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Points de vue - Page 22

  • Le Pancapitalisme, le retour du social dans le national...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Gérard Fugnat, cueilli sur le site de l'Institut Georges Valois et consacré à la participation et au pancapitalisme...

     

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    Le Pancapitalisme, le retour du social dans le national

    Prime d’intéressement, prime de participation, plan d’épargne entreprise si comme 11 millions de salariés, vous êtes concernés alors ces dénominations vous sont familières. Ceux pour qui cela reste un mystère, ces termes désignent tous une forme de redistribution des bénéfices des entreprises à leurs salariés, soit sous forme de prime, soit sous forme d’épargne et d’actionnariat salarial. Mais savez-vous que tout ceci n’est qu’une forme lointaine et atténuée d’un projet économique bien plus ambitieux cherchant à redistribuer équitablement les moyens de production sans porter atteinte au principe de propriété privée ? Ce projet fut connu sous le nom de « Participation », fer de lance de la doctrine économique du gaullisme dans les années 1960, mais la théorie économique à la base de ce projet d’envergure se nommait « pancapitalisme » et c’est de cela dont nous allons parler en détail dans cet article.

    Mais avant de rentrer dans le cœur de cette doctrine économique, un peu d’histoire. Le principe d’alliance entre le capital et le travail, d’actionnariat salarial ou de participation aux bénéfices de l’entreprise ne date pas du gaullisme. On en retrouve des traces dès les XIXème siècle, notamment chez les catholiques sociaux et les figures d’Albert de Mun ou encore de René De la Tour du Pin et même chez certains libéraux comme Tocqueville ou encore chez des socialistes comme Jaurès.

    Mais les traces les plus concrètes et les plus formelles se trouvent dans le syndicalisme jaune et notamment au sein de la Fédération nationale des jaunes de France (FNJF) et leur programme économique nommé le « propriétisme ». La FNJF, active de 1902 à 1912, entretint d’étroites relations avec les milieux nationalistes, dont l’Action française ou Edouard Drumont et son journal La Libre Parole. Ce syndicat jaune considérait que la corporation était le meilleur modèle de défense sociale pour les travailleurs. Ils prônaient donc le « propriétisme » une forme d’association « capital-travail » où les travailleurs devenaient propriétaires de leurs moyens de production via l’acquisition d’actions de leur entreprise. On y voit déjà la colonne vertébrale de l’idée pancapitaliste. Ils défendaient aussi le système des « chambres de capacité », sortes d’assemblées locales où les représentants du monde professionnel pouvaient discuter des affaires socio-économiques du pays et servaient de contre-pouvoir à l’Assemblée nationale.

    Malgré la disparition de ce syndicalisme jaune et avec lui, la disparition de la doctrine « propriétiste » l’association entre le capital et le travail comme base d’une doctrine économique continua de faire son bout de chemin. Et c’est au sein des cadres des Croix-de-Feu puis du Parti Social Français (PSF) que survit cette idée de participation des masses prolétaires aux bénéfices des entreprises. Vue comme une forme de « proto-gaullisme » par certains historiens, et dont certains membres s’inspirèrent du catholicisme social, il n’est donc pas anormal d’y rencontrer une défense de ce principe de participation parmi les cadres de ce mouvement.

    Maintenant, faisons un saut dans le temps jusqu’aux Trente Glorieuses. Un certain Marcel Loichot polytechnicien, fils d’instituteur, pied-noir, PDG de la 1ère entreprise française de conseil économique et gaulliste social, a, durant cette décennie, réfléchi à un modèle socio-économique novateur pour offrir une troisième voie qui protégerait les travailleurs de l’aliénation capitaliste libérale tout en protégeant les entreprises et les entrepreneurs de la collectivisation soviétique castratrice pour l’innovation et le progrès technique et économique.

    En 1966 sortit son livre La réforme pancapitaliste dans lequel il écrit ceci : « En un mot, le Pancapitalisme propose que le travailleur le plus humble bénéficie non plus théoriquement, mais effectivement, de la fonction économique et sociale de l'investissement. C'est-à-dire qu'il reçoive sa part dans la création des richesses futures ou, si l'on veut, des moyens supplémentaires de production qu'il contribue à créer par son travail. Et cette manière d'obtenir la désaliénation conserve intégralement la notion de propriété, tant pour le salarié que pour le possédant antérieur. »

    Voilà comment Marcel Loichot résuma le principe pancapitaliste. Il élargit le principe de propriété généralisée à la France industrialisée des Trente Glorieuses. Il effectua sans le savoir une actualisation du principe proudhonien de petite propriété pour tous, élargit aux entreprises de plus de 10 salariés, la taille des usines et entreprises ne permettant plus à un petit nombre restreint de posséder dans l'intégralité leurs outils de travail. Sans spolier les investisseurs antérieurs, le pancapitalisme propose d'élargir la propriété de l'entreprise à tous les travailleurs via la possession d'actions. De cette manière, chacun devient partiellement propriétaire de son outil de production.

    Dans le pancapitalisme, la moitié des bénéfices serait utilisée pour autofinancer les innovations de l'entreprise et dépendre au minimum d'investissements étatiques, privés ou étrangers. La seconde moitié des bénéfices serait partagée à 50%/50% dans la génération d'actions pour les actionnaires antérieurs et la génération d'actions pour les travailleurs. Celles-ci seraient distribuées proportionnellement au salaire et à la place dans l'entreprise de chacun. De cette manière, aucune spoliation ne prendrait place. Durant les Trente Glorieuses, la croissance économique annuelle moyenne d’une entreprise était de 6%, avec ce taux, il n’aurait fallu que 25 ans aux travailleurs pour devenir actionnaires majoritaires. De nos jours, les PME de plus de 10 salariés, composant la majorité de notre tissu économique, ont eu un taux de croissance annuel de 3,5% en 2022, il faudrait alors une quarantaine d’années pour que les travailleurs deviennent actionnaires majoritaires.

    En plus des dividendes générés par ces actions, la possession de ces dernières ouvrirait l'accès au Conseil d'Administration (CA) et donc à la participation aux prises de décisions de l'entreprise pour les travailleurs. La participation salariale serait totale, tant économique, que politique au sein de l'entreprise. On vivrait alors une réelle émancipation des travailleurs et une réelle décentralisation et organicité de l'appareil économique des grandes entreprises.

    Les idées de Marcel Loichot ont pu, et peuvent toujours, sembler candide. Elles n'ont d'ailleurs ni survécus à l'ordonnance de 1967, ni au référendum de 1969, référendum dans lequel le Général De Gaulle souhaitait implanter politiquement la Participation. La faute tant à la bourgeoisie qui n'a pas vu d'un bon œil que les classes moyennes et populaires puissent s'asseoir à la même table qu'eux dans le champ économique. Mais également la faute de la gauche vivant de la rente de la lutte des classes, car le pancapitalisme était vu tant par ses promoteurs que par ses détracteurs, comme un outil efficace pour supplanter la lutte des classes, faisant travailler main dans la main patronat et prolétariat dans un seul et même but avec les mêmes outils.

    Plus proche de nous, Claude Mineraud, ancien PDG d’entreprise du CAC40, a lui aussi développé sa vision de la Participation et du pancapitalisme à travers son ouvrage « Le capitalisme populaire ». Sa volonté est claire, contrer le néo-libéralisme, et fort de son expérience de terrain, il a écrit ce petit guide à destination des (futurs) chefs d’entreprises nationalistes.

    Lui aussi se base sur trois axes pour développer son modèle économique :

    1. Actionnariat salariale : 20% des actions sont destinées aux cadres fondateurs de l’entreprise, 55,1% aux travailleurs et 24,9% des actions sont réservées aux actionnaires extérieurs.

       

    2. Participation au conseil d’administration de l’entreprise : 40% des voix sont détenues par les cadres fondateurs, 35,1% par les travailleurs et 24,9% par les actionnaires extérieurs.

    3. Grille salariale limitée : le chef d’entreprise ne peut gagner plus de 8 fois le salaire de l’employé le plus bas dans la hiérarchie.

    Ce livre est un parfait guide technique et juridique pour les entrepreneurs ou patron voulant se lancer dans une aventure pancapitaliste. Une large partie de l'ouvrage est très technique et juridique. Claude Mineraud a réussi à s'accommoder des législations en vigueur pour adapter à sa manière les principes théorisés par Marcel Loichot 60 ans plus tôt. Véritable guide politique et économique pour toute personne cherchant à actualiser la pensée économique nationaliste et populaire au sein de son appareil économique.

    Ces expériences, intellectuelles pour Marcel Loichot et pratiques pour Claude Mineraud, sont les preuves qu’une forme de « troisième voie française », adaptée à notre époque, à notre système économique et notre système juridique, est possible. Dans une France qui cherche à s’émanciper du carcan néo-libéral, où les Gilets Jaunes nous ont rappelé que le peuple français existe et aspire à plus de liberté, mais également plus de justice, où chaque crise sociale nous rappelle que les Français cherchent à reformer des corps sociaux jugés illégitimes et non-représentatifs de leurs aspirations. Le pancapitalisme est un outil crucial pour que nous, nationalistes français, repensions la question sociale et économique au sein de nos organisations et surtout, au sein de notre pays.

    Gérard Fugnat (Institut Georges Valois, 14 octobre 2024)

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  • La dissolution du Conseil constitutionnel, chemin vers la liberté retrouvée des Français ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Julien Dir, cueilli sur Breizh-Info, qui revient sur le rôle néfaste du Conseil constitutionnel...

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    La dissolution du Conseil constitutionnel, chemin vers la liberté retrouvée des Français ?

    Si l’on devait nommer un organe responsable de l’entrave systématique aux lois votées par les représentants du peuple, il y a peu de doute que le Conseil constitutionnel viendrait en tête. Cet aréopage de non-élus, occupant leurs fauteuils dans la plus grande opacité, joue aujourd’hui un rôle bien au-delà de son mandat d’origine : il n’est plus le « garant des lois », mais le verrou ultime d’une volonté populaire étouffée. Dissoudre le Conseil constitutionnel serait une bouffée d’air, un retour à une démocratie réelle, directe, dans laquelle la volonté des Français prime enfin.

    En France, contrairement à ce que certains aimeraient nous faire croire, ce ne sont pas les citoyens qui sont réellement aux commandes. Ce pouvoir est confisqué par un groupe de sages, élus par personne, installés pour juger de la conformité des lois selon leurs interprétations, leurs préférences, et souvent, leurs biais politiques. Aujourd’hui, chaque loi, chaque réforme d’envergure est susceptible de passer sous les fourches caudines de cet organe suprême, comme un ultime filtre de légitimité. Et pourtant, qui les a nommés, ces sages ? Certainement pas le peuple. Le Conseil constitutionnel est composé de personnalités issues de l’élite, d’anciens politiciens et d’experts juridiques proches du pouvoir, souvent nommés par des présidents successifs. C’est un comité de vieux mandarins, déconnecté des réalités du pays, qui n’hésite pas à censurer ce que les élus du peuple adoptent.

    L’une des conséquences les plus flagrantes de cette mainmise institutionnelle est la question de l’immigration. À chaque tentative de durcissement législatif, le Conseil constitutionnel intervient, rappelant à l’ordre les parlementaires avec un vigoureux coup de règle sur les doigts. Sous couvert de « droits fondamentaux » et de « respect des principes républicains », le Conseil empêche les réformes migratoires pourtant réclamées par une majorité de Français. Ce dogmatisme institutionnalisé a des effets dévastateurs sur notre société, limitant notre capacité à agir face aux défis contemporains. La dissolution du Conseil constitutionnel permettrait d’agir enfin sans cette barrière idéologique qui nous impose un cadre devenu obsolète.

    Mais au-delà de l’immigration, c’est la liberté d’expression qui est en jeu. Le Conseil constitutionnel est aujourd’hui l’un des bastions de la censure, justifiant des restrictions toujours plus serrées au nom du « respect des droits ». Au lieu de protéger la liberté d’expression, il la met sous tutelle, décidant, au cas par cas, de ce qui est acceptable ou non. Dissoudre cet organe, c’est ouvrir une voie nouvelle pour garantir aux Français une véritable liberté d’expression, sans entraves institutionnelles injustifiées.

    En plus de libérer la France de ces entraves politiques et juridiques, la dissolution du Conseil constitutionnel permettrait de réaliser d’importantes économies. Les salaires, avantages et frais d’entretien de ces sages sont loin d’être négligeables. Ce sont des sommes considérables que le contribuable finance, souvent à contre-cœur, pour soutenir un groupe d’individus qui, au final, travaille à limiter la voix même de ceux qui les payent. Imaginez tout ce que la France pourrait faire avec les ressources actuellement englouties dans cette institution parasitaire.

    Et pourquoi ne pas envisager, dans la foulée, une révision totale de notre Constitution ? La dissolution du Conseil constitutionnel pourrait être l’opportunité de convoquer une Assemblée constituante pour repenser le contrat social français. Ce serait l’occasion de remettre le citoyen au centre du pouvoir, de faire évoluer notre République vers une démocratie directe et réellement représentative des aspirations de la nation.

    Le Conseil constitutionnel n’a aucune légitimité pour entraver le choix des Français. Ses membres, siégeant dans le confort de leurs palais, semblent oublier que le peuple est souverain. Dissoudre le Conseil constitutionnel, c’est faire un pas vers une démocratie décentralisée, directe et vivante. C’est libérer la France des carcans technocratiques et idéologiques qui la brident, pour enfin laisser s’exprimer librement la volonté populaire. Il est temps pour la France de se libérer de ses chaînes institutionnelles et de reprendre en main son destin.

    Julien Dir (Breizh-Info, 18 octobre 2024)

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  • Donald Trump : César ou Catilina ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique de David Engels sur Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, datée du 18 octobre 2024 et consacrée à une réflexion sur le moment Trump. Selon lui et beaucoup d'autres commentateurs, il devient de plus en plus clair que notre civilisation retrace les dernières décennies de la République romaine. Donald Trump serait-il déjà un nouveau César - ou juste un Catilina ?

     

                                             

     

     

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  • Sus aux dépenses nuisibles !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la nécessaire chasse aux dépenses nuisibles...

    Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou, ainsi que plusieurs essais, dont La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018), La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Immigration de masse - L'assimilation impossible (La Nouvelle Librairie, 2021), Le crépuscule des Lumières (Via Romana, 2021), Bienvenue dans le meilleur des mondes (La Nouvelle Librairie, 2023) et, dernièrement Occident go home ! - Plaidoyer pour une Europe libre (Via Romana, 2024).

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    Non aux impôts, oui à l’arrêt des dépenses nuisibles !

    Notre classe politique est en émoi : elle vient de découvrir nos déficits publics et notre endettement. Et même M. Attal qui fut pourtant Premier ministre donne maintenant des conseils d’économies et de réformes à son successeur, qu’il n’a lui-même jamais engagées. Car voici ouvert le concours Lépine du déficit : chacun y va de sa solution miracle pour réduire notre dette et nos déficits. Pour la gauche la cause est entendue : il suffit d’augmenter les recettes, de « faire payer les riches » et taxer les superprofits. On connaît la chanson et ses résultats habituels ! Car pour réduire dettes et déficits il faut d’abord arrêter les dépenses nuisibles, au lieu d’augmenter les impôts et les taxes. Mais pour cela il faut disposer d’une ressource rare en France : le courage politique.

    L’impasse fiscale

    La prétendue solution fiscale de la gauche butte en effet, dans une économie ouverte, dérégulée et mondialisée comme la nôtre, sur le fait que la richesse et les profits peuvent facilement se délocaliser, sans même évoquer l’impact négatif sur la compétitivité nationale d’une augmentation de la pression fiscale ou sociale. Mais la gauche ne comprend rien à l’économie politique.

    En Occident, les acteurs de marché ont en effet acquis la capacité de menacer de retirer leurs capitaux si les États ne font pas en sorte de rendre leurs investissements plus profitables. C’est ce que le sociologue allemand de l’économie Wolfgang Streeck appelle « la crise fiscale de l’État » qui frappe les pays occidentaux[1].

    Fatalement, le levier fiscal conduit alors à concentrer la taxation non pas sur « les plus riches », mais sur les entités ne disposant pas du pouvoir de relocaliser à leur gré leurs actifs : PME, classes moyennes, retraités, petits épargnants, propriétés immobilières, héritiers, automobilistes, consommateurs locaux principalement. Donc, en réalité, sur le plus grand nombre.

    Le gouvernement Barnier semble d’ailleurs déjà tombé dans ce piège puisque, après avoir annoncé un prélèvement exceptionnel et limité sur certains contribuables aisés et sur certains profits, il annonce maintenant une assise fiscale plus large, puis finalement d’autres taxations plus ou moins déguisées.

    Non à la facilité !

    Il est toujours plus facile, en effet, de créer ou d’augmenter une taxe que de diminuer une dépense publique, comme l’a expliqué l’économiste libéral Milton Friedman.

    Selon lui, toute dépense publique implique trois catégories de bénéficiaires très conscients de leur solidarité d’intérêt : les politiques qui l’engagent et en tirent de la notoriété, les bureaucraties qui sont payées pour la conduire et les groupes qui récupèrent à la fin de la manne publique.

    Il s’agit d’une alliance extrêmement solide car les bénéficiaires d’une dépense publique sont bien identifiés, alors que ceux qui la financent sont dilués parmi les contribuables ou les prêteurs. C’est pourquoi Milton Friedman avait intitulé son essai, paru en 1984, La Tyrannie du statu quo[2].

    La « tyrannie du statu quo » s’appuie donc sur le fait qu’il est plus douloureux politiquement de réduire une dépense publique – car on doit s’attaquer frontalement à des bénéficiaires motivés pour conserver leurs acquis – que d’augmenter un impôt ou une dette.

    La spécificité française

    Malheureusement, notre pays a la particularité en Europe de cumuler une fiscalité élevée, une dette publique élevée, des dépenses publiques élevées et une insatisfaction publique élevée vis-à-vis de services publics qui vont se dégradant (école, hôpitaux, infrastructures, notamment).

    Comme le relève André-Victor Robert dans son essai La France au bord de l’abîme, à la différence de ses voisins, notre pays a financé ses dépenses publiques à la fois par l’impôt et par l’endettement, et cela dans des proportions inégalées. Comme l’écrit l’auteur, « on ne pouvait pratiquement pas faire pire ; c’était presque inconcevable d’atteindre un résultat aussi calamiteux et pourtant nos dirigeants l’ont fait[3] ».

    Si l’on ajoute le fait que le solde primaire[4] de nos finances publiques est nettement moins bon que celui de nos voisins, malgré un niveau élevé de prélèvements obligatoires, « la France est à la merci d’une remontée des taux d’intérêt qui l’exposerait à un risque de défaut de sa dette souveraine[5] ».

    Il est donc clair que de mauvais choix ont été faits en matière de finances publiques en France : bravo, les Mozart de la finance ! Le dernier budget excédentaire remonte à 1974, il est en quasi-équilibre en 1980 (avant la victoire de la gauche) ; et en 1980 la dette publique ne représentait que 16,7 % du PIB en France…

    Si l’on ne change pas de trajectoire, il ne restera plus que la spoliation des propriétaires (leur faire payer un loyer fictif, comme certains le préconisent) et des épargnants (comme cela s’est passé à Chypre) pour faire face au service de la dette.

    Les bonnes et les mauvaises dépenses

    L’équilibre des finances publiques ne peut donc se limiter à une question de ressources : il faut prioritairement réduire les dépenses. Oui, mais lesquelles ?

    Contrairement à ce que prétendent certains libéraux fanatiques, toute dépense publique n’est pas nécessairement mauvaise en soi, car l’action publique ne se réduit pas à une simple question de coût. Toute dette n’est pas nécessairement une calamité, si elle reste raisonnable. Et le marché n’est pas la solution à tout.

    Il faut donc distinguer les bonnes dépenses publiques des mauvaises, les dépenses nuisibles.

    Une dépense qui augmente la productivité, la sécurité, l’indépendance de la nation, ou qui sert à financer des infrastructures constitue une dépense publique utile. Et financer des investissements productifs par un emprunt est une bonne solution dans une période de haute conjoncture. C’est ce que notre pays a fait dans le passé en finançant le nucléaire, le plan Calcul, la recherche, l’industrie d’armement ou son réseau d’autoroutes.

    C’est justement là que se situe aujourd’hui la principale faute de nos gouvernants : la dette a ensuite été mal utilisée, principalement pour soutenir le revenu et l’activité de certains et non pas pour investir dans l’avenir. Globalement, malgré un endettement croissant, la capacité productive de la France n’a quasiment pas augmenté de même que sa productivité, après la crise du Covid, à la différence de nos partenaires européens.

    Sus aux dépenses nuisibles !

    À la racine des déficits publics actuels on trouve donc avant tout aujourd’hui en France des dépenses non pas utiles, comme le prétend la propagande officielle envoyée chaque année aux contribuables, mais nuisibles.

    La question ne se réduit pas à celle de l’inutilité des dépenses en effet ; car, pour un politicien, une dépense publique est toujours utile puisqu’elle permet d’acheter des clientèles même au prix de déficits croissants. C’est ce qui s’est passé depuis les années 80 en France, notamment dans le cadre de la fameuse « politique de la ville ».

    C’est pourquoi, vu de nos partenaires européens, en France c’est « en matière de réformes, on en fait trop peu et trop tard, tandis qu’en arrosage de dépenses publiques, c’est trop long et trop longtemps[6] ».

    Alors, qu’est-ce qu’une dépense publique nuisible ? Une dépense qui débouche sur d’autres dépenses mal maîtrisées, une dépense qui génère de la bureaucratie et du parasitisme, une dépense qui contribue à la déconstruction de notre nation, de notre culture et de notre identité, une dépense qui ne contribue pas à l’amélioration du bien public ni à la croissance économique et sociale.

    Ce type de dépense consomme inutilement des ressources publiques qui pourraient être utilisées à de meilleures fins ou tout simplement supprimées, en réduisant les impôts ; et il provoque au surplus des effets néfastes sur le long terme pour la communauté nationale.

    Le forum que Polémia organise à Paris le 16 novembre prochain – « 3 000 milliards de dette – Ouvrons la chasse aux dépenses nuisibles ! » – abordera justement dans le détail différents exemples de ces dépenses nuisibles à la racine de l’explosion de nos déficits et de notre dette : principalement les dépenses liées à une folle politique migratoire ou à la « politique de la ville », les aides inutilement versées à des États étrangers ou à l’UE, les coûts exorbitants de la prétendue « transition énergétique » et les inépuisables subventions versées aux médias de grand chemin ou aux associations militantes.

    Typologie de la nuisance

    Si cette liste n’a qu’un caractère illustratif et malheureusement non limitatif, elle permet cependant de comprendre ce qui provoque le caractère nuisible d’une dépense.

    Les dépenses nuisibles sont d’abord des dépenses découlant de lubies idéologiques et non pas d’un intérêt public réel.

    Les dépenses évoquées lors du forum du 16 novembre découlent ainsi de l’immigrationnisme, de l’européisme, de l’écologisme, du tiers-mondisme ou de l’atlantisme, tous ces fléaux idéologiques qui nous frappent.

    Globalement, une dépense nuisible poursuit toujours un objectif politiquement correct.

    Or, qu’est-ce que le politiquement correct ? L’idéologie qui préconise la déconstruction de notre civilisation et qui promeut un nouveau totalitarisme.

    Par conséquent, toute dépense qui va dans ce sens est par essence nuisible : comme, par exemple, financer les médias de propagande (afin de rééduquer la population), financer des associations sous prétexte de « lutter contre les discriminations » (afin d’interdire toute critique de l’immigration), prendre en charge en totalité les frais de « transition de genre » pour la Sécurité sociale (alors qu’on veut réduire la prise en charge des affections de longue durée), ou bien financer à prix d’or des consultants extérieurs (pour imposer dans les administrations les modes managériales anglo-saxonnes).

    Les dépenses nuisibles croissent toujours, quelle que soit la conjoncture économique ou budgétaire. Car l’idéologie les sanctuarise, bien que l’enjeu budgétaire soit de taille puisque, en la matière, l’unité de compte est le milliard… Pour cette raison, ces dépenses sont toujours considérées comme prioritaires, car on ne saurait s’arrêter sur le chemin progressiste. Et moins les idéologues réussissent à atteindre leurs objectifs, plus il faut continuer dans la même voie en augmentant les dépenses, les taxes et les contraintes, c’est bien connu.

    Nous en avons un exemple avec nos budgets de l’Éducation nationale, de l’Intérieur et de la Justice, en augmentation continue dans notre pays depuis des années malgré des résultats de moins en moins probants[7]. Ou avec l’aide médicale d’État, sanctuarisée par nos prétendues valeurs d’accueil et bien entendu par la pression militante de la gauche et de milliers d’associations.

    En revanche, nos gouvernants n’ont jamais hésité à réduire les moyens des services régaliens, réputés moins sensibles politiquement, comme ceux du ministère de la Défense, par exemple, devenu la variable budgétaire d’ajustement par excellence. Ou de réduire les effectifs hospitaliers même pendant la crise covidienne…

    Les effets pervers des dépenses nuisibles apparaissent toujours sur le tard : bureaucratie, non-maîtrise des coûts, réduction des libertés, chaos social.

    C’est bien pourquoi elles se développent car les politiciens capitalisent sur les seuls effets d’annonce et se moquent de l’avenir. Les effets pervers seront supportés par la population, pas par les politiciens.

    On peut ainsi présenter le soutien à des activités économiques déclinantes comme une préservation de l’emploi, mais à long terme cela a le plus souvent pour effet nuisible de les dissuader de se rénover. Ou oublier qu’une aide sociale durable contribue aussi à enfermer ses bénéficiaires dans la dépendance. De même, subventionner des associations qui « accueillent » les migrants peut passer pour un objectif humanitaire d’insertion, mais cela revient aussi à encourager la poursuite du chaos migratoire avec l’argent du contribuable.

    Mais le système politique postdémocratique n’en a cure : après lui le déluge !

    Du courage !

    Il faut donc faire preuve de vigilance dans l’analyse de la dépense publique.

    Théoriquement, ce devrait être le rôle du Parlement d’effectuer cette analyse critique ; mais on sait qu’il n’en est rien et qu’au contraire les élus de parlements dominés par la gauche, comme c’est le cas en France depuis les années 80, soutiennent toujours les projets dépensiers les plus démagogiques et les plus à court terme.

    Bref, pour faire la chasse aux nuisibles, il faut du discernement et du courage politique. Pas de chance, c’est encore ce qui manque le plus à nos dirigeants aujourd’hui.

    Alors, pour donner des idées à nos politiques, rendez-vous le 16 novembre prochain au Forum de Polémia : « 3 000 milliards de dette – Ouvrons la chasse aux dépenses nuisibles ! »

    Michel Geoffroy (Polémia, 17 octobre 2024)

     

    Notes

    [1] Pas les BRICS qui savent mettre au pas leurs oligarques…
    [2] Friedman (Milton et Rose), La Tyrannie du statu quo, J.-C. Lattès, 1984.
    [3] Robert (André-Victor), La France au bord de l’abîme – Les chiffres officiels et les comparaisons internationales, L’Artilleur, 2024, 22 euros, p. 344.
    [4] Hors intérêts de la dette.
    [5] Robert (A.-V.), op.cit., p. 131.
    [6] L’Opinion du 9 août 2024.
    [7] Il est vrai que le pouvoir macronien ne doit sa survie qu’aux forces de l’ordre.

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  • Économie : "Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas"...

    Dans cette nouvelle vidéo, Ego Non nous fait découvrir une partie de la pensée de Frédéric Bastiat, représentant de l'école libérale française et grand contempteur des "sophismes économiques"...

     

                                               

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  • A propos du 7 octobre 2023...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Bernard Pinatel, cueilli sur Geopragma et consacré à l'attaque de terreur menée le 7 octobre 2023 par le Hamas palestinien ainsi qu'à la riposte massive conduite depuis par l'état d'Israël, en s'interrogeant sur les causes de ces événements ...

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    Comprendre le 7 octobre 2023

    Un an après le 7 octobre 2023, tout et son contraire a été dit sur les causes profondes et les responsabilités qui ont conduit au massacre horrible de cette jeunesse israélienne par les terroristes du Hamas.

    L’analyste stratégique que je suis doit cependant s’efforcer de démêler et de hiérarchiser les faits et de mettre en lumière ceux qui m’apparaissent être les vrais déterminants de cette guerre qui meurtrit Israël, les territoires à ses frontières et qui peut déboucher sur une guerre régionale nucléaire.

    Deux enchainements de faits, parmi des dizaines d’autres d’importance plus secondaires, sont pour moi les facteurs déterminants du pogrom du 7 octobre, expliquent la guerre meurtrière en cours et m’amènent à considérer que la responsabilité de ce conflit est partagée ; l’aveuglement de certains dirigeants politiques israéliens et leur politique à courte vue y ont malheureusement une part.

    Le premier fait déterminant est la sous-estimation par l’Occident, en premier lieu par les Etats-Unis qui s’en sont servis, puis par les responsables politiques israéliens, du caractère radical et terroriste du Hamas, émanation de l’organisation des Frères Musulmans.

    Le but des fondateurs des Frères Musulmans, qui ont fait de la dissimulation de leurs objectifs, leur premier principe d’action stratégique[1], est double : à l’impératif religieux d’installer partout dans le monde des Etats Islamiques guidés par la Charia s’ajoute, dès l’origine du mouvement en 1933, une volonté géopolitique d’éradiquer la présence occidentale au Moyen-Orient et de s’opposer par tous les moyens à l’implantation d’un « Foyer Juif »[2] en Palestine. Cette volonté d’éradiquer Israël figure dans leur charte tandis que la complicité des « fréristes » avec le régime hitlérien durant la seconde guerre mondiale ne peut m’empêcher de penser que les actes barbares commis le 7 octobre 2023 y trouvent leur inspiration.

    Pour les Frères Musulmans, les juifs furent les premières cibles justifiant une mobilisation et un engagement face à la politique britannique d’implantation d’un foyer juif en Palestine. Cette opposition contre les britanniques et les juifs conduisent, dès le début des années 30, les leaders des frères à se rapprocher des nazis qui soutiendront financièrement l’organisation et leur propagande antibritannique et propalestinienne via un de leurs adeptes, le grand mufti de Jérusalem, Amin Al-Husayni. Sa persévérance et l’appui d’une grande personnalité musulmane locale, Hafiz Muhamed Pandza, un des leaders du clergé (Ouléma) de Bosnie, lui permirent de recruter 20 000 musulmans pour former la division SS « Handjar » en référence au cimeterre turc qui ornait son écusson. L’encadrement provenait de la division SS Prince Eugène[3]. De même dans le Caucase, durant leur avancée, les troupes nazies firent environ cinq millions de prisonniers. Hitler fut convaincu par Gerald Von Mende que beaucoup de ces minorités étaient prêtes à servir le Reich contre les Soviets. Hitler créa les « Ostlegionen » dans lesquelles près d’un million de ces prisonniers acceptèrent de servir, et parmi eux beaucoup de musulmans du Caucase qui permirent aux nazis de mettre sur pied deux autres divisions SS islamiques.

    Après-guerre, Gerhard Von Mende prit contact avec les services anglais et leur fit valoir que ses contacts dans les pays occupés par l’URSS seraient des atouts précieux dans la lutte contre les soviétiques. Avec l’aide des britanniques dont il devint un agent de renseignement, il créa à Düsseldorf le « Service de Recherche de l’Europe de l’Est » avec des anciens collaborateurs de l’Ostministerium, dont de nombreux musulmans.

    Le contrôle de la Mosquée de Munich devint vite l’objet d’une âpre bataille entre les anciens combattants islamiques du Caucase chapeautés par Mende et les Frères Musulmans, dirigés par Saïd Ramadan. La CIA semble avoir joué au début sur les deux tableaux, finançant les actions de propagande anticommuniste de Mende et aidant les Frères Musulmans qui s’opposaient à Nasser, soutenu par l’URSS avant de donner une préférence à ces derniers comme le montre la réception en 1953 par Eisenhower, dans le bureau ovale, d’une délégation des Frères Musulmans comprenant Saïd Ramadan.

    Ce dernier était le chef coordinateur d’organisations associées au Pakistan agissant pour la Ligue Islamique Mondiale ainsi qu’au sein du Jamaat-e-Islami[4]. Privé de sa nationalité par Nasser, Saïd Ramadan était arrivé en Europe en 1954 à Genève[5]. En 1958, il créait à Munich « le centre islamique » à partir duquel il constitua « une importante dynamique fédératrice qui rassembla et forma les jeunes musulmans issus des pays musulmans du Caucase et du Moyen-Orient afin de mettre en place de nombreuses « filiales » au Moyen-Orient (Jordanie, Arabie saoudite, Palestine…). »

    Ainsi, l’introduction du « frérisme » en Europe fut financé par la CIA et 70 ans plus tard il ne faut donc pas s’étonner de la montée de l’antisémitisme en Europe, diffusé par les réseaux des Frères Musulmans et leurs compagnons de route comme LFI en France et du soutien qu’y reçoit le Hamas.

    Les responsables israéliens qui ont voulu s’opposer, dès l’origine du projet, à la création d’un état palestinien ont repris à leur compte cette politique de manipulation des islamistes radicaux qui s’est retournée contre eux le 7 octobre 2023 comme l’avait été, le 11 septembre 2001[6], pour les Etats-Unis l’utilisation de l’islamisme radical contre les soviétiques.

    Le second fait déterminant se situe dans l’évolution de la société israélienne, de sa représentation parlementaire et de son gouvernement qui est désormais comme pris en otage par les mouvements religieux.

    Je date pour ma part l’accélération de cette évolution de société israélienne à l’assassinat d’Yitzhak Rabin, il y a presque trente ans. Pour moi, le jour de sa mort coïncide avec l’enterrement du projet des « deux Etats » qu’il portait avec la conviction intime du grand chef militaire qu’il était. Il estimait que c’était la seule voie de la paix durable pour son pays qu’il avait servi durant une carrière militaire exceptionnelle et que les partis religieux n’ont cessé de combattre pour des raisons liées à leur interprétation de la Torah.

    Yitzhak Rabin fut réélu Premier ministre en 1992. Cet homme exceptionnel qui, au couronnement de sa carrière militaire, fut le chef victorieux de la guerre des six jours savait que les Israéliens ne vivraient en paix que s’ils soutenaient le projet de création d’un état palestinien. Il acquit ainsi pour le monde entier un statut d’homme d’État providentiel et d’homme de Paix en signant les accords d’Oslo en 1993, facilitant ainsi la création de l’Autorité palestinienne et  cédant pour la première fois un contrôle partiel de certaines zones de la bande de Gaza et de la Cisjordanie aux Palestiniens[7]. Confiant dans l’aura que lui conférait son passé militaire, son prix Nobel et sa reconnaissance internationale, Yitzhak Rabin voulut, en 1995, franchir un pas de plus sur le chemin de la Paix et envisagea d’évacuer une petite enclave au centre d’Hébron, Tel Rumeida. Son projet fut immédiatement perçu par les extrémistes religieux comme une mise en danger des colons juifs.  31 jours avant sa mort, le 4 novembre 1995, devant son domicile, un groupe de rabbins prononça une prière appelée « pulsa denura » affublant Yitzhak Rabin du qualificatif de « rodef »[8] oubliant qu’il avait été le commandant en chef victorieux de la « guerre des six jours » qui rendit « la montagne du temple » à Israël[9].

    On ne sait pas si cette prière et ces différents édits furent les facteurs déclenchants de l’action d’Yigal Amir, l’assassin de Rabin. Ce qui est cependant sûr, c’est que lors de son interrogatoire, il déclara : « Si certains rabbins n’avaient pas prononcé ces jugements halachiques dont j’avais entendu parler considérant Rabin comme « din rodef », il m’aurait été très difficile de tuer. Un tel meurtre doit être soutenu religieusement. Si je n’avais pas eu ce soutien et si je ne représentais pas un certain nombre de personnes, je n’aurais pas agi. »[10] 

    En fait, les Israéliens séculiers, la vie et l’action politique en Israël sont désormais pris dans une tenaille qui se resserre inexorablement sur eux du fait de la démographie et dont ils ne pourront se défaire qu’à l’occasion d’une grave crise extérieure comme celle que vit actuellement Israël. Cette opinion est partagée par Tzipi Livni, ancienne ministre des Affaires étrangères qui a déclaré déjà en 2010 que « l’Etat juif avait été pris en otage par les ultra-orthodoxes »[11].

    L’une des mâchoires de cet étau est le « Goush Emounim » et les partis politiques qui supportent la colonisation de la Cisjordanie et de Gaza. Le « Goush Emounim » lie inexorablement religion et territorialité en prenant au pied de la lettre la promesse que Dieu aurait faite à Abraham de lui donner « l’Eretz Israël » (la Terre d’Israël) qui dans son interprétation maximaliste va du Nil à l’Euphrate englobant des régions de la Jordanie, de la Syrie et de l’Irak[12] . Ainsi, le mouvement de colonisation est pour ces croyants l’expression même de la volonté de Dieu.

    L’autre est composée des « haredins »[13], qui font peser une pression constante sur la société séculière israélienne pour qu’elle retourne vers une pratique religieuse plus rigoureuse.

    Cette domination des orthodoxes religieux rend incapable l’état israélien d’avancer dans la direction d’une solution pacifique du problème palestinien.

    En effet, le « Likoud » de Menahem Begin mit fin en 1977 à un demi-siècle de domination des partis de gauche ouverts à la négociation avec les palestiniens. Son programme reprit en effet les mêmes thèses et ferma la porte « de facto » à une solution négociée. Le Likoud ne cessera d’appuyer les initiatives du Goush Emounim visant à créer des dizaines et des dizaines de localités juives en Judée-Samarie et à Gaza.

    De leur côté le poids des « haredins » dans la société israélienne et à la Knesset ne fait qu’augmenter du fait de la natalité plus importante de leurs familles dont, selon le bureau central statistiques d’Israël, la croissance est de 4% par an (Actuellement ils sont 1.28 millions sur 9.45 millions pour le total de la population israélienne soit 12,5%, total qui devrait s’élever à 16% à la fin de la décade). Les hommes en âge de faire le service militaire en sont dispensé pour pratique religieuse ce que la Cour Supreme a condamné récemment.

    Enfin, la situation politique d’Israël, état démocratique, s’explique également par les particularités de son système électoral. Il s’appuie en effet sur une proportionnelle intégrale à un tour et dans une seule circonscription : Israël.

    Il permet ainsi à un parti obtenant seulement 2 % des voix d’entrer au Parlement. En conséquence, aucun parti ne peut atteindre seul les 61 sièges (sur 120) nécessaires pour gouverner et ce système confère en outre un poids disproportionné aux petits partis religieux sans lesquels aucune coalition à droite n’est possible.

    Aux dernières élections de 2022, les partis sionistes qui s’opposent à la politique des deux états ont encore progressé et disposent d’une majorité à la Knesset pour interdire toute autre voie. Ainsi Netanyahou, possède à la Knesset le soutien d’une majorité de députés (64)

    Le 7 octobre : conséquence de la sous-estimation de ces deux faits déterminants

    C’est donc, d’une part, la volonté dissimulée de l’organisation terroriste du Hamas, émanation des Frères Musulmans, d’éradiquer la présence d’Israël au Moyen-Orient appuyée par l’Iran et l’argent du Qatar conjuguée d’autre part, avec la politique d’affaiblissement de l’autorité palestinienne en favorisant le Hamas à Gaza, menée depuis 30 ans par les différents gouvernements israéliens pour discréditer la solution à « deux états » qui ont conduit au 7 octobre.

    Le chemin qui a mène à cette tragédie est long et sinueux et ce n’est pas mon propos d’en décrire tous les méandres. D’autant plus que Charles Enderlin qui vient de rééditer et de mettre à jour son livre paru en 2009 : « Le grand aveuglement : Israël et l’irrésistible ascension de l’islam radical[14]» le fait brillamment.

    Benjamin Netanyahu n’a fait que poursuivre la politique de ses prédécesseurs[15]. Il a hérité de la politique mise en place par Ariel Sharon d’évacuer Gaza sous la pression de George W Bush, d’en laisser de facto le contrôle au Hamas et de collaborer en Cisjordanie avec une autorité palestinienne affaiblie.

    Je reproduis ici les graves accusations de Charles Enderlin [16] de son avant-propos qui les explicite avec ses sources dans les derniers chapitres de son ouvrage : « Benjamin Netanyahu est devenu en quelque sorte le protecteur des chefs du Hamas interdisant _à six reprises- à l’armée et au Shabak (NDLR Shin Bet le service de renseignement intérieur israélien.) de les neutraliser… Il a autorisé le financement du Hamas par le Qatar, fermant les yeux sur les gigantesques investissements de l’organisation islamiste en Turquie[17] ».  En mars 2019 il a fini par s’en expliquer devant les députés de son parti : « Toute personne qui veut empêcher la formation d’un état palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas, le transfert de fonds au Hamas[18]. »

    En conclusion provisoire

    Au vu de cette histoire, la route vers un cessez le feu et la Paix ne peut donc venir que d’une prise de conscience par les citoyens israéliens que la poursuite « ad aeternam » de la guerre n’est pas une solution acceptable pour eux et pour l’avenir de leurs enfants. Cela passe par un retour à une majorité parlementaire qui ne soutienne plus la colonisation rampante de la Cisjordanie et veuille collaborer avec une autorité palestinienne réellement modérée.

    Les pressions extérieures désordonnées, comme celle formulée récemment par le Président Macron et les soutiens aux organisations terroristes sous des prétextes humanitaires, ne serviront qu’à faire durer ce conflit et à l’internationaliser avec le risque majeur, plus élevé qu’en Ukraine, qu’il ne débouche sur l’utilisation de l’arme nucléaire et la prolifération qui s’en suivrait au Moyen-Orient.

    Bernard Pinatel (Geopragma, 14 octobre 2024)

     

    Notes :

    [1] Histoire de l’Islam radical et de ceux qui s’en servent, Jean-Bernard Pinatel, Lavauzelle, 320 pages, 2017

    [2] Terme employé par Arthur Balfour, secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères, qui demanda à Chaim Weizmann de rédiger une mouture de texte où la Grande-Bretagne entérinerait le principe d’une « Palestine reconstituée en Foyer national »

    [3] La mission de cette unité était d’éliminer les partisans dans la région des Balkans. La division fut décorée de six croix de fer. Elle fut responsable de nombreux crimes de guerre

    [4] Robert Dreyfuss, Devil’s Game, 2006, p. 73-79

    [5] Des preuves historiques suggèrent que M. Ramadan a travaillé avec la CIA. A cette époque, l’Amérique était bloquée dans une lutte de pouvoir avec l’Union soviétique, qui soutenait Gamal Abdel Nasser en Egypte. En tant qu’ennemi de Nasser, les Frères Musulmans semblaient être de bons alliés pour les USA. Un document du service de renseignement extérieur allemand, connu par sous son acronyme BND, prétend que les USA ont aidé à persuader la Jordanie de délivrer un passeport à M. Ramadan, et que « ses dépenses seraient couvertes par le camp américain. » Des diplomates suisses ont confirmé que les USA et M. Ramadan étaient proches. Selon un rapport diplomatique de 1967 des archives fédérales suisses, « Saïd Ramadan est, entre autres, un agent informateur des Britanniques et des Américains. » Ian Johnson, « How a Mosque for Ex-Nazis Became Center of Radical Islam », The Wall Street Journal, 12.7.05

    [6]Ben Laden était aussi un Frère Musulman. Histoire de l’Islam radical et de ceux qui s’en servent, op.cit.142 à 161.

    [7] Sous son mandat, Yasser Arafat renonce officiellement au recours à la violence et reconnaît Israël dans une lettre officielle. Rabin reconnaît en retour l’OLP le 9 septembre 1993. Autre fait marquant : Rabin signe un traité de paix avec la Jordanie en 1994. Le prix Nobel de la paix est décerné en 1994 aux dirigeants politiques qui ont permis les accords d’Oslo : Yitzhak Rabin, Shimon Peres et Yasser Arafat.

    [8] Rodef est un juif sur le point de tuer un autre juif ou d’aider à son meurtre : tuer un rodef permet de sauver une vie juive. Alors que le judaïsme interdit le meurtre de juifs, « Din Rodef est le seul cas où la halacha autorise un juif à tuer un autre juif« 

    [9] Lors d’un discours remarquable qu’il prononce sur le mont Scopus, à l’Université hébraïque de Jérusalem, Rabin évoque les qualités humaines et spirituelles de Tsahal : « les parachutistes qui se sont emparés du Mur occidental se sont appuyés à ses pierres et ont pleuré. Je doute que l’on trouve beaucoup de gestes aussi symboliques dans toute l’histoire de l’humanité. Nous avons gagné le droit d’être conscients de notre supériorité sans avoir pour autant méprisé nos adversaires. Notre armée est celle d’une nation qui aime et désire ardemment la paix mais qui est aussi capable de se battre avec courage lorsque ses ennemis la forcent à le faire. »

    [10] « Brother against brother », violence and extremism in Israel politics, from Altalena to the Rabin Assassination (Free Press, 1999) p277.Professeur en sciences politiques à l’université hébraïque de Jérusalem, Ehud Sorinzak (décédé en 2002) était considéré comme l’un des meilleurs spécialistes du terrorisme

    [11] Le Figaro, mardi 9 mars 2010, page 14.

    [12] « Quand le soleil fut couché, il y eut une obscurité profonde ; et voici, ce fut une fournaise fumante, et des flammes passèrent entre les animaux partagés. En ce jour-là, l’Éternel fit alliance avec Abraham, et dit : Je donne ce pays à ta postérité, depuis le fleuve d’Égypte jusqu’au grand fleuve, au fleuve d’Euphrate. »[12]

    [13] Les « haredins » vivent en quelque sorte en marge du reste de la société israélienne. Ils vivent dans une pratique religieuse stricte, refusent de certaines formes de la « modernité » et font preuve d’une volonté de séparatisme sociale : vêtements spécifiques, quartiers spécifiques, institutions religieuses spécifiques). Les haredins, cette dénomination provient du mot harada, le mot le plus fort en hébreu pour la peur. Le haredi est celui qui est « terrifié » à l’idée de violer une des 613 mitzvot .

    Depuis des décennies, les haredins qui sont en âge de faire leur service militaire ont eu la capacité d’éviter leur enrôlement en s’inscrivant dans des yeshivot, où ils étudient la Torah, et en obtenant des dérogations d’un an leur permettant d’échapper à l’incorporation jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge légal de l’exemption. Cependant la Haute Cour considère depuis longtemps cette disposition comme illégale et avait fait savoir, au mois de mars, que l’État devait cesser de subventionner les yeshivot.

    [14] Paris, Albin Michel, 2009

    [15] Début des années 2000, les Frères Musulmans desquels le Hamas est issu ont eu l’opportunité pour la première fois de prendre le contrôle d’un territoire. Le 17 aout 2005, sous la pression des Etats-Unis, Ariel Sharon annonce sa décision d’évacuer Gaza et les sept mille cinq cents colons qui s’y trouvent et accepte que l’organisation terroriste du Hamas participe à des élections et, le 25 janvier 2006, le Hamas obtient la majorité absolue au conseil législatif palestinien.

    [16] Charles Enderlin, le grand aveuglement, Albin Michel, 2024, page 8

    [17] Dirigé par le Frère Musulman Erdogan

    [18] Publié par le Times of Israël 8 octobre 2023...

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