Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Points de vue - Page 24

  • Ambition, gesticulation, consolation… ou négociation ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Philippe Duranthon, cueilli sur Geopragma et consacré à l'ouverture des négociations d'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne. Jean-Philippe Duranthon est haut-fonctionnaire et membre fondateur de Geopragma.

    Ukraine_UE.jpg

     

    Ambition, gesticulation, consolation… ou négociation ?

    Lors du Conseil Européen des 14 et 15 décembre dernier, l’Union européenne a décidé d’ouvrir des négociations d’adhésion avec l’Ukraine (et la Moldavie). V. Zelensky s’est empressé de saluer « une victoire pour l’Ukraine, pour toute l’Europe, une victoire qui motive, inspire et rend plus fort ».

    Vraiment ?

    On peut voir dans cette décision une grande ambition : l’ambition de renforcer l’Europe en lui permettant d’englober tous les pays pouvant être considérés, fut-ce parfois au prix d’un certain effort, comme des démocraties ; l’ambition de manifester sa détermination à se défendre solidairement contre les agressions extérieures ; l’ambition de montrer son unité (même s’il a fallu, pour ce faire, demander à la Hongrie de se livrer à une gymnastique étrange et juridiquement douteuse).

    Mais on peut aussi l’interpréter comme une simple gesticulation : tout compte fait, négocier n’engage pas à grand-chose car les pourparlers peuvent durer longtemps ; la Turquie, avec qui les négociations d’adhésion ont été ouvertes en décembre 2004, en sait quelque chose, de même que la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine et la Géorgie qui, bien que reconnus officiellement candidats, piaffent devant la porte. Ouvrir des négociations, cela permet de faire plaisir à bon compte.

    La décision peut ainsi n’être qu’un lot de consolation. Ce que le président Zelensky veut avant tout, ce qu’il réclame en multipliant les déplacements à Washington (trois en 2023) et dans les capitales européennes, c’est des armes et de l’argent. Or le Congrès des Etats-Unis s’est séparé en décembre sans voter l’enveloppe de 61 Md$ que Joe Biden réclamait pour Kiev et les Européens ne se sont pas mis d’accord pour débloquer l’aide de 50 Md€ convoitée par l’Ukraine. Les premiers, les Etats-Unis, considèrent que la stabilité du Moyen Orient recèle des enjeux bien plus importants pour leurs propres intérêts que la couleur du drapeau flottant sur le Donbass ; les seconds, les Européens, ont déjà puisé autant qu’ils le pouvaient dans leurs stocks d’armes et de munitions et n’ont ni les ressources financières, ni les capacités industrielles pour les reconstituer rapidement et continuer leurs générosités.

    Une « victoire pour l’Ukraine, pour toute l’Europe », vraiment ?

    De toute façon personne ne sait ce qu’il faut entendre ou espérer par « victoire », un concept toujours invoqué mais jamais défini.

    L’important n’est peut-être pas là.

    L’important, c’est tout d’abord, à court terme, de savoir si la décision d’ouvrir les discussions d’adhésion à l’UE est de nature à enrayer la guerre, à éviter de nouvelles hécatombes et de nouvelles destructions et à convaincre les protagonistes d’échanger des paroles et non plus des obus. A cet égard le « déluge de feu et d’acier » qui, si l’on en croit la presse, s’abat depuis la fin décembre de part et d’autre de la ligne de front, et surtout en Ukraine, suffit à laisser penser que l’ouverture des négociations avec l’UE n’a pas plus d’effet que l’interdiction d’acheter des diamants russes, objet du dernier « paquet » de sanctions européennes. C’est que la Russie, sans le dire, a mis en place une véritable « économie de guerre » alors que les Européens préféraient le dire sans le faire. Qu’on le veuille ou non, et l’échec de la contre-offensive ukrainienne l’a montré, la Russie est aujourd’hui en position de force sur le terrain ; elle le sera peut-être demain aussi dans un nombre croissant de chancelleries et d’opinions publiques gagnées par la lassitude ou privilégiant d’autres conflits. Qui peut penser qu’ouvrir aujourd’hui les négociations d’adhésion de l’Ukraine, c’est à dire se priver sans contrepartie d’un élément important de négociation qui serait précieux dans le cadre d’un futur deal global, a des chances d’amener son ennemi à faire taire ses canons et à venir s’asseoir à la table des négociations ?

    L’important est aussi, à moyen terme, de savoir si cette décision d’ouvrir des discussions d’adhésion est de nature à favoriser un équilibre durable en Europe. Car il faudra bien qu’un jour les parties occidentale et orientale du continent européen s’acceptent l’une l’autre et apprennent à vivre ensemble. Un pays (ou un groupe de pays) qui connaît une paix durable est un pays qui a su trouver avec ses voisins un modus vivendi acceptable par tous : cela correspond rarement à ce que lui-même avait au départ souhaité. Aujourd’hui les deux parties du continent ne commercent plus entre elles, n’ont plus de relations culturelles, ne communiquent plus que par des invectives et des menaces. Sous les yeux d’un « Sud profond » indifférent, qui montre clairement son désintérêt, d’un côté le « monde occidental » cherche avant tout à raffermir ses liens et parler d’une seule voix, celle des Etats-Unis, de l’autre côté la Russie renforce ses liens avec Chine, Turquie, Iran, Corée du Nord, pays qu’il serait préférable d’éloigner, et non de rapprocher, de nos frontières. Dès lors, l’entrée de l’Ukraine dans l’UE favorise-t-elle l’établissement d’une paix durable ou éloigne-t-elle cette perspective ? Est-il judicieux d’accroître de près de 1600 km les frontières avec un pays considéré comme un ennemi menaçant ? En outre V. Poutine, s’il contrôle aujourd’hui solidement son pays, n’est pas éternel.

    La revue Foreign Affairs, dont il est peu probable que la rédaction ait été infiltrée par des hackers russes, a écrit en novembre que « l’Ukraine et l’Occident sont sur une trajectoire insoutenable, caractérisée par une inadéquation flagrante entre les fins et les moyens disponibles… Le temps est venu pour les Etats-Unis d’entamer des consultations…». Plutôt que de se rejeter mutuellement la responsabilité du conflit, plutôt que de répéter à l’envi la nécessité de « gagner la guerre », sans d’ailleurs savoir ce que cela signifie, plutôt que de conforter ceux qui, pour des raisons diverses, ont, dans les deux camps, intérêt à ce que la guerre continue longtemps, n’est-il pas nécessaire de chercher à ouvrir des négociations entre les belligérants et, sans doute, ceux qui les soutiennent ? Les dirigeants européens affirment que Vladimir Poutine n’en veut pas. Qui croira qu’engager la procédure d’adhésion de l’Ukraine à l’UE le fera changer d’avis ?

    Jean-Philippe Duranthon (Geopragma, 8 janvier)

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Grand nettoyage à Varsovie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de David Engels, cueilli sur Putsch et consacré à la brutale reprise en main de la Pologne par Donald Tusk, vainqueur des élections et, en tant qu'ancien président du Conseil européen, éminent représentant du système "davocratique"...

     

    Fermeture_police_médias étatiques.png

    La police occupe les locaux de la télévision publique à Varsovie...

     

    « Grand nettoyage à Varsovie »

    Le changement de régime à Varsovie serait le « mieux » pour tout le monde : même les conservateurs devraient voter pour Tusk afin de ramener le pays à la modération, à la normalité et à l’État de droit ; les mises en garde contre la « wokisation » de la Pologne ne seraient rien d’autre que des propos populistes alarmistes. Mais que voyons-nous maintenant ? Jamais, dans l’histoire récente de l’Europe, un État n’a été mis sens dessus dessous de manière aussi rapide, aussi brutale et aussi complète sur le plan idéologique, et ce sous les applaudissements de Berlin et de Bruxelles : une leçon et un avertissement.

    Il n’est pas rare d’entendre des voix centristes dire que l’objectif présupposé d’une transformation identitaire gauchiste de notre société ne serait qu’une simple « obsession » d’une droite qui ferait de quelques cas isolés la base conspirationniste d’un chimérique « Great Reset ». Sans parler du fait que ces objectifs, loin d’être seulement formulés par une extrême droite en total délire, sont systématiquement présentés à des millions de personnes comme des utopies réalistes positives par des idéologues libéraux de gauche comme Harari ou Schwab, on a pu constater ces dernières années d’une manière bien réelle et concrète que cette politique identitaire n’est pas un élément secondaire, mais plutôt l’enjeu politique principal de notre société occidentale, et ce avec des conséquences désastreuses. La Pologne est en phase d’en devenir l’exemple le plus marquant. Il n’aura fallu que quelques jours pour que le gouvernement Tusk confirme toutes, mais vraiment toutes les « théories du complot » qu’une bonne partie du milieu bienpensant polonais avait dénoncées pendant la campagne électorale comme de vulgaires diatribes.

    La composition même du gouvernement a été un véritable choc : alors que la propagande électorale avait affirmé qu’une coalition Tusk était la meilleure solution pour tout le monde, y compris les conservateurs, tous les postes gouvernementaux socioculturels clés ont été attribués à des membres du parti de gauche « Lewica » qui ne cache pas ses opinions ouvertement anti-chrétiennes et pro-LGBTQ : bien que « Lewica » n’ait obtenu que 8,61% des voix et ait perdu 4% aux élections par rapport aux dernières années, elle contrôlera (avec quelques autres micro-partis de gauche) désormais le ministère de la numérisation, le ministère de l’éducation, le ministère de la famille, du travail et des affaires sociales, le ministère de la science et de la recherche et enfin le ministère (nouvellement créé et dont la signification n’est absolument pas claire) de « l’égalité ». Pour savoir ce que cela signifie, il suffit de jeter un coup d’œil à la nouvelle ministre de la Famille, Agnieszka Dziemianowicz-Bąk, qui s’est faite une certaine renommée ces dernières années en luttant farouchement pour les intérêts LGBTQ et pour la banalisation de l’avortement, et qui, en outre, aime s’afficher avec des blouses appelant à protéger les enfants contre le christianisme.

    Elle n’est pas un cas isolé : la nouvelle ministre de l’Éducation, Barbara Nowacka (également Lewica), est elle aussi sur une ligne radicalement antichrétienne et veut imposer une réduction de moitié des cours de religion financés par l’État dans les écoles (qui n’étaient bien sûr déjà pas obligatoires, mais pouvaient être remplacés par « l’éthique »). Et il ne faut pas beaucoup d’imagination pour prévoir l’objectif de la prochaine refonte des programmes scolaires : cela commence toujours par la laïcité, puis continue vers la propagande explicitement anti-chrétienne, et se termine finalement par la doctrine des crimes du vieil homme blanc, du patriarcat oppressif et de l’âge d’or de l’Islam tolérant.

    Mais continuons. Comme dans un mauvais remake des prises de pouvoir autoritaires de l’entre-deux-guerres et de l’après-guerre, le nouveau gouvernement de Donald Tusk, Européen et démocrate modèle, tout juste investi le 13 décembre, a licencié sans préavis, dans la nuit du 20 au 21, l’ensemble de l’équipe dirigeante des médias publics polonais (télévision, radio, service de presse), occupé le siège de TVP avec des forces de sécurité, coupé la chaîne et effacé des archives des médias tous les documentaires gênants sur les mandats précédents de Tusk. Et depuis lors, face à la résistance farouche de certains membres du personnel et députés de l’opposition, la situation est devenue encore plus complexe : d’une part, le « conseil des médias » (mis en place par l’ancien gouvernement) a nommé une nouvelle direction, et d’autre part, le gouvernement a ouvertement annoncé la liquidation économique des chaînes publics, devant être suivie de leur nouvelle création. La raison : en raison du veto du président Duda sur le budget 2024, la situation financière ne permettrait plus de poursuivre l’activité des médias publics ; mais en réalité, une table rase radicale ouvre naturellement de toutes nouvelles perspectives de réorganisation des chaînes, tant sur le plan personnel que juridique.

    Mais tout cela n’était qu’un début. Le 20 décembre également, le ministre de l’Intérieur sortant, Mariusz Kamiński, et son adjoint ont été condamnés à deux ans de prison ferme et cinq ans de privation de leurs droits civiques dans une affaire de corruption très politisée et controversée à ce jour, malgré l’amnistie présidentielle, et leur immunité parlementaire a été levée par le nouveau président du Parlement ; un avertissement politique à peine voilé. Kamiński, ancien résistant anticommuniste, coordinateur des services de renseignement depuis 2015 et ministre de l’Intérieur et de l’Administration depuis 2019, était l’une des figures centrales de la protection du pouvoir interne du gouvernement PiS. Son incarcération brutale est censée être un avertissement à tous ses soutiens dans les services de renseignement et l’administration et n’est probablement que le début d’une vague de procès attendue depuis longtemps, visant à criminaliser juridiquement a posteriori les décisions idéologiques déplaisantes du gouvernement précédent.

    Ainsi, alors que certains parmi les plus hauts membres du gouvernement sortant sont condamnés à se retrouver derrière les barreaux à quatre jours de Noël sans aucune réaction de l’opinion publique européenne, les barreaux qui séparaient le pays de l’afflux de migrants musulmans sont symboliquement démantelées : le 23 décembre, le nouveau président du Parlement, tout sourire, s’est fait photographier devant les caméras avec des migrants de tous horizons, dont une demandeuse d’asile déjà déboutée à plusieurs reprises ; et la Pologne a rejoint le fameux « pacte sur la migration » lui imposant désormais des quotas de migrants décidés à Bruxelles.

    La Pologne vit donc un revirement migratoire quasi « Merkelien » qui s’est d’ailleurs accompagné d’informations selon lesquelles les tribunaux polonais déclareraient prochainement illégale la politique radicale de push-back du gouvernement précédent et ouvriraient systématiquement les postes à la frontière biélorusse aux demandeurs d’asile. Est-ce une coïncidence si, depuis, la compagnie aérienne « Southwind » a ouvert une nouvelle route aérienne d’Istanbul à Minsk dont les billets coûtent le prix dérisoire de 195€?

    Le 22 décembre, le nouveau gouverneur de la voïvodie de Lublin, Krzysztof Komorski (du même parti que Tusk), a déjà montré à quoi devait ressembler la nouvelle culture d’accueil polonaise : Il a fait enlever la croix dans la salle de réception de son administration, a fait installer le drapeau européen et a fait enlever la crèche de Noël.
    Quelques jours après Noël, le coup suivant a été porté. Le 27 décembre, le nouveau Premier ministre Tusk a annoncé les trois prochains objectifs de son gouvernement, qui ne seront guère moins révolutionnaires que les précédents : après l’annonce par la ministre de l’Éducation de la réduction de moitié de l’enseignement religieux et le retrait des croix et des crèches, Tusk a annoncé que l’Église polonaise ne serait plus financée que par des déductions fiscales volontaires de la part des fidèles – une véritable révolution dans un pays qui, pendant des siècles, a trouvé dans le catholicisme non seulement sa colonne vertébrale spirituelle et morale, mais aussi un outil identitaire essentiel pour sa lutte contre les différentes puissances d’occupation et les tentatives d’assimilation. On n’oubliera d’ailleurs pas que sans un pape Jean-Paul II, le succès du « Solidarność » polonais dans sa lutte contre le totalitarisme de gauche aurait été impossible. Deuxièmement, la Pologne va adhérer au « Parquet européen » commun censé poursuivre dans toute l’Europe les éventuelles fraudes aux subsides de l’UE, ce qui permettra de facto aux institutions européennes d’exercer une influence encore plus grande sur les juridictions nationales polonaises. Enfin – et le lecteur s’y attendait depuis longtemps -, une loi sur les partenariats entre personnes de même sexe devrait être adoptée dans les prochaines semaines, afin de « ramener la Pologne en Europe » dans ce domaine également…

    Ainsi, et ce à peine une semaine au pouvoir, le gouvernement Tusk a déjà bouleversé les principaux repères de la politique identitaire polonaise : déchristianisation, mise au pas des médias, arrestations politiques, libéralisation migratoire, droit de regard juridique renforcé pour l’UE, politique LGBTQ – dans tous ces domaines, de véritables révolutions sont en cours, se servant utilement des vacances de Noël afin de profiter du chaos usuel des fêtes. Et ce n’est qu’un début : les grandes épreuves de force sont encore à venir : recomposition du Tribunal constitutionnel, règlement de comptes juridique avec les dirigeants du PiS, construction ou non des premières centrales nucléaires polonaises (non souhaitées par Berlin), banalisation de l’avortement (inclue dans le contrat de coalition), fermeture d’instituts d’expertise politique idéologiquement indésirables et, bien sûr, débat sur la mise en œuvre des plans de réarmement polonais, également rejetés par Olaf Scholz.
    Qu’en pense l’UE, par ailleurs traditionnellement prête la première à détecter partout et à tout moment les brèches de « l’État de droit » ? Le lecteur ne sera guère surpris par le silence retentissant en provenance de Bruxelles. Et plus encore : on peut supposer que Tusk – président de longue date du Parti populaire européen et président du Conseil européen de 2014 à 2019 – ait convenu à l’avance de chaque étape de ses mesures avec ses collègues de Bruxelles (et de Berlin) et qu’il ait déjà négocié sa récompense. Car comme par hasard, l’UE a attendu jusqu’à la mi-novembre pour finalement décider de débloquer la première tranche de 5 milliards d’euros de l’aide-covid, qui avait été retenue pendant des mois, voire des années, en raison de « doutes » sur la situation de l’État de droit en Pologne – et donc, les élections polonaises d’octobre ont pu se dérouler dans un climat d’incertitude budgétaire totale, amenant au pouvoir le nouveau gouvernement Tusk. Le fait que ces fonds aient finalement été accordés au gouvernement conservateur battu aux élections pendant ses derniers jours au pouvoir avec les remerciements amicaux de Mme von der Leyen n’a donc été rien de moins qu’une gifle retentissante, voire une humiliation délibérée : à la fois pour le gouvernement sortant et pour tous les électeurs qui ont pu prendre au sérieux les préoccupations « juridiques » de l’UE à l’égard du gouvernement conservateur de Varsovie. Car c’est bien sûr le gouvernement Tusk qui profitera de cet argent, après qu’il ait dramatiquement manqué dans les caisses du gouvernement Morawiecki.

    Quelles leçons peut-on tirer de ces événements ? « L’État de droit, c’est moi », pourrait-on attribuer aux institutions bruxelloises en reprenant une devise célèbre ou, en d’autres termes : tant que cela correspond aux prescriptions idéologiques du mainstream de gauche, même les réformes les plus brutales sont approuvées comme des jalons sur la voie vers plus de liberté, d’égalité et de fraternité, tandis que des mesures analogues, bien que nettement moins drastiques, lorsqu’elles sont prises par les « mauvais », donc la droite, sont immédiatement interprétées et décriées comme attaques frontales contre la démocratie et l’Etat de droit. Certes, une certaine dose de machiavélisme a toujours fait partie de la politique. Mais le problème, qui se manifeste pour la première fois avec une telle acuité en Pologne, est le suivant : celui qui, à longueur de journée, ne cesse de crier au loup finit inévitablement par perdre toute crédibilité, surtout s’il se comporte lui-même en prédateur dès que la première occasion se présente.
    Le fait que certains médias non seulement reconnaissent, mais approuvent explicitement cette évolution – le « Berliner Zeitung » a même appelé Tusk à devenir un dirigeant autoritaire pour « démocratiser » de force la Pologne (https://www.berliner-zeitung.de/politik-gesellschaft/polen-wird-donald-tusk-zum-autokraten-um-den-staat-zu-reformieren-li.2166839) – montre à quel point nos démocraties sont brutalisées. Celui qui stigmatise des prétendues violations de l’Etat de droit ne peut pas, à son tour, pulvériser ce dernier complètement sans réhabiliter ainsi ceux qu’il vient de critiquer et, pire encore, sans inviter son ennemi à imiter son comportement une fois au pouvoir. C’est précisément ce qui se passe actuellement en Pologne, sous les applaudissements de Berlin et de Bruxelles, et, compte tenu des élections qui auront bientôt lieu non seulement en Europe, mais aussi aux États-Unis, il est à craindre que la stratégie brutale de Tusk « The Winner Takes It All » ne soit pas interprétée comme un exemple à éviter, mais plutôt comme un mode d’emploi à suivre.

    David Engels (Putsch, 6 janvier 2024)

    Lien permanent Catégories : En Europe, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Souveraineté versus identité : une opposition factice...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue, cueilli sur le site de la revue Éléments, de Pierre-Romain Thionnet, directeur national du Rassemblement national de la jeunesse (RNJ), conseiller régional Île-de-France et ex-secrétaire général de la Cocarde étudiante, qui évoque les liens indispensables entre identité et souveraineté. Pas de souveraineté sans identité, pas d’identité sans souveraineté. 

     

    pierre-romain thionnet,identité,souveraineté

    Pierre-Romain Thionnet : « Souveraineté versus identité : une opposition factice. L’apport théorique du général Poirier »

    « Comme les civilisations, les stratégies qui les reflètent sont mortelles » (Lucien Poirier).

    Par textes ou vidéos interposés, le choc des représentations entre souverainistes et identitaires connaît un regain d’intensité. Le débat est loin d’être nouveau, mais il se déroule dans une atmosphère viciée qui tend davantage à séparer deux blocs qu’à rapprocher deux sensibilités. Des initiatives visant à rendre moins irréconciliables ces deux visions du monde ont même abouti, pour le moment en tout cas, à l’effet inverse.

    L’actualité y est pour beaucoup, entre accélération des effets visibles du changement de peuple et accaparement croissant de compétences par l’Union européenne aux dépens des États-nations. Alors les esprits s’échauffent, et devant l’urgence, on est sommé de choisir : « À quoi bon être souverain si l’on est dépossédé de son identité ? » jettent les uns. « À quoi bon cultiver son identité si l’on n’est plus libre de ses actions et de ses décisions ? » répondent les autres.

    Il ne s’agira pas de dire à quelle urgence il faut répondre et consacrer son énergie, non pas par peur de froisser, mais parce qu’il semble que cette opposition entre souveraineté et identité est parfaitement factice sur un plan théorique, et que l’énergie gaspillée à démontrer que l’un des enjeux est prioritaire – voire exclusif de l’autre – pourrait être mise ailleurs. Nous nous proposons de recourir à une discipline intellectuelle assez particulière afin de poser les bases d’une proposition dans laquelle partisans de la souveraineté et partisans de l’identité sont susceptibles de se retrouver : la stratégie.

    Les vertus oubliées de la stratégie

    Selon la définition donnée par le général André Beaufre et qui a l’avantage d’être adoubée par les meilleurs spécialistes de la question, la stratégie est « l’art de la dialectique des volontés employant la force pour résoudre leur conflits1 ». Le choix de la stratégie comme théâtre d’expérimentation d’une ébauche théorique en vue de proposer un terrain d’entente aux vérités respectives des « identitaires » et des « souverainistes » ne va pas de soi. A priori, il s’agit d’un domaine très spécifique, réservé à quelques militaires ou civils experts de la question, et qui n’a que peu d’intérêt hors des revues spécialisées ou des cabinets d’état-major. En vérité, la stratégie est un champ de réflexion et d’action qui touche à l’essence même du politique car c’est par elle que les groupes humains organisés à travers le temps et l’espace ont assuré (ou tenté d’assurer) leur survie et mis en œuvre leurs actions. Si le critère fondamental du politique est, selon Carl Schmitt ou Julien Freund, la distinction de l’ami et de l’ennemi, on peut dire que le facteur constitutif de la stratégie, à un niveau supérieur, est la distinction et la relation entre le Même et l’Autre (nous y reviendrons plus loin en nous appuyant sur la pensée d’un théoricien militaire qui nous semble fournir les pistes essentielles pour associer souveraineté et identité dans un ensemble cohérent).

    Pénétrer dans le domaine de la stratégie, ce n’est donc pas s’égarer dans un champ d’étude hyper-spécialisé qu’il est impossible de convoquer hors d’un cadre très précis, l’étude des conflits armés. C’est se réapproprier une pensée qui, en France et en Europe, n’a été reléguée hors du politique que depuis la fin de la guerre froide et la croyance dans la disparition de la figure de l’ennemi, et donc de la nécessité de penser et organiser les voies et moyens de sa propre survie. C’est à l’occasion de cette redécouverte des vertus de la stratégie que l’indissociabilité de l’identité et de la souveraineté peut s’apprécier.

    Mais avant d’aller plus loin, il est nécessaire de nous arrêter sur ce qui oppose ceux qui sont désignés ou qui se présentent comme « souverainistes » à ceux qui sont désignés ou qui se présentent comme « identitaires », et cela au regard des questions stratégiques.

    Deux visions du même monde

    D’emblée, la stratégie est un domaine qu’affectionnera plutôt le souverainiste. Celui-ci entend notamment la souveraineté comme la liberté d’action et de décision d’une entité politique, à l’intérieur de ses frontières (démocratie), mais aussi sur la scène internationale (indépendance nationale). Penser la souveraineté implique de penser la diplomatie, de connaître et de défendre les intérêts stratégiques de l’entité politique à laquelle on appartient. Il faut étudier de près la politique de défense, les moyens de l’action extérieure de l’État, les enjeux industriels, s’intéresser à la composition des forces armées et leur adéquation avec la politique extérieure que l’on se donne.

    À l’inverse, un identitaire aura tendance à accorder une importance secondaire, voire négligeable, aux questions stratégiques, et plus généralement à ce qui touche à la politique étrangère ou de défense, à la diplomatie, aux forces armées ou à l’industrie de défense. Lorsque l’identitaire s’intéresse aux rapports de force mondiaux, ce n’est pas d’abord afin de mesurer le degré d’indépendance et de puissance de son pays – ce que fait le souverainiste – mais afin de déceler ce qui met en péril l’identité du groupe auquel il appartient. L’identitaire affectionne particulièrement relever les tendances civilisationnelles lourdes dans l’Histoire (le sac et le ressac des combattants des empires musulmans en Europe par exemple), et c’est d’abord par ce prisme qu’il frôlera la stratégie en pensant à la manière de réaliser son objectif supérieur : la défense de son identité.

    Ce n’est donc pas par manque de travail – comme le lui reprochent souvent les souverainistes – que l’identitaire consacre relativement peu de production intellectuelle aux affaires stratégiques. C’est tout simplement en raison d’une différence d’approche, de ce qui précisément distingue souverainistes et identitaires.

    Pour un identitaire, l’identité est à la fois un préalable et une fin, tout doit partir d’elle et tout doit y aboutir. C’est à l’aune de cette question que tous les autres problèmes sont pesés et hiérarchisés. Si le souverainiste ne balance pas l’identité par-dessus bord, il n’en fait pas l’alpha et l’oméga de sa vision du monde. Celle-ci est beaucoup plus « politique » au sens où il s’intéresse d’abord aux rivalités, aux affrontements, aux alliances entre entités organisées sur la scène mondiale. D’un point de vue critique, nous pourrions dire que l’identitaire néglige la dimension relationnelle et politique du monde, faisant parfois trop facilement fi des entités constituées pour se focaliser sur les groupes humains, leurs passions, leurs instincts, leurs comportements. D’un autre côté, le souverainiste aura tendance à considérer les entités politiques comme des acteurs quasiment impersonnels de la scène internationale, négligeant ce qui compose ces acteurs, leur « matière humaine » si l’on veut, ce dont ils sont la représentation ou l’incarnation.

    En ayant conscience des limites d’un tel raccourci et de l’existence de pensées plus nuancées, l’on peut dire que l’identitaire s’intéresse d’abord à ce que les peuples sont tandis que le souverainiste s’intéresse d’abord à ce que les peuples font. Est identitaire celui qui fait primer l’être sur l’agir. Est souverainiste celui qui fait primer l’agir sur l’être.

    Faut-il donc décréter l’incompatibilité irréversible de ces deux visions du monde ? Est-il nécessaire de procéder à un mariage forcé pour associer souveraineté et identité au sein d’une même pensée ? L’œuvre théorique du général Lucien Poirier nous semble être à même d’être convoquée pour démontrer qu’il n’en est rien, et que non seulement souveraineté et identité sont compatibles, mais indissociables.

    Au commencement était l’identité

    Ce n’est pas l’objet de cet article de revenir en détail sur l’itinéraire du général Poirier (1918-2012), qui fut à la fois soldat, stratège et stratégiste. Rappelons simplement que, lieutenant-colonel, il a directement influencé l’élaboration de la doctrine de dissuasion française, raison pour laquelle François Géré a fait de lui l’un des « quatre généraux de l’apocalypse » aux côtés de Charles Ailleret, André Beaufre et Pierre-Marie Gallois2. C’est à Lucien Poirier en effet que l’on doit les formules telles que celles du « faible au fort », de la « limitation d’emploi », de l’« ultime avertissement », du « seuil d’agressivité critique » ou de « concept d’emploi minimum » ainsi que la représentation stratégique des « cercles » (France, Europe, Monde) pour localiser les intérêts-enjeux de la France3.

    Mais pour le sujet qui nous intéresse ici, qu’a donc à nous dire ce militaire qui se fit volontiers philosophe et amateur de prospective ? Nous nous appuierons principalement sur deux ouvrages essentiels de son œuvre, Les Voix de la stratégie4, manuscrit érudit consacré à Guibert et Jomini, et La Crise des fondements5, réflexion stimulante publiée en 1994 à propos des implications stratégiques pour la France de la disparition de la figure de l’ennemi désigné (Union soviétique) sur le continent européen.

    Poirier nous rappelle des choses élémentaires : la politique et la stratégie ne tombent pas du ciel, elles sont produites par des acteurs identifiables. En ce qui nous concerne, il s’agit de l’« acteur-France6 ». Il faut se le représenter interagissant (de manière hostile ou pacifique) avec d’autres acteurs sur la scène mondiale, possédant ses facteurs de puissance et ses vulnérabilités. Nous sommes ici dans un schéma relativement classique et dans lequel le souverainiste aime évoluer. Mais Poirier nous proposer d’aller plus loin, ou plutôt de ne pas oublier ce qui précède et ce qui fonde : la question du « qui », qui n’est autre que celle de l’identité.

    Car l’acteur-France, c’est le « comment » de la France, c’est son action extérieure visible. Mais cela ne nous dit pas « comment les Français, substance vive de la France et lui conférant être et forme, perçoivent et intériorisent leur appartenance » à la France comme communauté socio-politique7. On touche là un point essentiel : ce qui est à la base de tout, ce n’est pas l’acteur-France, mais l’« être-France ». La question première est ontologique : quelle conscience les Français ont-ils de la France ? Qu’est-ce qui caractérise et définit la « substance vive » de la France, comme l’écrit Poirier, à savoir les Français ?

    Toute réflexion et toute action politico-stratégique possède donc une condition absolument nécessaire : la conscience identitaire. Lucien Poirier est on ne peut plus clair à ce sujet : « la conscience de l’identité nationale et l’affirmation du Même devant les Autres […] constituent encore le socle primaire de toute pensée politico-stratégique, dont la nôtre8 ». L’identité nationale (Poirier utilise l’expression) est ni plus ni moins que l’« axiome fondateur ». Le terrain d’entente théorique entre souveraineté et identité peut et doit s’élargir encore, bien qu’il autorise déjà, il nous semble, quelques manœuvres communes.

    Être ou Faire : faut-il vraiment choisir ?

    En plus d’attribuer à l’identité une fonction matricielle – ce qui ne peut que plaire à l’école identitaire et convaincre certaines chapelles souverainistes de l’importance tous azimuts et non pas sectorielle de cette dimension –, Poirier montre que l’identité n’est pas une chose passive que l’on ne fait que proclamer, revendiquer ou agiter tel un trophée. Certes, « chacun veut durer, persévérer dans son être, se conserver comme légataire d’une histoire unique », mais cela ne va pas sans « exprimer sa volonté de création collective, sans quoi cette histoire n’aurait ni avenir, ni sens9 ». En clair, pour qu’une communauté humaine existe pleinement et survive, il faut « se conserver et faire ».

    Se conserver et faire, c’est le diptyque qui nous semble devoir former la base théorique commune aux partisans de l’identité et de la souveraineté. Il permet d’éviter deux écueils : n’accorder de l’importance qu’à la conservation de l’« être-France » en oubliant que celui-ci est dans une relation dynamique avec les Autres et qu’il est donc vital de s’assurer de sa liberté d’action et de décision ; ou n’accorder de l’importance qu’à la liberté d’action et de décision de l’« acteur-France » en oubliant que celui-ci n’est que la « substance vive » de la France en action, et qu’une altération de son identité ferait de lui un autre acteur, l’acteur d’une autre communauté humaine.

    Il n’y a plus d’opposition ou de gêne qui tienne entre identité et souveraineté dès lors que l’on pose cette double dimension d’intériorité et d’extériorité et qu’on en a démontré le lien indéfectible. C’est même une nouvelle définition du politique que nous propose Lucien Poirier, aux accents schmittiens et freundiens, mâtinés des apports de la stratégie théorique. La relation qui constitue le politique, c’est celle entre le Même et l’Autre. Une communauté humaine doit prendre conscience de son identité unique (le Même) et vouloir la défendre, et elle va donc faire et agir en fonction de cet impératif. Ainsi voit le jour la stratégie : elle naît avec « la conscience introvertie d’une identité à affirmer et défendre » et procède de « l’inévitable concurrence et compétition à l’extérieur, pour le partage et le travail des instruments de la création continuée sans laquelle l’énergie de l’unité collective, fermée sur elle-même, se dégraderait entropiquement jusqu’à l’inéluctable mort historique10 ».

    Ne plus opposer « l’intérieur » et « l’extérieur », l’être et le faire, et in fine l’identité et la souveraineté, mais les relier et comprendre leur interdépendance vitale, voilà ce que les orientations du général Poirier permettent. Cela nécessite de poser un même regard sur le monde afin de voir qu’il se caractérise sans cesse par une coexistence conflictuelle d’unités sociopolitiques. Au sein de cet environnement, chaque unité a le devoir, pour survivre, « de préserver, devant les Autres, son identité, sa souveraineté et les conditions de développement original ; c’est-à-dire, instaurer, défendre et consolider son autonomie de décision et sa liberté d’action11».

    À l’aune de ces pistes, la distinction entre primauté-exclusivité de la souveraineté et primauté-exclusivité de l’identité nous apparaît moins comme une ligne de front que comme la promesse d’une entente stratégique. La stratégie théorique, ici du général Poirier, nous paraît susceptible de mettre souverainisme et identitarisme au diapason. L’idée n’est pas de dire à chacun de jouer la partition de l’autre, encore moins d’abandonner son instrument, mais de montrer qu’il leur est parfaitement possible de s’accorder dans ce qui est l’une des plus belles réalisations du génie européen, la symphonie.

    Pierre-Romain Thionnet (Site de la revue Éléments, 5 janvier 2023)
     
     
    Notes :
     
    1. Général André Beaufre, Introduction à la stratégie, Armand Colin, 1963, p. 16.

    2. François Géré, « Quatre généraux et l’apocalypse : Ailleret-Beaufre-Gallois-Poirier », Stratégique n° 53, 1992/1.

    3. Pour plus de détails sur la pensée stratégique du général Poirier, voir François Géré, La Pensée stratégique française contemporaine, Economica, 2017.

    4. Lucien Poirier, Les Voix de la stratégie, Fayard, 1985.

    5. Lucien Poirier, La Crise des fondements, Economica, 1994.

    6. Ibid., p. 19.

    7. Ibid., p. 176.

    8. Ibid., p. 185

    9. Lucien Poirier, Les Voix de la stratégie, op. cit., p. 11.

    10. Ibid., p. 12-13.

    11. Lucien Poirier, « Quelques questions de stratégie théorique », Naçao E Defesa, n° 41, 1987, p. 119.

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Plus d'immigration contre la baisse de la population : le fatalisme aveugle de l'Institut Montaigne...

    Nous reproduisons ci-dessous une tribune de l'Observatoire de l'immigration et de la démographie consacrée aux positions favorables à l'immigration prises par l'Institut Montaigne au prétexte de la baisse de la natalité en France...

     

    Tertais_Montaigne.jpg

    Plus d'immigration contre la baisse de la population : le fatalisme aveugle de l'Institut Montaigne

    Le lundi 28 août, l’Institut Montaigne publiait une note intitulée « Démographie en France : conséquences pour l'action publique de demain », signée par le politologue Bruno Tertrais.

    Partant du constat selon lequel notre pays s’installe dans une phase durable de vieillissement en ce début de XXIe siècle, le think tank y défend un postulat destiné à trouver des oreilles attentives (car déjà convaincues) dans certains médias comme dans la sphère politique : « La France s'apprête à connaître un déclin de sa population que seule l'immigration pourrait combler à court et moyen termes », en particulier pour le renouvellement de la force de travail dans de nombreux secteurs.

    Ce diagnostic fataliste semble n’admettre aucune alternative. Pourtant, nombreux sont les faits objectifs à notre disposition pour venir contredire la pertinence d’un recours soutenu à l’immigration comme palliatif à la réduction projetée de la population active. La reconstruction de politiques familiales ambitieuses, notamment, donnerait à notre pays les moyens d’une relance efficace de sa natalité, tout en préservant sa cohésion sociale et culturelle.

    État des lieux : des constats connus mais euphémisés

    Les observations démographiques sur lesquelles l’Institut Montaigne fonde sa réflexion sont certes admises de longue date : « La France est entrée dans une phase de ralentissement démographique », avec une « situation devenue préoccupante depuis le début des années 2000 » par le ralentissement de notre natalité. En effet, le solde naturel (constitué de la différence entre les naissances vivantes et les décès survenus sur le sol national) s’est établi difficilement à + 56 000 personnes pour l’année 2022, soit un résultat quasiment nul. Le nombre de naissances enregistrées l’année dernière est au plus bas depuis 1946. Cet affaissement de la fécondité se poursuit en 2023, avec un nombre de naissances inférieur de 7 % au premier semestre par rapport à la même période en 2022. Notre pays semble être entré dans « l’hiver démographique européen », concept forgé par le professeur Gérard-François Dumont (démographe et membre du conseil d’orientation de notre Observatoire de l'immigration et de la démographie). Comme d’autres nations du Vieux Continent, il est probable que la France aura bientôt besoin de « plus de cercueils que de berceaux », avec un solde naturel prêt à basculer en négatif.

    Dans l’analyse de ce phénomène, l’Institut Montaigne insiste cependant trop peu sur l’une de ses dimensions essentielles : les dynamiques contraires de natalité entre Français et étrangers sur notre territoire. En vingt ans, entre 2001 et 2021, le nombre de naissances issues de deux parents étrangers a augmenté de 45,3% ; dans le même temps, le nombre de naissances issues de deux parents français diminuait de 17,5%. En 2021, près d’un tiers des enfants nés en France (31,4%) avaient un, au moins, de leur parent né à l’étranger. Parmi ceux-ci, 9 naissances sur 10 d’enfants dont les deux parents étaient nés à l’étranger concernaient des parents nés hors de l’Union européenne. De telles données illustrent toute la part que les phénomènes migratoires prennent déjà dans la croissance naturelle de la population de la France.

    Bruno Tertrais ne nie cependant pas le basculement quantitatif généré par l’accélération de l’immigration au cours des dernières décennies : « Il n’y a jamais eu autant d’étrangers en France depuis le Second Empire. La France comptait environ 1 % d’étrangers sur son sol en 1851. Cette proportion dépasse aujourd’hui le maximum enregistré en 1931 (7 %) pour atteindre 7,7 % en 2021, soit 5,3 millions de personnes ». Il convient toutefois de souligner que 4 millions de personnes ont acquis la nationalité française depuis 1982, dont 2 millions depuis 2005 – ce qui fait « fondre » mécaniquement le nombre et la part des étrangers recensés dans les statistiques.

    L’Institut Montaigne reconnaît que l’octroi de premiers titres de séjour est déjà « en augmentation constante depuis trente ans ». Néanmoins, il doit être relevé que la présidence d’Emmanuel Macron marque une accélération notable dans cette direction. En 2022, 316 175 primo-titres de séjour ont été accordés à des immigrés extra-européens (hors UE / Suisse / Royaume-Uni) en métropole. Il s’agit là d’un record absolu, ce volume n’inclut d'ailleurs pas les déplacés d’Ukraine – lesquels disposent d’un statut européen de « protégés temporaires ».

    Le nombre de premiers titres délivrés durant l’année 2022 a été supérieur de 153% à celui accordé durant l’an 1999, sous le gouvernement de Lionel Jospin. 1,6 million de premiers titres de séjour ont été accordés au total depuis 2017 à des immigrés extra-européens, soit en moyenne 267 000 par an sous la présidence d’Emmanuel Macron, contre 189 000 durant le mandat de Nicolas Sarkozy (+ 41%) et 217 000 pendant celui de François Hollande (+ 23%).

    Certains de ces titres peuvent certes concerner des séjours temporaires – en particulier pour les étudiants. Au-delà de la question de l’effectivité des études poursuivies et des abus associés, l’Insee nous apprend toutefois que pour 1 immigré quittant le territoire national, ce sont plus de 4 immigrés qui s’y installent en moyenne sur la période 2006-2021 (1 pour 5 en 2021).

    Sur le plan qualitatif, Bruno Tertrais relève à juste titre « une évolution significative de la composition de l’immigration : entre le milieu des années 1970 et aujourd’hui, les proportions d’immigrés venant d’Europe et du reste du monde se sont inversées ». Près de la moitié des immigrés résidant en France sont aujourd’hui d’origine africaine (environ 30 % du Maghreb).

    Bilan économique de l'immigration : l'Institut Montaigne bat en retraite

    Ayant admis que l’immigration en France a d’ores et déjà atteint une ampleur inédite, l’Institut Montaigne s’intéresse ensuite à l’impact des flux migratoires sur la richesse nationale, les comptes publics, l’emploi et les salaires. Une remarque saute alors aux yeux du lecteur : même un laboratoire d’idées tel que celui-ci, historiquement favorable à l’ouverture migratoire et culturelle, initiateur de la Charte de la Diversité à destination des entreprises et importateur majeur du concept de discrimination positive dans notre pays, n’est plus en mesure de soutenir l’idée selon laquelle l’immigration bénéficie à l’économie française.

    Pour ce qui est de la richesse nationale, tout en mentionnant un « impact économique relativement marginal de l’immigration sur l’économie », Bruno Tertrais avance le constat d’un « effet positif moins sensible que dans certains autres pays développés du fait de la structure de notre immigration – souvent peu qualifiée et avec un taux de chômage important ». Il est vrai que 37,2% des immigrés vivant en France en 2021 et ayant terminé leurs études initiales n’avaient aucun diplôme ou seulement un équivalent brevet / CEP selon l’INSEE. Ce taux de non-diplômés était 2,5 fois supérieur à celui des personnes sans ascendance migratoire. Il était de 42,2% parmi les immigrés originaires du Maghreb, 51,4% parmi ceux d’Afrique sahélienne et 61,7% chez les immigrés originaires de Turquie.

    Les constats dressés apparaissent donc justes, mais devraient conduire à une lecture hélas plus sévère que celle d’un « effet positif moins sensible ». Prenons l’exemple des immigrés algériens, les plus nombreux parmi l’ensemble des origines migratoires recensées en France :

    - 41,6% des Algériens de plus de 15 ans vivant en France étaient chômeurs ou inactifs (ni en emploi, ni en études, ni en retraite) en 2017 selon les données INSEE analysées par le ministère de l’Intérieur, soit un taux trois fois plus élevé que celui des Français (14,1%) ;

    - Seuls 30,6% de ces mêmes Algériens étaient en emploi, contre 49,7% des ressortissants français – soit un taux d’emploi inférieur de près de 20 points.

    - La moitié (49%) des ménages d’origine algérienne vivait en HLM en 2018, soit presque quatre fois plus que les ménages non-immigrés (13%).

    Ce faisant les Algériens sont structurellement sous-contributeurs à la richesse nationale en moyenne, et surconsommateurs de différents dispositifs de solidarité collective en vigueur dans notre société.

    Cela se retrouve nécessairement dans l’impact de l’immigration sur les finances publiques, dont l’Institut Montaigne avance désormais qu’il est « légèrement négatif », s’appuyant sur des travaux publiés par le CEPII (service rattaché au Premier Ministre) en 2018 et par l’OCDE en 2021. Il importe toutefois de remarquer que les résultats repris dans la note de Bruno Tertrais (un coût net de -0,2 à -0,5% du PIB pour le CEPII), ne correspondent pas aux scénarios les plus complets présentés dans cette étude. En effet, lorsque la « deuxième génération » – celles des descendants directs de parents immigrés – est prise en compte dans les estimations réalisées par ces mêmes institutions, il est évalué que l’immigration représente un coût net situé entre 1,41% (OCDE) et 1,64% de PIB (CEPII sur la dernière année évaluée), soit entre 35 et 40 milliards d’euros par an.

    Malgré le fardeau financier conséquent que représentent de telles sommes (trois fois supérieures par exemple aux gains attendus de la dernière réforme des retraites), soulignons que les approches méthodologiques de ces études conduisent souvent à le sous-estimer encore, par exemple dans la façon dont l’OCDE ventile le coût de certains bien publics (comme la police ou la justice) entre natifs et immigrés – qui tend à majorer artificiellement la contribution de ces derniers.

    Pour ce qui est de l’emploi et des salaires, l’Institut Montaigne affirme que « les synthèses internationales montrent un très faible impact de l’immigration sur le marché du travail ». Or l’étude académique la plus récente sur le cas français, publiée en 2021 par l’OFCE-Sciences Po, bat clairement en brèche ce constat en établissant qu’une augmentation de 1% du nombre de travailleurs liée à l’immigration fait baisser de presque 1% en moyenne le salaire des ouvriers « natifs » non-qualifiés. Elle pèse aussi à la baisse dans une moindre mesure sur le salaire des techniciens et employés, ainsi que celui des ouvriers qualifiés, et ne bénéficie qu’aux seuls managers – aux emplois peu concurrencés.

    Face au fatalisme migratoire, l'alternative des politiques familiales

    Devant des faits aussi clairement établis et malgré les euphémisations relevées, il aurait pu apparaître cohérent que l’Institut Montaigne se prononce en faveur d’une approche plus prudente des flux migratoires que celle pratiquée aujourd’hui. Or il n’en est rien, puisque Bruno Tertrais affirme dans sa note : « comme pour la plupart des autres États européens, la croissance de la population française se poursuivra désormais essentiellement via l’immigration ». Le message sous-tendu est que cette accélération de l’immigration comme palliatif au vieillissement démographique constitue une voie sans alternative pour renouveler la force de travail dans notre pays, quels que puissent être ses effets induits – en particulier ses bénéfices économiques incertains. L’hypothèse d’une relance de la natalité est écartée comme peu réaliste : « La chute de l’excédent naturel est inévitable. »

    À rebours d’un tel fatalisme, une autre option existe pourtant, que notre pays a déjà expérimentée favorablement par le passé : la mise en œuvre de politiques familiales ambitieuses visant à faire remonter le taux de fécondité en France au-delà du seuil de renouvellement des générations (2,05 enfants par femme). Notre pays a été à l’avant-garde en Europe sur ce sujet : prenant la suite des caisses de compensation mises en œuvre par des entreprises, l’État a posé les bases des politiques familiales dès les années 1930, avec un premier Code de la famille adopté par la Chambre issue du Front populaire, puis en 1945 avec l’instauration du quotient familial.

    Cette avance française en la matière a suscité l’intérêt de nombreuses nations européennes pendant des décennies, dont les gouvernements envoyaient des délégations d’étude pour comprendre comment la natalité française se maintenait globalement au-dessus de la moyenne européenne après les Trente Glorieuses. Le consensus transpartisan autour de ces questions a été mis en cause pour la première fois dans les années 1990, lorsque le gouvernement de la gauche plurielle envisagea de renoncer à l’universalité des allocations familiales. Ce fut alors le Parti communiste qui obtint la suppression de cette mesure, au nom de ce qui était perçu comme un élément essentiel du contrat social entre les Français.

    Les années 2010 ont hélas marqué une remise en cause effective et durable. En 2014, le gouvernement de François Hollande fit adopter pour de bon Parlement la suppression de cette universalité des allocations familiales, réduisant la politique familiale à une simple logique de politique sociale – alors que leurs objectifs ont toujours différé sensiblement. Outre cette décision à fortes conséquences, les « coups de rabot » se sont multipliés simultanément : diminution du complément du mode de garde (CMG) destiné aux parents employant une nourrice ou une assistante maternelle, report de deux ans de la majoration des allocations familiales, multiples abaissements du plafond du quotient familial générant une hausse notable de la fiscalité pour les familles… Les résultats de cette approche sont aujourd’hui frappants: le solde naturel de notre pays (différence entre les naissances vivantes et les décès sur le territoire) a été divisé par cinq entre 2006 et 2022.

    Pourtant, à rebours de l’attention démesurée accordée au phénomène des no kids, le désir d’enfants des Français se situe bien au-delà du taux de fécondité constaté de 1,8 enfant par femme. Selon les différentes enquêtes menées à ce sujet (par LES Eurobaromètres et le Réseau national des Observatoires des familles), le nombre idéal d’enfants souhaités par nos compatriotes se situe entre 2,3 et 2,7.

    Il importe donc de concevoir la politique familiale pour ce qu’elle est vraiment : non pas un dirigisme rétrograde qui prétendrait imposer aux femmes de procréer à tout prix, mais une politique de liberté dont l’objectif est d’établir les conditions permettant aux Français des deux sexes d’avoir les enfants qu’ils souhaitent avoir. Le devoir des décideurs politiques consiste à poser les bases de ce printemps démographique français. Face au déclin redouté de notre population, le recours toujours accru à une immigration dont l’impact négatif sur les performances économiques et la cohésion sociale est désormais solidement établi n’a donc rien d’inéluctable – au contraire des conclusions apparentes de l’Institut Montaigne.

    Observatoire de l'immigration et de la démographie (Observatoire de l'immigration et de la démographie, 22 novembre 2023)

     

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Les « sages » du Conseil constitutionnel et le projet de loi immigration...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Johan Hardoy, cueilli sur Polémia et consacré au Conseil constitutionnel qui est en charge d'étudier la constitutionnalité de la loi immigration...

    Sages_Conseil constitutionnel.jpg

    Les « sages » du Conseil constitutionnel et le projet de loi immigration

    Après des débats houleux à l’Assemblée nationale, le projet de loi immigration a finalement été voté. Pourtant, de leur propre aveu, Emmanuel Macron et Élisabeth Borne misent sur le Conseil constitutionnel pour censurer certaines dispositions d’un texte pourtant approuvé par leur propre majorité !
    Il reviendra donc aux « sages » de la République – comme les appelle la presse de grand chemin – de légitimer ou non un texte suspecté en haut lieu de contenir des dispositions inconstitutionnelles.

    Une création de la Ve République

    Depuis la rébellion de la Fronde (1648-1653), la monarchie française avait été confrontée à une opposition des tribunaux culminant avec la Révolte des Parlements qui avait considérablement affaibli l’autorité royale de Louis XVI. Les parlements ou hautes cours de justice de France revendiquaient alors le droit d’examiner et d’enregistrer les lois et édits que le roi souhaitait adopter, l’obligeant en cas de refus à passer en force par le biais d’une procédure contestée, le « lit de justice ».

    Par la suite, les républiques parlementaires, qui se souvenaient de la méfiance des révolutionnaires à l’égard des juridictions d’Ancien Régime, n’avaient jamais accepté la création d’organes juridictionnels susceptibles de faire échec aux assemblées parlementaires.

    C’est la Ve République qui a donné naissance au Conseil constitutionnel, dont l’une des prérogatives consiste à se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois et des règlements, après saisine du Président de la République, du Premier ministre, des présidents de l’Assemblée ou du Sénat, ou encore de 60 sénateurs ou députés.

    Au fil du temps, cette institution aux pouvoirs au départ limitée à un contrôle formel s’est transformée en un authentique juge constitutionnel et en protecteur des droits fondamentaux, bien que, contrairement à d’autres juridictions telles que la Cour suprême américaine, elle ne se situe au sommet d’aucune hiérarchie de tribunaux judiciaires ou administratifs.

    Concernant l’immigration, rappelons qu’en 2018, le Conseil constitutionnel a consacré la valeur constitutionnelle du principe de fraternité en se basant sur la devise de la République, le préambule de la Constitution (relatif aux « territoires d’outre-mer ») et l’article 72-3 de la Constitution (idem), affirmant dès lors le principe de la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national, à charge pour le législateur d’assurer la conciliation entre ce principe et la sauvegarde de l’ordre public.

    Qui sont les « sages » de la République ?

    Ses neuf membres, auxquels s’ajoutent les anciens Présidents de la République, sont nommés pour neuf ans et désignés par tiers par le Président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale, après avis des commissions parlementaires qui peuvent s’y opposer à la majorité qualifiée des trois cinquièmes. Nicolas Sarkozy n’y a plus siégé depuis 2013 et François Hollande ne l’a jamais fait.

    Un tiers de ces « sages » sont des politiciens chevronnés, extérieurs au monde juridique, dont les orientations ne devraient pas trop décevoir Emmanuel Macron :

    * Laurent Fabius a été Premier ministre sous François Mitterrand.

    Il est l’auteur d’une formule restée fameuse : « le Front national pose les bonnes questions, mais leur donne de mauvaises réponses. »

    * Alain Juppé a été Premier ministre de Jacques Chirac.

    Sa nomination au Conseil constitutionnel par Emmanuel Macron a fait de lui le premier membre de cette institution à avoir été condamné par la justice (en 2004, 14 mois de prison avec sursis et un an d’inéligibilité pour prise illégale d’intérêts dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris).

    Ses positions à l’égard de l’immigration ont largement fluctué au cours des ans. Tenant d’une ligne considérée comme dure dans les années 1970 (en 1977, il souhaitait que « les emplois traditionnellement abandonnés aux étrangers puissent être occupés par des Français »), il déclarait plus tard qu’il fallait « accueillir de nouveaux immigrés » à la suite de la publication d’un rapport du Medef allant dans ce sens. Ses positions ultérieures sont à l’avenant : hostilité à la suppression du droit du sol, critique d’une possible suspension du regroupement familial, etc.

    * Jacqueline Gourault, qui était enseignante d’histoire et géographie avant sa carrière politique au sein de l’UDF puis du MoDem, a été sénatrice de 2001 à 2017, vice-présidente du Sénat de 2014 à 2017, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, puis ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales dans les gouvernements d’Édouard Philippe et de Jean Castex.

    Sa nomination au Conseil constitutionnel, sur proposition d’Emmanuel Macron, a suscité la polémique en raison de son absence de qualification juridique, mais le parlement l’a validée par 41 voix pour, 31 contre et 4 abstentions.

    En 1998, elle était l’une des rares élues du Loir-et-Cher à refuser toute alliance avec le Front national au conseil régional.

    Deux autres membres ont été nommés par la Macronie :

    * Jacques Mézard est diplômé en droit privé et avocat. Il a été sénateur dans le Cantal en 2008, puis ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation et ministre de la Cohésion des territoires du gouvernement d’Édouard Philippe.

    * Véronique Malbec est une magistrate expérimentée qui a débuté sa carrière comme juge d’instruction, avant de devenir procureure générale, Secrétaire générale du ministère de la Justice de 2018 à 2020, puis directrice du cabinet du garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti.

    En 2017, en tant que procureure générale de Rennes, elle a supervisé (sans donner d’instruction) le classement sans suite d’une plainte de l’affaire des Mutuelles de Bretagne dans laquelle Richard Ferrand était mis en cause. C’est d’ailleurs ce dernier qui l’a nommée au Conseil constitutionnel en 2022, ce qui a soulevé des questions au sein même du monde judiciaire, bien que l’intéressée soit réputée indépendante d’esprit.

    L’intéressée vit en couple avec le Directeur général de la police, Frédéric Veaux.

    La suivante présente un profil plus neutre :

    * Corinne Luquiens, nommée en 2016 par le socialiste Claude Bartolone, est diplômée en droit public. Elle a effectué toute sa carrière à l’Assemblée nationale, tout d’abord en tant qu’administratrice au service des affaires sociales puis comme secrétaire générale de 2010 à 2016, sur proposition du Bernard Accoyer (alors UMP, devenu LR).

    Il est moins probable que les trois derniers, nommés au Conseil constitutionnel par Gérard Larcher participent à la censure du texte :

    * Michel Pinault est licencié en droit, diplômé d’HEC et énarque. Il a siégé au Conseil d’État de 1976 à 1992 et de 2004 à 2008. Entretemps, il a travaillé chez les assureurs UAP et AXA pendant treize ans. En 2014, il a été élu président de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers.

    * François Pillet, diplômé en droit privé, a exercé pendant 38 ans à la cour d’appel de Bourges. Ancien membre de la Cour de justice de la République, il a été président du comité de déontologie parlementaire de la chambre haute, et sénateur divers droite rattaché au groupe LR entre 2007 et 2019.

    En tant que membre de la commission des Lois au Sénat, il est intervenu dans la commission de l’affaire Benalla. Il a auditionné Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Élysée et bras droit d’Emmanuel Macron, avant de déclarer que les manquements de l’intéressé étaient très clairs. Par ailleurs, il a soutenu François Fillon durant la primaire présidentielle des Républicains de 2016.

    * François Seners, qui est énarque, a été conseiller au tribunal administratif de Nice de 1993 à 1996, puis au Conseil d’État de 1997 à 2008. Ancien directeur de cabinet de Rachida Dati pendant six mois entre 2008 et 2009, il a été secrétaire général du Conseil d’État entre 2012 et 2014, puis directeur du cabinet de Gérard Larcher entre 2014 et 2017.

    Par ailleurs, il a été Chef du centre de prospective de la gendarmerie nationale de 1999 à 2002, et membre du conseil de l’Ordre des médecins jusqu’à sa nomination en 2022.

    ***

    La composition actuelle du Conseil constitutionnel rend donc probable que le souhait présidentiel de censurer une partie du projet de loi sur l’immigration sera satisfait, sauf à ce que ses membres montrent une indépendance d’esprit digne des « sages » qu’ils sont censés être.

    Quelle que soit leur position sur ce texte, il va de soi que tant que la France n’aura pas recouvré sa pleine souveraineté, l’impact de cette trentième loi sur l’immigration restera cosmétique.

    En conséquence, la récente proposition de Marion Maréchal d’organiser un « Comité pour un référendum sur l’immigration », en invitant les partis attachés à la sauvegarde de la civilisation française à soutenir cette initiative en vue d’organiser un référendum d’initiative partagée (RIP), prend tout son sens. Le RIP, encore jamais organisé en France, doit préalablement réunir les paraphes de 185 parlementaires et d’environ 4,8 millions d’électeurs.

    Pour mémoire, ainsi qu’il l’a rappelé à propos de l’élection du Président de la République, en 1962, et du traité de Maastricht, en 1992, le Conseil constitutionnel ne contrôle pas la décision du peuple souverain, mais la régularité des conditions de sa consultation.

    En cas de validation finale du RIP et de la possibilité enfin donnée aux Français de se prononcer en faveur d’une législation moins laxiste sur l’immigration, la question de la prédominance des lois et conventions européennes, de même que des traités internationaux ratifiés par la France, resterait pendante, mais l’expression populaire, si elle était manifeste, pèserait indéniablement en faveur de la promotion des choix politiques nécessaires à la maîtrise des flux migratoires.

    Johan Hardoy (Polémia, 29 décembre 2023)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Le Grand Échiquier : le Nouvel ordre mondial Échec et Mat...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christopher Coonen, cueilli sur Geopragma et consacré aux bouleversements provoqués par le conflit russo-ukrainien dans les rapports de force géopolitiques.

    Secrétaire général de Geopragma, Christopher Coonen a exercé des fonctions de directions dans des sociétés de niveau international appartenant au secteur du numérique. 

    Géopolitique_échec et mat.png

     

    Le Grand Échiquier : le Nouvel ordre mondial Échec et Mat

    Churchill et Staline disaient que la guerre résout les problèmes ; un autre échange en 1973 entre le Secrétaire général du Parti Communiste de l’URSS, Léonid Brezhnev, et le Secrétaire d’état américain Kissinger sur la guerre du Yom Kippour : « Il ne faut pas rentrer dans l’exagération » ; ils n’avaient collectivement sans doute pas tort.

    Nous assistons à de grands bouleversements et d’évolutions sur le Grand Échiquier de la géopolitique mondiale qui s’accélèrent de manière évidente depuis quelques années. Trouver la juste mesure entre les dimensions des guerres d’un point de vue de la Realpolitik : les faits, rien que les faits.

    Il n’existe plus de « Blocs » tels comme nous les avons connus entre 1945 – 1991, mais dorénavant des Alliances (souvent opportunistes et non-dogmatiques) mondiales ou régionales, et fait nouveau depuis le mouvement non-Aligné datant de 1956 – poussé à l’époque par Nasser, Tito, Soekarno et Nehru — nous assistons à l’émergence de nouvelles puissances régionales telles que l’Iran et la Turquie ; les non-alignés d’alors sont des miroirs des BRICS actuels, voire des BRICS+ à venir.

    Militairement, les États-Unis avaient dessiné un nouvel ordre mondial en 1945 qui n’est plus d’actualité – peut-être serait-il plus judicieux de l’appeler « caduque ». Non seulement sur les rapports de force milliaires – avec l’OTAN entre autres – mais aussi au niveau des nouvelles instances économiques alors : le FMI, la Banque Mondiale, l’OMC, … Elles mêmes le deviendront dans les années à venir.

    Ceci complexifie totalement la lecture géopolitique de notre nouveau monde dans son contexte actuel, mais par ailleurs le rend encore bien plus riche, et l’ouvre à d’innombrables possibilités, peu subodorées auparavant. Ces plaques tectoniques qui commencèrent à bouger il y a quelques décennies s’emballent. La « Bascule » vers ce Nouveau Monde multipolaire est objectivement en marche, s’accélère, et laisse poindre ses premières esquisses qui nous impacteront toutes. Sur le plan géopolitique et donc forcément économique.

    Le Soft Power occidental est en déclin. La dynamique hégélienne bouge, mais c’est aussi une opportunité pour nous Français et Européens, si nous savons prendre ce taureau par les cornes.

    Pour commencer, le conflit entre l’Ukraine et la Russie.

    Les trois facteurs déterminants d’un point de vue militaire depuis plus de 200 ans ont toujours été : la profondeur stratégique [géographique], la taille de la population, et le nombre de munitions produites / à disposition. Nous comprendrons que les Russes ont un avantage certain sur les Ukrainiens. Selon les généraux le plus au fait d’une contre-offensive ukrainienne, il ne faudrait rien qu’en armement, 4 à 5 millions d’obus de 155mm pour les 12 mois à venir pour l’armée ukrainienne, alors que l’Occident n’en n’a livré en 2023 que 300 mille sur le million promis …

    Et ce sont des fadaises de penser que Putin voulait conquérir toute l’Ukraine ; en surface 20% supérieure à celle de la France. En mai 1940, la Wehrmacht allemande envoya 2.5 millions d’hommes pour conquérir notre Gaule et laissa cinq cent mille hommes derrière pour l’occupation d’abord partielle jusqu’en 1944. Pensez-vous honnêtement que Vladimir Putin avait ces ressources humaines pour le faire ? Jamais de la vie. Où sont les cerveaux analytiques et peut être bien-pensants ? Je regarde toujours à l’horizon mais comme le disait la blague soviétique dans les années 1970s : « plus tu t’approches de celui-ci, plus il s’éloigne » … Pourquoi nos « grands analystes occidentaux et les blondes ukrainiennes » qui se pavoinnent sur les plateaux, s’épuisent-ils à tort sur des positions militaires et intellectuelles perdues d’avance ?

    Les indices objectifs pointent vers une victoire de la Russie sur l’Ukraine. La Russie maintient le contrôle des 20% de terres occupées depuis le printemps 2022, a construit une défense sur 6 rideaux, et l’Ukraine n’a aucune chance de reconquérir ses territoires perdus – rappelons-nous que ce sont les accords abandonnés de Minsk par l’Allemagne et la France, de l’aveu de leurs propres chefs d’état en décembre 2022, qui ont remobilisé les Russes pour contrecarrer les intentions otaniènnes hostiles dès 2014.

    N’en déplaise à nos « experts » – généraux, spécialistes des relations internationales / au sujet de la Russie, la plupart n’ayant pas sérieusement étudié la Russie et son Histoire – ils mangent leurs chapeaux aujourd’hui… Les gens intelligents réfléchissent-ils et regardent-ils de manière objective et dépassionnée l’Histoire, et de ses enseignements ? La Russie ne veut pas contrôler géographiquement l’Europe ; la Russie, comme tout Hégémon, voudra bâtir et influencer son espace européen et eurasiatique. Nos « opérations » sont-elles tellement différentes de celles de la France napoléonienne et de l’empire britannique naguère ?

    Vous avez appelé les numéros abrégés « 1812 » et «1941 » ? Servez-vous à votre guise. La Russie a gagné ce conflit.

    Et force est de constater que c’est « Échec et Mat » pour ce Nouveau Monde multipolaire.

    A croire que les sanctions ont marché alors que tout semble être est son contraire.

    Sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine, rappelons-nous des « vérités » de l’Occident il y a presque deux ans : « l’Ukraine vaincra, la Russie est perdue, son économie sera à plat. »  La Russie qui était apparemment sur son lit de mort en mars 2022 grâce aux onze trains de sanctions (bientôt douze) votées par l’Union européenne à date ; alors que les prévisions convergent pour une croissance du PIB russe de plus 1.5% en 2024, versus plus 0.5% en Union Européenne en 2024 (source : OCDE novembre 2023) … Et en conclusion sur ce sujet, l’économie russe se porte très bien, et n’aura pas besoin de relais commerciaux ou monétaires. Au contraire, la Russie tisse de nouveaux réseaux avec les BRICS+, les nations de l’Asie Centrale, et en Afrique.

    Il est vrai que trois secteurs de l’économie russe sont principalement touchés :

    Les restrictions d’exportations imposées par l’Union européenne touchent différents domaines (biens de consommation finale comme les parfums, produits intermédiaires comme les huiles pour l’aviation, matériel de pointe, produits bruts) et sont inégalement réparties. Parmi les produits sanctionnés, plus de 20% d’entre eux ont un usage à la fois civil et militaire (hélicoptères). Ces restrictions ont pour objectif de limiter l’accès aux technologies européennes pouvant être exploitées militairement par la Russie. Les restrictions d’exportations ciblent essentiellement trois domaines qui représentent à eux seuls 82% du commerce faisant l’objet de sanctions :

    • Le matériel de transport (premier secteur d’exportation vers la Russie) ;
    • La chimie (26% des exportations françaises à destination de la Russie dont 554 entreprises sont sanctionnées) ; 
    • Les machines (21% des exportations françaises et 809 entreprises sanctionnées). 

    D’autres secteurs comme ceux du matériel optique, médical et du caoutchouc sont également concernés par ces mesures, dont plus de la moitié des exportations sont soumises à des restrictions.

    Les diverses séries de sanctions mises en place en réponse à l’attaque militaire de la Russie contre l’Ukraine ne sont pas sans conséquences pour le commerce français. La valeur des exportations françaises à destination de la Russie est passée de 6,4 milliards d’euros en 2021 à 3,1 milliards d’euros en 2022. Si une diminution des exportations est observée, certaines entreprises françaises maintiennent l’exportation de leurs produits vers la Russie., s’expliquant par trois facteurs : 

    • La mise en place de paquets de sanctions répartis sur le temps long expliquant que certaines entreprises continuent d’exporter ;
    • Les exceptions sur certains produits en raison de leur prix ou de la signature du contrat antérieure aux restrictions ;
    • Le non-respect des restrictions par certaines entreprises.

    Restreintes par les sanctions imposées à la Russie, les entreprises françaises se sont dirigées vers d’autres partenaires commerciaux afin de contourner les sanctions occidentales. Fin 2022, les exportations à destination des voisins de la Russie dans un effort de contournement ont fortement augmenté, interrogeant sur « l’efficacité des sanctions commerciales« . Alors que les exportations françaises ont baissé de 52% avec la Russie entre 2021 et 2022, des importations ont connu une hausse de :

    • 85% avec le Kazakhstan ;
    • 62% avec l’Arménie ;
    • 44% avec le Kirghizistan.

    L’essentiel des exportations vers la Russie proviennent de l’Allemagne : machines-outils et véhicules de toutes sortes. Dans le onzième paquet de sanctions mis en place par l’UE, le « contournement potentiel » des sanctions contre la Russie a ainsi poussé l’UE à les étendre aux pays tiers pour certains produits.  

    Le Président Poutine est passé à autre chose : entre autres, les enjeux mondiaux et eurasiatiques, beaucoup plus importants et impactants pour sa nation …

    L’Occident a fait un pari qu’il a perdu : « Never Say Never » … la Russie et le Nouveau Monde redessinent leur nouveau « Yalta », carte et échiquier à l’appui. Bien au-delà des rives du Dniepr…

    La diplomatie russe n’est pas restée inactive ces dernières semaines :  par exemple le voyage du président russe en Arabie Saoudite et aux Émirats le 6 décembre. Le président russe ne se déplaçant pas pour rien, il a pu sans doute échanger avec les responsables du Hamas, d’Hezbollah, et renforcer la position de la Russie au Moyen-Orient. Et semer les graines pour l’influence des BRICS+ à venir.

    Ceci suivi dans la même logique au travers de la réception du président Iranien Raïssi à Moscou le 7 décembre ; une réunion dans la foulée de l’OPEP+ qui a signé la fin du pacte du « Quincy » datant de 1944. Les prix du gaz pourraient doubler et celui du pétrole par quatre suivant les baisses de production envisagées par le consortium. Ces trois états étant candidats aussi « par hasard » à l’élargissement des BRICS aux BRICS+ à partir de janvier 2024…

    Après le Kosovo, la Serbie, l’Iraq, l’Afghanistan, la Syrie et le Yémen, l’Occident peut-il donner des leçons de Droit international ou de l’Homme à quiconque ?

    Puisque nous vivons dans des démocraties où nous pouvons au moins débattre et être autocritique, ayons au moins l’honnêteté intellectuelle de le reconnaître. Pour citer le General de Gaulle, « nous reconnaissons les pays mais nous ne reconnaissons pas les régimes ».

    Le sujet n’est pas de savoir qui a tort ou a raison ; le sujet de manière désintéressée et neutre, est de lire la situation actuelle dans son contexte objectif et basé sur les faits. La Realpolitik.

    Nous marchons sur la tête ; sur des bases factuelles et objectives, l’Europe et l’Occident sont plus largement à la peine.

     Les États-Unis et l’OTAN s’emballent sur les menaces militaires russes à venir sur les pays Baltes et la Moldavie. Pensez-vous une seconde que la Russie risquerait un ou plusieurs conflits nucléaires avec des pays otaniens ?

    La Russie est en train de supplanter le rôle joué en monopole par les USA entre 1945 et 2003 au Moyen-Orient : acteur et « deal broker » incontournable et historique dans la résolution des conflits entre les Israéliens et les peuple arabes – en 1979 entre Sadat et Begin, et à bout de doigts en 1993 avec les Accords d’Oslo …  Les rôles émergents chinois et russes dans les Accords d’Abraham et du rapprochement entre l’Iran et l’Arabie Saoudite en sont la preuve. Et la Chine et la Russie jouent leur rôle de « parrain » sur les développements balistiques et nucléaires nord-coréens.

    Nous assistons à une reconfiguration profonde et mondiale des relations internationales méconnues depuis 1945.

    La péninsule arabique et l’Iran essayent de s’en affranchir, mais ce n’est pas non plus copernicien, ils jouent leur rôle existant(iel), l’Iran peut prétendre à un rôle au Liban, en Iraq, en Syrie, et au large des rives du Golfe Persique et du Yémen, et ainsi de suite, mais l‘Arabie Saoudite émerge comme puissance régionale, allant au delà de son rôle historique qui reposait principalement jusqu’à maintenant sur ses richesses d’hydrocarbures.

    Joe Biden est en difficulté face à la montée en puissance de Donald Trump. Alors que Vladimir Poutine a annoncé son intention de concourir aux élections en Russie en mars 2024, Wolodymyr Zelenskyy a repoussé sa candidature prévue au printemps 2024 … démocratie aussi (?) même si les conditions ne sont pas objectivement réunies pour un scrutin sûr et serein.

    Les élections présidentielles à venir en 2024 aux États-Unis et en Russie – en passant, 67 des 193 membres des Nations-Unies organiseront des élections nationales ou locales en 2024 seront déterminantes ; c’est donc une année pivot pour la démocratie et l’expression des sentiments ou ressentiments nationaux.  Nous connaîtrons donc beaucoup de tremblements de terre dans les 12 mois à venir.

    Les nations jouent toutes sur le Grand Échiquier ; à la France et l’Europe de renverser les tendances qui ne leur sont pas favorables aujourd’hui. Un des atouts de la France serait de faire un virage géographique et une projection d’influence efficace vers l’espace Eurasiatique et Indo-pacifique ; rappelons-nous que la France détient plus de 90% de l’espace océanique grâce à ses territoires polynésiens et antillais– ne serait-ce que l’attractivité de la Nouvelle Calédonie grâce à ses importantes réserves d‘uranium, que la Chine lorgne patiemment.

    Enfin, après le vote au Conseil de sécurité le 9 décembre 2023, et le véto des USA au Conseil de sécurité des Nations-Unies contre a résolution sur le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas / Palestiniens, nous Français nous retrouvons bien faibles. Sachant que l’Europe va se retrouver seule face à ce Nouvel ordre mondial, car il est fort à parier que le prochain président des USA sera isolationniste et tourné vers une rivalité avec la Chine ; ayant eu du mal à soutenir l’Ukraine, ce sera à l’Europe de remplir le fossé, mais elle ne pourra pas le faire dans les mêmes proportions.

    Les USA et l‘Union européenne sont tous simplement inaudibles ; pas étonnant car l’eau est passée sous ce pont.

    Le Grand Échiquier s’est déjà refaçonné.

    Christopher Coonen (Geopragma, 18 décembre 2023)

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Points de vue 0 commentaire Pin it!