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Métapo infos - Page 633

  • De méprisables méprisants...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Michel Onfray, publiée sur son site personnel et consacrée au mépris de Macron et de ses sbires à l'encontre du peuple... Philosophe populaire, polémiste, tenant d'un socialisme libertaire, Michef Onfray a publié de nombreux ouvrages, dont dernièrement sa trilogie  Cosmos (Flammarion, 2015), Décadence (Flammarion, 2017) et Sagesse (Flammarion, 2019), ou encore Théorie de la dictature (Robert Laffont, 2019).

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    De méprisables méprisants

    Le ressentiment joue un rôle moteur dans l’Histoire. On mésestime l’importance que peut tenir dans la généalogie d’un révolutionnaire un moment biographique dans lequel eux ou leurs proches ont pu être humiliés, méprisés, rabaissés par une personne qui détenait le pouvoir de les mettre plus bas que terre du fait de sa position sociale. Qui humilie un jour se fait haïr toujours.

    Les intellectuels qui réfléchissent aux grandes causes des grands moments de l’Histoire veulent toujours leur trouver de grandes raisons : or c’en sont souvent de petites qui s’avèrent les plus explicatives… Platon invoque l’Idée, Kant évoque le Progrès, Hegel cherche le Concept, Marx convoque les Masses, Mao la Dialectique qui casse des briques, mais tous ceux connaissent la Révolution française autrement que par ouï-dire savent que la biographie de ses grands acteurs avant 1789 est la plupart du temps faite des ratages qui génèrent des humiliations qu’ils font un jour payer.

    Combien dans cette nation d’écrivains qu’était alors la France des Salons se sont rêvés auteurs, dramaturges ou philosophes qui, avant la prise de la Bastille, n’étaient que des écrivaillons sans éditeurs, des trousseurs de pièces de théâtre sans metteur en scène, des auteurs sans succès, voire, comme Robespierre qui se voulait Rousseau, un avocat sans relief doublé d’un poète de sous-préfecture courant après les prix littéraire de province… Marat voulut être aristocrate, puis scientifique, puis philosophe et ne fut qu’un auteur sans succès, un escroc et un voleur. Puis, un jour, la grande Histoire les sort de leurs petites histoires. Ils peuvent alors incendier et décréter la table rase. Taine a magnifiquement raconté cette puissance du ressentiment dans son histoire de la Révolution française.

    S’il existe encore dans le futur des gens capables d’écrire l’Histoire, ce dont je doute de plus en plus, le quinquennat d’Emmanuel Macron passera pour un mandat dans lequel le mépris du peuple n’aura jamais été porté à ce point d’incandescence par lui et les siens ! On ne peut être à ce point inconscient de la poudre partout répandue – sauf à vouloir créer les conditions d’une insurrection pour laquelle il revendiquerait alors le statut de sauveur de la démocratie, ce qui est une pensée d’adolescent par définition pas fini… Mais, hélas, l’article 16 de la Constitution le lui permettrait.

    L’une des dernières humiliations de sa bande est due à Gérald Darmanin. Dans Paris-Match, le ministre des comptes publics dit ceci de Macron : « Il manque sans doute autour de lui des personnes qui parlent à la France populaire, des gens qui boivent de la bière et mangent avec les doigts. Il manque sans doute un Borloo à Emmanuel Macron. » Cette saillie est proprement sidérante !

    Cette obscénité fit dire à l’inénarrable meuf pas dead, Sibeth N’Diaye, porte-parole du gouvernement (on a les représentants qu’on peut) : « J’aime beaucoup la bière. » Puis ceci : « Dans ma culture africaine on mange avec les doigts. Autrement dit: tout va bien, rien à signaler, rentrez vous coucher bonnes gens. La porteuse de la parole du chef de l’Etat a donc dans la foulée appelé son chauffeur qui, avec force gyrophare, afin de doubler les crétins prisonniers des bouchons, lui a permis de rentre chez elle, s’affaler sur son canapé, se décapsuler une Kronenbourg et manger sa soupe avec les doigts …

    Darmanin qui ne manque pas une occasion de faire savoir que sa mère était femme de ménage à la Banque de France, et il a raison d’en être fier, encore faudrait-il qu’elle fut elle aussi fière de ce que dit sa progéniture, perd tout le bénéfice d’une pareille référence, chaque fois qu’il la convoque, comme on le faisait à la Banque de France, pour s’en servir plutôt que de la servir elle et les siens – par exemple, dernièrement, pour expliquer aux Français qu’il estime moyens, très moyens, que sa retraite se trouverait considérablement augmentée grâce à la bonté de monsieur Macron, banquier de formation, ce qui, on en conviendra, est une profession qui prédispose à la bonté envers les plus faibles et les plus fragiles… Idem avec les assureurs qui ont un ami au sommet de l’Etat.

    Or, j’ai peine à imaginer que madame Darmanin mère boive de la bière et mange avec ses doigts parce qu’elle serait femme de ménage ! Quelle idée ce fils du peuple se fait-il du peuple ? Ma mère qui fit le même métier que la sienne n’a jamais bu de bière ni mangé à pleines mains – mon père non plus d’ailleurs qui était ouvrier agricole. Nous vivions à quatre dans une petite maison de dix sept mètres carrés sans salle de bain et on n’y a jamais pué ni dévoré la viande à pleine dents ni fait nos besoins sous l’escalier ! Monsieur Gérald Darmanin confond avec ses lointains ancêtres de la guerre du feu du temps que Nadine de Rothschild avait les mêmes ! Il qui ne m’étonnerait pas qu’il ait trop regardé Les Tuche et pas assez lu Proudhon…

    J’ajoute ne pas avoir compris non plus pourquoi cette référence à Jean-Louis Borloo ? Pour la bière ou pour le fait de manger avec ses doigts ? Ou pour les deux ?

    Le même Darmanin fut parmi les plus violents à l’endroit des gilets-jaunes en les assimilant aux nazis – « C’est la peste brune qui a manifesté à Paris », a-t-il dit le 25 novembre 2018. A la même époque, Benjamin Griveaux faisait lui aussi des gilets-jaunes de méprisables « fumeurs de clopes qui roulent au diesel ». En plein mouvement des ronds-points, Darmanin fit également savoir qu’il pouvait comprendre cette colère, puisque, à l’en croire, la vie se montre difficile à Paris où, selon lui, la note moyenne des restaurants s’élève à 200 euros sans les vins – il ne doit pas aller beaucoup dans les restaurants fréquentés par les camarades de sa mère en même temps qu’il a totalement oublié le bistrot que tenait son père où d’aucuns parmi les plus pauvres déjeunaient parfois d’un œuf dur au comptoir. Qu’on se souvienne du magnifique poème de Prévert – un poète libertaire dont, hélas, on connaît plus le nom que l’oeuvre.

    En deux années de pouvoir Macron a accumulé le mépris ; il est vrai qu’avec l’arrogance, c’est probablement ce qu’il réussit le mieux : contre les femmes illettrées de l’usine Gad ; contre les fainéants ; contre les « gaulois réfractaires » ; contre « les gens qui ne sont rien » auxquels ils préfère ses précieux amis qui réussissent ; contre ceux qui touchent le « pognon de dingue » des minimas sociaux; contre les petits cons qui se plaignent qu’on leur supprime 5 euros d’APL et qui ne comprennent rien à ce qu’est l’Histoire ; contre les étudiants qui se plaignent de devoir travailler le soir pour payer leurs études car, lui, le fils d’un père médecin professeur de neurologie dans un CHU et d’une mère médecin conseil à la sécu, il sait ce qu’est « bosser dans un Mac Do » – pas sûr pourtant que ce soit la pauvreté qui l’ait éloigné de sa famille provinciale pour venir à Paris, la capitale des Rastignac ; contre ceux qui lui reprochent ses costumes et qui n’ont qu’à travailler pour s’acheter les mêmes ; contre ceux qui se plaignent tout le temps ; contre les mères de famille nombreuses qui sont d’autant plus prolifiques qu’elles sont moins cultivées – la chose fut dite en anglais devant la Fondation Gates, le propos était exactement : « Montrez-moi une femme, parfaitement éduquée, qui décide d’avoir sept, huit, neuf enfants » ; contre ceux qui croient que se faire construire une piscine dans une résidence que des générations de chefs de l’Etat prenaient telle quelle pose un problème ; contre ce collégien qui l’a appelé Manu à qui il a vertement conseillé de décrocher un diplôme puis de travailler avant de disposer d’un avis sur lui – un avis négatif bien sûr, positif, il en avait immédiatement le droit, sinon le devoir ; contre « la mafia » des bretons ; contre ce fainéant de jeune horticulteur qui ne trouve pas de travail et à qui il conseille de traverser la rue pour faire la plonge dans un restaurant; contre les manifestant qui « foutent le bordel » – Darmanin doit apprécier la virilité grossière du président de la République qui progresse ainsi sur la voie du bock de bière (servi dans une vaisselle de luxe coûteuse et flambant neuve) et des nourritures mangées à la main (même s’il s’agit de caviar) – c’est en effet, ne l’oublions pas, l’homme du en même temps…

    Cette manifestation du mépris se double chez lui d’un évident complexe de supériorité ! Macron n’est-il pas en effet porteur d’une pensée complexe que n’importe qui ne peut comprendre, il faut au moins comme lui, avoir échoué deux fois au concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure, n’être pas parvenu à devenir l’écrivain qu’il voulait être, ni même le philosophe qu’il crut pouvoir devenir,  afin de pouvoir saisir la subtilité de ses analyses, de comprendre la densité de ses réflexions, d’appréhender la hauteur de vue de ses théories… En dessous de bac+8, pas la peine d’essayer de le comprendre, les Bogdanov témoignent.

    Le 29 juin 2017, pour expliquer une contre-performance médiatique, donc politique, ou politique, donc médiatique, et ce lors d’un entretien avec des journalistes, il se justifie avec ce communiqué : « Les équipes d’Emmanuel Macron assurent que le président de la République n’a aucun problème avec la presse »… alors que la traditionnelle interview télévisée du 14 Juillet n’aura pas lieu. Raison invoquée, la « pensée complexe » du chef de l’Etat se prête mal « au jeu des questions réponses avec des journalistes ». Pas question d’avoir été mauvais, les autres sont trop nuls pour le comprendre. Sans rire, la chose fut dite, et personne ne lui a ri au nez ! Sûrement pas les journalistes qui ont mangé le vomi qu’il leur servait jusqu’à la dernière cuillerée…

    C’est ce même argument qui fait dire à l’Elysée que les millions de gens qui descendent dans la rue contre sa réforme des retraites ne peuvent être motivés que par une seule raison: ils ne comprennent pas sa pensée complexe…

    Voilà pourquoi les éléments de langage ont été donnés en haut lieu aux godillots de La République en marche afin de faire savoir que la France paralysée, tout cela procède d’un malentendu et de rien d’autre: les manifestants ne le saisissent pas car, s’ils étaient intelligents, ils comprendraient tout de suite le génie et la portée  de son « système universel (sic) » – au Tibet on y est en effet très sensible, au Groenland également, et je ne vous parle pas du Qatar… De sorte que, au lieu de perdre bêtement de l’argent à manifester contre lui, ce qui, en plus, constitue une offense à sa personne, les manifestants auraient dû bien plutôt se rendre en cortège à l’Elysée, du moins à la grille du coq, c’était adéquat, afin de remercier le Conducator de ses bienfaits ! On lui aurait dit, comme au temps béni de Mao, qu’il était « le phare de  la pensée mondiale » – BHL, Finkielkraut, Sollers, Kristeva, Gérard Miller, Badiou, July, Kouchner, Karmitz faisaient alors partie du chœur, on aurait pu leur demander des conseils avisés…

    S’il fallait résumer tout cela en une seule phrase, le Petit Timonier dirait : « Ils sont trop cons, ils ne me méritent pas »… Mais on ne peut jouer cette seule carte très longtemps ! Arrive un jour où la table se trouve renversée par les gens humiliés – avant de plus terribles futurs.

    Michel Onfray (MichelOnfray.com, 21 décembre 2019)

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  • Art Contemporain, manipulation et géopolitique...

    Les éditions Eyrolles ont publié voici quelques mois un essai d'Aude de Kerros intitulé Art Contemporain, manipulation et géopolitique - Chronique d'une domination économique et culturelle. Graveur et peintre, l'auteur mène depuis près de trente ans une réflexion critique sur l'art contemporain et a déjà publié de nombreux articles et plusieurs essais comme L'art caché - Les dissidents de l'art contemporain (Eyrolles, 2007), Sacré art contemporain - Evêques, inspecteurs et commissaires (Jean-Cyrille Godefroy, 2012), 1983-2013 Années noires de la peinture (Pierre-Guillaume de Roux, 2013) et L'imposture de l'art contemporain - Une utopie financière (Eyrolles, 2015).

     

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    " Le XXIe siècle a fait de l'Art contemporain un marqueur de puissance, mesurant le degré d'émancipation d'un pays, son pouvoir d'attraction et sa place dans le monde. Etudiant en profondeur le rôle des différents acteurs (artistes, collectionneurs et musées), Aude de Kerros analyse l'évolution des liens entre arts plastiques et géopolitique, de 1945 à nos jours. Elle décrit notamment avec précision les événements marquants de la dernière décennie et leurs conséquences : la mondialisation des transactions, la transparence du marché de l'art - dévoilé par les nouvelles technologies de l'information -, l'entrée sur le marché du monde non occidental, toutes choses troublant l'ordre établi et défiant les prédictions d'une uniformisation pacifique et rentable de l'art par le monde occidental. Cet ouvrage très documenté produit une réflexion vivante : il souligne l'évolution des méthodes d'influence des différentes puissances tout en décrivant la construction du système international de l'art, parvenu au contrôle complet du marché, mais aussi le processus de son dépérissement, dû à l'enfermement. Comment résister à la permanence des civilisations et à leur capacité d'adaptation, en même temps qu'à la révolution technologique qui permet l'émergence d'autres connections ? C'est d'un nouveau monde de l'art dont il est question, aux contours inédits. "

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  • "Whitewashing" et "blackwashing"...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gabriel Robin, cueilli sur le site de L'Incorrect et consacré à l'introduction d'acteurs de couleur dans des films ou des séries où ils n'auraient logiquement pas leur place...

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    Marguerite d'Anjou, femme d'Henri VI, jouée par l'actrice d'origine nigérienne Sophie Okonedo dans la série de la BBC, The Hollow Crown

     

    Whitewashing et blackwashing

    Le whitewashing ? Derrière ce néologisme anglais barbare se cache une expression politique venue du militantisme diversitaire américain. Dans une tribune publiée sur Challenges, Laure Croiset appelait à en finir avec cette vieille pratique hollywoodienne qu’elle définissait comme le fait de « faire jouer par des acteurs blancs des personnages de couleur ».

    À y regarder de plus près, on constate pourtant que ce phénomène qui suscite l’hystérie des social justice warriors américains ne fonctionne que dans un sens. Des groupes sont d’ailleurs très actifs en la matière. Ainsi de racebending.comqui surveille les studios américains et leur adresse des courriers appelant à la vigilance et à l’instauration de quotas dans leurs films. Netflix a notamment été la cible des amateurs de mangas après avoir occidentalisé le casting de l’adaptation live du manga Death Note, censé se dérouler au Japon.

    Il n’y avait pourtant ici rien de particulièrement choquant, l’histoire étant intégralement transportée aux Etats-Unis. L’œuvre originelle n’était donc pas trahie, puisqu’il s’agissait d’une transposition. Cela se produit d’ailleurs couramment à Hollywood sans que des cris d’orfraie ne soient poussées. Bienvenue chez les Chtis a été par exemple adapté dans le monde entier, de même que Les Infiltrés de Scorsese sont une adaptation dans le milieu irlandais de Boston de l’Infernal Affairs hongkongais narrant l’infiltration d’une triade par un policier.

    L’indignation marche à sens unique. L’appropriation culturelle ne peut être que celle de l’Occident copieur, voleur et manipulateur. Essayons pourtant, dans un contexte délirant et quasi psychiatrique, de distinguer les cas-types et de faire preuve d’honnêteté intellectuelle. Le premier cas est celui des films historiques et des grands mythes appartenant à des ensembles ethnoculturels bien déterminés. Pour ces cas, il n’y a pas de doute possible. Il serait totalement absurde et infondé de prendre des figurants Taïwanais pour un film sur la Guerre de Cent Ans ou bien encore des Italiens pour jouer des villageois dans un film sur le shogunat Tokugawa.
    C’est du bon sens. De la même façon, adapter un conte traditionnel africain ou la mythologie grecque sans les contextualiser fera courir le risque de l’anachronisme et de la perte de sens des récits en question. Des histoires bien réelles et de grands mythes sont pourtant régulièrement décontextualisés et truffés d’anachronismes sans que personne n’y trouve rien à redire : les légendes arthuriennes, l’Iliade (qui compte des personnages africains bien réels, tels que l’Ethiopien Memnon), Jules César et même des vikings dans certaines productions de la BBC.

    Le deuxième cas de figure est celui du conte universel. La belle et la bête ou les Fables de La Fontaine ont ainsi existé sous diverses latitudes et à différentes époques. Ces histoires peuvent faire l’objet de films avec des référents culturels variés sans que la cohérence et la pertinence de leur portée universelle ne soient mises à mal. Enfin, dernier cas, qui nous intéresse ici : les univers fantaisistes se déroulant dans un passé fictif. Ils sont de deux sortes : parodiques et ancrés dans un contexte réaliste. Le film Princess Bride, Kaamelott ou les aventures des Monty Python sont des parodies. Tout est permis dans ce cas.
    En revanche, l’univers du Sorceleur créé Andrzej Sapkowski ne rentre pas dans ces critères. Il est clairement inscrit dans la Pologne médiévale, comme cela est indiqué dans les romans et comme les jeux-vidéos le montraient. Pourquoi alors l’adaptation par Netflix montre-t-elle des acteurs de tous les horizons, au mépris de l’histoire ? Dès le premier épisode, les habitants d’une petite ville semblent avoir été choisis pour représenter un village Potemkine pensé par une sociologue à cheveux bleus de l’université Evergreen. Pas une ethnie ne manque : Asiatiques, Indiens, Africains ou encore Orientaux…

    C’est aussi absurde qu’artificiel. La volonté de la production d’injecter grossièrement des acteurs issus de la diversité pour coller aux standards Netflix saute aux yeux. Il s’agit de propagande grossière. On me rétorquera que The Witcher est un univers de fiction. Soit. Tout comme le Wakanda de Black Panther créé dans les années 1970 par un auteur de comic américain ou les contes de Kirikou… Ce qui choquerait dans ces cas ne dérange personne dans l’autre. Du reste, les aventures de Black Panther se déroule à notre époque. Le Wakanda doit avoir une politique migratoire sacrément efficace ! Les campagnes fictives polono-ukrainiennes de The Witcher ont plus d’immigration que les campagnes polono-ukrainiennes contemporaines ?

    Cette irruption permanente du faux travaille à raconter le monde tel qu’on voudrait qu’il soit et non tel qu’il est. Le but est que la fiction imprègne progressivement et sournoisement la réalité. Game of thrones avait un casting présentant des acteurs de divers horizons ethniques. Ce n’était pas choquant parce que l’histoire le permettait, présentant de grands ports marchands où se croisent des voyageurs du monde entier et des tribus inspirées des Mongols, des villes d’apparence orientales ou encore des Îles avec des populations africaines. Dans The Witcher, c’est simplement la volonté de Netflix de complaire à une minorité agissante et bruyante qui aura guidé le choix du casting et non la cohérence de l’œuvre. Emprunter cette voie appauvrira progressivement l’art, la culture et le cinéma.

    Gabriel Robin (L'Incorrect, 21 décembre 2019)

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  • Tout meurt, tout refleurit !...

    Bonne fête de Noël aux lecteurs de Métapo infos !...

     

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    " Tout part, tout revient, la roue de l’être roule infiniment. Tout meurt, tout refleurit, l'année de l'être court éternellement.

    Tout s'effondre, tout est à nouveau rassemblé ; la même maison de l'être se rebâtit éternellement. Tout se sépare, tout se salue de nouveau ; l’anneau de l’être se reste éternellement fidèle.

    En tout instant commence l'être ; autour de chaque «ici» tourne la boule «-bas». Le milieu est partout. Le sentier de l’éternité est courbe. "

    Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra (traduction de Robert Dun)

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  • Sa demeure était l'éclair...

    Les Amis d'Olivier Carré viennent de publier une superbe monographie intitulé Olivier Carré - Peintre et sculpteur 1954-1994. Un ouvrage indispensable pour découvrir l’œuvre de cet artiste puissant parti trop tôt...

    L'ouvrage est dsiponible à la commande sur le site des Archives Olivier Carré.

     

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    " Peintre et sculpteur, Olivier Carré laisse une œuvre dont les critères d’élaboration furent exclusivement esthétiques. Il se refusait lui-même à toute doctrine, et il serait hors de propos de vouloir lui en attribuer une. Mais s’il n’y a pas de philosophie d’Olivier Carré, il existe bien une philosophie de son œuvre, de ses choix, de ses efforts vers une certaine forme de vérité picturale. Elle se confond pour partie avec la quête continue d’une compréhension lucide de ce monde, mais selon des critères extrêmement exigeants : ne jamais illustrer un savoir ou une vérité préalables, et tenter tout ce qui pourrait servir d’outil pour devenir, sans compromis avec l’hostilité de l’époque, et sans renier non plus les formes du passé.

    L’une de ses premières toiles marquantes, Le Travailleur, condense déjà les principales lignes de force de son œuvre : la thématique de la technique vient interroger une part des revendications de l’époque et les conditions qu’elles fixent à l’épanouissement de la liberté, et le tableau lui-même est compris comme une sorte de locution interjective sur le mode du Qui vive ? Autant dire qu’on chercherait en vain dans ses toiles un accomplissement serein. Ce que disait d’Héraclite le poète René Char s’applique à son art : « Il savait que la vérité est noble et que l’image qui la révèle, c’est la tragédie. » Son domaine était celui d’une espérance sans foi, d’une conscience débarrassée de toute réponse complice qui, entre l’homme et l’homme, interposerait une doctrine et aliénerait la liberté. Peu d’artistes en ce siècle se sont ainsi exercés à la contestation constructive des dogmatiques convenues, sinon quelques surréalistes libres, Dali qui inspira ses premiers essais, ou Chirico qu’il admirait.

    Une philosophie exigeante et ardue sourd de son œuvre, qu’aucun concept ne peut réduire tant ses tableaux étaient des incitations et non de quelconques solutions données à des problèmes qu’il aurait nettement formulés. Son Athéna nucléaire tout autant que quelques portraits de commandes privées montrent une expression de l’humain perçu comme une liberté à conquérir, une liberté qui doit être refusée si elle n’est qu’une permission donnée par d’autres, par la société, par quelques individus députés à cette fonction, ou par le monarque même ; la liberté telle que la comprenait esthétiquement Carré n’est pas même envisagée comme soumise à une volonté consciente, ni dépendante de la réalisation d’un projet calculé ou d’ordre politique ; elle doit sourdre de l’action, sortir d’elle comme sa principale conquête, quel que soit l’objectif pratique qui est visé. Le rôle social des individus, pour lui, importait peu ; seul l’attirait leur capacité à l’action novatrice et à la mise en œuvre d’une forme nouvelle et créatrice. Autant dire que, pour l’essentiel, Carré ne voyait autour de lui que des esclaves sans grande consistance, et s’amusait de leurs ballets. Il haïssait, pour les mêmes raisons, le circuit des galeristes et des critiques d’art.

    Son étonnante faculté d’interrogation et de sollicitation apparaît aussi dans les Têtes qu’il fixa en différents endroits de la planète : face au siège de l’ONU à New York, sur une digue danoise, sur des blockhaus de la côte atlantique, sur une tour dominant les marais de Saintonge ou sur les quais de la Seine, notamment sept exemplaires aux pieds du palais du Louvre, apposés au cours d’une opération nocturne réglée comme une action de commando. Un visage cyclopéen, dépourvu de références anatomiques humaines, remugle darwinien tourné vers l’inconnu du devenir, incarne là une sommation à vivre debout qui vomit les conformismes.

    Le personnage vivait de la même manière, interrogeant sans cesse, exigeant des réponses à ses questions, et les contestant aussitôt reçues, cherchant la matière de ses œuvres dans les interstices du savoir et de la volonté, dans les bizarreries de l’optique, dans le dénuement total de la conscience de soi confrontée au nocturne, aux rêves, à la lumières crue des projecteurs qui éclairaient son atelier.

    Il y avait là, sous une forme esthétique incomparable, une volonté décidée de ne pas séparer l’homme de son monde. Loin d’être un objet pour la connaissance objective, le monde était pour lui, d’abord, le sujet de l’action. S’il acceptait toutes les contraintes de lumières, de peintures, de sujets, de matières, de techniques, c’était sous la réserve d’un apprentissage préalable de leur domination.

    Son œuvre laisse à ses spectateurs une interrogation toujours ouverte : le rêve moderne d’un homme dont la grandeur serait conditionnée par avance étant nul et non avenu pour cause de morale dévastatrice, il reste, pour chacun, à se placer dans l’exaltation de la liberté d’action et de jugement, dans l’absence de sécurité, dans la réclamation de la gloire ou le constat de l’échec ; mais de cela, précisément, qui est encore capable ?


    De quelque bord qu’on la prenne, l’époque se pâme devant les revendications. Mais elles sont toutes d’essence technique et attendent les projets ou les entreprises qui les mettent en œuvre et tentent de les satisfaire. Carré, quant à lui, construisait sa peinture comme un événement capable de regarder son spectateur depuis l’avenir. La négation déréalisante du présent et l’affirmation péremptoire d’un autre monde possible avaient chez lui, quitte à prendre la forme d’une provocation, la même vocation à la disponibilité, la même ouverture vers l’exigence de devenir. Son art ne revendiquait rien d’objectivable. Il traduisait, poussée à ses limites extrêmes, la conscience strictement poétique et généreuse que l’artiste n’a pas à nommer la réalité des choses mais à désigner l’étrangeté qu’elles recèlent, l’inaccompli qu’elles révèlent. L’énoncé conceptuel relève de la raison, qui peut opposer des thèses et leurs contraires puisqu’elle les élabore elle-même ; les facultés propres à un créateur comme Carré ont une autre vocation : lever le voile des vérités juvéniles, ne jamais en compromettre le mystère, ni interrompre la complexité du monde, attiser le feu chaque fois que possible, montrer le geste et habiter la foudre. Sa demeure était l’éclair.

    Jean-François Gautier "

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  • À quoi servent (encore) les médias de grand chemin ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une intervention de Slobodan Despot devant le Cercle Pol Vandromme à Bruxelles, consacrée aux nouveaux médias en ligne. Éditeur, directeur de la lettre hebdomadaire Antipresse, Slobodan Despot a publié deux romans, Le miel (Gallimard, 2014) et Le rayon bleu (Gallimard, 2017).

     

                                   

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