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Points de vue - Page 33

  • Il faut lire le manifeste identitaire de Maximilian Krah, figure de l’AfD attaquée par le RN...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy cueilli sur Polémia et consacré au manifeste identitaire qui a été écrit par Maximilian Krah, la tête de liste de l'AfD aux élections européennes, par ailleurs visé par une polémique médiatique grotesque* qui a servi de prétexte au RN pour rompre avec son allié allemand aux positions trop identitaires...

    * La polémique est née de la réponse donnée par Maximilian Krah à une question posée par un journaliste italien de La Reppublica :

    La Reppublica : Monsieur Krah, vous avez dit que les Allemands devaient être fiers de leurs ancêtres. Même s'il s'agissait d'officiers SS ?

    Krah : Cela dépend de ce qu'ils ont fait.

    LR : Les SS étaient des criminels de guerre.

    Krah : Il faut évaluer les fautes individuellement. A la fin de la guerre, il y avait près d'un million de membres de la SS, même Günter Grass était dans la Waffen SS. Les parents de ma femme étaient des Allemands qui vivaient en Hongrie. Ils avaient le choix de s'engager dans l'armée hongroise ou dans la SS. S'ils s'étaient engagés dans l'armée hongroise en tant qu'Allemands, comme ils le savaient de la Première Guerre mondiale, cela aurait été une condamnation à mort. Parmi les 900 000 SS, il y avait aussi beaucoup de paysans : il y avait certainement un pourcentage élevé de criminels, mais tous n'étaient pas des criminels. Je ne dirais jamais que tous ceux qui portaient l'uniforme SS étaient automatiquement des criminels.

    (Traduit avec DeepL.com)

    A chacun de juger si, 79 ans après la fin de la seconde guerre mondiale, il est possible de faire preuve d'un soupçon de nuance dans les jugement portés concernant les divers protagonistes de ce conflit...

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    Il faut lire le manifeste identitaire de Maximilian Krah, figure de l’AfD attaquée par le RN

    Les amateurs de scandales entre le RN et l’AfD seront déçus

    Les éditions La Nouvelle Librairie ont eu la bonne idée de traduire le livre publié en 2023 par Maximilian Krah qui sera candidat de l’AfD pour les élections européennes de 2024 : Politik von rechts, sous le titre Allemagne : plaidoyer pour une droite identitaire, avec une préface de François Bousquet [1].
    Cette publication vient à propos, au moment où les polémiques enflent contre l’AfD, des deux côtés du Rhin, puisque les sondages annoncent une percée électorale qui inquiète le Système.

    Mais les amateurs de scandales médiatisés en seront pour leurs frais : le « plaidoyer pour une droite identitaire » de Maximilian Krah n’évoque ni la Seconde Guerre mondiale, ni les SS, ni la chevauchée des Walkyries. Et il ne propose pas de trucider les immigrants.
    Le livre rassemble en réalité un ensemble de réflexions – de « vues de droite » pour reprendre le titre d’un essai fondateur d’Alain de Benoist – sur l’état de l’Allemagne, de l’Europe et du monde en général. Avec un fil conducteur, d’où le titre français de l’essai : quel serait la déclinaison d’un programme identitaire de droite, appliqué à différents domaines tels que l’État, l’économie, le social, les relations internationales, l’Europe ou le politique.

    Maximilian Krah embrasse donc un très vaste champ de réflexion qui, bien que faisant évidemment souvent référence à la situation particulière de l’Allemagne, vaut aussi pour nous puisque l’Europe se trouve soumise à des maux convergents. Ce qui rend cet essai intéressant pour un Français aussi.

    Il n’y a pas de solution progressiste à la crise du progressisme pour Maximilian Krah

    « Ce ne sont pas les problèmes qui sont trop grands, mais le cadre du débat qui est trop étroit. Cela empêche l’application d’idées et de solutions qui pourraient sauver ce qui semble perdu [2] », écrit d’emblée Maximilian Krah dans son introduction, donnant le sens de l’ouvrage.

    La crise de civilisation que nous vivons vient en effet de la mise en œuvre de l’idéologie progressiste (l’idéologie de la gauche dans sa forme libérale libertaire actuelle) et par conséquent, dès lors que le débat politique est monopolisé et censuré par les mêmes, aucune solution ne pourra en sortir. Cela explique la vanité du débat électoral actuel en Europe.

    Il est donc temps d’oser une politique qui ne soit pas de gauche : une politique de droite et donc une politique identitaire. Car « la promesse de la droite politique est une vie en harmonie avec soi-même, la nature et les valeurs ancestrales, une vie qui vaut donc la peine d’être transmise [3] », écrit l’auteur. Tout ce que récuse la gauche quelle qu’en soit la forme ; car « l’identité de la gauche est la rupture avec ce qui est réellement [4] », écrit Maximilian Krah, qui a le sens des formules.

    L’intellectualisme contre la nature et la tradition

    L’auteur fait d’ailleurs justement remarquer que la gauche domine sur le plan idéologique parce que précisément elle ne peut exister qu’en faisant de très gros efforts de justification abstraite et intellectuelle pour prétendre qu’il faut s’écarter de la tradition et de la nature. Alors qu’être en accord avec la nature et la tradition, ce qui constitue le véritable positionnement de la droite à ses yeux, ne nécessite pas de tels efforts.

    Donc, dans les joutes intellectuelles, la gauche est toujours mieux armée que la droite, mais cette domination ne traduit pas le fait que la gauche ait raison pour autant, comme nous le voyons clairement aujourd’hui.

    La gauche déteste le peuple

    Maximilian Krah montre que le libéralisme de gauche dominant en Europe déteste le peuple, car il rejette tout ce qui le constitue : le collectif, l’identité et le destin. Et, pour cette raison, la droite qui « tient au peuple comme communauté de tradition et de destin [5] » – l’AFD en Allemagne – est considérée comme l’adversaire principal du Système, qu’il faut abattre. Sous prétexte que l’identité collective serait incompatible avec la dignité humaine universelle.

    Mais ce prétendu humanisme individualiste néglige que « dans les luttes pour la répartition des richesses qui s’intensifient, l’individu n’a une chance que s’il fait partie d’une communauté [6] ».

    Maximilian Krah explique aussi que les progressistes perdent de vue que la démocratie exige un consensus volontaire sur le bien commun (notion de toute façon étrangère à l’idéologie libérale) : « il n’y a pas de démos sans ethnos [7] », écrit-il. La société multiculturelle qu’ils prétendent imposer en Europe avec l’immigration de masse sape donc les bases de la démocratie et devient de plus en plus autoritaire et chaotique à la fois. L’humanité n’est pas un cadre politique de référence valable : « Qui s’y réfère veut dominer et non pas servir [8] », une formule qui n’est pas sans rappeler celle de Proudhon.

    Refonder sa propre communauté

    L’auteur affirme qu’à l’âge des sociétés hétérogènes les autochtones européens doivent refonder leur propre communauté dans laquelle s’intégrer. Ce n’est donc qu’en préservant le peuple que l’Europe restera européenne et l’Allemagne de culture allemande.

    Maximilian Krah écrit en effet, à rebours de la doxa immigrationniste, que les migrants doivent s’assimiler à la culture d’accueil et non « les migrants à égalité avec les autochtones qui devraient s’assimiler à une culture migratoire sans traditions [9] ». Sinon, ceux qui ne le veulent pas ou ne le peuvent pas n’ont pas vocation à rester.

    Mais l’auteur affirme cependant que la remigration suppose une certaine coopération de la part des immigrants concernés, qui repose sur de bonnes incitations [10] : en particulier, cela implique de réformer l’État social pour qu’il n’incite plus à l’inactivité et pour qu’aucune prestation ne soit accordée sans contrepartie.

    Une droite pour demain

    Dans son essai, Maximilian Krah, au fil de ses analyses qu’on ne peut évidemment détailler dans le cadre de cette courte présentation, contribue en réalité à définir les contours de ce que devrait être une véritable droite moderne. C’est-à-dire une droite qui prenne la relève d’une gauche qui nous conduit à la catastrophe dans tous les domaines.

    Une droite fidèle à l’ordre naturel, à la nature et aux traditions culturelles, bien sûr. Une droite qui se fonde sur le christianisme aussi mais qui ne peut que constater, pour le déplorer, son délabrement en Europe occidentale : elle ne peut donc qu’être areligieuse pour le moment.

    Une droite qui préfère l’ordre et qui a une confiance mesurée dans l’État comme instrument du bien commun. Car « pour changer un pays le gouvernement n’est qu’un levier, certes extrêmement important, mais ni indispensable ni décisif [11] », écrit l’auteur.

    Une droite qui renonce aussi à l’universalisme, renonciation difficile puisque celui-ci a des racines religieuses, mais « condition indispensable pour éviter que toutes les identités traditionnelles – à commencer par la [nôtre] – ne soient balayées par l’ordre unitaire mondialiste du nouvel homme unique [12] ». La droite doit donc reconnaître aux autres groupes culturels le droit de vivre selon leur identité sur leurs territoires ancestraux et rejeter le colonialisme (qui est d’ailleurs une invention de gauche). Maximilian Krah écrit d’ailleurs que « la philosophie du décloisonnement du libéralisme, qui juge tout selon des critères prétendument rationnels et donc universels et ne veut plus admettre de différences, est inhumaine et n’est donc pas de droite [13] ».

    Le marché n’est pas de droite selon Maximilian Krah

    Une droite dont la politique économique repose également sur le principe de la propriété privée à responsabilité sociale, comme cela figure dans la Loi fondamentale de la RFA. Parce qu’un vrai programme économique de droite doit servir des objectifs qui ne sont pas seulement économiques mais politiques.

    L’auteur écrit que la patrie se situe là où l’on crée de la valeur, là où on est inscrit au registre du foncier, « pas là où l’on ouvre son ordinateur portable [14] » et que « le marché n’est pas de droite [15] ».

    L’économie de droite repose donc sur l’idée que les États doivent avoir leur propre économie et non qu’une économie globale aurait des États comme sites. La droite voit de même d’un œil critique l’accumulation de la richesse entre les mains de quelques super-riches et doit au contraire se préoccuper de la classe moyenne, en voie de déclassement. « Nous voulons enrichir les pauvres et non l’inverse [16] », écrit d’ailleurs Maximilian Krah.

    Une droite européenne enfin, c’est-à-dire qui rejette le super-État européen à la sauce bruxelloise qui ne tient pas compte des peuples, c’est-à-dire l’anti-Europe. Mais aussi une droite qui n’entend se soumettre ni à l’anglosphère atlantiste ni au rêve eurasiatique [17], mais qui veut promouvoir une Europe indépendante qui conduit son propre destin.

    Pour une nouvelle politique

    L’essai s’achève sur une réflexion sur ce que doit être le politique comme « art du faisable ».

    Maximilian Krah oppose les dirigeants actuels « qui ne cherchent pas le pouvoir parce qu’ils ont la volonté de façonner notre avenir, mais [qui] façonnent notre avenir parce qu’ils possèdent le pouvoir [18] », à une future élite de droite qui affronte les nouvelles réalités du monde d’aujourd’hui au lieu de se réclamer du monde d’hier.

    Car, pour l’auteur, le mal ne vient pas des autres, des Russes, des Chinois ou des islamistes : il est avant tout en nous, en effet, à l’image de l’idéologie woke qui est une invention occidentale ou du climato-catastrophisme.

    Mais l’auteur met aussi en garde contre un populisme d’autant plus bruyant qu’il ne change rien au Système, dont il fait partie en réalité car il en est en quelque sorte le bouffon.

    Pour lui, la droite ne doit pas vociférer mais opposer au Système une conception du monde et la vision cohérente qui en découle pour ancrer sa crédibilité. Car ce n’est pas « la fermeté des convictions qui rend la droite faible mais au contraire le doute de soi et le manque de clarté [19] » : un constat qui nous concerne aussi !

    ***

    Allemagne : plaidoyer pour une droite identitaire, l’essai de Maximilian Krah, n’a, on le voit, aucun rapport avec la caricature politico-médiatique extrémiste que l’on fait habituellement de la tête de liste de l’AfD aux élections européennes de 2024. Une nouvelle preuve des mensonges du Système.
    Il émane au contraire de ce livre pesé et pensé, une grande sérénité et un sérieux certain dont l’intérêt dépasse en outre le seul cadre de la politique allemande.
    Ce livre donne en effet à réfléchir et c’est sans doute ce qui inquiète le plus le Système orwellien qui se met en place en Europe !

    Michel Geoffroy (Polémia, 25 mai 2024)

     

    Notes :

    [1] Krah (Maximilian), Allemagne : plaidoyer pour une droite identitaire, éditions La Nouvelle Librairie, 2023, 21 euros.
    [2] Ibid., p. 17.
    [3] Ibid., p. 47.
    [4] Ibid., p. 46.
    [5] Ibid., p. 70.
    [6] Ibid., p. 71.
    [7] Ibid., p. 73.
    [8] Ibid., p. 92.
    [9] Ibid., p. 76.
    [10] Ce que ne semble pas avoir compris Marine Le Pen dans sa condamnation de la remigration…
    [11] Krah (M.), op. cit., p. 114.
    [12] Ibid., p. 142.
    [13] Ibid., p. 143.
    [14] Ibid., p. 159.
    [15] Ibid., p. 191.
    [16] Ibid., p. 195.
    [17] L’auteur ne considère pas la Russie comme européenne, même si elle a subi l’influence de notre civilisation.
    [18] Krah (M.), op. cit., p. 197.
    [19] Ibid., p. 267.

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  • Répression des propos privés : non à la loi liberticide !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une tribune du Président du Cercle Droit et Liberté, l’avocat Thibault Mercier, reproduite par l'Observatoire du journalisme et consacrée à une proposition de loi de deux députés macronistes, votée en première lecture à l’Assemblée nationale, qui entend réprimer les propos à caractère discriminatoire tenus en privé.

    Thibault Mercier est l'auteur de Athéna à la borne (La Nouvelle Librairie, 2023).

     

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    Répression des propos privés : non à la loi liberticide

    La liberté en question

    « La liberté, pour quoi faire ? ». De cette question attribuée à Lénine, Georges Bernanos a tiré une conférence prononcée au sortir de la Seconde Guerre mondiale, évoquant la désaffection cynique pour la liberté s’étant emparée de tant de consciences. Un siècle plus tard, ce sont nos «élites» politiques qui pourraient faire leur cette déclaration du leader bolchevik, alors que pas un mois ne passe sans qu’une nouvelle restriction à la liberté d’opinion ne vienne parfaire notre arsenal législatif.

    Intrusion dans les foyers

    Après le très commenté arrêt CNews-Reporters sans frontières du Conseil d’État de février dernier, ce sont désormais nos députés qui viennent illustrer leur désamour de la libre opinion en votant le 6 mars dernier en première lecture une proposition de loi visant à contrôler et punir les propos que vous pourriez tenir… en privé. Voyez plutôt : l’injure et la provocation non publiques à la discrimination ou à la haine en raison notamment de la race, du sexe, de l’orientation sexuelle ou encore du genre, pourraient bientôt constituer un délit puni d’une amende de 3 750 euros. Et ceci afin de « préserver notre pacte républicain et protéger nos concitoyens » peut-on lire dans l’exposé des motifs de la proposition.

    Psychose maniaco-législative

    Non content de contrôler — drastiquement — la parole publique, l’État viendra désormais jusque dans votre foyer pour s’assurer qu’aucun mot ne puisse porter atteinte à la légalité républicaine. « La sanction pénale doit être garantie et systématique », écrivent encore les députés à l’origine de la proposition. Il faut relire Philippe Muray et ses fulgurances sur « l’envie du pénal» et la psychose maniaco-législative moderne qui veut que chaque espace de liberté d’où le droit est absent soit un vide juridique à combler par des lois et règlements…

    Le précédent du Covid

    Rappelez-vous que durant la période du Covid-19, l’État vous imposait de ne pas «être plus de six personnes à table». Désormais la teneur même des discussions que vous tiendrez avec vos invités va-t-elle passer entre ses fourches caudines ? Gare à vous si vous froissez un convive lors d’un débat politique après avoir un peu trop forcé sur le chablis à l’apéritif. Pas un mot plus haut que l’autre ! Tout adulte normalement constitué qui aurait été choqué ou insulté est libre de ne plus remettre les pieds chez vous. Mais la période est à l’hygiénisme, aussi bien physique que mental, dans notre grand hospice occidental. L’objectif de pacification des mœurs affiché par les députés peut paraître louable mais est-ce bien là le rôle de l’État de venir pénaliser nos colères et nos emportements ?

    Provocation à la haine et délation

    Et que dire de la « provocation à la haine ou à la discrimination » notamment en raison de l’orientation sexuelle ou du genre. Jessica ira-t-elle dénoncer les propos transphobes de papy René en sortant du prochain dîner de réveillon ? On pourrait en rire mais c’est bien grâce à la délation que cette loi pourra être mise en œuvre en pratique. Une fois n’est pas coutume, Orwell s’est trompé en 1948 et il n’y aura pas besoin d’installer de télécran dans chaque maison pour y surveiller ce qui pourrait s’y tramer. La culture de la dénonciation promue par le gouvernement s’en chargera. « Dénoncez-vous les uns les autres » publiait il y a quelques années Benoît Duteurtre, satire dans laquelle il imaginait un gouvernement faisant promulguer une loi « dénoncer et protéger » pour lutter contre le sexisme. Les propos tenus sur l’oreiller pourront-ils vous mener au poste de police ?

    La Vérité du camp du Bien

    Doit-on rappeler l’importance du désaccord et de la divergence d’opinions, privées comme publiques d’ailleurs, outils encore inégalés pour arriver au compromis et à la vérité ? Va-t-on devoir s’entourer dans nos foyers de gens qui ne pensent que comme nous pour éviter toute répression pénale ? Cette nouvelle loi illustre à merveille cette logophobie, cette haine de la libre-pensée (encore Muray) qui vient « placer au-dessus de toute tentative de problématisation, dans la sphère du sacro-saint, certaines choses et certains êtres parce que ceux-ci sont considérés comme faisant partie des éléments inviolables du nouveau monde ».

    Le totalitarisme de l’extrême-centre

    Quant à l’abolition de la frontière entre public et privé, elle caractérise le totalitarisme, tel que nous le disait Hannah Arendt. Et c’est à se demander si les députés du groupe Renaissance à l’origine de cette proposition de loi connaissent leur littérature politique. La question est bien sûr rhétorique… Dans cette même veine, que dire des « stages de citoyenneté » et autres « stages de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations » que prévoient la loi comme peine complémentaire et qui ressemblent à une véritable entreprise de rééducation citoyenne ?

    S’il y a bien une loi à proposer, c’est celle venant créer un « safe space » au sein de nos domiciles afin que l’État ne puisse y pénétrer. C’est donc plutôt un principe d’inviolabilité — immatériel — du domicile que nos députés devraient faire voter plutôt que d’attiser les « braises pénalophiles ».

    NB : Le Cercle Droit et Liberté rassemble des professionnels du droit, attachés aux libertés publiques comme privées.

    Thibault Mercier (OJIM, 19 mai 2024)

     

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  • Êtes-vous identitaire ?

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Julien Rochedy consacré à la question identitaire.

    Publiciste et essayiste, Julien Rochedy, qui est une figure de la mouvance identitaire, a déjà publié plusieurs essais dont Nietzsche l'actuelL'amour et la guerre - Répondre au féminisme, Philosophie de droite et dernièrement Surhommes et sous-hommes - Valeur et destin de l'homme (Hétairie, 2023).

     

                                               

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  • Guerre Russie Ukraine, les charlatans de l’information...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de l'Observatoire du journalisme consacré aux experts charlatans qui peuplent les plateaux de télévision depuis le début de la guerre entre l'Ukraine et la Russie.

     

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    Guerre Russie Ukraine, les charlatans de l’information

    Le titre de cet article pourrait être : Bas les masques ! Depuis le début de la guerre en Ukraine (février 2022), un carnaval de nouveaux « experts » en géopolitique anime les plateaux de télévision et de radio avec à la clef un festival de prédictions et d’analyses que Nostradamus n’aurait même pas osé. Si les avis et prévisions proférés peuvent être drolatiques avec le recul du temps, nos « experts » qui les professent ont parfois l’oreille des politiques au plus haut niveau.

    Mondanités, cirage de pompes, arrivisme, diront les mauvaises langues. Mais ce n’est pas notre genre. L’OJIM se contente de saluer les divinations dont ces experts nous ont bénis depuis deux ans. Petit florilège des prophéties les plus abouties et de leurs auteurs.

    Jean-François Colosimo et le cerveau reptilien

    Edmond Rostand aurait fait parler Jean-François Colosimo, éditeur et écrivain, à la manière du sieur de Bergerac. Nous pourrions citer bien des choses. Par exemple, tenez.

    Historien : « Dès le départ, la Russie a perdu la guerre, qui est une faute de Poutine, qui massacre les Ukrainiens et sacrifie les Russes [1] ».

    Visionnaire : « La Russie a déjà perdu la guerre [2] ».

    Croupier : « Le système Poutine, c’est remettre le jeton d’une guerre chaque fois que son régime pourrait s’écrouler [3] ».

    Psychologue : « Nous surestimons la puissance de Poutine. Si nous intervenons un peu plus, est-ce qu’il va nous attaquer nucléairement ? Jamais de la vie. Et ça je peux vous le certifier parce qu’il a un cerveau reptilien de la guerre froide [4] ».

    Moulangeur : « La Russie a un temps d’avance mais ça montre la nature criminelle du régime. La guerre que la Russie mène à la France est réelle : nous sommes dans la première guerre mondialisée ». Chirurgien : « Poutine a lobotomisé la société russe [5] ».

    Beaucoup de lettres et de concepts qui ne reposent sur rien mais qui, dans une ambiance d’hystérie collective, vous rendent miraculeusement intelligent, ou presque.

     

    Xavier Tytelman, Nostradamus prend l’avion

    Xavier Tytelman, fondateur du Centre de Traitement de la Peur de l’avion, marche sur deux pieds qui ne vont pas dans le même sens. D’un côté ses émissions techniques sur l’armement utilisé en Ukraine sont assez remarquables, de l’autre ses prévisions géopolitiques sont tout à fait hasardeuses.

    Premier soutien de l’Ukraine, Xavier Tytelman ne s’en cache pas. Mais de là à raconter n’importe quoi… Ici, le militant l’emporte sur l’expert. La défaite russe était donc certaine pour Xavier Tytelman. « La défaite russe est quasi sûre à moins d’arriver sur des systèmes non conventionnels mais à terme, ils vont perdre [6] ».

    Se tromper peut arriver, mais il faut le reconnaître. C’est sans doute trop pour notre pilote de ligne nouvel expert du terrain militaire. Un journaliste lui demande s’il ne s’est pas (rien qu’un peu) trompé sur l’armée russe : « Je me rappelle quand même certaines de vos interventions extrêmement optimistes sur l’Ukraine [7] ». Il répond : « On a sous-estimé notre capacité à aider les Ukrainiens ». Il fallait préciser.

    Et quand le barrage de Kakhova s’est effondré, il n’y avait qu’un coupable possible : « C’est à 100% les Russes qui peuvent être à l’origine de cette attaque [8] ». Avec des experts comme ça, même plus besoin d’enquête !

     

    Bruno Tertrais, la recherche stratégique pour les nuls

    Même son de cloche du côté de Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique.

    Voici un florilège qu’on serait très déçu de manquer : « Le scénario le plus probable est celui de l’effondrement progressif de l’armée russe [9] » (2022), « À moyen terme, la Russie ne peut être que perdante. Cette guerre est extraordinairement coûteuse pour elle sur le plan financier, humain [10] » (2024), « Poutine a déjà perdu la guerre. Je ne vois pas comment la Russie peut renverser la machine à vapeur [11]».

    On doit bien se marrer au Kremlin.

    Bruno Tertrais est aussi politologue « La Russie pourrait se muer en une gigantesque Corée du Nord [12]», « Poutine veut un pays en guerre, il ne peut rester au pouvoir qu’à la tête d’un pays en guerre, on l’imagine très bien dans une future grande Corée du Nord qui serait la Russie dans quelques années [13]», « La Russie est en train de dépasser le stade de l’autoritarisme pour devenir un pays : quasi-fasciste. Je dis bien “quasi” pour garder le sens de la mesure [14] ».

    Fondation stratégique avez-vous dit…

     

    Pierre Servent, les russes ont saboté Nord Stream qu’ils ont bâti

    Analyses acérées de Pierre Servent, journaliste et consultant défense chez TF1-LCI : « Il y a une certitude, c’est que cette offensive sera très meurtrière pour les Ukrainiens parce qu’ils vont se retrouver en position offensive et les Russes en position défensive [15] ». Il faut donc être un expert pour le savoir. Lui aussi avait prédit un effondrement de l’armée russe [16] mais parce que la Russie « n’a qu’une force militaire de corps expéditionnaire et pas une armée de haute intensité [17] » (2023). Il en parlera aux soldats ukrainiens.

    Comme les autres, il nous a fait part de son avis affûté pour connaître le coupable du sabotage de Nord Stream II dans un entretien pour RTBF « L’histoire de la Baltique, je l’interprète comme étant le prélude à d’autres opérations de cette nature venant de Moscou [18] » et Le Point [19]. Parole d’expert ! Mais aujourd’hui on soupçonne précisément l’ex-chef d’état-major ukrainien, Valeri Zaloujny, actuellement ambassadeur d’Ukraine à Londres, d’être impliqué dans l’affaire [20].

     

    Nicolas Tenzer, la voix de l’OTAN

    Il y a ceux qui enchaînent les prédictions douteuses, et puis d’autres qui sont d’abord des militants. C’est le cas de Xavier Tytelman, mais surtout de Nicolas Tenzer, ancien haut fonctionnaire et enseignant à Sciences Po, membre du très otanien CEPA (Center for european policy analysis) vraiment pas craintif à l’idée de déclencher une guerre ouverte avec Moscou. Pour commencer, si la contre-offensive a échoué, c’est la faute de l’OTAN : « c’est véritablement notre faute, notre culpabilité même, si nous n’avons pas aidé les Ukrainiens », « certes, l’Ukraine ne peut plus être défaite, ça il faut être très clair là-dessus, en revanche, pour reconquérir l’ensemble des territoires perdus, il faudrait un effort massif, nécessaire, obligatoire de la part des alliés [21]».

    Face à la Russie, « on ne peut pas laisser uniquement les Ukrainiens se battre à notre place » et Emmanuel Macron a « totalement raison » d’envisager l’envoi de troupes [22]. « Nous serions nous aussi capables physiquement de détruire la Russie [23] », a‑t-il également avancé sur France Info. Déclencher une guerre nucléaire ouverte avec Moscou, c’est donc le plan de N. Tenzer. Quelques années avant, ses analyses sur la complexité du conflit syrien étaient loin d’être glorieuses : Poutine et Bachar al Assad avaient selon lui « une volonté de tuer tout le monde. De tuer tout ce qui peut être tué [24] ». Puissant. Professeur à Sciences Po avez-vous dit ? Il est vrai que Sciences Po de nos jours…

    Observatoire du journalisme (OJIM, 9 mai 2024)

     

    Notes et références

    [1] La Crucifixion de l’Ukraine, Albin Michel, octobre 2022.
    [2] Public Sénat, 25 nov. 2022
    [3] C ce soir, 15 févr. 2024
    [4] C dans l’air, 26 févr. 2024
    [5] LCP, 3 nov. 2022
    [6] twitter.com/SudRadio/
    [7] twitter.com/EuropaMagnifica/
    [8] [UKRAINE] Qui a pu détruire le barrage de Nova Kakhovka ? Conséquences militaires, YouTube
    [9] Bruno Tertrais : « Le scénario le plus probable est celui de l’effondrement progressif de l’armée russe », Le Soir, 23 août 2023
    [10] Bruno Tertrais : « La Chine est peut-être un colosse aux pieds d’argiles », La Nouvelle République, 12 janvier 2024
    [11] twitter.com/search?q=Bruno%20tertrais%20ukraine
    [12] Bruno Tertrais : «La Russie pourrait se muer en une gigantesque Corée du Nord », Le Figaro, 27/07/2023
    [13] Ukraine : une contre-offensive imminente ?- Bruno Tertrais, C à vous, 06/06/2023
    [14] x.com/LCI/
    [15] Contre-offensive de l’Ukraine en préparation : “Les pertes seront très lourdes pour les Ukrainiens”, selon l’expert militaire Pierre Servent, FranceInfo, 4 mai 2023
    [16] Pierre Servent prédit “un effondrement du corps expéditionnaire russe”, FranceInfo, 24 février 2023
    [17] Pierre Servent prédit “un effondrement du corps expéditionnaire russe”, FranceInfo, 24 février 2023
    [18] RTBF, rtbf.be, 29 sept. 2022
    [19] Le Point, lepoint.fr, 29 sept. 2022.
    [20] France Info, francetvinfo.fr, 21 mars 2024.
    [21] France 24, x.com/France24_fr
    [22] Face à la Russie, « on ne peut pas laisser uniquement les Ukrainiens se battre à notre place », selon Nicolas Tenzer
    [23] France Info, x.com/franceinfo
    [24] France Info, Syrie : la Russie et le régime de Bachar Al-Assad mènent « une guerre d’extermination »

     

     

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  • Les sportifs roulent-ils pour le Système ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue grinçant de Michel Geoffroy cueilli sur Polémia et consacré aux sportifs comme soutiens objectifs du systèmes.

    Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou, et deux essais, La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018), La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Immigration de masse - L'assimilation impossible (La Nouvelle Librairie, 2021), Le crépuscule des Lumières (Via Romana, 2021)  et dernièrement Bienvenue dans le meilleur des mondes (La Nouvelle Librairie, 2023).

     

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    Les sportifs roulent pour le Système

    En France, ils sont partout. Pas une route, un chemin ou une rue sans les rencontrer désormais : les « sportifs », surtout du genre vélocipédique hargneux. Il y en a même tellement qu’on se demande quand ces gens travaillent. Mais ce sport de clones n’augure rien de bon.

    Comme des escargots après l’orage

    Jadis, les sportifs restaient dans les stades ou devant leur télévision à regarder des matchs et ils n’embêtaient personne. Sauf s’ils arrosaient trop la troisième mi-temps.
    Mais aujourd’hui, à tout âge, ils marchent sac au dos, ils courent (pardon, ils font du jogging) et surtout ils font de la bicyclette.

    Et ils ont toutes les exigences et surtout tous les droits : il faut leur aménager des sentiers de randonnée, il faut leur construire partout des stades, des piscines, des « pistes cyclables » et des parkings à vélos. Pendant que de plus en plus de villes instaurent des journées sans voitures et des rues piétonnes au profit des mêmes. Comme les joggeurs acceptent de plus en plus mal de s’arrêter car cela brise leur cadence, il est donc fortement recommandé de les laisser passer même quand ils traversent les routes.

    On a même configuré les trains pour que les vélos puissent voyager avec leur propriétaire ; et modifié le Code de la route pour qu’ils puissent passer au feu rouge ou rouler à contresens. Cela s’appelle « partager la route » en bobolangue.
    À peine l’A 13 est-elle fermée à la circulation que voilà nos individualistes à pied, à vélo, à trottinette ou à patins qui apparaissent, tels des escargots après l’orage. Le malheur de milliers d’automobilistes enlisés dans les bouchons fait la joie de quelques sportifs à roulettes.

    Le vélo est l’avenir français

    Ah, le vélo, voilà bien l’avenir français ! Les Japonais ont le Shinkansen, les Chinois ont le train Hyperloop et les taïkonautes, les Ukrainiens ont les tranchées, les Russes ont les drones et les bombes planantes. Nous, on a les vélocipédistes, de préférence grimés en coureurs de la grande boucle.
    On a des vélos comme les Hollandais et les Allemands, ce qui devrait nous rassurer. Les Européens sortent de l’histoire mais, nuance, ils le font à vélo et en sportifs. Quelle élégance !

    Car le vélo, c’est écolo, n’est-ce pas, surtout quand il est made in China et dispose d’un petit moteur électrique qui nécessite des terres rares que des enfants extraient de mines en Afrique… Mais cela ne gêne pas les mamans bobos qui vont chercher leur marmaille à l’école privée en carriole vélocipédique : ne sauvent-elles pas la planète par leur courageux pédalage assisté ?

    Le vélo, c’est progressiste, ce que ne comprennent pas ces salauds de beaufs qui « fument des clopes et roulent en diesel », comme le disait un ancien porte-parole du gouvernement d’Édouard Philippe au moment de la révolte des Gilets jaunes.

    Ah ! si les jeunes de banlieue faisaient des rodéos à vélo, ce serait tellement mieux, au lieu de rouler bêtement en scooter ou en BMW, et cela rendrait notre police plus performante.

    Le nouvel opium des peuples

    Le beau film d’anticipation de Norman Jewison Rollerball (tiré d’un roman de William Harrison), sorti en 1975, mettait en scène une société totalitaire, soumise aux monopoles privés mais où un sport très violent, le rollerball, servait à canaliser l’énergie de la population pour éviter qu’elle ne se révolte contre le Système. Le sport contre les peuples en quelque sorte, pour reprendre la formule de Robert Redeker : c’est-à-dire le sport comme nouvel opium du peuple, comme divertissement pascalien destiné à nous faire tenir tranquilles pour le plus grand profit des puissants.

    Hélas ! la fiction devient réalité car nous entrons dans le monde de Rollerball par la petite porte.

    Car, pendant que les Européens font du sport sous prétexte de préserver leur petite santé, pendant qu’on pédale partout avec entrain et si possible au milieu de la route ou sur les trottoirs, pendant qu’on s’apprête à suivre le parcours de la flamme olympique comme le Messie mais sous contrôle policier, en attendant les QR codes des Jeux olympiques d’un Paris digne du prince Potemkine, le Système peut dormir tranquille.

    Le Système peut dormir tranquille

    Non seulement l’oligarchie gagne beaucoup d’argent en nous vendant tout ce dont le sportif a besoin, non seulement le sport professionnel lui permet de mettre en scène son idéologie diversitaire, mais, en outre, ce ne sont pas les sportifs du dimanche, les yeux rivés sur leur guidon et les écouteurs aux oreilles, qui vont le gêner.
    Les révolutionnaires sont rarement des cyclistes.

    Ces sportifs n’incarnent pas la grande santé, ni la verticalité du dépassement de soi, ni l’émulation communautaire des vainqueurs. Ce ne sont que des individus, de tristes clones interchangeables et manipulés.

    Coluche, dans l’un de ses sketchs, usait du mot sportif comme d’une insulte et cela faisait rire son public bourgeois.
    On se demande parfois s’il n’avait finalement pas raison.

    Michel Geoffroy (Polémia, 10 mai 2024)

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  • Le triomphe de Thomas Zins : anatomie d'un consentement...

    Nous reproduisons ci-dessous un bel article cueilli sur Idiocratie et consacré au grand roman de Mathieu Jung, Le triomphe de Thomas Zins, publié en 2017 et réédité en poche en 2018, que nous vous engageons à découvrir, si vous ne l'avez pas encore lu. Les autres pourront prolonger les réflexions de cet article par la lecture du texte, «Thomas Zins, Céline Schaller et leurs enfants. 24 brindilles pour une modeste couronne », qu'a consacré Olivier Rey à ce roman dans le numéro de Nouvelle École (n°72) publié en 2023, ainsi par celle du dossier que la revue L'Atelier du roman (n°94, 2018) lui a consacré (avec des articles de François Taillandier, Romaric Sangars, Dominique Noguez et Olivier Maulin, notamment).

     

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    Le triomphe de Thomas Zins : anatomie d'un consentement

    La publication du roman de Matthieu Jung, Le triomphe de Thomas Zins, n'a suscité que de rares échos bienveillants dans la presse et il s'est trouvé aussi quelques culs-bénis de gauche ou de droite, jetant de part et d'autre des anathèmes bien imbéciles, tel petit fonctionnaire du bien-penser brandissant le sempiternel « soupçon d'homophobie », tel excité du goupillon, campant sur la rive opposée du marigot idéologique français, affirmant au contraire que le roman se vautre « dans la fange sodomite ». Quand les abrutis des deux camps se mettent d'accord pour vilipender un texte, on sait en général que celui-ci risque d'être bon. Avec Matthieu Jung, on est bien au-delà et plus d'un lecteur aura réalisé en achevant le Triomphe qu'il tenait là un très grand texte, certainement d'ailleurs l'un des rares grands textes que la fin du XXè et le début du XXIè, peu prodigues en la matière, nous auront laissé. 

    Dans le Triomphe de Thomas Zins, Matthieu Jung évoque une adolescence vécue dans les années 80 entre Nancy et Paris, évitant tout à la fois la mièvrerie et cette insupportable pseudo-connivence du vintage ou du kitsch, qui est le plus insupportable des maniérismes auxquels nous a habitué une époque obsédée par la mode du « revival ». Pas d'idéalisation, ni de regard attendri ou de second degré lourdingue dans l'évocation que livre Jung d'une adolescence vécue en 1985. Pour décrire le quotidien de Thomas Zins, les filles, les fantasmes, les frustrations et les tics de langage qui peuplent l'univers du nancéen de quinze ans entrant en classe de Seconde, Matthieu Jung fait mouche quasiment à tous les coups. De fait, Le Triomphe est l'une des évocations les plus justes, et, conséquemment, les plus cruelles, qui soient de cette France des années 80 qui vécut « l'illusion lyrique » mitterrandienne avant de voir peu à peu le rêve égalitaire et libérateur s'achever avec le « tournant libéral » fabiusien pour finalement sombrer dans la mascarade du PS à l'heure d'Harlem Désir et de Touche pas à mon pote. C'est aussi dans ce laps de temps d'une dizaine d'années que l'on observe également le triomphe et la ruine de Thomas Zins, jeune homme brillant mais influençable, obnubilé par ses rêves de succès érotiques et littéraires.

    Thomas triomphe, certes, au début du roman, mais ce triomphe, on le comprend, l'aveugle et en fait la victime idéale d'un prédateur croisant son chemin et suffisamment roué pour tirer parti de l'orgueil et des doutes du jeune homme. L'époque que décrit le Triomphe de Thomas Zins, est aussi celle qui célèbre encore, quinze après mai 68, l'impératif de jouissance, jusqu'à donner licence à la perversité la plus manipulatrice. En ce temps-là, on voyait Tony Duvert plastronner dans les colonnes de Libération en déclarant : « Je connais un enfant et si la mère est opposée aux relations que j'ai avec lui, ce n'est pas du tout pour des histoires de bite, c'est avant tout parce que je le lui prends. Pour des histoires de pouvoir, oui. »1 C'est l'époque où une certaine intelligentsia pouvait encore trouver très subversif de voir le même Duvert proclamer : « Je n'ai jamais fait l'amour avec un garçon de moins de six ans et ce défaut d'expérience, s'il me navre, ne me frustre pas vraiment. Par contre, à six ans, le fruit me paraît mur : c'est un homme et il n'y manque rien. Cela devrait être l'âge de la majorité civile. On y viendra. »2 Le journal Libération avait fini par faire son mea culpa en 2001 sous la plume de Sorj Chalandon et s'est cru récemment obligé de rappeler cet aggiornamento tardif alors que la tempête déclenchée par le scandale des pratiques pédophiles au sein de l'Eglise catholique risquait d'atteindre les rivages encore tranquilles de la gauche transgressive, Eglise médiatique autrement plus puissante.

    De ces années 80 là, le roman restait à faire puisqu'un silence gêné a succédé dans nombre de milieux à l'hagiographie littéraire. Les exemples, plus ou moins prestigieux, de Duvert à Matzneff, ne manquaient certes pas pour inspirer dans le Triomphe de Thomas Zins, le personnage de Jean-Philippe Candelier, pédéraste3 sordide se vantant auprès de sa jeune victime de nauséabonds exploits, enjolivés et justifiés au nom de cette esthétique frelatée dont nous sommes habitués à avoir les oreilles rebattues, avec ses thuriféraires, ses grands noms et ses grands prêtres, l'inusable trio  Bataille, Genet, Sade, croquemitaines en carton-pâte du théâtre de Guignol de la pseudo-transgression, agités et brandis à tout propos, pour tout justifier, du grotesque au répugnant. A coup sûr avec Candelier, Matthieu Jung a créé un intéressant monstre littéraire, dont l'humanité n'est pourtant que trop bien restituée dans ces travers les plus révoltants.

    Petit à petit, le prédateur tisse sa toile autour de Thomas, usant du chantage ou de la menace, instillant le doute comme un poison dans le psychisme adolescent pour neutraliser chez sa victime tous les mécanismes de défense, réussissant même pour finir à lui voler jusqu'à la parole pour réduire la victime au silence. Ce que le roman de Jung réussit aussi parfaitement, c'est à laisser la figure de Candelier relativement à l'arrière-plan. Hormis une ou deux scènes cruciales qui montrent simplement de quelle manière l'influence délétère du jouisseur sans entrave peut démolir le psychisme d'un gamin de quinze ans, ce qui intéresse le romancier est de narrer le combat livré par Thomas contre lui-même pour tenter de retrouver, à travers l'inextricable labyrinthe érigé par son vrai-faux « ami », et par la vie elle-même, qui est vraiment Thomas Zins. Au cours de cette lente dérive s'abîment l'adolescence, les premières amours, les amitiés et les ambitions d'un jeune homme trop arrogant et trop naïf qui se rêve romancier à succès et se figure avec candeur que la malhonnêteté et le cynisme de Candelier sont seulement une forme de transgression mondaine qui doit nécessairement accompagner la carrière de tout écrivain brillant et subversif. Some of them want to use you, some of them want to get used by you, some of them want to abuse you, some of them want to be abused...

    A travers les tribulations de Thomas, le roman de Matthieu Jung parle de l'absence destructrice des pères, du renoncement des aînés, d'un traumatisme spécifiquement français, qui renvoie bien au-delà des années 80 ou de mai 68, à la Seconde Guerre mondiale et aux guerres de décolonisation qui jettent dans le livre de Jung une ombre funeste sur les parents, les aînés, se débattant dans leur histoire familiale et leurs existences de plus en plus vides, au point de n'être plus capables de venir au secours de leur propres enfants. En écrivant sur de tels sujets, Matthieu Jung aurait pu aussi tomber dans le pamphlet, le réquisitoire ou le roman à thèse. C'est un écueil qu'il évite complètement en livrant au lecteur un roman d'une lumineuse noirceur.

     Des idiots (Idiocratie, 24 avril 2024)

     

    Notes :

    1 « Non à l'enfant poupée », propos recueillis par Guy Hocquenghem et Marc Voline, Libération, 10 avril 1979

    2 Tony Duvert, L'Enfant au masculin, éditions de Minuit, 1980, pages 18 et 21

     Si d'aventure, il se trouve un lecteur tenté de hurler à l'homophobie en lisant ce passage, je lui conseillerais d'aller tout de suite consulter un dictionnaire pour être bien au clair sur le sens du terme « pédéraste ». Les confusions malveillantes étant de nos jours malheureusement fort commodément entretenues.

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