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  • Le Nouveau Monde des puissances...

    Les éditions Librinova viennent de publier un essai de Gérard Dussouy intitulé Le Nouveau Monde des puissances - L'Heure de l’État-civilisation ?.

    Professeur émérite à l'Université de Bordeaux, Gérard Dussouy est l'auteur de plusieurs essais, dont Les théories de la mondialité (L'Harmattan, 2011) et Contre l'Europe de Bruxelles - Fonder un Etat européen (Tatamis, 2013).

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    " La Chine est, à la fois, l'acteur majeur de la transformation de la scène géopolitique planétaire et le symbole du changement civilisationnel global. En se posant comme État-civilisation, la Chine entend préserver sa pensée et son identité plurimillénaires, mais en même temps elle défit l'universalisme hégémonique occidental. Sa démarche a fait des émules telles que l'Inde, la Russie. La nouvelle bipolarité sino-américaine change la carte du monde désormais centrée sur l'Asie du Sud-Est. Elle se nourrit d'un antagonisme directeur qui remet au goût du jour les théories de l'équilibre mondial lequel se focalise sur la recherche d'un équilibre eurasiatique. À lui seul, cet impératif fait que la politique extérieure des États-Unis restera toujours la même, quelle que soit l'administration, républicaine ou démocrate, au pouvoir. Il est probable que ce même impératif finira par favoriser la résolution de la guerre russo-ukrainienne, en fonction des intérêts de Washington. En ce qui concerne l'Europe, son inexistence politique et le dépassement géopolitique de ses États-nations l'excluent du grand jeu diplomatique et stratégique. "

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  • Désoccidentaliser l’Europe...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Walter Aubrig et Olivier Eichenlaub, cueilli sur le site de l'Institut Iliade et consacré à la question de la désoccidentalisation de l'Europe.

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    Désoccidentaliser l’Europe

    Au sortir de la Première Guerre mondiale, en 1922, parut en Allemagne le second volume d’un livre à la destinée particulière, et à la postérité paradoxale : Le Déclin de l’Occident d’Oswald Spengler. Un siècle plus tard, en 2022, Michel Onfray intitulait « Fin de l’Occident ? » un numéro spécial de sa revue Front populaire, alors qu’Emmanuel Todd publiait en 2023 La Défaite de l’Occident. Le mot d’Occident est aujourd’hui plus que jamais dans toutes les bouches, accusant les accents dramatiques d’une fin de règne. Pourtant, sa signification a subi des revirements considérables.

    Ce qui a longtemps été l’acception commune de l’Occident, c’est ce qu’outre-Rhin, on appelle Abendland, le pays du couchant. Le terme porte en lui toute la charge romantique d’un temps où le monde était divisé en deux moitiés — l’Occident chrétien d’une part, héritier de l’Empire romain du même nom, l’Orient d’autre part, qui commençait à Byzance et s’étendait dans un continent asiatique encore mal connu. Cependant, cet Occident s’est peu à peu effacé au profit de l’idée d’Europe avec l’entrée dans la modernité, à la Renaissance. C’était l’âge des grandes découvertes, le début du nomos de la terre, pour parler avec Carl Schmitt. Dès lors, les Européens se sont définis non plus par rapport à un axe est-ouest, mais par rapport à un territoire : le continent européen dans sa confrontation avec le reste du monde. Ce n’est qu’au cours du XXe siècle, et singulièrement dans le face-à-face des grands blocs durant la guerre froide que le terme d’Occident a été remobilisé pour désigner une réalité aux implications toutes différentes : le grand Ouest, the Western World.

    Pour autant, et malgré cette rupture qui est à bien des égards pour l’Europe le synonyme d’une dépossession, la mobilisation de l’Occident comme notion de référence persiste, tout particulièrement auprès de ceux qui se veulent les défenseurs de l’identité européenne. Cet Occident n’est plus véritablement chrétien, et il prend de plus en plus les traits d’un « monde blanc » — une projection qui, au vu de la réalité ethnique de la société américaine, par exemple, pose évidemment des questions. La résurgence du terme suggère néanmoins l’idée qu’Occidentaux, Européens et « Blancs » sont unis dans leurs modes de vie et dans leurs relations avec le reste du monde du fait d’une matrice culturelle commune. L’entrée des troupes russes en Ukraine en 2022 ou de l’attaque d’Israël par le Hamas en 2023 ont encore favorisé la revendication du vocable, transposant ainsi un désir de reconnaissance identitaire dans le domaine des réalités géostratégiques. Son invocation semble d’abord avoir une valeur performative — on espère quelque chose de cet ensemble d’appartenance, on se cherche des alliés, voire des frères, au moment où les confrontations communautaires se font de plus en plus vives. Et comment, après tout, ne pas le comprendre ? Dans ce contexte, au regard de la situation géopolitique du XXIe siècle plus encore qu’avant l’effondrement du rideau de fer, il nous semble néanmoins que soutenir l’attachement de l’Europe à « bannière occidentale » relève d’une erreur historique fondamentale.

    Elle se fonde sur l’idée fallacieuse selon laquelle l’Occident pourrait aujourd’hui fournir l’occasion de fonder un nouvel équilibre géopolitique, en s’appuyant exclusivement sur la solidarité entre populations d’origine européenne, dont la « dispersion » est le résultat d’aventures coloniales anciennes. Cette opportunité offrirait des perspectives de salut inattendues, grâce au soutien d’une « diaspora européenne » homogène et bienveillante, répartie pour l’essentiel en Amérique du Nord, dans certains pays d’Amérique du Sud, en Afrique du Sud, ainsi qu’en Israël, et confrontée à des défis démographiques et des menaces civilisationnelles similaires à ceux qu’affrontent aujourd’hui les Européens. S’il est manifeste que des convergences se font jour en vertu de ces racines communes, et s’il est éminemment souhaitable que ces convergences aboutissent à des synergies fructueuses, rappelons néanmoins que la réalité des logiques géopolitiques propres à chaque continent est susceptible de compromettre considérablement, à terme, ces perspectives de cohésion. À moins qu’on ne se contente ici de simples discours susceptibles de légitimer ponctuellement la coïncidence des intérêts particuliers et de la générosité du cœur.

    Pourquoi alors ces racines communes ne priment-elles pas ? La plupart des nations « occidentales » situées sur d’autres continents sont issues d’un mouvement de colonisation ayant amené des populations originaires d’Europe à s’installer durablement au-delà des mers pour exploiter des terres qui semblaient à leurs yeux peu mises en valeur jusqu’alors, selon un processus comparable à celui qui conduisit sous l’Antiquité à la fondation de cités grecques sur le pourtour méditerranéen ou à l’expansion territoriale de l’Empire romain. Mais les nations anglo-saxonnes fondées jadis par des colons européens, à l’image des colonies grecques qui ont peu à peu échappé à la koinè qui les unissait à leur cité mère, se sont depuis longtemps émancipées de la tutelle du Vieux Monde, pour poursuivre légitimement la satisfaction de leurs intérêts propres, sur un territoire neuf permettant de démultiplier les possibles.

    Les États-Unis, auxquels on a d’abord tendance à se référer lorsqu’il est question de l’ensemble occidental, n’ont jamais cessé de revendiquer une « destinée manifeste », justifiant ainsi leur profonde rupture avec la tradition européenne, même si les élites américaines et anglaises ont continué de tisser depuis deux siècles des liens personnels et familiaux étroits. Cette rupture procède de l’idéologie des « pères pèlerins », du rêve messianique des communautés fondamentalistes protestantes qui quittèrent l’Europe pour vivre dans une société purifiée de la corruption du « vieux monde », aristocratique et monarchique. En dépit de références récurrentes à l’Antiquité grecque ou romaine, permettant de revendiquer, de manière plus ou moins légitime, l’héritage de la démocratie athénienne et celui de la mission « civilisatrice » de l’Empire romain, la « ville sur la colline » s’est dès ses débuts pensée comme une refondation de Jérusalem, pour laquelle le long détour historique par l’Europe n’avait plus guère de signification. Par ailleurs, l’histoire de l’Amérique s’est fondée sur un épisode anomique en rupture volontaire et totale avec les institutions alors en place en Europe : c’est le Far West, en tant que système d’organisation de la conquête territoriale et du peuplement, puis la guerre de Sécession qui ont servi d’acte fondateur à un Nouveau Monde et qui en constituent aujourd’hui encore la mythologie dans l’imaginaire collectif américain.

    Il en ressort qu’à bien des égards, la seule acception valable d’une « civilisation occidentale » est celle d’un canon de valeurs qui s’est diffusé de manière à peu près uniforme à la fin du XVIIIe siècle, par la cristallisation de ce que les historiens ont pu qualifier de « révolutions atlantiques », et dont les exemples américains puis français ne sont que les plus emblématiques. Un corpus philosophique projetant la fondation ex nihilo d’une société meilleure et d’un homme nouveau a ainsi pu emprunter les réseaux de puissance établis dans ce qui était alors encore la sphère d’influence de l’Europe triomphante. Les principes de liberté et d’émancipation individuelles, de démocratie, d’égalité devant la loi et de progrès devaient servir de socle à pères fondateurs des États-Unis, tandis qu’en Europe ils se manifestèrent comme le produit tardif d’une civilisation qui possédait sa dynamique propre, orientée par des traditions vives qui en avaient tracé la trame de fond, génératrice de structures politiques et sociales éprouvées par les siècles. Là encore, il s’agit donc d’un paradigme ancré dans le temps, et qui, justement parce que les Américains ont pu se délester du poids de l’héritage civilisationnel européen, a trouvé son expression dans des formes tout à fait différentes de part et d’autre de l’Atlantique.

    Ainsi, le rapprochement institutionnel de l’Amérique du Nord et de l’Europe sur fond d’adhésion commune aux valeurs de la démocratie libérale doit précisément être compris comme le symptôme d’une asymétrie des rapports de dépendance, voire de domination. Il s’est réalisé au profit de la « colonie », au détriment des nations européennes d’origine. Au cours des Trente Glorieuses et la Guerre froide, profitant de l’affaiblissement des puissances européennes dans le cataclysme des guerres mondiales, c’est bien le Soft power des États-Unis qui a permis à la puissance américaine de se prémunir contre une potentielle récession de son influence en consolidant sa domination culturelle, idéologique, économique et militaire sur l’ensemble du territoire européen dit « occidental ». En d’autres termes, si l’Amérique du Nord n’a jamais été pensée par ses fondateurs comme une colonie européenne, c’est l’Europe qui aujourd’hui, sous de nombreux aspects, est bel et bien spirituellement colonisée par les États-Unis, dont la stratégie d’expansion impériale porte de fait le nom d’Occident.

    Les nations et les peuples européens se voient aujourd’hui plongés dans une grande recomposition des équilibres géopolitiques. Ce contexte risqué pour les États d’Europe, à plus forte raison après l’élection de Donald Trump en novembre 2024, confronte désormais ses dirigeants au défi considérable du retour à la puissance.  Et ce défi ne pourra être relevé qu’au prix d’une désoccidentalisation de l’intérieur, d’un dépassement d’un ordre orienté par l’idéal illusoire des démocraties libérales. C’est dans sa tradition politique la plus pérenne qu’elle trouvera les ressources nécessaires pour insuffler une dynamique nouvelle à son destin civilisationnel, à la hauteur des enjeux à venir.

    Walter Aubrig et Olivier Eichenlaub (Institut Iliade, 6 janvier 2025)

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  • La dette française, risque géopolitique ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun cueilli sur Geopragma et consacré au risque géopolitique que fait peser la dette publique sur notre pays.

    Membre fondateur de Geopragma, Pierre de Lauzun a fait carrière dans la banque et la finance.

     

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    La dette française, risque géopolitique

    J’ai évoqué précédemment la question de l’endettement public, notamment de la France. Sujet maintenant bien familier à tous. Voyons comment cela s’inscrit dans le jeu des relations géopolitiques.

    Des dettes de nature profondément nouvelle

    Rappelons d’abord qu’il y a eu une expansion générale de la dette des pays développés depuis 40 ans, même si les situations varient selon les cas. Mais presque partout il ne s’agissait pas principalement de financer des investissements, mais des dépenses courantes. C’est le signe d’une incapacité à faire des choix collectifs rationnels. Ce qui n’est jamais de bonne augure en termes de puissance.

    Sous cet angle, le facteur majeur est le fait que la plupart de ces pays se financent pour l’essentiel sur les marchés financiers, qui sont volatils et capables de se retourner rapidement. Trop recourir à leurs services comporte donc un risque réel. Cela dit, dans un premier temps c’est l’inverse qui se produit. En effet il est bien plus facile d’y avoir recours qu’à tout autre source, et beaucoup moins cher. En outre, ils se révèlent d’une grande patience, et même d’une certaine cécité pendant de longues périodes. De ce fait, ils n’envoient pas les signaux avertisseurs en temps utile. Mais quand finalement ils perçoivent qu’il y a un problème, ils se retournent, et c’est la crise. On l’a vu avec la Grèce.

    Des situations très variables

    Toujours en termes de pouvoir, la question est très différente selon la monnaie et les créanciers. Les pays endettés dans une autre monnaie que la leur, principalement les pays en développement, ont connu régulièrement des crises de la dette depuis plus de 40 ans. Et cela s’est traduit par des restructurations humiliantes et coûteuses. Pour une souveraineté, c’est une rude épreuve. A l’inverse, on a les pays endettés dans leur propre monnaie. On passera sur les détails, mais comme ils contrôlent leur monnaie, qui sont désormais de pure convention, ils ne peuvent en principe pas avoir de vraie crise des paiements, puisqu’ils pourront toujours faire des dollars, yens, livre ou autres pour payer. Quitte à subir une hyper inflation et une crise des changes : ce serait évidemment un événement majeur, mais cela leur laisserait un contrôle relatif de leurs décisions.

    Et il y a enfin un cas très particulier, celui des pays de l’Union européenne. Ils ne sont pas endettés à proprement parler dans leur monnaie nationale, car l’euro est commun et géré par la BCE. Or les décisions de celle-ci résultent d’un équilibre entre des positions diverses ; les politiques internes de ces pays sont très différentes et leur niveau d’endettement très variable ; leurs intérêts divergent donc.

    A proprement parler, on ne sait donc pas déterminer à l’avance comment une crise significative se règlera en zone euro. De plus, en principe, la BCE ne finance pas les Etats ; même si en pratique elle l’a fait indirectement, par achats sur le marché secondaire, mais avec des limites. C’est donc une situation sans équivalent.

    Le cas de la France

    Dans ce contexte, la dette de la France est un cas particulier. Sa dette croît sans cesse, en valeur absolue et relative, du fait de déficits constamment supérieurs à la croissance du PNB. Cela fait des années que de nombreuses voix autorisées avertissent du risque croissant que cela représente. Mais sans écho réel, ni des politiques, ni sur les marchés. Ce n’est que tout récemment qu’on commence, et encore, ce n’est pas à la mesure du problème.

    Parmi les causes, deux principales. D’un côté, une incapacité toute particulière à mettre de l’ordre dans ses affaires et à se réformer, qui ne date pas d’hier. D’un autre côté, d’une situation favorable sur les marchés, car la France a longtemps été perçue comme un brillant second de l’Allemagne. Or dans le système financier mondial des sommes colossales doivent être placées, et dans une proportion appréciable sans risque ; les professionnels ont donc besoin d’une dette publique jugée telle. Mais l’Allemagne n’emprunte pas assez et sa périphérie non plus. Restait donc la France, qui en a bien profité et abusé.

    Cela dit, les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, et on ne peut continuer à emprunter indéfiniment, de façon de plus en plus élevée. Cela casse forcément un jour, même si on ne peut le prévoir avec précision. Un enfant de 10 ans peut le comprendre. Et quand, en plus, on se révèle politiquement ingouvernable, on tente le diable. Surtout si on est en Europe la seule à continuer dans ce sens.

    Que peut-il se passer maintenant ?

    On se placera ici dans l’hypothèse où la situation politique ne permet pas de redressement véritable à court terme. Dans ce cas, la crise est inévitable même si à nouveau on ne sait pas quand, surtout si comme la France on part d’une image favorable. Bien entendu, une rupture éventuelle serait précédée d’une période plus ou moins longue de dégradation, déjà entamée, notamment avec hausse du spread (différentiel par rapport à la dette allemande), puis difficulté à lever les capitaux voulus.

    Dans une hypothèse concevable mais optimiste, cette dégradation conduirait à une forme de sursaut, permettant une stabilisation relative, quoiqu’à un très haut niveau de dette, comme en Italie ou en Belgique. Cela resterait une situation risquée, mais peut-être tenable sur une certaine durée, quoique très coûteux ; cela impliquerait aussi qu’on resterait sous la surveillance des marchés. Mais même cela supposerait l’arrêt des déficits, du moins l’apparition d’un excédent primaire du budget, avant service de la dette. Concevable, cette évolution est à ce stade peu probable, au vu de la situation politique française. Et si cela se faisait en accroissant encore la fiscalité française, cela signerait l’étouffement du pays. Déjà d’ailleurs le poids des intérêts sera un handicap considérable.

    Reste alors le risque majeur, celui de la crise. On l’a dit, la difficulté des marchés est qu’on ne peut prévoir avec assurance le moment et les modalités d’une crise. Cela dépend de leur tendance du moment, des histoires qui y circulent (‘stories’), du reste de la situation mondiale etc. Ce n’est donc pas nécessairement à court terme ; cela peut prendre un temps sensiblement plus long. Mais sauf redressement vigoureux, à un moment donné il devient impossible de financer les sommes demandées.

    Il va de soi que la crise en question serait majeure et dépasserait largement le cadre de la France. On l’a vu, elle ne contrôle pas sa monnaie, qui est cogérée. En même temps, on ne voit pas comment traiter la question sans un volet monétaire. Il y aura donc ici une question difficile pour ses partenaires dans la BCE, les Allemands en premier lieu. Leur ligne politique exclut en théorie ce genre d’intervention massive, surtout au profit d’un seul pays, et alors même qu’ils se considèrent, non sans motif de leur point de vue, comme bien mieux gérés et plus ‘vertueux’. En outre, leurs électeurs sont terrifiés par le spectre, qui est loin d’être irréaliste, d’une forte reprise d’inflation. De plus, les stocks de dettes sont très différents de pays à pays, et donc monétiser la dette n’aurait pas du tout le même impact partout.

    Mais restera l’ampleur de la déflagration. Une action au profit de la France, au vu de son poids en Europe, serait par nature une opération énorme, sans précédent. Outre ce que pourrait faire la BCE, il faudrait jouer sur toute une panoplie : des restructurations de dette, l’action du FMI, peut-être d’autres mécanismes à inventer, etc. A cela s’ajouterait surtout ce qu’on appelle une conditionnalité :  une politique de rigueur et d’économies, qui dans ces cas est presque nécessairement grossière et brutale – avec pas mal de casse, non seulement sociale, évidemment, mais aussi par ses effets sur le tissu productif. Compte tenu de ce que l’on sait de la situation sociopolitique française, cela risque de ne pas être évident du tout et pourrait déraper gravement. Et d’ailleurs, quel gouvernement assumerait cela ?

    Perspectives

    D’un point de vue géopolitique, une question majeure sera celle de la suite, des effets ultérieur d’une telle dérive puis crise.

    En France d’abord. On a ici un banc d’essai intéressant, celui des pays d’Amérique latine après la crise des années 80. Au Brésil ou au Mexique, on a eu une stabilisation relative, même si on peut en discuter la pertinence. Mais pas en Argentine. Car la culture politique, marquée par le péronisme, n’a pas véritablement changé (du moins jusqu’à l’expérience Milei, en cours). Et le pays a connu crise sur crise, sur très longue durée. Dans quelle rubrique la France se situerait-elle ? On craint que ce ne soit pas dans la meilleure case.  

    En Europe ensuite. Pourquoi la France est-elle un cas, en outre symptomatique ? Il y a bien sûr les causes internes qu’on a citées, qui ont joué un rôle majeur. Mais il y a aussi un lien avec son rêve européen, plus précisément avec la manière particulière dont la classe politique française a vu l’Europe : elle a gardé en un certain sens des ambitions internationales, bien plus que la plupart des autres pays européens, mais elles les a transférées sur l’Europe. Elle n’a donc pas eu les réflexes d’un pays indépendant, qui sait ne pouvoir compter que sur lui-même, et qui d’ailleurs est averti plus tôt de ses errements éventuels (par des crises de change, par une difficulté à emprunter etc.). Elle a au contraire bénéficié d’une monnaie plus forte que ce dont elle est capable, et comme on l’a dit, d’un positionnement avantageux mais artificiel sur les marchés. Et, bien trop introvertie politiquement, elle n’a pas eu non plus le sens de ses responsabilités au sein de cette Europe.

    Or une crise du type de celle qu’on peut craindre remettrait radicalement en cause ce positionnement. Le brillant second deviendrait l’homme malade, pesant sur tous ; ce qui reste éventuellement de couple franco-allemand serait définitivement enterré ; les ambitions de puissance, s’il en reste, prendraient un coup très rude. On n’est donc pas dans le cas d’une Grèce qui serait simplement démultipliée par la taille. En supposant même que cela n’aboutirait pas à une dislocation des institutions européennes, cela impliquerait un redimensionnement majeur des relations en Europe. Au risque, bien sûr, de voir celle-ci s’affaisser encore un peu plus dans la vulnérabilité, l’absence d’ambition et la vassalité à l’égard de Washington.

    Pierre de Lauzun (Geopragma, 23 décembre 2024)

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  • Grande réinitialisation : que faire ?...

    Le 16 décembre 2024, Pierre Bergerault recevait, sur TV libertés, David Engels à l'occasion de la réédition dans une version augmentée de son essai intitulé Que faire ? - Vivre avec le déclin de l'Europe (La nouvelle Librairie, 2024).

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan, à l'Institut Catholique de Vendée ainsi qu'au Mathias Corvinus Collegium de Bruxelles, David Engels est l'auteur de trois essais traduits en français, Le Déclin - La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et, dernièrement, Défendre l'Europe civilisationnelle - Petit traité d'hespérialisme (Salvator, 2024). Il a  également dirigé deux ouvrages collectifs, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020) et Aurë entuluva! (Renovamen-Verlag, 2023), en allemand, consacré à l’œuvre de Tolkien.

     

                                             

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  • Renaud Camus et la destruction des Européens d'Europe...

    La revue Éléments et la Nouvelle Librairie ont récemment organisée une soirée en l'honneur de Renaud Camus à l'occasion de la publication de son essai intitulé La destruction des Européens d'Europe. Renaud Camus s'est ainsi entretenu avec Antoine Dresse, animateur de la chaîne Youtube Ego Non.

     

                                      

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  • Héros d'Europe...

    Les éditions Hétairie viennent de publier Héros d'Europe, un livre pour la jeunesse écrit par Audrey Stéphanie et illustré par Louise Bernard.

    Audrey Stéphanie est déjà l’auteur de Les audacieuses, héroïnes d’hier pour jeunes filles d’aujourd’hui (L’Étoffe des héros, 2020).

     

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    " Rien, dans ce livre, n’est le fruit de l’imagination.
    Tout y est vrai. Parce que nous avons une chance immense : notre passé regorge d’éclats et de noblesse, d’actions et d’aventures de gloire et de beauté.

    Autant de héros qui, des antiques Thermopyles au Japon moderne, ne demandent qu’à renaître à travers leur évocation… car les valeurs qu’ils incarnent sont immortelles et peuvent éclairer nos chemins d’aujourd’hui.

    Tel est le dessein de ces modestes pages : leur rendre hommage et entretenir la flamme.
    Mais commençons par le début, et découvrons ensemble les formidables exploits qu’ils ont accomplis… "

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