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Métapo infos - Page 550

  • Face au drame social, la priorité nationale !...

    Le 8 mai 2020, Martial Bild recevait, sur TV libertés, Marion Maréchal, pour évoquer avec elle la crise sanitaire, sa gestion politique par Emmanuel Macron et son gouvernement et les enseignements qu'il convient d'en tirer. Retirée de la vie politique, Marion Maréchal dirige l'Institut De Sciences Sociales Économiques & Politiques.

     

                                       

     

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  • La Mémoire perdue...

    Les éditions du Rocher viennent de publier un essai de Francis O'Gorman intitulé La Mémoire perdue. L'auteur est professeur de littérature à l'université de Lancastre et spécialiste de John Ruskin.

     

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    " « La mémoire perdue examine comment et pourquoi nous en sommes venus à présumer qu'il nous faut vivre en nous passant de la plupart des récits - de récits complexes et riches, étranges et contradictoires, fondamentaux et difficiles, douloureux autant qu'instructifs, agréables autant que tristes. C'est un ouvrage qui s'interroge sur ce qui (comme Freud l'a bien montré) nous fait préférer voir l'histoire comme un trauma que la voir comme une richesse. Il analyse pourquoi la littérature, l'art et la musique du passé ne sont presque plus accessibles aux jeunes gens autrement que sous la forme de sujets d'épreuves scolaires ou universitaires, et, au-delà, n'ont guère d'utilité plus poussée, ni ne sont source de plaisir, de questionnements fructueux ou de sens. Il explore pour quelles raisons réfléchir sérieusement aux réalisations du passé est devenu l'apanage de quelques-uns, à l'égard de qui la modernité est en général soupçonneuse. Cette perte d'histoire se mesure en Occident à l'aune de la dégradation du goût (bien que, je le reconnais, on déplore une telle dégradation depuis que la notion même de goût existe) et de la compréhension des réalisations esthétiques et intellectuelles. Mais elle se mesure aussi à travers les multiples formes du déracinement moderne : solitude, exil, mal-être, absence symbolique et parfois littérale d'un foyer. Confrontés à l'oubli des idées et des êtres, et poussés seulement à s'efforcer d'atteindre des succès à venir qu'on présente comme s'ils étaient planifiés, les Occidentaux d'aujourd'hui habitent le séjour trépidant des égarés qui ne font qu'imaginer savoir vers quoi ils vont. » "

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  • Des LBD au confinement strict: la France à l’heure de l’Etat total...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Werner cueilli sur Antipresse et consacré au basculement progressif de la France dans le despotsme. Penseur important et trop peu connu, Eric Werner est l'auteur de plusieurs essais marquants comme L'avant-guerre civile (L'Age d'Homme, 1998 puis Xénia, 2015), De l'extermination (Xénia, 2013), ou Un air de guerre (Xénia, 2017), et de recueils de courtes chroniques comme Ne vous approchez pas des fenêtres (Xénia, 2008) et Le début de la fin et autres causeries crépusculaires (Xénia, 2012). Il vient de publier dernièrement Légitimité de l'autodéfense (Xénia, 2019).

     

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    Des LBD au confinement strict: la France à l’heure de l’Etat total

    Il faut, comme Tocqueville, s’écarter un peu de la France pour voir à quel point la réalité de ce pays contredit les principes dont il se réclame. Par-delà les questions de personnes et de partis, n’est-il pas temps de faire table rase de son culte inconsidéré de l’État? À moins de se laisser délibérément tomber dans la tyrannie absolue ou la guerre civile.

    Nous avions évoqué il y a quelques semaines le chef-d’œuvre de Tocqueville, son grand livre sur la Démocratie en Amérique. Revenons-y une nouvelle fois, car on ne se lasse pas de le faire.

    Tocqueville est bien sûr intéressant par ce qu’il nous dit de l’Amérique. L’Amérique est le sujet du livre. Mais le lecteur comprend vite en parcourant l’ouvrage qu’il n’y est pas seulement question de l’Amérique, mais de la France. C’est peut-être même elle, surtout, le sujet. Tocqueville feint de nous parler de la démocratie en Amérique, mais au travers même de ce qu’il en dit, il nous parle de la France et de la démocratie en France. Tocqueville emprunte ce détour pour aborder des problèmes qu’il estime ne pouvoir aborder que de cette manière: non pas donc directement, mais indirectement. On est ici dans le non-dit. Mais ce non-dit se lit bien entre les lignes.

    C’est en quoi Tocqueville est un très grand penseur. Ce qu’il dit de l’Amérique est certes important. Mais ce qu’il dit de la France est presque plus important encore. Pas seulement parce qu’il le dit indirectement («obliquement», dirait Montaigne. Les choses importantes se disent toujours obliquement: sans les dire tout en les disant), mais parce qu’il est plus ou moins le seul à l’avoir dit. Que dit-il en effet? Que la France, tout comme le reste de l’Europe, va très vite, si ce n’est pas déjà fait, basculer dans la démocratie (la démocratie telle que lui, Tocqueville, la définit: non pas comme un certain régime politique, la démocratie par opposition à la monarchie, mais comme un certain type de société, celle articulée à l’idée d’égalité), mais qu’il n’est pas sûr pour autant qu’elle ne bascule pas en même temps dans le despotisme. Tant il est vrai qu’on peut très bien imaginer l’égalité sans la liberté. On l’imagine même mieux sans qu’avec.

    Égalité se passe fort bien de Liberté

    L’Amérique, elle, a très bien su concilier l’égalité et la liberté. Tocqueville est relativement optimiste sur l’Amérique. Mais il n’est pas sûr que la France, elle, réussisse à le faire. On est même porté à penser le contraire. Tocqueville nous en donne les raisons: une tradition de l’État fort remontant à l’Ancien Régime et que la Révolution française, les guerres aidant, n’a fait que renforcer encore, la centralisation qui lui est associée, la peur de l’anarchie et l’aspiration (en découlant) à l’ordre quel qu’il soit, la disparition des corps intermédiaires, l’habitude, enfin, bien ancrée en France consistant à tout attendre de l’État, alors qu’aux États-Unis les citoyens se débrouillent très bien entre eux pour résoudre les problèmes (en créant par exemple des associations).

    Voilà en gros ce que nous dit Tocqueville dans la Démocratie en Amérique. L’Amérique nous offre l’exemple d’une société égalitaire, mais tempérée par un ensemble d’habitudes et d’institutions faisant barrage au despotisme, alors qu’en France de telles habitudes et institutions n’existent pour ainsi dire pas, avec pour conséquence, effectivement, le risque de basculement dans le despotisme. C’est en comparant la société française à la société américaine que Tocqueville parvient à cette conclusion. Insistons sur l’originalité de sa démarche. Tocqueville a compris que pour parler intelligemment de la France, il lui fallait prendre un certain recul, en parler donc non pas de l’intérieur, mais de l’extérieur. C’est ce point de vue décentré qui le hisse au niveau des très grands penseurs politiques (en France, sans doute même, le plus grand). Encore une fois, s’il l’est, ce n’est pas à cause de ce qu’il dit de l’Amérique, mais de la France. Il parle de la France comme personne d’autre, après lui, ne le fera plus. En ce sens, il est resté sans héritier.

    Pourquoi est-ce que je dis tout ça? On ne reviendra pas ici sur les violences policières qui ont marqué, en France, l’épisode des Gilets jaunes. Sauf qu’elles ont eu un rôle de révélateur. Elles en ont amené plus d’un à s’interroger sur la réalité, aujourd’hui en France, de l’État de droit, en même temps que sur la nature exacte du régime aujourd’hui en place à Paris. L’État français s’érige volontiers en donneur de leçons quand il s’agit de pays comme la Hongrie et la Pologne, leur reprochant de sortir des rails en un certain nombre de domaines. En Pologne c’est l’indépendance de la justice qui est menacée, en Hongrie celle des médias, etc. C’est l’histoire de la paille et de la poutre. Demandez à François Fillon ou à Jean-Luc Mélenchon ce qu’ils pensent de l’indépendance, en France, de la justice. Ou aux gens en général ce qu’ils pensent de l’indépendance des médias publics ou même privés en France. Ou de la loi Avia.

    Dois-je le préciser, le risque actuel de basculement dans le despotisme ne se limite évidemment pas aujourd’hui à la France. Partout ou presque en Europe (davantage, soit dit en passant, en Europe occidentale que centrale et orientale), on a de bonnes raisons de s’inquiéter pour l’avenir des libertés fondamentales. La liberté d’expression est en particulier très menacée. Partout ou presque, également, on assiste à un renforcement des pouvoirs de la police et des services spéciaux, au prétexte de lutte contre le terrorisme. Sauf qu’en France cela va beaucoup plus loin qu’ailleurs. On vient de faire référence à l’épisode des Gilets jaunes, mais l’épisode actuel, celui du Covid-19, est aussi très éclairant. La France n’a pas été le seul pays d’Europe à instaurer un confinement strict de sa population, mais nulle part ailleurs la répression policière en lien avec la mise en œuvre de cette mesure, en elle-même, il est vrai, déjà très discutable, n’a comporté des traits d’une telle férocité, parfois même d’inhumanité. Certaines vidéos en font foi. L’État français traite aujourd’hui sa propre population comme s’il était en guerre avec elle. Une telle situation est complètement atypique et même unique en Europe.

    Observons au passage que les Français dans leur ensemble n’en ont pas ou que rarement conscience. Il faudrait que quelqu’un prenne un jour la peine de le leur expliquer: leur dire que nulle part ailleurs sur le continent la police ne se permettrait de traiter ainsi les gens. Ce n’est même pas imaginable. Le leur dirait-on qu’ils se montreraient peut-être moins timides dans leurs protestations. Quand on croit que c’est la même chose ailleurs, on a tendance à dédramatiser, quand ce n’est pas à banaliser. Or, justement, ce n’est pas la même chose ailleurs.

    En finir avec le culte de l’État

    Pour expliquer toutes ces dérives et d’autres encore (il semble bien, par exemple, que l’État français ait limité par directive l’accès aux urgences des personnes âgées, ce qu’on interprétera comme on voudra, mais assurément pas comme un acte de particulière philanthropie), certains rappellent que la Cinquième République est née en France d’un coup d’État militaire et que ceci explique peut-être cela. La constitution de 1958 confère au président de très grands pouvoirs. Le poste avait été taillé sur mesure pour le général de Gaulle, qui était un dictateur, mais à la romaine, autrement dit complètement dévoué au bien commun. Après lui, le poste aurait raisonnablement dû être repensé. Tout pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument, disait Lord Acton. On insistera dans ce contexte sur le fait que le président actuel et son entourage donnent souvent l’impression d’être dépourvus de tout surmoi et par voie de conséquence aussi particulièrement sujets à succomber à certaines tentations dans ce domaine. On l’a vu lors de l’épisode des Gilets jaunes, mais pas seulement (affaire Benalla).

    Ces explications éclairent une partie de la réalité, mais restent insuffisantes. Il faut remonter plus haut encore dans le temps. Je suis toujours frappé quand je lis les déclarations des hommes politiques en France par le fait que tous, qu’ils soient de droite ou de gauche, participent du même culte inconsidéré de l’État, culte les conduisant, presque unanimement également, à ne rien remettre en question de ce qui en découle: le nucléaire civil, entre autres, mais aussi militaire. C’est ici, peut-être, qu’il pourrait être utile de relire Tocqueville. La démocrature macronienne, biberonnée à l’idéologie managériale et aux nouvelles théories du maintien de l’ordre enseignées dans les séminaires de l’OTAN, n’a qu’un lointain rapport avec la statolâtrie capétienne et son retapage gaullien au XXe siècle. Mais même lointain il n’en imprime pas moins sa marque à la réalité française actuelle. Il serait peut-être temps de remettre les compteurs à zéro.

    Eric Werner (Antipresse n°232, 10 mai 2020)

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  • Docteur Geikil & Mister Hussard...

    Après Bruno Favrit, Alain Sanders, Xavier Eman, Bruno Lafourcade et Thierry Bouclier,  c'est au tour de Pierric Guittaut de sonner la charge pour Auda Isarn avec Docteur Geikil & Mister Hussard ! Ecrivain et chroniqueur pour la revue Éléments, Pierric Guittaut est déjà l'auteur de plusieurs romans et polars dont Beyrouth-sur-Loire (Papier libre, 2010), La fille de la pluie (Gallimard, 2013), D'ombres et de de flammes (Gallimard, 2016) et Ma douleur est sauvagerie (Les Arènes, 2019), ainsi que d'une enquête consacrée à la Bête du Gévaudan, La Dévoreuse (De Borée, 2017).

     

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    " Julien Ardant jubile. Ce matin, il prend enfin le temps de sortir Arletty, sa rutilante Facel-Vega HK500 délaissée depuis des mois. Lunettes de soleil chaussées, gants de cuir tabac enfilés, le voilà qui quitte la capitale, étouffante et effarante d’absurdités cumulées.
    Las, une sortie de route vient ternir cette belle journée, et notre Hussard se réveille groggy à l’hôpital où on lui apprend qu’il a été opéré et que sa rate n’est plus qu’un lointain souvenir. Durant sa convalescence, le Hussard se lie avec un métis de treize ans, Issa, avec lequel il joue aux échecs. Mais un beau matin, la chambre d’Issa est vide et le Hussard apprend que son jeune ami est mort. Très surpris, et bientôt épaulé par les fidèles Lansquenet et Alice, le Hussard va découvrir que cette mort était tout sauf nette… "

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  • Festivus Coronafestivus, Philippe Muray à mon balcon...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François Bousquet, cueilli sur le site de la revue Eléments et consacré à l'idéologie du "care" et à son impératif de sollicitude. Journaliste et essayiste, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a notamment publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017) et Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2019).

     

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    Biopolitique du coronavirus (8). Festivus Coronafestivus, Philippe Muray à mon balcon

    Tous les soirs un peu avant 20 heures, j’ai l’impression que Philippe Muray frappe à ma porte, un cigarillo coincé entre les dents, avec sa dégaine inimitable de misanthrope contrarié et de gourmand renfrogné. Il me glisse quelques mots, puis s’en retourne faire des ronds de fumée dans les nuages. Jusqu’au lendemain soir.

    – Hé Bousquet !

    – Quoi ?

    – Surtout, ne l’ouvre pas ! Ni ta fenêtre ni ta gueule ! Boucle-la et boucle-toi ! Chut ! À 20 heures, c’est leur minute de tintamarre, c’est ta minute de silence. Leur minute d’indécence, ta minute de jouissance. La décence te sera peut-être offerte en supplément. L’innocence, elle, est perdue depuis toujours, foi de Muray !

    Sacré bonhomme. « Cigars, whisky et no sport ! » La formule ne lui a pas réussi aussi bien qu’à Churchill, mais lui combattait un ténia bien plus téméraire : la métaconnerie – Homo festivus, pour ne pas le citer. Sans Muray, Homo festivus n’aurait été qu’un con de plus dans la longue histoire de la connerie. Il l’a accouché du néant dont il procède et où il retournera. Le mariage du Bien et du Rien, c’est lui. Les rebelles qui bêlent leur désir panurgique de Fêêête et de paillettes, c’est lui. Les « mutins de Panurge », ricanait-il. Le « nous » des gnous. Ils sont de retour. En masse. En messe même.

    Une machine à clics

    20 heures. L’heure fatidique. Celle à laquelle Panurge apparaît pontificalement à son balcon pour sa bénédiction quotidienne urbi et orbi, qu’il adresse aux soignants du monde entier. Spectacle extraordinaire. On a l’impression d’assister à la sortie troglodytique de tous les confinés du monde, arrachés des cavernes où ils végètent. Dans les rues désertes, les façades se couvrent d’émoticônes radieuses accrochées aux fenêtres, des rangées d’émoticônes, toute la gamme de sourires, des plus tartes aux plus cornichons. #OnApplaudit, #TousAlaFenêtre. Depuis qu’il a découvert les hashtags, Homo festivus est devenu une machine à clics. Serial cliqueur, c’est l’homme qui clique plus vite que son ombre. Cliquer donne un sens à sa vie. Des clics et des claques en somme.

    Mais cette fois-ci, c’est… comment dire… c’est juste…

    – Oui, c’est quoi au juste ? Dis-le nous s’il te plaît, Festivus ?

    – C’est juste mieux, c’est juste hé-naur-me, ouah, juste, comment dire, juste plus tout.

    Les seuls événements planétaires que Festivus connaissait jusqu’ici, c’étaient de vulgaires Coupes du monde, des Jeux olympiques truqués par le CIO et les hormones de croissance, des concerts plus arthritiques qu’électriques de papys rockers à bout de souffle qui affichent tous au moins 350 000 km au compteur, maintenant il y a des virus, des morts par milliers, des villes fantômes, des couvre-feux partout, la guerre invisible. La Terre retient son souffle. Il suffit d’un postillon, hein ! C’est l’effet postillon : un postillon à Wuhan peut déclencher une pandémie à Paris. Putain, même Nicolas Hulot ne l’avait pas prévu ! Cela vaut bien un tonnerre d’applaudissements tous les soirs.

    Comme Festivus festivus ne peut plus faire du patin à roulettes, il roule des patins à la terre entière. Love, love, kiss. Finie la Gay Pride, remisée la Techno Parade, en hibernation Nuit blanche, enterrée la Fête des voisins. Quant à la Fête de la musique, seul sur son canapé, non, non, c’est presque aussi sinistre qu’un concert de Julien Doré. Alors, à 20 heures, Festivus festivus remixe tout ça. Il tient sa fête, la Clapping Pride. Retiens ce nom. Il ne le lâchera pas de sitôt. Pride – sa fierté, celle emphatique du « señorito satisfecho », le petit homoncule bouffi de lui-même décrit par Ortega y Gasset, qui perçait déjà dans les ronronnements de plaisir de Joseph Prudhomme. Avec l’écriture inclusive, Monsieur Prudhomme a perdu son patronyme offensant – il est maintenant indifféremment la dame et le monsieur. Ce qui a survécu, c’est son contentement, celui de tous les pharisiens, les néo, les paléo, les trans, les hyperfestifs, qu’importe.

    Le carnaval des masques

    On n’a encore rien vu. Pour le moment, Festivus festivus ne sort qu’à sa fenêtre. Il attend le 11 mai pour enfiler son masque. Ce sera pour lui comme le grand retour du carnaval. Des masques pour tous. Tout le monde sera voilé, pas seulement les femmes. Enfin la parité, des masques unisexes, le voile hygiénique pour tous ! Il y en aura de toutes les couleurs, même arc-en-ciel. Le plus beau entre tous sera celui qu’Anne Hidalgo fera installer sur la façade de l’Hôtel de Ville : il sera immense. On ne sait pas encore s’il ressemblera à un préservatif XXL ou à un plug viral. Impossible de trancher à ce stade. Il y aura écrit en lettres géantes arc-en-ciel : « Couvrez-vous ! » Le citoyennisme d’Homo festivus s’en trouvera rasséréné. Quand il enfilera chaque matin son masque, il aura la sensation d’enfiler un préservatif. Plus déterminé que jamais, il luttera contre le Covid et contre le Sida. Il exultera. Arrière, les gestes barrières ! La distanciation spatiale ne renverra pas à cette philosophie moisie du repli sur soi qu’est la distanciation sociale. La trottinette ignore la distanciation. Elle lui permettra d’échapper à l’enfer programmé des transports en commun, mais pas à son amour du genre urbain. Il glissera de nouveau sur la chaussée, la street sera à lui. Il reprendra sa vie d’intermittent de la société du spectacle. Cet été, il ira à la mer, à Paris Plages, où il fera de la trottinette à voile et ses exercices de yoga. Il se dira que, oui, décidément, Bertrand Delanoë a quand même été un sacré visionnaire qui avait tout prévu, jusqu’au confinement estival des Parisiens, même si nul n’est prophète en sa ville. Et il l’applaudira.

    Clap, clap, clap

    Cette déferlante d’applaudissements avait pourtant bien commencé, en Italie, où se perpétue encore, entre un scandale de Silvio Berlusconi et une blague de Beppe Grillo, l’antique sociabilité populaire, où la communication s’établit d’une fenêtre à l’autre, d’un étage à l’autre, d’une corde à linge à l’autre, où tout circule jusqu’aux odeurs de cuisine, jusqu’aux airs d’opéra, où les mamma donnent des nouvelles du bambino comme s’il était déjà chef d’orchestre à l’opéra de Naples ou capitaine de la Squadra azzurra, tout en pestant contre l’indolence de leurs maris. Les palabres, les cris, les applaudissements, tout cela appartient en propre à la commensalité sudiste qui transforme le voisinage en théâtre de l’intimité. Et même à l’occasion en espace politique, au lieu d’être cet espace impolitique du consentement et du contentement, comme jadis au théâtre les balcons d’où fusaient les quolibets et les sifflets.

    Mais voilà, il faut désormais compter avec les réseaux sociaux, virus dans le virus, pandémie dans la pandémie, qui enjambent les fuseaux horaires et démultiplient la contagiosité des applaudissements. Savez-vous que la courbe d’intensité des applaudissements correspond à celle des virus ? Il y a quelques années des chercheurs suédois s’étaient amusés à les comparer, elles se confondent trait pour trait. Il y aurait une physiologie balzacienne de l’applaudissement à écrire. De quoi serait-elle l’expression ? D’une autocélébration collective ? D’un pic de narcissisme mesuré à l’applaudimètre ? Les applaudissements ont gagné leurs galons scientifiques, ils font partie de l’arsenal du management positif et de la panoplie de la psychologie elle aussi positive, quand bien même ils n’ont pas de vertu performative. On ne sache pas à ce jour qu’ils fabriquent des lits d’hôpital, des masques ou des tests.

    For me, formidable

    La génération selfie n’applaudit pas seulement pour féliciter, ce serait trop beau, mais pour s’encourager, se féliciter, s’autocongratuler. Ce qui la résume, c’est la bande-son de ce film publicitaire pour je ne sais quelle banque : « Vous êtes formidables, nous sommes formidables, tu es formidable », le tout rythmé par la chanson d’Aznavour « For me, formidable ». Comme si la vie requerrait désormais un tel niveau d’héroïsme qu’on ne saurait plus la concevoir autrement qu’à travers des superlatifs, des encouragements, des  applaudissements. Ils fonctionnent en boucle dans leur itération indéfinie. Les infirmières applaudissent les aides-soignantes qui applaudissent les brancardiers qui applaudissent les ambulanciers qui applaudissent les malades qui applaudissent les soignants. Et on recommence.

    C’est le « Valete et plaudite », le « Portez-vous bien et applaudissez » des spectacles de la Rome impériale. Pas un courriel sans qu’une assistante d’on ne sait trop quoi vous le ressorte, au latin près, en guise de formule de politesse. Serions-nous entrés dans la civilisation de l’applaudissement, l’applaudissement comme espéranto du confinement ? Étonnante prescience des génies : en 1786, Goethe écrivait à Charlotte von Stein, qu’il courtisait passionnément : « Notre monde qui devient un énorme hôpital, chacun de nous devenu l’infirmier de l’autre. » Goethe, c’était quand même autre chose que Jean d’Ormesson, hein !

    Le RER à 6 heures du soir

    Les soixante-huitards traçaient sur les murs leur programme, qui consistait pour l’essentiel à faire tomber les murs. « Bannissons les applaudissements, le spectacle est partout », proclamait un de leurs slogans. Lourde erreur d’appréciation. Il y a une loi théâtrale que les auteurs d’avant-garde du XXe siècle, d’Antonin Artaud au Living Theatre, ont voulu abolir, c’est la scène, la médiation de la scène, au prétexte que la scène serait partout, dans la salle, dans la rue. Mais si la scène est partout, elle n’est nulle part ; et si la scène n’est nulle part, c’est que l’obscène, son antonyme, est partout. C’était le risque.

    On ne sait pas trop où ce style « happy-clappy » a vu le jour, ni comment il s’est diffusé. Aux États-Unis sans nul doute. Peut-être dans les assemblées applaudissantes des évangéliques et autres pentecôtistes. Il y aurait alors comme une sorte de retournement facétieux de l’histoire. Ces rassemblements d’allumés du septième jour n’ont-ils pas été les foyers de diffusion du Covid-19 en France et en Corée du Sud ? La proximité s’y transforme tout de suite en promiscuité. Regardez des vidéos de culte qui circulent sur Internet, elles devraient toutes être cultes. Sociologiquement, ce n’est pas le métro à 6 heures du soir, comme disait Malraux, c’est le RER et les trains de banlieue. Quel que soit l’âge, on saute pour Jésus, on se trémousse pour Jésus, on s’étreint pour Jésus. C’est la rencontre de Walt Disney, du Sermon sur la montagne et des thérapies de groupe. La descente de l’Esprit Saint dans les corps convulsés donne lieu à des effusions de joie indescriptibles, à des scènes de pleurs diluviennes, à des tremblements parkinsoniens, même pas forcés, quand bien même tout ça donne l’impression de sortir d’une émission de Patrick Sabatier. Les pom-pom girls servent de modèles néosulpiciens pour des madones stylisées sur des vitraux en plexiglass dans le plus pur style de Las Vegas, assez éloigné de l’original on en conviendra. Au milieu, un pasteur en bermuda. On ne sait pas trop ce qu’il fait dans la vie courante : représentant en pâtes alimentaires ou gérant de fast-food ? Gérant de fast-food apparemment puisqu’au moment de célébrer l’eucharistie, il tend des pop-corn aux fidèles et dit : Ceci est mon corps. Puis du Coca-Cola : Ceci est mon sang. On comprend alors que la bataille culturelle n’est pas gagnée, sacré nom.

    Pourquoi des rites ?

    Une société sans rites collectifs les recrée spontanément, sauvagement, clownesquement, toujours sous un mode parodique ou infantile. Les marches blanches pour la pédophilie, les empilements de fleurs pour le décès des « people », les bougies pour les attentats, les câlins, les étreintes. Appelons ce processus la schtroumpfisation du monde qui donne lieu à une orgie planétaire de pelucherie et de nunucherie. On dessine des cœurs à gros traits de feutre fluo, on met des petits ronds sur les « i » de Lady Diana et de Michael Jackson, on scotche des photos du défunt, on multiplie les lieux de mémoire éphémères parce qu’on sait la mémoire de ce monde éphémère, soumise elle aussi à la dure loi de l’obsolescence programmée.

    L’effacement des rites funéraires marquerait-il le début de la fin ? Tout n’a-t-il pas commencé par là, quand nos lointains ancêtres ont parachevé le processus d’hominisation en créant les premiers rites de la mort ? C’est la découverte de leurs sépultures qui a fait dire aux anthropologues, aux prêtres et aux poètes : Ecce homo, voici l’homme.

    Quelle est la fonction des rites ? Prendre en charge les émotions collectives pour les inscrire dans un cadre qui fonctionne à l’instar de la catharsis théâtrale selon Aristote. Ces dispositifs, pour recourir à un langage caractéristique de la déconstruction, ont été institutionnellement et intentionnellement démantelés, étant perçus comme par trop archaïques, trop codifiés, trop asphyxiants, pas assez « authentiques ». Or sans eux, l’homme est nu face à l’énigme du destin. Que reste-t-il alors ? Norbert Elias expliquait le processus de civilisation par le travail des mœurs sur elles-mêmes, elles s’autoproduisent, s’épurant sans cesse, s’affinant, se complexifiant. Peut-être nous faudra-t-il envisager le processus de dé-civilisation en cours comme le travail des mœurs contre elles-mêmes.

    La sollicitude nous tue

    Comment comprendre tout ce pathos autour de la vulnérabilité et ce nouvel impératif de sollicitude, qui est au cœur de l’idéologie du « care » ? Il ne s’agit pas de nier la vulnérabilité et la sollicitude, mais de rappeler qu’elles n’ont jamais rien fondé de solide, de durable, de pérenne. « Il est possible de traverser une rivière sur une poutre mais pas sur un copeau », fait dire Dostoïevski à Stavroguine dans Les Démons. Sans cela, on s’y ensable, même ce démon princier et rimbaldien de Nicolaï Stavroguine. Oui, l’homme est vulnérable, mais il est loin de n’être que cela. La vulnérabilité en soi et pour soi n’appartient qu’à la petite enfance et à la grande vieillesse – pas à l’homme mûr, dans la force de l’âge. Dès lors quel besoin de l’élargir à l’ensemble du corps social, sauf à prendre le risque de lui briser les reins. La vulnérabilité ne peut fournir le cadre d’une philosophie générale de la vie. Il faut la laisser à Emmanuel Levinas, à Cynthia Fleury, à cet humanisme mou et caramélisé qu’on a panthéonisé. Leur philosophie, c’est du pathos à tartiner. Pas la nôtre. À moins bien sûr d’engager notre civilisation dans la voie sans issue d’une philosophie du burn-out et d’un burn-out philosophique, en tant que syndrome d’épuisement intellectuel et spirituel.

    Si on veut livrer à l’examen critique, clinique même, cette empathie universelle, ces remerciements humides, ces applaudissements incessants, ces pleurs, cette responsabilité pour autrui, il faut se tourner vers l’éthique de la sollicitude, le « care » donc. On aurait pu voir d’un bon œil l’apparition de cette éthique portée sur les fonts baptismaux par le féminisme américain parce qu’en instaurant des domaines réservés à chaque sexe, elle postule qu’il y a une essence masculine et une essence féminine. L’éthique de la sollicitude répondrait à un souci féminin légitime : introduire dans la philosophie morale une vision féminine très largement absente. Il s’en dégage que l’approche morale des femmes serait différente de celle des hommes, plus émotionnelle que rationnelle, plus empathique, plus sensible à la souffrance et aux enjeux de la vulnérabilité – en un mot, plus humaine. Elle procéderait d’une approche empirique plutôt que conceptuelle, concrète, pas abstraite, guidée par une éthique du soin. Pourquoi pas ! Mais cette philosophie ne saurait être qu’une condition nécessaire, loin, très loin d’être suffisante, à la production du social. Si jamais on devait la généraliser, elle ferait de nous les acteurs passifs de notre vie, potentiellement des victimes. Une telle vision des choses ne peut à elle seule organiser les comportements sociaux, seulement les pacifier – c’est déjà beaucoup –, pas les animer, les stimuler, les renforcer.

    Attention Babtou fragile !

    On est arrivé à un tel degré de confusion des sexes, de troubles dans l’identité, de mélange des genres, qu’on en est venu à oublier le cœur générique, peut-être même génétique, de l’altérité humaine : l’homme et la femme. Vue depuis Mars guerrier, Vénus ressemble à une exoplanète peuplée de créatures douces, délicates et vaguement extra-terrestres – les femmes – que les Martiens chérissent certes, mais à qui ils n’ont aucune envie de ressembler. On ne peut pas demander à ces derniers de faire des choses qui leur répugnent instinctivement. Un homme normalement et moralement constitué ne peut éprouver qu’une immense gêne face au torrent de sollicitude que la société victimaire, chrétienne, postchétienne, déverse sur lui. Elle ne lui est pas familière. La sollicitude d’un homme est toujours embarrassée, elle n’a pas chez lui l’élan spontané qu’elle peut avoir chez les femmes, elle est bridée, maladroite, branchée sur courant alternatif, entravée par des codes culturels si on veut, alors que l’élan est plus naturel chez les femmes. Nous, on effleure plus qu’on étreint, on désire plus qu’on aime et on aime plus qu’on aide. C’est ainsi.

    Un homme ne peut pas se satisfaire de ce caramel mou, ou alors c’est un mongolien comme ce journaliste belge célébré par les médias centraux au lendemain des attentats de Bruxelles, en 2016, pour avoir écrit qu’il refusait de se « battre avec autre chose que des mots, des craies et des câlins ». Pauvre con, tu as bien mérité ton surnom de tarte à la crème et de Babtou fragile !

    Nous n’avons aucune envie d’être perçus comme des victimes. Rien de plus humiliant pour nous. Ce sont les formules d’Aristote sur la virilité, sobre pas tapageuse, dans l’Éthique à Nicomaque qui nous définissent le mieux, pas cette éthique dévoyée, envahissante, écœurante à la longue, de la sollicitude réservée, selon les mots mêmes du Stagirite, aux « femmelettes » et aux « hommes qui leur ressemblent ». Plus puissantes encore, ces lignes extraites de Balzac : « Le sentiment que l’homme supporte le plus difficilement est la pitié, surtout quand il la mérite. La haine est un tonique, elle fait vivre, elle inspire la vengeance ; mais la pitié tue, elle affaiblit encore notre faiblesse. C’est le mal devenu patelin, c’est le mépris dans la tendresse ou la tendresse dans l’offense. »

    Une hypersensibilité à la douleur

    Dans un chapitre essentiel des Huit péchés capitaux de notre civilisation (1973), le grand zoologiste et prix Nobel Konrad Lorenz pointait un danger mortel, parmi tous les périls qui nous menacent : la pharmacologie moderne. Pourquoi elle en particulier ; et pourquoi singulièrement aujourd’hui ? Parce qu’elle nous prive à un degré jusque-là inconnu de l’expérience de la douleur, phénomène sans précédent dans la longue durée de l’évolution. Celle-ci s’est accomplie à travers un double mouvement de plaisir et déplaisir. Par exemple, c’est la promesse d’une récompense (s’emparer d’une proie) qui poussait nos ancêtres chasseurs-cueilleurs à se livrer à de longues et harassantes traques, à se dépasser, à accepter des situations contraignantes qui éprouvaient leur capacité d’endurance et leur aptitude à souffrir. Jamais ils n’auraient consenti à ces sacrifices s’ils n’avaient débouché sur une récompense ou du moins sur sa promesse. Pour Lorentz, cette économie du plaisir et du déplaisir est la formule gagnante de l’évolution. Or, c’est cet équilibre que la société de consommation a brisé en asséchant les sources de déplaisir. Elle a développé en nous une hypersensibilité à la douleur, une aversion au risque, une intolérance à l’effort prolongé. Qu’est-ce qui endurcira les hommes s’ils ne sont plus disposés à rien sacrifier qui vienne troubler leur confort et la jouissance immédiate des biens à leur disposition ? L’humiliation ? Qui sait ?

    François Bousquet (Eléments, 4 mai 2020)

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  • Le Grand Jeu...

    Les éditions Héliopoles ont publié en début d'année un essai de Christian Greiling intitulé Le Grand Jeu - Une lecture éclairée de la géopolitique. Historien, Christian Greiling est également le rédacteur d'un blog de géopolitique Chroniques du Grand Jeu.

     

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    " Un essai qui donne un regard totalement nouveau sur la géopolitique contemporaine : le concept de "Grand Jeu" expliqué au grand public. Cet essai de géopolitique expose de manière claire et accessible ce qu'est le "Grand Jeu". Ce concept est très présent dans la pensée anglo-saxonne et, par ricochet, en Russie et en Chine. L'ouvrage apporte ainsi pour la première fois en France une clé de lecture méconnue de la plupart des événements géopolitiques mondiaux : crise ukrainienne, guerres au Moyen-Orient, Nouvelles Routes de la soie, terrorisme... S'appuyant sur une documentation solide, l'auteur décrypte la géopolitique contemporaine. "

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