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Points de vue - Page 27

  • Pologne : un deux poids, deux mesures assumé par nos médias...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'analyse par l'Observatoire du journalisme du traitement par les médias du muselage progressif des médias de droite en Pologne par le gouvernement autoritaire de Donald Tusk...

     

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    Pologne : un deux poids, deux mesures assumé par nos médias

    En Pologne, le journal d’extrême-centre Gazeta Wyborcza qui coche toutes les cases de la bien-pensance (pro-UE, pro-immigration, pro-LGBT, etc.) faisait pleurnicher dans les chaumières des équipes de rédaction des grands médias français quand le gouvernement du PiS, issu des élections de l’automne 2015, lui avait retiré la manne des annonces de l’État et des sociétés publiques. Son cas était avancé comme un exemple des supposées attaques du gouvernement conservateurs contre le pluralisme médiatique en Pologne.

     

    L’extrême-centre polonais persécute les médias conservateurs

    Aucun de ces médias ne vient aujourd’hui pleurer sur le sort des journaux de droite auxquels le nouveau gouvernement Tusk retire aujourd’hui de la même manière la manne des annonces publicitaires de l’État et des sociétés publiques. Pas plus qu’ils ne s’offusquaient quand ces mêmes médias de droite étaient déjà privés de publicités sous les gouvernements précédents de Donald Tusk. Et aucun d’entre eux ne s’offusque non plus de la campagne menée en ce moment par Gazeta Wyborcza pour exiger des annonceurs qu’ils retirent leurs publicités de la télévision privée TV Republika. Seule chaîne d’information de droite restant en Pologne, TV Republika a récupéré une large partie des téléspectateurs de la chaîne d’info en continue publique, TVP Info, après la reprise en main musclée des médias publics polonais par le gouvernement de Donald Tusk.

    Le parti-pris des grands médias français n’est plus à prouver, mais les événements en Pologne nous en donnent un exemple flagrant et nous montrent bien ce que valait toute la rhétorique sur les atteintes à l’État de droit et aux valeurs démocratiques en Pologne jusqu’à décembre dernier et en Hongrie jusqu’à aujourd’hui.

    Janvier 2016/janvier 2024, changement de ton

    Alors que la prise de contrôle des médias publics par le PiS en janvier 2016, en passant par une loi votée au parlement, avait suscité une levée de boucliers à Bruxelles et le début des critiques des médias français contre ces vilains « populistes de droite », la prise de contrôle des mêmes médias par le gouvernement de Donald Tusk en violant la loi en vigueur et en utilisant la force, avec l’aide d’agences de sécurité privées recrutées pour l’occasion, suscite des commentaires beaucoup plus compréhensifs. Et cela même si la cour constitutionnelle polonaise a mis en avant la violation de la Constitution que représentait cette prise de contrôle des médias publics et même si les tribunaux chargés de la tenue du registre des sociétés en Pologne ont refusé d’inscrire à ce registre les nouveaux dirigeants nommés par le ministre de la Culture, du fait du caractère illégal et inconstitutionnel flagrant de ces nominations.

    Le Figaro au diapason de l’extrême-centre

    Ainsi, pour Le Figaro, « quinze jours après son retour à la tête du gouvernement polonais en décembre dernier, qui mettait fin à huit ans de pouvoir aux mains des populistes conservateurs du parti Droit et justice (PiS), Donald Tusk s’en était pris de façon spectaculaire aux médias publics polonais qu’il accusait d’être à la solde du gouvernement déchu. Ce sont désormais les juges du Tribunal constitutionnel polonais qui s’en mêlent, jugeant cette réforme des médias publics «illégale» — ces juges étant eux-mêmes soupçonnés par l’Union européenne d’être sous l’influence du PiS. »

    On remarque que le mot « illégale » est mis entre guillemets et la légitimité du Tribunal constitutionnel polonais est mise en doute (« soupçonné d’être sous l’influence du PiS »). On lit d’ailleurs plus loin dans le même article : « En réalité, le Tribunal constitutionnel lui-même est perçu par les pro-européens et adversaires du PiS comme une instance sous l’influence de l’ancien pouvoir populiste. »

    En 2016, les mêmes médias n’avaient pas remarqué que, après huit ans de gouvernements de la Plateforme civique de Donald Tusk, le Tribunal constitutionnel était sous l’influence de l’ancien pouvoir libéral. Forcément, les juges de ce tribunal sont chacun élu pour neuf ans à la majorité simple de la chambre basse du parlement, et donc une majorité qui se maintient au pouvoir pendant huit ans a une majorité de juges de son bord au Tribunal constitutionnel. Est-ce si étonnant et si scandaleux que cela ? Le Figaro n’est-il pas au courant du mode de nomination des « sages » du Conseil constitutionnel en France ainsi que de sa composition actuelle ?

    « Après les médias publics, c’est donc aux juges constitutionnels que Donald Tusk devra s’attaquer s’il veut poursuivre sa reprise en main du pays », nous dit Le Figaro. On l’imagine donc écrire sur le même ton approbateur, si jamais Marine Le Pen et le Rassemblement national remportent les prochaines élections présidentielles et législatives en France, « après les médias publics, c’est donc aux juges constitutionnels que Marine Le Pen devra s’attaquer si elle veut poursuivre sa reprise en main du pays ».

    Manifestation de protestation sous-estimée

    Et quand des dizaines de milliers de Polonais ont manifesté à Varsovie contre la méthode utilisée pour prendre le contrôle des médias publics, mais aussi pour le pluralisme médiatique (largement amoindri à la télé par le passage forcé des médias publics dans le camp gaucho-libéral) et la remise en liberté de deux députés du PiS (dont le vice-président du parti) arrêtés en violation d’une décision de la Cour suprême (cour de cassation) polonaise qui invalidait l’extinction de leur mandat de député par le président de la Diète, et donc maintenait leur immunité parlementaire, Le Figaro titrait : « Pologne : l’opposition manifeste à Varsovie contre les réformes de l’administration pro-UE ». Et il évoquait des milliers de manifestants là où ils étaient de toute évidence des dizaines de milliers.

    Un relais d’Adam Bodnar issu de la galaxie Soros

    Le Figaro, toujours, avait relayé les avertissements du Médiateur polonais des droits civiques, Adam Bodnar, dans un article de mai 2021 intitulé « La Pologne vire à l’État ‘non démocratique’ prévient son Médiateur des droits. » Adam Bodnar est un militant de gauche, pro-LGBT, ce qu’il a prouvé en tant que médiateur des droits nommé par la majorité libérale sortante juste avant les élections de 2015. Auparavant, il était à la tête de la Fondation Helsinki des droits de l’homme, une ONG financée, entre autres, par l’Open Society Foundations de George Soros. Comme les autres grands journaux français, Le Figaro ne dit toutefois pas mot de la grave crise de l’État de droit déclenchée par le ministre de la Justice Adam Bodnar, en poste depuis le 13 décembre, quand il a décidé à la mi-janvier de limoger le procureur national sans demander son avis au président de la République Andrzej Duda, issu du PiS. La loi polonaise régissant les rapports du ministre de la Justice avec le parquet exige l’aval du président pour le limogeage du procureur national et l’aval du procureur national pour le limogeage des procureurs des niveaux inférieurs. Qu’à cela ne tienne, le ministre de Donald Tusk a d’abord exigé que lui soient confié toutes les enquêtes qui venaient d’être ouvertes par le parquet sur les agissements du ministre de la Culture vis-à-vis des médias publics avant de remplacer le procureur national et de limoger les procureurs par dizaines sans se soucier de la loi.

    La coalition dirigée par Donald Tusk sait qu’elle n’a pas la majorité des trois cinquièmes nécessaires pour renverser un éventuel veto du président Duda et elle ne perd donc pas son temps à voter des lois. Mais du coup, en termes de violations de l’État de droit, entre la prise de contrôle des médias, l’arrestation de deux députés du PiS et la prise de contrôle du parquet, le gouvernement de Donald Tusk est sans conteste allé beaucoup plus loin en un mois que le PiS en huit ans de pouvoir.

    Libération et Le Monde d’accord avec l’extrême centre liberticide

    « De fait, depuis l’intronisation du nouveau gouvernement en décembre, la Pologne vit une crise institutionnelle », explique gentiment Libération.

    « Un nouveau paroxysme a été atteint ce mardi 9 janvier. La police a fait irruption dans le palais présidentiel pour arrêter Mariusz Kamiński et Maciej Wąsik, deux anciens ministres du PiS, qui avaient tenté d’y trouver refuge pour éviter d’être conduits en prison où ils doivent purger une peine de deux ans pour abus de pouvoir. L’épisode a mis en lumière la concurrence de légitimité entre les institutions toujours aux mains de fidèles du PiS et celles loyales au nouveau gouvernement, ou en tout cas à l’État de droit. »

    En 2016, de nombreuses institutions étaient toujours aux mains des fidèles des libéraux et cela ne choquait personne. C’est assez normal dans une démocratie qu’il faille gagner plusieurs élections de suite pour étendre progressivement son contrôle sur les institutions et c’est aussi le cas en France. Il n’y a qu’à voir l’influence des socialistes sur nos institutions françaises alors qu’ils ne représentent plus rien électoralement. Mais quand ce sont les conservateurs qui perdent des élections, il faudrait apparemment purger immédiatement toutes les institutions au nom du rétablissement de la démocratie et de l’État de droit, y compris en violant les lois et la constitution.

    Dans un « décryptage » publié le 31 janvier, Le Monde, explique justement à ses lecteurs que « le premier ministre polonais, Donald Tusk, s’emploie à rétablir l’État de droit depuis son arrivée à la tête du gouvernement, en décembre 2023. Un combat de tous les jours dans ce pays où le parti nationaliste populiste Droit et justice (PiS), au pouvoir durant huit ans, continue de disposer de solides relais. » Et Le Monde nous explique cela sous un titre plutôt inquiétant pour la démocratie : « La Pologne refait sa révolution, trente-cinq ans après sa sortie du communisme. »

    Le journal cite plus loin « Adam Michnik, qui joua un rôle de premier plan dans l’élaboration de la feuille de route de 1989 et observe, à 77 ans, cette deuxième transition inédite depuis son bureau débordant de livres au siège de Gazeta Wyborcza, le journal qu’il a fondé, en mai 1989, pour faire tomber le communisme » (en fait Michnik ne l’a pas fondé, mais en a rapidement pris le contrôle à la chute du communisme en roulant dans la farine le syndicat Solidarność, qui en était propriétaire à l’origine).

    Rares auront donc été, dans les médias français, les articles critiques des manières de Donald Tusk et de sa coalition des libéraux, du centre et de la gauche.

    Observatoire du journalisme (OJIM, 3 avril 2024)

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  • Odessa mon amour ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Ghislain de Castelbajac cueilli sur Geopragma et consacré à une analyse lucide des envolées lyriques et martiales de notre président...

    Membre fondateur de Geopragma , Ghislain de Castelbajac est spécialiste des questions d'intelligence économique et enseigne à l’École de Guerre Economique.

     

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    Odessa

     

    Odessa, mon amour ?

    Face aux attaques de tous bords auxquelles Geopragma et ses membres font face, il est temps de répondre aux adeptes du whisky churchilien d’un côté, et ceux de la vodka triste de l’autre, par un vieil armagnac bien construit et structuré.

    Nous traitons la géopolitique de façon réellement indépendante, et défendons une analyse du temps long et des intérêts et évolutions des puissances. Nous ne sommes pas toujours d’accord, et c’est heureux. 

    Les anciens diplomates français de tout premier niveau qui participent à nos travaux le savent: parler à tout le monde ne signifie pas cautionner. Il faut parfois ravaler ses opinions pour écouter l’adversaire, le représentant d’un régime honni, afin d’être force d’analyse, puis de proposition.

    L’agora des réseaux sociaux et les donneurs de leçons inféodés brouillent l’écoute de la réflexion et de l’action géopolitique. 

    Les « trolls » bas du front sévissent et polluent le débat : D’un côté les partisans d’un régime kleptocrate revanchard post-soviétique qui teste les limites d’européens sous tutelle américaine.

    De l’autre, des hyènes dactylographes souvent payées par des officines étrangères bellicistes et non moins impérialistes, à l’agenda tout aussi dangereux pour la France.

    Le plus comique étant que leur maître états-unien commence à se désengager justement de nos conflits européens pour des raisons budgétaires et électorales. Sans doute pris de panique par la perspective d’un désengagement de Washington, ces servants s’en prennent à ceux qui ne pensent pas comme eux pour tenter d’exister. 

    Comme par enchantement, une offensive propagandiste est venue des tréfonds du ventre encore fécond de l’hydre néocon qui causa tant de souffrances depuis l’invasion illégale de l’Irak. La vague provient notamment de l’émissaire français d’un think tank américain belliciste, pour réclamer une intervention de nos troupes au sol sur le front ukrainien. Le relai fut comme par hasard immédiat auprès de Charles Michel (1) et du président Macron.

    Or, c’est ce moment géopolitique, moment de vérité nue car les empires de l’Est comme de l’Ouest montrent leurs vrais visages, qu’il convient de saisir pour l’Europe et la France en particulier.

    Normalement vouée à être apôtre de la Paix en cette année olympique, la France peut prendre l’initiative dans la future mise en place de négociations pour un cessez le feu en Ukraine, mais aussi et surtout pour la mise en place d’une paix durable en Europe orientale. 

    Mais la méthode présentée par nos dirigeant est-elle la bonne ?

    Stratégie du fou au fort ?

    En évoquant la possibilité d’un envoi de troupes au sol, notamment dans la région d’Odessa, le président de la République s’adresse très certainement à l’électorat français dans un contexte d’élections européennes. Il s’agit d’un jeu politicien basé sur la peur et l’irrationalité.

    Mais si l’on fait fi de cette manœuvre électorale en se concentrant sur le terrain géopolitique, le message que le président fait passer à Vladimir Poutine n’est pas dénué de tout fondement opératif. Reste à savoir s’il en découle une stratégie cohérente, qui elle-même servirait les intérêts fondamentaux de la France.

    Dans un jeu du fou au fort, ou du fou au fou, il peut être intéressant de parler le même langage que la Russie expansionniste, en posant les bases d’une limite stratégique, ici territoriale, qui placerait Odessa en but de paix pour la France et l’Europe, et ferait apparaître Paris non plus comme une capitale coulée dans un moule eurocrate, mais bien comme une puissance historique européenne qui ferait valoir ses « droits » de manière parfois brusque, face au révisionnisme de Moscou.

    Pour bien comprendre l’épisode faussement fuité dans la presse du président Macron qui, devant un verre de whisky, se verrait bien « envoyer des gars » à Odessa, suivi de cet aveu présidentiel géopragmatique : «Aider l’Ukraine, c’est aussi notre intérêt à court terme parce qu’il y a en Ukraine beaucoup de ressources, beaucoup d’éléments dont nous avons besoin pour notre économie». C’est intéressant, même s’il oublie de mentionner que plus de 40% des terres arables en Ukraine sont détenues par des investisseurs étrangers (mais non français) et qu’il faudra expliquer à nos agriculteurs le bienfait d’une entrée de ces ressources ukrainiennes sur le marché européen.

    Face à l’ignorance d’une partie croissante de notre personnel politique, il faut donc reprendre le contexte historique :

    La France est déjà intervenue entre 1853 et 1855 en Crimée pour combattre la Russie. Cette embardée fit près de 100 000 morts français, dans un conflit inspiré par l’Angleterre pour ses propres intérêts, les Britanniques étant restés au large de la péninsule pendant que les Français se faisaient tuer…pour rien à part quelques noms d’avenues parisiennes.

    Le Général Marquis Armand de Castelbajac, qui était alors ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg, avait -en vain- alerté l’empereur Napoléon III des dangers pour la France de se faire embarquer dans cette guerre.

    Le vieux Général, blessé plusieurs fois à la Moskova, se souvenait de la campagne de Russie de Napoléon Ier, qui fit 500 000 morts côté français. Réprimandé à son retour à Paris par sa hiérarchie, l’Empereur qui avait depuis perdu son fils dans une autre envolée interventionniste stérile en Afrique du Sud, finit par reconnaître la sagesse du vieux général en le nommant sénateur du Gers à vie.  

    Mi-décembre 1918 les Français ont débarqué à Odessa pour combattre les Russo-bolcheviks. La ville fut sous administration française jusqu’en mars 1919. Ce fut un échec, accompagné d’une mutinerie des marins français et des débats houleux à la Chambre.

    La participation de la France à la construction de la ville en 1803, puis durant la première guerre de Crimée, et notre campagne d’Odessa en 1919 démontre à la Russie poutinienne que le sang versé par nos hommes n’est pas un vain mot. Il semble donc intéressant de faire entrer l’hypothèse auprès du Kremlin que la France a une certaine légitimité historique à vouloir défendre Odessa. Le président Poutine est un féru d’Histoire : je connais d’ailleurs les manœuvres et barbouzeries de son entourage le plus proche pour obtenir nos précieuses archives et souvenirs familiaux du général de Castelbajac qui ont concerné cette première guerre de Crimée.

    Le président Macron peut donc trouver des arguments (autres qu’électoralistes) d’indiquer aux russes qu’Odessa est une ligne rouge pour la France.

    Pour ces raisons historiques et quasi-« sentimentales », mais aussi pour des raisons stratégiques, car la fermeture du verrou d’Odessa bloquerait l’accès de l’Ukraine à la Mer Noire, qui redeviendrait un lac russo-ottoman.

    Créé par Catherine II avec l’aide du duc Armand de Richelieu, le port d’Odessa est également le plus proche de celui de Sébastopol. La ville est aussi un verrou terrestre, à moins de 90 kilomètres de la frontière avec la République autoproclamée russophone et russophile de Transnistrie, séparatiste de la Moldavie.

    Il est important que la paix en construction permette à chacune des deux parties de sauver la face. L’auteur de ces lignes a toujours défendu une ligne claire. Pour paraphraser François Mauriac, je pourrais dire que j’aime tellement l’Ukraine que je souhaite qu’il y en ait deux.

    La paix des braves passe donc, qu’on le veuille ou non, par un partage territorial qui retrouverait les lignes naturelles des peuples russes et russophones qui habitent l’Ukraine orientale du bassin du Donbass ainsi que la Crimée, et une Ukraine occidentale héritière de la Mitteleuropa et pleinement légitime à retrouver la voie d’une réintégration aux ensembles européens : royaume polono-lituanien, Autriche-Hongrie, bientôt UE (?), qui en firent autrefois sa gloire.

    Il est d’ailleurs très utile de se pencher sur des cartes projetant les projets de tracés des frontières de la très grande Pologne, telle qu’elle fut envisagée par la France -et par les empires centraux- en 1918 afin de contrer le tout nouveau danger bolchevique :

    Le tracé intègre la Crimée et le Donbass à la nouvelle Russie, mais Odessa et son hinterland aurait été polonaise selon ce projet.

    L’impossibilité d’un lac ?

    Malgré les envolées lyriques et martiales de notre président, alors que nos forces armées « sont à l’os » pour reprendre les termes de nombreux officiers supérieurs, quel serait l’intérêt stratégique et militaire de la France, et même de l’Europe, d’envoyer des troupes, ou de devenir cobelligérants en Ukraine, particulièrement pour défendre le verrou d’Odessa ?

    S’il est admis que la perte d’Odessa par Kiev serait un coup très dur porté à la nation ukrainienne car elle priverait l’Ukraine d’accès à la mer et permettrait aux Russes d’assurer leur jonction avec les Russes de Transnistrie, il me semble qu’il faut aussi envisager cette hypothèse malheureuse comme porteuse à l’avenir de paix et de stabilité retrouvée de cette région de l’Europe :

    Nous avons à plusieurs reprises déploré l’absence de remise en cause des découpages soviétiques faisant fi des réalités des nations et des volontés des peuples qui composèrent l’ex URSS. 

    C’est donc un crève-cœur et une tragédie que d’avoir abandonné à l’armée russe et son lot de destructions le nécessaire travail de révision de ces frontières administratives internes qui aurait dû se faire par des référendums d’auto-détermination dans les oblasts concernés, et par des traités : le manque de mise à plat des points de friction à la chute de l’union soviétique et l’absence de Pacte de stabilité tel qu’il existât pour l’Europe centrale en 1995, puis tous les événements subséquents avec l’accélération depuis le coup d’Etat de Maïdan en 2014 nous ont précipité dans ce gouffre d’une guerre qui pourrait entraîner l’Europe dans un ultime suicide.

    Cette tragédie est malheureusement ficelée de longue date, notamment par les états-majors américains, qui avant même l’arrivée de Poutine au pouvoir, identifiaient trois actions qui permettraient aux Etats-Unis de conserver leur rôle à l’échelle mondiale : contenir la poussée de la Chine, assurer la division de l’Europe et couper la Russie de l’Ukraine. (2) Ces buts stratégiques américains sont atteints au-delà de leurs espérances, en poussant à la faute Poutine et en coupant pour plusieurs décennies la Russie de l’Europe, tout en la poussant dans les bras de la Chine.

    Pourtant, au-delà de ces agitations idéologiques, il apparait aujourd’hui selon de nombreux experts que la capacité militaire de la Russie ne lui permet pas à ce jour de s’emparer d’Odessa, même si les attentats du théâtre Crocus près de Moscou le 22 mars, ainsi que les salves de missiles ukrainiens tirés sur Sebastopol, sont en train de faire basculer le conflit vers un engrenage de plus en plus incontrôlable.

    A quelques encablures d’Odessa se construit actuellement en Roumanie, à proximité de la ville portuaire de Constanța, la future plus grande base militaire européenne de l’alliance de l’OTAN. La nouvelle installation abritera quelque 10 000 membres du personnel et leurs familles.

    La situation ne serait donc pas -encore- aussi désespérée pour Kiev sur le front Sud-Ouest, qui entend profiter de sa situation sur la côte pour harceler la marine russe. 

    Les annonces du président Macron seraient donc une stratégie de galvanisation à bon compte censée permettre une re-mobilisation des pays membres de l’OTAN. En utilisant le golem russe comme épouvantail, et le peuple français comme cobaye de peurs irrationnelles, la rhétorique guerrière et apocalyptique de certains oiseaux de malheur peut, en effet, servir de catalyseur électoral… ou de panique. (3)

    Comme déjà exprimé à de nombreuses reprises, il existe pourtant une voie pour une Paix durable en Europe, mais celle-ci ne passera ni par le président Zelenski, emporté dans une voie sans issue tant par le Royaume Uni de Boris Johnson qui l’enfuma dans un refus d’accepter de rédiger des accords à Ankara en 2022, ni par la Rada qui instaura une loi interdisant toute négociation avec la Russie.

    Il serait donc intéressant pour la France d’écouter les déclarations du général Zaloujni, CEMA ukrainien récemment destitué, plus au fait de la situation sur le terrain et sans doute plus pragmatique.

    Peut-être même que dans une prise de conscience, certes tardive, de l’importance pour les européens de prendre enfin en main leur destin de défense du continent, nous pourrions -rêvons un peu- nous soustraire d’un ordre américain qui est de toute façon en demande de prise de distance. (4)

    Mais entre soutenir la cause ukrainienne, prendre enfin conscience de l’inconstance des politiques budgétaires de défense de la France, et entrer dans une guerre totale (c’est l’ennemi qui vous désigne, y compris comme cobelligérant), il y a un abîme à ne pas franchir. 

    Le cynisme ambiant des bellicistes en herbe est l’inverse d’une réflexion posée et construite. Elle s’apparente à une perte de contrôle, un errement guidé, aveuglé par les peurs, les sentiments, et sans doute l’ignorance, qui pourraient faire de la France une cobelligérante. Comme le disait le général de Gaulle, il n’y a que les arrivistes pour y arriver…

    Ghislain de Castelbajac (Geopragma, 25 mars 2024)

     

    Notes :

    1 - https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2024/03/19/if-we-want-peace-we-must-prepare-for-war/
    2 - C.f Zbigniew  Brzeziński, Le Grand Echiquier, 1997
    3 - C.f : https://geopragma.fr/les-hypocrites-les-cyniques-et-leurs-golems/
    4 - https://www.bvoltaire.fr/otan-75-ans-pour-quoi-faire/
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  • Comment le libéralisme est devenu un « anti-conservatisme »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre le Vigan, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré aux mécanismes du « néo-libéralisme » contemporain et de son aboutissement, l’État autoritaire et policier.

    Philosophe et urbaniste, Pierre Le Vigan, qui vient de publier Clausewitz, père de la théorie de la guerre moderne, est également l'auteur de plusieurs essais comme Inventaire de la modernité avant liquidation (Avatar, 2007), Le Front du Cachalot (Dualpha, 2009), La banlieue contre la ville (La Barque d'Or, 2011), Nietzsche et l'Europe (Perspectives libres, 2022) et Le coma français (Perspectives libres, 2023).

     

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    Comment le libéralisme est devenu un « anti-conservatisme »

    Depuis les années 1970, on parle volontiers de néo-libéralisme. On désigne généralement par là un nouvel âge du libéralisme qui apparaît avec les gouvernements Thatcher en Grande Bretagne, et la présidence Reagan aux EUA. Ce néo-libéralisme prend une dimension particulière en Europe, et singulièrement en France.  Il s’agit de réduire la part du secteur public et de diminuer la place des services publics, d’introduire partout la concurrence du privé, de dénationaliser (surtout en France), et de « responsabiliser » (sic) les citoyens en mettant fin à l’État-providence (en fait un État protecteur). Il s’agit aussi, en France, de sortir de la planification, pourtant indicative, de l’époque gaulliste et pompidolienne, et d’en finir avec toute politique forte de l’État comme l’aménagement du territoire. La philosophie de ce néo-libéralisme se résume fort bien par la formule de Thatcher : « La société n’existe pas ». Il n’y a donc que des individus. Et de ce fait, il n’y a qu’une politique possible, celle qui prend seulement en compte les intérêts des individus. « There is no alternative » (TINA). 

    Les analystes sont désorientés par rapport à ce néo-libéralisme. S’agit-il d’un durcissement du libéralisme ? De la conséquence de sa mondialisation ? Ou d’un dévoiement du libéralisme ? En ce sens, le libéralisme serait globalement bon, mais c’est l’ultra-libéralisme qui serait critiquable.   Reste que le constat quant aux mesures de recul des services publics et de désengagement de l’État est exact et que le néo-libéralisme s’est senti pousser des ailes à partir du moment où le bloc soviétique s’est effondré en 1989-90. Donc  à partir du moment où le monde est devenu unipolaire, ce qui est de moins en moins vrai depuis les années 2010 et plus encore depuis que Russie et Chine ont été poussées à se rapprocher face à la stratégie agressive des EUA et de leurs satellites (dont, très regrettablement, notre pays).

    Un libéralisme 2.0

    Pour autant, les explications sur la nature de ce néo-libéralisme ne sont pas pleinement satisfaisantes.  L’hypothèse que nous formulons est que le libéralisme n’a pas changé de paradigme mais affronte la réalité de manière différente. En ce sens, il nous parait pertinent de parler, plutôt que de néo-libéralisme, de passage d’un libéralisme de type I à un libéralisme de type II. Le libéralisme de type I postulait, avec Adam Smith, que l’individu recherche naturellement son intérêt et que cette recherche aboutit au bien commun sans que l’individu ait à chercher ce dernier. « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais plutôt du soin qu’ils apportent à la recherche de leur propre intérêt. Nous ne nous en remettons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme. » (Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776). Certes. Mais les libéraux ont constaté que les hommes ne se contentent pas de rechercher leur intérêt individuel. Ils aiment à se regrouper, à défendre ensemble non seulement leurs intérêts mais leur façon de voir, leur conception du travail bien fait, leurs idéaux, leur façon de vivre, etc. Les gouvernements ont du reconnaître cette aspiration, sans quoi ils se coupaient des forces vives du pays. Napoléon III reconnaît le droit de grève en 1864, la IIIe République reconnaît le droit de créer des syndicats en 1884.  Une partie du patronat s’occupe du logement ouvrier, notamment avec le 1% patronal devenu le 1% logement (réduit à 0,45% de la masse salariale depuis la vague du néo-libéralisme). Surtout, un compromis social se développe dés les années trente et pendant les trente glorieuses. C’est ce que l’on a appelé le « fordisme ». Il s’agit, sans remettre en cause le capitalisme, à savoir la propriété privée des moyens de production, d’aller vers un partage du produit national plus favorable aux salariés, et d’introduire des protections sociales. Aussi bien le Front populaire que, en partie, le régime de Pétain (dans des circonstances évidemment peu favorables au progrès social), et ensuite le Conseil National de la Résistance s’inscrivent dans cette perspective (retraite des vieux travailleurs, sécurité sociale, congés payés, accords collectifs par branche économique, etc). Ce « fordisme » (dont le principe était que les employés de Ford puisse s’acheter une voiture Ford pour développer le marché) s’accompagne d’une politique économique dite keynésienne (ou néo-keynésienne) que l’on peut résumer par l’existence de forts investissements publics et un État stratège. Industrie forte, développement du marché intérieur, situation proche du plein emploi (donc favorable aux hausses de salaire) caractérisent ce fordisme.

    La fin du compromis social ?

    Or, depuis le tournant des années 1970-80, cette tendance s’est inversée. Les dépenses publiques pour la collectivité décroissent, se concentrant sur des aides aux entreprises pour compenser la baisse de leur taux de profit, aux nationalisations succèdent les privatisations, les salaires sont désindexés par rapport à l’inflation, à l’aide à la pierre (à la construction de logement) succède l’aide personnalisée (individualisée) au logement (APL), dont la conséquence est que le logement social devient le logement des très pauvres et non plus celui de l’ensemble des classes populaires et moyennes, etc. La monnaie nationale a disparue. Privé de politique monétaire, l’État est aussi interdit de tout protectionnisme par l’Union européenne. Chômage de masse et désindustrialisation se développent jusqu’à ce que l’industrie passe du quart de notre PIB il y a 40 ans à moins de 10 %.  Sans être la seule cause de l’échec de l’intégration, cette désindustrialisation y contribue fortement. Aux ateliers ont succédé les « barber shop » et autres « nails » (ongleries). L’immigration est de plus en plus massive, et largement extra-européenne, et  son imaginaire est colonisé par la sous-culture américaine, celle-ci prenant aussi, au final, possession du cerveau des autochtones. Et cette immigration pèse sur les salaires à la baisse tout en favorisant par les aides sociales une consommation de produits bas de gamme importés. Si la part des prélèvements publics dans le produit intérieur brut atteint des niveaux-records, cela est constitué en bonne part de prélèvements et redistribution faits par un État obèse plus que stratège.   Signe qui ne trompe pas : le partage des revenus entre le capital et le travail se déplace de quelque 10 % du PIB en faveur du capital.  C’est l’inversion du modèle fordiste.

    Une dérive autoritaire et coercitive

    Dans le même temps, depuis Hollande et Macron (qui était un des proches collaborateurs du précédent), les lois liberticides et les mesures arbitraires du même ordre se sont multipliées à un degré étonnant. Criminalisation de spectacles humoristiques (Dieudonné), lois anti-terroristes au nom desquelles de multiples attentes aux libertés sont possibles, interdiction non seulement de meeting, mais de colloques ou d’hommages, suppression d’aides à la presse pour des journaux qui ne plaisent pas au pouvoir, interdiction d’événements en fonction des propos qui « pourraient être tenus », toutes mesures extravagantes au regard des principes généraux du droit, mais qui passent dans la mesure où l’éducation a parcellisé les savoirs et rendu rare la culture historique et toute vision d’ensemble au profit de la « cancel culture » et du « wokisme ». 

    La dernière en date de ces mesures liberticides est la criminalisation de propos privés (cf. Eric Delcroix, « Une nouvelle loi liberticide contre l’identité française », Polémia, 12 mars 2024).  Nombre de ces mesures ont été  expérimentées grandeur nature à l’occasion de la crise si bienvenue du Covid (couvre-feu, confinement, assignation à résidence, obligation de pass vaccinal pour la plupart des activités, flicage généralisé de la santé). Le prétexte climatique, la guerre à nos portes servent de prétexte pour amplifier toujours plus ces privations des libertés essentielles, notamment d’expression. On peut parler d’une véritable éducation à la privation des libertés. Un seul droit tend à subsister : la liberté de consommer.  Le lien entre ces mesures et le libéralisme n’est, pour beaucoup, pas évident. Dérapages de Macron ? Acharnement liberticide passager ?  C’est pourtant bien dans la logique du libéralisme qu’elles s’inscrivent. Explications.

    Le libéralisme a été bousculé dans les années trente. Apparition de nouvelles valeurs autres que le progrès matériel, telles le patriotisme social et la solidarité nationale, néo-corporatisme, réflexions sur la nécessité d’une économie dirigée, tentations et tentatives planistes, plafonnement des dividendes dans l’Allemagne nationale-socialiste, création de l’Institut pour la Reconstruction Industrielle en Italie fasciste (1933), New Deal américain (mais il échoue en grande part, et les EUA ne sortiront de leur grave crise économique que par la guerre de 1941), de nombreuses politiques sont menées, partout dans le monde, qui rompent avec l’orthodoxie libérale.

    Les théoriciens de libéralisme réagissent très mal à cette tendance. Ils analysent les mises en place de l’économie dirigée, organisée (sinon organique, avec de nouvelles corporations) comme quelque chose de proche du socialisme, qui constitue pour eux l’abomination absolue. En 1938, à Paris, salle du Musée social se tient le colloque Lippmann. Des économistes tels l’Autrichien Ludwig von Mises ((1881-1973), l’américain Walter Lippmann (1889-1974), le Français Louis Rougier, épistémologue et historien, critiquent radicalement l’intervention de l’État dans l’économie. Fascisme, national-socialisme et socialisme bolchévique dont pour eux des formes du totalitarisme. Seule la plus complète liberté économique garantit contre ce totalitarisme. L’Américain Milton Friedman (1912-2006), Friedrich von Hayek (1899-1992), un Autrichien comme Mises, font partie de ce courant d’idées, Wilhelm Röpke (1899-1966), père de l’ordo-libéralisme, est quelque peu en marge de ce courant mais il partage son hostilité au nationalisme économique.

    D’un totalitarisme, l’autre…

    Von Mises est en pointe. Auteur d’un livre sur Le socialisme (1919), et de nombreux livres après la guerre, sur Le chaos du planisme (1947), sur La mentalité anticapitaliste (1956), il critique le nationalisme économique, les socialismes et l’école historique allemande (l’ancienne, inspirée de Friedrich List, et la jeune école historique allemande, dont le plus éminent représentant est Werner Sombart, auteur de nombreux ouvrages majeurs, dont Le socialisme allemand, 1934). Après la défaite des régimes de troisième voie, c’est encore autour de Ludwig von Mises que se créera la Société du Mont Pèlerin en 1947. Les thèses de ces libéraux vont aller très loin. Ils partent d’une critique du totalitarisme. Leur analyse va toutefois mener à un autre totalitarisme que celui des années trente. Le néolibéralisme débouche sur un néo-totalitarisme. Nous allons voir comment.

    Walter Lippmann fait le constat que nous nous sommes d’abord situés dans un cosmos, avec les Grecs. Ensuite, nous nous sommes vus comme habitants  un monde créé par Dieu, dans un état de dépendance par rapport à une loi qui nous dépasse. Ensuite, et c’est l’époque actuelle, nous nous voyons comme créateur de nous-mêmes. Or, notre espèce n’est pas adaptée à l’environnement que nous avons-nous-mêmes créé, le monde de la concurrence de tous avec tous, le monde de la compétition mondiale. Dans ce monde, il faut viser l’efficacité maximum. Problème : Walter Lippmann pense que cela n’est possible que par un gouvernement des experts. Tout le contraire de la démocratie. C’est ici que se trouve la genèse du libéralisme de type II.

    Socialisme, économie dirigée, existence des syndicats, avancées sociales collectives, tous ces phénomènes enjambent la deuxième guerre mondiale et s’amplifient après 1945. S’ajoute l’impact de l’existence de pays « socialistes » à l’est de l’Europe (même si leur capacité de séduction s’avère vite limitée, voire devient un repoussoir – Berlin 1953, Budapest 1956, Prague 1968).  Dans tous les cas, cela montre que les peuples ne sont pas murs pour une société saine, vraiment libérale, sans béquilles sociales, sélectionnant les meilleurs sans état d’âme quant aux sorts des moins performants. Les peuples veulent une société plus solidaire. Il va falloir que cela change.

    Ainsi, le libéralisme de type I a cru qu’il suffisait de faire comme si l’homme était mu par ses intérêts pour que la société évolue dans le bon sens. Mais des réflexes collectifs resurgissent. L’homme est incorrigible. La notion même de peuple, du reste, est anti-libérale. Le libéral dit : il n’y a pas de peuple, il y a des gens qui contractent librement entre eux. Ainsi raisonnent les libéraux. Il faut donc changer l’homme. Il faut que l’homme devienne strictement un individu, et cesse d’être une personne encastrée dans un monde commun. Il faut libérer l’économie de la société, et faire le contraire de ce que préconise Karl Polanyi. La « société » doit devenir un marché. Ce qui se déploie est alors, au nom du libéralisme, un projet de transformation anthropologique. L’homme doit devenir « entrepreneur de lui-même ». C’est ce qu’a bien vu Michel Foucault en 1979 (cours « Naissance de la biopolitique »). Ce projet va au-delà de la marchandisation du monde, note Michel Foucault d’une manière d’autant plus convaincante qu’il n’est pas un critique acharné de cette évolution qui lui parait, à certains égards et sous certaines conditions, émancipatrice. Il s’agit de faire fructifier son « capital humain », comme l’explique Gary Becker (1930-2014). Les compétences de chacun sont vues comme un capital, de même que le capital relationnel de chacun (Bourdieu ne dira pas le contraire). Optimisation requise de notre capital humain, de notre temps (plus le temps de flâner et de méditer), de nos relations. Il faut s’adapter (Barbara Stiegler) « dans un monde qui bouge ». Il faut « avancer » (vers l’arrière ?) et ne pas rester accroché à de « vieux schémas ». Il faut être compétitif « à l’international ».  

    L’individualisation de tous les enjeux

    Cette évolution, qui fait que nous devons nous mettre en valeur et nous vendre nous-mêmes sur le marché, y  compris le marché des désirs (Michel Clouscard), Michel Foucault l’appelle nouvelle « gouvernementalité ». C’est le gouvernement par l’individualisation de tous les enjeux. C’est ce qui explique que tout se traduit dans le langage des droits.  L’avortement, qui est une question morale, mais aussi démographique car il en va de la natalité de la nation, est considéré sous le seul angle d’un droit individuel, et d’un droit de la femme, comme si l’homme n’était jamais concerné (quid de l’avortement dans un couple marié ?). De même, la société de surveillance, l’installation de caméras et la reconnaissance faciale sont présentés non comme des mesures totalitaires mais comme un « droit à la sécurité ». Habile processus d’inversion.

    Le libéralisme classique, de type I,  consistait à exploiter ce que le travailleur a, ce qu’il possède, sa force de travail avec un certain niveau de qualification et d’énergie, le libéralisme de type II consiste à exploiter et à transformer ce que le travailleur est. Nous sommes passés de la domination du Capital sur l’avoir à la domination sur l’être. Le libéralisme classique est donc devenu un libéralisme de transformation anthropologique. L’aliénation par la marchandise est le vecteur de cette transformation dont le but est de transformer l’homme en auto-entrepreneur de lui-même se vendant comme marchandise. « Avec le néo-libéralisme, il s’agit de transformer ce que nous sommes », note Barbara Stiegler. Auto-entrepreneur cherche preneur. Transformer ce que nous sommes, c’est nous rendre toujours plus liquides et toujours plus interchangeables. Il s’agit de transformer le rapport que l’individu entretient avec lui-même, indique Pierre Dardot (P. Dardot et Christian Laval, La nouvelle raison du monde, 2009 et Ce cauchemar qui n’en finit pas. Comment le néolibéralisme défait la démocratie, 2016). Mais ce « néo-libéralisme » n’est que le libéralisme reprenant son projet, voyant les résistances de l’homme à l’individualisation totale et rehaussant ses ambitions jusqu’à vouloir changer l’homme lui-même pour le rendre conforme à la théorie.  C’est ainsi qu’il faut voir le projet wokiste de suppression de toutes les essences (héccéité = ce qui fait qu’une chose est ce qu’elle est et pas autre chose) de genre, d’ethnie, de métier, etc. C’est pourquoi le wokisme, avec la cancel culture  est un marqueur du libéralisme de type II. Rendre liquide l’homme, le fluidifier, c’est expliquer que l’homme auvergnat peut devenir une femme birmane, voire quelque chose de plus flou puisqu’il n’y a pas de frontière d’espèce entre l’homme et les animaux. Dans cette perspective, la notion d’origine, de racines, d’identité n’a plus aucun sens, et il devient évidemment inimaginable de trouver un seul argument contre l’immigration de masse et plus généralement l’uniformisation du monde. Un déracinement ? Mais puisqu’on vous dit que l’homme est ce qui n’a pas de racine et pas de substance (ce que les Grecs appellent ousia). Le néolibéralisme isole et autonomise en même temps. C’est pourquoi il amène non pas à l’adhésion à une communauté nationale, à un partage du sens, à un horizon de projet,  mais aux communautarismes repliés sur eux-mêmes.

    Le libéralisme ultime

    Tel est donc le néolibéralisme ou bien plutôt le libéralisme de type II. On peut aussi parler  de libéralisme ultime. C’est le libéralisme du « dernier homme » (Nietzsche). Ce n’est pas seulement une doctrine économique visant à supprimer les services publics et le secteur public. Ce n’est pas seulement une doctrine visant à diminuer les interventions de l’État dans l’économie. Du reste, l’État ne cesse d’intervenir dans l’économie pour soutenir les très grandes entreprises et les banques. Ce qui a disparu, c’est l’État stratège au service d’objectifs nationaux et plus généralement d’une certaine idée du bien commun. La seule stratégie de l’État consiste à sauver un capitalisme de plus en plus financier (fusion du capital bancaire et du capital industriel, le dernier étant sous la domination du premier), et à faire remonter son taux de profit. C’est une opération vitale car le capitalisme est de moins en moins lié à des activités productives, et dépend de plus en plus d’activités parasitaires (production de vaccins inutiles et mêmes dangereux, viande artificielle, etc).

    En ce sens, le capitalisme est devenu une entrave à une autre orientation, à un autre développement possible des forces productives – contradiction qu’avait vu Marx dans ses grandes lignes. C’est pour sortir de cette contradiction  d’un système qui est devenu de plus en plus parasitaire (d’où le déclin de l’industrie dans la « richesse » nationale, « richesse » de plus en plus factice) que le libéralisme ultime, de type II a entrepris, jusqu’ici avec succès, une révolution anthropologique parfaitement diagnostiquée par Jean-Claude Michéa, et déplorée, dans un registre plus sensible et esthétique, par Pier Paolo Pasolini (Écrits corsaires) dés la fin des années 1960, alors que pourtant, l’opération néolibérale de mutation de l’homme n’en était qu’à ses débuts.

    L’État fort quant à ses fonctions régaliennes disparaît donc, et c’est moins une impuissance subie qu’une stratégie. Car, dans le cadre de sa volonté de révolution anthropologique, l’État n’a jamais été aussi présent et, pour être précis, aussi inquisiteur. Comme l’avait fort bien vu Carl Schmitt (Légalité et légitimité, 1932), seul un État fort peut éviter un État total. C’est l’État faible qui s’étend à tous les domaines de la vie, supprime la distinction vie privée/vie publique et devient un État total. Cet État total peut aussi être dit  État totalitaire. Les lois récentes de l’État français et les discours officiels de tétanisation des oppositions – discours qui, malheureusement, ne fonctionnent pas si mal – le montrent : il s’agit d’instaurer un régime de la peur couplé à un régime de délation de tous par tous (vis-à-vis des supposés pro-Poutine, des non vaccinés et non vaccinolâtres, de ceux qui, tout en refusant le racisme, ne le poussent pas jusqu’à la haine de soi, ce qui est un auto-racisme, etc).

    Interventionnisme étatique et insécurité culturelle

    L’État du libéralisme est donc plus interventionniste que jamais (Dossier « Macronisme autoritaire : la dictature en marche », Éléments 206, février-mars 2024). S’il n’est pas stratège au bon sens du terme, au sens où plaident Henri Guaino ou Jacques Sapir dans le domaine économique, l’État du libéralisme ultime a bel et bien une métastratégie. C’est la transformation de l’homme en individu liquide, dans une société elle-même liquide (Zygmunt Bauman), totalement manipulable par le Capital. Un individu soumis en outre à de perpétuelles accélérations sociétales.  L’individu ainsi façonné est l’opposé de la personne humaine considérée dans ses appartenances et ses héritages culturels. L’un des moyens de cette révolution anthropologique libérale est la colonisation des imaginaires (Naomi Klein, Serge Latouche). Aussi, cette révolution libérale est-elle un anti-conservatisme radical. Imposé de manière totalitaire. L’insécurité culturelle est la méthode du libéralisme pour prendre l’homme dans ses phares aveuglants, tel un lapin au bord d’une route. Il faut  opposer à l’entreprise néolibérale non pas un impossible « libéralisme conservateur » mais une révolution conservatrice. Celle-ci, pour être efficace, ne peut être seulement antilibérale. Elle doit être anticapitaliste et donc viser à la socialisation des grands moyens de production et d’échange. On aura remarqué que la logique de la société actuelle est de rendre impossible toute propriété privée (de son logement, de sa voiture, d’un terrain, etc). En dehors des biens mobiliers de l’oligarchie, l’objectif du libéralisme ultime est de ne garder que la propriété  privée des moyens de production et d’échange. C’est bien entendu le moyen d’empêcher les classes populaires d’accéder à la classe moyenne et de détruire cette même classe moyenne.

    Il faut faire tout le contraire. Permettre l’accession à la propriété de ce qui permet une transmission culturelle (maisons, logements, livres papier et non tablettes numériques…) et socialiser les grands moyens de production et  d’échange.  Si le pouvoir appartient pour l’heure à l’État du libéralisme liquidateur, il faut tout faire pour que le peuple comprenne que la puissance lui appartient. La source durable de tout pouvoir, c’est la puissance populaire. Si l’État est légal, seule la puissance populaire est légitime. Mais une révolution économique, sociale et politique, aussi nécessaire soit-elle, prend toute sa force en fonction d’une vue du monde. C’est aussi le sens du beau qui doit nous guider. La beauté peut avoir plusieurs visages mais certainement pas n’importe lesquels. Konrad Lorenz remarquait :  « Le devoir vital de l’éducation est de fournir à l’être qui se développe un fond suffisant de données factuelles qui lui permette de juger des valeurs du beau et du laid, du bon et du mauvais, du sain et du pathologique et de les percevoir. La meilleure école où l’enfant peut apprendre que le monde a un sens est le contact direct avec la nature. Je ne peux pas imaginer qu’un enfant normalement constitué qui a la chance d’être en contact étroit et familier avec les êtres vivants, autrement dit avec les grandes harmonies de la nature, puisse ressentir le monde comme dénué de sens». On ne saurait mieux dire.

    Pierre Le Vigan (Site de la revue Éléments, 19 mars 2024)

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  • Aya Nakamura : n’entrons pas dans la fausse polémique macronienne...

    Nous reproduisons ci-dessous un salutaire point de vue de Michel Geoffroy cueilli sur Polémia et consacré aux polémiques sociétales utilisées par Macron et sa bande pour détourner l'opinion des vrais sujets...

    Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou, et deux essais, La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018), La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Immigration de masse - L'assimilation impossible (La Nouvelle Librairie, 2021), Le crépuscule des Lumières (Via Romana, 2021)  et dernièrement Bienvenue dans le meilleur des mondes (La Nouvelle Librairie, 2023).

     

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    Aya Nakamura : n’entrons pas dans la fausse polémique macronienne

    Avec Aya Nakamura, la macronie lance une nouvelle opération de diversion, activement soutenue par les médias mainstream et aussi, hélas, par les gogos de droite. Car, dans l’affaire Aya Nakamura, tout est faux, comme la perruque blonde, les faux cils et les faux ongles de la chanteuse. Ne serait-ce que parce que la polémique a été lancée alors qu’aucune décision n’a été prise, semble-t-il. Alors, n’entrons pas dans la manipulation.

    L’art de la diversion macronienne

    La technique de la diversion macronienne est toujours la même : d’abord, on fait une annonce provocante – ici, la désignation d’une chanteuse franco-malienne au français douteux pour la cérémonie d’ouverture des prochains Jeux olympiques – destinée à jouer, vis-à-vis de l’opinion, le rôle de chiffon rouge.

    Cette annonce permet alors de rassembler le camp progressiste autour du gouvernement qui lance le projet et de dénoncer le camp rétrograde. De son côté, la « droite », elle, se divise toujours entre ceux qui sont pour, ceux qui sont contre ou ceux qui s’abstiennent par peur de la diabolisation, et elle perd donc l’initiative.

    Et pendant qu’on concentre « l’info » et les débats autour de l’annonce, on ne parle évidemment pas des sujets qui fâchent le pouvoir.

    Ce scénario fonctionne depuis au moins la présidence Hollande et réside au cœur des réformes sociétales : fabriquer des oppositions factices, horizontales, pour diviser les Français de façon à neutraliser l’opposition verticale et radicale entre le peuple et les élites. Pendant que les polémiques sociétales permettent aussi de faire oublier la question sociale pour le plus grand profit du pouvoir économique.

    Attendons-nous au pire, nous ne serons pas surpris

    En vérité, le choix d’Aya Nakamura dans le rôle d’Édith Piaf ne saurait surprendre que les imbéciles.

    Il est en effet à l’aune d’un pouvoir qui a pris le parti de mépriser l’identité nationale et de ridiculiser les Français en toute occasion.

    Alors, pour les Jeux olympiques, attendons-nous au pire, nous ne serons pas surpris !

    La cérémonie d’ouverture verra le remake inclusif [1], antiraciste et woke de celle du bicentenaire de la Révolution française : sauf qu’à l’époque on avait fait appel à la cantatrice soprano Jessye Norman. Aujourd’hui, on semble choisir Aya Nakamura, ce qui permet de mesurer la chute de notre pays depuis 1989 et le niveau culturel de nos décideurs actuels…

    Il s’agira de « briser les codes », annonce le site Internet des JO. Nous voilà avertis.

    Nous aurons donc, sans doute, des défilés d’athlètes transgenres, si possible de toutes les couleurs, et peut-être demandera-t-on à Volodymyr Zelensky de chanter La Marseillaise. Ou à Mme von der Leyen de brandir, en maillot arc-en-ciel, le drapeau de l’UE sous les ponts de Paris.

    N’en doutons pas, les bobos vont exulter, à l’instar d’Amélie Oudéa-Castéra qui se pâme déjà devant le talent d’Aya, et c’est l’essentiel puisque les Français seront de toute façon exclus du programme tant par le prix des billets que par les mesures de police ou les interdictions de circulation. Un Paris Potemkine sans beaufs, sans voitures, et vidé pour la circonstance de ses migrants, sinon de ses rats : le rêve de la gauche bourgeoise [2].

    Soyons plus « Djadja »

    Alors n’entrons pas dans la fausse polémique du moment.

    Si l’on vous interroge sur Aya Nakamura, demandez plutôt à votre interlocuteur d’évoquer par exemple le bilan diplomatique, économique et sécuritaire catastrophique d’Emmanuel Macron, son dangereux bellicisme, son isolement sur le plan international, ou encore la réduction continue des libertés publiques dans notre pays.

    Ce sera nettement plus « Djadja »…

    Michel Geoffroy (Polémia, 21 mars 2024)

    [1] À la condition, bien sûr, de faire disparaître toute croix chrétienne de l’affiche des JO.
    [2] Pléonasme français.

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  • Protectionnisme : le péché n’empêche pas la vertu...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christopher Coonen cueilli sur Geopragma et consacré au besoin d'une politique protectionniste européenne et française.

    Secrétaire général de Geopragma, Christopher Coonen a exercé des fonctions de directions dans des sociétés de niveau international appartenant au secteur du numérique. 

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    Protectionnisme : le péché n’empêche pas la vertu

    Nous assistons depuis plus d’une dizaine d’années à la refonte de l’ordre économique et monétaire mondial. Le point de bascule a entamé son renversement avec la crise financière des Sub-primes en 2007 aux États-Unis, suivi d’un enchaînement de cracks boursiers et de faillites bancaires en 2008. C’était le retour de bâton d’une mondialisation débridée. 

    Les Etats-Unis et l’organisation des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), fondée en 2009, ont alors tous progressivement mis le cap sur des politiques protectionnistes dont le but était de protéger et renforcer leurs souverainetés respectives, tout d’abord dans leurs marchés domestiques, mais avec l’objectif de plus en plus explicite d’assoir dans la durée leur projection de puissance au niveau régional et mondial. Ces gouvernements ont donc défini une stratégie aussi étendue que possible pour inclure dans cet élan de re-nationalisation les domaines stratégiques et inextricablement interconnectés de l’industrie, du numérique et de la monnaie. Les leaders et gouvernements de ces cinq pays ont depuis tous accéléré ce mouvement, prônant une politique de préférence nationale, « repliant » leurs champions industriels sur une ligne politique de consolidation pour mieux conquérir ensuite d’autres marchés, et également dynamiser les échanges commerciaux entre eux. Les BRICS d’ailleurs, se sont renforcés en janvier dernier avec l’adhésion de cinq pays supplémentaires pour former les BRICS+ : l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie, et l'Iran.  Reculer pour mieux sauter en somme. 

    Sans prendre la mesure politique et stratégique de ce mouvement profond, ni en admettre le sens et la légitimité, l’Europe quant à elle s’est contentée de poursuivre sa politique d’élargissement sans garde-fous et de signature d’échanges commerciaux mondiaux tous azimuts, ces dernières années avec le Canada et le Mercosur, et plus récemment avec la Nouvelle-Zélande. Mettant notamment certains agriculteurs de l’Union européenne dans des situations encore plus difficiles et déficitaires. Elle a poursuivi ainsi ses objectifs louables en théorie mais bien naïfs d’une vision pour un continent appelé à l’emporter commercialement du simple fait de son génie industriel, de sa démographie, et de son poids économique cumulés. L’intégration politique s’est donc poursuivie mais sans mise en place de son indispensable ferment : une structure économique et fiscale pensée et concertée. Face notamment au combat de titans entre les Etats-Unis, l’empire installé depuis 1945, et l’empire montant du Milieu, la Chine, l’Europe et la France en particulier ont continué de leur ouvrir leurs marchés sans contrainte et avec une absence totale de stratégie économique et industrielle. 

    Le résultat ne s’est pas fait attendre : des pans entiers de nos industries stratégiques ont été bradées et constituent une perte irrattrapable pour le savoir-faire, l’innovation, l’avantage concurrentiel et la projection de puissance européenne. Citons les abandons désinvoltes des Français aux Américains : Alstom un temps à General Electric (GE), Technip à FMC, et Lafarge et Essilor respectivement à des groupes suisse et italien. Au gré de mensonges éhontés de l’Elysée et de Bercy, bien d’autres douloureuses prétendues fusions « entre égaux », se sont révélées être de gravissimes chimères pour notre souveraineté en lambeaux.

    Alors que l’Europe devrait se doter de géants industriels capables de gagner des contrats et des parts de marché contre ses concurrents américains et chinois, voilà que Bruxelles a refusé d’avaliser la fusion d’Alcatel avec l’allemand Siemens au prétexte parfaitement spécieux et suicidaire d’une possible « domination non-concurrentielle ». Mais justement, nous avons besoin de tels champions pour notre « marché unique ». Nous marchons sur la tête ! La France se doit de préserver et d’assurer le développement de l’industrie qui lui reste : « nationaliser » les appels d’offres dans l’Hexagone en privilégiant nos champions et aussi les TPE et PME françaises. Les Allemands le font sans états d’âme, en faisant « fi » de la bureaucratie européenne et de ses diktats normatifs qui visent son affaiblissement et sa vente progressive à la découpe ! 

    Dans le domaine numérique, après vingt-cinq années d’existence du e- et m- commerce, force est de constater que les titans mondiaux sont, là aussi, américains et chinois, avec leurs milliards d’utilisateurs et abonnés. Encore une fois il y a une absence de représentation totale de géants du net européens. Dans le contexte de l’affrontement qui s’intensifie entre les Etats-Unis et la Chine, nous parlerons bientôt non seulement des « GAFAM » américains, mais de plus en plus aussi des « BAXIT », chinois. A l’instar de Washington, le gouvernement chinois déploie son appareil juridique et ses politiques d’investissement derrière ses champions, enrayant le développement de concurrents américains tels que Google ou Facebook. En Russie, Facebook est absent, c’est son équivalent local V Kontakte qui domine ce marché. 

    Les dépenses des ménages (et entreprises) européens vont donc tout droit enrichir nos concurrents étrangers qui pour la plupart ne s’acquittent pas de leur juste part d’impôts. Pire, la sensibilité et la richesse de nos données personnelles qui profitent au développement d’algorithmes d’intelligence artificielle toujours plus performants tombent aussi dans des mains adverses. 

    L’Europe se retrouve donc complètement dépendante et démunie. Une esclave consentante, stockholmisée par son maître américain qui, par ailleurs, décide même désormais de ses projets commerciaux légitimes en lui dictant, via l’extraterritorialité juridique, les frontières de son licite et illicite… en fonction des intérêts nationaux américains. Une notion aux contours extensibles…

    Enfin, cette offensive de « re-nationalisation » active se joue également dans le domaine monétaire. D’abord, la « dédollarisation » de l’économie mondiale est en route : la Russie a largement vendu des dollars depuis 2018, qui ne représentent plus que 27% de ses réserves, derrière l’Euro (39%) – source Banque Centrale Européenne. Sa Banque centrale a aussi acheté l’équivalent de quelques dizaines de milliards de dollars du Yuan convertible chinois. La Chine et la Russie ont en parallèle massivement acheté de l’or ces dernières années afin de soutenir leurs devises, avec l’objectif pour les Chinois de détrôner à terme Washington et pour les deux pays d’échapper à la pression de l’extraterritorialité du droit américain. La solidité de leurs devises repose aussi sur leur faible taux d’endettement. La Russie est quasi à l’équilibre. La Chine, quant à elle, fait face à une situation plus complexe :  le taux d’endettement du gouvernement central et des collectivités locales est estimé à 37%, loin derrière celui du Japon (240 %), de la Grèce (181%), de l’Italie (132 %), du Portugal (121 %), des États-Unis (107%), ou encore de la France (113 %) – source ministère français de l’Economie et des Finances, CEIC Data. 

    Ensuite, afin d’assainir ses finances et parer à la crise de 2007, Pékin a lancé un plan de relance en novembre 2008 visant à injecter sur le marché 4 000 milliards de yuans (586 milliards de dollars) afin de stimuler la demande intérieure face au ralentissement de la croissance et à la stagnation de ses exportations. Elle investit massivement dans ses différents projets des Routes de la Soie en Asie Centrale, en Europe, en Afrique, et en Amérique Latine afin d’augmenter la croissance de son économie et de lui donner un avantage géopolitique de puissance « tranquille » mais incontestablement en projection. Elle crée son « contre-monde » et déjà ses contre standards. Les Chinois voient loin, très loin, au-delà des péripéties immanquables de leur stratégie à l’échelle d’un siècle entier. Cette vision leur confère un avantage certain par rapport à des politiques très court-termistes en Europe et d’une certaine manière aux Etats-Unis.

    Finalement la politique du « quantative easing » de la Banque Centrale Européenne affaiblit à terme l’euro, en sachant que l’injection massive de liquidités dans le système financier européen au travers du rachat de Bons du Trésor et autres obligations, équivaut à faire tourner la planche à billets sans croissance réelle de l’économie. Une vulnérabilité mortifère dans un contexte de très forts taux d’endettement de certains pays membres dont la France. 

    L’impact économique et social, mais aussi politique de ces inquiétants développements sera très concret et massif. Pour en prendre la mesure, l’analyse du PIB par le biais du pouvoir d’achat par parité ou PPP est intéressante car elle permet de comprendre l’état réel de la puissance économique via la richesse créée concrètement pour les citoyens des pays concernés. Si nous prenons les projections du FMI, de la banque Standard Chartered, d’Oxford Economics, et du Brookings Institute sur le classement des dix plus grandes puissances économiques au regard du PIB en termes de PPP en 2030, nous constatons plusieurs choses :

    1. Sur les dix pays, quatre seront asiatiques.

    2. La Chine et l’Inde seront respectivement au premier et deuxième rang, reléguant l’actuel numéro un, les Etats-Unis, au troisième.

    3. Les BRICS et l’Égypte y figureront tous, avec d’autres pays « émergents » d’aujourd’hui – l’Indonésie (4ème), la Turquie (5ème) et l’Egypte (7ème).

    4. L’Allemagne clôturera la liste.

    5. La France sera absente!

    6. L’Union européenne pourrait et devrait y figurer mais, au vu des politiques et interférences désastreuses de ces dix dernières années mentionnées supra et en l’absence d’une politique économique et industrielle cohérente, elle manquera également à l’appel. 

    7. Le G7 dans son actuel format sera devenu complètement caduque, réclamant sans doute l’arrêt de ce forum pour privilégier le format du G20 …

    Nous sommes donc devant deux visions apparemment en opposition mais qui peuvent en fait se rejoindre : un libre-échangisme mal-pensé et un protectionnisme pondéré et assumé. Il serait temps que l’Europe et la France fassent une correction de cap courageuse, décisive et retentissante. Pécher par prudence et engager une politique visionnaire et stratégique nationale et communautaire claire sur l’industrie, le numérique, la monnaie, et l’agriculture afin que nos champions puissent tout d’abord exister, et qu’ils puissent ensuite sortir gagnants de la nouvelle concurrence mondiale.

    Christopher Coonen (Geopragma, 18 mars 2024)

     

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  • Le gauchisme, c’est la gangrène !…

    Nous reproduisons ci-dessous un "coupe de gueule" de Julien Dir, cueilli sur Breizh-Info et consacré au gauchisme et à ses œuvres...

     

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    Le gauchisme, c’est la gangrène… !

    Le gauchisme, c’est la gangrène, on l’élimine, ou on en crève ! J’ai décidé de piquer et de modifier un vieux slogan antifasciste pour débuter cette tribune. Je suis excédé. Excédé par ces gauchistes de mes deux qui viennent, jusque dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, nous expliquer ce que nous devrions penser, lire, visionner.

    Je suis excédé de voir la tête d’un Louis Boyard, député élu il faut le rappeler, par une petite minorité d’électeurs de sa circonscription (comme la plupart des députés de l’Assemblée nationale actuelle), venir donner des leçons d’éthique et de probité à la terre entière, lui qui a dealé de la drogue et qui l’a avoué publiquement, lui qui n’a de cesse de provoquer, d’éructer, mais aussi de prendre la défense de certaines causes douteuses.

    Je suis excédé de voir un Vincent Bolloré se justifier, devant une commission d’enquête, devant les injonctions de véritables commissaires politiques, bavant leur haine et vomissant leur idéologie, profitant eux aussi d’avoir été élus par une petite minorité, pour faire la pluie et le beau temps dans ce pays. Se justifier, c’est déjà s’excuser. Ces députés n’auraient mérité qu’un bras d’honneur. Un crachat. Et alors, vous allez faire quoi ? Jeter tous les opposants politiques en prison ? Mais je pensais que l’univers carcéral n’était pas sain ? Que la prison devait être abolie même ? Ah non, ce n’est que pour les autres ?

    Je suis excédé de lire chaque matin des quotidiens dits « mainstream » qui se prétendent « neutres » mais qui font quotidiennement l’apologie de la destruction de notre société européenne. Ici la défense d’un migrant (alors que la mobilisation a rassemblé 10 personnes grand max dont 20 collectifs), là une mise en avant d’une association « qui vient en aide aux migrants », là encore « une enquête sur les méchants catholiques traditionnalistes », entre deux plaidoyers ou deux crottes de nez pour les opposants à Emmanuel Macron. Vous avez le droit d’exister, mais ne vous prétendez pas neutres. Et surtout, cessez de demander des subventions, de l’argent public. Ou acceptez que tout le monde puisse en toucher. Et pas seulement vos lignes éditoriales.

    Je suis excédé de voir des « représentants syndicaux » gauchistes venir expliquer à la télévision (devant des journalistes compatissants et presque complices) que c’est super de bloquer une faculté à 20, et de faire suer des centaines d’étudiants, y compris en menaçant et en frappant ceux qui ne voudraient pas se plier aux oukases. Ces mêmes représentants syndicaux qui hurlent à la « descente fasciste » quand quelques étudiants décident de réouvrir une faculté par la force, pour étudier et travailler. D’un côté, il y aurait la violence légitime gauchiste, de l’autre, la terrible menace fasciste, néo-nazie. Et la presse qui colporte ça à grands coups de Une, d’enquêtes, et de manipulations idéologiques dont seuls les gauchistes ont le secret.

    Je suis excédé de voir ces gens venir nous parler de liberté, d’égalité, de fraternité, alors qu’il n y a pas plus haineux, pas plus méchant, pas plus cynique, par plus pervers, pas plus hypocrite, pas plus lâche, pas plus égoïste, qu’un gauchiste. Ils passent leur temps à attaquer, à baver, à vouloir interdire, censurer, réprimer. Et dès qu’ils trouvent une réponse en face d’eux, verbale comme physique, ils pleurent, déposent plainte, appellent la terre entière à les soutenir, et se transforment en Caliméro de la politique alors qu’ils sont à l’origine précisément de ce qui leur arrive.

    Je suis excédé de voir des entreprises plier sous la pression des terroristes que sont les Sleeping Giants, et qui cherchent à tuer, économiquement, toutes les initiatives qui ne relèvent pas du gauchisme mental. Je suis excédé de voir chaque pan de nos collectivités, de nos administrations, de nos entreprises, avoir la trouille, face à n’importe quelle mobilisation gauchiste ultra minoritaire, la trouille d’être classé dans le camp des méchants. Je suis excédé d’entendre en plus ces gens là, ces lâches, ces pleutres, fantasmer une histoire, notamment au 20ème siècle, dont ils n’auraient pourtant jamais, vu leur manque de courage, été les acteurs principaux.

    Je suis excédé de voir que des racailles bénéficient de toutes les larmes et les plaintes des gauchistes, alors même qu’elles refusent d’obtempérer (et se font tirer dessus en conséquence pour ne pas mettre la vie des autres en danger), alors même qu’elles dealent, alors même qu’elles agressent. Alors que dans le même temps ces gauchistes, qui dénoncent la répression policière et les violences policières, qui appellent à une réforme de A à Z de la police, se félicitent des dissolutions, des gardes à vue, des arrestations, de la répression féroce visant des militants de droite dont le seul malheur est parfois de simplement coller une affiche, déployer une banderole ou, éventuellement, de se défendre quand leur minuscule bout de terre est sur le point d’être attaqué par la racaille en surnombre.

    Le gauchisme a totalement infusé, depuis des décennies, notre société. Il est partout, et les gens ne s’en rendent même plus compte. C’est une véritable gangrène, un cancer, qui a tué des dizaines de millions d’individus dans le monde, au 20ème siècle, et qui tuera encore si jamais un traitement radical ne lui est pas administré.

    Ces gens veulent vous empêcher de penser. Ils veulent vous empêcher de lire (oui, ils sont pour l’interdiction de certaines lectures, de certains sites). Ils veulent vous empêcher de travailler (ils dénoncent vos employeurs si jamais vous êtes considéré comme d’extrême droite). Ils veulent vous empêcher d’étudier (en bloquant vos facultés). Ils veulent vous empêcher de faire de la politique (en dissolvant vos mouvements, en interdisant vos partis). Ils veulent vous empêcher de vivre tout simplement. Ils veulent vous tuer, au sens propre, comme figuré du terme. Les gauchistes, et tous ceux qui collaborent au gauchisme mental, veulent vous liquider, moralement, économiquement, socialement, intellectuellement. Parce que vous êtes dangereux pour cette petite minorité agissante, influente, et gavée de subventions publiques, de votre argent.

    Vous êtes dangereux pour eux, car vous êtes des hommes et des femmes libres, et que vous refusez, et refuserez, de vivre ce ce que les Hongrois, les Baltes, les Polonais, ont vécu des décennies. Ce que les Français ont vécu, aussi, il y a quelques siècles, sous la Terreur.

    Alors continuez à croire en la liberté, face à l’obscurantisme gauchiste, et à dénoncer sa malignité, son anormalité. Continuez de convaincre autour de vous, continuez à faire barrage, à mobiliser pour en finir avec la passivité qui a fait que cette gangrène, que tout le monde trouve anormale a pris des proportion et un pouvoir gigantesque aujourd’hui.

    Julien Dir (Breizh-Info, 16 mars 2024)

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