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europe - Page 2

  • L'Alliance USA / Israël en péril: vers la fin du néoconservatisme ?...

    Le 7 octobre 2025, Edouard Chanot recevait, sur TV libertés, Laurent Ozon pour évoquer avec lui les œuvres du néo-conservatisme au Proche-Orient et en Europe.

    Essayiste et analyste politique, tenant d'une écologie localiste et identitaire, premier promoteur de l'idée de remigration, Laurent Ozon est l'auteur de l'excellent essai intitulé France, années décisives (Bios, 2015) et tout récemment de Les néoconservateurs - Une élite impériale (Géopolitique profonde, 2025).

     

                                              

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  • Généalogie d'une identité interdite...

    Les éditions Hétairie viennent de publier un essai de combat de Julien Rochedy intitulé Qui sont les Blancs ? - Généalogie d'une identité interdite.

    Publiciste et essayiste, Julien Rochedy, qui est une figure de la mouvance identitaire, a déjà publié plusieurs essais dont Nietzsche l'actuelL'amour et la guerre - Répondre au féminisme, Philosophie de droite et dernièrement Surhommes et sous-hommes - Valeur et destin de l'homme (Hétairie, 2023).

     

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    "Les « Blancs » sont le sujet le plus controversé de notre époque. D’un côté, on répète qu’ils n’ont aucune réalité ; de l’autre, on parle d’eux sans relâche, toujours pour les blâmer. Partant de cette contradiction, ce livre propose la généalogie d’une empreinte ― climatique, culturelle, spirituelle ― qui a façonné une identité aux contours multiples mais toujours reconnaissable.
    Comment un même peuple, aux mille variations, s’est-il métamorphosé sans jamais cesser d’être lui-même ? Énergie, effort, militarisme, sens de la propriété, esprit d’indépendance, pragmatisme, curiosité, rationalité, individualisme, morale intériorisée, altruisme, sentimentalisme, universalisme, impérialisme, goût de la règle et de la liberté : autant de traits hérités, amplifiés et transmis pendant des millénaires jusqu’à nous.
    Ni autocélébration, ni autoflagellation ici : une enquête qui commence dans les hivers glaciaires et se poursuit jusqu’aux excès du XXe siècle, en passant par les cavaliers indo-européens, l’héritage gréco-romain, la matrice chrétienne, les invasions germaniques, la Renaissance, les Lumières et la révolution industrielle. Les Blancs existent-ils vraiment ? Et si oui, qui sont-ils ?

    Un essai personnel mais honnête ― polémique, certes, précisément parce qu’il ose affronter une question taboue et pourtant obsessionnelle, aux enjeux colossaux.

    - Un essai qui ose poser une question tabou et pourtant centrale : qu’est-ce qu’être blanc aujourd’hui ?
    - Un sujet brûlant, sous-jacent à mille débats, rarement traité de front.
    - Une enquête qui mêle histoire, anthropologie et philosophie.
    - Un angle inédit : comprendre l’identité blanche au-delà des clichés et des condamnations.
    - Enfin une synthèse sur l’identité européenne, qui manquait.
    - Une approche singulière : montrer la continuité identitaire des Blancs depuis des millénaires. Une histoire longue et passionnante.
    - L’explication causale de toutes les réussites, grandeurs et errements de la civilisation européenne.
    - Comprendre l’essentiel sur les Indo Européens, les Grecs, les Romains, les Germains, la Renaissance, les Lumières, la société industrielle, le nihilisme du XXe siècle.
    - Réfléchir sur l’incidence profonde du christianisme dans la longue durée européenne.
    - Découvrir pourquoi les Blancs sont fondamentalement les enfants du froid.
    - Savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va : de nos spécificités génétiques issues de la préhistoire au monde actuel.
    - Défendre une exceptionnalité civilisationnelle aujourd’hui en grand danger."

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  • L’Europe et le totalitarisme...

    Les éditions des Presses universitaires de Rennes viennent de publier sous la direction de François Hourmant un ouvrage collectif en hommage à Bernard Bruneteau intitulé L'Europe et le totalitarisme.

    Historien des idées, professeur émérite de science politique à l’université de Rennes, Bernard Bruneteau est un spécialiste reconnu des totalitarismes et a notamment publié  Le Totalitarisme : origines d’un concept, genèse d’un débat 1930-1942 (Cerf, 2010), Les « collabos » de l'Europe nouvelle (Cerf, 2016) et Le bonheur totalitaire - La Russie stalinienne et l'Allemagne hitlérienne en miroir (CNRS, 2022).  Professeur des universités en science politique, spécialiste d'histoire contemporaine, François Hourmant a notamment publié Les Années Mao en France (Odile Jacob, 2018).

    Les deux auteurs ont dirigé conjointement un ouvrage intitulé Le vestiaire des totalitarismes (CNRS, 2022).

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    " Avec la montée des populismes, la revitalisation des nationalismes et les tensions géopolitiques entre l’Europe et la Russie sur fond de guerre en Ukraine, l’œuvre intellectuelle et scientifique de Bernard Bruneteau prend un relief singulier. Centré sur les deux thématiques majeures qui furent au cœurouvrage  de son travail – l’Europe et le totalitarisme –, l’ouvrage propose une fertile confrontation entre le regard de l’historien, marqué par une nécessaire contextualisation, et celui du politiste, toujours tenté par la théorisation et la construction de modèles interprétatifs. Mise au point historiographique autour du concept discuté de totalitarisme et son caractère opératoire au cas de l’Italie, le livre plonge aussi dans les enjeux associés à la construction européenne et à la notion d’Empire. Il propose également des lectures originales qui font travailler ces notions qu’il s’agisse des liens entre le rugby et le nationalisme, le voyage des intellectuels dans l’Albanie stalinienne, la dimension orwellienne de la série The Prisoner ou encore le spectre d’Ayn Rand dans la série Mad Men, sans oublier les imaginaires associés à la Bretagne. Le livre en l’honneur de Bernard Bruneteau témoigne de l’importance des représentations politiques. Ces dernières ont en effet favorisé la création des identités collectives, alimenté les grands récits idéologiques en cimentant sur le plan rationnel et émotionnel les engagements, eux-mêmes adossés à une symbolique profuse, à des discours mais aussi à des scénographies et des liturgies politiques."

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  • Hybris : la démesure contre l’Europe...

    Nous reproduisons un point de vue de César Cavallère, cueilli sur le site de l'Institut Iliade et consacré à la question de l'hybris.

     

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    Hybris : la démesure contre l’Europe

     

    « Car le dieu frappe de sa foudre les créatures qui s’élèvent trop haut, sans se soucier des plus humbles. Le dieu frappe de sa foudre tous les êtres vivants qui se distinguent par leur taille et leur grandeur. Ainsi, il abaisse toujours ce qui dépasse la mesure. »
    Hérodote, Livre VII, chapitre 10

     

    L’interdit fondateur : aux origines européennes de la mesure

    Dans l’univers grec, le cosmos est ordonné, et chacun y a sa place. L’homme, les dieux, les héros, la nature coexistent dans un équilibre qu’il appartient à tous de conserver. La Moïra, force impersonnelle du destin, répartit les parts de gloire et de souffrance. Tout ce qui vit – et Zeus lui-même – s’y soumet. L’hybris, c’est vouloir une part de destin qui n’est pas la sienne. C’est Narcisse se noyant, énamouré par son image, Sisyphe se jouant de la mort et des dieux, le prévoyant Prométhée volant le feu divin, ou Icare, s’approchant de trop près du soleil en dépit des mises en garde de son père Dédale.

    Le mythe est la correspondance d’une éthique, d’une esthétique, d’une métaphysique. La tragédie attique, que ce soit chez Sophocle ou Euripide, incarne cette conscience du monde en tant qu’ordre fragile, constamment menacé par l’exaltation du moi. Dans Œdipe-Roi, ce n’est pas un crime volontaire qui provoque la ruine, mais le refus d’entendre le destin. Dans les Perses d’Eschyle, la défaite de Xerxès est celle d’un orgueil impérial aveugle. La tragédie enseigne : l’excès est une faute, non parce qu’il est moralement condamnable, mais parce qu’il viole l’harmonie du tout.

    La théorie de la pleonexia chez Platon, ou la critique de l’excès du désir et de l’envie de tout posséder, s’inscrit dans cette même logique. Dans la République, le philosophe dénonce la logique tyrannique comme issue de l’hybris individuelle : un homme qui désire tout finit par perdre la liberté des autres. Le tyran est le fruit de la démesure. Avec Socrate, les fondements d’une anthropologie politique de la limite ont été durablement établis. Tout à l’inverse, Calliclès, dans le Gorgias, fait l’éloge de l’hybris : il est le prototype du moderne avant la lettre, défenseur de la force contre la justice, de l’excès contre la mesure. Il tourne le dos au « Mêdèn ágan » (« Rien de trop ») inscrit sur le fronton du temple de Delphes.

    L’ordre tragique, ainsi établi, est double : l’homme est tenu à l’humilité par son rang naturel, mais il est aussi, par nature, tenté de s’en écarter. La tragédie, loin de dissuader de toute volonté de grandeur, en rappelle l’horizon : seul celui qui accepte de souffrir selon sa nature peut atteindre la vertu. La proposition grecque est celle d’une anthropologie posant que seule la connaissance des limites peut mener à la grandeur.

    D’Athènes à Rome : la continuité de l’interdit

    Contrairement à l’idée reçue, le christianisme ne rompt pas avec la métaphysique grecque du cosmos. Il en transforme les termes, mais pas la structure. Le Dieu unique remplace les dieux, la loi morale remplace la Moïra, mais l’hybris reste la faute par excellence. Le péché originel, c’est l’homme voulant devenir « comme un dieu ». Lucifer est ainsi déchu pour avoir voulu être l’égal du Créateur. Saint Jean nous dit que le dragon – représentation monstrueuse du diable – a entraîné avec lui « le tiers des étoiles du ciel », un désordre cosmique ! L’orgueil (superbia) devient la matrice de tous les péchés.

    Le monde médiéval fut un monde ordonné, structuré, hiérarchisé, où chaque chose avait son sens et sa place. La sainteté, la chevalerie, l’art gothique, le droit coutumier : tout visait à restaurer un ordre sacré. La société féodale est toujours celle de la tripartition indo-européenne, un ordre social établi sur la complémentarité, et l’inégalité protectrice.

    Les Pères de l’Église, Augustin en tête, ne font que christianiser un schème très ancien : l’homme ne peut accéder à la vérité ou au salut qu’en reconnaissant sa petitesse. La grandeur de l’homme est dans l’acceptation de son infériorité à Dieu. Cette vision n’est pas étrangère à celle d’Eschyle, chez qui Hybris a pour mère Dyssebeia, qui signifie « l’impiété ». Thomas d’Aquin définira plus d’un millénaire plus tard l’orgueil comme le désordre fondamental : la tentative d’acquérir la béatitude par ses propres forces. La faute n’est pas tant dans l’ambition que dans l’arrogance de croire que l’on peut se sauver seul. Relevons tout de même une nuance : le christianisme a universalisé l’hybris ; tous les hommes sont pécheurs.

    La littérature médiévale reprend cette structure tragique sous une forme nouvelle : la chanson de geste. Roland meurt pour avoir refusé d’appeler au secours en sonnant l’Olifant. Renaud, dans les Quatre Fils Aymon, doit suivre une quête expiatoire et restaurer l’ordre qu’il avait brisé dans l’empire de Charlemagne. Les héros sont toujours confrontés à la tentation de l’excès, et à la nécessité du sacrifice. C’est ce qu’Aristote appelait déjà l’hamartia, « la faute commise par le héros permettant le renversement du malheur en bonheur ou du bonheur au malheur ». Dans le christianisme, l’hamartia est comprise comme l’action du péché, qu’il soit commis par omission ou par commission, en pensée ou par sentiment, en parole ou en acte.

    Les figures bibliques ne témoignent pas d’une autre logique : l’ordre divin est juste parce qu’il est ordonné, mais le refus de cet ordre appelle toujours la sanction. À l’inverse, celui qui agit en conformité avec la volonté de Dieu est récompensé, comme c’est le cas d’Abraham, de Moïse ou de Noé. De même, l’Apocalypse de Saint Jean décrit le moment précédant la fin des temps comme celui du déchaînement de la démesure humaine.

    La modernité ou l’ère de la démesure

    Le basculement moderne n’est pas seulement politique ou scientifique : il est ontologique. Le cosmos se disloque au profit d’un sujet abstrait. La modernité nie le tragique et ne connaît plus de limite. Elle remplace l’hétéronomie par l’autonomie, la hiérarchie par l’égalité, l’ordre cosmique par le désir individuel. Elle produit Faust, Frankenstein, Hamlet. Le péché devient création, la faute, expérience. L’homme ne veut plus s’inscrire dans l’ordre du monde : il veut le refonder.

    Nietzsche, malgré sa nostalgie du tragique grec, participe de ce renversement. En exaltant la volonté de puissance, en sacralisant Dionysos contre Apollon, il légitime une démesure assumée, vitale, éruptive. Le mal n’est plus à fuir, mais à embrasser. Ce renversement ouvre la voie à toutes les transgressions modernes : biologiques, sexuelles, sociales. Dans le sillage de Faust, l’Occident devient alchimiste, individualiste, libertaire.

    Le romantisme puis l’existentialisme prolongent cette tendance. Le héros romantique est celui qui aspire à l’infini, et dont le désir consume l’âme. De Goethe à Byron, de Shelley à Camus, le héros se définit contre l’ordre. Mais ce héros finit seul, brisé, souvent suicidaire. Il incarne un Prométhée dénaturé, détourné de son sens pédagogique antique.

    Pour Giorgio Locchi, la modernité n’est pas seulement une époque, c’est un processus : celui de l’auto-affirmation européenne. Il parle d’européanité comme d’une histoire-sens, c’est-à-dire d’une dynamique intérieure par laquelle l’homme européen se projette dans un au-delà de lui-même, par la création, la volonté, l’action. À ce titre, l’hybris n’est pas une simple pathologie moderne : elle est une tentation propre à l’Europe. La tension entre la limite et son dépassement est un motif fondamental structurant la psyché européenne.

    Mais là où Locchi se distingue des modernes, c’est qu’il ne confond jamais dépassement et négation des limites. Il y a pour lui une tension constitutive de l’Europe entre l’élan prométhéen et la conscience tragique. L’homme européen, dit-il en substance, tend vers l’absolu — mais il sait qu’il ne pourra jamais l’atteindre. Cette tension, qui fonde le tragique européen, est aussi sa grandeur.

    Dès lors, l’hybris moderne — celle du posthumanisme, de l’égalitarisme intégral, du déracinement — n’est pas un prolongement ordinaire de l’élan européen : c’est sa dénaturation. Elle conserve la dynamique du dépassement, mais en détruisant le cadre symbolique, le mythe, la limite cosmique. L’hybris moderne est dévoyée parce qu’elle prétend à la liberté sans tragique, à la puissance sans destin, le dionysiaque sans apollinien. Le « prométhéen » n’est plus le prévoyant, mais plutôt, à l’image d’Épiméthée, celui qui agit avant de réfléchir.

    Afin de trancher avec le marasme des anthropologies modernes (société sans limites, droits sans devoirs, science sans conscience, art sans beauté), il faut à nos contemporains une proposition de retour à une éthique de la limite.

    Lutter contre l’illimité : vers un antimodernisme tragique

    Notre pensée, en filiation avec Nietzsche, mais contre les avatars modernes de sa pensée, réhabilite la notion de limite. Dominique Venner parle de « métaphysique de l’illimité » pour désigner l’essence de la modernité. Alain de Benoist souligne que la véritable identité européenne est tragique : elle reconnaît la mort, la fatalité, le destin. David Engels plaide pour un retour aux structures traditionnelles, hiérarchiques, inspirées du monde chrétien médiéval.

    Ce retour n’est pas réaction, mais renaissance. Renaître, c’est comprendre que le monde n’est pas à bâtir à partir de rien, mais à transmettre, à garder, à respecter. Cela implique de retrouver un sens de la mesure qui seul permettra la régénération d’un éthos européen. C’est cet équilibre qui est la condition pour refonder un art de vivre authentique.

    Nous sommes passés d’un monde tragique à un monde technique, disait Camus. Il est temps de quitter les « gouvernances » pour refaire le Politique, et délaisser l’anecdote des revues de presse pour reprendre l’Histoire. Cela passe par la restauration de l’esthétique tragique. Le héros n’est pas celui qui triomphe de tout, mais celui qui accepte sa part de souffrance et assène le grand « oui » au destin. Le politique n’est pas celui qui déconstruit les normes, mais celui qui veille sur l’harmonie. L’artiste n’est pas celui qui choque, mais celui qui révèle.

    Le combat contre l’hybris moderne passe aussi par une action culturelle, métapolitique, qui réintroduit le sens de la tragédie dans les esprits. Cela implique de redonner une voix aux mythes fondateurs, de revaloriser le sens du destin, de faire de la pensée et de la mémoire un acte vivant.

    Antigone et Achille doivent redevenir les modèles d’une anthropologie enracinée. Antigone désobéit, Achille déborde. La transgression de l’ordre n’est pas toujours une faute, elle peut être la clé d’une résolution dynamique. Mais c’est un dépassement dialectique que nous ne pouvons comprendre que dans une civilisation de l’Interdit.

    Répétons-le : la culture européenne ne fut grande que lorsqu’elle fut tragique. Non pas pessimiste ni résignée, mais lucide dans son rapport à l’histoire. C’est parce que l’homme européen savait que tout passe qu’il a bâti les cathédrales et écrit des épopées. C’est parce qu’il connaissait sa place dans le cosmos qu’il voulait tendre à bâtir une cité juste. C’est parce qu’il savait que la beauté est mortelle qu’il a enfin voulu la transmettre.

    Conclusion : pour un réveil tragique de l’Europe

    L’Europe contemporaine est une tour de Babel : elle parle toutes les langues sauf celle de la limite. Elle est faustienne, déracinée, marchande. Elle ne connaît plus que droit, contrat et jouissance.

    Il ne s’agit pas de revenir à l’ancien monde, mais de retrouver ce qui faisait la poésie de l’ordre ancien. Camus, dans L’Exil d’Hélène, disait que l’homme ne peut se passer de la beauté. Mais la beauté elle-même est limite. Elle est harmonie, règne des proportions justes, et non celui du quantitatif. Elle est tension, non-résolution. Réapprendre à vivre tragiquement, c’est refuser la fuite en avant du désir. C’est réintégrer l’homme dans un ordre où il serait à nouveau le moteur héroïque de l’histoire.

    L’avenir est à ceux qui sauront, selon la formule de Nietzsche, justifier le malheur. Non pour le nier, mais pour en faire une grandeur. Telle est la tâche qui attend les héritiers d’une civilisation tragique. Et cette tâche commence aujourd’hui, dans le silence, dans la transmission, dans l’éveil des consciences, face à un monde qui ne connaît plus que le déni du réel, et a troqué la contemplation pour la compensation. Dans le prolongement d’un Spengler, Locchi soutient que l’Europe ne pourra survivre qu’en redécouvrant une forme de grandeur tragique. Cela signifie : accepter le destin non comme une limite paralysante, mais comme une forme qui rend possible l’action.

    La question de la réintégration de la limite comme facteur de la régénération est un moment essentiel de la révolution métapolitique. Il est temps de rouvrir les tragédies, non pour les admirer, mais pour y puiser une discipline de l’âme. Il est temps de se réapproprier nos interdits, non pour les subir, mais pour y trouver la forme. Il est temps, en un mot, de redevenir Européens.

    César Cavallère (Institut Iliade, 18 août 2025)

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  • Entre Moscou et Washington, l’illusion eurosibérienne...

    Nous reproduisons ci-dessous  un point de vue de Balbino Katz (chroniqueur des vents et des marées !...), cueilli sur Breizh-Info et consacré à la question des rêves divergents entre les partisans de l'empire en Europe et en Russie...

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    Entre Moscou et Washington, l’illusion eurosibérienne

    Se rendre au bar de l’Océan, au , un dimanche midi est une épreuve, non seulement car il est souvent bondé, mais parce qu’il est fort malaisé d’y accéder par la rue de la Marine, changée en marché et noire de monde où l’on avance au pas. Pour y parvenir, je choisis les quais, longeant les chalutiers à l’arrêt. Je savais qu’à cette heure mon amie Paule, cette dame sinisante d’esprit sagace, serait sans doute là. J’avais grand intérêt à l’entretenir de cette rencontre à Washington où le président Zelensky, escorté d’une cohorte d’Européens, allait implorer auprès de Donald Trump quelque esquisse de cessez-le-feu.

    Discuter de la Russie avec mon amie est toujours profitable. Elle ne l’envisage pas comme un simple État, mais comme un empire de glaces, dont la capitale, Moscou, a trop longtemps été perçue comme une copie imparfaite de l’Occident, alors qu’elle puise ses rites et sa majesté jusque dans l’héritage de Pékin. Qui se souvient encore que le protocole de la cour impériale russe s’inspirait de celui des empereurs chinois, fruit lointain des chevauchées asiatiques qui avaient pénétré jusqu’au cœur de l’Europe orientale ?

    En marchant, mes pensées s’envolèrent vers Bruxelles, dans ces années 1980 où j’avais rencontré Jean Thiriart. Il avait façonné une partie de l’imaginaire de la droite radicale par sa vision d’une Europe euro-sibérienne. Je m’étais laissé séduire par cette logique de projection continentale, qui promettait à l’Europe un destin impérial de Vladivostok à Dublin. Je me souviens encore du manifeste que j’avais rédigé sous le titre « Pour que la France et l’Allemagne rejoignent le pacte de Varsovie », texte que Guillaume Faye avait relu et encouragé. Placardé sur les murs de la péniche à Sciences Po, il avait désarçonné les communistes, qui nous haïssaient, autant qu’il intriguait la droite libérale, qui nous croyait des leurs. Ce fut un instant d’ambiguïté délicieux, presque schmittien, où l’ami et l’ennemi échangeaient leurs masques.

    C’est dans ce climat intellectuel que j’avais adhéré à l’association France-URSS. Le premier article que je publiai dans leur revue éponyme fut une chronique anodine sur l’exposition d’un peintre russe à Paris, mais pour moi il signifiait un pas de plus : j’entrais dans l’âge adulte avec la conviction d’un destin euro-sibérien, nourri par Thiriart, par la mouvance de la Nouvelle Droite, et par une franche hostilité à tout ce qui portait l’empreinte américaine.

    Je dois ici dire combien j’ai aussi subi l’influence de la revue Elements comme celle d’Alain de Benoist dont la phrase provocatrice qu’il avait lancée : « je préfère porter la casquette de l’Armée rouge plutôt que manger des hamburgers à Brooklyn » m’avait fortement marqué. Jean-Yves Le Gallou s’en est souvenu dans sa contribution au Liber amicorum Alain de Benoist – 2 :  « Quel tollé ! On criait alors au scandale, au moment même où les chars soviétiques semblaient à une étape du Tour de France. Imprudence pour un journaliste de Valeurs actuelles, assurément pas le meilleur moyen de faire fortune, d’être décoré de la Légion d’honneur et d’entrer à l’Institut. Mais quelle lucidité, quand on mesure, quarante ans plus tard, les ravages de l’américanisation du monde ! L’empire, l’empire américain, l’empire marchand fut ensuite et reste encore au centre de ses critiques. Cette condamnation du « système à tuer les peuples », selon le titre d’un livre de Guillaume Faye paru aux éditions Copernic, garde aujourd’hui une pertinence absolue.»

    Puis vint la fin du monde communiste. La désillusion fut rapide, brutale. Ce que nous avions rêvé comme un titan politique n’était qu’une société en ruine, minée de contradictions. Et l’arrivée, dans mon horizon, d’Alexandre Douguine m’obligea à mesurer l’abîme. Ses paroles révélaient que la Russie ne pensait pas comme nous, qu’elle ne voulait pas ce que nous voulions.

    Thiriart, que j’avais tant admiré, restait un rationaliste. Son Eurosibérie était une construction géopolitique, laïque, matérialiste, où l’Europe et la Russie devaient fusionner pour rivaliser avec l’Amérique. Douguine, lui, parlait un autre langage. Là où Thiriart ne voyait qu’un équilibre des puissances, il voyait une mission quasi divine. Là où Thiriart rêvait d’un État continental centralisé et moderne, Douguine convoquait l’orthodoxie, la métaphysique et la mémoire impériale.

    Les différences étaient béantes. Thiriart voulait dépasser les petits nationalismes pour bâtir un peuple continental, rationnel et uniforme. Douguine, lui, affirmait la singularité russe et son rôle messianique, au cœur d’un empire pluriel, bigarré, tourné vers l’Orient. Thiriart voyait l’ennemi principal dans l’atlantisme américain, tandis que Douguine désignait la modernité occidentale tout entière comme l’adversaire à abattre. L’un était stratège, l’autre prophète. L’un citait Schmitt, l’autre Evola.

    Alors j’ai compris que ces deux visions ne se rejoindraient jamais. L’Eurosibérie de Thiriart ne trouverait pas son ciment en Russie, et l’eurasisme de Douguine n’admettrait jamais l’Europe comme partenaire, mais seulement comme province sous tutelle. C’est là que s’est brisée pour moi l’illusion eurosibérienne. Douguine, en s’imposant comme la voix d’une Russie redevenue impériale, a mis fin à ce rêve pour toute une génération européenne. Il a révélé, par sa vigueur même, que notre projet n’était qu’une chimère née sur le papier.

    J’avais cru que nos deux demi-continents pouvaient s’unir dans un même élan. J’ai découvert que les Européens, concentré de faiblesses intellectuelles et morales, sont incapables de ce grand dessein, et que les Russes, enfermés dans leur univers mystique et tragique, ne songent qu’à eux-mêmes.

    En dépassant le kiosque des balades en mer de Soizen, juste en face du bar, la conclusion m’était venue naturellement : nous, Européens d’extrême Occident, sommes coincés. Coincés entre un empire russe auquel nous ne sommes pas compatibles, et un voisin hyperpuissant, les États-Unis, qui représentent tout ce que nous ne sommes pas. Dans notre faiblesse intellectuelle, morale et militaire, nous n’avons d’autre recours que de tendre la main, tantôt vers l’un, tantôt vers l’autre, pour obtenir le droit de survivre.

    J’ai compris ce jour-là que Douguine, par la vigueur de son verbe et la certitude de sa foi, avait clos un cycle. Il était le fossoyeur du rêve eurosibérien, celui qui révélait que la Russie n’avait jamais voulu partager notre destin mais seulement nous absorber. En l’écoutant, j’ai reconnu la fin d’un monde, le nôtre, et Spengler n’avait pas tort : l’Europe chancelle, elle se recroqueville comme un vieil arbre dont les racines pourrissent sous terre.

    Et pourtant, tout n’est pas perdu. Notre péninsule, aussi malade qu’elle paraisse, n’est pas encore tout à fait morte. Elle ressemble à ce corps fiévreux que la médecine croit condamné mais qui attend, peut-être, l’électrochoc qui réveillera son pouls. Le souffle peut revenir, si la volonté renaît.

    Balbino Katz, chroniqueur des vents et des marées (Breizh-Info, 19 août 2025)

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  • La Pologne, son identité, son histoire et sa place dans l’Europe...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Stanisław Jegliński, journaliste et parfait francophone, à Ego Non et consacré à la Pologne, à son identité, à son histoire et à ses relations complexes avec ses voisins. A l’heure où l’État polonais semble regagner un certain poids sur le continent, il convient de s’y intéresser, sous peine de ne pas saisir tous les enjeux en cours.

     

                                               

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