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Métapo infos - Page 28

  • La guerre à l’heure des grands blocs civilisationnels...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Frédéric Saint-Clair, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à l'illusion humanitaire et à celle du droit international à l'heure des conflits entre blocs civilisationnels.

    Politologue et analyste en stratégie et en communication politique, Frédéric Saint-Clair a publié un essai incisif intitulé L’Extrême Droite expliquée à Marie-Chantal (La Nouvelle Librairie, 2024).

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    La guerre à l’heure des grands blocs civilisationnels

    La guerre est, aujourd’hui plus que jamais, un phénomène médiatique. Elle est commentée heure par heure, minute par minute, sur les chaînes d’info en continu. Chaque Français est devenu fin connaisseur des régions les plus reculées de l’Ukraine autant que des missiles longue portée iraniens. Et pour ambiancer le tout, les journalistes se survoltent, passent en mode « breaking news », saturent les ondes, chaque fois qu’ils ont l’impression de vivre un moment historique, un moment décisif pour l’avenir du monde : envoi massif de drones sur Kiev, salve de missiles iraniens sur Tel-Aviv… Pendant ce temps, Athéna, la déesse de la guerre, les regarde en ricanant. Car depuis l’invasion de l’Ukraine jusqu’au pilonnage de Gaza, elle n’a pas bougé un sourcil. C’est qu’il y a, dans la mythologie grecque, deux dieux de la guerre : Arès et Athéna. Le premier est attaché à la force brute, au choc frontal et à la destruction ; la seconde est l’incarnation de la mètis qu’elle a héritée de son père, Zeus ; elle s’occupe de stratégie, de la dimension politique de la guerre. Elle a inspiré à Clausewitz, entre autres, sa conception de la guerre comme continuation de la politique par d’autres moyens. La seule question qui devrait nous occuper en ce moment est : à quoi pense Athéna lorsqu’elle regarde les guerres du XXIe siècle ?

    Pourquoi Athéna méprise les discours de paix de l’Europe occidentale

    Soyons clairs : Athéna ne se soucie pas de l’utilisation de drones, ni de l’obsession technologique de la guerre de manière générale, dont elle ne nie pourtant pas l’importance. Elle ne soucie pas davantage de la querelle sémantique : Hamas, mouvement de résistance ou groupe terroriste ? Selon elle, il s’agit d’un mouvement de résistance. Non pas pour les raisons évoquées par LFI, mais pour des raisons théoriques, parce que le terrorisme est un moyen, pas une fin. Tout comme la guerre d’ailleurs. Le Hamas est, à ce titre, plutôt un mouvement de résistance engagé dans une guérilla, menant parfois une guerre irrégulière contre une armée régulière, Tsahal, et parfois organisant des attaques terroristes contre les populations civiles. Athéna se dit que, de toutes façons, ceci a peu d’importance ; la question qui l’occupe en ce moment est : jusqu’à quand l’Occident soutiendra-t-il une solution impossible à deux États ? Quand le nationalisme islamique et le nationalisme hébreux, tous deux habités par le principe d’un seul État, se retrouveront-ils face à face ? Il ne peut en être autrement. Et la guerre ne cessera pas tant qu’une solution territoriale quasi unitaire ne sera pas trouvée. Ce que l’Occident nomme « radicalisation » du conflit israélo-palestinien est en réalité une clarification inédite et salutaire. La confrontation Iran-Israël est à ce titre un grand pas en avant vers une solution négociée puisqu’enfin les deux véritables protagonistes sont face à face, à couteaux tirés. Quelle place les pays de la région sont capables de faire à une diaspora palestinienne refusant de vivre sous un État israélien quasi global et accueillant la part du peuple palestinien désireux d’y résider en paix est l’unique nœud que le dialogue diplomatico-militaire Israël-Iran mérite de trancher. Athéna le sait, même si elle n’en parle pas… car personne n’est encore prêt à l’entendre.

    Mais revenons un instant au réalisme politique d’Athéna, et à la question plus globale de la guerre au XXIe siècle. Rappelons que l’entrée du monde dans le XXIe siècle se fait par deux chocs consécutifs : les attentats du 11 septembre 2001 et l’entrée de la Chine dans l’OMC au mois de décembre de la même année.

    1°) L’irruption du Choc des civilisations dans la grammaire des relations internationales.

    2°) Le basculement à l’Est de l’ordre du monde signant la défaite du projet néo-libéral formalisé dix ans plus tôt par Francis Fukuyama.

    Fin de partie pour les idéalistes

    Voilà plus de vingt ans que cela s’est produit, et on entend encore, tous les dimanches sur France Culture, le même vieux discours libéral-idéaliste d’un Bertrand Badie. Athéna, qui ne pense pas de manière « morale », s’en agace parfois. Elle s’irrite de l’habitus idéaliste de l’Europe de l’Ouest : « La guerre c’est mal » ; « Nous devons œuvrer résolument à l’établissement de la paix » ; « La première condition est d’obtenir un cessez-le-feu » ; « Il faut protéger les populations civiles à tout prix » ; « Le droit international a été bafoué » ; « Les criminels de guerre doivent être traduits en justice ». Or, Bertrand Badie, icône du social-libéralisme intellectuel en matière de relations internationales, prend toujours l’exact contre-pied d’Athéna. Pour s’en convaincre, deux ouvrages, entre autres : La Fin des territoires (en 1995) et L’Impuissance de la puissance (en 2004). Autant dire qu’il a faux sur toute la ligne. Mais il persiste ! Voici deux citations qui ne résument pas seulement sa pensée, mais celle de toute la classe politique progressiste française : « Penser le monde à travers une filiation où se succèdent Hobbes, Metternich, Clausewitz, Carl Schmitt et Kissinger ne permet plus d’accéder à la complexité du jeu international qui a cours aujourd’hui » et « Dès les « quatorze points », Wilson réintroduisait le rôle équilibrant des sociétés… L’ancien professeur de Princeton était certain que l’ordre triompherait par la démocratie, et donc par le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, complété des vertus de la délibération collective. Les nations libres devaient décider entre elles de la marche du monde, selon les codes naissants d’un multilatéralisme que la SDN devait annoncer. »

    Rappelons-le, encore et encore : si, Hobbes, Clausewitz, Schmitt et Kissinger sont essentiels pour comprendre notre monde ! Et, pour ceux qui souhaitent poser un regard pertinent sur le conflit russo-ukrainien, La Grande Rupture de Georges-Henri Soutou est sans nul doute l’ouvrage à lire : revisiter l’époque Eltsine en Russie ; se remémorer le rejet de la greffe libérale à la fois par les communistes post-URSS et par les nationalistes ; comprendre le changement de paradigme résolument impérialiste de Bill Clinton, dont le wokisme actuel est largement issu ; rappeler les contradictions de l’Europe occidentale, une Europe de l’Ouest que Robert Kagan associe à la faiblesse quand les États-Unis – démocrates et républicains confondus – persistent dans une logique de puissance. C’est l’idéal wilsonien, lequel anime autant un Badie qu’un Macron, qui est mort ! Les penseurs de la puissance sont, à l’inverse, plus vivants que jamais ; indispensables pour comprendre un monde où se superposent deux logiques : une logique civilisationnelle oubliée du XXe siècle, principalement lors de la guerre froide, mais omniprésente au XXIe, et une logique impérialiste réhabilitée.

    Empire et bloc civilisationnel

    Les blocs civilisationnels ont ceci de spécifique qu’ils mélangent habilement hard power et soft power. Ces grands espaces se conçoivent comme des empires à part entière. L’Union européenne ne fait d’ailleurs pas exception. L’obsession macroniste visant à nier la souveraineté propre de la France pour faire de celle-ci une région de l’Europe – si possible la principale ; la multiplication des discours de propagande affirmant que telle ou telle question (immigration, industrialisation, etc.) ne peut pas être réglée au niveau national, mais seulement au niveau européen, sont autant de signes témoignant d’une volonté impériale européenne. Une spécificité : l’annexion territoriale ne se fait pas par la guerre, mais par l’adhésion contrôlée des pays postulant. Pas de coercition dans l’univers idéologique wilsonien, mais une coopération basée sur l’accord des peuples (et quand ils ne veulent pas, les responsables politiques progressistes les aident un peu…). Le trumpisme, aux États-Unis, rime également avec néo-impérialisme. Le moyen et la fin sont tout autres en revanche. Le projet d’hyper-puissance demeure, mais il a muté : on ne parle plus seulement d’imposer un régime démocratique et libéral à la planète par les armes – en n’oubliant jamais les contreparties financières –, mais aussi d’annexion territoriale en bonne et due forme, de prise de terre, pour parler comme Carl Schmitt : Canal de Panama, Canada, Groenland… La logique russe n’est pas très différente. Le moyen seul diffère. À ce titre, la guerre russo-ukrainienne n’est pas un objectif militaire en soi, ni même strictement politique. Seule la guerre civilisationnelle sous-jacente importe – d’un côté comme de l’autre d’ailleurs, pour la Russie comme pour les pays membres de l’Otan.

    Parce que les empires mélangent habilement soft et hard power, aucune forme de puissance ne mérite d’être négligée. C’est ainsi que nous vivons probablement le siècle non pas de la « guerre totale » – dont Ludendorff est le théoricien et qui n’a rien à voir avec cela –, mais de la puissance totale. Le soft power civilisationnel a été reconnu par les blocs chinois, russe et islamique comme le fondement de toute puissance digne de ce nom. Ils ont retrouvé ce que l’Occident romain avait rangé sous le vocable imperium et qui comprenait une dimension éminemment spirituelle. Dimension que l’Europe de l’Ouest, sous l’influence combinée du matérialisme athée socialiste et du sécularisme « laïc » libéral, a détruite. Dès lors, comprendre la guerre russo-ukrainienne, c’est comprendre la réaffirmation de la dimension eurasienne de la Russie au travers du conflit, avec en ligne de mire l’offensive idéologique woke d’une partie de l’Europe et des États-Unis. L’incompatibilité entre le modèle de développement progressiste occidental et le trio Russie-Chine-Islam est désormais totale. La recomposition du monde en blocs civilisationnels adverses suppose une concurrence féroce dans la constitution de ces blocs. Et s’il faut la guerre, il y aura la guerre. Car l’économie se reconstruit, parfois avec une étonnante facilité. La civilisation et son socle spirituel, non. La fracture idéologique qui traverse l’Ukraine – et qui est politiquement affichée depuis l’Euromaïdan de novembre 2013 – ne pouvait pas ne pas poser la question de la fracture territoriale du pays. Si Poutine a échoué à ramener Kiev à lui. S’il a échoué à imposer militairement la supériorité de la Russie. Il a en revanche réussi à tracer une frontière culturelle, civilisationnelle, encore politiquement imprécise à ce jour, car tout se décide en ce moment-même, mais dont on sait d’ores et déjà que l’Histoire retiendra qu’elle est la nouvelle ligne de démarcation de la guerre civilisationnelle globale ouverte en 2001. L’objectif ? Convaincre ou annexer. Dominer. Refaçonner de nouveaux hegemon. Et surtout, mettre un terme à une époque, celle des Badie & Co, celle du droit international sacralisé, celle des institutions internationales vénérées, celle même des droits de l’Homme divinisés. Celle du progressisme occidental. Athéna sait que la morale progressiste ne fera pas le poids face au soft power des centres spirituels russes, chinois et islamique. D’où ce léger ricanement que l’on entend parfois lorsqu’on éteint les chaînes d’info en continu.

    Frédéric Saint-Clair (Site de la revue Éléments, 15 juillet 2025)

     

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  • Les griffes de Staline sur l'Espagne républicaine...

    Les éditions Dualpha viennent de publier une étude historique de Michel Festivi intitulée Les griffes de Staline sur l'Espagne républicaine (1936/1939), avec une préface de l'historien espagnole, spécialiste de la guerre civile, Pio Moa.

    Avocat honoraire et ancien bâtonnier de l'ordre, Michel Festivi a déjà publié trois ouvrages historiques consacrés à l'Espagne de la première moitié du XXe siècle.

     

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    " À partir du mois de septembre 1936, les hommes de Staline et de la IIIe internationale vont investir la zone révolutionnaire espagnole, avec le soutien des socialistes et communistes locaux. Ils vont s’y répandre et combattre férocement tous ceux qui s’opposeront à eux : les anarchistes, les poumistes et autres antistaliniens, qui seront anéantis, grâce aux appuis des structures du NKVD et du Kominterm, présentes dans toutes les strates de l’Espagne Front-populiste. Certains chefs socialistes espagnols qui finalement tenteront de leur faire barrage, seront aussi écartés et vaincus politiquement.

    Par quels procédés les hommes de Staline ont-ils réussi à enserrer dans leurs griffes la zone espagnole révolutionnaire ? L’auteur décrit l’arrivée des envoyés du Komintern, la rafle de l’or de la Banque d’Espagne, la nature et le rôle des Brigades internationales, les crimes de masse, des tchékas partout, la terreur rouge, les génocides contre les opposants, le clergé, les catholiques, l’élimination ou l’éviction de ceux qui ne suivaient pas la ligne stalinienne, les procès de Barcelone, à l’égal de ceux de Moscou, et leurs conséquences nationales et internationales.

    Mais quels étaient les buts géopolitiques de Staline en Espagne, et sa stratégie ? Quelle fut la nature de cette guerre civile ? Peut-on parler de la première bataille de la IIe Guerre mondiale ? Comment se comporta a contrario Franco vis-à-vis d’Hitler et de Mussolini ? Quelles ont été les actions de la France du front populaire au soutien des révolutionnaires espagnols ? En cas de victoire des front-populistes sur les nationaux, aurait-on assisté en Espagne, à un premier essai de démocratie populaire ? C’est à toutes ces questions et à bien d’autres encore, que l’auteur apporte des réponses en s’appuyant sur une bibliographie abondante et souvent inconnue en France, qui remet totalement en cause la vision dorée d’une « république » auréolée, qui se serait faite attaquer et anéantir par des « fascistes ».

    Enfin, Michel Festivi revient sur le rôle des intellectuels, des écrivains, dans cette guerre si particulière, intellectuels qui jouèrent une partition si spécifique, et l’impact des lois mémorielles actuelles espagnoles sur la liberté d’écrire l’histoire de cette période si dense politiquement mais si tragique. Mais au-delà de l’Histoire, le lecteur revisite les comportements et les méthodes révolutionnaires, qui ont toujours cours de nos jours, en France, en Espagne, en Europe. "

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  • Feu sur la désinformation... (526) : L'actualité médiatique estivale !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou et Floriane Jeannin.

     

                                               

    Au sommaire cette semaine :

    Pastilles de l’info:

    • 6ème arrondissement de Paris : Le "Carrefour City" ou le Carrefour Cité ?

    C’est la révolte des élites contre une supérette via une pétition signée par Alain Finkielkraut, Denis Olivennes et des centaines de riverains du quartier, mobilisés contre un Carrefour City. Hypocrisie, mépris de classe ou conservatisme identitaire rationnel ?

    • Loi Duplomb : Le retour des pesticides interdits (acétamipride) sous la pression des lobbys agro-industriels

    Une pétition en ligne sur le site de l'Assemblée nationale contre la loi Duplomb (déjà votée) commence à faire beaucoup de bruit. Certains médias se sont distingués en faisant le service après vente du gouvernement, quand certains politiques se sont positionnés de façons plus ou moins subtiles…

    • X (ex Twitter) VS la justice française : La chasse aux algorithmes !

    Les autorités exigent l’accès aux données privées de X. Une tentative de censure déguisée en enquête, pilotée par des "experts" militants anti-X comme David Chavalarias du CNRS, qui dirige la campagne “Escape X”, anciennement connue sous le nom de “HelloQuitteX”.

    • Pour la fête nationale, l’ARCOM impose la diversité dans les médias !

    Au lieu de promouvoir ce qui rassemble les Français, l’ARCOM a lancé “Nous sommes la France”, une campagne chargée de représenter la diversité de la société française et de lutter contre les “discriminations”, du 14 au 21 juillet. Retour sur la vidéo de France Info qui a braqué le projecteur sur les minorités.

    • Obsèques d’Ardisson : des artistes, des politiques et le petit milieu médiatique

    Cicéron disait que "La vie des morts consiste à survivre dans l'esprit des vivants". Pour Thierry Ardisson, les vivants qui se sont rendus à son dernier hommage avaient tout du panier de crabes : la caste artistico-politico-médiatique !

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    Portrait piquant (en partenariat avec l’OJIM) : Denis Olivennes, l’homme de média de Daniel Kretinsky, milliardaire tchèque...

     

     

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  • La Pologne, son identité, son histoire et sa place dans l’Europe...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Stanisław Jegliński, journaliste et parfait francophone, à Ego Non et consacré à la Pologne, à son identité, à son histoire et à ses relations complexes avec ses voisins. A l’heure où l’État polonais semble regagner un certain poids sur le continent, il convient de s’y intéresser, sous peine de ne pas saisir tous les enjeux en cours.

     

                                               

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  • Le nouvel âge de la bêtise...

    Le nouveau numéro de la revue Éléments (n°215, août - septembre 2025) est en kiosque!

    A côté du dossier consacré au nouvel âge de la bêtise, on découvrira l'éditorial, les rubriques «Cartouches», «Le combat des idées» et «Panorama» , un choix d'articles variés et des entretiens, notamment avec Sylvain Gouguenheim, Arta Moeini, Monette Vacquin, Artur Abramovych ou Bernard Rio...

    Et on retrouvera également les chroniques de Xavier Eman, d'Olivier François, de Laurent Schang, de Nicolas Gauthier, d'Aristide Leucate, de David L'Epée, de Bruno Lafourcade, de Guillaume Travers, d'Yves Christen, de Bastien O'Danieli, d'Ego Non et de Bernard Rio...

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    Au sommaire :

    Éditorial
    Le découplage, par Alain de Benoist

    Agenda, actualités

    L’entretien
    Sylvain Gouguenheim : le vrai visage des croisades, propos recueillis par Thomas Hennetier

    Cartouches
    L’objet disparu : Les colleurs d’affiches, par Nicolas Gauthier

    Une fin du monde sans importance, par Xavier Eman

    Cinéma : les nazis, inusables méchants du cinéma, par Nicolas Gauthier

    Curiosa Erotica : le baiser et la fessée, Rousseau et la sensualité des chastes, par David L’Épée

    Champs de bataille : au bonheur du fana mili (II/III), par Laurent Schang

    Uranie, l’énergumène (7), par Bruno Lafourcade

    Littérature Les choix d’Anthony Marinier

    Un homme, un site : Oublieuse postérité, propos recueillis par Olivier François

    Le droit à l’endroit : le droit à mourir, triomphe du libertarisme juridique, par Aristide Leucate

    Économie, par Guillaume Travers

    Jules Verne, maître du burlesque, par Olivier François

    Bestiaire : l’homme, l’alcool et le singe, par Yves Christen

    Sciences , par Bastien O’Danieli

    Le combat des idées
    Feu sur la mégamachine : du polythéisme des valeurs à l’uniformité globale, par Alain de Benoist

    Arta Moeini : « L’Iran n’a plus d’autre choix que la dissuasion nucléaire », propos recueillis par Daoud Boughezala

    Stablecoins : l’autre révolution crypto, faux jumeau qui défie le dollar, par Guillaume Travers

    Monette Vacquin : les technosciences contre le sexe , propos recueillis par Daoud Boughezala

    L’empire intérieur de Jean Raspail, cartographie des royaumes perdus, par François Bousquet

    Bernard Rio : « Les druides pensaient fabuleusement le monde, propos recueillis par Alain Lefebvre

    Rousseau et la contre-révolution : histoire d’un malentendu, par David L’Épée

    Artur Abramovych : quand le judaïsme allemand choisit l’AfD, propos recueillis par Alain de Benoist

    Reliefs de Jean-Claude Milner : l’Europe, les Juifs et la France, propos recueillis par Daoud Boughezala

    La nudité sans tentation, brève histoire du naturisme, par David L’Épée

    L’opéra total selon Laibach, propos recueillis par Thomas Gerber

    Le vice et la grâce : Graham Greene, excavateur de l’âme, par Daoud Boughezala

    Dossier
    Sociologie de la bêtise contemporaine

    Salut à toi, Dame Bêtise… Le nouvel âge de la débilocratie, par Slobodan Despot

    Les 13 familles de la bêtise contemporaine, par François Bousquet et Xavier Eman

    Quand l’intelligence recule : l’effet et le contre-effet Flynn, par François-Xavier Consoli

    Le complotisme, nouvelle ère du soupçon : un wokisme de droite ? Par François de Voyer

    Le gouffre de la bêtise : une inépuisable source d’inspiration littéraire, par François-Xavier Consoli

    Enrichissez-vous, abêtissez-vous : Blaise Pascal contre le crétinisme capitaliste, par Alphonse de Clénay

    Intelligence artificielle, bêtise naturelle, par Christophe A. Maxime

    Panorama
    La leçon de philo politique : Gaetano Mosca et les élites, par Ego Non

    Un païen dans l’Église : sur le fil de l’épée à Caen, par Bernard Rio

    Éphémérides

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  • Racisme antiblanc : comment les journalistes ont fini par en devenir complices...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par François Bousquet à l'Observatoire du journalisme à l'occasion de la sortie de son enquête intitulée Le racisme antiblanc (La Nouvelle Librairie, 2025).

    Journaliste, directeur de la rédaction de la revue Éléments, François Bousquet a aussi publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017), Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2020), Biopolitique du coronavirus (La Nouvelle Librairie, 2020) et Alain de Benoist à l'endroit - Un demi-siècle de Nouvelle Droite (La Nouvelle Librairie, 2023).

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    Racisme antiblanc : comment les journalistes ont fini par en devenir complices

    Vous avez imposé l’anonymat à certains de vos témoins, connaissant, dites-vous, le prix aujourd’hui exorbitant de la vérité. Qu’impliquerait pour eux le fait de témoigner à visage découvert ?

    François Bousquet : Chez certaines victimes, il y a la peur de représailles physiques ; chez d’autres, la peur de confronter leur entourage proche, les parents en général, à leur défaillance ou leur aveuglement. Mais, le plus souvent, c’est un autre spectre qui rôde : celui de la mort sociale et de la déchéance symbolique. La gauche bien-pensante se gausse quand on évoque l’argument de cette mort sociale, mais ce sont ses tribunaux qui, les premiers, en prononcent la sentence.

    Demandez à Colombe, cette Perpignanaise bénévole des Restos du cœur, elle-même allocataire du RSA, congédiée sans ménagement l’an dernier pour avoir assisté à un meeting de Jordan Bardella. Demandez à Jean-François Achilli, licencié par Radio France pour avoir travaillé à un livre avec le même Bardella, alors qu’il y a des dizaines de bouquins coécrits par des journalistes et des politiques. Demandez aux syndicalistes CGT ce qui leur est arrivé quand ils ont osé faire leur outing frontiste. Tous virés, sans autre forme de procès. Encore, je ne cite que les quelques cas qui me viennent spontanément à l’esprit. Combien d’autres ?

    Nous qui gravitons dans des sphères politiques ou militantes, nous avons tous au moins une connaissance proche qui a perdu son emploi pour avoir dévié de la ligne. C’est du maccarthysme inversé. Il en va de même pour les victimes de racisme antiblanc. C’est souvent pour elles la double peine. Non seulement elles subissent des agressions, mais en plus, par une mécanique perverse bien rodée, elles sont soupçonnées d’être elles-mêmes racistes. C’est l’inversion accusatoire dans sa version la plus toxique, celle où la victime devient le principal suspect. Dans ce contexte, témoigner à visage découvert, c’est se condamner à l’ostracisme, en risquant sa réputation, son travail, parfois même ses liens familiaux. Voilà pourquoi l’anonymat s’imposait.

    Comme vous le soulignez, la majorité des journalistes et des politiques sont blancs et – surtout – les premiers à refuser la mixité sociale et professionnelle. Comment expliquer que ces groupes ne profitent pas justement de leur position pour défendre les leurs ?

    François Bousquet : Homo duplex. L’homme est double. Cette duplicité atteint des sommets dans les professions intellectuelles. Le hiatus entre ce qui est professé et ce qui est pratiqué y est plus criant que partout ailleurs. Le maximalisme des déclarations – « il faut accueillir tout le monde » – jure avec le laxisme des pratiques : carte scolaire contournée, quartier gentrifié, environnement social épuré. Les donneurs de leçons pratiquent l’entre-soi comme un art de vivre, mais jurent leur attachement à la diversité comme à un dogme. Individuellement, ils font jouer des réflexes de survie tribale : ils choisissent soigneusement l’école de leurs enfants, leur voisinage, leurs relations, tout cela dans une logique d’endogamie culturelle, de reproduction sociale et d’évitement ethnique. Mais collectivement, ils s’interdisent de le reconnaître.

    C’est là qu’intervient la psychologie des foules, au sens de Gustave Le Bon : dès qu’ils se regroupent, ces individus intelligents deviennent stupides, grégaires, aveuglés par la griserie morale du groupe. Le conformisme fait le reste.

    Ce qu’ils perdent en lucidité, ils le gagnent en gratifications symboliques. La posture progressiste est rentable. Elle offre des dividendes immatériels : la bonne conscience, la supériorité morale, l’impression flatteuse d’être du bon côté de l’histoire. Mais elle offre aussi des revenus bien réels, sonnants et trébuchants. Toute une économie de la bien-pensance s’est structurée autour de cela. Pour un Jean-François Achilli viré, combien de confrères ont conforté leur position et grimpé les échelons ? Le progressisme est une rente – morale, sociale, médiatique. Comme toujours, la posture cache une imposture. On est là au cœur du Tartuffe de Molière, sous-titré « L’Imposteur ».

    Vous parlez du mot « race » comme d’un « bâton de dynamite » pour les journalistes. Il n’y a pas si longtemps encore, la question ethnique ne souffrait d’aucun tabou. Comment expliquez-vous cette bascule ? Pensez-vous que cela puisse changer ?

    François Bousquet : Dans les sociétés archaïques, certains mots ne se prononçaient qu’en tremblant, les mains jointes et les yeux baissés : le tétragramme « Dieu » chez les premiers Hébreux, le mot « Diable » dans à peu près toutes les civilisations. Chez nous, modernes d’occasion, c’est le mot « race » qui provoque les mêmes gestes de conjuration. On ne le prononce pas sans s’asperger aussitôt d’eau bénite et sans réciter dans la foulée un chapelet de confiteor antiracistes. Pensée magique. C’est celle qui s’est emparée des députés, en 2018, quand ils ont voulu supprimer, dans un bel élan unanimiste, le mot « race » de la Constitution. Supprimer le mot, c’était croire pouvoir abolir la chose. Magie blanche du législateur contre magie noire de l’histoire.

    Ces rituels d’exorcisme s’expliquent : le surmoi des Européens – surtout de l’Ouest – est façonné par une hantise rétrospective : le nazisme. Tout notre édifice moral s’organise autour de ce foyer brûlant, du moins jusqu’à il y a peu. Plus jamais ça ! À tel point qu’il suffisait, il y a quinze ans à peine, de prononcer « race » pour entraîner aussitôt une onde d’indignation médiatique. On croyait cette question raciale définitivement reléguée au musée des horreurs. Barack Obama, en 2008, s’enorgueillissait même d’être le héraut d’une Amérique postraciale. Or voilà que la race nous revient en boomerang, classique retour du refoulé.

    Ce retour ne s’est pas fait tout seul. Il a été préparé par un courant de pensée, longtemps confiné aux campus américains, qui a su capitaliser sur l’affaire George Floyd, en 2020, pour déclencher un « Great Awakening », l’un de ces Grands Réveils qui jalonnent l’histoire américaine – non plus religieux, comme dans les âges antérieurs, mais racial. Le mot « woke » dit bien ce qu’il veut dire : un éveil ou plutôt un réveil. Cette idéologie, œuvre des « racisés » et de ceux que j’appelle les « grands Blancs », a substitué aux grilles de lecture marxistes ou libérales celle plus élémentaire de la race. Mais à une condition : que les Blancs en soient la part maudite. Ce à quoi consentent volontiers les « grands Blancs » progressistes, d’autant plus aisément qu’ils restent les premiers procureurs dans ce procès truqué.

    C’est là l’un de ces paradoxes des conséquences, familiers à la pensée de Max Weber : le retour impensé du refoulé racial a contraint les Blancs à problématiser, à leur tour, une question qu’ils pensaient avoir définitivement évacuée. Ils ont beau répéter : « Non, fontaine empoisonnée de la race, je ne boirai pas de ton eau », ils en boivent, contraints et forcés par la société multiethnique qu’ils ont contribué à faire advenir.

    Les journalistes et les politiques, dites-vous, exploitent sans vergogne les agressions racistes, celles des Blancs envers les extra-Européens. Pourquoi le faire ?

    François Bousquet : L’après-guerre n’est qu’une lente descente dans les délices de la faute, la « felix culpa », la faute bienheureuse, jouissive, dans laquelle se vautrent nos élites, car il est commode de s’accuser d’une faute que l’on n’a pas commise. Hannah Arendt a des pages terribles sur cette complaisance vertueuse. Le psychanalyste Daniel Sibony parle même de « culpabilité narcissique », le paradoxe d’une faute fantasmée qui devient source d’amour-propre.

    Ce type de pathologie est la norme parmi les élites. En pratique, elle revient à accabler le seul peuple historique (Dupont La joie, les Deschiens, le « beauf » de Cabu, etc.), ces « petits Blancs », qui sont les dépositaires exclusifs du péché originel. Pas les élites, bien sûr. Cette culpabilisation a eu pour effet de casser un ressort vital dans la survie de toute collectivité humaine : l’estime de soi. Les peuples comme les individus ont besoin d’un idéal du moi, qu’ils cherchent à maintenir et à consolider. Mais lorsque cet idéal est méthodiquement détruit, ne reste que la honte.

    Cela a des effets concrets dramatiques sur les collégiens blancs que j’ai rencontrés et qui évoluent dans des environnements scolaires où ils sont minoritaires. Au moindre cours d’histoire, ils deviennent les symboles de cette France haïssable, chargée de tous les péchés du monde. Chaque leçon – colonisation, esclavage, Shoah, etc. – se transforme en flagellation. Au fil de mon enquête, je n’ai pas rencontré un seul ex-ado blanc, victime de racisme antiblanc, qui ne m’ait pas confié qu’adolescent, il avait eu honte d’être français. Pas un seul, je dis bien pas un seul, qui n’ait été tenté, adolescent, d’effacer ce qu’il était, de travestir son identité en s’inventant des origines étrangères. Voilà où nous a conduit la rétro-satanisation de notre histoire.

    Votre livre prétend « débunker » la théorie du racisme systémique mais surtout révéler au grand jour l’existence du racisme antiblanc. Les journalistes pourraient vous opposer que vous n’avez « que » quelques dizaines de témoignages et que cela ne démontre donc pas un phénomène structurel…

    François Bousquet : Quarante témoins, ce n’est pas rien. À ma connaissance, il n’y a pas de quorum pour engager une action collective ou un recours collectif, quarante suffiraient sans peine. Il a suffi de la publication d’une photo, celle d’un mort, le petit Aylan, en 2015, pour accélérer l’accueil d’étrangers lors de la crise des migrants – photo médiatiquement et éhontément surexploitée. Mais dès qu’il s’agit de Blancs agressés parce que Blancs, les seuils s’élèvent : il ne faudrait plus un témoignage, ni dix, ni cent, mais des milliers certifiés par huissier.

    Cela dit, les journalistes n’ont rien à opposer à mon enquête, sinon une fin de non-recevoir. Je n’ai reçu aucune invitation dans les médias centraux, exception faite d’un débat dans les colonnes de Marianne à l’initiative de la journaliste, Rachel Binhas.

    Ces chiffres, si limités soient-ils – et ils le sont comparés à l’ampleur du phénomène –, ont au moins un mérite : ils pulvérisent le dogme de l’inexistence du racisme antiblanc.

    La vérité, c’est que chercheurs, démographes, statisticiens ne le cherchent pas. Ne le cherchant pas, ils ne le trouvent pas. Une fois, une seule, il y a quinze ans, l’Insee et l’Ined, dans le cadre d’une enquête sur les discriminations, à partir d’un énorme échantillonnage, ont montré que le « groupe majoritaire » (grosso modo les Français métropolitains de souche) était lui aussi victime de racisme. Un quart même pour les paupérisés et pour les jeunes. Les enquêteurs avaient pourtant délibérément restreint l’échantillon du « groupe majoritaire », très largement sous-représenté par rapport aux populations d’origine étrangère ou ultramarine. Mais nonobstant l’impossibilité théorique du racisme antiblanc, ils ont bien été obligés d’en concéder la réalité statistique. Pas longtemps, il est vrai. Car ils ont aussitôt affirmé que ce « groupe majoritaire » abritait des populations extra-européennes présentes en métropole depuis longtemps. Ouf ! La grille d’analyse reste intacte.

    Un point marquant dans les témoignages que vous avez recueillis, c’est la sidération qui en a saisi certains lorsque, pour la première fois, ils ont été confrontés à des logiques de discrimination « qu’ils n’avaient jamais envisagées ». Pensez-vous que par leur silence, journalistes et politiques se rendent coupables de la multiplication de ces actes racistes antiblancs (insultes, agressions, etc.) ?

    François Bousquet : Journalistes, universitaires, politiques, tous sont complices d’un déni et d’un délit de masse. Parce que ne pas reconnaître ce racisme, c’est le légitimer. Ne pas le nommer, c’est l’autoriser. Ne pas le sanctionner, c’est l’institutionnaliser. La loi française interdit explicitement tout racisme, y compris le racisme antiblanc, mais dans la plupart des cas, cette interdiction reste lettre morte. Tout cela finit par créer un racisme antiblanc d’atmosphère, comme une sorte de normalisation rampante. C’est ce que les sociologues de l’organisation appellent la « normalisation de la déviance » : un processus par lequel des écarts deviennent progressivement tolérés, puis admis, puis banals. Tout commence par des signaux faibles – une insulte antiblanche, un crachat, une bousculade à la cantine, une remarque dans les transports – qui, parce qu’ils ne sont pas relevés, deviennent des signaux routiniers. Ce qui devait rester l’exception devient ainsi à terme la norme informelle.

    Un exemple parmi d’autres : le soir de la finale entre le PSG et l’Inter de Milan, des milliers de jeunes d’origine extra-européenne ont scandé en chœur, sur les Champs-Élysées, autour du Parc des Princes, dans le 8ᵉ arrondissement et ailleurs : « Français, Françaises, on vous emmerde ! » Qui en a parlé ? À ma connaissance, personne. Qu’y a‑t-il, pourtant, de plus explicite ? Voilà l’un des visages de ce racisme antiblanc, aussi massif qu’occulté. Les journalistes n’en font quasiment jamais état. Or, pendant ce temps, il prospère.

    François Bousquet, propos recueillis par Lorelei Bancharel (Observatoire du journalisme, 10 juillet 2025)

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