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Points de vue - Page 29

  • Les différences de QI entre populations sont-elles génétiques ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une vidéo de Nicolas Faure consacrée aux différences de QI entre les populations. Animateur sur sa chaîne Youtube de l'émission Nouvelle vague, il est proche des positions d'une droite occidentaliste et prométhéenne qui s'exprime notamment sur le site Rage...

     

                                             

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  • Les émeutes à la lumière de Nietzsche : le nihilisme des « hors-sol »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre Le Vigan consacré au nihilisme des émeutiers qui ont sévi dans notre pays au début du mois de juillet.

    Urbaniste, collaborateur des revues Eléments, Krisis et Perspectives libres, Pierre Le Vigan a notamment publié Inventaire de la modernité avant liquidation (Avatar, 2007), Le Front du Cachalot (Dualpha, 2009), La banlieue contre la ville (La Barque d'Or, 2011), Écrire contre la modernité (La Barque d'Or, 2012), Soudain la postmodernité (La Barque d'or, 2015), Achever le nihilisme (Sigest, 2019), Nietzsche et l'Europe (Perspectives libres, 2022) et La planète des philosophes (Dualpha, 2023).

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    Les émeutes à la lumière de Nietzsche : le nihilisme des « hors-sol »

    D’une manière générale, la jeunesse veut la vie, c’est pourquoi elle peut aussi bien être héroïque que mettre son énergie au service de ce qu’il y a de plus médiocre. Dans notre époque, où l’horizon proposé n’est plus la grandeur d’un pays, ni les cimes du dépassement de soi, où les classes dirigeantes ne se cachent pas pour exprimer leur mépris du peuple, une certaine jeunesse se tourne vers le consumérisme et la médiocrité d’une société marchande sans culture. Les mariages dans certains milieux communautaires sont caractéristiques : locations de voitures de luxe, conduite sauvage, occupation physique et sonore du domaine public, drapeaux étrangers, mépris affiché pour les classes laborieuses, elles-mêmes pourtant en bonne partie immigrées. En un mot : appropriation du territoire et démonstration de force. Goût de la spectacularisation et consumérisme forcené. Le pire de l’Occident. Les pires des malchances pour la France.

    « Un nihiliste, disait Nietzsche, est un homme qui juge que le monde tel qu’il est ne devrait pas exister, et que le monde tel qu’il devrait être n’existe pas » (Fragments posthumes, 1887, IX, 60). Pour les émeutiers et casseurs, le monde tel qu’il est leur convient. La loi de la jungle est leur loi et leur convient. C’est aussi la loi de l’argent, par quoi ils sont jumeaux de l’oligarchie d’en haut, à laquelle mille liens les rattachent, dont la même vue du monde, une vue postnationale avec l’argent comme seul étalon de référence. Certains gagnent de l’argent avec de la drogue non autorisée, d’autres avec des spéculations financières autorisées ou de faux vaccins autorisés. La différence est de forme et de style. Mais ce que veulent détruire les casseurs nihilistes, c’est ce qui résiste encore à la marchandisation du monde. Ce sont les services publics. Ce sont les vestiges d’une France qui fut assimilatrice (mais quand les immigrés étaient dix fois moins nombreux et ne pouvaient venir sans travailler) et dont ils ne veulent plus.

    Le désert des émeutiers

    Une partie de cette jeunesse se caractérise par un mélange de sadisme, d’infantilisme et d’ivresse de toute-puissance. La volonté de puissance devient une volonté de détruire. « La vie est à mes yeux instinct de croissance, de durée, d’accumulation de forces, de puissance : là où la volonté de puissance fait défaut, il y a déclin », dit encore Nietzsche dans L’Antéchrist. Un instinct de croissance, mais de quoi ? Il s’agit pour les émeutiers de faire croître le désert. Le désert du rien, le désert de toutes les institutions, par destruction des écoles, des gymnases, des médiathèques. Le désert des bédouins. Seules les institutions communautaires en réchappent : les mosquées ne brûlent pas. Et si les émeutiers brûlent plus volontiers les écoles que les églises, c’est que, bien que fort peu cultivés, ils ont compris que l’État français laïque se contrefiche de la destruction des églises (voire s’en réjouit. Belle occasion de les transformer en musée, en office de tourisme, en lieu de création culturelle « inclusive » !), mais pas de celle des écoles.

    Qui bascule dans le nihilisme ? Une certaine jeunesse, en majorité issue de l’immigration, qui est surtout celle qui vient des pays les plus dépourvus de culture nationale (États artificiels issus de la colonisation plutôt qu’originaires de vieux pays comme l’Égypte, la Turquie, l’Inde, la Chine, etc.). Plus on est dans le doute sur son identité, plus on ressent la fragilité de celle-ci (fragile ne veut pourtant pas dire médiocre), plus on est dans le ressentiment, « le plus contagieux des sentiments » (François Bousquet). Plus on est, aussi, dans la destruction. Une certaine jeunesse ne se sent pas chez elle, ici, et elle hait le pays d’accueil qu’est la France, qui offre pourtant (trop) généreusement sa nationalité et de toute façon a effacé toutes les frontières entre citoyens et non citoyens. Mais la générosité par faiblesse ne vaut rien. Plus la conscience est fausse conscience, plus la haine est forte. Ceux qui ont tous fait pour venir en France alors qu’ils ont tout fait pour chasser les Français de chez eux sont ceux qui la haïssent le plus : sans cette haine, ils se rendraient compte qu’ils sont dans une position de schizophrènes, consistant à vouloir vivre absolument dans un pays qu’ils haïssent. Et consistant à se réclamer d’un pays qu’ils ont fui parce qu’il n’y avait pas d’avenir dans celui-ci. Le choix de ces gens dans une situation folle est simple : soit la haine de la France, soit la haine de soi.

    La haine de la France

    Une certaine jeunesse n’est pas la majorité de la jeunesse de banlieue, ni de la jeunesse immigrée, majorité qui travaille ou étudie et est rendue invisible par les casseurs et agresseurs de gens paisibles, comme le rappelle Christophe Guilluy dans un entretien à Marianne (6 juillet 2023). Mais il y a une fraction de la jeunesse qui déteste la France, et y est encouragée par les rappeurs et autres « artistes » financés et promus par l’oligarchie. Cette fraction de jeunesse est une minorité, mais pas une infime minorité. Restera-t-elle une minorité, ou deviendra-t-elle majoritaire, l’impunité des jeunes mineurs, notamment, faisant basculer la majorité de la jeunesse issue de l’immigration vers la délinquance et le saccage ? C’est l’un des aspects de la question. C’est pourtant de la population immigrée que viennent les condamnations les plus nettes de cette violence, dont elle est la première victime, car ce ne sont pas les quartiers de Neuilly-Auteuil-Passy qui sont dévastés (encore qu’ils soient parfois marginalement touchés). Un paradoxe que cette condamnation des émeutes non par les bobos parisiens, ancrés dans la « culture de l’excuse », mais par les immigrés d’un certain âge ? Non, c’est une contradiction culturelle. Les gens issus d’une culture traditionnelle sont les plus offusqués par des émeutes et destructions gratuites. Les jeunes sans culture représentent une génération perdue, sans autre valeur que l’argent, et l’argent facile, celui de la drogue. Qu’il amène une partie de leur famille à jouir de cet argent facile, cela ne fait pas de doute, et c’est pourquoi, comme le dit justement Gabrielle Cluzel, les parents devraient être tenus responsables sur leurs deniers des dégradations faites par leurs enfants mineurs. Encore faudrait-il au moins qu’il n’y ait pas la possibilité d’une grève des greffiers à un moment aussi crucial que celui que nous vivons !

    Haine de la France : c’est bien de cela qu’il s’agit. Un banlieusard, 40 ans, origine maghrébine, dit à son voisin dans un autobus : « Ce n’est pas le Coran qui est en question, c’est la haine de la France. » Bien vu. Ces jeunes n’ont pas lu le Coran. Ils ne connaissent rien non plus à la France. Rien non plus de leur pays d’origine, sauf, parfois, la propagande débile de leur gouvernement, se défaussant de sa corruption et de son incapacité sur un soi-disant « héritage colonial », plus de soixante ans plus tard ! À cette jeunesse, on ne dit rien de fort. On lui parle de la « république », sans même préciser la République française.

    Ce que cette jeunesse déteste, c’est la France et tout ce qui la représente, les mairies, les commissariats, les pompiers, y compris les équipements construits pour eux, les centres sociaux, les équipements sportifs, etc. S’il y a une France qu’une certaine jeunesse trouve méprisable,  c’est bien celle qui ne s’affirme pas comme France, mais comme « pays des droits de l’homme » et « pays de la laïcité ». La négation officielle de la violence comme fait anthropologique inévitable à canaliser mais non à supprimer, le fait que plus d’émeutes se traduisent toujours par plus de subventions et de déclarations d’amour à ces « jeunes en souffrance » (sic) et autres « petits anges »  fait que la violence devient hystérique. On parlera à juste titre, avec Léon Bloy, de « mendiants ingrats ». Faut-il s’en étonner ? Le misérabilisme n’entraîne que le mépris. « C’est la société, notre société policée, médiocre, castrée, qui, fatalement, fait dégénérer en criminel un homme proche de la nature, venu des montagnes, ou des aventures en mer. Ou plutôt, presque fatalement : car il est des cas où un tel homme se révèle plus fort que la société », disait Nietzsche (Crépuscule des idoles, « Divagation d’un inactuel », 45). Et de fait, ces jeunes, qui ne viennent plus des montagnes mais des zones de trafic de drogues, imposent leur loi à la société. Car s’il y a nihilisme destructeur, il y a aussi l’expression d’un rapport de force, et quand l’affaire prend des proportions excessives, l’ordre est ramené dans les quartiers par les caïds (ceux qui détiennent les armes, les moyens pour acheter les mortiers d’artifice, etc.), de façon à ce que le trafic reprenne « normalement », si on peut dire. Le caïdat n’a pas d’intérêt à chercher l’affrontement avec un pouvoir qui tolère parfaitement le trafic. Celui-ci permet de payer les loyers, et il empêche tout mouvement social face au chômage de masse et aux emplois précaires, chômage qui serait accru si un certain nombre de gens ne vivaient pas du trafic de drogue. Cet anesthésiant social et psychologique fait très bien les affaires de l’oligarchie qui, pour partie, est en outre dans sa bonne clientèle.

    Les nomades qui mettent en coupe réglée les sédentaires

    Reste qu’il y a des émeutes malgré cet anesthésiant. Pourquoi ? Parce qu’une société médiocre ne fait plus peur. Elle devient l’enjeu d’un défi qui lui est lancé par cette jeunesse. Parce qu’il est régulièrement nécessaire aux bandes de rappeler que ce sont elles, et non l’État, qui fait la loi en banlieue, les émeutes sont ainsi l’expression d’un rapport de force que l’on veut imposer, et non une révolte sincère devant un décès dramatique. Car la mort ne révolte pas les jeunes : s’il y a des victimes de bavures policières – et assurément, l’enquête devrait être menée par une autorité totalement indépendante –, il y a beaucoup plus de victimes de la violence des bandes de jeunes parmi d’innocents voisins : passants écrasés en traversant la rue par un conducteur sans permis ou fuyant les forces de l’ordre,  victimes de fusillade ayant eu le seul tort d’être présent au mauvais endroit et au mauvais moment, etc. Plus encore, les affrontements entre « jeunes » (et moins jeunes) à propos de dettes de trafic ou de conflits de territoire font beaucoup plus de morts que les fameuses bavures policières. Il n’y a de pire conflit de territoires qu’entre les hors sol. Chassez la nature, elle revient au galop ! L’homme a un instinct territorial. Et quand on ne connaît pas grand-chose à l’histoire, il ne reste que les bagarres au couteau entre bandes de Maisons-Alfort contre celle d’Alfortville. Un conflit de civilisation, cela ? Pourquoi pas une querelle théologique tant que vous y êtes ! Laissez-moi rire.  

    Si la faiblesse de l’État, et celle de la justice, appelle au rapport de forces contre l’État, rien ne serait possible sans un climat, sans un état d’esprit métapolitique, qui est le nôtre. C’est l’ethno-masochisme qui nous gouverne. C’est la haine de soi sous la forme de la haine de notre nation qui est devenue la doctrine officielle de la post-gauche wokiste (la « droite » des Pécresse et autre Copé ou Darmanin n’étant qu’une gauche un peu en retard). Cette idéologie est la suite logique de l’égalitarisme. Car ce dernier n’est pas seulement l’égalité des chances. Il est l’égalité de nature de tous les hommes. Il est l’identité de nature. Pour être sûr qu’il y a égalité, le plus simple n’est-il pas qu’il y ait identité ? Voulons-nous vraiment l’égalité entre hommes et femmes ? Affirmons, pour être certain de l’atteindre, que les hommes et les femmes, c’est la même chose !

    « La doctrine de l’égalité ! Mais c’est qu’il n’y a pas de poison plus toxique : car elle semble prêchée par la justice même, alors qu’elle est la fin de toute justice… Aux égaux, traitement égal, aux inégaux, traitement inégal : telle serait la vraie devise de la justice. Et ce qui en découle : ‘’Ne jamais égaliser ce qui est inégal’’ », écrit Nietzsche (Crépuscule des idoles, 48). Mais qui peut croire que les émeutiers casseurs veulent vraiment l’égalité. Ils ne rêvent que de domination. « Niquer la France » : c’est un mot d’ordre de prédateur et de violeur.  Ils veulent dominer. Ils veulent être les nouveaux caïds. Ils sont les nomades qui mettent en coupe réglée les sédentaires. Les Anywheres contre les Somewheres (David Goodhart). Les casseurs qui ne veulent comme socle social qu’une connexion internet contre les gens de quelque part qui veulent la sécurité culturelle et deviennent populistes contre des élites qui les privent de celle-ci.

    Une guerre contre la civilisation

    Les « hors la loi » (HLL) sont ceux qui rançonnent ceux qui travaillent légalement (et qui peuvent, bien entendu, avoir, ou pas, les mêmes origines ethniques). Et comme les sédentaires et les travailleurs sont des hommes de la transmission, y compris celle des savoir-faire professionnels, les nouveaux barbares veulent la fin de toutes les transmissions.  Moins qu’une guerre de civilisation, c’est une guerre contre la civilisation qui est la leur. Et qui est donc la nôtre puisqu’ils ont désigné la France comme ennemi. Refusant l’histoire, le passé, ne lisant pas (sauf les notices des explosifs), ces jeunes vivent dans ce que Karl Heinz Bohrer appelait « un présent absolu ».  C’est un présent qui n’actualise ni le passé ni le futur – le contraire du présent chez Giorgio Locchi. Pour faire sortir cette jeunesse de ce « présent absolu », il faudrait que la France redevienne une terre et un peuple, et remette au premier plan le récit d’une transmission. Bernanos écrit à propos d’une époque qui annonçait les désastres moraux de la nôtre : « Non seulement ce malheureux pays n’avait plus de substance grise, mais la tumeur s’était si parfaitement substituée à l’organe qu’elle avait détruit, que la France ne semblait pas s’apercevoir du changement, et pensait avec son cancer ! » (La grande peur des bien-pensants).

    Pour renouer avec un récit français, il faudrait pour cela sortir d’une définition universaliste de la France. Chaque territoire est une voie d’accès à l’universel, mais précisément, il faut en passer par un territoire et une culture singulière. Comme le note Alain de Benoist, « il n’y a pas d’accès à l’universel sans médiation ». Nous ne sommes pas loin de l’idée que développait Hegel, comme quoi le concret est toujours supérieur à l’abstrait. Or, le concret, c’est notamment le charnel, le matériel au sens de ce qui a uns substance physique, ce qui se touche, et non pas l’abstraction de mots d’ordre comme « pays des droits de l’homme », « progrès », « vocation universelle de la France », qui est la version moderne de la « fille aînée de l’Église », et autres calembredaines, etc. Aimer une terre, c’est être capable de trouver, à partir d’elle, un horizon, être capable de définir un but à sa vie, de tracer un sillon, et de s’y tenir. La vita activa dont parle Hannah Arendt, c’est ce rapport à la terre, qui inclut à la fois le travail, l’œuvre, l’action. À la fois la peine des hommes, le dur labeur, et la création (l’œuvre), et la participation à la vie publique, communale d’abord, locale, nationale ensuite. Cette vie active nécessite de se reconnaitre dans plusieurs cercles d’appartenance. Elle nécessite la territorialisation de nos vies. Mais une certaine jeunesse peut-elle aimer la terre de France ? Sa place est là où est son cœur. Et si le cœur de cette jeunesse n’est pas en France, nous n’y pouvons rien.  Si ce n’est en tirer des conclusions. Par exemple en termes de déchéance de nationalité pour ceux, nombreux, qui sont Français par les papiers et ne se sentent visiblement pas Français.

    Pierre Le Vigan (Site de la revue Éléments, 18 juillet 2023)

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  • Le risque du despotisme démocratique...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une nouvelle vidéo d'Ego Non dans laquelle il évoque la menace du despotisme démocratique au travers de l’œuvre d'Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique.

     

                               

     

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  • Néo-vacanciers : de si gentils robots...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de David Cesena cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré aux néo-vacanciers de la société liquide...

     

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    Néo-vacanciers : de si gentils robots

    Ils sourient hagards. C’est l’été. Les voilà prêts à quitter La Défense pour s’égailler à Ibiza, Los Angeles ou Bodrum. Peu importe la destination, pourvu qu’ils aient l’ivresse du voyage. Oh, rien de très dépaysant, ils comptent bien retrouver les mêmes chaînes de magasins, les mêmes cocktails et les mêmes séries dans ce qui leur tient lieu d’imagination. 

    Ont-ils déjà posé les pieds dans nos ghettos ethniques ? De toute manière, Kevin et Mateo épousent le sabir d’Ahmed. Leur lingua franca a écrabouillé tous les adverbes pour en recracher un gloubi-boulga réduit à sa plus simple expression. Faut-il en rire ou en pleurer, à l’heure où la queer theory triomphe, ils n’ont plus que le mot genre à la bouche. « Genre, tu vois genre, j’ai trop kiffé genre ». Une syntaxe schtroumpfement riche ! L’adjectif stylé se greffe sur le beau, le bien et le juste. « Trop stylé, genre ! ». 

    Dès L’abîme se repeuple (1997), Jaime Semprun dénonçait la déréliction du langage propre aux sociétés industrielles avancées. Nous n’en sommes plus là. Car de langage, il n’y a plus. Les mots, ou leurs substituts, sortent comme des sabres des gueules de ces fakirs involontaires. Des sentiments ou des pensées abstraites les font paniquer. Ils n’ont plus les mots, les choses, ni les esprits pour les concevoir. Un bégaiement trahit parfois leur désarroi… de courte durée. Heureusement, leur conscience s’est endormie avec leur âme.

    Le néant consumériste

    Si le monde entier est devenu un aéroport, comme Michel Houellebecq le prophétisait dans Plateforme, ils en sont les voyageurs sans bagage. Salariés du tertiaire, ils jouissent d’un pouvoir d’achat à réinjecter dans l’industrie des loisirs. Aussi longtemps que l’Intelligence artificielle ne les aura pas remplacés. En attendant cette apocalypse programmée, ils tuent le temps sur les réseaux sociaux, suivent des influenceuses, se photographient devant des spritz et gomment leurs défauts grâce aux filtres magiques de la Toile.

    Leurs parents ne leur ont rien légué ou si peu. Quelques souvenirs. Du numéraire. Tout autant que les classiques, la littérature et le cinéma populaire français leur sont étrangers. Molière, Fernand Raynaud ou Le Splendid, connais pas. Renoir père ou fils, même combat perdu d’avance. Y a-t-il eu seulement une vie avant Facebook ?

    Qui sont ces enfants de personne, suivant l’expression qu’avait trouvée Jacques de Guillebon du temps de sa jeunesse perdue ? Des cadres inférieurs, supérieurs ou moyens, suivant leur ancienneté et leur degré de progression dans l’organisation. Ils ont entre 25 et 45 ans. Netflix supplée à leur imagination. Uber Eats à leur alimentation. Amazon Prime à leur divertissement. 

    Du monde, ils n’ont connu qu’un Occident cramoisi par la paix perpétuelle. Les attentats islamistes n’auront eu raison de leur pacifisme. Ces robots faits hommes sont si ingénus qu’ils croient leurs congénères solubles dans le consumérisme pacificateur. Par principe, ils se disent écologistes, antiracistes et bienveillants.

    De Mickey à Barbie

    Ne vous risquez pas au second degré avec ces internautes-nés. Ils n’entendent rien aux vannes acides de Pierre Desproges sur le cancer ou le racisme. Ils croiraient raciste le sketch de Guy Bedos et Sophie Daumier sur les vacances au Maroc. Vous qui entrez ici avez aboli toute ironie…

    Toute négativité a quitté leur univers. S’y insinuent bien quelques maladies, des crises, voire la mort avec sa grande faux qu’il convient d’expulser en Ehpad. En transhumanistes à petit pied, ils se croient immortels. Rien ne les angoisse comme la mort, dont ils taisent jusqu’au nom. Un mauvais esprit se demanderait pourquoi ils tiennent tant à survivre. L’immortalité, pour quoi faire ? Ils sont ce qu’ils possèdent, c’est-à-dire un compte en banque convertible en marchandises. Nous vivons au milieu des holothuries, ces gentils concombres de mer qui se contentent d’une bouche et d’un anus pour ingérer puis déféquer.

    Il faudra vous y faire : nos congénères sont innocents, comme le mur contre lequel on fusille les communards, ironisait Bertrand Delcour dans Pourquoi nous sommes morts. La nouvelle bourgeoisie inculte – au sens quasi littéral du mot – a trouvé son président. À force de « cranter un truc » (sic), Macron représente le parfait compromis entre cette Civilisation des prénoms chère à Renaud Camus et la masse des retraités accrochés à leur épargne. Le Petit Remplacement qu’ils incarnent ne console pas du grand. Il nous y enfonce la tête la première.   À son maquilleur qui s’étonnait de l’assassinat de Kennedy, De Gaulle aurait répondu : « Qu’attendez-vous d’un peuple d’adultes qui lit Mickey ? » Maintenant que la lecture, fût-ce la plus débilitante, a laissé place aux images, qu’escomptez-vous d’un troupeau d’adultes qui regarde Barbie ?

    David Cesena (Site de la revue Éléments, 8 août 2023)

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  • Référendum sur l’immigration : la méfiance des élites envers la souveraineté populaire...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Leblay cueilli sur Polémia et consacré au refus des consultations référendaires du peuple par les élites du système.

     

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    Référendum sur l’immigration : la méfiance des élites envers la souveraineté populaire

    Le site Télos a publié le 27 mai dernier un article de Messieurs Elie Cohen, Gérard Grunberg et Pasquale Pasquino intitulé Le choix inquiétant des Républicains. Il s’agit d’une critique de l’annonce dans Le journal du dimanche du 21 mai 2023 par Eric Ciotti, Olivier Marleix et Bruno Retailleau de deux propositions de loi sur l’immigration. La première proposition vise à permettre la tenue d’un référendum sur l’immigration et la seconde a pour objet l’adoption de mesures restrictives sur l’immigration. Face à ces deux propositions, les auteurs de l’article marquent leur opposition avec les intentions formulées par les trois élus Républicains qu’ils résument en trois mesures : une réforme constitutionnelle pour élargir l’objet du referendum à la politique de l’immigration ; une remise en cause de la primauté de la norme juridique européenne sur la norme nationale ; et une primauté de la décision politique sur son interprétation juridique.

    Une conception de la démocratie

    Ce qui retient d’abord l’attention c’est la conception avancée par les trois auteurs de ce que doit être une démocratie et leur considération pour la souveraineté populaire. C’est certainement à ce titre que l’article doit être relevé en premier lieu. Deux phrases extraites de celui-ci en traduit l’esprit : LR remet à l’honneur la pratique du référendum, partageant ainsi la tendance antiparlementaire de la droite et de la gauche radicales et rompant avec le ralliement des gaullistes au parlementarisme rationalisé opéré après le départ du général de Gaulle. Cette évolution est dangereuse. La présidence du Général De Gaulle et le recours par celui-ci au suffrage populaire pour les questions qu’il estimait essentielles pour le pays apparait de ce point de vue comme une regrettable parenthèse. En fait, ce qui est défini comme le parlementarisme rationalisé est à l’essence de la Ve République puisque la Constitution de celle-ci, approuvée par le suffrage universel le 28 septembre 1958, a bordé l’action du Parlement. D’une part, aux termes des articles 34 et 37 de la Constitution le domaine de la loi est strictement défini, les « matières autres » ayant un caractère réglementaire. D’autre part, cette Constitution offre au gouvernement des moyens constitutionnels, en premier lieu l’article 49.3, pour faire adopter des textes malgré l’absence de majorité pour les voter. En parallèle, le recours au référendum est explicitement prévu aux termes des articles 11 et 89 de la Constitution. Il est vrai que l’article 89 apporte une limite fondamentale puisque toute réforme de la Constitution proposée au référendum doit au préalable être approuvée dans les mêmes termes par les deux assemblées. Le Général De Gaulle dû regretter cette disposition puisqu’il l’enfreint lors de la réforme constitutionnelle de 1962. Il recourut à l’article 11 comme dans le cas de l’autre projet de réforme constitutionnelle de 1969. Dans ces deux circonstances, le fondateur de la Ve République paraissait opposer une légitimité populaire à une légitimité parlementaire. Pour autant, il n’y eut aucun caractère systématique dans cette opposition. Notamment, renonçant à son projet de référendum annoncé le 24 mai 1968, c’est bien par le recours à des élections législatives qu’il a résolu politiquement la crise née des évènements de mai-juin 1968.

    Sans que la proposition soit détaillée, la réforme constitutionnelle envisagée par les trois élus Républicains devrait toucher l’article 89, permettant au Président de la République de soumettre directement au référendum un projet qui comporterait une modification de dispositions constitutionnelles.

    Une telle option ne remet pas en cause le parlementarisme rationalisé. Elle vise sur des sujets considérés comme essentiels à recueillir l’approbation du suffrage universel. Toute autre serait l’introduction du « référendum d’initiative citoyenne ».

    En fait, les auteurs expriment la plus grande méfiance à l’encontre de la souveraineté populaire, expression de la souveraineté nationale. C’est l’idée même qu’un peuple puisse par son suffrage fixé son destin qui est en cause, la mythologie juridique de la souveraineté populaire, selon leur expression à propos du référendum. L’élément fondamental de leur raisonnement est la soumission de l’action politique au contrôle du juge : … cette source (les règles en termes d’immigration) réside dans un ordre juridique fondé sur des droits universels garantis par des conventions européennes et sur le pouvoir d’interprétation et de sanction du juge. Ils ajoutent, par rapport à ces propositions des élus Républicains, qu’il s’agit d’une remise en cause de la primauté de la norme juridique européenne sur la norme nationale ; et une primauté de la décision politique sur son interprétation juridique… En précisant que : La supériorité de la norme juridique européenne sur la norme nationale est constitutive du projet européen et ne saurait être écartée au nom d’intérêts dont la définition serait laissée à la discrétion de chaque nation.

    Or, s’il peut être admis que le juge censure le vote du législateur, à l’évidence, réprouver l’expression populaire manifesterait un déni de démocratie. La promotion des valeurs et, en premier lieu, la démocratie se trouverait fortement mise à mal.

    En la circonstance, le sujet de l’immigration tel qu’il se présente pose le problème du devenir de la Nation au regard de l’arrivée de populations, de plus en plus nombreuses avec le temps, venues d’autres aires de civilisation ; sans compter les questions immédiates liées à la sécurité quotidienne.

    Le rejet du référendum et de la souveraineté populaire

    Ainsi, il ressort du propos trois éléments : des droits universels garantis ; des nations enserrées dans des règles supranationales ; in fine, le pouvoir de décision revient au juge. Comme il est souligné, La France ne peut pas plus que l’Italie (pour la politique migratoire) s’opposer à l’Union européenne. Ce qu’il manque, assurément, partant de ces observations, c’est une définition de la démocratie et de la souveraineté d’un peuple. Néanmoins, il est possible de relever dans l’article quelques indices. Ainsi, s’agissant du référendum de 2005, ils (les électeurs) se décident plutôt en fonction de leur relation à l’acteur politique qui propose le référendum que sur le contenu de la proposition – comme on l’a bien vu dans le cas du référendum sur le traité constitutionnel de l’Union Européenne en 2005. Le gouvernement par référendum signerait en réalité la mort du régime représentatif rationalisé. Outre que les raisons invoquées pour lesquelles les électeurs se prononceraient relèvent d’une simple affirmation, non d’une démonstration, il apparait que par la référence au régime représentatif rationalisé détourne ce concept de son sens. Le régime représentatif rationalisé ne saurait exclure le recours au référendum sauf à considérer que le concept supposerait des choix politiques déterminés. Les élections, dans ces conditions, ne constitueraient alors qu’un simple habillage démocratique. En effet, les élus, au-delà du vote de leurs électeurs, seraient soumis à l’injonction d’une rationalité spécifique. Celle-ci serait comprise comme « une vérité » sur l’ordonnancement du monde ni contestable, ni négociable, ni amendable à laquelle n’accéderait qu’une « élite » dirigeante.

    La condamnation de l’assimilation

    Parmi les items de cette « vérité » figure l’immigration et la manière dont elle doit être conçue. A cet égard, le propos tenu sur l’assimilation est éloquent quant à l’idéologie qui sous-tend la vision exprimée par les trois auteurs : À cela s’ajoute la proposition réactionnaire et dangereuse de révision de la Constitution consistant à compléter son article 3 en proclamant que « nul ne peut devenir français s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française ». Cette vieille notion, particulièrement floue, que l’on croyait abandonnée, peut être entendue de toutes les façons y compris les plus restrictives. Non seulement l’immigration est vue comme une obligation mais elle doit se concevoir dans le cadre d’une société multiculturelle, c’est-à-dire le rassemblement d’individus à un moment donné sur un territoire donné, la cohabitation par nature ne devant être qu’harmonieuse, chacun ayant pour seul devoir de respecter l’autre. Tout cela relève du mirage de la construction de l’homme nouveau dans la société nouvelle. Mais les faits sont là ; l’histoire nous l’enseigne au travers des siècles et des millénaires.

    La représentation démocratique subordonnée au juge

    Ce parlementarisme rationalisé tel qu’il est invoqué dans le propos, placé sous le contrôle du juge national et international, dans le contexte de la pensée dominante présente, n’est donc pas un principe de gouvernement ouvert à tous les choix politiques, il est l’outil au service d’une idéologie et le seul moyen pour l’imposer. Les peuples d’Occident se montrant rétifs à un cosmopolitisme effaçant les cultures et les traditions propres à chacun, émiettant leurs sociétés, désagrégeant leurs économies par le jeu de concurrences insoutenables, octroyant des droits à tous d’où qu’ils viennent, la solution se trouve donc dans l’instauration de sociétés purement normatives au sein desquelles le juge devient le décideur suprême. Ce système voulu par une structure dirigeante, appuyée par une classe intellectuelle et médiatique rêvant de cet univers où l’individu évoluerait au gré de son désir est en marche. Pour autant, les résistances sont fortes, en témoigne là et ailleurs la voie des urnes. Il est encore loin de son accomplissement.

    L’exclusion de l’Union européenne, une menace illusoire

    Quant à la relation avec l’Union européenne, l’argument d’une exclusion de la France par celle-ci pour le non-respect des règles en matière d’immigration est vain. Sans la France, pays fondateur de la Communauté Économique Européenne, seconde puissance économique de l’Union, cette dernière perdrait son sens. Compte-tenu des intérêts économiques et monétaires en jeu, de la menace qui pèserait sur les budgets européens et, dans le domaine particulier de l’immigration, des préoccupations sinon des rejets exprimés par de plus en plus de peuples européens, assurément un accord serait trouvé.

    Michel Leblay (Polémia, 24 juillet 2023)

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  • Konrad Lorenz a trouvé le chaînon manquant : c’est vous !...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de José Javier Esparza cueilli sur le site de l'Institut Iliade et consacré au biologiste et naturaliste Konrad Lorenz.

    On rappellera qu'Yves Christen vient de publier Konrad Lorenz - Un biologiste au chevet de la civilisation (La Nouvelle Librairie, 2023).

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    Konrad Lorenz a trouvé le chaînon manquant: c’est vous !

    On m’a demandé mille fois quels auteurs il fallait lire pour se construire une vision du monde alternative à la décomposition contemporaine. Je manque de science et de savoir pour répondre à cette question, mais je peux citer les auteurs qui m’ont marqué et dire pourquoi. Parmi eux, aujourd’hui, il y a Konrad Lorenz.

    On disait de Konrad Lorenz qu’il avait appris à parler aux animaux. Certains ont de lui le souvenir d’une image : grand, longiligne, cheveux et barbe blancs, marchant dans la campagne suivi d’une cohorte de canards qui l’avaient adopté comme “mère”. Cet éminent biologiste, lauréat du prix Nobel de médecine en 1973, fut l’un des grands scientifiques du XXe siècle. Mais si Konrad Lorenz nous intéresse ici, ce n’est pas seulement pour ses recherches scientifiques, mais aussi parce que, dans le sillage de son travail de biologiste, il a développé une philosophie morale d’un immense intérêt, une anthropologie toujours d’actualité.

    La science du comportement

    Konrad Zacharie Lorenz naquit à Vienne, en Autriche, en 1903. Passionné de biologie, il étudia la médecine à New York et la zoologie à Vienne. Il eut très tôt l’intuition de ce qui allait être sa grande contribution à la science : dans quelle mesure les processus biologiques humains peuvent-ils être comparés à ceux d’autres animaux ? La science étudiait l’anatomie des animaux et la science des humains ; elle arrivait à des conclusions intéressantes, notamment dans le domaine de l’évolution. Mais au-delà de cela, qu’y a-t-il de commun non seulement dans l’anatomie, mais aussi dans le comportement des différents animaux ? Par quels schémas suivent-ils, et en quoi ressemblent-ils au comportement humain ? Ce sont des questions dont les réponses se trouvent non seulement en biologie, mais aussi en psychologie.

    Dès le début de ses études, Konrad Lorenz se documente sur le sujet et, lisant les psychologues, il découvre avec consternation qu’aucun d’eux n’a la moindre idée de la manière dont se comportent les animaux. Tout ce qu’il avait découvert dans ses observations du monde animal se heurtait à leurs explications. Il en a tiré deux conclusions. La première : cette branche de la science, l’étude comparative du comportement animal, l’éthologie, est encore inexplorée. La seconde : il en serait le pionnier. Et il n’a alors que 24 ans.

    Professeur à l’université allemande de Königsberg (aujourd’hui Kaliningrad, dans la Baltique russe), Lorenz a eu la chance de pouvoir enseigner la psychologie sous un angle biologique. Appliquer la théorie de la connaissance de Kant à la biologie darwinienne : tout un programme ! Konrad Lorenz n’était pas un darwiniste au sens où cette expression est utilisée aujourd’hui, qui désigne une théorie philosophique plutôt qu’un modèle scientifique, mais il était darwinien sur le plan méthodologique : il croyait que la nature se déroule dans un mouvement évolutif sur la base de la sélection naturelle. Lorenz n’aimait pas utiliser le concept d'”évolution”, trop chargé d’implications idéologiques, et préférait utiliser le terme technique de “phylogenèse”, qui désigne des processus évolutifs sans connotation de progrès moral.

    La guerre interrompt ses recherches. En 1941, il est incorporé dans l’armée allemande en tant que médecin de campagne. Sa mission : traiter les patients du service de neurologie et de psychiatrie de l’hôpital de Posen. Il n’avait jamais pratiqué la médecine auparavant, mais cette expérience lui a permis d’accumuler d’importantes connaissances sur les névroses et les psychoses. L’année suivante, un événement terrible lui arrive : envoyé comme médecin au front, il est fait prisonnier par les Russes. Les Russes le font travailler dans les hôpitaux de guerre, également dans le domaine des maladies nerveuses. Il apprend aux Russes ce qu’est le polynévrite – une maladie que la médecine soviétique ne connaît pas – et c’est là, dans le camp, qu’il écrit son premier livre. Plusieurs années de captivité l’attendent encore. Il ne peut rentrer en Autriche qu’en février 1948.

    De retour dans son pays, Lorenz parvient à obtenir de l’Académie autrichienne des sciences le financement d’une petite station de recherche à Altenberg. Dans des conditions extrêmement difficiles – la dure période de l’après-guerre – il commence à mener ses travaux. Il se fait rapidement connaître des scientifiques qui, ailleurs, étudient le même domaine : le comportement animal. Quelle est la discussion de l’époque ? Celle-ci : le comportement animal est-il inné ou acquis, vient-il avec les gènes ou est-il le résultat d’un apprentissage ? Lorenz, au début, pensait que c’était inné. Mais après d’innombrables discussions, il a trouvé la clé : l’inné et l’acquis ne doivent pas être considérés comme deux concepts opposés et contradictoires. Au cours de la phylogenèse – l’évolution – l’apprentissage produit des comportements adaptatifs qui sont basés sur des qualités innées. Les animaux peuvent donc apprendre, mais ce qu’ils peuvent apprendre est programmé dans leurs gènes.

    Et les humains ?

    La théorie est nouvelle et fait de Lorenz une célébrité. En 1961, il publie The Evolution and Modification of Behaviour, son premier ouvrage majeur.

    Ses recherches le mènent au prix Nobel – partagé avec deux autres éthologues – en 1973. Mais entre-temps, quelque chose s’est agité en lui. Lorenz est un zoologiste ; il s’intéresse naturellement beaucoup plus aux canards qu’aux humains… Mais qu’en est-il des humains ? Pourquoi se comportent-ils comme s’ils avaient obstinément contredit leur nature, leur survie en tant qu’espèce ? Est-il possible de comparer les comportements des animaux à ceux des humains ?

    Oui, c’était possible. Et c’était possible précisément en raison de ce qui différencie l’homme de l’animal. En effet, l’homme, en tant qu’être vivant, en tant qu’animal, est un être incomplet. Lorenz a découvert que la grande majorité des espèces sont régies par des schémas transmis génétiquement : ce que nous connaissons sous le nom d'”instinct” n’est rien d’autre que l’ensemble des ordres spécifiques, tracés au cours de l’évolution et imprimés sur le cerveau animal, qui permettent aux êtres d’apprendre pour survivre. Et l’homme ? L’homme a aussi cette capacité, et multipliée ; cependant, son monde instinctif est beaucoup plus désordonné : l'”instinct” – appelons-le ainsi – ne lui suffit pas pour savoir ce qu’il doit faire. Il lui faut quelque chose qui s’appelle la culture.

    Lorenz s’inscrit ainsi dans l'”anthropologie culturelle”, au sens que lui donne Arnold Gehlen : la culture n’est pas quelque chose qui s’oppose à la biologie, mais, chez l’homme, elle est une conséquence de notre propre nature. La nature humaine est donc conçue de telle sorte que son développement doit nécessairement conduire à la civilisation. Et la civilisation est, pour ainsi dire, un “organe” biologique pour nous : un outil indispensable à notre survie. La nature de l’homme est sa culture.

    Or, que se passe-t-il si l’homme entreprend de renverser le courant de la civilisation, si l’homme, au nom d’idéologies utopiques et rédemptrices, entreprend de renverser la nature, de modifier la condition humaine et de créer une culture complètement détachée de la nature de l’homme ? Dans ce cas, nous signerions notre arrêt de mort en tant qu’espèce ; nous entrerions dans une période de décadence humaine. Et c’est là le danger que Lorenz voyait poindre – déjà à son époque et encore plus aujourd’hui – pour notre civilisation.

    Notre nature est la culture

    Il ne s’agissait pas de l’intuition obscure d’un visionnaire. Au contraire ! La perception de Lorenz était ancrée dans des aspects très réels de notre vie collective, aspects qui n’ont d’ailleurs fait que s’intensifier au cours des trente dernières années. Prenons un exemple : le relativisme moral et la permissivité, qui tendent à faire croire que les inhibitions sociales ne sont que des tabous répressifs, des interdictions sans signification. Lorenz nous dit qu’il n’en est rien : précisément parce que la nature de l’homme est la culture, ces tabous et ces interdits, qui font partie du répertoire de la civilisation, sont indispensables à notre espèce ; sans eux, qui nous permettent de contrôler et de maîtriser nos pulsions biologiques, nous serions perdus.

    Notre scientifique s’est donc lancé dans une véritable croisade contre de nombreux clichés de la culture occidentale des années 70 et suivantes. Par exemple, l’agressivité. Notre société pacifiste a tendance à considérer toute agressivité comme un trouble, toute violence comme un mal, et prêche une condamnation sans appel de tout ce qui n’est pas un pacifisme strict. Mais Lorenz explique à l’inverse que l’agressivité est consubstantielle à tout être vivant, car elle fait partie du répertoire des instruments biologiques d’adaptation : un être vivant dépourvu d’agressivité serait condamné à succomber à l’environnement.

    Notre société espère mettre fin à l’agression en supprimant les “situations stimulantes” qui déclenchent les comportements agressifs ou en leur imposant un veto moral. Pour Lorens, c’est comme “essayer de réduire la pression dans une chaudière en fermant la soupape de sécurité”. En d’autres termes, assurer l’explosion. La réflexion est intéressante : on peut y penser en regardant le spectacle violent, n’importe quel week-end, de jeunes éduqués dans le pacifisme le plus strict. Que faire alors de l’agressivité pour qu’elle ne nous nuise pas, pour qu’elle ne se retourne pas contre la société elle-même ou ne devienne pas une pathologie ? Lorenz, fidèle à l’idée que notre nature est culture, se tourne vers les institutions sociales : l’agressivité naturelle doit être réorientée vers des formes d’activité qui permettent une “décharge cathartique”, de la compétition scientifique au sport, en passant par les institutions qui ont traditionnellement canalisé l’agressivité sociale, comme l’armée.

    Les pacifistes n’ont évidemment pas accueilli Lorenz. Pas plus que les autres papes de toutes les autres idéologies de l’époque – nous insistons : triomphantes aujourd’hui – car le savant autrichien s’était justement placé exactement aux antipodes de leurs thèses. C’est ce qui s’est passé avec son explication de l’égalitarisme. L’égalité – disait Lorenz – est complètement contre-nature. Il est juste de garantir à chacun le droit à l’égalité des chances, mais notre monde, dans un esprit de confusion pseudo-démocratique – ses mots – en est arrivé à la conviction que l’aptitude à utiliser ces chances est également la même pour tous, et que tout le monde peut atteindre le même point. Pour nier qu’il existe des différences innées entre les hommes, écrit-il, on a postulé qu’il est possible de le conditionner pour n’importe quoi. Dieu merci, ce n’est pas le cas ! Ce n’est pas le cas, en effet, car les hommes sont radicalement et naturellement inégaux. Et si un système éducatif, par exemple, s’obstine à les considérer tous comme égaux, il échouera nécessairement. Encore une bonne réflexion à la lumière de notre système éducatif actuel…

    Et si nous ne pouvons pas rendre l’homme différent de ce qu’il est, alors sommes-nous condamnés à ce qu’il n’y ait jamais aucun mouvement, aucun changement, aucun progrès ? Lorenz ne dit pas cela. Ce qu’il soutient, toujours en utilisant les outils de la biologie, c’est que tous les systèmes vivants ont besoin d’un équilibre entre les processus de changement et les processus de conservation. Dans toute réalité vivante, il existe, écrit-il, “deux mécanismes antagonistes : l’un tend à fixer ce qui est acquis, tandis que l’autre tente de supprimer progressivement ce qui est fixé afin de le remplacer par une réalité supérieure”. Si nous mettons de côté ce que nous avons conquis, le stable, le fixe, nous provoquons “la formation de monstres, tant dans le domaine de l’héritage générique que dans celui de la tradition culturelle”. Mais si nous nous fermons à tout changement, cela entraînerait “la perte du pouvoir d’adaptation, la mort de l’art et de la culture”. Conclusion : “Chaque génération doit recréer un nouvel équilibre entre le maintien de la tradition et la rupture avec le passé”.

    Une menace mortelle pour l’humanité

    Notre problème spécifiquement moderne est que cet équilibre entre changement et tradition est en train de s’effondrer. Il en résulte une dégradation sans précédent de nos vies. En 1973, Konrad Lorenz a publié une sorte de bréviaire de ses idées : Les huit péchés capitaux de la civilisation, qu’il prolonge deux ans plus tard avec Le reflet du miroir. L’humanité, nous dit Lorenz, est un « ensemble fonctionnel qui est complètement perdu à la recherche de son chemin ». Ce qui est menacé n’est pas notre avenir, notre bien-être, mais l’existence même de l’espèce humaine. Et quels sont ces “péchés capitaux” ? Premièrement : la surpopulation urbaine. Deuxièmement : la désolation de la nature. Troisièmement : l’obsession de la compétition avec soi-même. Quatrièmement : l’obsession de la recherche du plaisir à tout prix, qui nous a conduits à ne plus pouvoir trouver de satisfaction dans quoi que ce soit. Cinquièmement : la tendance à nier les causes biologiques ou génétiques des choses et à tout ramener à une question d’éducation ou d’influence sociale. Sixièmement : la rupture de la tradition, qui a conduit à une véritable guerre civile des générations. Septièmement : l’éducation endoctrinée, c’est-à-dire la survalorisation de l’opinion individuelle (le fameux “c’est ma vérité”) et la sous-valorisation des certitudes fondées sur la connaissance objective (“c’est la vérité”). Et huitièmement : les armes nucléaires, que Lorenz considère comme la cause d’une permanente “atmosphère de catastrophe globale”.

    Les huit péchés capitaux de la civilisation n’est pas le meilleur livre de Lorenz ni le plus complet, mais il a une très grande valeur informative. Il est surtout très utile de comprend comment l’auteur pense : à partir de ce qu’il a appris en tant que biologiste, Lorenz observe le monde humain et en tire ses conclusions. Est-il catastrophiste ? Non, il est critique. Konrad Lorenz croyait que l’homme a toujours une chance. Dans les dernières années de sa vie, il a signé un livre de dialogues avec le philosophe autrichien Karl Popper, publié en Grande-Bretagne : The Future is Open. Malgré ses précédents écrits, Lorenz y apparaît finalement bien plus optimiste que son interlocuteur.

    Quelle était la préoccupation de Lorenz ? La déshumanisation à laquelle se trouve confrontée l’humanité.  Son livre L’Homme en péril l’a clairement montré. « En détruisant les institutions et les dons anciens, écrit-il ailleurs, nous nous condamnons à une véritable régression (…) Si cette évolution se poursuit sans contrôle, si aucun mécanisme, aucune institution de préservation n’apparaît, le phénomène pourrait bien signifier la fin de la civilisation et, je le prends du moins très au sérieux, la régression de l’homme à un état pré-cromagnétique. »

    Konrad Lorenz est mort à Altenberg, où se trouvait sa première ferme, en 1989. Peu de temps avant, il écrit : « Nous sommes le chaînon manquant longtemps recherché entre l’animal et l’être véritablement humain ». Il s’était également déclaré croyant : il disait qu’il était croyant parce qu’il croyait en l’origine divine du plus grand miracle de tous, le premier à se produire, à savoir la Création.

    Pourquoi, en somme, Konrad Lorenz ? Parce qu’il nous a appris qu’il existe une nature humaine, que cette nature est directement liée aux institutions culturelles et sociales, à la tradition, et que si nous rompons avec tout cela, au nom d’une illusion plus ou moins idéologique, nous pouvons détruire non seulement la civilisation, mais aussi l’humanité elle-même. Nous sommes ce que nous sommes et nous avons nos règles : nous pouvons avancer au-delà elles, mais pas les nier. L’humanité ne s’invente pas au rythme des idéologies éclairées. Une bonne réflexion pour l’Europe d’aujourd’hui !

    José Javier Esparza (Institut Iliade, juin 2023)

     

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