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europe - Page 3

  • La Torche et le Glaive...

    Les éditions Fol'Fer, diffusée par Francephi, viennent de rééditer La Torche et le Glaive, un recueil de chroniques de Jean Mabire.

    Décédé en 2006, Jean Mabire, qui était un des grands écrivains de l'aventure, qu'elle soit historique, mythologique ou politique, a aussi été un combattant pour la cause de l'identité des peuples européens.

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    " Cet ensemble de chroniques politiquement incorrectes (ou quand l’écrivain politique ne peut se séparer du militant politique) – qui s’étendent sur trente années du XXe siècle – constitue en quelque sorte le parfait condensé des opinions de Jean Mabire, homme de culture et de mé­moire.

    La subtilité, la richesse de ses analyses, ses références littéraires et historiques, surprendront sans doute ceux qui ne le connaissent qu’à travers ses livres de guerre !

    Sans tabous, mais avec beaucoup de finesse, Jean Mabire traite des sujets les plus divers et notamment des identités régionales charnelles et de l’Empire européen qu’il nous reste à construire, d’écologie, de la façon dont on est passé d’une fracture activistes/conservateurs à la situation politique plus complexe qui ne favorise plus que les forces capitalistes internationales, mondialistes et cosmopolites.

    Jean Mabire tire les leçons du passé et offre des clés pour l’avenir à qui est prêt à trouver les bonnes serrures. Ce recueil est une référence pour celui qui cherche un corpus à la fois simple et rigoureux et déjà… archéo-futuriste. "

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  • Trump et l’art du chaos...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Francis Jubert, cueilli sur le site du Nouveau Conservateur et consacré à la stratégie du chaos utilisée par Trump, une stratégie dont l'Europe pourrait tirer des leçons...

     

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    Trump et l’art du chaos : une stratégie visionnaire pour l’Amérique et l’Occident ?

    Depuis sa réélection en 2024, Donald Trump ne cesse de surprendre. Sa stratégie, souvent perçue comme chaotique, repose pourtant sur une vision claire de souveraineté et de renforcement des États-Unis. L’annonce récente de la suspension des surtaxes à 20% contre l’Europe pour une durée de 90 jours, à l’exception des droits de douane contre la Chine, illustre parfaitement sa méthode : déstabiliser les adversaires pour les contraindre à venir à la table des négociations. Une démarche qui démontre la capacité de Trump à manœuvrer et à surprendre, mais aussi à rechercher des compromis qui servent les intérêts américains à long terme.

    Le chaos stratégique : Une négociation fondée sur l’art du « deal »

    L’art du chaos, que Trump met en œuvre avec constance, est loin d’être le fruit du hasard. Dans The Art of the Deal (1987), il définit la négociation comme un affrontement stratégique visant à déstabiliser l’adversaire et à forcer des concessions. Aujourd’hui, cette philosophie se manifeste dans ses politiques commerciales et diplomatiques, où il n’hésite pas à bousculer les équilibres pour obtenir un avantage.

    Récemment, sa décision de suspendre certaines surtaxes, tout en maintenant la pression sur la Chine qui écope d’une surtaxe de 125%, démontre cette stratégie. En suspendant pendant 90 jours les droits de douane sur l’Europe, il oblige ses partenaires à réévaluer leur position et à se préparer à des négociations difficiles. Cette posture est essentielle pour Trump, qui continue de maintenir une pression maximale sur les grandes puissances économiques mondiales, tout en préservant des marges de manœuvre pour d’éventuelles discussions. C’est une tactique de négociation implacable, où le chaos à court terme ouvre la voie à des gains à long terme.

    Relocalisation et classe moyenne : une vision économique en action

    Au cœur de la stratégie actuelle de Trump se trouve la relocalisation des chaînes de production et la préservation des emplois pour la classe moyenne américaine. Bien que les médias aient souvent réduit cette politique à une simple guerre commerciale, elle s’inscrit dans un projet plus vaste de souveraineté économique. Grâce à des mesures protectionnistes, notamment des droits de douane, il a créé les conditions d’une relocalisation de l’industrie américaine. Des entreprises comme Apple ont ainsi déplacé une partie de leur production de Chine vers les États-Unis, contribuant à restaurer la base industrielle du pays.

    Cet effort vise à renforcer la classe moyenne américaine, qui est au cœur de la vision de Trump. En ramenant des emplois manufacturiers sur le sol américain, il entend réduire la dépendance aux chaînes de production mondialisées, particulièrement celles dominées par la Chine, et assurer une croissance économique durable. À ce jour, fait observer François Lenglet, « Trump a obtenu ce qu’il voulait : l’ouverture d’un guichet de négociation mondiale pour vendre au plus cher l’accès au marché américain. Avec, en plus, une taxe universelle de 10% comme point de départ, qui est désormais entérinée. Gardons-nous donc de parler de défaite. Jusqu’ici, tout est conforme au plan du président. »

    La négociation entre égaux : une leçon pour l’Occident

    La stratégie de Trump repose également sur l’idée que les négociations internationales ne peuvent aboutir que si les partenaires se traitent d’égal à égal, acceptant le face à face, la confrontation des points de vue. Le président Trump est un adepte des négociations entre égaux dans la mesure où il cherche à maximiser les bénéfices pour les États-Unis tout en exigeant de ses partenaires qu’ils assument leurs responsabilités et défendent leurs intérêts avec la même vigueur, dans une logique de réciprocité. Contrairement à une diplomatie européenne qu’il perçoit comme trop souvent marquée par la soumission, Trump privilégie une approche axée sur le rapport de force qui valorise les négociations directes où chaque partie doit être prête à faire des concessions tangibles. 

    Pour la France et l’Union européenne, cette approche est une invitation à repenser leurs stratégies diplomatiques et économiques. Si la France, par exemple, veut conserver une position de puissance nucléaire et de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, ses intérêts économiques, en particulier dans l’industrie et l’agriculture, exigent de protéger ses capacités de production. 

    Une approche de « réarmement » économique, technologique et militaire de chacun des membres de l’Union européenne pourrait être bénéfique pour restaurer l’équilibre des relations internationales. Dans un domaine au moins l’Europe n’a pas désarmé : le naval militaire. Elle a conservé ses chantiers et ses compétences et achète du made in Europe », ce qui n’est malheureusement pas le cas dans les avions de combat ou les systèmes de défense aérienne

    Des exemples concrets pour l’Europe inspirés par Trump

    Les Européens ont tout à gagner, en s’inspirant de la stratégie actuelle de Trump, à  renforcer leur propre autonomie économique et stratégique. C’est l’un des enseignements que tire François Lenglet de l’ère nouvelle dans laquelle nous entrons : « L’analyse de Trump, en économie politique, est bonne. Les tarifs douaniers sont un outil parmi d’autres pour redonner du pouvoir d’achat aux classes moyennes, le problème étant qu’ils ont été mis en place de façon désordonnée et dangereuse avec cette salve universelle [ndlr : de surtaxes douanières imposées unilatéralement]. Mais la réindustrialisation va prendre du temps. »

    Voici quelques pistes d’action :

    1. Souveraineté énergétique renforcée : comme les États-Unis avec le gaz de schiste, l’Europe pourrait intensifier ses investissements dans les énergies renouvelables et le nucléaire pour réduire sa dépendance aux importations d’énergie.
    2. Relocalisation industrielle : inspirée par le modèle américain, l’Europe pourrait mettre en place des politiques favorisant le retour de certaines productions stratégiques sur son sol, notamment dans les secteurs technologiques et pharmaceutiques.
    3. Contrôle des importations : à l’instar des États-Unis, l’Europe devrait instaurer des contrôles stricts sur les produits qu’elle importe, afin de s’assurer qu’ils respectent les normes de sécurité sanitaire et environnementale qu’elle s’impose à elle-même.
    4. Négociations commerciales fermes : l’Europe pourrait adopter une approche plus affirmée dans ses négociations internationales, en exigeant des contreparties strictes, tant sur le plan social qu’environnemental, dans ses accords commerciaux.
    5. Renforcement de la classe moyenne et des catégories populaires : l’Europe pourrait suivre l’exemple américain en soutenant davantage ses PME et en favorisant des circuits courts pour réduire sa dépendance aux importations, dynamiser l’emploi local et redonner du pouvoir d’achat.

    L’émancipation stratégique de l’Europe : un futur à construire

    La stratégie de Trump montre l’importance cruciale de l’indépendance économique et de la souveraineté stratégique. L’Europe, dans sa quête de résilience face aux défis mondiaux, pourrait grandement bénéficier de cette approche pragmatique. En s’inspirant de ces principes, elle pourrait retrouver sa place sur la scène mondiale en maîtrisant ses chaînes de valeur et en négociant des partenariats équilibrés avec des nations partageant des intérêts similaires. 

    Conclusion : une vision de long terme

    Le « Trump bashing » systématique ne rend pas justice à la complexité et à la profondeur de la stratégie du président des Etats-Unis. Le « fou » n’est pas toujours celui qu’on croit, comme le fait très justement remarquer le politologue Giuliano da Empoli dans le numéro d’avril 2025 de Politique magazine sans un article où il défend l’idée que le chaos n’est plus l’arme de l’insurgé mais le sceau du pouvoir. Il est « plus rationnel, écrit-il, de miser sur le ‘fou’ qui se déclare prêt à tenter ce que personne n’a jamais osé faire. Il n’est pas toujours irrationnel de miser sur le chaos. » En orientant son action vers la souveraineté économique, la négociation entre égaux et une politique pragmatique, Trump ouvre la voie à une refondation des relations internationales. Pour l’Europe, cette dynamique est sans doute l’occasion de redéfinir sa place dans le monde. Loin des caricatures médiatiques, Trump propose une vision stratégique audacieuse et une action géopolitique dont les effets à long terme pourraient bien se révéler décisifs tant pour les États-Unis d’Amérique que pour l’avenir de l’Occident lui-même. Ne pas se saisir aujourd’hui de cette opportunité c’est, pour l’Europe, prendre le risque de sortir définitivement de l’histoire !

    Francis Jubert (Le nouveau Conservateur, 15 avril 2025)

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  • 1648, la paix de Westphalie...

    Les éditions Tallandier viennent de rééditer un ouvrage d'Arnaud Blin intitulé 1648, la paix de Westphalie - Le nouvel ordre européen. Spécialiste de l'histoire de la guerre et de la paix, Arnaud Blin est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Iéna (2003) et, avec Gérard Chaliand, d'un Dictionnaire de stratégie militaire (1998).

     

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    " La paix de Westphalie met fin à l’une des guerres les plus sanglantes de l’histoire – une guerre totale –, la guerre de Trente Ans (1618-1648), et permet l’émergence de l’Europe des États-nations. Ainsi s’installe le « système westphalien » des relations internationales reposant sur la souveraineté nationale et le devoir de non-ingérence, qui a perduré jusqu’au XXe siècle.

    Alors que les dirigeants européens caressent le rêve d’une Europe unie face aux volontés hégémoniques et aux conflits qui traversent le monde contemporain, l’idée de voir renaître un tel système est toujours d’actualité. L’ordre westphalien, mis à mal par deux guerres mondiales, semblait moribond à l’issue de la guerre froide. Pourtant, un système de sécurité collective fondé sur le respect du droit international incarne pour beaucoup l’avenir des relations interétatiques.

    Arnaud Blin nous permet de comprendre la nature du système westphalien en revenant à ses origines : la paix qui fut signée en 1648. "

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  • Itinéraire d'un homme libre ...

    Le 1er avril 2025, Martial Bild recevait, sur TV libertés, Jean-Yves Le Gallou pour évoquer avec lui la sortie de ses Mémoires identitaires (Via Romana, 2025) dans lesquelles il retrace les étapes de son combat politique et métapolitique pour l'identité française et européenne...

     

                                               

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  • Nucléaire français et défense européenne...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun cueilli sur Geopragma et consacré à l'éventuelle inclusion de la dissuasion nucléaire française dans la défense européenne en devenir...

    Membre fondateur de Geopragma, Pierre de Lauzun a fait carrière dans la banque et la finance.

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    Nucléaire français et défense européenne

    Devant les développements spectaculaires de la scène internationale et notamment l’évolution des Etats-Unis, les dirigeants européens cherchent frénétiquement à afficher la perspective d’une défense européenne commune autonome par rapport à ces derniers.

    On peut sérieusement douter du réalisme de ce projet, et plus encore de la possibilité qu’il ait la moindre influence sur les événements de terrain avant 15-20 ans. Ne serait-ce que du fait de leurs divergences profondes d’intérêts et de priorités, de leur retard technique, de leur peu de goût pour le combat, ou encore de leur expérience passée et présente, où l’achat d’armements américains a constamment eu la priorité sur l’achat de matériels européens concurrents, notamment français.

    Mais il est un point d’achoppement clef, qui se présente dès maintenant : l’armement nucléaire, essentiellement celui français (le britannique est en réalité dans les mains des Américains, au moins sur le plan technique). Emmanuel Macron avait déclaré en mai 2024, puis récemment réaffirmé, être ouvert au débat sur son inclusion dans une défense nucléaire européenne, suscitant à l’époque une réaction largement négative dans la classe politique.  Il a récidivé depuis, avec une proposition qui a reçu un certain écho.

    L’extrême gravité de cette perspective a été peu soulignée. Pour la défense de la France ce serait pourtant un acte mettant gravement en danger la sécurité du pays.

    Il n s’agit en effet pas là de nucléaire tactique, mais du stratégique. L’arme nucléaire française est uniquement stratégique ; elle est à même d’infliger des dommages très graves à un assaillant éventuel ; elle est censée par-là être à même de le dissuader d’attaquer la France. Mais si cet assaillant est lui-même une puissance nucléaire, cela implique le risque en retour de dommages dévastateurs pour la France. La menace d’utilisation de cette arme n’a donc de sens que par rapport à une attaque contre des intérêts non seulement vitaux pour la France, mais impliquant sa survie même. Il est donc non seulement absurde mais criminel d’envisager explicitement de l’utiliser pour protéger un pays voisin, même ami, même européen. Certes, il est de la nature de cette dissuasion de ne pas être précise dans son mode d’emploi : il est donc compréhensible qu’on évite de se prononcer sur ce point. Mais sur le fond, ceux qui courent le risque, c’est-à-dire les Français, doivent savoir qu’elle ne peut être mobilisée que pour les défendre, parce que ce sont eux seuls qui courent le risque de riposte. Tout autre décision d’emploi mettrait en risque les Français de façon gravissime.

    A côté de cette considération majeure et décisive, on peut rappeler qu’une telle dissuasion n’a de sens que si elle dépend de la capacité de réaction rapide et immédiate du décideur. Ce ne peut donc être le fait d’une concertation à l’européenne. De fait, on nous explique que la décision resterait française. Mais en supposant qu’on fasse confiance aux macronistes sur ce point, cela implique que la dissuasion resterait en réalité française. La seule différence par rapport à la situation actuelle serait que la France déclarerait que les autres pays européens seraient couverts par elle. Et on retombe alors sur la remarque précédente.

    Ajoutons que du point de vue des autres pays européens, la protection nucléaire offerte par un autre Européen ne saurait être rassurante. Certains par exemple s’inquiétaient de l’élection de Marine Le Pen (ou équivalent) en 2027 ou après. La question n’est pas ici de ce que ferait Marine le Pen ou un autre, mais de la perception que les autres en ont. Et même avec une présidence plus classique, il n’est en rien évident qu’il mettra en risque la France pour protéger Vilnius. En outre, est-il envisageable que les seuls Français décident de mettre en risque un autre pays européen en l’exposant aux représailles ?

    Ce qu’on appelle parapluie américain n’est pas non plus garanti au niveau du nucléaire stratégique : croire que les Américains accepteraient le risque de voir New York rasé pour protéger Vilnius est d’une rare naïveté. Mais la différence avec la France est le nucléaire tactique, dont ils disposent, eux, qui est déjà prépositionné en Europe, et qui offre une étape intermédiaire, rendant beaucoup plus crédible la dissuasion au profit des Européens. Sachant, cela dit, que la mise en œuvre du nucléaire tactique américain en Europe ferait courir un risque appréciable à ces mêmes Européens.  

    Par ailleurs, du fait de l’importance centrale de la dissuasion nucléaire pour celui qui en dispose, si inversement la défense nucléaire française reste française et ne couvre que la France, la défense française ne peut pas se noyer dans une défense européenne. Et donc la notion de défense européenne intégrée ne peut être qu’une coordination intensifiée de moyens de défense ; dont le choix d’emploi reste national – ce que d’ailleurs elle devrait être de toute façon. Après tout, en outre, il y a trop d’intérêts français spécifiques, notamment outre-mer, pour qu’une défense européenne vraiment intégrée puisse prendre le relais. Et il n’y a pas de raison pour que cela change, sauf à sacrifier précisément ces intérêts majeurs. En revanche bien sûr, le besoin d’accroître massivement l’effort de défense de tous est un impératif urgent.

    Dit autrement, le champ que peut couvrir (tout au plus) une coopération militaire européenne est réel mais délimité, excluant les intérêts vitaux d’un côté (couverts par le nucléaire) et les intérêts spécifiques de l’autre (outre-mer et marine notamment), et laissant la liberté de l’emploi. Ce champ est réel et majeur, mais il a ses limites.

    Pierre de Lauzun (Geopragma, 7 avril 2025)

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  • « Hâtez-vous, généreux guerriers… »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Philippe Duranthon, cueilli sur Geopragma et consacré aux déclarations guerrières du Président de la République. Jean-Philippe Duranthon est haut-fonctionnaire et membre fondateur de Geopragma.

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    « Hâtez-vous, généreux guerriers… »

    Il eut été logique qu’il revêtit un uniforme, tel de Gaulle en 1960, ou se présentât en pull kaki, tel Zelensky depuis trois ans : le 5 mars dernier Emmanuel Macron nous a déclaré que « nous rentrons (sic) dans une nouvelle ère », que « la Russie est devenue au moment où je vous parle et pour les années à venir une menace pour la France et pour l’Europe » et que, « quoi qu’il en advienne, il nous faut nous équiper davantage ».

    Il nous faut donc accroître notre effort militaire, nous réarmer, nous remilitariser. Soit. Mais les conditions dans lesquelles les modalités de cette remilitarisation sont annoncées surprennent.

    1/ Rappelons-nous tout d’abord qu’en juin 2022 le même Macron avait déclaré, en inaugurant le salon de Satory, que « nous allons durablement devoir nous organiser… dans une économie de guerre ». Pourquoi donc tenir en 2025 des propos voisins de ceux de 2022 ? La réponse est évidente : parce que nous ne sommes pas passés en « économie de guerre ». Certes, la production des célèbres canons Caesar a été multipliée par trois, mais il s’agit là d’une brillante exception : aucune commande massive n’a été passée aux entreprises de la BITD (base industrielle et technologique de défense) et les industriels, ne sachant quand les commandes leur seraient passées, et même si elles le seraient, n’ont pas accru leur outil de production. Le gouvernent n’a-t-il pas voulu faire le nécessaire, ou ne l’a-t-il pas pu ? Et pourquoi le voudrait-il maintenant, ou le pourrait-il ? Le président de la République a, le 17 mars, annoncé l’acquisition de trente Rafale supplémentaires : quand les commandes seront-elles passées ?

    C’est que les armes coûtent cher et que nous sommes démunis. E. Macron a présenté comme une grande victoire l’autorisation donnée aux Etats par Ursula von der Leyen d’augmenter, au-delà des limites permises jusqu’alors, leur déficit budgétaire pour financer, dans la limite de 1,5 % du PIB, leurs dépenses militaires. Curieuse victoire : autorisation ou pas, un tel accroissement augmentera une dette qui est dès aujourd’hui explosive. Réjouissons-nous donc comme le ferait un malade qui, alors qu’il a 40 degrés de fièvre, s’entendrait dire pas son médecin qu’un traitement ne lui sera nécessaire que lorsque sa température atteindra 41,5 degrés. Autre « victoire » étonnante : la décision annoncée par la même van der Leyen d’emprunter au niveau communautaire 150 M€ pour allouer des prêts bonifiés aux Etats [1]. Pour s’en réjouir il faut oublier que la France finance 17 % du budget européen, si bien que l’amortissement du nouvel emprunt communautaire se traduira par une augmentation de la contribution de la France à ce budget. Alors qu’un député européen, rapporteur du budget, a récemment remarqué que « nous n’avons toujours pas clarifié comment nous allons rembourser le grand emprunt commun qui a financé le plan de relance post Covid », ajouter une couche d’emprunt communautaire est-il si enthousiasmant ?

    Ne se trompe-t-on pas, d’ailleurs, de cible ? Un récent audit [2] indique que « les entreprises… présent(ent) une structure financière et économique plus fragile dans la BITD que dans le reste de l’économie, avec des marges plus faibles, une capacité moindre à créer de la valeur, un endettement plus élevé et une potentielle sous-capitalisation ». Ce ne sont point tant les subventions et prêts qui sont nécessaires que des augmentations de capital. D’où la création par BPI France d’un nouveau fonds spécialisé destiné à accueillir l’épargne des particuliers ; mais, les généreux donataires, qui seront « collés » pendant cinq ans, ne bénéficiant en échange d’aucun avantage fiscal ou autre, on peut craindre que ce nouvel outil ne séduise guère et n’ait que des vertus d’affichage. D’où l’appel adressé aux fonds d’investissement privés afin qu’ils contribuent à l’effort demandé à la nation.

    Le problème est que ces fonds interviennent au sein d’un écosystème financier auquel on demande de privilégier les investissements « verts » luttant contre le changement climatique et répondant aux critères ESG [3], et que les bureaucrates et les bonnes consciences ont classé la Défense dans la catégorie des parias. Le sujet est connu depuis longtemps [4] et la Commission comme le gouvernement reconnaissent la nécessité d’agir. Mais les actions concrètes se font attendre. La « taxonomie » qui, comme l’a fait remarquer le Délégué Général à l’Armement, « classe la Défense dans la même catégorie que la pornographie », et les directives européennes incitant les fonds à investir dans des domaines dont la Défense est exclue, n’ont pas été modifiées ; les PME et ETI du secteur qui cherchent à financer leurs besoins en fonds de roulement s’entendent dire par leurs banques qu’elles ne satisfont pas les critères d’investissement responsable ; la BEI (Banque Européenne d’Investissement) envisage d’étendre son champ d’action mais se refuse à financer la fabrication de munitions et armes létales (on se croirait revenu en 1981, lorsque F. Mitterrand inaugurait le salon aéronautique du Bourget après avoir demandé que les avions et hélicoptères soient présentés désarmés). Aussi le « monde de la finance » semble-t-il considérer que les déclarations ne suffisent pas : Euronext a prévenu, à la mi-mars, Airbus, Safran et Thales qu’il allait les exclure du CAC 40 ESG et n’y a renoncé qu’au dernier moment ; Ardian et Eurazeo affirment refuser tout investissement dans la Défense, la seconde se référant explicitement à la problématique ESG. Restent les fonds spécialisés de Tikehau et Weinberg mais ceux-ci n’ont pas attendu ces dernières semaines pour se mobiliser et ne suffiront pas à dégager les sommes nécessaires.

    Les conditions financières d’une politique de réarmement ne semblent donc pas réunies aujourd’hui. Mieux vaudrait faire moins d’annonces et de grand-messes et, d’une part supprimer les freins aux investissements dans l’industrie de défense (c’est-à-dire modifier les textes ESG), d’autre part créer les conditions d’un financement durable (c’est-à-dire non pas à contractant de nouvelles dettes, mais en réduisant ou supprimant enfin les dépenses publiques inutiles ou inefficaces – comme nos voisins l’ont fait).

    2/ Par ailleurs, il ne suffit pas d’avoir des matériels performants, encore faut-il disposer des personnels pour les utiliser. L’armée peine, aujourd’hui, à fidéliser ceux qui la servent. Que compte-t-on faire pour qu’on y parvienne désormais ?

    3/ Le 5 mars dernier, E. Macron a également déclaré que « L’Europe de la Défense, que nous défendons depuis huit ans, devient donc une réalité ». Encore une grande victoire de la France, doit-on comprendre.

    Notre pays dispose de nombreux éléments légitimant une place fondamentale dans cette « réalité » encore bien irréelle : une armée de militaires aguerris et maîtrisant les technologies de pointe (sans doute la seule armée digne de ce nom en Europe) ; des industriels de premier plan dans chaque domaine, s’appuyant sur un riche réseau de sous-traitants ; la possession de l’arme nucléaire. On aurait pu penser que la France aurait cherché, pour le bien de l’Europe comme celui du pays, à valoriser ces trois éléments et à faire de la reconnaissance de la préférence communautaire un préalable à toute action de sa part ; il semble qu’elle ait adopté une autre posture et préféré une approche institutionnelle. E. Macron semble chercher à la fois à porter au niveau communautaire les responsabilités aujourd’hui exercées avec efficacité au niveau national et à prendre la tête, avec la Grande-Bretagne, d’un étrange groupement de pays bien incapables d’influer sur le cours des évènements.

    Cette approche est particulièrement étonnante pour ce qui concerne l’arme nucléaire, pour laquelle la président a indiqué que, « répondant à l’appel historique du futur chancelier allemand, (il a) décidé d’ouvrir le débat stratégique sur la protection par notre dissuasion de nos alliés du continent européen ». Depuis l’origine il est acquis – le général de Gaulle l’a dit explicitement – que l’intérêt vital national ne se limite pas aux frontières du pays et prend en compte les menaces pesant sur nos voisins. Mais s’étend-il à l’ensemble du « continent européen » ? Faut-il associer explicitement « nos alliés », et sans doute la Commission, aux décisions ? Suffit-il d’affirmer que « quoi qu’il arrive, la décision a toujours été et restera entre les mains du Président de la République, chef des armées », pour échapper à la mécanique communautaire et être en mesure d’agir rapidement ? Pourra-t-on reconnaître qu’on « protège » un pays et lui interdire de « décider » son sort ? Ne sera-t-on pas obligé de formaliser a priori les cas de recours à l’arme nucléaire, alors que l’incertitude sur l’usage de l’arme est une condition de son efficacité, de la dissuasion ? Serait-il normal que nos voisins bénéficient soudain d’un outil financé depuis cinquante ans par les seuls contribuables français ?

    Tout cela est bien étonnant, et bien inquiétant.

    4/ Certains commentateurs voudraient chanter, comme dans l’opéra Dardanus de Rameau :

    « Il est temps de courir aux armes,

    Hâtez-vous, généreux guerriers,

    Allez, au milieu des alarmes,

    Cueillir les plus brillants lauriers ».

    Ne faisons pas trop de théâtre : n’oublions pas que dans la vraie vie il y a de vrais soldats et de vraies morts.

    N’oublions pas non plus que, si elles ont une frontière à l’Est, l’Europe et en particulier la France ont aussi une frontière au Sud.

    Jean-Philippe Duranthon (Geopragma, 30 mars 2025)

     

    Notes :

    [1] Ces prêts ne pourront bénéficier qu’à des projets associant plusieurs Etats. Cela laisse augurer de jolis délais pour mettre en œuvre ce programme au bel acronyme : SAFE, pour Security Action for Europe.

    [2] Réalisé par le Trésor et l’Observatoire économique de la Défense. https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/ea3a6a07-04a8-4ec4-af34-1d066bd794af/files/8293e924-b180-4aa4-9575-06331ed76b0f

    [3] Critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.

    [4] Voir mon article du 20 mai 2024 : https://geopragma.fr/drole-deconomie-de-guerre/

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