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Points de vue - Page 23

  • Entre déclin et renouveau, repenser l'Europe...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une nouvelle vidéo d'Ego Non qui évoque les réflexions sur l'Europe du penseur espagnol José Ortega y Gasset au travers d'un de ses essais publié en 1960 (et récemment traduit en français), Méditation sur l'Europe (Bartillat, 2023).

     

                                             

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  • Cachez ce prénom que je ne saurais voir...

    Nous reproduisons ci-dessous un pont de vue de l'Observatoire du journalisme consacré à l'omission volontaire de l'origine des  auteurs d'actes rapidement qualifiés de faits divers...

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    Cachez ce prénom que je ne saurais voir

    Le « vivre ensemble » est une chimère qu’une caste politique, médiatique et intellectuelle cherche à imposer depuis des décennies aux Français. Les faits divers étant souvent en contradiction avec cette volonté, les médias de grand chemin ont trouvé le moyen de maintenir l’illusion en pratiquant l’omission volontaire. Reprendre un fait divers en omettant le prénom ou l’origine de l’agresseur, souvent pour masquer des origines étrangères, voilà la recette. Pour nos lecteurs, examinons en détail quelques exemples de cette pratique.

    BFM Lyon est un peu amnésique…

    Le premier cas que nous citons concerne un viol commis en pleine rue le 3 novembre 2023 à Lyon. Selon le site d’actualité locale LyonMag, une étudiante sud-coréenne a été violée dans les rues de Lyon par un migrant guinéen après avoir été roué de coups. L’auteur des faits avait ensuite, quelques jours plus tard, voulu réitérer sur une quinquagénaire qu’il avait étranglée. La victime avait repris connaissance alors que l’homme lui touchait le sexe en se déshabillant. Ce fait divers grave a été repris par la journaliste Lucie Nolorgues qui travaille pour BFM Lyon. Néanmoins, elle a bien omis de préciser que le suspect était un migrant guinéen.

    Cas de récidive

    Un oubli peut arriver, dirons-nous. Cependant en cherchant un peu, un autre exemple d’omission, commis par la même journaliste, est facilement trouvable. Cette fois-ci nous sommes en mai 2023, c’est encore le site LyonMag qui révèle l’information. Quatre jeunes avaient lynché trois policiers après que le leader ait commis un refus d’obtempérer suite à un vol à l’arraché. Dans l’accroche de l’article, LyonMag précise que les suspects, ayant été condamnés à des peines allant de dix mois à deux ans de prison, sont « de jeunes Algériens en situation irrégulière ». Là-encore, bis repetita c’est Lucie Nolorgues qui reprend l’article pour BFM Lyon en omettant à nouveau les origines des suspects.

    De Lyon à Bordeaux

    Continuons notre plongée au sein d’une certaine idée de la déontologie journalistique avec une agression qui s’est produite à Bordeaux le 3 novembre 2023. Elouan, un jeune bordelais de 16 ans, se balade dans les rues de la ville avec sa petite amie. Soudain, un homme du même âge qu’Elouan aborde le couple et poignarde le jeune homme en prenant son téléphone. Le Figaro, qui a fait la chronique des faits, précise que la mère de la victime a signalé que l’agresseur avait « un survêt et des traits maghrébins », un élément qu’Actu Bordeaux ne juge pas nécessaire de préciser à ses lecteurs. Nos lecteurs se demanderont peut-être pourquoi nous ne citons pas un média plus connu ? Aucun de ces « gros médias » n’a trouvé utile de publier un article sur une agression comme celle-ci, violente, mais devenue banale dans la France Orange mécanique.

    De la Gironde au Var

    Cas suivant avec un autre viol, survenu dans le Var en août 2023. Une joggeuse trentenaire est violée sur les rives du fleuve Reynard. L’agresseur, confondu grâce à ses empreintes présentes dans le fichier des traces génétiques en France et en Allemagne, s’avère être un Afghan âgé de 25 ans. Tenant d’un solide palmarès, il avait quelques jours plus tôt « importuné » une femme travaillant pour l’association d’aide aux migrants par laquelle il était pris en charge. Notons également qu’il était connu de la police outre-Rhin pour une agression sexuelle. C’est France Bleu Var qui nous apprend cette histoire et le profil du suspect car BFM, fidèle à ses habitudes, a repris l’article mais en omettant, là-encore, l’origine du suspect.

    Du Var à Marseille

    Autre histoire, même procédé avec une agression à Marseille qui date de fin octobre 2023. Ce jour-là, près de la gare Saint-Charles, une jeune femme de 32 ans est passée à tabac par un homme de 51 ans à coups de pieds pendant plus de dix minutes. L’agression a défiguré la jeune femme. Un fait grave, mis en avant par Valeurs Actuelles. Le site d’actualité Actu Marseille reprend l’information, avec une omission, comme s’en doutent nos lecteurs, le profil du barbare : un Algérien en situation irrégulière.

    De la Provence à la Bretagne

    Enfin, concluons ce triste florilège par une histoire dont les médias de grand chemin ont peu parlé mais qui illustre l’impunité quasi totale des délinquants commettant ce genre d’agressions. Nous sommes à Dinan, dans les côtes d’Armor, le 30 août 2023. Une agression particulièrement violente est filmée par un jeune qui dit « finis-le wesh » en incitant ses congénères à mettre des « penaltys » dans la tête des victimes, deux jeunes hommes. Les agresseurs, six jeunes hommes, dont un Malgache sous OQTF, s’en sont pris à ces deux jeunes gens et ont causé, pour l’un d’eux, 45 jours d’ITT pour le motif suivant : les victimes étaient rousses. C’est par Le Petit Bleu des Côtes d’Armor que nous apprenons l’info. Nous avons cherché, rien dans les médias de grand chemin, la seule reprise que nous avons trouvée est un article du Télégramme, lacunaire et qui ne dit rien sur le profil des suspects. Notons que les auteurs des faits n’ont écopé que de peines de prison aménagées, des petites peines dont les auteurs s’enorgueillissaient en sortant fièrement du tribunal.

    Terminons par Paris

    Terminons par une « petite omission », cette fois il ne s’agit pas des origines mais du prénom de l’agresseur qui a été mis de côté par ActuParis. L’histoire a eu lieu à Boulogne-Billancourt, où un chauffeur VTC a jugé qu’il était de sa mission de se glisser nu dans le lit d’une de ses clientes. Le Figaro, grâce à qui nous savons l’affaire, précise que le suspect s’appellerait Medhi. Un élément omis par le site que nous avons cité plus haut.

    Cet article semble redondant et il l’est. Ces faits se multiplient en France mais ce n’est pas le cœur de notre sujet. Ce qui nous intéresse ici c’est de constater que certains journalistes, pour des motifs divers, mettent de côté des informations qui pourraient permettre aux Français de prendre conscience des conséquences de l’immigration. Comme si la consigne en était donnée dans les principales écoles de journalisme.

    Observatoire du journalisme (Ojim, 14 novembre 2023)

     

     

    Le « vivre ensemble » est une chimère qu’une caste politique, médiatique et intellectuelle cherche à imposer depuis des décennies aux Français. Les faits divers étant souvent en contradiction avec cette volonté, les médias de grand chemin ont trouvé le moyen de maintenir l’illusion en pratiquant l’omission volontaire. Reprendre un fait divers en omettant le prénom ou l’origine de l’agresseur, souvent pour masquer des origines étrangères, voilà la recette. Pour nos lecteurs, examinons en détail quelques exemples de cette pratique.
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  • Le retour en boomerang du Chaos constructif de Zbigniew Brzezinsky...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Patricia Lalonde, cueilli sur Geopragma et consacré à la stratégie mortifère qui a orienté l'action de l'Occident au Proche et au Moyen-Orient depuis plus de cinquante ans. Patricia Lalonde est vice-présidente de Geopragma.

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    Le retour en boomerang du Chaos constructif de Zbigniew Brzezinsky

    Nous sommes évidemment tous solidaires des victimes des atrocités commises par le Hamas en Israël, tous sidérés par l’aveuglement des services de sécurités israéliens et par les actes de barbarie inouïe.

    Comment cela a-t-il pu arriver ?

    Malheureusement à cause de la stratégie diabolique des Occidentaux, les Etats-Unis en tête, au Proche et au Moyen-Orient.

    Les Occidentaux n’ont appris aucune leçon du 11 septembre.

    L’alliance avec les groupes islamistes pour « contenir la Russie » comme cela a été fait lors de l’invasion soviétique en Afghanistan, a conduit à la création de Ben Laden et d’El Qaida et puis au 11 Septembre.
    Devant la sidération, certains ont même accusé les Iraniens…

    Tout aveuglés dans leurs certitudes, nos gouvernements ont continué à soutenir les mêmes groupes, liés aux Frères Musulmans à travers la promotion des Printemps arabes. Il fallait éliminer, au nom de la démocratie, et des droits de l’homme, les dirigeants arabes laïcs et dérouler le tapis rouge aux Frères Musulmans islamistes.

    En effet, après la création de l’Etat d’Israël, la volonté d’émancipation des peuples arabes s’était appuyée sur un « panarabisme laïc », nationaliste, qui ne rassurait pas les Israéliens.

    Le choix d’Israël et des Etats-Unis et par soumission des Européens, de fragiliser voire d’éliminer tous les autocrates arabes, les ont conduits à préférer les islamistes et donc en Palestine, l’appui au Hamas plutôt qu’à l’Autorité Palestinienne. Depuis 2011, Toute ONG travaillant dans l’entourage de cette Autorité Palestinienne se retrouvait systématiquement sous les accusations de la droite israélienne… Le calcul étant qu’il serait plus facile de venir à bout de ces islamistes que d’établir des pourparlers avec une autorité arabe forte sur une éventuelle solution à deux états, dont les extrémistes israéliens ne voulaient à aucun prix.

    Cette alliance avec les Frères Musulmans ainsi que nos excellentes relations avec le Qatar, financier de tous ces groupes, nous ont aveuglés, la corruption aidant, sur le véritable dessein de ces groupes.

    Nous avons ainsi vu d’un bon œil l’arrivée de Daesh en Syrie, ce qui nous a permis de taxer les groupes d’El Qaida de « modérés » et de nous en servir pour lutter contre le prétendu ennemi absolu, Bachar el Assad… Cette stratégie nous a aveuglés et a mené aux attaques du Bataclan et à la fusillade des jeunes attablés aux terrasses de café qui ont fait plus de 130 morts et 300 blessés à Paris.

    Nous avons de plus considéré la Russie qui a toujours lutté contre le terrorisme islamiste comme notre ennemi…

    Les Frères Musulmans et Al Qaida/Daesh/ISIS sont les 2 faces d’une même pièce.
    Les premiers cherchent à prendre le pouvoir en utilisant les faiblesses des démocraties, les seconds cherchent à le prendre par la terreur.
    Mais il semble que nous n’ayons pas compris la leçon, puisque nous continuons à ostraciser les régimes victimes de ces mêmes islamistes.
    L’Europe a perdu le sens des réalités.

    La stratégie du chaos reconstructif au Moyen Orient, comme l’avait suggéré Zbigniew Brzezinsky, le conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter, nous revient en boomerang et nous menace désormais.

    La guerre actuelle entre le Hamas et Israël en est la résultante et notre aveuglement est en train de transformer le Moyen Orient en « arène de règlement de compte géopolitique » selon les dires du chef de bureau de New-York du Haut-commissariat des Nations-Unies aux droits de l’Homme, démissionnaire, Craig Mokhiber.

    Ces règlements de compte participent, plus vite que prévu, à la réorganisation d’un monde sous dominance occidentale vers un monde multipolaire ou, espérons- le, la diplomatie remplacera l’usage de la force…

    On ose espérer que c’est ce qu’a compris Emmanuel Macron, alors qu’il vient de déclarer à la BBC qu’il fallait un cessez le feu immédiat à Gaza et que la riposte légitime de l’armée israélienne ne devait pas l’autoriser à tuer dans des bombardements massifs, femmes et enfants palestiniens.

    Patricia Lalonde (Geopragma, 13 novembre 2023)

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  • Conflit au Proche-Orient : peut-on encore défendre le non-alignement ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Rodolphe Cart, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré aux choix diplomatiques à faire dans le conflit israélo-palestinien...

    Collaborateur occasionnel d’Éléments, Rodolphe Cart est l'auteur de deux essais Georges Sorel - Le révolutionnaire conservateur (La Nouvelle Librairie, 2023) et Feu sur la droite nationale ! (La Nouvelle Librairie, 2023).

     

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    Conflit au Proche-Orient : peut-on encore défendre le non-alignement ?

    Si le conflit russo-ukrainien a donné lieu à des anathèmes, des attaques verbales et des disputes d’une rare intensité, il faut reconnaître que ce n’était qu’un avant-goût en comparaison du climat médiatique actuel. Suite à l’embrasement du Proche-Orient, l’ensemble des boussoles idéologiques, passionnelles et géopolitiques se sont affolées dans un capharnaüm peu commun. Oubliés le cas ukrainien et le nouveau passage en force du gouvernement par le 49.3, et place au conflit israélo-palestinien qui doit servir de vecteur de reconfiguration de la vie politique française. Chacun est sommé de choisir un camp, sous peine d’être considéré comme un « confusionniste », un « lâche » ou même un « collabo’ ». Une chose est certaine, la majorité de la classe médiatique et politique (hors LFI) s’est rangée dans le « soutien inconditionnel à Israël » – même si les bombardements israéliens sur Gaza font émerger des voix discordantes. Toutefois, l’intérêt de la France consiste-t-il à prendre parti pour l’un des deux camps ? Le chamboulement international ne permet-il pas à la France de pouvoir renouer avec le non-alignement ?

    Un climat de dénonciation

    Ces derniers mois, l’enchaînement des événements dramatiques bouscule le monde politique. Preuve de cet emballement, une expression est revenue dans les débats : « cinquième colonne ». Pour le député franco-israélien Meyer Habib, les réactions d’une partie de la gauche, Insoumis en tête, à l’attaque contre l’État hébreu, confirment l’existence d’une « cinquième colonne » pro-islamiste. Arnaud Robinet, maire de Reims (Horizons), reprend aussi l’expression et appelle même à lever l’immunité parlementaire pour porter plainte contre les députés Insoumis. Comme si cela ne suffisait pas, un groupe de seize sénateurs français, avec en tête le sénateur Stéphane Le Rudulier (LR), a présenté un projet de loi visant à pénaliser la critique du sionisme.

    L’émergence de cette expression, dans le débat public, n’est pas anodine. Aussi faut-il rappeler qu’elle nous vient de la guerre civile espagnole (1936-1939). La « cinquième colonne » désigne le traître embusqué à l’intérieur d’un pays ou d’une armée, prêt à se réveiller – ou à pactiser avec l’envahisseur –pour prendre à revers les forces en place. Cette notion est fondamentale pour comprendre la politique moderne, car c’est elle qui permet de faire bloc contre un ennemi clairement désigné. Aussi sert-elle à désigner un « camp » de façon englobante et sans nuances, installant par là une grande confusion intellectuelle au sein de la société. « La manifestation pour la République et contre l’antisémitisme sera un marqueur pour savoir de quel côté chacun se trouve », a estimé le journaliste Pascal Praud sur CNews en évoquant la manifestation du 12 novembre.

    Le climat du débat politique actuel nous ramène directement en 2015, lors des attentats commis sur le sol français. Au moment de la commémoration de l’attaque contre l’Hyper Cacher, le Premier ministre de l’époque, Manuel Valls, avait rejeté toute tentative d’explication à la fabrique de jihadistes. « Pour ces ennemis qui s’en prennent à leurs compatriotes, qui déchirent ce contrat qui nous unit, il ne peut y avoir aucune explication qui vaille ; car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser. » Il avait renchéri devant l’Assemblée en affirmant qu’« aucune excuse ne doit être cherchée, aucune excuse sociale, sociologique et culturelle » ne devait être cherchée au terrorisme. À l’époque, Marcel Gauchet jugeait « particulièrement regrettable » cette phrase. « Pour bien combattre un adversaire, avait rappelé l’historien au micro de France Inter, il faut le connaître. C’est le moyen de mobiliser les esprits et de donner une efficacité à l’action publique. »

    Expliquer n’est pas excuser

    Si certains intellectuels ou journaux résistent à ces périodes d’émotion, la grande majorité de la classe médiatique – commentateurs de l’actualité, personnalités politiques et chaînes d’information en continu – discrédite ces initiatives d’historiens, de sociologues, de géopoliticiens ou de politologues, qui essaient de comprendre ces situations de crise sans tomber dans le jugement ou la punition. C’est proprement la démarche critique et objective de ces chercheurs qui est niée ; la recherche des causes est alors pointée du doigt comme une attribution des fautes.

    Or, nous avons besoin de ces regards critiques sur des phénomènes tels que le terrorisme, l’islamisme, le sionisme et les affrontements armés au Proche-Orient. Sans cela, nous nous empêchons de comprendre ce qui les a rendus possibles et nous tombons dans le travers des explications binaires – comme le « conflit de civilisations » ou autres. Le sociologue Bernard Lahire, dans son livre Pour la sociologie (2016), explique : « Le droit à la connaissance la plus indépendante possible des questions morales, politiques, juridiques ou pratiques, ne devrait jamais être remis en question. Rien, en démocratie, ne devrait faire obstacle à la recherche désintéressée de la vérité. Comprendre n’a jamais empêché par ailleurs de juger, mais juger (et punir) n’interdit pas de comprendre. »

    Le lendemain de l’attaque du Hamas, le vice-président des Républicains François-Xavier Bellamy avait dit au micro d’Europe 1 : « C’est un crime injustifiable, indéfendable, que personne n’a le droit de relativiser ». Une fois passée l’émotion des attaques, une telle déclaration, venant d’un homme politique aspirant à de hautes responsabilités, est blâmable pour la raison qu’elle empêche toute explication et suggère un jugement moralisant disant « ce qui est bien » et « ce qui est mal », ce « qu’il faut faire » et ce « qu’il ne faut pas faire ». Pourtant, le réalisme doit être la seule boussole de l’homme d’État – tout particulièrement dans les moments de crise.

    Force est de constater qu’une reconfiguration idéologique se produit dans le paysage politique français. Si Serge Klarsfeld avoue que le RN de Marine Le Pen a rompu avec l’antisémitisme de ses origines, il s’inquiète de la résurgence d’un antisémitisme d’extrême gauche. Sur le sujet, l’ancien conseiller de Trump, Steve Bannon, conseillait déjà de toujours soutenir Israël, dans le but de pouvoir avancer sur une ligne dextrogyre sans encourir de reproche – on retrouve cette position à l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), ou encore chez Bolsonaro au Brésil ou chez Orban en Hongrie. Néanmoins, l’assimilation de l’antisionisme à l’antisémitisme impose, de fait, une épée de Damoclès dès lors que la politique de Tel-Aviv est mise en question.

    Le Sud se rebiffe

    L’offensive dans la bande de Gaza a démontré que la restructuration des relations internationales entre les pays du « Nord » et ceux du « Sud global » s’accélérait. Si le « Sud » désigne traditionnellement les pays de l’ancienne périphérie coloniale en retard vis-à-vis du « Nord » (pays historiquement développés et représentatifs du système euro-atlantique), aujourd’hui, il faut voir que les lignes bougent. Que ce soit aux Nations Unies (ONU) ou lors du cas de la guerre en Ukraine – où de nombreux pays (Brésil, Afrique du Sud ou Inde) ont refusé de condamner l’agression russe et donc sapé les sanctions occidentales –, nous voyons apparaître une opposition à la diplomatie internationale des États-Unis, d’Israël et des « caniches » européens (c’est ainsi que nombre d’entre eux nous désignent).

    « La Chine est profondément préoccupée par l’intensification des tensions et la montée de la violence entre la Palestine et Israël, et elle est profondément attristée par les pertes civiles causées par le conflit », a déclaré le 9 octobre le ministère chinois des Affaires étrangères, appelant à un cessez-le-feu immédiat et à une désescalade. Le 1er novembre, la Russie a même haussé le ton, par la voix de son représentant permanent à l’Assemblée générale des Nations Unies (Vassili Nebenzia), en expliquant que l’État hébreu peut faire la guerre aux terroristes, mais pas à l’ensemble des Palestiniens. Ces positions marquent bien une affirmation du Sud, notamment sur la critique récurrente du « deux poids deux mesures » dans la condamnation des crimes commis de part et d’autre. Si la Chine ne figure plus dans « Sud » économiquement parlant, il faut aussi constater que ces pays rejettent de plus en plus l’autorité morale et politique occidentale – notamment la distinction entre autoritarisme et démocratie.

    En accueillant six nouveaux membres lors du sommet de Johannesburg, les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ont affirmé cette volonté des pays émergents d’œuvrer au rééquilibrage planétaire en créant des réseaux de puissance diversifiés. On retrouve plusieurs signes de l’influence grandissante des pays émergents sur la scène mondiale. Tout d’abord, le « club des cinq » produit un quart du PIB mondial et rassemble 42 % de la population du globe. Avec l’entrée de l’Arabie saoudite, de l’Iran et des Émirats, les Brics contrôlent dorénavant 54 % de la production mondiale de pétrole. Ce n’est pas tout puisque, comme le souligne le chercheur Sébastien Abis, les Brics « représentent désormais 23 % des ventes mondiales agricoles (en valeur), contre 16 % au début du siècle ». Et cela sans parler des métaux rares, où des gisements sont présents en Russie, au Brésil et en l’Afrique du Sud – à noter aussi que la Chine qui détient déjà les deux tiers des terres rares sur la planète.

    Les intérêts géopolitiques et stratégiques sont déterminants dans les élargissements des Brics. Pour preuve, bien que Alger et Moscou entretiennent des rapports cordiaux, l’Algérie ne fut pas acceptée lors du dernier élargissement – sûrement à cause des tensions avec le Maroc. Aussi la cooptation de l’Égypte se fit sur insistance de la Chine pour s’assurer une influence le canal de Suez par lequel transite une grande partie du commerce international. Malgré des divisions internes, les Brics n’hésitent alors plus – surtout la Chine – à se poser en faiseurs de paix contre le bloc occidental (sous domination américaine) assimilé au désordre, à la guerre et aux rapports de domination.

    L’Occident en perte de vitesse

    La restructuration du système international penche vers le polycentrisme. Alors qu’ils avaient dominé pendant un siècle et demi sur les plans économique, technologique et politique, les pays euro-atlantiques ne sont plus dans une position de prédominance – ce qui va augmenter les dangers de collision et les potentialités de conflits. À ce titre, il faut se souvenir que la gestion de la crise de 2008 provoqua un impact profond pour des pays comme la Chine. Maintenant détenteurs de moyens économiques, financiers et militaires importants, ces pays s’opposent à cet ancien ordre qu’ils considèrent comme profondément injuste et en décadence.

    Les signes de l’affaiblissement de l’Occident sont multiples. Bien que le dollar reste dominant, les pays des Brics insistent pour encourager les monnaies nationales dans le commerce international et les transactions financières entre elles et leurs partenaires commerciaux. Aussi malgré l’intégration, dans le G20, de l’Union africaine, cet essoufflement se voit jusque dans les promesses occidentales faites auprès des pays pauvres. Dernièrement, la proposition, avancée par le président Joe Biden, de créer un « corridor » – pour contrer la Chine et sa « route de la soie » – reliant l’Inde et l’Europe via les Émirats arabes unis, Israël et la Jordanie, n’a pas été à la hauteur de ses promesses. Les dollars promis n’étaient pas là ; ce qui contraste avec la concrétisation d’autres corridors (comme l’International Nord-South Transport Corridor reliant la Russie, l’Inde, l’Iran, etc.).

    Cette mise en concurrence internationale oblige les États à repenser leurs intérêts propres et les coopérations à même de pouvoir répondre à leur position stratégique. La fin du « moment unipolaire » signifie, comme le rapporte le professeur John Mearsheimer, la fin de l’imposition d’un « ordre planétaire fondé sur les valeurs de la démocratie libérale – État de droit, économie de marché et droits humains, sous la bienveillante autorité de Washington ». Cette reconfiguration internationale dévoile au grand jour la compétition ouverte entre les États, mais aussi les questions d’autonomie et de souveraineté. Exemple : la liberté de décision nationale de choisir ses fournisseurs et ses clients pour vendre, dans le cas français, des Airbus et acheter du gaz à l’Iran ; ou encore celle d’investir et d’utiliser ses capitaux sans tomber sous les sanctions du Trésor américain et de la dépendance à l’égard du dollar.

    Dans ce genre d’« interrègne », le réalisme politique le plus froid impose cette seule ligne directrice : il n’y a aucun protecteur vers lequel se tourner en cas de menace de la part d’un État rival. Chaque État ne doit prendre soin que de lui-même – ce qui revient à s’assurer qu’il n’est pas faible. Née sous la protection américaine, l’Union européenne de la défense est un piège pour la France et la fin d’une politique de puissance et d’autonomie stratégique. L’intérêt français consiste à s’éloigner de cette dépendance pour devenir cette puissance régionale souveraine et dominatrice du continent, car « les ententes entre grandes puissances se nouent toujours à l’ombre d’une rivalité relative à leur sécurité » (Mearsheimer). Une France qui se maintient dans l’OTAN, c’est une France amoindrie, dominion et qui sort de cette compétition entre États.

    La France à la croisée des chemins

    La grande majorité des politiques et des médias s’est focalisée sur les crimes de guerres commis par le Hamas pour se ranger du côté de l’État hébreu. Si Von der Leyen affirma que « l’Europe soutient Israël », la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braund-Pivet déclara « au nom de la représentation nationale » un « soutien inconditionnel » à Tel-Aviv. Le Président Macron, toujours si prompt au dilettantisme, et même s’il parle dorénavant de cessez-le-feu (9 novembre), avait émis l’idée de transposer à la lutte contre le Hamas, la coalition internationale mise en place en 2014 pour détruire l’État Islamique. De son côté, Éric Zemmour, en déplacement dans le pays meurtri, n’hésita pas à associer la France et Israël – qu’il qualifie d’avant-poste civilisationnel – dans le même bloc occidental « en danger de mort ».

    La politique française a depuis longtemps basculé vers une position pro-israélienne, héritage d’une diplomatie résolument atlantiste, otanienne et suiviste des Américains. Pourtant, au moment de la guerre des Six Jours de 1967, la France, si elle avait toujours soutenu Israël, critiquait aussi son appétence territoriale – De Gaulle désirant proposer aux pays arabes une alliance de rechange à l’influence soviétique. Si Giscard d’Estaing (action européenne de reconnaissance de la Palestine) et Mitterrand (deux fois des forces françaises sont envoyés pour sauver la direction de l’OLP au Liban) emboîtent le pas du général, une rupture intervient avec Sarkozy. Ce dernier purge les discours officiels des mots « occupation » et « colonisation » ; et Hollande poursuit la voie de son prédécesseur – on se souvient de son « chant d’amour pour Israël et pour ses dirigeants » à l’État juif lors de sa visite d’État hébreu.

    L’intérêt de la France est-il de pousser à cet affrontement de « l’Ouest et le reste », entre le Nord et un « Sud global » ? La France doit-elle continuer à inscrire son destin dans celui de l’Union européenne quand 19 pays de l’Union sur 27 refusent de soutenir une résolution équilibrée des Nations Unies, présentée par la Jordanie, demandant un cessez-le-feu humanitaire à Gaza ? Doit-elle s’aligner derrière Israël et accepter cette promotion du choc de la civilisation occidentale, dominante mais contestée, contre la civilisation musulmane ou islamique, dominée mais montante ? En tout cas, le gardien mais aussi geôlier du Vieux Continent, l’Empire Américain, après 70 ans de domination sans partage sur le monde, perd petit à petit de son hégémonie. Pour les États-Unis qui ont le regard tourné vers le Pacifique et le Proche-Orient, l’Europe ne compte plus autant qu’auparavant. Dernier exemple en date, les députés républicains du Congrès rechignent à financer la résistance de Kiev, mais soutiennent Israël, qui est un vrai partenaire stratégique et commercial.

    Le narratif opposant un Occident représentant du « monde libre » contre celui de la « jungle » – selon le mot du chef de la diplomatie de l’Union européenne Josep Borrell – est une bêtise caractéristique de la « géopolitique » libérale ainsi qu’une insulte pour le reste du monde. La France doit avant tout penser à sa survie ; seuls ses intérêts doivent prévaloir. L’unipolarité cédant de plus en plus à la multipolarité, Paris doit refuser l’engrenage des rivalités géopolitiques que les États-Unis et ses alliés engagent.

    À l’horizon 2100, l’Allemagne va perdre 10 millions d’habitants, passant de 81 à 71, pendant que l’Hexagone la dépassera avec 74 millions d’habitants. Deux autres grands pays européens, l’Italie et l’Espagne, vont voir leur population fortement baisser – l’Espagne va passer de 46 à 36 millions d’habitants et l’Italie qui va perdre 12 millions d’habitants. Malgré des problèmes évidents (religion, type de population, pyramide des âges, etc.), ces données nous donnent à penser que la France a l’opportunité pour devenir la future grande puissance régionale européenne. Encore faut-il qu’elle s’en donne les moyens (non-alignement, politique de puissance, réindustrialisassion, maintien de sa population autochtone, politique familiale, etc.).

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  • Une révolte populaire de droite en Espagne...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Javier Portella cueilli sur le site de la revue Eléments et consacré aux puissantes manifestations populaires de droite qu'affronte ces derniers jours le gouvernement socialiste espagnol.

    Directeur d’El Manifiesto et essayiste, Javier Portella écrit régulièrement dans la revue Éléments ou sur les sites de Boulevard Voltaire et Polémia. Il est déjà l'auteur de  Les esclaves heureux de la liberté (David Reinarch, 2012) et N'y a-t-il qu'un dieu pour nous sauver ? (La Nouvelle Librairie, 2021).

     

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    La droite espagnole dans la rue au cri de « L’Espagne est une nation ! Pas une Constitution ! »

    Le peuple espagnol descend dans la rue. Jeunes (beaucoup), vieux (quelques-uns aussi) et personnes de tous âges se rassemblent quotidiennement par milliers, depuis dix jours déjà, devant le siège du Parti socialiste à Madrid et dans les principales capitales de province. Avec une énergie, une vigueur, une rage et une ferveur patriotique qu’on ne leur avait jamais vues à ce point.

    Cela a peu à voir avec les manifestations pompeuses organisées en d’autres occasions par les grands partis du régime, ces hypocrites, ces « collabos » de fait d’un sécessionnisme qu’ils ont été les premiers à encourager ou du moins à tolérer. Ils l’ont fait dès le premier jour, depuis cette année 1978 où, une fois approuvée la nouvelle Constitution offerte comme un cadeau par le franquisme, c’est la Transition qui a débuté, cette chose aussi fatidique qualifiée d’« exemplaire ».

    C’est pourquoi, ces jours-ci, résonnent dans les rues des cris qu’on n’avait jamais entendus. L’un d’entre eux – « L’Espagne est chrétienne ! Pas musulmane ! » – nous ramène, en ces temps du Grand Remplacement, aux jours de la Reconquista. Un autre cri nous reconduit aux combats contre le libéralisme : « L’Espagne est une nation ! Pas une Constitution ! » (Un cri qui est un crachat contre la thèse défendue par de nombreux libéraux selon lesquels la nation espagnole n’existerait qu’à partir de sa première Constitution « démocratique » de 1812). C’est pourquoi aussi, comme si nous étions dans l’insurrection de Budapest de 1956, le drapeau espagnol flotte dans les rues avec un trou au milieu, le blason du régime actuel y ayant été découpé.

    Un régime de plus en plus méprisé

    Mais non, ne vous faites pas d’illusions, mes amis français ! Le régime est méprisé et vilipendé, certes, mais à la façon dont tout régime l’est à l’aube d’une révolte populaire : de façon vague, imprécise, sans programme d’action concret ; sans que l’on puisse dire si la révolte finira par être engloutie, comme souvent, par les maîtres du Système ; ou si, au contraire…

    La seule chose qui est claire, c’est l’atmosphère qui bouillonne, que l’on ressent, que l’on palpe dans la rue. Abstraction faite de la guérilla alors agissante (c’était une autre époque, d’autres gens, d’autres circonstances…), l’atmosphère et la rage actuelles rappellent ce que l’on devait ressentir au mois de mai 1808, lorsque le peuple espagnol (les Catalans y compris !) s’est soulevé pour défendre la patrie contre l’occupant français…. et contre ses propres félons (Charles IV et son fils Ferdinand VII) qui avaient ouvert les frontières à l’envahisseur.

    Aujourd’hui, il n’y a pas d’occupant étranger en Espagne (seulement certains Espagnols qui se sentent occupés et asservis par l’ensemble de la patrie commune). Mais les félons, eux, y sont plus qu’abondants. C’est en tant que félon majeur du Règne – un Règne dont le roi (encore un félon ?) reste muet comme une tombe –, que l’histoire accueillera Pedro Sánchez, l’actuel Premier ministre. Afin de garder le pouvoir en achetant les sept voix des sécessionnistes catalans de Puigdemont (le fugitif qui s’est enfui à Waterloo après le coup d’État sécessioniste de 2017), le félon majeur vient d’accorder une amnistie au fugitif et à ses acolytes, assortie de mille autres concessions : annulation de 15 milliards d’euros de la dette de la Généralité catalane, cession de tous les impôts désormais perçus dans la région catalane, bientôt devenue nation, et surtout : tenue d’un référendum qui permettrait à la Catalogne de se rendre définitivement indépendante de l’Espagne.

    À la lumière des sondages actuels (et à la lumière aussi de la crainte de perdre leurs privilèges économiques que la bourgeoisie et les « bobos » catalans ressentiront au moment de franchir le dernier pas, celui de l’indépendance), le résultat le plus probable du référendum serait le maintien des liens politiques subsistant (s’il en reste encore) entre la Catalogne et l’Espagne, puisque les autres liens – les plus importants –, les liens affectifs, culturels, linguistiques… (les écoles catalanes enseignent déjà plus d’heures d’anglais que d’espagnol), ont été rompus, il y a belle lurette, par la haine du séparatisme catalan pour tout ce qui est espagnol.

    Les choses étant ce qu’elles sont, ne vaudrait-il pas mieux de couper les ponts ?

    Puisqu’il en est ainsi, et puisque rien ne parviendra à court ou moyen terme à changer en Catalogne et au Pays-Basque les mentalités de générations soumises depuis 50 ans au rouleau compresseur d’un endoctrinement brutal, ne vaudrait-il pas mieux pour les Espagnols eux-mêmes qu’ils assument les conséquences qui semblent en découler ? Quel intérêt y a-t-il à maintenir une situation intrinsèquement pourrie et qui ne peut qu’empirer ? Que gagne l’Espagne à maintenir des liens avec ceux qui la haïssent et qui sont devenus ses ennemis ?

    L’Espagne, en effet, n’y gagne rien. Les Espagnols non plus. Économiquement, on y perd même beaucoup. On y perd, par exemple, les 15 milliards d’euros du gaspillage catalan qu’il nous faudra payer, sans compter le prélèvement des impôts futurs dont l’Espagne n’entendra plus parler.

    Politiquement, en revanche, on y perd encore davantage. Pour tout dire, l’indépendance politique de la Catalogne et du Pays basque serait… un véritable bienfait des dieux (et je ne blague point). Sans les suffrages (toujours majoritairement de gauche) provenant des régions sécessionnistes, ce serait fini, du moins pour longtemps, du cauchemar d’avoir un socialiste ou un communiste à la tête du palais de la Moncloa (siège du gouvernement). C’est vrai que le cauchemar de voir ledit palais occupé par un libéral de droite est tout aussi pénible ; mais, contrairement au dicton, il y a parfois des pestes qui, d’un point de vue pratique, peuvent être légèrement préférables au choléra.

    Que faut-il en conclure ?

    Il faut en conclure que le peuple espagnol est déterminé à lutter pour la défense de la patrie en faisant fi de ses intérêts économiques et politiques. Un tel entêtement ne peut être dû qu’à quelque chose d’aussi insensé, d’aussi privé d’intérêt aux yeux de l’homme moderne et post-moderne que… un sentiment. Un sentiment « irrationnel », dira ce même homme – mais un sentiment qui peut se prévaloir de bien des raisons. Celles qui contribuent à façonner le sentiment de l’identité collective, le sentiment d’être quelque chose (et quelque chose d’important, hier du moins, dans le monde), le sentiment d’appartenir à un passé et de se projeter dans un avenir. Le sentiment, en somme, de ne pas se savoir anéanti, sans plus, dans le néant de la mort.

    C’est curieux. La nation espagnole, cette « lumière [du concile] de Trente et du marteau des hérétiques », cette nation qui, après avoir présidé pendant des siècles la croisade contre la modernité1, est devenue une victime consentante des pires dégénérescences de la modernité et de la postmodernité, voilà que cette même nation trouve encore le courage de monter au créneau pour défendre ce qui, en ces temps de mondialisation et de postmodernité libérale, est devenu le plus irrationnel des anachronismes : la nation.

    Le libéralisme et le « droit à décider »

    « Comment priver un peuple (en l’occurrence le peuple catalan) du droit à décider de son appartenance à l’entité nationale de son choix ? », m’ont souvent demandé des amis et des camarades français qui, sensibilisés à juste titre par le jacobinisme que la Révolution a imposé à leur pays, voient d’un mauvais œil le combat que nous autres, militants identitaires espagnols, menons, de manière totalement unanime, contre le sécessionnisme qui dévaste notre pays2.

    La réponse est simple : nous sommes engagés dans un tel combat parce que nous ne sommes justement pas des libéraux ; parce que, ne croyant pas au principe premier du libéralisme – la libre décision individuelle –, nous sommes convaincus qu’une nation n’est pas du tout une association constituée par la libre décision de ses membres, ces atomes qui, ayant signé le fameux Contrat, auraient dès lors le droit de le résilier quand bon leur semble.

    Si nous assumions de telles fantaisies, alors oui : il nous faudrait bien reconnaître le droit des Basques et des Catalans (et, au sein de ces derniers, des Aranais3, ainsi que de toute autre partie du territoire catalan ou espagnol qui le souhaiterait) à décider de leur ségrégation.

    Mais puisque nous ne sommes pas des libéraux, nous savons que « l’Espagne est une nation ! Pas une Constitution », comme on le crie ces jours dans les rues, tandis que les boulets et les gaz lacrymogènes des flics tourbillonnent dans l’air. Nous savons, autrement dit, que l’être de l’Espagne ne dépend d’aucun accord, d’aucun pacte, d’aucune constitution. Nous savons que l’Espagne, comme toute nation, est « une unité de destin », disait José Antonio Primo de Rivera ; un destin fait d’un territoire, d’une façon d’être, d’une langue et d’une histoire (laquelle remonte, en l’occurrence, aux deux mille ans de l’Hispania romaine). Et nous savons enfin que ce destin, pour lequel nous sommes prêts à sacrifier nos intérêts économiques et nos avantages politiques, est l’une des rares choses « sacrées » qui nous restent : quelque chose qui est là, qui nous a été donné en partage au moment d’être jetés au monde et à propos de quoi il n’y a et il ne saurait y avoir ni décision ni référendum.

    Ou si un référendum devait avoir lieu, il ne pourrait être légitime qu’à une seule condition : que tous les morts et tous les nascituri de la nation – membres, donc, à part entière de celle-ci – y votassent, eux aussi.

    Javier Portella (Site de la revue Éléments, 13 novembre 2023)

     

    Notes :

    1. Le problème d’une telle croisade est que, si Trente et l’Espagne ont fait face non sans raison au luthéranisme et à ce qu’il représentait, ils ont également combattu et vaincu – mais, là, sans la moindre justification – ce qui avait été, lors de la Renaissance, le grand éclat du syncrétisme pagano-chrétien. Mais ceci est évidemment une autre histoire.

    2. Je suppose que le lecteur français est bien au courant que l’actuel État espagnol est non seulement fédéral, mais que les droits accordés aux Communautés autonomes qui le composent figurent parmi les plus larges de tous les systèmes fédéraux.

    3. La Vallée d’Aran : une petite (et belle) vallée pyrénéenne où l’on parle un dialecte du catalan et dont les habitants aspirent également à la reconnaissance de leur langue et d’un statut politique propre.

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  • Israël/Gaza : un scénario noir pour l’administration Biden...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Leslie Varenne, signalé par Geopragma et consacré à l'échec politique américain au Moyen-Orient. Leslie Varenne est directrice de l'Institut de veille et d'étude des relations internationales et stratégiques (IVERIS).

     

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    Israël/Gaza : un scénario noir pour l’administration Biden

    Commencé avec la débâcle de Kaboul, le mandat de Joe Biden pourrait se terminer par un conflit généralisé au Moyen-Orient. Entre-temps, il y eut l’Ukraine où plus personne n’oserait parier sur une victoire de Kiev et de ses alliés de l’OTAN. Un mois après le début du brasier à Gaza l’administration démocrate se retrouve dans la pire des configurations possibles. Elle est coincée entre son soutien inconditionnel à Israël et la colère des opinions publiques arabes qui la renvoie à la détestation de l’Amérique sous l’ère Georges W. Bush. « Nous n’avons pas à choisir entre défendre Israël et aider les civils palestiniens. Nous pouvons et devons faire les deux. » a déclaré Anthony Blinken. Cependant, plus l’asphyxie et les bombardements sur l’enclave palestinienne se prolongent, plus ce numéro d’équilibriste devient dangereux. 

    L’arbre qui cache la forêt.

    L’attaque du 7 octobre a surpris tout le monde. Une semaine plus tôt, le conseiller à la sécurité nationale, Jack Sullivan prononçait cette phrase déjà entrée dans l’histoire : « le Moyen-Orient n’avait jamais été aussi calme depuis deux décennies ». Cela s’appelle avoir de bons capteurs et une intelligence des situations dans une région où pourtant les Etats-Unis sont omniprésents. En plus de leurs nombreuses emprises militaires et de leurs imposantes ambassades, le Pentagone dispose également comme le révèle Intercept, d’une base secrète au cœur du désert israélien du Néguev, à seulement 32 kilomètres de Gaza. Mais les militaires surveillaient l’Iran au lieu de regarder ce qu’ils avaient sous leurs yeux.

    Deux autres événements majeurs n’auraient pas dû passer inaperçus.

    Après 15 ans de luttes intestines et de très longues négociations, en octobre 2022, à Alger, 14 factions palestiniennes se sont officiellement réconciliées. Islamiques ou laïques comme le Hamas, le Djihad Islamique ou le Front Populaire de libération de la Palestine (FPLP), ces organisations se sont réunies sur la base de la cause palestinienne au-delà de leurs différences religieuses et idéologiques. Ce sont les branches armées des factions citées qui opèrent sur le front de Gaza.

    L’autre fait marquant fut la coupe du monde à Doha où cette cause s’est affichée massivement dans les tribunes à tel point que certains journaux titraient : « La Palestine a remporté la coupe du monde ». Comment dès lors continuer à penser que cette lutte était devenue surannée et invisible ? Comment imaginer que les milliers de prisonniers dans les geôles israéliennes, l’embargo sur Gaza, la colonisation en Cisjordanie pouvaient durer indéfiniment ?

    L’aveuglement américain a été tel qu’il a malgré tout fait des accords d’Abraham sa priorité au Moyen-Orient. Ces accords, initiés sous le mandat de Donald Trump, signés par les Emirats Arabes Unis, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc, rejetés par l’Autorité Palestinienne comme par le Hamas, sont pourtant basés sur le postulat que la cause palestinienne était définitivement enterrée.

    Mieux, de manière incompréhensible, alors que cette normalisation avec Israël est en partie responsable de l’explosion en cours, les diplomates américains continuent à s’entêter et à multiplier les pressions sur Mohamed Ben Salmane pour qu’il la signe.

    La stratégie du poulet sans tête

    Depuis le 7 octobre, la Maison Blanche mène une politique encore plus erratique qui montre à quel point elle est démunie. Une semaine après le début du conflit, le Secrétaire d’Etat s’est rendu en Egypte et en Jordanie avec, comme l’a raconté sur France Inter l’ancien envoyé spécial de l’ONU en Libye, Ghassam Salamé, : « l’idée folle de mettre les Palestiniens au Sinaï ». En réalité, le plan consistait à transférer les Gazaouis en Egypte et les Cisjordaniens en Jordanie. Organiser une deuxième Nakba, comme en 1948, avec des tentes en dur ? Selon une source libanaise proche du dossier, devant les ponts d’or qui lui étaient promis, le maréchal Sissi aurait un temps hésité, mais l’armée a opposé un non catégorique. Le roi Abdallah ne s’est pas montré plus enthousiaste.

    Toute la stratégie américaine est à l’avenant. D’un côté, les dirigeants américains répètent inlassablement le mantra : « Israël a le droit de se défendre » ; la Maison Blanche envoie deux porte-avions en Méditerranée ; le Pentagone fournit les armes en ne traçant pas de lignes rouge quant à leur utilisation ; le Congrès vote une aide de 14 milliards de dollars à Tel Aviv. De l’autre, elle demande à Benjamin Netanyahu de protéger les civils. Après avoir, dix jours plus tôt, mis son véto à une résolution du Conseil de Sécurité demandant une pause humanitaire, Anthony Blinken a demandé à Tel Aviv… une pause humanitaire ! Il espérait ainsi obtenir la libération des otages détenteurs d’un passeport américain. Tsahal a répondu à cette proposition en intensifiant les bombardements. Les appels de Joe Biden à cesser la colonisation et la répression en Cisjordanie, ont reçu une réponse similaire. Résultat, le Secrétaire d’Etat repartira encore bredouille de son deuxième voyage dans la région.

    La colère du monde       

    Le conflit Israël/Palestine dure depuis 75 ans, ce qui signifie qu’environ 98% des habitants de la planète sont nés avec cette crise en héritage, le monde arabe la porte dans ses gènes. Au 5 novembre, le bilan des bombardements israéliens faisait état, selon le Hamas, de 9.488 personnes dont 3900 enfants auxquels il faut ajouter plus de 25 000 blessés. Pour les opinions publiques de la région, ce soutien inconditionnel à Israël fait de Washington le complice de ce décompte macabre. Retour à la période de la guerre en Irak, de Guantanamo, de l’Afghanistan, avant Obama et son fameux discours du Caire…

    Dans tout le monde arabo-musulman, de l’Egypte à l’Indonésie les manifestations de soutien aux Palestiniens sont impressionnantes. Les éditorialistes se sont beaucoup émus de celles qui ont eu lieu en Turquie accompagnées des propos durs à l’endroit d’Israël tenus par Recep Tayyip Erdogan. Mais le président turc parle beaucoup, agit peu, tient ses troupes et n’est pas prêt de quitter l’OTAN. En revanche, il faut prêter attention aux cortèges encore plus massifs qui se sont déroulés au Pakistan, pays de 250 millions de musulmans.

    En Afrique, le Maghreb est vent debout, y compris au Maroc qui a signé les accords d’Abraham. Dans les pays d’Afrique subsaharienne, malgré les nombreux évangélistes, qui pour des raisons bibliques vénèrent Israël, l’empathie se porte majoritairement vers les Palestiniens. Une Ivoirienne membre de cette communauté explique « Nos églises nous demandent de soutenir les Israéliens, mais nous sommes nombreux à considérer que c’est une affaire politique. De toute façon, entre notre religion et les peuples colonisés notre solidarité va à ces derniers ».   

    En Amérique du Sud, la contestation prend une autre forme, avec la rupture des relations diplomatiques comme en Bolivie, ou le rappel des ambassadeurs en poste à Tel Aviv par la Colombie, le Honduras ou encore l’Argentine.

    Les Etats-Unis font face également à leurs divisions internes, notamment au sein de la jeunesse démocrate, woke et décolonialiste. Ils doivent aussi affronter une bronca sourde au sein de leur propre administration, de l’ONU et des ONG (1-2-3). Il faut reconnaître qu’un tel bilan : décès de 88 employés des Nations Unies, de 36 journalistes sur une période aussi courte est sans précédent. Le siège moyenâgeux de Gaza, les bombardements sur les populations et les infrastructures civiles remettent également en cause le droit international que ces organisations sont censés défendre. Ce deux poids, deux mesures des Etats-Unis, par rapport à leur position sur d’autres théâtres, qui affaiblit tant l’Occident fragilise aussi, de manière inédite, l’édifice des organisations multilatérales.

    Zéro pointé

    A la veille d’entrer en campagne électorale, le bilan de la politique étrangère de Joe Biden est un désastre. Les faits sont implacables. Les Etats-Unis se sont mis, et avec eux leur alliés occidentaux, une grande partie du monde arabo-musulman à dos et le reste des pays dits du Sud ne sont guère plus bienveillants. Alors que, précisément leur stratégie consistait à reconquérir ce « Sud global » pour peser dans leur confrontation avec la Chine. Raté.

    La défaite ukrainienne est sur le point d’être actée. Il faudra en assumer la responsabilité d’autant que cette guerre aura renforcé le Kremlin sur le plan militaire et démuni les alliés de l’OTAN de leur armement. Dans le même mouvement, les sanctions à l’encontre de la Russie ont considérablement affaibli les économies des pays de l’Union européenne, pendant que l’axe Moscou/Pékin/Téhéran se renforçait. 

    Lors de son discours du 4 novembre, le patron du Hezbollah, Hassan Nasrallah a clairement expliqué que l’élargissement à une guerre régionale, tant redoutée par la Maison Blanche, était corrélé à la poursuite des hostilités en Palestine. Dans ce cas, avec quels alliés les Américains feront-ils face à tous les fronts ? Ils sont en première ligne et seuls, l’Europe est divisée, atone et plus aucune voix ne porte dans son camp. Les dirigeants arabes, proches de Washington, ne pourront intégrer une coalition en l’état de la colère de leurs peuples.

    Les bases américaines en Syrie en Irak sont déjà régulièrement attaquées. Du côté de la mer Rouge, les Houtis du Yémen ont déclaré la guerre à Israël en tirant des missiles sur Eilat et le Soudan voisin est aussi la proie des flammes. Ce conflit est un autre échec américain patent. Alors que la médiation internationale sous leur égide était censée ramener la démocratie, elle a créé les conditions de l’explosion. Les conséquences sont là aussi catastrophiques : six millions de déplacés, un million de réfugiés, des milliers de morts dont le décompte est impossible tant la situation est chaotique.

    Au Moyen-Orient, plus les heures passent et plus la situation se dégrade. Si les Etats-Unis n’obtiennent pas un cessez-le-feu à Gaza rapidement et ne trouvent pas une issue politique, inévitablement l’embrasement aura lieu. Ils seront embourbés dans une région dont ils pensaient s’être débarrassée pour focaliser leur énergie et leurs moyens sur la Chine. Encore raté…

    Leslie Varenne (Iveris, 5 novembre 2023)

     

    Notes :

    (1) https://www.trtfrancais.com/actualites/conflit-israelo-palestinien-demission-dun-haut-responsable-du-departement-detat-americain-15461571
    (
    2) https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20231104-la-d%C3%A9mission-d-un-haut-responsable-de-l-onu-symbole-d-un-monde-divis%C3%A9-sur-l-offensive-%C3%A0-gaza
    (
    3) De manière assez inédite toute la communauté humanitaire a signé un communiqué appelant à un cessez-le-feu
    https://interagencystandingcommittee.org/inter-agency-standing-committee/we-need-immediate-humanitarian-ceasefire-statement-principals-inter-agency-standing-committee 

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