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Racisme antiblanc : comment les journalistes ont fini par en devenir complices...

Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par François Bousquet à l'Observatoire du journalisme à l'occasion de la sortie de son enquête intitulée Le racisme antiblanc (La Nouvelle Librairie, 2025).

Journaliste, directeur de la rédaction de la revue Éléments, François Bousquet a aussi publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017), Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2020), Biopolitique du coronavirus (La Nouvelle Librairie, 2020) et Alain de Benoist à l'endroit - Un demi-siècle de Nouvelle Droite (La Nouvelle Librairie, 2023).

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Racisme antiblanc : comment les journalistes ont fini par en devenir complices

Vous avez imposé l’anonymat à certains de vos témoins, connaissant, dites-vous, le prix aujourd’hui exorbitant de la vérité. Qu’impliquerait pour eux le fait de témoigner à visage découvert ?

François Bousquet : Chez certaines victimes, il y a la peur de représailles physiques ; chez d’autres, la peur de confronter leur entourage proche, les parents en général, à leur défaillance ou leur aveuglement. Mais, le plus souvent, c’est un autre spectre qui rôde : celui de la mort sociale et de la déchéance symbolique. La gauche bien-pensante se gausse quand on évoque l’argument de cette mort sociale, mais ce sont ses tribunaux qui, les premiers, en prononcent la sentence.

Demandez à Colombe, cette Perpignanaise bénévole des Restos du cœur, elle-même allocataire du RSA, congédiée sans ménagement l’an dernier pour avoir assisté à un meeting de Jordan Bardella. Demandez à Jean-François Achilli, licencié par Radio France pour avoir travaillé à un livre avec le même Bardella, alors qu’il y a des dizaines de bouquins coécrits par des journalistes et des politiques. Demandez aux syndicalistes CGT ce qui leur est arrivé quand ils ont osé faire leur outing frontiste. Tous virés, sans autre forme de procès. Encore, je ne cite que les quelques cas qui me viennent spontanément à l’esprit. Combien d’autres ?

Nous qui gravitons dans des sphères politiques ou militantes, nous avons tous au moins une connaissance proche qui a perdu son emploi pour avoir dévié de la ligne. C’est du maccarthysme inversé. Il en va de même pour les victimes de racisme antiblanc. C’est souvent pour elles la double peine. Non seulement elles subissent des agressions, mais en plus, par une mécanique perverse bien rodée, elles sont soupçonnées d’être elles-mêmes racistes. C’est l’inversion accusatoire dans sa version la plus toxique, celle où la victime devient le principal suspect. Dans ce contexte, témoigner à visage découvert, c’est se condamner à l’ostracisme, en risquant sa réputation, son travail, parfois même ses liens familiaux. Voilà pourquoi l’anonymat s’imposait.

Comme vous le soulignez, la majorité des journalistes et des politiques sont blancs et – surtout – les premiers à refuser la mixité sociale et professionnelle. Comment expliquer que ces groupes ne profitent pas justement de leur position pour défendre les leurs ?

François Bousquet : Homo duplex. L’homme est double. Cette duplicité atteint des sommets dans les professions intellectuelles. Le hiatus entre ce qui est professé et ce qui est pratiqué y est plus criant que partout ailleurs. Le maximalisme des déclarations – « il faut accueillir tout le monde » – jure avec le laxisme des pratiques : carte scolaire contournée, quartier gentrifié, environnement social épuré. Les donneurs de leçons pratiquent l’entre-soi comme un art de vivre, mais jurent leur attachement à la diversité comme à un dogme. Individuellement, ils font jouer des réflexes de survie tribale : ils choisissent soigneusement l’école de leurs enfants, leur voisinage, leurs relations, tout cela dans une logique d’endogamie culturelle, de reproduction sociale et d’évitement ethnique. Mais collectivement, ils s’interdisent de le reconnaître.

C’est là qu’intervient la psychologie des foules, au sens de Gustave Le Bon : dès qu’ils se regroupent, ces individus intelligents deviennent stupides, grégaires, aveuglés par la griserie morale du groupe. Le conformisme fait le reste.

Ce qu’ils perdent en lucidité, ils le gagnent en gratifications symboliques. La posture progressiste est rentable. Elle offre des dividendes immatériels : la bonne conscience, la supériorité morale, l’impression flatteuse d’être du bon côté de l’histoire. Mais elle offre aussi des revenus bien réels, sonnants et trébuchants. Toute une économie de la bien-pensance s’est structurée autour de cela. Pour un Jean-François Achilli viré, combien de confrères ont conforté leur position et grimpé les échelons ? Le progressisme est une rente – morale, sociale, médiatique. Comme toujours, la posture cache une imposture. On est là au cœur du Tartuffe de Molière, sous-titré « L’Imposteur ».

Vous parlez du mot « race » comme d’un « bâton de dynamite » pour les journalistes. Il n’y a pas si longtemps encore, la question ethnique ne souffrait d’aucun tabou. Comment expliquez-vous cette bascule ? Pensez-vous que cela puisse changer ?

François Bousquet : Dans les sociétés archaïques, certains mots ne se prononçaient qu’en tremblant, les mains jointes et les yeux baissés : le tétragramme « Dieu » chez les premiers Hébreux, le mot « Diable » dans à peu près toutes les civilisations. Chez nous, modernes d’occasion, c’est le mot « race » qui provoque les mêmes gestes de conjuration. On ne le prononce pas sans s’asperger aussitôt d’eau bénite et sans réciter dans la foulée un chapelet de confiteor antiracistes. Pensée magique. C’est celle qui s’est emparée des députés, en 2018, quand ils ont voulu supprimer, dans un bel élan unanimiste, le mot « race » de la Constitution. Supprimer le mot, c’était croire pouvoir abolir la chose. Magie blanche du législateur contre magie noire de l’histoire.

Ces rituels d’exorcisme s’expliquent : le surmoi des Européens – surtout de l’Ouest – est façonné par une hantise rétrospective : le nazisme. Tout notre édifice moral s’organise autour de ce foyer brûlant, du moins jusqu’à il y a peu. Plus jamais ça ! À tel point qu’il suffisait, il y a quinze ans à peine, de prononcer « race » pour entraîner aussitôt une onde d’indignation médiatique. On croyait cette question raciale définitivement reléguée au musée des horreurs. Barack Obama, en 2008, s’enorgueillissait même d’être le héraut d’une Amérique postraciale. Or voilà que la race nous revient en boomerang, classique retour du refoulé.

Ce retour ne s’est pas fait tout seul. Il a été préparé par un courant de pensée, longtemps confiné aux campus américains, qui a su capitaliser sur l’affaire George Floyd, en 2020, pour déclencher un « Great Awakening », l’un de ces Grands Réveils qui jalonnent l’histoire américaine – non plus religieux, comme dans les âges antérieurs, mais racial. Le mot « woke » dit bien ce qu’il veut dire : un éveil ou plutôt un réveil. Cette idéologie, œuvre des « racisés » et de ceux que j’appelle les « grands Blancs », a substitué aux grilles de lecture marxistes ou libérales celle plus élémentaire de la race. Mais à une condition : que les Blancs en soient la part maudite. Ce à quoi consentent volontiers les « grands Blancs » progressistes, d’autant plus aisément qu’ils restent les premiers procureurs dans ce procès truqué.

C’est là l’un de ces paradoxes des conséquences, familiers à la pensée de Max Weber : le retour impensé du refoulé racial a contraint les Blancs à problématiser, à leur tour, une question qu’ils pensaient avoir définitivement évacuée. Ils ont beau répéter : « Non, fontaine empoisonnée de la race, je ne boirai pas de ton eau », ils en boivent, contraints et forcés par la société multiethnique qu’ils ont contribué à faire advenir.

Les journalistes et les politiques, dites-vous, exploitent sans vergogne les agressions racistes, celles des Blancs envers les extra-Européens. Pourquoi le faire ?

François Bousquet : L’après-guerre n’est qu’une lente descente dans les délices de la faute, la « felix culpa », la faute bienheureuse, jouissive, dans laquelle se vautrent nos élites, car il est commode de s’accuser d’une faute que l’on n’a pas commise. Hannah Arendt a des pages terribles sur cette complaisance vertueuse. Le psychanalyste Daniel Sibony parle même de « culpabilité narcissique », le paradoxe d’une faute fantasmée qui devient source d’amour-propre.

Ce type de pathologie est la norme parmi les élites. En pratique, elle revient à accabler le seul peuple historique (Dupont La joie, les Deschiens, le « beauf » de Cabu, etc.), ces « petits Blancs », qui sont les dépositaires exclusifs du péché originel. Pas les élites, bien sûr. Cette culpabilisation a eu pour effet de casser un ressort vital dans la survie de toute collectivité humaine : l’estime de soi. Les peuples comme les individus ont besoin d’un idéal du moi, qu’ils cherchent à maintenir et à consolider. Mais lorsque cet idéal est méthodiquement détruit, ne reste que la honte.

Cela a des effets concrets dramatiques sur les collégiens blancs que j’ai rencontrés et qui évoluent dans des environnements scolaires où ils sont minoritaires. Au moindre cours d’histoire, ils deviennent les symboles de cette France haïssable, chargée de tous les péchés du monde. Chaque leçon – colonisation, esclavage, Shoah, etc. – se transforme en flagellation. Au fil de mon enquête, je n’ai pas rencontré un seul ex-ado blanc, victime de racisme antiblanc, qui ne m’ait pas confié qu’adolescent, il avait eu honte d’être français. Pas un seul, je dis bien pas un seul, qui n’ait été tenté, adolescent, d’effacer ce qu’il était, de travestir son identité en s’inventant des origines étrangères. Voilà où nous a conduit la rétro-satanisation de notre histoire.

Votre livre prétend « débunker » la théorie du racisme systémique mais surtout révéler au grand jour l’existence du racisme antiblanc. Les journalistes pourraient vous opposer que vous n’avez « que » quelques dizaines de témoignages et que cela ne démontre donc pas un phénomène structurel…

François Bousquet : Quarante témoins, ce n’est pas rien. À ma connaissance, il n’y a pas de quorum pour engager une action collective ou un recours collectif, quarante suffiraient sans peine. Il a suffi de la publication d’une photo, celle d’un mort, le petit Aylan, en 2015, pour accélérer l’accueil d’étrangers lors de la crise des migrants – photo médiatiquement et éhontément surexploitée. Mais dès qu’il s’agit de Blancs agressés parce que Blancs, les seuils s’élèvent : il ne faudrait plus un témoignage, ni dix, ni cent, mais des milliers certifiés par huissier.

Cela dit, les journalistes n’ont rien à opposer à mon enquête, sinon une fin de non-recevoir. Je n’ai reçu aucune invitation dans les médias centraux, exception faite d’un débat dans les colonnes de Marianne à l’initiative de la journaliste, Rachel Binhas.

Ces chiffres, si limités soient-ils – et ils le sont comparés à l’ampleur du phénomène –, ont au moins un mérite : ils pulvérisent le dogme de l’inexistence du racisme antiblanc.

La vérité, c’est que chercheurs, démographes, statisticiens ne le cherchent pas. Ne le cherchant pas, ils ne le trouvent pas. Une fois, une seule, il y a quinze ans, l’Insee et l’Ined, dans le cadre d’une enquête sur les discriminations, à partir d’un énorme échantillonnage, ont montré que le « groupe majoritaire » (grosso modo les Français métropolitains de souche) était lui aussi victime de racisme. Un quart même pour les paupérisés et pour les jeunes. Les enquêteurs avaient pourtant délibérément restreint l’échantillon du « groupe majoritaire », très largement sous-représenté par rapport aux populations d’origine étrangère ou ultramarine. Mais nonobstant l’impossibilité théorique du racisme antiblanc, ils ont bien été obligés d’en concéder la réalité statistique. Pas longtemps, il est vrai. Car ils ont aussitôt affirmé que ce « groupe majoritaire » abritait des populations extra-européennes présentes en métropole depuis longtemps. Ouf ! La grille d’analyse reste intacte.

Un point marquant dans les témoignages que vous avez recueillis, c’est la sidération qui en a saisi certains lorsque, pour la première fois, ils ont été confrontés à des logiques de discrimination « qu’ils n’avaient jamais envisagées ». Pensez-vous que par leur silence, journalistes et politiques se rendent coupables de la multiplication de ces actes racistes antiblancs (insultes, agressions, etc.) ?

François Bousquet : Journalistes, universitaires, politiques, tous sont complices d’un déni et d’un délit de masse. Parce que ne pas reconnaître ce racisme, c’est le légitimer. Ne pas le nommer, c’est l’autoriser. Ne pas le sanctionner, c’est l’institutionnaliser. La loi française interdit explicitement tout racisme, y compris le racisme antiblanc, mais dans la plupart des cas, cette interdiction reste lettre morte. Tout cela finit par créer un racisme antiblanc d’atmosphère, comme une sorte de normalisation rampante. C’est ce que les sociologues de l’organisation appellent la « normalisation de la déviance » : un processus par lequel des écarts deviennent progressivement tolérés, puis admis, puis banals. Tout commence par des signaux faibles – une insulte antiblanche, un crachat, une bousculade à la cantine, une remarque dans les transports – qui, parce qu’ils ne sont pas relevés, deviennent des signaux routiniers. Ce qui devait rester l’exception devient ainsi à terme la norme informelle.

Un exemple parmi d’autres : le soir de la finale entre le PSG et l’Inter de Milan, des milliers de jeunes d’origine extra-européenne ont scandé en chœur, sur les Champs-Élysées, autour du Parc des Princes, dans le 8ᵉ arrondissement et ailleurs : « Français, Françaises, on vous emmerde ! » Qui en a parlé ? À ma connaissance, personne. Qu’y a‑t-il, pourtant, de plus explicite ? Voilà l’un des visages de ce racisme antiblanc, aussi massif qu’occulté. Les journalistes n’en font quasiment jamais état. Or, pendant ce temps, il prospère.

François Bousquet, propos recueillis par Lorelei Bancharel (Observatoire du journalisme, 10 juillet 2025)

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