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  • Rome et les Barbares...

    Les éditions les Belles Lettres viennent de publier une étude historique de Peter Heather intitulé Rome et les Barbares - Histoire nouvelle de la chute d'un Empire. Peter Heather est professeur d’histoire médiévale au King’s College de Londres.

     

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    " De l’Écosse jusqu’à la Mésopotamie, de l’embouchure du Rhin jusqu’aux contreforts de l’Atlas, Rome a dominé durant près de cinq siècles un immense territoire. Le démembrement rapide de sa partie occidentale a d’autant plus frappé les esprits que l’Empire a remporté jusqu’au bout des succès décisifs, notamment contre Attila en 451.

    Pour faire comprendre ce paradoxe, Peter Heather rouvre le dossier en déplaçant le point de vue. Brassant une superbe documentation avec un art consommé du récit, il s’intéresse autant à la vie culturelle, économique et politique de l’Empire qu’à celle des « barbares ». Ceux-ci, en effet, ne viennent pas de nulle part. Qu’il s’agisse des peuples germaniques ou, plus encore, des Huns, Peter Heather fait revivre de l’intérieur la logique des adversaires de Rome. Une logique qui, tout autant que celle des héritiers d’Auguste, façonnera le Moyen Âge européen. On découvre ici l’histoire de la fin de l’Empire d’Occident autant que celle des débuts de l’Europe, comme celle des personnages hauts en couleur qui l’émaillent : diplomates de Rome et de Byzance toujours sur les routes, généraux, chefs barbares, impératrices ambitieuses, poètes, philosophes, théologiens…

    Considérée comme un classique, cette décapante « histoire nouvelle » a marqué un tournant dans les analyses de la chute de l’Empire romain. "

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  • Quel avenir pour la civilisation européenne ?...

    Le 15 août 2024, Rémi Tell recevait, sur TV libertés, David Engels pour évoquer avec lui son dernier essai, Défendre l'Europe civilisationnelle (Salvator, 2024).

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan, à l'Institut Catholique de Vendée ainsi qu'au Mathias Corvinus Collegium de Bruxelles, David Engels est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013), Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019) et, dernièrement, Défendre l'Europe civilisationnelle - Petit traité d'hespérialisme (Salvator, 2024). Il a  également dirigé deux ouvrages collectifs, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020) et Aurë entuluva! (Renovamen-Verlag, 2023), en allemand, consacré à l’œuvre de Tolkien.

     

                                              

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  • David Engels et la défense de la civilisation européenne...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par David Engels à Olivier Bault, directeur du Centre de communication de l'Ordo Iuris, et consacré au déclin de la civilisation européenne.

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan, à l'Institut Catholique de Vendée ainsi qu'au Mathias Corvinus Collegium de Bruxelles, David Engels est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013), Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019) et, dernièrement, Défendre l'Europe civilisationnelle - Petit traité d'hespérialisme (Salvator, 2024). Il a  également dirigé deux ouvrages collectifs, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020) et Aurë entuluva! (Renovamen-Verlag, 2023), en allemand, consacré à l’œuvre de Tolkien.

     

                                             

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  • La géopolitique, grande oubliée du récent épisode électoral...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Philippe Duranthon, cueilli sur Geopragma et consacré à l'absence des questions géopolitiques dans les débats politiques des élections. Jean-Philippe Duranthon est haut-fonctionnaire et membre fondateur de Geopragma.

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    La géopolitique, grande oubliée du récent épisode électoral

    Bien sûr on a parlé d’Europe : difficile de ne pas le faire quand on élit le Parlement européen.

    Mais on n’est guère allé au-delà de l’opposition facile entre une Europe-paradis et une Europe prison. On n’a guère discuté de la façon dont l’Europe peut stopper son affaiblissement économique et stratégique ; du rôle qu’une région dont le poids démographique diminue peut à l’avenir jouer dans le monde ; de ce que signifient pour les peuples extra-européens des « valeurs » que l’Europe revendique fièrement et voudrait universelles. Bref, on n’a guère débattu de ce que l’Europe veut faire d’une souveraineté qu’elle réclame sans relâche sans lui donner grand contenu.

    Bien sûr on a échangé des invectives à propos du caractère terroriste du Hamas, de la reconnaissance d’un Etat palestinien ou de la tragédie à Gaza. Mais on n’a guère discuté sérieusement des cheminements susceptibles de déboucher, sinon sur une paix durable au Moyen-Orient, du moins sur un apaisement salvateur en Palestine, et l’on ne s’est pas demandé ce que la France, au-delà de déclarations souvent grandiloquentes, pourrait faire concrètement pour y contribuer.

    La guerre en Ukraine n’a pas non plus suscité beaucoup de débats. On aurait pu s’attendre à ce que l’annonce par le Président Macron, fin février, de l’envoi officiel d’instructeurs français sur le sol ukrainien puis, plus récemment, l’autorisation donnée aux Ukrainiens d’utiliser des armes fournies par la France pour frapper le territoire russe, donnent lieu à des échanges nourris ; les frémissements de dialogue (ou d’esquisse de l’acceptation de l’éventualité d’un dialogue) constatés de la part des protagonistes et des pays qui leur sont proches et, à l’inverse, le souhait de certains membres de l’OTAN de faire en sorte que l’Ukraine soit traitée de facto comme un membre de l’organisation avant de l’être de jure, auraient aussi pu faire réfléchir à la façon dont la France doit se positionner.

    De même, n’aurait-il pas fallu, à quelques jours du 75ème anniversaire de la création de l’OTAN et à l’occasion du remplacement du secrétaire général de l’organisation, s’interroger sur l’avenir des relations transatlantiques ? N’aurait-il pas fallu débattre des évolutions possibles ou souhaitables compte tenu des déclarations du candidat Donald Trump ? Faut-il accepter que l’OTAN coordonne l’envoi des armes occidentales à l’Ukraine ? La France doit-elle continuer à se replier sur un Occident dominé par les Etats-Unis tout en voyant se renforcer un bloc de réprouvés (Chine, Russie, Iran…) dont le récent sommet du groupe de Shangaï et le déplacement du président Modi à Moscou montrent le pouvoir d’attraction sur le reste de la planète ?

    Les nombreuses questions que pose la montée des tensions en Asie n’ont, elles non plus, pas été débattues. Comment faire face à l’influence grandissante et aux revendications croissantes d’une Chine dont il est, du point de vue économique, difficile de négliger le marché ? La France doit-elle se contenter d’être un simple observateur entre, d’une part une Chine renforçant ses liens avec la Russie ou l’Inde et grignotant îlots ou archipels, et, d’autre part, une alliance des pays anglo-saxons associés au Japon ? Le fait que l’embrasement de la Nouvelle-Calédonie ait été « oublié » pendant la campagne électorale signifie-t-il que la France se désintéresse du Pacifique, ou n’a plus les moyens de s’y intéresser ?

    Enfin, n’aurait-il pas été logique de se demander comment la France, après avoir tant investi, financièrement et militairement, pour aider les pays africains, doit agir aujourd’hui face à la déliquescence ou l’autoritarisme de certains régimes et face à la prise de contrôle, militaire ou financière, du continent par la Russie et la Chine ? Les déboires qu’Orano rencontre au Niger sont-ils un cas isolé ?

    Les interrogations, les inquiétudes et les décisions à prendre, on le voit, sont nombreuses. Pourtant, la géopolitique a été quasiment absente des débats électoraux de ces dernières semaines. Comment l’expliquer ?

    Ecartons bien sûr l’hypothèse selon laquelle la politique étrangère ferait l’objet, comme cela a parfois pu être le cas dans le passé, d’un consensus national : il y a bien longtemps que ce n’est plus le cas.

    On peut aussi penser que les Français aimeraient pouvoir influer sur les choix mondiaux mais éprouvent un sentiment d’impuissance à l’égard des évolutions du monde et des décisions des pays proches ou lointains : il est malheureusement vrai que la France, à force d’additionner maladresses et erreurs stratégiques, joue un rôle de plus en plus limité dans le dialogue international.

    Reste l’hypothèse selon laquelle les Français ne sont pas conscients de ce que leur vie dépend étroitement de décisions prises, soit dans le cadre interétatique, soit à un niveau supranational. L’irréalisme des programmes économiques que les partis ont élaborés pour séduire les électeurs est une autre expression de cette erreur d’analyse ou de cette inconscience.

    A moins qu’il ne s’agisse d’un étrange sentiment de supériorité : la France, à qui l’on doit les Lumières et l’Idéal Révolutionnaire, personnifie la Raison, le Droit et le Bien, il lui suffit d’exprimer une opinion pour que la terre entière s’y rallie.

    Les désillusions succèdent toujours aux illusions ; reste à savoir si elles seront bénignes ou douloureuses.

    Tout cela, bien sûr, va changer dans quelques jours : la France va montrer à la planète entière sa capacité à organiser des JO « modernes, solidaires, engagés, responsables, inclusifs… » (mais pas très planet friendly). Reconnaissons toutefois que le message universel véhiculé par des compétitions sportives est un peu maigrichon par rapport à celui que portaient jadis les Lumières. Reconnaissons aussi qu’il serait plus enthousiasmant de former de futurs médaillés Fields que de fabriquer les médailles destinées à quelques athlètes méritants.

    Jean-Philippe Duranthon (Geopragma, 15 juillet 2024)

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  • Ariane 6, l'Europe et l'espace...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Olivier Mousis, professeur d'astrophysique, et une tribune de Clarisse Angelier et de l'Association Nationale de la Recherche et de la Technologie, cueillis sur Figaro Vox et consacrés au décollage de la fusée Ariane 6 et à la politique spatiale européenne.

     

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    Espace : « En dépit du succès d’Ariane 6, l'Europe est en passe d'appartenir à l'histoire »

    FIGAROVOX. – Avant le lancement d'Ariane 6, l'Agence spatiale européenne (ESA) ne disposait plus d'aucun accès à l'espace depuis un an. Quels étaient les freins de l'Europe dans le domaine spatial ?Olivier MOUSIS. – Le projet Ariane 6 n'est pas tout à fait un succès : les problèmes techniques et l'organisation à Kourou en Guyane, ont retardé le lancement. C'est une bonne nouvelle si l'Europe détient son propre lanceur, mais il ne faut pas en tirer un fait de gloire. Cet événement a permis de démontrer la complexité de la machine européenne. En effet, du côté américain et du côté chinois, les avancées en matière spatiale sont majeures. Selon moi, si elle continue ainsi, l'Europe est en passe d'appartenir à l'histoire. Pour conjurer le sort, il nous faudrait une vision et de la volonté, afin d'entraîner les jeunes générations. Malheureusement, elles ne s'intéressent plus au domaine spatial.

    Le lancement d'Ariane 6 en Guyane, ce mardi 9 juillet, a été un succès. Cette réussite permet-elle à l'Europe de retrouver une forme de souveraineté spatiale ?

    Le lanceur Ariane 6 représente un outil d'indépendance, mais ne nous permet pas de retrouver notre souveraineté spatiale. L'hégémonie de la France date des années 1990-2000, avec le lanceur Ariane 5. Mais le déclin commence lors de l'échec du programme Hermès (ce projet de navette spatiale européenne abandonné). Et le lancement d'Ariane 6 ne change pas la donne. Thomas Pesquet n'a pas été lancé par une Ariane 6, mais par l'entreprise SpaceX. Tout est dit. Le lancement d'Ariane 6 arrête simplement et brièvement l'hémorragie, mais ne met pas un terme au problème européen d'indépendance dans le domaine spatial. Pour ce faire, il faudrait un sursaut supranational, c'est-à-dire un sursaut européen.

    Le contexte géopolitique a-t-il accentué les vœux d'indépendance de l'Europe dans ce domaine ?

    En effet, la guerre en Ukraine a bouleversé le continent européen, et sa stratégie en matière spatiale. Le soutien au pays envahi a nécessité des fonds. Je ne remets pas du tout en cause l'aide française et européenne à l'Ukraine, je la soutiens. Mais le contexte géopolitique complexifie et affaiblit les ambitions spatiales européennes, vis-à-vis de nos concurrents, c'est-à-dire les États-Unis et la Chine.La concurrence américaine, en la personne d'Elon Musk et de son entreprise SpaceX, peut-elle limiter les aspirations européennes ? Est-elle la seule ?

    SpaceX écrase tout le marché. Cette année, l'entreprise d'Elon Musk doit réaliser près de 150 lancements, soit près de trois par semaine. De plus, grâce au recul que nous avons aujourd'hui, nous savons que leurs lanceurs fonctionnent et qu'ils sont d'une grande fiabilité. De l'autre côté de la planète, la Chine organise sa stratégie spatiale sur le long terme : ils élaborent des feuilles de route, et présentent des plans quinquennaux. La Chine a décidé de faire du spatial un enjeu stratégique. Selon moi, elle pourrait potentiellement se rendre sur la lune avant les États-Unis. Au-delà des concurrents extra-européens, la France subit aussi une compétition à l'intérieur de l'Europe. L'Allemagne en est le meilleur exemple : elle n'a jamais joué un rôle très clair avec la France.

    Il y a trois ans, vous disiez dans nos colonnes : «La stratégie des Européens se résume à un rôle de second couteau, de bon suiveur ». La réussite du lancement d'Ariane 6 a-t-elle fait évoluer votre jugement ?

    Non, mon jugement n'a pas changé. Ariane 6 a seulement permis à l'Europe de maintenir son écosystème et d'alimenter les entreprises afin de préserver leurs expertises. Mais le système français reste complexe : la surcharge administrative étouffe les ambitions et décourage les petites entreprises qui souhaiteraient se lancer dans l'aventure spatiale. De plus, il existe aussi un problème de latence. En Europe, entre une décision stratégique et sa réalisation, le temps passe trop lentement.

    La France et l'Europe manquent d'ambition. À l'époque, Hubert Curien, ministre l'Enseignement supérieur et de la Recherche de France de 1988 à 1993, avait largement contribué à pousser les projets spatiaux français et européens. Aujourd'hui, la France manque d'hommes de cette envergure. La recherche est un enjeu stratégique, or l'insuffisant investissement dans la recherche contribue à l'insuffisance de la France et de l'Europe en matière spatiale. Nous obtiendrons l'indépendance spatiale lorsque nous enverrons un astronaute européen dans l'espace par nos propres moyens. Alors, nous parlerons d'égal à égal avec les Américains et les Chinois. L'espoir n'est pas mort, mais il dépend d'investissements financiers importants et d'une vision à long terme qui n'est plus présente dans notre paysage politique. En l'absence d'un tel sursaut, la France et l'Europe appartiendront au passé.

    Olivier Mousis, propos recueillis par Gilbert Clarisse (Figaro Vox, 12 juillet 2024)

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    Espace : «Disposer d'un lanceur, c'est bien, restaurer l’unité européenne, c'est mieux !»

    Avec le lancement réussi d'Ariane 6 en ce 9 juillet, notre continent accède de nouveau à l'espace de façon autonome et sort enfin d'une période de fébrilité, marquée par l'absence de lanceurs. Cette dizaine de mois a laissé l'Europe spatiale dans un état de crispation, tendant le dialogue entre partenaires. Pourtant, les signes de fragmentation sont autant de vecteurs de fragilisation, alors qu'il est urgent de restaurer l'unité européenne pour garantir son avenir extra-atmosphérique.

    Ses capacités de lancement recouvrées, l'Europe peut à nouveau se projeter et remettre sur le métier l'élaboration urgente d'une stratégie continentale pour l'espace. Disposer d'un lanceur, c'est bien ; définir une stratégie pour son usage au-delà de cette décennie, c'est mieux.

    Ces dernières années, de nombreux États européens se sont dotés de stratégies spatiales nationales précises (Italie en 2020, Allemagne en 2023), à l'inverse de la France où l'élaboration d'un tel document est toujours en chantier, ainsi que le soulignait récemment le rapport du sénateur Jean-François Rapin sur le financement de la recherche spatiale. Or, pour le citer encore, les stratégies spatiales sont des outils à même de «renforcer l'engagement public vis-à-vis des citoyens, des pays partenaires et des investisseurs privés» dont il serait présomptueux de se passer, à l'heure d'une compétition spatiale accrue. Aux États-Unis, la planification stratégique en matière d'espace est un effort constant, auquel s'est même jointe la US Space Force qui vient de publier sa stratégie commerciale. En Chine, les ambitions spatiales sont réglées sur le métronome des plans quinquennaux et l'Inde a présenté sa stratégie courant 2023.

    Du côté de l'Europe, cet effort de planification existe. L'Union européenne dispose par exemple d'une stratégie pour le spatial de défense, et l'Agence spatiale européenne (ESA) avait missionné en 2022-2023 un comité de haut niveau sur le thème de l'exploration spatiale. Mais il manque par-dessus tout cette stratégie d'ensemble, lisible et claire d'une Europe réellement engagée vers l'avenir spatial ; la ligne de conduite d'une Europe qui ne s'excuse pas de pouvoir devenir une puissance spatiale et qui le manifeste dans un document coordonné et officiel qui engage les parties prenantes. Cette coordination devra harmoniser les forces composites d'une Europe spatiale, riche d'un tissu industriel et scientifique reconnu ; challengée par la dualité ESA-UE.

    Pour être efficace, une stratégie spatiale européenne doit se déployer pleinement sur quatre piliers : l'accès à l'espace, fondamental pour l'autonomie ; les télécommunications stratégiques et les données spatiales, nécessaires à la souveraineté économique ; l'exploration de l'espace dont la Lune, outil de coopération et de diplomatie scientifique ; et enfin, la présence active dans les instances multilatérales élaborant l'avenir du droit et de la gouvernance spatiale. Les accords Artémis initiés par les États-Unis ont démontré que la fabrique de la norme était un domaine stratégique à part entière. En s'engageant sur ces quatre fronts, l'Europe peut redevenir pleinement le troisième pôle de la coopération spatiale internationale, en parallèle des États-Unis et de la Chine. Car il faut bien avoir en tête ce mouvement de rebipolarisation du spatial mondial, ce dont témoigne la constitution de deux blocs autour des programmes lunaires Artémis de la NASA d'un côté, et ILRS de la Chine de l'autre. L'Europe spatiale du XXIe siècle doit être la troisième voie, jouant sur un tissu de coopérations agiles regardant vers les deux blocs dominants mais aussi vers les États non alignés. C'est aussi sur le socle d'une autonomie stratégique solide que notre continent pourra déployer ses ambitions dans le domaine de l'exploration spatiale, et en particulier vers la Lune.

    Mais la réalisation des ambitions européennes, au-delà du ciel, a besoin d'une indéfectible coopération continentale, car un simple appel à la mobilisation solidaire ne suffit pas. L'unité européo-spatiale se disperse et se délite dangereusement, dès lors qu'il s'agit de lanceurs, mais aussi d'autres applications spatiales, notamment satellitaires. On apprenait en effet, il y a quelques jours, qu'Eumetsat a choisi, pour lancer son prochain satellite météo, une fusée SpaceX. Un choix étonnant et déstabilisant tandis qu'Ariane 6 s'apprêtait à quitter la Guyane. Ce revirement est un signal inquiétant de plus pour l'unité spatiale européenne, manifestement déjà menacée lors du dernier Sommet de Séville. Dans la capitale espagnole de l'exploration, les partenaires européens avaient eu des échanges plus que tendus sur l'avenir de la filière des lanceurs, marchandant les contributions et les coûts, au détriment d'une vision stratégique de long terme, au-delà de la fin de la décennie.

    Or tandis qu'aux États-Unis, en Chine et en Inde, l'espace est plus que jamais facteur de puissance, monnaie d'échange et de négociation diplomatique, l'Europe doit prendre position et jouer son rôle dans le deuxième acte de la conquête spatiale. Le risque est grand de ne pas faire front uni : en matière spatiale, comme dans d'autres domaines à haute intensité technologique, le passage par une stratégie européenne est la garantie de la viabilité budgétaire et de la solidité technique.

    Alors, il faut rejouer pleinement la carte continentale : privilégier les développements européens, consacrer une préférence européenne pour la passation de marchés publics, ne pas oublier les rôles clés d'une politique spatiale fondée sur des besoins stratégiques spécifiques et correctement financés, diluer les logiques exclusivement nationales pour favoriser un développement réellement européen, faire primer l'autonomie stratégique et l'innovation au service de l'intérêt général sur la seule rentabilité. Notre continent a su le faire et il peut le faire à nouveau. Le sommet ministériel de l'Agence spatiale européenne, qui aura lieu en Allemagne en 2025, sera crucial pour l'avenir continental au-delà du ciel. À nous, Européens, d'en faire le sommet le plus restructurant de ces dernières deux décennies.

    Clarisse Angelier et Alban Guyomarc'h (Figaro Vox, 15 juillet 2024)

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  • L'avenir de l'Europe : vers l'Empire ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par David Engels à Ego Non dans lequel il évoque l'avenir de l'Europe.

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan après avoir été professeur à l'Université libre de Bruxelles, David Engels est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013), Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019) et, dernièrement, Défendre l'Europe civilisationnelle - Petit traité d'hespérialisme (Salvator, 2024). Il a  également dirigé deux ouvrages collectifs, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020) et Aurë entuluva! (Renovamen-Verlag, 2023), en allemand, consacré à l’œuvre de Tolkien.

     

                                             

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