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  • Itinéraire d'un homme libre ...

    Le 1er avril 2025, Martial Bild recevait, sur TV libertés, Jean-Yves Le Gallou pour évoquer avec lui la sortie de ses Mémoires identitaires (Via Romana, 2025) dans lesquelles il retrace les étapes de son combat politique et métapolitique pour l'identité française et européenne...

     

                                               

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  • Nucléaire français et défense européenne...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun cueilli sur Geopragma et consacré à l'éventuelle inclusion de la dissuasion nucléaire française dans la défense européenne en devenir...

    Membre fondateur de Geopragma, Pierre de Lauzun a fait carrière dans la banque et la finance.

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    Nucléaire français et défense européenne

    Devant les développements spectaculaires de la scène internationale et notamment l’évolution des Etats-Unis, les dirigeants européens cherchent frénétiquement à afficher la perspective d’une défense européenne commune autonome par rapport à ces derniers.

    On peut sérieusement douter du réalisme de ce projet, et plus encore de la possibilité qu’il ait la moindre influence sur les événements de terrain avant 15-20 ans. Ne serait-ce que du fait de leurs divergences profondes d’intérêts et de priorités, de leur retard technique, de leur peu de goût pour le combat, ou encore de leur expérience passée et présente, où l’achat d’armements américains a constamment eu la priorité sur l’achat de matériels européens concurrents, notamment français.

    Mais il est un point d’achoppement clef, qui se présente dès maintenant : l’armement nucléaire, essentiellement celui français (le britannique est en réalité dans les mains des Américains, au moins sur le plan technique). Emmanuel Macron avait déclaré en mai 2024, puis récemment réaffirmé, être ouvert au débat sur son inclusion dans une défense nucléaire européenne, suscitant à l’époque une réaction largement négative dans la classe politique.  Il a récidivé depuis, avec une proposition qui a reçu un certain écho.

    L’extrême gravité de cette perspective a été peu soulignée. Pour la défense de la France ce serait pourtant un acte mettant gravement en danger la sécurité du pays.

    Il n s’agit en effet pas là de nucléaire tactique, mais du stratégique. L’arme nucléaire française est uniquement stratégique ; elle est à même d’infliger des dommages très graves à un assaillant éventuel ; elle est censée par-là être à même de le dissuader d’attaquer la France. Mais si cet assaillant est lui-même une puissance nucléaire, cela implique le risque en retour de dommages dévastateurs pour la France. La menace d’utilisation de cette arme n’a donc de sens que par rapport à une attaque contre des intérêts non seulement vitaux pour la France, mais impliquant sa survie même. Il est donc non seulement absurde mais criminel d’envisager explicitement de l’utiliser pour protéger un pays voisin, même ami, même européen. Certes, il est de la nature de cette dissuasion de ne pas être précise dans son mode d’emploi : il est donc compréhensible qu’on évite de se prononcer sur ce point. Mais sur le fond, ceux qui courent le risque, c’est-à-dire les Français, doivent savoir qu’elle ne peut être mobilisée que pour les défendre, parce que ce sont eux seuls qui courent le risque de riposte. Tout autre décision d’emploi mettrait en risque les Français de façon gravissime.

    A côté de cette considération majeure et décisive, on peut rappeler qu’une telle dissuasion n’a de sens que si elle dépend de la capacité de réaction rapide et immédiate du décideur. Ce ne peut donc être le fait d’une concertation à l’européenne. De fait, on nous explique que la décision resterait française. Mais en supposant qu’on fasse confiance aux macronistes sur ce point, cela implique que la dissuasion resterait en réalité française. La seule différence par rapport à la situation actuelle serait que la France déclarerait que les autres pays européens seraient couverts par elle. Et on retombe alors sur la remarque précédente.

    Ajoutons que du point de vue des autres pays européens, la protection nucléaire offerte par un autre Européen ne saurait être rassurante. Certains par exemple s’inquiétaient de l’élection de Marine Le Pen (ou équivalent) en 2027 ou après. La question n’est pas ici de ce que ferait Marine le Pen ou un autre, mais de la perception que les autres en ont. Et même avec une présidence plus classique, il n’est en rien évident qu’il mettra en risque la France pour protéger Vilnius. En outre, est-il envisageable que les seuls Français décident de mettre en risque un autre pays européen en l’exposant aux représailles ?

    Ce qu’on appelle parapluie américain n’est pas non plus garanti au niveau du nucléaire stratégique : croire que les Américains accepteraient le risque de voir New York rasé pour protéger Vilnius est d’une rare naïveté. Mais la différence avec la France est le nucléaire tactique, dont ils disposent, eux, qui est déjà prépositionné en Europe, et qui offre une étape intermédiaire, rendant beaucoup plus crédible la dissuasion au profit des Européens. Sachant, cela dit, que la mise en œuvre du nucléaire tactique américain en Europe ferait courir un risque appréciable à ces mêmes Européens.  

    Par ailleurs, du fait de l’importance centrale de la dissuasion nucléaire pour celui qui en dispose, si inversement la défense nucléaire française reste française et ne couvre que la France, la défense française ne peut pas se noyer dans une défense européenne. Et donc la notion de défense européenne intégrée ne peut être qu’une coordination intensifiée de moyens de défense ; dont le choix d’emploi reste national – ce que d’ailleurs elle devrait être de toute façon. Après tout, en outre, il y a trop d’intérêts français spécifiques, notamment outre-mer, pour qu’une défense européenne vraiment intégrée puisse prendre le relais. Et il n’y a pas de raison pour que cela change, sauf à sacrifier précisément ces intérêts majeurs. En revanche bien sûr, le besoin d’accroître massivement l’effort de défense de tous est un impératif urgent.

    Dit autrement, le champ que peut couvrir (tout au plus) une coopération militaire européenne est réel mais délimité, excluant les intérêts vitaux d’un côté (couverts par le nucléaire) et les intérêts spécifiques de l’autre (outre-mer et marine notamment), et laissant la liberté de l’emploi. Ce champ est réel et majeur, mais il a ses limites.

    Pierre de Lauzun (Geopragma, 7 avril 2025)

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  • « Hâtez-vous, généreux guerriers… »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Philippe Duranthon, cueilli sur Geopragma et consacré aux déclarations guerrières du Président de la République. Jean-Philippe Duranthon est haut-fonctionnaire et membre fondateur de Geopragma.

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    « Hâtez-vous, généreux guerriers… »

    Il eut été logique qu’il revêtit un uniforme, tel de Gaulle en 1960, ou se présentât en pull kaki, tel Zelensky depuis trois ans : le 5 mars dernier Emmanuel Macron nous a déclaré que « nous rentrons (sic) dans une nouvelle ère », que « la Russie est devenue au moment où je vous parle et pour les années à venir une menace pour la France et pour l’Europe » et que, « quoi qu’il en advienne, il nous faut nous équiper davantage ».

    Il nous faut donc accroître notre effort militaire, nous réarmer, nous remilitariser. Soit. Mais les conditions dans lesquelles les modalités de cette remilitarisation sont annoncées surprennent.

    1/ Rappelons-nous tout d’abord qu’en juin 2022 le même Macron avait déclaré, en inaugurant le salon de Satory, que « nous allons durablement devoir nous organiser… dans une économie de guerre ». Pourquoi donc tenir en 2025 des propos voisins de ceux de 2022 ? La réponse est évidente : parce que nous ne sommes pas passés en « économie de guerre ». Certes, la production des célèbres canons Caesar a été multipliée par trois, mais il s’agit là d’une brillante exception : aucune commande massive n’a été passée aux entreprises de la BITD (base industrielle et technologique de défense) et les industriels, ne sachant quand les commandes leur seraient passées, et même si elles le seraient, n’ont pas accru leur outil de production. Le gouvernent n’a-t-il pas voulu faire le nécessaire, ou ne l’a-t-il pas pu ? Et pourquoi le voudrait-il maintenant, ou le pourrait-il ? Le président de la République a, le 17 mars, annoncé l’acquisition de trente Rafale supplémentaires : quand les commandes seront-elles passées ?

    C’est que les armes coûtent cher et que nous sommes démunis. E. Macron a présenté comme une grande victoire l’autorisation donnée aux Etats par Ursula von der Leyen d’augmenter, au-delà des limites permises jusqu’alors, leur déficit budgétaire pour financer, dans la limite de 1,5 % du PIB, leurs dépenses militaires. Curieuse victoire : autorisation ou pas, un tel accroissement augmentera une dette qui est dès aujourd’hui explosive. Réjouissons-nous donc comme le ferait un malade qui, alors qu’il a 40 degrés de fièvre, s’entendrait dire pas son médecin qu’un traitement ne lui sera nécessaire que lorsque sa température atteindra 41,5 degrés. Autre « victoire » étonnante : la décision annoncée par la même van der Leyen d’emprunter au niveau communautaire 150 M€ pour allouer des prêts bonifiés aux Etats [1]. Pour s’en réjouir il faut oublier que la France finance 17 % du budget européen, si bien que l’amortissement du nouvel emprunt communautaire se traduira par une augmentation de la contribution de la France à ce budget. Alors qu’un député européen, rapporteur du budget, a récemment remarqué que « nous n’avons toujours pas clarifié comment nous allons rembourser le grand emprunt commun qui a financé le plan de relance post Covid », ajouter une couche d’emprunt communautaire est-il si enthousiasmant ?

    Ne se trompe-t-on pas, d’ailleurs, de cible ? Un récent audit [2] indique que « les entreprises… présent(ent) une structure financière et économique plus fragile dans la BITD que dans le reste de l’économie, avec des marges plus faibles, une capacité moindre à créer de la valeur, un endettement plus élevé et une potentielle sous-capitalisation ». Ce ne sont point tant les subventions et prêts qui sont nécessaires que des augmentations de capital. D’où la création par BPI France d’un nouveau fonds spécialisé destiné à accueillir l’épargne des particuliers ; mais, les généreux donataires, qui seront « collés » pendant cinq ans, ne bénéficiant en échange d’aucun avantage fiscal ou autre, on peut craindre que ce nouvel outil ne séduise guère et n’ait que des vertus d’affichage. D’où l’appel adressé aux fonds d’investissement privés afin qu’ils contribuent à l’effort demandé à la nation.

    Le problème est que ces fonds interviennent au sein d’un écosystème financier auquel on demande de privilégier les investissements « verts » luttant contre le changement climatique et répondant aux critères ESG [3], et que les bureaucrates et les bonnes consciences ont classé la Défense dans la catégorie des parias. Le sujet est connu depuis longtemps [4] et la Commission comme le gouvernement reconnaissent la nécessité d’agir. Mais les actions concrètes se font attendre. La « taxonomie » qui, comme l’a fait remarquer le Délégué Général à l’Armement, « classe la Défense dans la même catégorie que la pornographie », et les directives européennes incitant les fonds à investir dans des domaines dont la Défense est exclue, n’ont pas été modifiées ; les PME et ETI du secteur qui cherchent à financer leurs besoins en fonds de roulement s’entendent dire par leurs banques qu’elles ne satisfont pas les critères d’investissement responsable ; la BEI (Banque Européenne d’Investissement) envisage d’étendre son champ d’action mais se refuse à financer la fabrication de munitions et armes létales (on se croirait revenu en 1981, lorsque F. Mitterrand inaugurait le salon aéronautique du Bourget après avoir demandé que les avions et hélicoptères soient présentés désarmés). Aussi le « monde de la finance » semble-t-il considérer que les déclarations ne suffisent pas : Euronext a prévenu, à la mi-mars, Airbus, Safran et Thales qu’il allait les exclure du CAC 40 ESG et n’y a renoncé qu’au dernier moment ; Ardian et Eurazeo affirment refuser tout investissement dans la Défense, la seconde se référant explicitement à la problématique ESG. Restent les fonds spécialisés de Tikehau et Weinberg mais ceux-ci n’ont pas attendu ces dernières semaines pour se mobiliser et ne suffiront pas à dégager les sommes nécessaires.

    Les conditions financières d’une politique de réarmement ne semblent donc pas réunies aujourd’hui. Mieux vaudrait faire moins d’annonces et de grand-messes et, d’une part supprimer les freins aux investissements dans l’industrie de défense (c’est-à-dire modifier les textes ESG), d’autre part créer les conditions d’un financement durable (c’est-à-dire non pas à contractant de nouvelles dettes, mais en réduisant ou supprimant enfin les dépenses publiques inutiles ou inefficaces – comme nos voisins l’ont fait).

    2/ Par ailleurs, il ne suffit pas d’avoir des matériels performants, encore faut-il disposer des personnels pour les utiliser. L’armée peine, aujourd’hui, à fidéliser ceux qui la servent. Que compte-t-on faire pour qu’on y parvienne désormais ?

    3/ Le 5 mars dernier, E. Macron a également déclaré que « L’Europe de la Défense, que nous défendons depuis huit ans, devient donc une réalité ». Encore une grande victoire de la France, doit-on comprendre.

    Notre pays dispose de nombreux éléments légitimant une place fondamentale dans cette « réalité » encore bien irréelle : une armée de militaires aguerris et maîtrisant les technologies de pointe (sans doute la seule armée digne de ce nom en Europe) ; des industriels de premier plan dans chaque domaine, s’appuyant sur un riche réseau de sous-traitants ; la possession de l’arme nucléaire. On aurait pu penser que la France aurait cherché, pour le bien de l’Europe comme celui du pays, à valoriser ces trois éléments et à faire de la reconnaissance de la préférence communautaire un préalable à toute action de sa part ; il semble qu’elle ait adopté une autre posture et préféré une approche institutionnelle. E. Macron semble chercher à la fois à porter au niveau communautaire les responsabilités aujourd’hui exercées avec efficacité au niveau national et à prendre la tête, avec la Grande-Bretagne, d’un étrange groupement de pays bien incapables d’influer sur le cours des évènements.

    Cette approche est particulièrement étonnante pour ce qui concerne l’arme nucléaire, pour laquelle la président a indiqué que, « répondant à l’appel historique du futur chancelier allemand, (il a) décidé d’ouvrir le débat stratégique sur la protection par notre dissuasion de nos alliés du continent européen ». Depuis l’origine il est acquis – le général de Gaulle l’a dit explicitement – que l’intérêt vital national ne se limite pas aux frontières du pays et prend en compte les menaces pesant sur nos voisins. Mais s’étend-il à l’ensemble du « continent européen » ? Faut-il associer explicitement « nos alliés », et sans doute la Commission, aux décisions ? Suffit-il d’affirmer que « quoi qu’il arrive, la décision a toujours été et restera entre les mains du Président de la République, chef des armées », pour échapper à la mécanique communautaire et être en mesure d’agir rapidement ? Pourra-t-on reconnaître qu’on « protège » un pays et lui interdire de « décider » son sort ? Ne sera-t-on pas obligé de formaliser a priori les cas de recours à l’arme nucléaire, alors que l’incertitude sur l’usage de l’arme est une condition de son efficacité, de la dissuasion ? Serait-il normal que nos voisins bénéficient soudain d’un outil financé depuis cinquante ans par les seuls contribuables français ?

    Tout cela est bien étonnant, et bien inquiétant.

    4/ Certains commentateurs voudraient chanter, comme dans l’opéra Dardanus de Rameau :

    « Il est temps de courir aux armes,

    Hâtez-vous, généreux guerriers,

    Allez, au milieu des alarmes,

    Cueillir les plus brillants lauriers ».

    Ne faisons pas trop de théâtre : n’oublions pas que dans la vraie vie il y a de vrais soldats et de vraies morts.

    N’oublions pas non plus que, si elles ont une frontière à l’Est, l’Europe et en particulier la France ont aussi une frontière au Sud.

    Jean-Philippe Duranthon (Geopragma, 30 mars 2025)

     

    Notes :

    [1] Ces prêts ne pourront bénéficier qu’à des projets associant plusieurs Etats. Cela laisse augurer de jolis délais pour mettre en œuvre ce programme au bel acronyme : SAFE, pour Security Action for Europe.

    [2] Réalisé par le Trésor et l’Observatoire économique de la Défense. https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/ea3a6a07-04a8-4ec4-af34-1d066bd794af/files/8293e924-b180-4aa4-9575-06331ed76b0f

    [3] Critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.

    [4] Voir mon article du 20 mai 2024 : https://geopragma.fr/drole-deconomie-de-guerre/

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  • L'Europe woke est là pour durer...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique de David Engels sur Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, datée du 21 mars 2025 et consacrée aux conséquences durables du poison wokiste...

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan, à l'Institut Catholique de Vendée ainsi qu'au Mathias Corvinus Collegium de Bruxelles, David Engels est l'auteur de trois essais traduits en français, Le Déclin - La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013), Que faire ? - Vivre avec le déclin de l'Europe (La Nouvelle Librairie, 2024) et, dernièrement, Défendre l'Europe civilisationnelle - Petit traité d'hespérialisme (Salvator, 2024). Il a  également dirigé deux ouvrages collectifs, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020) et Aurë entuluva! (Renovamen-Verlag, 2023), en allemand, consacré à l’œuvre de Tolkien.

     

                                               

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  • Vers une bombe atomique européenne ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Georges Feltin-Tracol cueilli sur Euro-Synergies et consacré à la question de la mise en place d'une dissuasion nucléaire européenne.

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    Vers une bombe atomique européenne?

    C’est l’Arlésienne de la géopolitique française et européenne. C’est aussi l’impensé de la stratégie militaire et diplomatique sur le continent européen depuis la fin de la première Guerre froide (1947 - 1991). Le Brexit accentue son acuité face aux fractures récentes du bloc atlantiste.

    Le sujet revient au premier plan de l’actualité avec la distance prise par les États-Unis trumpiens par rapport au conflit russo-ukrainien. La vive algarade à la Maison Blanche entre Volodymyr Zelenski, Donald Trump et J. D. Vance confirme le dégagement, plus ou moins partiel, des intérêts étatsuniens en Europe. Le 14 février dernier, le nouveau secrétaire étatsunien à la Défense, Pete Hegseth, avait déclaré que l'Europe devait s’attendre que la présence des troupes US sur le continent ne durerait pas éternellement.

    Ces deux faits tétanisent les pitoyables responsables européens qui ont cru en la permanence du protectorat étatsunien. Quelle naïveté ! Ce bouclier militaire et diplomatique est désormais bien ébréché. Qui pourrait désormais remplacer cette ancienne protection de huit décennies? Certaines capitales du Vieux Monde regardent la France. Pourquoi ? Paris dispose d’une force de dissuasion nucléaire indépendante (en partie, car des composantes proviennent des industries étatsuniennes). Le thème d’étendre la dissuasion française au champ européen n’est pas neuf. De Valéry Giscard d’Estaing à Emmanuel Macron, tous les chefs d’État hexagonaux appelèrent plusieurs fois à un réveil de la conscience européenne en matière de défense commune. Par exemple, dès 1996, Jacques Chirac souhaitait instituer un pilier européen au sein de l’OTAN. Il suggérait même que le commandement en Méditerranée revînt à un amiral européen et non pas yankee. Washington rejeta ces deux demandes et les interlocuteurs européennes de Chirac montrèrent leur franche hostilité, atlantisme oblige.

    Outre la Russie et les États-Unis dont quelques bases situées en Europe détiennent des fusées nucléaires, les deux seules puissances atomiques sur le Vieux Continent sont la Grande-Bretagne et la France. Or le premier ministre britannique ne peut pas déclencher seul le feu suprême. Il doit d’abord en référer à Washington. Des éléments des ogives nucléaires sont d’origine étatsunienne ainsi que leur maintenance. Au contraire, le président français reste, en cas d’éventuelle tragédie, le seul ordonnateur de la riposte fatidique.

    Toutefois, il faut regretter la suppression au nom des « dividendes de la paix » des vecteurs de la dissuasion nucléaire. Ceux-ci ne sont aujourd’hui qu’aéroportés et sous-marins. N’existent plus le missile sol – sol nucléaire à courte portée tactique Hadès (photo) et le site de lancement de missiles balistiques nucléaires aménagé sur le plateau d’Albion à cheval sur la Drôme, le Var et les Alpes-de-Haute-Provence sans omettre l’abandon criminel et honteux de la bombe à neutrons adaptable sur le système Hadès.

    Ces tristes constats empêcheraient-ils que la dissuasion nucléaire française puisse suppléer le parrain yankee ? En d’autres termes, la France pourrait-elle protéger par sa « Bombe » Helsinki, Stockholm, Riga, Vilnius, Varsovie et Bucarest ? Des souverainistes obtus refusent l’idée. Pour eux, la dissuasion, acmé de la souveraineté nationale, ne se partage pas. En effet, la souveraineté partagée est une chimère politique inapplicable. En revanche, la souveraineté se décline selon le principe de subsidiarité en promouvant l’enchâssement des souverainetés familiales, communales, régionales, nationales, continentales, économiques et professionnelles. La bureaucratie soi-disant européenne pervertit ce principe essentiel trop mal connu de l’opinion.

    Réunir en urgence un Conseil européen avec son président, la sinistre présidente de la Commission de Bruxelles et vingt-sept chefs d’État et de gouvernement afin de trancher par un vote unanime ou à la majorité qualifiée de recourir à l’arme ultime serait dispendieux et inutile. On peut penser que si la France étend sa couverture militaire aux vingt-six autres États-membres de l’Union dite européenne, le pouvoir de décision fatidique reviendra toujours au seul président français. D’ailleurs, lors de son intervention radio-télévisée du 5 mars dernier, Emmanuel Macron a réaffirmé ce monopole crucial.

    C’est l’une des raisons qui incita en 1962 Charles De Gaulle à faire élire au suffrage universel direct le président de la République. Par l’onction populaire du vote des Français, le locataire de l’Élysée reçoit l’imperium, à savoir la puissance jupitérienne de la foudre. Il serait cependant temps que la force de frappe nucléaire soit enfin consacrée dans la constitution de 1958 par un ajout substantiel à l’article 15 sans le soumettre au contreseing du premier ministre ou de tout autre ministre. La constitution de la Ve République est de nature polémogène : son fonctionnement atteint une efficacité maximale pendant les crises majeures. Marine Le Pen avait proposé en 2022 cette constitutionnalisation bien plus nécessaire que le gadget de l’avortement. Pendant ses discussions avec son mémorialiste Alain Peyrefitte, Charles De Gaulle considérait déjà le projet européen comme le levier de puissance de la France, d’où son soutien insistant aux plans Fouchet qui suggéraient une union d’États pourvue de la personnalité juridique. Il soulignait aussi que les intérêts vitaux de la France ne s’arrêteraient pas au bord du Rhin...

    Les réticences allemandes à devoir une protection quelconque venue de la France s’estompent progressivement. Tout atlantiste qu’il est, le futur chancelier fédéral Friedrich Merz a évoqué, le 21 février dans un entretien à la presse écrite, que Berlin devrait négocier avec Paris et Londres de l’extension de leur parapluie de dissuasion nucléaire à l’Allemagne. Le plus étonnant est que cette proposition date de la fin des années 1960 à l’initiative d’Adolf von Thadden. À ce moment-là, sa formation politique, la NPD (Parti national-démocrate d’Allemagne), connaissait un succès électoral certain dans plusieurs Landtage de la RFA. Sa popularité s’arrêta nette aux législatives de 1969 avec 4,31 %, probablement grâce à des bulletins manipulés, annulés ou falsifiés. À rebours de l’atlantisme social-démocrate-chrétien libéral, Adolf von Thadden, par ailleurs informateur attitré du MI6 britannique, rêvait que la dissuasion atomique française se transformât en force nucléaire européenne indépendante des blocs. Tenant d’un axe gaullien franco-allemand, le chef de la NPD déplorait que le gouvernement fédéral allemand ne participât ni au financement, ni à l’élaboration d’infrastructures économiques performantes dans cette audacieuse coopération.

    Il est maintenant caustique d’observer que l’effort exigé aux États-membres pour se réarmer oblige la Commission de Bruxelles à extraire de la règle des 3% prévue par le pacte de stabilité les dépenses souscrites en matière de défense, ce qui implique une remise en cause de plusieurs traités européens. Mais pourquoi seulement la défense? La sécurité intérieure, la justice, les transports, les infrastructures de communication, voire l’enseignement contribuent à leur manière à la possibilité de réarmer. En outre, le simple ordonnancement des différentes armées nationales reste aléatoire. Les quelques industries de l’armement (française, suédoise) se concurrencent avec férocité quand les États-membres achètent pour plus de 60% du matériel aux États-Unis.

    Il est donc risible de prôner une nouvelle course aux armements de la part d’États surendettés en proie à des déficits publics structurels gigantesques. Le Danemark entend déjà porter à 70 ans l’âge de départ à la retraite afin de financer l’augmentation des dépenses militaires. L’austérité budgétaire et la rigueur financière se profilent derrière les appels à un hypothétique effort de guerre. Il existe pourtant de vastes gisements propices aux réductions des coûts: le poids de l’immigration, la prolifération des agences administratives indépendantes comme l’ARCOM, le financement public des partis politiques, des syndicats et des associations, les subventions au secteur des « cultureux », l’aide officiel à la presse, etc.

    Le court-termisme propre aux soi-disant démocraties libérales occidentales empêche de facto toute émergence concrète d’une vraie « Europe cuirassée » selon l’heureuse formule de Maurice Bardèche dans L'Œuf de Christophe Colomb. Lettre à un sénateur d'Amérique (1951). Une bombe atomique d’échelle européenne et d’emploi strictement français peut contribuer à l’avènement d’une Europe plus consistante à la condition que les actuels dirigeants, des nabots insupportables, renoncent définitivement au wokisme ambiant, aux inepties de l’État de droit et à leur vassalisation lamentable envers l’Oncle Sam. L’ère s’annonce carnassière. Magnifique enjeu pour que les peuples européens retrouvent un caractère carnivore.

    Georges Feltin-Tracol (Euro-Synergies, 16 mars 2025)

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  • Penser notre identité...

    Romain Maréchal reçoit sur Impact Romain Petitjean, directeur du développement et de la coordination de l'Institut Iliade, pour évoquer avec lui la question de l'identité européenne.

     

                                            

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