Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Points de vue - Page 45

  • À droite comme à gauche… encore un effort pour parler aux Français !

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré aux enjeux politiques au niveau de l'Union européenne ...

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste localiste intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

    hervé juvin, gafam, europe, union européenne, green deal, insécurité identitaire, immigration, société multiculturelle

     

    À droite comme à gauche… encore un effort pour parler aux Français !

    Les élections européennes de 2024 se rapprochent et les appétits s’aiguisent. Passons sur l’envie banale d’accéder au statut de député européen — qu’en restera-t-il en 2029 ? Partis et mouvements divers comptent sur l’élection européenne pour confirmer leur dynamique, ancrer leur présence, ou simplement continuer d’exister. Tous travaillent à leur discours sur l’Europe, l’Union européenne, son ambition ou ses dérives.

    Le risque est que les citoyens des Nations d’Europe n’entendent rien à cette musique convenue — pour ou contre l’Union, la Commission, les traités, l’euro, l’élargissement à l’Est, les dérives fédéralistes ou impériales, etc. Tout cela est bien loin de ce qui compte pour eux — avoir chaud cet hiver, bien se nourrir à bon prix, vivre en paix chez soi… Le piège européen est grand ouvert, qui consiste à focaliser le débat sur des questions, comme la forme politique de l’Union, ses institutions, son état de droit, qui occupent les folles journées du Parlement européen, mais n’ont rien à voir avec les préoccupations des citoyens européens. Ces thèmes rebattus détournent l’attention de l’essentiel. Et le risque est que le vide politique dans lequel s’abîment les institutions européennes contamine les partis en Europe, et aussi en France.

    Qu’est-ce qui compte ? C’est la question, la seule, à laquelle tout candidat, tout militant, devrait s’efforcer de répondre.

    Vivre en paix chez soi. Comment rétablir les contrôles aux frontières, la maîtrise du droit d’accès et de résidence sur leur territoire dont dépend leur sécurité ? Comment restaurer les conditions d’une paix durable avec la Russie ?

    Rester libres. Comment défendre nos libertés individuelles contre la dictature digitale qui s’avance, rétablir en Europe la liberté d’expression, de pensée et de débat ? Comment affirmer l’autonomie stratégique des Nations d’Europe et faire passer leurs intérêts communs avant toute autre priorité ?

    Préserver notre mode de vie. Comment lutter contre la folie verte du Green Deal qui multiplie les zones d’exclusion sociale, et pénalise les indépendants au bénéfice des grands groupes, pour faire de la priorité écologique le moyen de bien vivre chez soi ?

    Sur ces trois sujets, il y a urgence.

    1 ) La réalité de l’insécurité identitaire autant que physique se diffuse avec l’immigration imposée aux communautés locales, elle grandit avec la dissolution voulue des appartenances familiales et locales. En France comme en Suède, en Italie comme en Allemagne, il n’est plus possible de nier l’échec de la société multiculturelle. La misère sociale que provoque l’invasion migratoire s’étend et ne peut plus être niée. Les socialistes ne veulent pas voir que le problème social d’aujourd’hui est moins dans les conditions de travail que dans l’insécurité dans les transports et l’incivilité des clients. Il est moins dans la faiblesse des rémunérations que dans cet impôt invisible que fait payer l’insécurité généralisée. Combien de vendeuses, d’employées, à le dire ? Leur problème « social » n’est pas le travail dans Paris, à Auber ou au Palais Royal — c’est le retour à Sarcelles ou Saint-Denis. L’incapacité des gouvernements comme de l’Union à reconnaître les faits, et à accorder la priorité à la sécurité des Européens, est la première faillite de l’Union, celle qui la confronte aux promesses non tenues de l’ouverture et plus encore, à son irréalité.

    2) La folie verte qui sévit dans l’Union européenne détruit le mode de vie des Européens. La « RSE », qui impose aux entreprises au nom de l’environnement une idéologie importée des États-Unis, la taxonomie par laquelle l’Union européenne détruit les exploitations agricoles familiales comme les indépendants, le « Green Deal » qui condamne l’industrie européenne, sont des agressions majeures contre la vie de nos territoires. Plus rien n’échappe au verdissement forcé, des cuisines aux marchés de Noël et des parkings aux salles de bain ! Il est désolant de constater qu’à ce jour, sur des sujets qui font la vie, des communistes quand il en reste aux socialistes éteints, et des républicains aux Nationaux, nous n’entendons rien.

    Rien sur la dictature verte qui menace les libertés fondamentales, y compris le droit de propriété (mise sous condition de « coefficient énergétique » vertueux de la location et bientôt de la vente des maisons et appartements, qui équivaut à une expropriation forcée). Rien non plus pour la défense des modes de vie populaires. Aucun parti ne fait le lien d’évidence entre écologie et ordre naturel, écologie et proximité, écologie et organisation spontanée des sociétés humaines — s’il faut sauver les ours polaires, pourquoi ne pas sauver les derniers peuples de la jungle, de la toundra ou de la mer ? Et les bergers de la Maurienne, les éleveurs de l’Aubrac, et les artisans boulangers de partout ? Aucun parti ne dénonce l’escroquerie qui enferme les PME, les artisans, les indépendants dans un enfer de normes, de déclarations et de critères favorable à ces groupes multinationaux financeurs des ONG et Fondations qui rédigent les textes européens !

    Rien non plus sur l’exclusion des propriétaires de véhicules anciens des centres-ville, évidente discrimination sociale si confortable aux bourgeois en trottinette ! Que disent les partis contre un système d’aides agricoles européen qui, en Roumanie, est concentré à 90 % sur 1 % des exploitations au détriment de la petite propriété familiale ? Lequel propose de remettre l’écologie sur ses pieds, une écologie humaine, au service des communautés établies sur leur lieu de vie, adaptée à leur niche écologique, riches des biens communs fournis par la nature, la vie, le sacré ?

    3) Le pouvoir numérique enfin monte dans un silence assourdissant. Quelles influences, ou quels intérêts, anesthésient des chefs de parti si prompts à dénoncer les violences policières, ou la petite délinquance ? Le pillage des données par les Amazon, Google, etc., est tel qu’il faudra bientôt parler de l’enfer numérique. À l’inverse de tout ce que promettait l’agora d’Internet, ouverte à tout et à tous, le numérique est devenu le tombeau de la liberté d’expression, et signe l’arrêt de mort des libertés d’opinion, d’expression et de débat ; la révélation des « Twitter files » et de la désinformation massive orchestrée par Twitter contre Donald Trump et les républicains est accablante.

    Qu’une prétendue « gauche » condamne la levée de la censure qu’exerçait Twitter sur les opinions non conformes depuis son rachat par Elon Musk illustre jusqu’à la caricature l’étonnante conversion de ceux qui criaient ; « il est interdit d’interdire ! » et qui sont devenus les flics de la pensée et les fossoyeurs des libertés populaires — derrière tout socialiste, derrière tout militant de l’ultra-gauche, un policier et un juge se cachent. Dernier recours de ceux qui ont perdu le peuple, mais sont invités à Davos ! Le totalitarisme numérique que préparent pass vaccinal, monnaie numérique et identité numérique ouvre des abîmes devant nos démocraties. Il condamne les partis qui n’auront rien compris, rien anticipé, rien refusé.

    L’élection européenne se jouera sur la capacité des partis à répondre à de tels enjeux, et d’abord à les identifier, les exprimer et s’en saisir. La paix, la sécurité, les libertés… Qui peut représenter les citoyens des Nations d’Europe sans se prononcer sur les conditions de la paix, sur la défense des modes de vie d’Europe, sur la souveraineté des Nations et leur autonomie ? Dans les mois à venir, il faudra aux partis, aux groupes et aux candidats, beaucoup de lucidité pour éviter le piège de la confusion européenne, ne pas s’enferrer dans les débats abscons sur la place de la Commission, la révision des traités, le rôle du Conseil ou l’impérialisme européen. Les Localistes européens ! s’emploieront à le dire. C’est qu’il y a urgence. Et l’échec annoncé par certains de l’Union pourrait bien emporter, au-delà des européistes, ceux qui se seront laissés prendre au jeu de diversion, de confusion et d’enfumage devenu le fonds de commerce des institutions de Bruxelles. 

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 15 décembre 2022)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • L’Allemagne moderne, un cabinet de curiosités...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de David Engels, cueilli sur Putsch (!...) et consacré à l'affaire du complot d'opérette démasqué par la police allemande...

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan après avoir été professeur à l'Université libre de Bruxelles, David Engels est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019). Il a  également dirigé un ouvrage collectif, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020). 

    Putsch.jpg

    David Engels : « Le putsch des retraités – ou : L’Allemagne moderne, un cabinet de curiosités »

    Vue de l’étranger, l’Allemagne moderne fait de plus en plus penser à un cabinet de curiosités. Et ce n’est pas seulement la compassion pour les participants involontaires qui empêche l’observateur étranger de se doter d’un paquet de chips et de savourer le spectacle, mais aussi la peur sérieuse d’être entraîné de force sur la scène.

    De quoi s’agit-il ? Le 7 décembre 2022, un grand déploiement de 3000 policiers ont effectué plus de 150 perquisitions et deux douzaines d’arrestations. Dans le collimateur se trouvait un « groupe terroriste » qui aurait planifié le « renversement » de la République fédérale d’Allemagne et qui aurait voulu imposer un nouveau gouvernement. Il s’agissait de la plus grande opération spéciale de police dans l’histoire de l’Allemagne moderne, et la quasi-totalité de la presse allemande s’est montrée dûment choquée par cet horrible danger évité de justesse. Même la vénérable FAZ a écrit qu’il s’agissait d’un « coup d’État comme on en trouve dans les livres. Se basant sur des ‘associations patriotiques’, sur l’armée, sur le meurtre et la violence, couronné par un assaut sur le Bundestag, un nouvel ordre devait être établi en Allemagne. »

    Mais ce qui est censé ressembler à une scène de la vie de Napoléon III se révèle plutôt être une farce surréaliste quand on y regarde de plus près (du moins dans l’état actuel de nos connaissances). La plupart des personnes arrêtées ont largement dépassé l’âge de la retraite ; le prince « Henri XIII », prévu comme futur monarque de l’Allemagne, est un vieil aristocrate de 71 ans, manifestement légèrement dérangé et qui a tenté de « fuir » la police en utilisant son monte-escalier ; les « terroristes » demandaient conseil à deux voyants avant d’accepter de nouveaux conjurés ; et les préparatifs pour la « terreur » et le « coup d’État » consistaient (au total) en un peu plus de quelques milliers d’euros en espèces ainsi que des réserves de nourriture, une arme (probablement légale) et quelques pistolets de carnaval…

    En dépit de cette menace relativement circonscrite pour la survie de la démocratie allemande, le 7 décembre 2022, le parti social-démocrate allemand, actuellement au pouvoir, a tweeté de manière grandiloquente : « Notre démocratie reste défendue ! La plus grande opération antiterroriste de notre histoire a permis d’éviter un coup d’État. » Mais comment cette poignée de retraités mécontents aurait-elle réellement pu entreprendre de renverser la République fédérale d’Allemagne et de justifier ainsi l’intervention de 3000 policiers (alors que les « quartiers à problèmes » sont laissés à l’abandon par manque d’effectifs) ? Les 20 à 30 putschistes séniors allaient-ils se présenter au milieu de groupes de touristes espagnols et japonais devant le parlement, la chancellerie et les ministères clés pour déloger les forces de sécurité à l’aide de béquilles, de déambulateurs, de pistolets de carnaval et de boîtes de raviolis, « occuper » les installations labyrinthiques par un coup de main, puis « dissoudre » le gouvernement – avec un effectif maximal de deux seniors par ministère ? Difficile d’imaginer que tout cela ait jamais été autre chose qu’une fantaisie démesurée d’une poignée d’opposants du troisième âge, frustrés par le gouvernement…

    Évidemment, la surréalité de la situation ne doit pas faire oublier la possibilité réelle qu’un jour, l’un ou l’autre des putschistes pensionnés aurait pu, en effet, causer quelques dégâts matériels, voire même corporels, de sorte que l’élucidation de ce jeu de rôle biscornu est tout à fait bienvenue. Toutefois, l’histoire nous apprend qu’un véritable coup d’État se prépare un peu différemment… Et si nous voulons vraiment envoyer des centaines de policiers à la poursuite de tout groupe de retraités se livrant à des fantasmes politiques compensatoires sur le net, que faudrait-il faire alors des déclarations de bon nombre de groupes écolo-gauchistes proches du gouvernement, pour lesquels le terrorisme, la révolution, la dictature et l’expropriation ne font pas seulement partie de leur rhétorique quotidienne, mais sont inscrits ouvertement dans les programmes et même applaudis par les principaux médias – et ceci non seulement en Allemagne… ?

    Néanmoins, il y a derrière toute cette histoire rocambolesque plus qu’une simple hystérie collective. En effet, pensons à l’affirmation immédiate des politiques, des médias et de la société civile selon laquelle la « menace terroriste » qui venait d’être écartée de justesse prouverait que le plus grand danger pour la démocratie allemande viendrait de cette nébuleuse « droite » qui, selon la ministre de l’Intérieur Faeser, compterait déjà des sympathisants « bien au centre de la société ». Et il est déjà sérieusement question de changer la législation allemande afin de pouvoir limoger sans justification toute personne soupçonnée de convictions anti-démocratiques du service public : ce serait désormais à l’inculpé de prouver son innocence, non à l’employeur la culpabilité de ce dernier. Les extrémistes de droite, les anti-vaccins, les euro-sceptiques, les défenseurs de la vie, les intellectuels conservateurs, les catholiques traditionalistes, les aristocrates, les démocrates-chrétiens et même les libéraux – tous se trouvent désormais cuisinés à la même sauce afin de crédibiliser le spectre d’un renversement « fasciste » imminent de la République fédérale. Et bien évidemment, ce renversement ne pourra être évité que par (vous l’aurez deviné) une mise au pas idéologique écolo-gauchiste encore plus résolue de la République fédérale et une exclusion accrue de tous ceux qui ne font pas explicitement, dans leur profession, leur cercle d’amis, leur famille et leur vie politique publique, preuve de cette allégeance idéologique exigée encore et encore.

    Le fait que les « putschistes » auraient compris effectivement une ancienne députée du parti populiste conservateur AfD, ainsi que quelques policiers et officiers de l’armée fédérale à la retraite, tombe à pic. Même si, pour le moment, toute la situation reste fort confuse et qu’il n’est pas certain que tous les accusés fassent véritablement partie des « putschistes », le scandale renvoie néanmoins à la fonction que ce parti a désormais prise au sein du paysage politique allemand, et dans laquelle les médias, la politique et les services de protection de la Constitution l’ont littéralement poussé : il sert d’épouvantail officiel pour créer un bassin dans lequel on peut détourner tout courant d’opposition sans risquer qu’il ne devienne souterrain et donc dangereux, tandis que son discrédit massif garantit en même temps que le parti ne pourra jamais dépasser une certaine masse critique de soutien à l’échelle nationale.

    La « droite », c’est donc ainsi que s’appelle, et non seulement en Allemagne, cette nouvelle caste d’intouchables, et la gauche ne veut en aucun cas les bannir de la cité, mais plutôt les clouer au pilori de manière visible pour tous afin de resserrer ses propres rangs et de servir d’avertissement à ceux qui seraient encore politiquement indécis. Ainsi, la « répression » grandiloquente du putsch des retraités est un nouveau jalon, peut-être décisif, sur la voie de la consolidation institutionnelle de l’idéologie « woke » en Allemagne. Et l’on peut s’attendre à ce que l’événement soit exploité de la même manière que la « prise du Capitole » aux États-Unis : comme un état d’urgence médiatique permanent, maintenu artificiellement en vie, et qui peut être utilisé à tout moment pour discréditer des personnes, des partis ou des idées qui déplaisent, sans pour autant les interdire complètement – la soupape de sécurité idéale pour ne laisser échapper de la chaudière que la vapeur nécessaire pour rendre la pression supportable…

    David Engels (Putsch, 20 décembre 2022)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Projet de loi sur l’immigration au parlement : une grande imposture...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de S. Quintinius cueilli sur Polémia et consacré au projet de loi sur l'immigration qui sera présenté prochainement par le gouvernement.

     

    Image 22-12-2022 à 17.05.jpg

    Projet de loi sur l’immigration au parlement : reculer pour mieux sauter

    Le 15 novembre, Pierre Brochand, un ancien directeur des services secrets et ambassadeur, a prononcé un discours sur l’immigration à l’amicale gaulliste du Sénat. Il a lancé une sévère mise en garde aux sénateurs présents : « soit on reste benoîtement dans les clous et on se borne à accompagner le phénomène, en votant, tous les 3 ou 4 ans, des lois qui font semblant de traiter de l’immigration, mais qui, en fait, relèvent de sa gestion administrative et technocratique. Ce n’est que reculer pour mieux sauter. Soit on réussit à se dépêtrer de notre camisole et à reprendre, en faisant enfin preuve de volonté politique, le volant du camion fou qui roule tout seul depuis 50 ans » (1).

    Les grandes lignes du texte de loi sur l’immigration qui sera examiné au parlement à partir du mois de janvier laissent craindre qu’une nouvelle fois, le gouvernement va reculer, en refusant de prendre les mesures véritablement à même de réduire les flux migratoires considérables et excessifs que connait la France depuis plusieurs années.

    Le présent article consacré au projet de loi sur l’immigration comporte 4 parties :

    1- Les lois successives sur l’immigration : avant tout, une gestion des flux subis
    2- La genèse de l’actuel projet de loi
    3- Les constats parfois réalistes du gouvernement
    4- Des propositions insuffisantes ou inadaptées

    1- Les lois successives sur l’immigration : avant tout, une gestion des flux subis

    De la loi Pasqua en 1986 à la loi portée par l’ancien ministre de l’intérieur Gérard Collomb en 2018, près de 21 lois sur l’immigration ont été adoptées en 32 ans. À chaque fois, le ban et l’arrière-ban des partis politiques et des associations immigrationnistes réussissent à les infléchir et à éviter un soi-disant « durcissement » du droit des étrangers.

    En 2018, la loi asile et immigration devait, en contrepartie de l’octroi de moyens considérables dédiés à l’accueil des migrants, faciliter l’éloignement des demandeurs d’asile déboutés. 4 ans après, qu’en est-il ? Les demandes d’asile ont continué à augmenter, les déboutés se maintiennent plus que jamais ultra majoritairement en France.

    Si les timides mesures « restrictives » que cette loi contenait sont restées largement virtuelles, les contreparties du volet « accueil » ont bel et bien permis aux flux d’extra-européens de continuer leur augmentation constante. Cette loi comme les précédentes adoptées dans le passé n’ont aucunement permis d’infléchir la tendance inquiétante de l’immigration subie en France. On peut sans trop s’avancer prédire le même sort à la loi sur l’immigration présentée au parlement début 2023.

    2- La genèse de l’actuel projet de loi

    Fin juillet 2022, après plusieurs faits divers impliquant des clandestins, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin annonçait une loi « pour la rentrée » visant à faciliter les éloignements des étrangers en situation irrégulière (2). Le président de la République n’a pas tardé à reprendre les choses en main afin de ménager l’aile gauche de la majorité parlementaire. Le 15 septembre, dans un discours aux Préfets, Emmanuel Macron annonçait le dépôt début 2023 d’un projet de loi relatif à l’asile et à l’immigration dans la République. Fin novembre, des consultations étaient organisées avec, selon l’expression consacrée, les groupes politiques et les acteurs concernés (3). En marge de cette concertation, de nombreuses associations et ONG s’adressaient à Elisabeth Borne afin d’extirper du projet de loi certaines des mesures un tant soit peu restrictives qu’il contient (4).

    Dans un savant exercice sur l’air du « en même temps », le 13 décembre, Gérald Darmanin martelait dans son propos introductif à un débat au sénat sur l’immigration les éléments de langage censés résumer le projet de loi : fermeté, simplification, intégration, travail. Si l’on peut donner quelque crédit au volet accueil, celui relatif à la fermeté reste à ce stade largement hypothétique.

    3- Les constats parfois réalistes du gouvernement

    Le ministère de l’intérieur a rendu public le 6 décembre un document de présentation du projet de loi sur l’immigration (5). Quelques jours auparavant, il avait remis aux « acteurs concernés » un résumé plus fourni dans le cadre de la concertation entamée par le gouvernement les 22 et 23 novembre (6). Partant de 10 constats, le ministre de l’Intérieur, qui porte le projet avec le ministre du travail, aboutit à la formulation de 3 axes de propositions.

    Le document du gouvernement fait le constat à partir de statistiques officielles d’une accélération de l’immigration en France. La part de la population immigrée dans la population totale ne cesse de croitre, avec une accélération notable depuis le début des années 2000. L’immigration choisie, de travail, est très minoritaire, par rapport à celle issue de droits individuels (regroupement familial, asile). Elle représentait en 2021 seulement 13 % des premiers titres délivrés.

    Le premier motif d’immigration légale en France est le regroupement familial (88,2 K nouveaux titres de séjour délivrés en 2021). Les ressortissants de pays tiers à l’UE présents en France au titre du regroupement familial étaient au nombre de 1,2 millions au 31 décembre 2021.

    Le gouvernement constate un doublement en dix ans du nombre de demandes d’asile en France, « une majorité de demandeurs (étant) issus de nationalités faiblement protégées ». De fait, à l’exception des ressortissants afghans, les chiffres communiqués font apparaitre un faible taux d’attribution de la protection en 1ère instance aux nationalités les plus représentées parmi les demandeurs d’asile : Côte d’Ivoire (24%), Bangladesh (5%), Guinée (28%).

    Mais cela a-t-il vraiment de l’importance quand tant le taux d’exécution des Obligations de Quitter le Territoire Français que le nombre de mesures d’éloignement exécutées (11 630 en 2021) sont à des niveaux dérisoires ?

    Le document souligne également une surreprésentation des étrangers dans les actes de délinquance : « les étrangers représentent en 2021 7,7 % de la population résidant en France et 19 % des mis en cause dans des faits de délinquance générale. Cette situation s’est dégradée au cours des dernières années, particulièrement dans les grandes villes ».

    La population étrangère est « plus éloignée de l’emploi ». Le taux d’emploi des immigrés en France est nettement plus faible que celui des non-immigrés : 61 % contre 67 %.

    Le taux de chômage des immigrés en France est de 13 % contre 7,5 % pour les non-immigrés. Le gouvernement y voit « une problématique d’accès à l’emploi d’une part, et de déqualification au regard des diplômes et/ou expériences acquises dans le pays d’origine d’autre part ». Le faible niveau d’études de nombreux immigrés qui arrivent en France et l’effet d’attraction du système social ne font pas partie des explications du gouvernement à cet « éloignement » de l’emploi.

    Se basant sur l’augmentation constante du nombre de bénéficiaires de l’aide médicale d’État (qui, il faut le souligner, est loin de représenter le stock de clandestins présents en France), le gouvernement constate une progression continue de l’immigration irrégulière.

    4- Des propositions insuffisantes ou inadaptées

    Les propositions qui seront contenues dans le projet de loi présenté au parlement début 2023 s’articulent autour de 3 axes :

    • Contrôler nos frontières, protéger l’ordre public et lutter contre l’immigration irrégulière
    • Engager une réforme structurelle de notre système d’asile
    • Intégrer par la langue et par le travail.
    • Contrôler nos frontières, protéger l’ordre public et lutter contre l’immigration irrégulière

    Les propositions à ce sujet oscillent entre vœux pieux (« mieux suivre la mise en œuvre effective des OQTF ») et alourdissement des peines maximales d’infractions déjà existantes (aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers lorsque les faits sont commis en bande organisée). Le nombre de recours que peuvent exercer les étrangers pour éviter leur expulsion passerait de 12 à 4. La facilitation des expulsions tout comme le retrait et le non-renouvellement de la carte de résident ne viseraient que les étrangers en situation régulière ayant commis des infractions graves.

    Ces mesures n’apportent bien évidemment pas de réponse à la hauteur de l’enjeu que représente la présence en France de centaines de milliers d’étrangers en situation irrégulière.

    • Engager une réforme structurelle de notre système d’asile

    Outre des changements dans l’organisation de l’instruction des demandes d’asile, le gouvernement souhaite que des décisions de quitter le territoire français soient prononcées dès le rejet de la demande d’asile. On ne peut néanmoins pas passer sous silence à ce sujet d’une part que la délivrance d’une OQTF s’accompagne rarement du placement en centre de rétention, d’où une exécution souvent fortement hypothétique. D’autre part, les déboutés pourront – parfois à des fins dilatoires – toujours exercer des recours grâce notamment à l’aide juridictionnelle.

    • Intégrer par la langue et par le travail

    Le gouvernement souhaite conditionner la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle à la maîtrise d’un niveau minimal de français. Une autorisation de travail serait donnée aux demandeurs d’asile dont le besoin de protection est « manifeste ». On peut s’interroger sur quels critères cette autorisation serait donnée à des étrangers qui, tant que l’asile ne leur pas été accordé, n’ont pas vocation à rester en France.

    Un titre de séjour « métiers en tension » serait accordé aux étrangers déjà présents sur le territoire et qui travaillent « afin de répondre aux besoins de main-d’œuvre étrangère dans les métiers en tension ».

    La France suivrait ainsi l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne qui se sont lancés dans des régularisations à grande échelle d’étrangers en situation irrégulière. Alors que l’admission exceptionnelle au séjour concerne déjà en France plusieurs dizaines de milliers de clandestins chaque année, le gouvernement s’apprête en plein marasme économique à régulariser encore plus massivement les étrangers employés illégalement, et par effet d’entrainement, à favoriser la venue et installation d’autres clandestins en France.

    Le gouvernement avaliserait donc la demande de certains chefs d’entreprise en recherche de main d’œuvre, en raison du turn-over important causé par les conditions de travail difficiles et le faible niveau de rémunération. Il y a pourtant fort à craindre qu’une fois la situation administrative des salariés étrangers stabilisée, ils s’en iront pour laisser la place à d’autres nouveaux venus sans qu’une solution pérenne n’ait été trouvée.

    Parmi les différentes mesures qu’il entend faire adopter au parlement, le gouvernement a écarté celles véritablement à même de freiner l’immigration massive que subit la France. En a-t-il seulement la volonté ? On peut en douter.

    Pierre Brochand a lors de son intervention au Sénat le 15 novembre fait des propositions pour reprendre la maitrise des flux migratoires. Il préconise d’agir sur 4 volets :

    • réduire drastiquement le nombre de nouveaux visas délivrés, ne plus accepter de demandes d’asile sur notre territoire, abolir toutes les récompenses à la tricherie,
    • atténuer l’attractivité sociale de la France en supprimant toutes les prestations non contributives aux étrangers,
    • dégonfler les diasporas, en réduisant les types, durées et nombres de titres de séjour,
    • muscler notre laïcité « chrétienne ».

    Il est bien évidemment inutile de chercher l’une de ces mesures dans le document de présentation du projet de loi sur l’immigration du gouvernement.

    S. Quintinius (Polémia, 21 décembre 2022)

     

    Notes :

    (1) https://www.lefigaro.fr/vox/societe/pierre-brochand-ex-dgse-pourquoi-l-immigration-est-l-enjeu-central-et-meme-principal-de-notre-vie-publique-20221206
    (2) https://www.20minutes.fr/politique/3330395-20220726-expulsion-delinquants-etrangers-gerald-darmanin-annonce-loi-rentree

    (3) https://www.ouest-france.fr/societe/immigration/projet-de-loi-immigration-les-consultations-commenceront-la-semaine-du-21-novembre-1b7009ca-5ed0-11ed-be29-537312e67f82
    (4) https://www.nouvelobs.com/migrants/20221107.OBS65623/le-projet-de-loi-immigration-est-fonde-sur-la-stigmatisation-denoncent-des-ong-dans-une-lettre-a-borne.html
    (5) https://www.interieur.gouv.fr/sites/minint/files/medias/documents/2022-12/06-12-2022-DP-immigration-en-France.pdf
    (6) https://www.gisti.org/IMG/pdf/pjl2023_2022-11_resume-mi-mt-pour-consultation.pdf

     

     
    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Pas de pain, mais des jeux ! 2023 sera sportif…

    Nous reproduisons ci-dessous une tribune de François Bousquet, cueillie sur Boulevard Voltaire et consacrée à la crise énergétique qui frappe en particulier les artisans et les petites entreprises.

    Journaliste, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a aussi publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017), Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2020) et Biopolitique du coronavirus (La Nouvelle Librairie, 2020).

    Boulangerie_Fermeture.jpg

    Pas de pain, mais des jeux ! 2023 sera sportif…

    Du pain et des jeux ! La formule de ce bon vieux réac de Juvénal a traversé avec dignité des siècles d’obscurantisme, mais peut-être ne survivra-t-elle pas au XXIe siècle. On a encore des jeux, on n’a même plus que cela, mais bientôt on risque de ne plus avoir de pain, faute de boulangers. Avec 200, 300, 400 % d’augmentation au 1er janvier sur leur facture énergie, c’est la mise à mort des maîtres du levain. Qui résisterait à une pareille explosion des coûts ? Au moins, dans leur ruine, les boulangers échapperont-ils à la chaise électrique, avec les coupures d’électricité qui s’annoncent, quand bien même le peloton d’exécution aura des allures de peloton d’électrocution. Sur le monument aux morts de la mondialisation, la boulangerie s’apprête ainsi à rejoindre les manufactures de textile, l’agriculture familiale, la métallurgie, les chantiers navals, le nucléaire civil, le minitel, rose ou pas, et j’en passe. Une hécatombe industrielle. Suivront les restaurateurs qui tirent le diable par la queue, les hôtels miteux de province en quête de colporteurs et de VRP qui se font aussi rares que les derniers Cheval blanc et Lion d’or.

    Alors que la baguette de pain vient de faire son entrée sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, elle s’apprête à disparaître de nos assiettes, comme le béret a disparu de nos têtes et de nos toilettes. Ainsi procède la magie de la mondialisation, par ablation. Deux symboles qui s’en vont. C’en sera fini d’une certaine idée de la France. Les Français seront alors pareils aux Italiens selon Voltaire : un peuple de gardiens de musée. Jusque dans leurs villages. Dans le mien, 550 habitants, il n’y a plus de boulangerie depuis quatre ans. L’ultime auberge fermera le 31 décembre. Autant dire que nous sommes en passe de devenir un village fantôme, entre le dortoir pavillonnaire et le mouroir crépusculaire.

    De la start-up nation au modèle Amish

    Les Anciens rendaient un culte au pain, nous au marché. Ils réservaient leurs premières semailles aux déesses de la fertilité, nous à la spéculation. Ils signaient d’une croix leur pain quotidien avec un couteau avant de se signer. Nous, on saigne les boulangers. Franchement, si avec cela il n’y a pas de nouvelles révoltes frumentaires, c’est à n’y rien comprendre. L’une des dernières remonte à la guerre des farines, au printemps 1775. La guerre de l’électricité risque d’en ouvrir de nouveaux chapitres. Gilets jaunes et épis d’or.

    On cherche en vain un début de commencement de politique énergétique en France. Il n’y en a pas. C’est le « modèle Amish » brocardé par Macron qui prévaut à Matignon et à Bercy. Les économies de bouts de chandelle : soit le col roulé en cachemire de Bruno Le Maire, la doudoune chic d’Élisabeth Borne, l’étendoir à linge sur la baignoire en marbre de Gilles Le Gendre. Attention : on parle des plus belles intelligences de France. Je cite Bruno Le Maire : « Mon intelligence est un obstacle. » Et Gilles Le Gendre : « Notre erreur est d’avoir probablement été trop intelligents, trop subtils. » Vous vous rendez compte de ce qu’aurait fait Michel Audiard avec des zozos pareils : il les aurait mis sur orbite géostationnaire à mi-chemin de la constellation de la métaconnerie et du zodiaque de la surdébilité.

    Notre gouvernement est comme Charles de Rohan, alias le prince de Soubise, qui cherchait son armée en déroute avec une lanterne au soir de la défaite de Rossbach. Cela se passait pendant la guerre de Sept ans, au milieu du XVIIIe siècle. À l’époque, l’ennemi, c’étaient les Prussiens. Aujourd’hui, tout indique que c’est l’Allemagne, ne nous en déplaise, bien aidée par la médiocrité de nos dirigeants. L’audition d’Henri Proglio, ex-patron d’Électricité de France, j’ai nommé EDF, devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, en fournit la preuve accablante. Ce n’était d’ailleurs pas une audition, mais une oraison funèbre du Grand Siècle, Bossuet penché sur le corps d’Henriette d’Angleterre. Madame Électricité de France se meurt, Madame Électricité de France est morte. « La transition énergétique allemande s’est transformée en catastrophe absolue », dixit Proglio. Et d’enfoncer le clou : « Comment voulez-vous que ce pays [l’Allemagne], qui a fondé sa richesse sur son industrie, accepte que la France dispose d’un outil compétitif aussi puissant qu’EDF ? » Comment ? En démantelant le géant français pour le transformer en une sorte d’« Autriche-Hongrie rabougrie » avec un parc nucléaire en voie de soviétisation avancée. Sur sa lancée, Proglio recommande de sortir du marché européen de l’énergie, à la suite de l’Espagne et du Portugal. Nous n’en prenons pas le chemin. Depuis dix ans, le gouvernement ouvre des pistes cyclables et ferme des centrales. Autant financer des voitures électriques… sans électricité.

    Mourir pour Zaporijjia

    La stratégie de la France, c’est qu’il n’y a pas de stratégie, sinon la soumission aux délires éoliens des Verts, la subordination aveugle à l’Allemagne et l’alignement idéologique sur Bruxelles. Si gouverner, c’est prévoir et pouvoir, on n’aura eu ni l’un ni l’autre. Rien qu’une suite de mauvaises décisions et d’indécision qui nous auront conduit au bord de la rupture d’approvisionnement. Nul dans l’anticipation du risque, nul dans la prise décision, nul dans la gestion de crise. La manne du gaz russe a longtemps masqué ces défaillances en série. La Russie, c’est 40 % du gaz utilisé dans l’Union européenne. On peut s’en priver, mais s’en priver c’est accepter de vivre dans une chambre froide les mois d’hiver. Or, loin des plateaux télévision, les gens ne veulent pas se grelotter pour la défense de Kherson ou la centrale de Zaporijjia, pas plus qu’ils ne voulaient hier mourir pour Dantzig. Surtout quand les factures explosent et les revenus stagnent.

    Voilà où nous a mené une élite exclusivement régentée par les lois de la consanguinité et de l’entre soi. La cooptation du même par le même, partout. Dans les grandes écoles, dans les ministères, dans les médias centraux, dans les institutions. On ne peut en ouvrir les portes qu’à la condition de psalmodier le discours dominant, seul légitime, celui de l’ouverture sans restriction, sauf au cœur de ladite élite, elle totalement verrouillée. Tout ce qui dépasse est étêté. Le critère de sélection, c’est une médiocrité de bon aloi, radieuse et décontractée dans le prêt-à-porter de son confort intellectuel. Bref, l’uniforme de l’uniformité. En voir un, c’est les voir tous ; en entendre un, c’est les entendre tous. On sait sur quels boutons appuyer – pour qu’ils s’indignent, pour qu’ils se pâment d’admiration, pour qu’ils capitulent. Zéro pointé, on l’a dit. Au moins Néron, devant Rome qui brûlait, déclamait des vers en jouant de la harpe, Macron, lui, enlace lascivement Kylian Mbappé et Bruno Le Maire poste sur son compte Instagram le roman-photo de sa collection hiver de moufles et cols roulés en nous expliquant qu’il va provoquer l’effondrement de l’économie russe. On y croit.

    Le petit mitron, c’est le petit Macron

    Certes, il faut se méfier des comparaisons par-dessus les siècles, mais les points communs ne manquent pas entre la libéralisation du commerce du grain sous l’Ancien Régime et la libéralisation du marché de l’énergie en Europe. Même vœu pieux, même intentionnalité libérale, même acharnement à se tromper. Dans les deux cas, il s’agissait de supprimer la réglementation pour favoriser la libre circulation – des grains ou de l’énergie – dans l’espoir que les prix baissent. Dans les deux cas, ils ont augmenté, sous les ministres Choiseul et Turgot, sous les ministres Borne et Le Maire. Dans les deux cas, une cause extérieure est venue amplifier les problèmes : les mauvaises récoltes ou la guerre en Ukraine. Résultat : à la veille de la Révolution, les émeutes de la faim se succèdent. Elles ne suffiront pas à faire la Révolution, mais elles ressemblent rétrospectivement à un coup de semonce. « Nous ramenons le boulanger, la boulangère et le petit mitron », braillaient les Parisiennes quand elles allèrent chercher la famille royale à Versailles en octobre 1789. Le petit mitron aujourd’hui, c’est le petit Macron.

    François Bousquet ( Boulevard Voltaire, 20 décembre 2022)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Encore l'Occident...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une longue intervention de Julien Rochedy consacrée à la supériorité de l'Occident... Un Occident qui recouvre dans son esprit l'Europe de l'ouest et l'Amérique du nord...

    Publiciste et essayiste, Julien Rochedy, qui est une figure montante de la mouvance conservatrice et identitaire, a déjà publié plusieurs essais dont Nietzsche l'actuelL'amour et la guerre - Répondre au féminisme et Philosophie de droite.

     

                                             

    Lien permanent Catégories : Multimédia, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • La presse peut-elle être libre ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Eman, cueilli sur son blog A moy que chault ! et consacré à la liberté de la presse...

    Animateur du site Paris Vox, rédacteur en chef de la revue Livr'arbitres et collaborateur de la revue Éléments, Xavier Eman est l'auteur de deux recueils de chroniques intitulés Une fin du monde sans importance (Krisis, 2016 et la Nouvelle Librairie, 2019), d'un polar, Terminus pour le Hussard (Auda Isarn, 2019) et, dernièrement, d'Hécatombe - Pensées éparses pour un monde en miettes (La Nouvelle Librairie, 2021).

     

    Contrôle des médias.png

     

    La presse peut-elle être libre ?

    La liberté de la presse est l'un des piliers fondamentaux de toute démocratie. Cette antienne est répétée en boucle, tel un mantra, par tous ceux qui s'enorgueillissent de vivre dans l'une de ces - généralement autoproclamées - « démocraties », au premier rang desquelles on trouve bien évidemment la France, nation pionnière en la matière et phare de l'humanité depuis lors. Dès l'école primaire, nos chères petites têtes de moins en moins blondes sont bercées par les hymnes d'autocélébration de la « patrie des droits de l'homme », farouche garante de l'impeccable indépendance et de la totale liberté des médias qu'elle accueille en son sein généreux et maternel. En France, la presse est totalement libre, c'est une évidence pour tous. La preuve ? L'article 11 de la Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi » et l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme affirme également la protection de la liberté de la presse. Sans compter, bien évidemment, la loi de 1881 que le monde entier nous envie ! C'est donc incontestable, la presse est libre en France, puisque, on le sait bien depuis l'avènement de la modernité, il suffit d'énoncer théoriquement un « droit » pour lui donner vie, consistance, réalité et efficience.

    Mais si quelques esprits curieux, voire téméraires, tentaient de regarder au-delà de la propagande et de l’image d’Epinal, que découvriraient-ils ? Et bien, ils apprendraient par exemple que la France n’est que 26e au classement de la « liberté de la presse dans le monde » établi chaque année par le réseau Reporters sans frontières, bien en dessous du Costa-Rica et de la Namibie, juste derrière Trinité et Tobago. Certes, on pourrait considérer que 26e sur 180 pays, ce n’est pas si mal que cela et ce serait sans doute le cas si la France ne prétendait pas être un parangon de vertu dans ce domaine et ne passait pas son temps à donner des leçons aux autres nations.

     

    Comme souvent (toujours ?) l’état des lieux concret est bien moins flatteur que le paysage idyllique dessiné par discours officiel. Il est d'ailleurs même bien pire que ce que ce classement pourrait laisser penser. En effet, il faut en réalité être un bien piètre observateur, un naïf ou un complice de cet état de faits, pour ne pas avoir conscience que la presse française est très largement muselée, entravée, soumise et bâillonnée. Et il ne s'agit pas d'une situation circonstancielle, temporaire ou passagère mais bien le résultat de sa structuration même, de son organisation, de son mode de fonctionnement et bien sûr, en premier lieu, de financement. Qui paye, commande. C'est un adage aussi invariable qu'intemporel et indiscutable. Or qui (se) paye la presse française ? D'une part une poignée de milliardaires mondialistes, de l'autre l'Etat. Deux grands argentiers dont la défense de la liberté d'expression et la promotion de la pluralité des opinions n'est pas exactement la principale préoccupation.

    Pour les premiers (Dassault, Bolloré, Lagardère, Křetínský, Niel...), il s'agit de s'acheter des moyens de « soft power » au service de leurs intérêts économiques tout en se prémunissant contre de possibles enquêtes ou accusations pouvant nuire à ceux-ci. Tous entièrement acquis à la même idéologique surplombante – le capitalisme libéral sans-frontièriste -, malgré des nuances cosmétiques permettant de donner l'illusion de la diversité, ces milliardaires dépensent des sommes colossales, qui se comptent en millions d'euros tous les ans, pour maintenir artificiellement en vie des titres de presse itérativement déficitaires, évidemment condamnés à la complaisance perpétuelle envers leurs bienfaiteurs/sauveteurs. La France est d'ailleurs particulièrement en pointe dans ce phénomène de « concentrations verticales » qui fait que, derrière le foisonnement des présentoirs des kiosques et des maisons de la Presse, on retrouve systématiquement les mêmes groupes, devenus tout puissants, et donc les mêmes intérêts.

    Du côté de l'Etat, un peu de la même façon mais avec l'argent public, on achète, par l'intermédiaire des « aides à la presse », un filet de sécurité face à des médias « d'opposition » qui ne dépasseront jamais les limites de la bienséance ni ne mordront bien violemment la main qui les nourrit partiellement.

    Ainsi la presse française se retrouve dans cette situation aussi ubuesque que schizophrène d'être à la fois subventionnée par l'Etat et (souvent grassement) rémunérée par l'oligarchie libérale qui prétend pourtant vouloir la quasi-disparition de celui-ci. Comme quoi, lorsqu'il s'agit de museler et de châtrer le « 4e pouvoir », les prétendus farouches adversaires parviennent très bien à s'entendre.

    Ainsi le plus libertaire et véhément des éditorialistes de Libé aura beau continuer à se prétendre (et parfois à se croire) un grand révolutionnaire, il n'en est pas moins, de fait, à la fois un fonctionnaire de l'Etat et un domestique du grand capital.

    Il existe cependant, fort heureusement, des exceptions à cette tendance (plus que) lourde. Elles sont rares. Dans le spectre « institutionnalisé » et bien pensant, elles se comptent sur les doigts d'un main (Le Canard enchaîné, Charlie Hebdo, Le Monde Diplomatique...), au-delà, elles sont à peine plus nombreuses et se situent dans les « marges » politiques, celles de l'engagement et du militantisme. Car l'indépendance financière est le premier et le plus important garant de cette liberté tant vantée. Elle permet de penser et de dire ce que l'on veut, d'attaquer qui le mérite et de servir l'intérêt général plutôt que des intérêts particuliers. Elle est malheureusement également généralement synonyme de précarité, d'absence de visibilité, d'audience et de diffusion limitées.

    Alors oui, il existe bien une presse libre en France mais elle est ultra-minoritaire, pauvre et fragile. C'est pourquoi elle a un besoin vital de lecteurs, plus nombreux, qui ne soient pas que des consommateurs mais des acteurs de sa survie et de son développement. Car si les peuples ont les gouvernements qu'ils méritent, ils ont aussi des médias à leur image. A chacun donc de savoir quel reflet il souhaite voir apparaître en ouvrant les pages d'un journal ou d'une revue.

    Xavier Eman (A moy que chault !, 12 décembre 2022)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!