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Métapo infos - Page 423

  • Manifeste du Grand Réveil...

    Les éditions Ars Magna viennent de publier un nouveau texte d'Alexandre Douguine intitulé Contre le Great Reset, le manifeste du Grand Réveil.

    Théoricien politique influent, un moment proche d'Edouard Limonov, Alexandre Douguine est la figure principale du mouvement eurasiste en Russie. Outre L'appel de l'Eurasie (Avatar, 2013), le texte d'une longue conversation entre lui et Alain de Benoist, plusieurs  de ses ouvrages ou recueils de ses textes sont déjà traduits en français comme La Quatrième théorie politique (Ars Magna, 2012), Pour une théorie du monde multipolaire (Ars Magna, 2013), Le Front de la Tradition (Ars Magna, 2017), Les mystères de l'Eurasie (Ars Magna, 2018), Le retour des Grands Temps (Ars Magna, 2019) ou Les templiers du prolétariat (Ars Magna, 2021).

     

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    " En 2020, au Forum de Davos, son fondateur Klaus Schwab et le prince Charles de Galles ont annoncé un nouveau cours pour l’humanité, le Great Reset, la Grande Réinitialisation.

    Dans ce livret, Alexandre Douguine analyse ce projet, trace sa généalogie et propose une contre-attaque qu’il structure en un texte : Le Manifeste du Grand Réveil. "

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  • Russie-Europe : le grand écart...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Héléna Perroud, cueilli sur Geopragma et consacré à la fracture qui s'élargit entre Russie et Europe, fruit d'une politique de long terme menée par les stratèges occidentistes. Russophone, agrégée d'allemand, ancienne directrice de l'Institut Français de Saint-Petersbourg et ancienne collaboratrice de Jacques Chirac à l'Elysée, Héléna Perroud a publié un essai intitulé Un Russe nommé Poutine (Le Rocher, 2018).

     

     

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    Russie-Europe : le grand écart

    Un Européen perspicace, Winston Churchill, avait dit en 1939 de la Russie qu’elle est « un rébus enveloppé de mystère au sein d’une énigme ». On oublie souvent la deuxième partie de sa phrase car il ajoutait : « Mais il y a peut-être une clé. Cette clé c’est l’intérêt national russe. » Les malentendus et l’incompréhension entre l’Occident et la Russie ne datent hélas pas d’hier mais ont atteint ces dernières semaines un point dangereux, se muant en franche hostilité : les bruits de bottes en Ukraine, la valse des renvois de diplomates, les soubresauts de l’affaire Navalny, les accusations de cyberattaques et les nouveaux trains de sanctions contre la Russie… 

    L’épisode qui a commencé en 2014 autour de la Crimée et de l’Ukraine a ouvert une période dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences. La Russie dans le rôle de l’agresseur, annexant la Crimée et voulant la partition de l’Ukraine est une des lectures possibles des événements qui se déroulent depuis 2014. Il est étonnant toutefois que dans les analyses faites dans les médias occidentaux, américains et européens, très peu d’observateurs se réfèrent à un ouvrage qui fait pourtant référence et que l’on doit à l’un des plus grands experts américains en matière de géopolitique : Le Grand Echiquier de Brzezinski, dédié à ses « étudiants, afin de les aider à donner forme au monde de demain ». Les dates ont leur importance. Cet ouvrage est sorti en 1997, à un moment où la Russie était à terre. Mal réélu en 1996, Eltsine était un intermittent du pouvoir et ne contrôlait plus grand chose, accaparé par ses ennuis de santé. Les salaires n’étaient pas payés, l’espérance de vie était au plus bas et des séparatistes tchétchènes faisaient la loi. Le fil directeur de l’ouvrage est qu’il faut contenir la Russie dans un rôle de puissance régionale pour asseoir la « pax americana » dans le monde et pour ce faire détacher d’elle un certain nombre de pays satellites : les républiques d’Asie centrale et les pays d’Europe de l’Est, le rôle principal revenant à l’Ukraine. Brzezinski l’écrit sans ambages : « L’Ukraine constitue cependant l’enjeu essentiel. Le processus d’expansion de l’Union européenne et de l’OTAN est en cours. L’Ukraine devra déterminer si elle souhaite rejoindre l’une ou l’autre de ces organisations. Pour renforcer son indépendance, il est vraisemblable qu’elle choisira d’adhérer aux deux institutions dès qu’elles s’étendront jusqu’à ses frontières et à la condition que son évolution intérieure lui permette de répondre aux critères de candidature. Bien que l’échéance soit encore lointaine, l’Ouest pourrait dès à présent annoncer que la décennie 2005-2015 devrait permettre d’impulser ce processus. » 

    Si on connaît cet ouvrage, si on en comprend la philosophie, il est une autre lecture possible des événements de 2014 : l’application à la lettre de l’agenda défini par les stratèges américains, depuis la révolution orange de 2004 jusqu’aux événements de Maidan à l’hiver 2013-2014 avec la suite que l’on connaît et les 13000 morts du Donbass que l’on oublie trop souvent.

    Le ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov le citait encore le 1er avril dans un entretien d’une rare franchise accordé à la Première Chaîne de la télévision russe, en réponse aux accusations de Joe Biden traitant Poutine de « tueur ».

    Dans la crise qui a éclaté ces jours-ci entre Prague et Moscou, on voit que les projecteurs sont braqués sur l’entreprise Rosatom et le vaccin Spoutnik V. Le motif officiel de la brouille réside dans les soupçons pesant sur l’implication de la Russie dans une affaire d’explosion dans un stock d’armement en République tchèque qui remonte à 2014 et qui éclate curieusement aujourd’hui. S’agissant du vaccin, si l’Union européenne rechigne à lui accorder droit de cité (même si trois pays de l’UE l’ont adopté à ce jour), il est autorisé dans une soixantaine de pays qui représentent un quart de la population mondiale.  Son efficacité, d’abord évaluée à 91,6 % par une étude publiée dans le Lancet se monterait aujourd’hui à 97,6 % sur la base des données provenant de 3,8 millions de personnes ayant reçu les deux doses, d’après une étude de l’Institut Gamaleïa qui l’a mis au point. A côté des déboires des vaccins occidentaux, on peut comprendre l’intérêt de certains à barrer la route au vaccin russe. Pour ce qui concerne Rosatom, qui était en lice avec d’autres concurrents pour une centrale nucléaire dans ce pays, il vient d’être exclu de l’appel d’offres. Peut-être faut-il regarder là du côté de l’Arabie Saoudite et de la tournée qu’a entreprise Sergueï Lavrov dans les monarchies du Golfe courant mars. Ce traditionnel allié des États-Unis resserre ses liens avec la Russie depuis quelques années, notamment depuis la visite historique – la première du genre – du roi Salman à Moscou à l’automne 2017. Et là aussi Rosatom est dans la course pour construire une centrale nucléaire et a passé avec succès les premières étapes, même si le terrain est bien occupé par la Chine, dont l’entreprise publique CNNC est engagée avec le ministère saoudien de l’énergie dans un programme d’extraction d’uranium. La Russie va ouvrir une représentation commerciale à Riyad à l’automne, une offre d’achat du système antimissiles russe S-400 est sur la table et l’inauguration du troisième réacteur de la centrale nucléaire d’Akkuyu en Turquie, dont le chantier a été confié à Rosatom, a eu lieu en grandes pompes en présence des présidents turc et russe le 10 mars, le jour même où Lavrov rencontrait son homologue saoudien… peut-être plus qu’une simple coïncidence.

    Le résultat de cette stratégie occidentale au long cours – américaine d’abord mais suivie à la lettre par les Européens – est maintenant là. Les Russes se sentent de moins en moins Européens. Un diplomate russe m’avait fait part en 2019 de sa préoccupation devant le gouffre qui s’élargissait entre l’Europe et la Russie depuis 5 ans, le temps moyen, disait-il, qu’un étudiant passe dans l’enseignement supérieur et se forge sa vision du monde. Un sondage du centre Levada (institut indépendant du gouvernement) rendu public le 18 mars dernier, sept ans après « l’annexion » ou « le rattachement » de la Crimée – à chacun de choisir sa vision – confirme cette tendance. Aujourd’hui 29% seulement des Russes disent que leur pays est européen. Ils étaient 52% en 2008. Fait notable : chez les plus jeunes ce sentiment d’éloignement de l’Europe est plus fort que chez leurs aînés : les plus de 55 ans sont 33% à estimer que la Russie est un pays européen, un taux qui tombe à 23% chez les 18-24 ans. Alors qu’en 2000, Poutine écrivait sans sourciller, en répondant à des questions de journalistes dans le premier ouvrage biographique qui lui était consacré en Russie « Première  personne »  : « Nous sommes Européens » – c’était le titre d’un chapitre entier . En août 2019 encore, il recevait au Kremlin l’homme fort de la Tchétchénie en le félicitant pour l’inauguration dans la ville de Chali de « la plus grande mosquée d’Europe » même si sur ces terres du Caucase on est un peu éloigné de l’univers mental européen.

    Vu de France, où un ennemi bien identifié nous a déclaré la guerre, emportant encore une vie innocente vendredi 23 avril à Rambouillet, en privant deux enfants mineurs de leur mère qui s’était engagée au service de ses compatriotes en choisissant d’entrer dans la police, il serait temps de changer de regard et de ne plus se tromper d’ennemi. Et même de comprendre que dans ce combat-là la Russie, dont 15% de la population est de confession musulmane, et dont le caractère multi-ethnique et multi-confessionnel échappe très largement au regard occidental, a peut-être quelque chose à dire aux vieux pays d’Europe de l’Ouest. 

    Héléna Perroud (Geopragma, 26 avril 2021)

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  • Le Néo-féminisme à l'assaut d'Internet...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie en collaboration avec l'OJIM viennent de publier une enquête d'Anne Trewby intitulée Le Néo-féminisme à l'assaut d'Internet, avec une préface de Claude Chollet. Cofondatrice du mouvement des Antigones, Anne Trewby en est aujourd’hui la présidente.

     

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    " C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes, dit-on. Le néo-féminisme nous sert dans le nouveau pot d’Internet un brouet pas plus appétissant que l’archéo-féminisme des Beauvoir, Badinter et consorts. A la différence près qu’il est devenu, à coups de hashtags et de campagnes virales, un véritable phénomène de masse ! Podcasts, webzines, blogs, vidéos, tumblr… tous les formats sont permis ! Et tous les goûts étant dans la nature, la variété de l’offre est au rendez-vous des internautes, manipulables à merci. Anne Trewby nous explique le succès de ce féminisme façon « fast-food », prêt-à-manger, prédigéré, prêt-à-liker. Un petit monde finalement indigeste mais influent. "

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  • Un « Empereur du peuple » ? La place de Napoléon dans la mémoire française...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre Le Vigan, cueilli sur Voxnr et consacré à la place de Napoléon Bonaparte dans l'histoire politique de notre pays.

    Urbaniste, collaborateur des revues Eléments, Krisis et Perspectives libres, Pierre Le Vigan a notamment publié Inventaire de la modernité avant liquidation (Avatar, 2007), Le Front du Cachalot (Dualpha, 2009), La banlieue contre la ville (La Barque d'Or, 2011), Écrire contre la modernité (La Barque d'Or, 2012), Soudain la postmodernité (La Barque d'or, 2015) et dernièrement Achever le nihilisme (Sigest, 2019).

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    Un « Empereur du peuple » ? La place de Napoléon dans la mémoire française

    Houellebecq écrit quelque part que Napoléon est pire qu’Hitler car Hitler croyait à quelque chose, ce qui n’aurait pas été le cas de Napoléon. Homme d’opportunités, assurément, Napoléon l’était. Il dit qu’il aurait pu se faire musulman. Certes. Mais ce n’est pas un hasard s’il a fait carrière en France, et ni en pays musulman, où il a vite été rejeté comme envahisseur français par les populations locales, qui ne s’y trompaient pas, ni en Allemagne ou en Autrice comme Feld-maréchal von Bonaparte, comme l’avait imaginé l’excellent Jean Dutourd.

    Il n’est du reste pas certain que Napoléon ne croyait en rien. Il ne croyait pas aux religions, car il ne croyait qu’à leur utilité sociale mais pas à leur message. Mais il croyait en Dieu. En tout cas en un Dieu, même s’il aurait pu croire aussi bien au Dieu de l’islam qu’au Dieu chrétien. D’autant plus qu’il était (à tort) sceptique sur l’existence de Jésus. Nous renvoyons, sur cette question, à l’ouvrage érudit et passionnant de Philippe Bornet (Napoléon et Dieu, Via Romana, 2021).

    Si Houellebecq veut dire que Napoléon n’avait pas d’idéologie au sens de ce terme au XXe siècle, c’est une évidence. Napoléon détestait les « idéologues ». Ceux-ci représentaient une pointe avancée de l’esprit des Lumières, qui, contrairement à la plupart des penseurs des Lumières, ne croyaient pas en un Dieu, étaient donc antithéistes, et étaient matérialistes c’est-à-dire ramenaient la compréhension du réel à l’étude des forces matérielles.

    Napoléon était un homme des Lumières mais pas de ces Lumières avancées. Il croyait aux Lumières au sens où rien de doit être examiné sans faire usage de la raison, mais, bien qu’ayant été influencé par Rousseau, il rejetait la croyance en la vertu de la liberté. Il ne croyait pas non plus – c’est le moins qu’on puisse dire – aux idées de Kant et de Condorcet sur la nécessité d’un tribunal international des nations. Ami des Lumières modérées au service d’un pouvoir fort, Napoléon n’était pas un cas isolé. Avant Napoléon, ce fut le cas de Joseph II de Habsbourg, et Frédéric II de Prusse. Et en même temps que Napoléon, le tsar Alexandre 1er de Russie se veut un homme des Lumières avant de tomber dans le rejet de celles-ci durant la dernière partie de son règne.

    Les idées de Napoléon par rapport aux Lumières, tout comme son ambigüité entretenue par rapport à la Révolution, expliquent en bonne part le déplacement de Napoléon dans le spectre politique. C’est ainsi que Napoléon assumera toujours l’exécution du duc d’Enghien, comme marqueur de la différence incomblable entre lui et les Bourbons. Il faut aussi tenir compte du fait que Napoléon est longtemps perçu comme héritier de la Révolution, et que la période « heureuse », guerrière mais victorieuse, de son règne (jusqu’en 1808) correspond à la période durant laquelle il n’a pas encore complètement rompu avec l’héritage révolutionnaire. Le calendrier révolutionnaire est supprimé en 1806, et jusqu’en 1808, les pièces de monnaies portent l’inscription « République française – Napoléon 1er Empereur ». C’est à partir de cette date de 1808 qu’est créée une noblesse, qui n’a pas les privilèges de l’ancienne, et qui n’est pas héréditaire.

    Napoléon, Empereur du peuple ? C’est l’image qu’on en gardera souvent. C’est beaucoup dire. Mais le soutien populaire était réel durant les premières années de son règne. En outre, l’impulsion donnée à l’industrie, le protectionnisme – ce que Bertrand de Jouvenel a appelé « l’économie dirigée » (Napoléon et l’économie dirigéeLe blocus continental, La Toison d’or, 1942) va aussi avec un relatif plein emploi des ouvriers, tandis que le tournant absolutiste de son règne, avec son remariage avec une fille de l’Empereur d’Autriche, s’accompagne de la crise économique de 1811, et des désastres militaires. Napoléon a perdu le peuple en même temps que sa bonne étoile. Héritier de la Révolution, mais y mettant un point final, tel est donc le double visage de Napoléon. Son souvenir sera lié à ces deux aspects. Les républicains se rappelleront de l’autocrate, mais les monarchistes ne lui pardonneront pas d’avoir refusé en 1800 les propositions du comte de Provence de rétablir la monarchie. Détesté par les monarchistes, Napoléon sera rejeté du côté du souvenir de la Révolution.

    Comment Napoléon prend-t-il place dans l’histoire politique de la France ? C’est tout d’abord sous la forme d’un souvenir. Puis, après le Second Empire, ce souvenir est désacralisé, car la défaite de 1870 n’est pas perçue comme grandiose, comme celle de Waterloo, mais beaucoup plus comme un échec trivial. Et c’est alors que l’on passe de la nostalgie napoléonienne au mouvement bonapartiste. Il se diluera rapidement dans le boulangisme puis dans les divers populismes et tentative de troisième voie du XXe siècle.

    Mais c’est d’abord un souvenir brûlant, une présence émotionnelle que l’empreinte laissée par Napoléon. Sous la Restauration, les bonapartistes sont proches des libéraux, c’est-à-dire de la « gauche » avec, par exemple, le général Foy. Un des éléments qui expliquent ce rapprochement paradoxal est l’épisode des Cent Jours. C’est là que fut élaborée la Constitution dite Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire, inspirée par Benjamin Constant, et dite pour cela la « Benjamine ». Loin d’être un Acte additionnel, elle contredisait toutes les pratiques politiques antérieures de Napoléon. Cette nouvelle Constitution allait nettement plus loin dans le sens d’un régime représentatif parlementaire que la Charte de 1814 « octroyée » (le roi tenait au mot) par Louis XVIII. L’une des erreurs, la plus énorme de l’acte additionnel de Napoléon, plus concédé que voulu, était l’instauration d’une Chambre des Pairs héréditaire. Il n’est pas étonnant que le peuple se soit si peu déplacé lors du plébiscite de mai 1815 pour approuver un tournant libéral qui n’était pas dans son tempérament, alors qu’il espérait plutôt un tournant jacobin, voire montagnard et « sans-culotte ». Cette illusion d’un possible « Empire libéral » permettra un rapprochement entre bonapartistes et libéraux jusqu’en 1830.

    Les choses changent avec la Monarchie de Juillet. Louis-Philippe récupère le souvenir de Napoléon avec le retour des cendres (1840), et il prend à son service quelque uns de ses vieux serviteurs. Le rétablissement du drapeau tricolore crée une continuité entre Révolution, Empire, Monarchie de Juillet. Napoléon devient une référence moins « à gauche », le symbole d’une révolution maitrisée, réduite à ses acquis de 1789-91. Les ouvriers, encore proches de Napoléon en 1815, s’éloignent de toute nostalgie impériale. Il faudra la Révolution de Février 1848 et un singulier alignement de planètes pour que Napoléon III, alors le prince Louis-Napoléon, petit-fils de Joséphine, bénéficie d’une occasion inespérée. Celle-ci venait de la très rapide dérive à droite de IIe République issue de la Révolution de 1848. En Juin 1848, le gouvernement tire sur les ouvriers, ceux-ci protestant, en pleine crise économique, contre la fermeture des Ateliers nationaux. La brutalité de la répression bourgeoise laisse un vide politique. L’élection présidentielle de décembre 1848 montre qu’un candidat issu du camp de la répression ne peut incarner l’unité de la nation. Louis-Napoléon recueille plus de 74 % des voix, tandis que, loin derrière, le conservateur Cavaignac en recueille moins de 20 %. Encore plus loin (5 %) est le démocrate socialiste, ou « républicain avancé », Ledru-Rollin. Cette élection ne peut se comprendre qu’en référence aux événements terribles de Juin 1848 : la République contre les ouvriers. C’est à partir de là que Louis-Napoléon pourra apparaitre un homme de l’ordre – conservatisme social et catholicisme – sans être lui-même l’homme de la répression anti-ouvrière.

    Après avoir gagné largement l’élection présidentielle de fin 1848, le rétablissement de l’Empire se fera en deux étapes avec le coup d’Etat du 2 décembre 1851 et la proclamation de l’Empire le 2 décembre 1852, non sans une forte résistance en décembre 1851, venue aussi bien de milieux ruraux qu’ouvriers. Le régime se dotera néanmoins, à la faveur d’une certaine prospérité, d’une base sociale chez les paysans. Par contre, des mesures sociales en matière d’habitat n’amèneront pas un ralliement des ouvriers.

    Camouflage ou authentique orientation ? Conservateur social, Louis-Napoléon ne l’était pas du tout à la mode Thiers ou Guizot. Auteur des Idées napoléoniennes (1839), De l’extinction du paupérisme (1844), le futur Napoléon III avait le souci de résoudre le problème social par des propositions réformatrices concrètes. Si le terme de « socialisme napoléonien » peut paraitre excessif, Louis-Napoléon était à coup sûr plus social que beaucoup de républicains négligeant la question sociale. Devenu Empereur, Louis-Napoléon n’oublie pas ses idées réformatrices. Un Empereur saint-simonien, c’est toujours une façon d’être héritier des Lumières, mais les limites du saint-simonisme apparaissent vite. Restent des mesures qui rompent avec l’individualisme exacerbé de la monarchie de Louis-Philippe.

    C’est Napoléon III qui institue le droit de grève en 1864, supprime le délit de coalition (loi Emile Ollivier, un républicain libéral rallié à Napoléon III à partir du tournant de l’Empire libéral en 1860), et s’il faut attendre la loi Waldeck-Rousseau de 1884 pour que soient autorisés les syndicats, il fait un pas en ce sens en autorisant les chambres syndicales en 1868, tandis qu’il supprime en 1869 l’obligation du livret ouvrier, établi en 1781 sous Louis XVI, et rendu obligatoire par Napoléon Bonaparte (1803. C’est encore Napoléon III qui abolit la loi qui, en cas de litige entre un patron et un ouvrier, faisait prévaloir le dire du patron.

    Le mouvement ouvrier, qui va des républicains radicaux aux « socialistes » (les guillemets s’imposent car le terme est récent et les socialistes sont divers et non organisés en parti), comme François-Vincent Raspail, ne peut compter que sur une masse de travailleurs à domicile et d’ouvriers de fabriques qui est en augmentation, mais reste très minoritaire par rapport aux masses rurales. Napoléon III, par le souvenir du Grand Homme (dont Raspail fut un partisan durant les Cent Jours), peut s’imposer auprès de l’électorat paysan, sans s’aliéner radicalement les populations ouvrières. Le monde ouvrier, s’il n’est pas bonapartiste de conviction, ne veut pas se battre pour les fusilleurs de Juin 1848.

    Ce mouvement ouvrier se définit en bonne part « à gauche », en ce sens que les revendications sociales se mêlent à un anti monarchisme (ni le comte de Chambord ni les Orléans, malgré les propositions sociales mais paternalistes de Chambord) et à un anticléricalisme virulent. Marx, qui ne se référait jamais à la « gauche », tout comme Michéa, qui voudrait que le mouvement socialiste ne s’y référa jamais, sous-estiment les aspects hors lutte de classes du mouvement ouvrier et socialiste : le patriotisme intransigeant, voire irréaliste en 1871, et l’anticléricalisme.

    Cette confusion entre gauche ouvrière et gauche politique libérale, dont la critique est l’élément central des livres de Jean-Claude Michéa, fait que la gauche ouvrière mène des combats qui ne « devraient pas » être les siens, selon une pure logique de la lutte des classes, contre l’Eglise, alors que le problème principal n’est plus l’Eglise mais le capital, pour Dreyfus alors que cette question pourrait être considérée comme une affaire interne à la bourgeoisie. Le problème est que ce point de vue se heurte au sens commun : une injustice faite à un homme est-il dépourvu de tous rapports avec une injustice faite à une classe ? Que cela plaise ou non, le goût français des idées générales et de l’universalité amène à répondre non.

    Ceci explique qu’un mouvement socialiste et ouvrier au-delà du clivage droite-gauche est concrètement difficile à identifier. Ce socialisme chimiquement pur que recherche Jean-Claude Michéa, en expliquant à juste titre que le mouvement ouvrier se fait manipuler par la mise en avant d’enjeux sociétaux qui ne sont pas les siens, peut-il exister ? En théorie peut-être, dans l’histoire réelle, on ne le trouve pas. Qu’on le déplore ou non, force est de constater que le mouvement ouvrier est souvent imprégné de l’idéologie du progrès, ce qui l’amène à entrer dans des coalitions « progressistes », à soutenir la guerre de 1914 comme « guerre du droit » et à se rallier à l’ « Union sacrée », etc.

    Après le Second Empire et le désastre de 1870, l’idée napoléonienne se trouve déportée « à droite ». Les bonapartistes des années 1870-1880 se trouvent proches des monarchistes orléanistes. Ils s’engouffrent pour beaucoup dans l’aventure boulangiste et disparaissent ensuite. L’esprit napoléonien se retrouve dans les projets de république rénovée, autoritaire et plébiscitaire, supposée être plus efficace que la république parlementaire. Toutefois, après la victoire de 1918, il devient difficile, pour les nostalgiques des deux Empereurs, de dire que la république ne sait pas gagner une guerre, d’autant que les deux Empires ont montré qu’ils étaient capables d’en perdre.

    Ce qui reste du bonapartisme est le goût d’un Etat fort et efficace, non entravé par les excès délibératifs du parlementarisme, une capacité d’impulser de grands projets, et surtout l’idée qu’un gouvernement doit s’appuyer sur le peuple (« l’appel au peuple ») en faisant régulièrement constater sa légitimité par le plébiscite. C’est ce dernier aspect qui reste actuel et sa forme démocratique sera le référendum dont usera de Gaulle et qui sera un des derniers moments où la France aura connu de vrais débats démocratiques. L’esprit gaullien, son réalisme international, son souci de la question sociale avec la participation, réalisera la synthèse entre le principe napoléonien de la souveraineté du peuple, et le réalisme politique des meilleurs des capétiens.

    Pierre Le Vigan (Voxnr, 22 avril 2021)

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  • L'heure du loup...

    Les éditions Les Arènes viennent de publier un nouveau roman de Pierric Guittaut intitulé L'heure du loup, dans lequel on retrouve le héros de D'ombres et de flammes (Gallimard, 2016).

    Écrivain et chroniqueur, Pierric Guittaut est déjà l'auteur de plusieurs romans et polars dont La fille de la pluie (Gallimard, 2013), Ma douleur est sauvagerie (Les Arènes, 2019) et Docteur Geikil & Mister Hussard (Auda Isarn, 2020), Beyrouth-sur-Loire (Auda Isarn, 2020) ainsi que d'une passionnante enquête consacrée à la Bête du Gévaudan, La Dévoreuse (De Borée, 2017).

     

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    " Les loups sont de retour en Sologne. Lorsque des bûcherons trouvent le corps mutilé de la jeune Maëva, les esprits s’échauffent. Est-ce l’attaque d’un fauve ou un crime déguisé ? La tension est vive entre défenseurs de la faune sauvage, chasseurs et éleveurs. Les médias et les autorités attisent encore le feu.
    De retour dans sa région natale, le major Remangeon, dit « le loup-garou», est un gendarme taciturne ; dans sa famille, on est rebouteux de père en fils. Il mène l’enquête et tente d’apaiser les esprits, tandis qu’il est partagé entre un mariage qui se délite et un nouvel amour dévorant. Pour faire la lumière et retrouver un semblant d’équilibre, il va devoir puiser dans sa nature profonde et mobiliser toutes ses forces, même les plus occultes. "

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  • La dictature sanitaire en roman...

    Le 22 avril 2021, Pierre Bergerault recevait sur TV libertés Thomas Clavel pour évoquer avec lui son dernier roman Hôtel Beauregard (La Nouvelle Librairie, 2021).

    Écrivain, chroniqueur et professeur de français, Thomas Clavel est déjà l'auteur d'un recueil de nouvelles, Les Vocations infernales (L'Harmattan, 2019) et d'un roman, Un traître mot (La Nouvelle Librairie, 2020).

     

                                                

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