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Métapo infos - Page 423

  • Les Scorpions du Désert...

    Les éditions Casterman viennent de rééditer en un seul volume la série d'Hugo Pratt intitulée Les Scorpions du Désert. On retrouve dans cette série un personnage, Cush, le rebelle afar, qui a croisé les pas de Corto Maltese dans l'album Les Éthiopiques.

     

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    " Section spéciale de l'armée britannique en Afrique, les Scorpions du Désert ont réellement existé. Créée au début de la Seconde Guerre mondiale, cette unité a pour mission des reconnaissances derrière les fronts pour repérer les mouvements et positions des ennemis allemands et italiens. Pratt met en scène cette unité, dont il a personnellement connu quelques membres, dans une région où il a vécu son adolescence, entre 1937 et 1944. Héros de ce que l'auteur considérait comme "la dernière guerre romantique", ces soldats - et leurs aventures - sont aussi une occasion de dénoncer le colonialisme des puissances européennes en Afrique, qui vit alors ses dernières heures. "

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  • Les médias prostitués à outrance, ou la mandragore des pendus...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue  saignant de Modeste Schwartz, cueilli sur le site de l'Observatoire du journalisme, et publié initialement dans Antipresse, qui est consacré aux médias 2.0 qui ne survivent qu'en se prostituant au système... Normalien, agrégé, traducteur, linguiste et polyglotte, Modeste Schwartz a déjà publié deux essais,  Yin - L'Occident comme cunnicratie (Culture & Racines, 2020) et Le magicien de Davos : vérité(s) et mensonge(s) de la Grande Réinitialisation (Culture & Racines, 2021).

     

    Normalien, agrégé, traducteur, linguiste et polyglotte, Modeste Schwartz

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    Les médias prostitués à outrance, ou la mandragore des pendus

    Avant qu’une civilisation bizarre (la nôtre) ne dote ce terme d’une connotation étrangement positive, «l’avant-garde» n’avait rien d’élogieux. Et pour cause : en technique militaire, elle partageait avec l’arrière-garde (qui, elle en revanche, a raté cette promotion culturelle) la caractéristique d’être une troupe sacrifiée. L’avant-garde, parce qu’elle va au contact d’un ennemi encore frais, encore entier, encore au mieux de sa force de frappe. L’arrière-garde, parce que, couvrant l’avance ou la retraite du gros des troupes, elle affronte un ennemi qu’elle a pour seule fonction de retarder, mais ne peut en aucun cas vaincre – et a donc toutes les chances de se faire décimer. Dans les deux cas, on imagine mal un stratège averti sélectionner pour de telles troupes ses soldats les mieux formés, les plus prometteurs ou les plus fiables. On va, bien au contraire, envoyer des crevards : fanfarons, alcooliques, délinquants, usés physiquement et/ou psychologiquement. Des soldats qui, au moment de cette affectation, valent déjà plus cher morts que vifs.

    Le Great Reset, ou le tout pour le tout

    Telle est bien la situation, à la fin des années 2010, de ce que j’ai appelé ailleurs la «Galaxie Gutenberg 2.0» : les médias audiovisuels non-interactifs (notamment hertziens), et des débris de Galaxie Gutenberg 1.0 (GG1.0) qu’elle traîne encore dans ses fourgons (comme ces quotidiens papier régionaux intoxicant un dernier stock de retraités provinciaux, tirés sur des rotatives qu’on ne construit plus et ne remplace plus – réparant l’une avec les pièces prélevées sur le cadavre de l’autre). En termes d’influence, il était bien clair, dès les années 2000 au plus tard, que ces crevards ne passeraient pas l’hiver 2030. Cette constatation – jointe à la grande frayeur oligarchique de 2016, et aux fissures apparues à l’été 2019 dans l’édifice financier – n’est probablement pas étrangère à la décision (prise au plus tard en 2019) de précipiter la mise en œuvre du Great Reset : un programme dont on sait par ailleurs que certains de ses éléments sont anciens, mais dont l’exécution, à partir de mars 2020, s’est faite à marche forcée, sur le principe «ça passe ou ça casse». L’oligarchie occidentale, préférant risquer le tout pour le tout plutôt que de risquer d’avoir – même dans des circonstances relativement pacifiques – à passer la main, a visiblement décidé de «jouer son tapis».

    Depuis la fin de la Guerre froide, cette oligarchie avait peu à peu acquis un contrôle presque intégral de ces structures médiatiques surannées que j’appelle GG2.0 ; on pourrait presque dire qu’elle en avait hérité, rachetant à vil prix des titres que le consommateur médiatique ne désirait plus rémunérer – du fait d’un cercle vicieux du désintérêt et de la dépravation : vieille pute malmenée par la concurrence des jeunes nymphomanes à accès libre (la presse électronique, soit GG3.0), GG2.0, en se laissant «maquer» par l’oligarchie et en en relayant les mensonges, ne pouvait qu’augmenter jour après jour le mépris d’une clientèle populaire (notamment jeune) déjà de toute façon happée par GG3.0. Quelques vieux et de riches pervers qui lui demanderont, à terme, d’arnaquer ces quelques vieux : c’est là, hélas, le destin de bien des péripatéticiennes vieillissantes. La plupart réussissent néanmoins – à la différence de la presse occidentale – a vivre ce triste destin sans en profiter pour mettre le feu aux sociétés qui les ont produites.

    Philanthropie en bande organisée

    Vient alors pour GG2.0, en 2020, l’équivalent du bordel afghan (ou du semi-remorque saharien pour les semi-épaves plus automobiles) : l’arrière-garde covidiste. Depuis maintenant 14 mois, comme un seul homme, elle dénonce chaque mois comme «théories conspirationnistes» les avertissements proférés par divers lanceurs d’alertes, lesquels avertissements, au bout d’un laps de temps d’une durée moyenne de trois mois, deviennent généralement des nouvelles hautement officielles, qui s’intègrent à la très plastique «nouvelle normalité». Dans ces conditions, il est bien évident que le cycle du mensonge adopte un rythme débordant même les capacités d’amnésie du poisson rouge médiavore, et que, subséquemment, le rythme de vieillissement de GG2.0 a augmenté d’un ordre de grandeur au moins.

    Ce qui fait bien sûr les affaires de GG3.0, dont le boom actuel n’est probablement pas étranger aux «nouvelles» préoccupations de Davos : jadis si tourmentée par les menaces «virales», cette philanthropie en bande organisée dit aujourd’hui craindre surtout les «cyberattaques», tandis que ses marionnettes gouvernementales parlent désormais (usant d’un vocabulaire fort exotique dans leur bouche) d’un «Internet souverain» pour l’Europe. En d’autres termes : après pseudo-sinisation de la gestion du troupeau physique, via l’identité digitale chère à Bill Gates, préparez-vous à la pseudo-sinisation des communications électroniques occidentales. Il est, au fond, bien naturel que l’Etat-mère (abusive), désormais en charge de votre santé, veuille aussi imposer un contrôle parental à vos insomnies en ligne.

    Évidemment, si l’arrière-garde est un produit «à date courte», pour autant, elle n’est pas vraiment bon marché. On aurait tort de lésiner sur la solde d’un soudard qu’on envoie au casse-pipe – pas qu’il aille changer d’avis sur la dernière centaine de mètres, déserter, voire retourner ses armes (comme vient, me dit-on, de le faire le bon lansquenet Quatremer). Il fait au contraire l’objet d’une véritable averse de gratifications – d’autant moins avares qu’on sait bien qu’on n’aura plus à le payer très longtemps. C’est, paraît-il, en vertu d’une logique semblable que les pendus bandent, et éjaculent au moment du trépas : sachant d’instinct qu’il n’en aura plus l’usage, l’organisme s’auto-bombarde de toutes les hormones de bonheur qui auraient auparavant dû rétribuer un comportement utile à l’espèce, c’est-à-dire reproductif (ce qui explique en partie le fait que certains pervers en aient tiré des pratiques sexuelles d’étouffement plus ou moins contrôlé).

    C’est, me direz-vous, bien ce que fait (juste beaucoup plus lentement) cette jeunesse occidentale woke, stérile avant même d’être piquée, encore mieux vaccinée et tatouée que les chiens qui lui tiennent lieu de famille, en se branlant devant Netflix. Certes. Mais c’est aussi et surtout ce que font les nonagénaires de l’oligarchie occidentale finissante avec leur pute GG2.0, qui ne remarque probablement même pas qu’elle est déjà dans le fourgon qui mène au bordel afghan, tant ses vénérables souteneurs, entre temps, la soumettent à un véritable bukake de liquidités ; rappelons, à toutes fins utiles, quelques-uns de ces chiffres vertigineux : 4 738 019 € à Libération, 1 903 249 € au Monde, 318 225 € à L’Obs, 3 910 850 € à L’Humanité (qui, contrairement à ce qu’on prétendait il y a encore trente ans, n’accepte pas que les roubles), 470 861 € à Marianne… Non seulement Gates arrose comme un Siffredi de la propagande ce harem déjà gâté par l’oncle Soros, mais leurs porte-coton gouvernementaux y vont, en outre, de leur petit pourliche d’après-tournante. N’en jetez plus!

    Littéralement gavée de fric, GG2.0 se convertit sans le vouloir au sous-genre pornographique un peu trash du gagging. Ce qui rappelle cette scène d’exécution par irrumation d’une pute sur le retour, dont un cinéaste serbe nous avait gratifiés , actualisant un peu les intuitions du Pasolini des 120 Journées. Le sadisme est l’inévitable destin des libidos perverses, définitoirement stériles : quand la force génésique n’est pas au service de la vie, c’est donc qu’elle est au service de la mort. Et le moment libéral/libertaire de la séquence 1968–2020 – pour long qu’il nous ait semblé, à l’échelle d’une vie individuelle – n’aura finalement été que ça : le banquet qu’offrent les darons pervers à leurs jeunes victimes, avant de les immoler dans l’orgie finale, sadique et suicidaire. Un banquet de merde, certes : l’odeur des matières fécales servies dans cette argenterie droit-de l’hommiste aurait probablement dû nous alerter, nous laissant subodorer le dénouement des festivités. Il est maintenant trop tard : le pendu de Davos a éjaculé sur son arrière-garde de chair à canon médiatique, et de son foutre maudit va jaillir – comme, croyait-on jadis, la mandragore de celui des authentiques pendus – la fleur rouge du chaos. Fuyez, mes frères, fuyez si vous le pouvez !

    Modeste Schwartz (Antipresse, 13 juin 2021)

     

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  • L'art et le sacré, remèdes à la modernité...

    Nous vous signalons la parution du nouveau numéro de Rébellion (n°92, Été 2021).

    Vous pouvez vous procurer la revue sur son site : Rébellion

     

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    Au sommaire :

    Editorial : Sur la route (Louis Alexandre)

    Le confinement et son impact psychologique : notre humanité en jeu ! (Camille Mordelynch et Maxence Smaniotto)

    Entretien avec Rodolphe Crevelle avant de se faire entrainer dans une tentative de coup d’état

    Etat des lieux de la contestation avec le groupe « service public libre » (entretien réalisé par Nikos Amilduki)

    Dossier Art et Sacré :

    Défendre le sacré : stratégie d’autodéfense face au monde moderne (Holy Mane)

    Regards croisés : Pier Paolo Pasolini/ Andreï Tarkovski (Nikos Amilduki)

    Entretien avec Rémi Soulié : Hermés messager du sacré dans le monde moderne (Entretien Louis Alexandre)

    Environnemental art : Ecologie de l’être et origines (Carl-Hugo Pinto-Sendra)

    EcoPhilo

    Pourquoi mangeons-nous de la viande ? (Camille Richard)

    D’une pensée stérile à une pensée fertile : l’Agroforesterie (Camille Richard)

    L’âme dans l’expérience extatique plotinienne (Camille Mordelynch)

    Mircea Eliade : un regard sur ses années portugaises (José Almeida)

    Evola et Eliade : cheminement commun et divergences (Louis Alexandre)

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  • Crise civilisationnelle et changement d'époque...

    Le 20 juin 2021, Thomas Arrighi recevait le philosophe et sociologue Michel Maffesoli dans l'émission «Sputnik donne la parole» pour évoquer avec lui la crise civilisationnelle qu'il évoque dans son dernier essai intitulé L'ère des soulèvements (Cerf, 2021).

     

                                               

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  • Par la grâce de l'épée...

    Les éditions Jourdan ont publié récemment un essai historique d'Antoine-Louis de Prémonville intitulé Par la grâce de l"épée - Ces officiers devenus rois.  Officier de l'armée de Terre française,  docteur ès Lettres et Civilisations et chercheur-associé au Centre de Recherche des Écoles de Coëtquidan (Saint-Cyr), Antoine-Louis de Prémonville est notamment l'auteur de Géopolitique de l'Iran (PUF, 2017).

     

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    " Ce n'est pas parce que l'on n'a pas eu la chance de naître roi que l'on ne peut pas le devenir. Voilà le livre qui rend à ces officiers leur histoire d'ascension royale.

    Sept portraits d'officiers tour à tour aventuriers, petits escrocs en quête d'une bonne affaire, poètes un peu fous, dictateurs ou ambitieux mégalomanes qui sont parvenus à se hisser sur un trône alors que rien ne les y prédestinait.

    Pourquoi cette ambition ? Comment l'ont-ils poursuivie ? Comment y sont-ils parvenus ? Que sont-ils devenus ? Quel héritage ont-ils laissé ? Autant de questions auxquelles cet ouvrage se propose de répondre avec précision.

    Replacées dans les contextes historique et géopolitique de l'époque, découvrez les histoires de :

    Théodore de Neuhoff, roi de Corse.

    James Brooke, raja de Sarawak (Bornéo).

    Marie-Charles David de Mayréna, roi des Sédangs (Vietnam).

    Reza Khan, shah d'Iran.

    Roman von Ungern-Sternberg, khan de Mongolie.

    Ahmet Zogolli, roi des Albanais.

    Jean-Bedel Bokassa, empereur de Centrafrique.Bousculant les mythes et les partis pris, une présentation claire des faits. "

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  • Autonomie nationale et détention du capital...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun, cueilli sur Geopragma et consacré à la protection des actifs stratégiques nationaux.

     

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    Autonomie nationale et détention du capital

    La réflexion stratégique doit s’étendre à la protection et au développement des activités et institutions essentielles pour la communauté nationale. La crise de la Covid nous a par exemple rappelé l’importance d’assurer la sécurité d’approvisionnements qualifiés justement de stratégiques. Mais en matière économique, il n’y a pas que les échanges commerciaux ; il y a aussi les mouvements financiers et les rapports technologiques ; et il y a le pouvoir, le contrôle des entreprises. La prise de contrôle d’une entreprise, surtout d’une certaine taille ou jouant un rôle particulier dans la vie collective, ne peut être considérée comme une opération neutre. Cela implique évidemment une contrôle minimal par l’autorité publique sous forme d’autorisation de cette cession, lorsque l’activité de cette entreprise le justifie. Mais la réflexion ne peut s’arrêter là. Elle doit porter plus généralement sur le l’ensemble des modalités de détention des entreprises : droit de vote, statuts, composition des actionnariats.

    Un préalable : la prise en charge de l’activité nationale

    La disparition de pans entiers ou de segments vitaux de la production aboutit à des bouleversements, par disparition d’emplois et parfois de pans entiers d’activité (compensés plus ou moins par d’autres, mais n’affectant pas les mêmes personnes). Pour en évaluer le sens, deux faits sont à considérer. D’un côté, les théories économiques classiques sur les bienfaits du commerce international (spécialisation sur les avantages comparatifs) sont simplistes. Non seulement on n’est jamais dans le cadre du schéma théorique ; mais en outre les avantages comparatifs sont loin d’être des données immuables ; ils dépendent largement de l’histoire et de la volonté humaine. Se résigner à une position résultant des données du moment est peu rationnel. Mais d’un autre côté il serait absurde de viser une forme d’autarcie ; non seulement parce qu’une grande partie des biens nécessaires ne peuvent être produits sur place (matières premières, spécialités chimiques, technologiques ou autres), ou pas de façon aussi économique, mais aussi parce que l’échange porte en soi ses bienfaits. Il se déduit de tout ceci qu’une attitude intelligente est intermédiaire : une forme d’ouverture raisonnée et contrôlée. Mais elle est difficile à assurer politiquement de façon rationnelle (on ferme la frontière par démagogie là où on devrait rester ouvert, mais on ouvre là où on manque d’ambition).

    Ceci est aggravé par la mobilité du capital financier. Sans parler des crises que cela peut causer ou aggraver, elle distend de façon encore plus forte le lien entre actionnaires et entreprises. Il paraît donc que le degré de protection ou de contrôle sur les mouvements de capitaux, notamment sur les actions (fonds propres) devrait être plus strict que sur celui des marchandises. La question clef est donc l’élaboration d’un mode de gestion collective pragmatique, visant à la protection de la communauté et notamment du travail, mais sans fermeture méthodique, combinant détention largement locale/nationale des entreprises, culture appropriée des actionnaires et des travailleurs, et intervention publique judicieuse.

    La question de l’actionnariat

    Un point essentiel soulevé par tous les critiques de notre système économique est la financiarisation. Notamment, le marché devient le moyen de tourner la caractéristique principale de l’actionnariat : l’engagement à risque dans l’entreprise sur la longue durée, puisque les actionnaires peuvent vendre leurs titres à tout moment. En un sens donc, le marché boursier est devenu trop souvent le lieu du refus de l’engagement. D’où son court-termisme et la déformation que cela imprime au fonctionnement des entreprises, obsédées par le seul résultat financier observé instantanément. Le symptôme est particulièrement aigu dans le cas des OPA (offres publiques d’achat) : elles permettent en effet de changer radicalement l’orientation d’une entreprise, y compris contre sa direction (OPA hostile). Mais c’est aussi un moyen pour ses actionnaires de récupérer leur argent en totalité, et au prix fort. Le désengagement du capital est alors total. En amont, la menace ou la possibilité permanente d’une telle OPA est en outre un moyen puissant pour les actionnaires et pour le marché de dicter une conduite aux dirigeants.

    La question se pose avant tout dans le cas des sociétés commerciales. Il ne s’agit pas ici de remettre en question leur principe, et donc celui de l’actionnariat. Il est logique que celui qui prend l’essentiel des risques liés à l’entreprise soit celui qui prenne les décisions, en assume les profits et les pertes, et en soit donc au sens propre le propriétaire. Le modèle de la société commerciale (par actions) est donc légitime, même s’il n’est pas le seul, et s’il comporte aussi des devoirs. Il reste que, dans le cas de l’actionnaire d’une société cotée, qui a la possibilité de vendre son action à tout moment, le lien risque d’être beaucoup plus lâche – même si pour vendre il doit trouver un acheteur qui se substitue à lui. Et cela peut donner lieu à de multiples excès, par court-termisme, financiarisation etc., et plus généralement non-respect de l’intégrité de l’entreprise, de sa raison d’être et de son rôle collectif. D’où l’intérêt majeur de favoriser la détention sur longue durée ainsi que l’engagement actif des actionnaires.

    Les voies d’action possibles

    La première voie vise à privilégier avec détermination la détention à long terme. Certes, il serait difficile et illogique de contraindre directement l’ensemble des investisseurs, notamment financiers, à se passer de toute liquidité. Mais plusieurs moyens sont disponibles pour les inciter à détenir les titres sur une certaine durée : par exemple, en donnant des droits de vote différenciés selon la durée de détention, soit après coup, soit par un engagement pris à l’avance. Cela conduit logiquement et au minimum à une mesure simple : supprimer les droits de vote en cas de détention sur courte durée – ce qu’on fait pourtant fort peu. De même lorsque le gestionnaire ne poursuit pas dans sa gestion le bon fonctionnement de l’entreprise, comme dans le cas de la gestion passive ou indicielle. Le gérant se borne alors à suivre l’indice. Il est alors absurde qu’il exerce un droit de vote.

    Une deuxième famille de réflexion vise à structurer l’actionnariat en favorisant un noyau dur et stable, par exemple la famille fondatrice, ou les fondateurs en général, ou des actionnaires liées par un pacte (avec des droits de vote accrus, des pouvoirs de veto etc.), ou par des fondations dédiées comme on va le voir. Ce qui se relie évidemment avec la considération de la raison d’être de l’entreprise, qu’on va évoquer. Mais cela peut conduire à la mise en place d’un nouvel investisseur public, avec des moyens conséquents – ressemblant éventuellement aux fonds souverains de certains pays. A l’Amafi j’avais proposé la réactivation à cette fin du Fond de réserve des retraites créé par Jospin, et stupidement mis en liquidation progressive sous Sarkozy.

    Une troisième famille de réflexion consiste à décourager certaines OPA jugées nocives, soit par des dispositifs externes (examen par les pouvoirs publics ; pression de l’environnement de l’entreprise, etc.), soit par des mécanismes financiers telles les ‘poison pills’ américaines. Une intervention publique peut notamment se justifier lorsqu’un changement d’actionnariat modifie profondément l’orientation de l’entreprise, notamment au profit d’intérêts étrangers à la communauté nationale.

    Plus fondamentalement, une quatrième famille de réflexion consiste à préciser la ‘raison d’être’ de l’entreprise, qui doit aller au-delà de l’intérêt pécuniaire des actionnaires. C’est ce que propose de façon un peu timide la loi ‘Pacte’ française. Dans l’optique qui est la nôtre, elle devrait s’insérer dans une préoccupation de bien commun et conduire à de vrais engagements. Car l’entreprise est d’abord une communauté humaine, certes partielle, mais réelle, qui vise à réaliser ensemble une œuvre : fournir aux autres, à la société, certains biens ou services. Le calcul économique est une des composantes de cette action, mais pas son centre exclusif. Celui qui achète une telle action sait alors clairement quelles sont les orientations de l’entreprise concernée. Bien entendu, la question se pose du respect ultérieur de cette « charte fondatrice » en cas de changement massif de l’actionnariat. C’est même un enjeu essentiel, notamment pour des sociétés cotées à large actionnariat, car il est tentant pour des prédateurs de s’emparer d’une société gérée de façon éthique pour en tirer à court terme des superprofits en vivant sur la bête, ou même, plus modestement, pour des actionnaires de chercher à les gérer dans une perspective purement financière. Outre diverses méthodes juridiques (majorité très renforcée pour changer la raison d’être, etc.), une proposition attractive de Colin Mayer est d’utiliser des fondations : un conseil de mandataires (‘trustees’) est chargé de veiller au respect par les dirigeants (et les actionnaires) de cet objet social, selon des modalités librement déterminées par les parties intéressées. Soit avec des droits spécifiques, soit en étant un actionnaire particulier.

    Pierre de Lauzun (Geopragma, 21 juin 2021)

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