemi du genre humain : mais quand même les partis islamistes vont donc pouvoir démocratiquement être portés au pouvoir, et les Palestiniens n’ont pas droit à la même protection ; ils ne réclament qu’un Etat.

    Les contribuables seront « protégés ». Il n’y aura pas de hausse d’impôts, a déclaré N. Sarkozy le 16/11/2010 : mais quand même il y aura une réduction des « niches fiscales » et une augmentation des taxes.

    Les citoyens sont protégés et l’insécurité recule. D’ailleurs, les caméras de vidéosurveillance s’appellent désormais caméras de « vidéoprotection » : mais quand même les cambriolages ont augmenté de 17,8% en un an (Le Monde du 22/9/2011).

    Michel Geoffroy (Polémia, 25 septembre 2011)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Grèce : un génocide financier ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article cueilli sur le site Presseurop, et tiré du quotidien autrichien Die Presse, consacré aux souffrances provoquées en Grèce par la cure d'austérité imposée par le FMI et l'Union européenne...

    grèce immolation.png

    On va droit au génocide financier

    Ainsi les Grecs “refusent d’économiser” ? Un juriste de Vienne, qui a un pied-à-terre à Athènes, les a observés au quotidien. Sa conclusion : ils économisent à en crever.

    On ne peut rester sans réagir aux diverses déclarations des plus hauts responsables de toute l’Europe, certaines frisant l’imbécillité, au sujet de ces "fainéants" de Grecs qui "refusent d’économiser".

    Depuis 16 mois, je dispose d’une résidence secondaire à Athènes, et j’ai vécu cette situation dramatique sur place. On se plaint que les plans d’économie ne fonctionnent pas parce que les revenus fiscaux chutent. On remet en question la volonté des Grecs d’économiser. Quelle surprise ! Voici quelques faits :

    - Réductions des salaires et des retraites jusqu’à 30%.

    - Baisse du salaire minimum à 600 euros.

    - Hausse des prix dramatique (fioul domestique + 100% ; essence + 100, électricité, chauffage, gaz, transports publics + 50 %) au cours des 15 derniers mois.

    Le renflouement de l'UE repart à 97% vers l'Union

    - Un tiers des 165 000 entreprises commerciales ont fermé leurs portes, un tiers n’est plus en mesure de payer les salaires. Partout à Athènes, on peut voir ces panneaux jaunes avec le mot "Enoikiazetai" en lettres rouges – "A louer".

    - Dans cette atmosphère de misère, la consommation (l’économie grecque a toujours été fortement axée sur la consommation) a plongée de manière catastrophique. Les couples à double salaire (dont le revenu familial représentait jusqu’alors 4 000 euros) n’ont soudain plus que deux fois 400 euros d’allocations chômage, qui ne commencent à être versées qu’avec des mois de retard.

    - Les employés de l’Etat ou d’entreprises proches de l’Etat, comme Olympic Airlines ou les hôpitaux, ne sont plus payés depuis des mois et le versement de leur traitement est repoussé à octobre ou à "l’année prochaine". C’est le ministère de la Culture qui détient le record. De nombreux employés qui travaillaient sur l’Acropole ne sont plus payés depuis 22 mois. Quand ils ont occupé l’Acropole pour manifestation (pacifiquement !), ils en ont rapidement eu pour leur argent, à coups de gaz lacrymogène.

    - Tout le monde s’accorde à dire que les milliards des tranches du renflouement de l’UE repartent à 97% directement vers l’Union, vers les banques, pour éponger la dette et les nouveaux taux d’intérêt. Ainsi le problème est-il discrètement rejeté sur les contribuables européens. Jusqu’au crash, les banques encaissent encore des intérêts copieux, et les créances sont à la charge des contribuables. Il n’y a donc pas (encore ?) d’argent pour les réformes structurelles.

    - Des milliers et des milliers d’auto-entrepreneurs, chauffeurs de taxis et de poids lourds, ont dû débourser des milliers d’euros pour leur licence, et ont pris des crédits à cet effet, mais ils se voient aujourd’hui confrontés à une libéralisation qui fait que les nouveaux venus sur le marché n’ont presque rien à payer, tandis que ceux qui sont présents depuis plus longtemps sont grevés par leurs énormes crédits, qu’ils doivent néanmoins rembourser.

    - On invente de nouvelles charges. Ainsi, pour déposer une plainte à la police, il faut payer sur le champ 150 euros. La victime doit sortir son porte-monnaie si elle veut que sa plainte soit prise en compte. Dans le même temps, les policiers sont obligés de se cotiser pour faire le plein de leurs voitures de patrouille.

    - Un nouvel impôt foncier, associé à la facture d’électricité, a été créé. S’il n’est pas payé, l’électricité du foyer est coupée.

    - Cela fait plusieurs mois que les écoles publiques ne reçoivent plus de manuel scolaire. L’Etat ayant accumulé d’énormes dettes auprès des maisons d’édition, les livraisons ne sont plus effectuées. Les élèves reçoivent désormais des CD et leurs parents doivent acheter des ordinateurs pour leur permettre de suivre les cours. On ignore complètement comment les écoles – surtout celles du Nord – vont régler leurs dépenses de chauffage.

    Où est passé l'argent des dernières décennies ? 

    - Toutes les universités sont de fait paralysées jusqu’à la fin de l’année. Bon nombre d’étudiants ne peuvent ni déposer leurs mémoires ni passer leurs examens.

    - Le pays se prépare à une vague d’émigration massive et l’on voit apparaître des cabinets de conseil sur la question. Les jeunes ne se voient plus aucun avenir en Grèce. Le taux de chômage atteint 40% chez les jeunes diplômés et 30 % chez les jeunes en général. Ceux qui travaillent le font pour un salaire de misère et en partie au noir (sans sécurité sociale) : 35 euros pour dix heures de travail par jour dans la restauration. Les heures supplémentaires s’accumulent sans être payées. Résultat : il ne reste plus rien pour les investissements d’avenir comme l’éducation. Le gouvernement grec ne reçoit plus un sou d’impôt.

    - Les réductions massives d’effectif dans la fonction publique sont faites de manière antisociale. On s’est essentiellement débarrassé de personnes quelques mois avant qu’elles n’atteignent leur quota pour la retraite, afin de ne leur verser que 60 % d’une pension normale.

    La question est sur toutes les lèvres : où est passé l’argent des dernières décennies ? De toute évidence, pas dans les poches des citoyens. Les Grecs n’ont rien contre l’épargne, ils n’en peuvent tout simplement plus. Ceux qui travaillent se tuent à la tâche (cumul de deux, trois, quatre emplois).

    Tous les acquis sociaux des dernières décennies sur la protection des travailleurs ont été pulvérisés. L’exploitation a désormais le champ libre ; dans les petites entreprises, c’est généralement une question de survie.

    Quand on sait que les responsables grecs ont dîné avec les représentants de la troïka [Commission européenne, BCE et FMI] pour 300 euros par personne, on ne peut que se demander quand la situation finira par exploser.

    La situation en Grèce devrait alerter la vieille Europe. Aucun parti prônant une raisonable orthodoxie budgétaire n’aurait été en mesure d’appliquer son programme : il n’aurait jamais été élu. Il faut s’attaquer à la dette tant qu’elle est encore relativement sous contrôle et avant qu’elle ne s’apparente à un génocide financier.

    Günter Tews (Presseurop, 22 septembre 2011)

    Lien permanent Catégories : Economie, En Europe, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Survivre !

    Les éditions Le Retour aux Sources publient très prochainement un essai de réflexion pratique de Piero San Giorgio, intitulé Survivre à l'effondrement économique. "En 400 pages extrêmement bien documentées, Piero San Giorgio expose les raisons pour lesquelles il faut se préparer à un véritable effondrement des bases matérielles de notre monde contemporain, quels sont les scénarios possibles de cet effondrement, et surtout comment s'y préparer. Reprenant le concept de Base Autonome Durable, l'auteur propose ici un récapitulatif de ce qu'il faut faire pour être réellement autonome, et de manière durable. De l'alimentation à la sécurité en passant par la constitution d'un lien social pérenne en situation d'effondrement, tous les aspects pratiques d'un plan de sauvegarde personnelle sont abordés." Un ouvrage qui prouve, après d'autres, que certains en Europe commencent à réfléchir très sérieusement au retour de temps tragiques...

     

    Survivre.gif

    "Ce livre peut vous sauver la vie. Les problèmes auxquels le monde doit faire face dans les 10 prochaines années sont considérables : surpopulation, pénurie de pétrole et de matières premières, dérèglements climatiques, baisse de la production de nourriture, tarissement de l’eau potable, mondialisation débridée, dettes colossales…

    La convergence de ceux-ci aura comme probable conséquence un effondrement économique qui ne laissera personne indemne, riche ou pauvre. Comment se préparer ? Comment survivre à ces prochaines années de grands changements qui seront à la fois soudains, rapides et violents ? Etes-vous prêts ? Avez-vous accès à de l’eau potable si rien ne sort de votre robinet et si les supermarchés sont vides ? Et dans ce cas, comment allez vous défendre votre famille de votre voisin affamé, du gang de racailles local ou d’un état devenu mafieux et totalitaire? Comment allez-vous protéger votre fortune dans un monde où la finance n’existe plus ?

    Vous croyez que ces questions sont absurdes ? Tentez votre chance alors ! Au moins, les lecteurs de ce livre auront à leur disposition les plans, les outils et les solutions, basées sur des exemples pratiques et sur l’expérience de ceux qui l’ont déjà fait, pour survivre et commencer à se préparer progressivement. Ce livre pourrait bien être le meilleur investissement que vous n’ayez jamais fait.

     

    Piero San Giorgio est depuis 20 ans dans l’industrie high-tech, responsable des marchés émergeants d’Europe de l’Est, Moyen Orient et Afrique. Depuis 2005, il se prépare à l’effondrement de l’économie et étudie les moyens d’y survivre."

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Mourir pour le yuan ?...

    Les éditions François Bourin viennent de publier Mourir pour le Yuan ?  - Comment éviter une guerre mondiale, de Jean-Michel Quatrepoint. Journaliste et professeur d'économie, Jean-Michel Quatrepoint dénonce le déclin consenti de l'Europe face à la Chine et en appelle à une politique de puissance du noyau carolingien de notre continent. Sinon, l'accumulation des déséquilibres mènera inéluctablement à la guerre...

     

    Mourir pour le yuan.jpg

    "Faillite de la Grèce. Endettement record des États-Unis. Crise de l’euro. Rigueur et austérité un peu partout en Occident.
    Chômage de masse. Économies exsangues. La globalisation, censée apporter bonheur et prospérité au plus grand nombre, tourne au cauchemar pour des centaines de millions de membres des classes moyennes, lentement mais sûrement paupérisés. Trois ans après la chute de Lehman Brothers, rien n’a été réglé. Bien au contraire. Les causes de la crise – déséquilibres commerciaux et déficits qui en découlent – sont toujours là. La Chine, avec son yuan sous-évalué, continue d’engranger des excédents et poursuit sa stratégie de conquête. L’Allemagne mercantiliste est tentée de jouer cavalier seul. Multinationales et financiers imposent leurs lois à des États de plus en plus impuissants. Les inégalités explosent, et avec elles, les risques d’implosion sociale.
    Comment éviter la catastrophe qui s’annonce ? Comment faire pour que cette seconde globalisation ne connaisse pas le même sort que la première, qui s’est fracassée un jour d’août 1914 ?"
    Lien permanent Catégories : Economie, Géopolitique, Livres 1 commentaire Pin it!
  • Plutôt le Monomotapa que Louis XIV ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de l'africaniste Bernard Lugan, cueilli sur son blog, à propos des nouveaux programmes d'histoire au collège.

    Histoire.jpg

    L’histoire de l’Afrique doit-elle être enseignée dans le secondaire aux dépens des fondamentaux de l’histoire de France ?

    L’histoire des mondes non européens a toujours figuré dans les programmes scolaires, cependant, elle n’était pas enseignée aux dépens de l’histoire de France. De plus, cette nécessaire ouverture ne se faisait qu’à partir du moment où les fondamentaux de notre histoire étaient acquis par les élèves. Aujourd’hui, il en va tout autrement avec la réforme Darcos qui prépare le délitement de l’imaginaire historique national, ce précieux socle auquel les Français sont encore arrimés.
    Les ravages commencent désormais dès la classe de 5° qui a subi des amputations insensées et même proprement « ubuesques » de son programme d’histoire. Or, ces amputations ont été rendues nécessaires afin de dégager autant de plages horaires destinées à l’étude des civilisations non européennes, qu’elles soient africaines, asiatiques ou autres. Pour ce qui concerne l’Afrique, seront ainsi étudiés plusieurs royaumes avec un point central, celui du Mali. Pour leur « faire de la place », Louis XIV a donc été relégué en toute fin de programme et il ne sera donc « survolé » que si le Monomotapa (!!!) a été vu. De même que les crédits de l’armée constituent la variable d’ajustement des déficits de l’Etat, l’histoire de France devient quant à elle la variable d’ajustement des apprentis sorciers du ministère de l’Education nationale.
    Toute éducation supposant l’acquisition de fondamentaux et de connaissances de base sans lesquelles il est impossible ou vain de vouloir aller plus loin, il est donc insensé de vouloir faire apprendre l’histoire du Mali à des enfants qui ne savent pas si Napoléon a vécu avant ou après Louis XIV…Les « docteurs Folamour » du pédagogisme ne l’ignorent pas. Ils en sont même parfaitement conscients, mais ce sont d’abord des militants dont le but est de casser tous les enracinements européens considérés par eux comme susceptibles de déclencher des réactions identitaires.
    Ne nous cachons pas derrière notre pouce et disons les choses clairement : le premier but de cette aberrante réforme de l’enseignement de l’histoire est de toucher le public de ces établissements mosaïques dans lesquels 30 à 40% d’élèves possédant moins de 350 mots de vocabulaire, ne sachant ni lire, ni écrire, ni même raisonner et encore moins comparer, pourrissent littéralement l’apprentissage de classes entières. Les assassins de notre mémoire espèrent, grâce à cette réforme, capter l’attention de ces auditoires « difficiles » et avant tout peu intéressés par l’histoire de France, en leur proposant une histoire sur mesure, une histoire à la carte, une histoire ethno sectorielle en quelque sorte.
    Les élèves d’origine mandé-malinké de Tremblay en France seront peut-être attentifs à l’histoire de l’empire du Mali qui fut constitué par leurs ancêtres, mais il risque de ne pas en être de même avec les petits soninké de Garges les Gonesse, héritiers, eux, du royaume de Ghana qui fut détruit par les premiers…De plus, comment vont réagir les rejetons des nombreux autres peuples africains ? N’y a-t-il pas une forme de discrimination à leur égard ? En effet, pourquoi privilégier le Mali ou le Ghana et passer sous silence l’empire Luba et le royaume zulu ?
    Un autre but de ce programme qui fait naturellement de continuelles références à la traite des esclaves vue comme une sorte de fil conducteur de la matière, est de tenter de faire croire aux élèves que l’histoire du monde est d’abord celle de la confrontation entre les méchants, lire les Européens, et les bons, lire les autres. L’ethno culpabilité est décidément sans limites !
    De plus, et là est peut-être le plus important, l’histoire de l’Afrique a son propre temps long qui n’est pas celui de l’Europe. Elle s’appréhende avec une méthodologie particulière impliquant une maîtrise de la critique des sources orales, une connaissance approfondie de l’anthropologie, de l’archéologie, de la linguistique, etc., Or, les professeurs qui vont devoir enseigner cette histoire à leurs jeunes élèves n’ont pas été formés pour cela.
    Un exemple : la connaissance que nous avons de Philippe le Bel repose sur des dizaines de milliers d’études, de thèses, de documents d’archives, de mémoires, de correspondances, de traités etc. Son contemporain, Abu Bakr II empereur du Mali (+- 1310-1312), dont l’existence n’est même pas certaine, n’est connu que par des traditions orales tronquées, des sources arabes de seconde ou même de troisième main et par une chronologie totalement erronée établie par Maurice Delafosse en 1912. L’histoire de son bref règne, s’il a véritablement eu lieu, est pourtant largement enseignée en Afrique où ce souverain est présenté comme une sorte d’explorateur conquistador parti à la tête de 2000 ou même 3000 pirogues pour découvrir les Amériques.  
    Les professeurs des classes de 5° qui vont devoir parler du Mali, cœur du nouveau programme, devront évidemment étudier cet empereur. Or, sont-ils formés pour expliquer à leurs élèves que l’histoire scientifique ne se construit pas sur des légendes? De plus, le seul fait, dans un cours, de consacrer le même temps d’étude à un personnage historique attesté d’une part, et à un autre, largement légendaire d’autre part, conduira automatiquement les élèves à prendre le virtuel pour la réalité, ce qu’ils sont déjà largement enclins à faire avec les jeux électroniques.   
    Mais allons encore au-delà et abordons l’essence même de la question. Face à ces élèves « en difficulté» (traduction en langage politiquement incorrect : enfants dont la langue maternelle n’est pas le français), les enseignants oseront-ils, sans risquer un hourvari, expliquer qu’un tel voyage n’a jamais eu lieu?  En effet, si tout est faux dans cette légende c’est parce que les Africains de l’Ouest -à la différence de ceux de l’Est-, ne pouvaient affronter la haute mer car ils ignoraient l’usage de la voile ainsi que celui de la rame et parce que leurs pirogues étaient sans quille. 
    Les mêmes enseignants sont-ils armés pour faire comprendre à leurs classes que pour atteindre l’Amérique, les hommes d’Abu Bakr II auraient été contraints de pagayer durant plus de mille kilomètres à travers l’océan atlantique avant de rencontrer enfin le courant des Canaries, seul susceptible de leur permettre de dériver ensuite vers l’Ouest… et cela sur 6000 km ? Enfin, seront-ils en mesure de mettre en évidence l’incohérence majeure de cette légende que certains considèrent comme une histoire vraie, à travers un exemple clair : comment l’expédition de l’empereur malien aurait-elle pu atteindre l’Amérique alors que les Africains ignoraient l’existence de l’archipel du Cap-Vert situé à 500 km « à peine » de la péninsule du Cap-Vert, point le plus occidental du littoral ouest africain contrôlé par l’Empire du Mali et qui leur barrait la voie du grand large ? En effet, cet archipel était vierge et vide d’habitants en 1450,  au moment de sa découverte par le Génois Antonio Noli qui était au service du Portugal...[1]
    L’enseignement de l’histoire africaine ne s’improvise pas !
    Hier la méthode d’apprentissage de la lecture dite « globale » fabriqua des générations d’illettrés et de dyslexiques; la réforme des programmes d’histoire donnera quant à elle naissance à des générations de zombies incapables de rattacher des évènements ou des personnages à une chronologie et ayant pour toute culture historique celle du volapük mondialisé.
     
    Bernard Lugan (Blog de Bernard Lugan, vendredi 23 septembre 2011)
     
    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Les faux calculs de l'ingérence...

    Nous reproduisons ci-dessous un article du géopolitologue Aymeric Chauprade, publié dans Valeurs actuelles et consacré à la "victoire" en Libye... 

     

    sarkozy-libye-.jpg

    Les faux calculs de l'ingérence

    Une nouvelle fois, l’incantation à la religion des droits de l’homme a fait pleuvoir les bombes de l’Otan. Comme toutes les guerres de l’“Empire” auxquelles la France apporte son tribut, l’intervention en Libye a été menée au nom du devoir humanitaire de protection des populations civiles. Tous les ingrédients classiques de la guerre d’ingérence rêvée par Kouchner et ses amis furent au rendez-vous ... : les don­neurs de leçons indignés (hier Glucks­mann, aujourd’hui BHL), le conte pour “enfants de la télé” qui fait fi de toute réalité géopolitique (“un peuple entier dressé contre son dictateur”, alors qu’il s’agit d’une guerre civile Cyrénaïque contre Tripo­litai­ne), l’absence d’esprit critique de la presse occidentale face à la propagande de l’Otan (diffusion de ­fausses scènes de liesse à Tripoli tournées au Qatar alors que les rebelles ne sont pas encore dans la capitale ; chronique de la cruauté du Guide), la contradiction permanente avec les principes affichés (quid de la chasse aux Noirs pratiquée par les rebelles et plus largement de l’épuration massive en cours contre les tribus restées fidèles à Kadhafi ?).

    Et la realpolitik dans tout cela ? Si, en effet, le masque de l’hypocrisie servait un but géopolitique tangible, nous pourrions parler de realpolitik et accepter celle-ci au nom de l’intérieur supérieur du pays. Mais, pour au moins trois raisons géopolitiques fondamentales, l’ingérence en Libye (comme le furent celles en Yougoslavie, en Afghanistan et en Côte d’Ivoire) est l’ennemie des intérêts géopolitiques français.

    La première raison est que l’opposition que nous soulevons n’est plus celle d’un tiers-monde impuissant. Le monde est devenu multipolaire ; les pays émergents n’ont qu’une envie, arracher à l’Occident ce masque humanitaire qui dissimule sa politique de terreur contre la souveraineté des peuples. Russes, Chinois, Indiens, Brésiliens, Sud-Africains : ces gens n’ont aucune illusion quant au but réel de guerres que leurs médias qualifient de néocoloniales et prédatrices (pétrole, gaz). En s’alignant sur les États-Unis, la France détruit son capital principal en politique étrangère : sa position d’équi­libre, qui était respectée et demandée. Le monde change aussi chez nous, en Europe. Avec un double “non” (Irak, Libye), l’Allemagne s’est écartée de la géopolitique états-unienne comme elle rompra demain avec le capitalisme financier anglo-saxon. C’est elle qui demain ajoutera à son prestige industriel international une position d’équilibre qu’elle nous aura ravie.

    La deuxième raison est que la chute de Kadhafi aggrave le chaos dans le Sahel. Le pillage des dépôts de l’armée libyenne dès le début de la guerre civile (comme en Irak en 2003), augmenté de nos parachutages d’armes et de munitions, transforme de fait le territoire libyen en une poudrière. Les tribus sont surarmées, à l’image des Touaregs pro-Kadhafi repliés vers leurs bases arrière nigériennes et maliennes et qui préparent déjà la revanche. Le Tchad ne sera pas épargné. Les trafics en tout genre (drogue, cigarettes, immigration), jusque-là endigués par les régimes autoritaires de Kadhafi et Ben Ali, vont exploser. Quant à nos “amis” rebelles, ce sont presque tous des islamistes radicaux ; les plus aguerris (les chefs) ont gagné leurs “lettres de noblesse” dans le djihad irakien… contre l’armée américaine (ce qui ne veut pas dire contre la CIA). L’assassinat, en juillet dernier, du ministre de l’Intérieur de Kadhafi rallié aux rebelles de l’Est ne s’explique que par la vengeance des islamistes contre leur ancien tortionnaire.

    En favorisant l’effondrement des régimes autori­taires qui formaient le dernier écran protecteur de l’Europe face à la misère africaine, nous avons libéré des énergies qui vont travailler au service de trois buts : davantage d’immigration vers l’Europe, davantage de trafics, davantage d’islamistes.

    Enfin, il existe une troisième raison pour laquelle un éventuel calcul stratégique français était par avance voué à l’échec. L’État libyen était déjà faible sous Kadhafi (lorsque les esprits seront apaisés, il faudra un jour mieux comprendre la nature du rapport entre le Guide de la révolution et son peuple), mais désormais et pour plusieurs années, il faudra parier sur l’absence quasi totale d’État libyen. Malheureusement, les Français, à la différence des Britanniques, n’excellent guère dans la manœuvre politico-économique (obtention des mar­chés) lorsqu’ils ne disposent pas de partenaire étatique clairement identifié. Les clés des marchés libyens se trouveront sans doute davantage au cœur des tribus que dans l’exécutif officiel. Si le président et son entourage voient dans les chefs rebelles auxquels ils ont déroulé le tapis rouge à l’Élysée l’incarnation de l’État libyen de demain, la désillusion risque d’être forte. Car il se pourrait bien que, cette fois, les Américains ne fassent pas l’erreur qu’ils ont faite en Irak en détruisant l’État baasiste et qu’ils cherchent au contraire à s’appuyer sur les anciens de Kadhafi plutôt que sur cette étrange “variété modérée de djihadistes démocrates” (!) dont l’entourage de Sarkozy nous vante les mérites.   

    Aymeric Chauprade, géopolitologue (Valeurs actuelles, 15 septembre 2011)

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Points de vue 0 commentaire Pin it!