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Points de vue - Page 18

  • Affrontement commercial Chine – États-Unis : la guerre des OS aura bien lieu...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christopher Coonen cueilli sur Geopragma et consacré à l'affrontement entre les États-Unis et la Chine dans le domaine du numérique.

    Secrétaire général de Geopragma, Christopher Coonen a exercé des fonctions de directions dans des sociétés de niveau international appartenant au secteur du numérique. 

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    Affrontement commercial Chine – États-Unis : la guerre des OS aura bien lieu

    Depuis quelques temps, le déploiement de la 5G à l’échelle mondiale a renforcé la confrontation commerciale entre la Chine et les États-Unis par le biais de la société Huawei et d’autres prestataires, au sujet notamment du contrôle des données et des systèmes applicatifs ou OS. Ce conflit s’envenime plus encore, reflétant la déclinaison numérique de la rivalité géopolitique tous azimuts entre ces deux empires.

    Pour rappel, Huawei est un leader mondial de construction de réseaux de communication et l’un des tous premiers fournisseurs de la dernière génération de technologie de téléphonie mobile 5G en cours de déploiement à l’échelle planétaire. Grâce au débit phénoménal de la 5G et à sa puissance logarithmique par rapport aux capacités du standard actuel 4G, le plus répandu actuellement, nous assistons à une très forte accélération de la quantité de données générées, échangées et analysées au niveau mondial.

    Dans ce chapitre de ladite guerre commerciale, les enjeux de l’accès aux données et de leur traitement sont donc colossaux.

    D’une part, certains gouvernements sont inquiets de voir une puissance étrangère capter des données sensibles. Non seulement dans le cadre de l’utilisation de smartphones, mais aussi dans le contexte d’une myriade d’usages concernant les villes et engins connectés, qu’ils soient d’application civile ou militaire : les voitures autonomes, la domotique, mais aussi le ciblage de missiles seront de plus en plus dépendants de la 5G. Une opportunité certes, mais aussi une vulnérabilité si ces données et/ou leurs usages venaient à être captés et détournés par des parties adverses et tierces, soit directement sur les smartphones ou objets connectés, soit via des « portes » installées au sein des réseaux terrestres et sous-marins.

    Les États-Unis ont mis une pression maximale sur leurs propres opérateurs télécom Verizon et AT&T et sur ceux d’autres pays, afin qu’ils interdisent à Huawei leurs appels d’offre pour équiper leurs réseaux avec la technologie 5G, leur préférant les prestataires occidentaux tels que Cisco, Nokia, Alcatel ou encore Ericsson.  L’Australie, l’Allemagne, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Pologne, la République Tchèque, et le Royaume-Uni ont ainsi banni Huawei et son concurrent chinois ZTE de leurs appels d’offre … Jusqu’à faire chanter les Polonais en brandissant la menace d’annuler la construction d’une base de l’OTAN chiffrée à $2 milliards. En revanche, la Corée du sud, la Russie, la Thaïlande et la France testent la technologie Huawei et/ ou l’installent avec des caveats : la France par exemple, interdira à Huawei de géo localiser ses utilisateurs français. D’autres pays comme l’Italie et les Pays-Bas explorent toujours la possibilité d’utiliser Huawei ou ZTE versus d’autres fournisseurs occidentaux.

    D’autre part, l’autre enjeu de tout premier ordre dans le déploiement de la 5G est celui de l’intelligence artificielle. Une façon de l’illustrer est d’imaginer les méta et micro données comme le « pétrole » nourrissant cette forme d’intelligence et le « machine learning » et les algorithmes comme « l’électricité » pour obtenir le résultat final qui permet de connecter toutes sortes d’objets chez les particuliers, au sein des villes, dans les applications militaires et de proposer des services qui vont préempter les souhaits des personnes ou des institutions avant même qu’elles n’en fassent la demande.

    Puisque la puissance de la 5G augmentera de manière significative la quantité de données générées et échangées, ce pipeline sera un facilitateur et un conduit stratégique pour abreuver les algorithmes de ce « pétrole ». La quantité des données est donc absolument primordiale pour offrir un niveau inégalé dans la qualité de cette intelligence artificielle. Et la Chine, avec sa démographie cinq fois supérieure à celle des États-Unis, a d’emblée un avantage concurrentiel dans la quantité de données pouvant être captées et traitées. Plus encore si elle a accès aux données des populations d’autres nations via les applications des smartphones …

    C’est donc sans surprise que la détérioration de la relation sino-américaine s’est creusée et qu’une escalade des tensions se manifeste de plus en plus explicitement :  Google, Facebook et d’autres géants américains du Net ont annoncé qu’ils interdisaient à Huawei et aux autres acteurs chinois l’accès à leur Operating System/OS comme Androïd et à leurs applications.

    Outre l’interdiction d’accès aux données, ce sont des décisions lourdes de conséquences et de risques in fine d’ordre stratégique car elles vont pousser l’entreprise chinoise (et peut-être aussi les Russes qui sait ?), à développer leur propre OS. Huawei a d’ailleurs réactivé son OS « Hongmeng » en sommeil depuis 2012.

    Cette rétorsion américaine va donc engendrer une réaction en chaine à l’issue ultime encore imprévisible. Dans l’immédiat, c’est la complexité de gestion et les risques de confusion pour les consommateurs mais aussi les opérateurs téléphoniques et tout l’écosystème des développeurs d’applications qui vont exploser. En effet, au lieu de développer deux versions d’une même application et d’obtenir les certifications nécessaires de la part d’Apple et d’Android/Google, les développeurs devront désormais le faire à trois voire quatre reprises. Les coûts de maintenance et de mises à jour des applications vont exploser.

    Malgré tout, cette action s’inscrit logiquement dans cette « ruée vers les données » car du point de vue des États-Unis, toute démarche qui limite l’accès des données afférentes aux milliards de comptes des applications est bonne à prendre.  « Malgré eux », les acteurs chinois vont s’affranchir de la domination américaine et exercer une nouvelle forme de souveraineté technologique et économique en développant leurs propres OS.

    Il est probable que Huawei équipera de nombreux pays avec sa technologie 5G ; c’est logique par rapport à son expertise et à son poids dans le secteur et au rôle de premier plan de la Chine dans l’économie mondiale. Après tout, les États-Unis n’ont-ils pas équipé depuis les années 1920 la plupart des pays avec des ordinateurs personnels, des réseaux informatiques, des serveurs et des smartphones ? Nous sommes-nous posé les mêmes questions avec autant de discernement depuis lors sur l’accès aux données par leurs sociétés et le gouvernement américain ? Il est certain que les activités de la NSA et l’adoption des lois US « Cloud Act I et II » ont permis aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et à l’Oncle Sam d’accéder aux données de milliards d’inter- et mobi-nautes.

    L’appréciation de cette rivalité sino-américaine est sans doute le fruit de l’hypocrisie d’un empire jaloux envers la montée en puissance d’un autre, et nous ne pouvons que déplorer à nouveau l’absence de l’Europe comme acteur incontournable de ces développements technologiques et économiques majeurs. La guerre des OS aura bien lieu, et le « Vieux » continent sera en plein tir croisé.

    Christopher Coonen (Geopragma, 29 avril 2024)

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  • Plaidoyer pour une pensée créatrice...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean Montalte, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré au besoin de réhabiliter au sein de la mouvance identitaire l'utopie, l'extravagance créatrice et l'imagination conquérante.

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    Plaidoyer pour une pensée créatrice

    Il arrive souvent que, face aux utopies tantôt consternantes par leur niaiserie, tantôt effrayantes par l’intensité de la folie dont elles sont l’expression, l’honnête homme soit tenté d’opposer le bons sens, le sens des réalités ou de la mesure. Je voudrais, par le présent texte, montrer que le bon sens comme argument d’opposition ne suffit plus, qu’il s’agit de contre-attaquer en proposant une vision, une contre-utopie, pour ainsi dire, qui dépasserait la position réaliste sans la renier pour autant. Aborder les bouleversements actuels en leur opposant le bon sens, c’est finalement emprunter la posture d’un spectateur définitivement sorti du jeu, c’est s’inscrire dans l’inertie et la passivité de celui qui constate le progrès des destructions en gémissant. En effet, Wittgenstein, dans les remarques mêlées, a écrit : « Toute sagesse est froide ; et il est tout aussi impossible de redresser sa vie grâce à une sagesse, qu’il l’est de forger le fer à froid. » Et Pascal, plus lapidaire : « La raison ne saurait mettre le prix aux choses. »

    Robert Musil (1880-1942), écrivain autrichien, romancier, essayiste, comparé à Proust, Joyce et Céline, pour l’importance de son œuvre et l’altitude de son génie, auteur de L’homme sans qualités, a proposé un type d’homme pour, sinon résoudre, au moins répondre à la crise traversée par l’Europe, au seuil de la première guerre mondiale, et au-delà: l’homme du possible.

    Je cite le paragraphe quatre de L’homme sans qualités, intitulé :  « S’il y a un sens du réel, il doit y avoir aussi un sens du possible. »

    « L’homme qui en est doué, par exemple, ne dira pas : ici s’est produite, va se produire, doit se produire telle ou telle chose ; mais il imaginera : ici pourrait, devrait se produire telle ou telle chose […] Ces hommes du possible vivent, comme on dit ici, dans une trame plus fine, trame de fumée, d’imaginations, de rêveries et de subjonctifs ; quand on découvre des tendances de ce genre chez un enfant, on s’empresse de les lui faire passer, on lui dit que ces gens sont des rêveurs, des extravagants, des faibles, d’éternels mécontents qui savent tout mieux que les autres.

    Quand on veut les louer au contraire, on dit de ces fous qu’ils sont des idéalistes, mais il est clair que l’on ne définit jamais ainsi que leur variété inférieure, ceux qui ne peuvent saisir le réel ou l’évitent piteusement, ceux chez qui, par conséquent, le manque de sens du réel est une véritable déficience. Néanmoins, le possible ne comprend pas seulement les rêves des neurasthéniques, mais aussi les desseins encore en sommeil de Dieu. Un événement et une vérité possibles ne sont pas égaux à un événement et à une vérité réels moins la valeur « réalité », mais contiennent, selon leur partisans du moins, quelque chose de très divin, un feu, une envolée, une volonté de bâtir, une utopie consciente qui, loin de redouter la réalité, la traite simplement comme une tâche et une invention perpétuelles. »

    Une atmosphère de démission

    Un esprit aussi fin que celui d’un Philippe Muray verse dans un pessimisme délétère, en reprenant à son compte la théorie hegelienne de la fin de l’Histoire, attribuant à la génération du baby-boom le rôle de fossoyeur de l’Histoire, ce qui est lui faire trop d’honneur. Festivus festivus n’est finalement qu’une figure transitoire, archétype d’une société libérale-libertaire, qui a vocation à disparaître à terme. Et si la fin de l’Histoire n’était qu’une fable, de Hegel à Muray, en passant par Fukuyama, et ce, en dépit de la variété considérable des interprétations qu’on en a proposées ? Si l’Histoire semble avoir atteint un terme, c’est pour une simple et bonne raison, à savoir qu’elle est finie pour ceux qui ont renoncé à peser sur elle, en particulier dans le monde européen, délivrant par là même un permis de dominer à ses adversaires tant sur le terrain géopolitique que sur le terrain idéologique. Adversaires qui ont tout intérêt à accréditer la thèse de la fin de l’Histoire, qui ne signifie pas pour eux l’incapacité à dicter son cours, mais l’assurance qu’elle leur appartient pour toujours.

    Le slogan de mai 68 bien connu « L’imagination au pouvoir » suscite dans notre camp la dérision, et probablement à bon droit, mais ne serait-ce pas cette imagination qui fait leur force, qui leur permet d’imposer une vision qui transforme les sociétés à long terme ? Par la détestable intrusion dans la culture populaire des éléments phares du wokisme (apologie de la « diversité », déconstruction de la famille, des valeurs traditionnelles et « hétéronormées »). Plutôt que de se lamenter sur l’inauthenticité de la « société du spectacle » et l’aliénation qu’elle provoque, il faudrait proposer une contre-scénarisation. Prendre acte d’un état de faits pour ne plus le subir. Pour autant, il est clair que la question des moyens est cruciale, il serait stupide de le nier. Il n’empêche que lorsqu’on voit le zèle déployé – que dis-je le zèle, le fanatisme ! – par la gauche culturelle pour nous matraquer de leur propagande à jet continu, la détermination dans la contre-attaque devrait mobiliser toutes les ressources disponibles. Yves Citton, auteur de Mythocratie, Storytelling et imaginaire de gauche, explique qu’il est « non seulement inévitable mais souvent salutaire de se raconter des histoires et que la société du spectacle doit moins faire l’objet de lamentations que d’efforts de contre-scénarisation ». Pour Paul Ricoeur, un monde sans imaginaire serait « impraticable pour l’action ». De même qu’il y a une critique nécessaire pour miner les positions adverses, il y a une nécessité de proposer une vision organique et motrice pour mettre en branle le processus de création.

    Dans son livre, Kant et la fin de la métaphysique, Gérard Lebrun parle du kantisme comme de la « philosophie inaugurale de la modernité ». Kant a paradoxalement ouvert la voie à une pensée créatrice en distinguant l’entendement et la raison, les catégories qui s’appliquent aux phénomènes et les Idées qui n’entretiennent aucun rapport avec le monde sensible. Je dis : paradoxalement, parce que ses intentions semblaient davantage être de circonscrire nettement le domaine du véritable savoir, excluant hors de ses frontières la métaphysique. Étienne Gilson dans Le réalisme méthodique établit un moyen de distinguer un philosophe réaliste d’un philosophe idéaliste, qu’il soit cartésien, kantien ou postkantien. Le réaliste parle de connaissance tandis que l’idéaliste parle de pensée. C’est pourquoi, Kant, en distinguant fortement le domaine de l’entendement, des connaissances exactes, empiriquement vérifiables et le domaine de la raison, de la morale et du spéculatif, a ouvert un boulevard à des modes de pensée inédits. Toute la postérité immédiate de Kant a donné des fondateurs de systèmes métaphysiques, alors qu’il semblait avoir enterré cette science, ou plutôt cette pseudo-science selon lui, puisqu’elle ne répondait pas aux exigences épistémologiques qu’il avait assignées à un savoir réel et effectif dont le modèle se trouvait dans la physique de son temps, celle de Newton. Schopenhauer, Hegel, Schelling, Fichte, ont tous philosophé en métaphysiciens. Schopenhauer va jusqu’à définir l’homme comme l’« animal métaphysique ». Le récent livre de Jean-Luc Marion, La métaphysique et après, a précisément pour but d’établir qu’il y a une philosophie après la métaphysique, il est vrai en s’entant sur le tronc de la phénoménologie.

    Pour Paul Valéry, la philosophie est un faire sur le modèle poétique. Il loue Nietzsche d’avoir assumé le fait d’être un philosophe-artiste et ainsi de s’être débarrassé du complexe d’infériorité de la philosophie face aux succès concrets de la science. La politique, quant à elle, est le lieu de la contingence – régime sublunaire sur le plan ontologique –, de l’hypothèse, du risque, où s’exerce la vertu de prudence, chère à Aristote. Nous sommes dans le domaine du conjectural, nulle science exacte ne peut s’y installer en maîtresse en se prévalant de déductions ou théorèmes infaillibles.

    « Il en va toujours de même : dans l’ordre de la philosophie, on ne persuade bien qu’en suggérant des rêveries fondamentales, qu’en rendant aux pensées leurs avenues de rêves », a écrit Gaston Bachelard dans L’eau et les rêves. Nos adversaires s’imaginent toujours victorieux et nous, par un déterminisme inconscient, imposé par le thème du « sens de l’Histoire » marxiste, nous sommes accoutumés à nous voir en éternels vaincus, alors que l’Histoire nous donne raison de bien des manières. Plutôt que de devenir les moines copistes d’une civilisation défunte, embrassons avec ferveur la vision d’un avenir qui nous appartient. Avec la sagesse comme socle spirituel, la pensée artiste et créatrice comme mouvement et comme point de mire la puissance européenne retrouvée.

    Jean Montalte (Site de la revue Éléments, 16 avril 2024)

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  • Quelle langue parlons-nous en France en 2024 ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gérard Chesnel cueilli sur Geopragma et consacré à l'invasion du mal-parler... Ancien ambassadeur et agrégé d'histoire, Gérard Chesnel est membre fondateur de Geopragma.

     

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    Quelle langue parlons-nous en France en 2024 ?

    La langue nationale est une des manifestations de la puissance d’un pays. Les grands empires, comme Rome, Byzance, les Abbassides et, plus tard, l’Espagne, le Portugal, la France ou l’Angleterre, qui ont conquis de vastes territoires, ont diffusé leur langue et leur culture dans les régions dont ils avaient pris le contrôle. C’était une composante de leur pouvoir. La défense de notre langue n’est donc pas un caprice de lettrés chauvins mais une nécessité si nous voulons maintenir prestige et influence.

    La langue française a subi, au cours des dernières décennies, de nombreux assauts auxquels elle a tenté de résister, soit en créant des institutions internationales comme la Francophonie, soit en légiférant à titre national (loi Toubon du 4 août 1994). Mais l’invasion de l’anglais ne s’est qu’accentuée avec le développement de l’informatique et des jargons générés par les réseaux sociaux.  Plus désolant encore, on voit aujourd’hui se multiplier les « attaques » provenant de l’intérieur, en raison bien souvent de l’inculture ou du snobisme de beaucoup de nos compatriotes. Citons quelques exemples, qu’on peut regrouper sous certaines rubriques :

    • Les « tics » verbaux collectifs comme « du coup », qui a remplacé depuis plusieurs années « donc » et « par conséquent » ou « voilà » qui dispense certaines personnes peu inspirées de tout autre commentaire (je pense à ce sprinter, très talentueux par ailleurs, qui, interviewé après tel ou tel de ses exploits, ne trouvait rien d’autre à dire que « Voilà »).
    • Un même appauvrissement du vocabulaire est dû à l’emploi répétitif d’un mot passe-partout. Actuellement, le vocable « incroyable » désigne tout ce qui sort de l’ordinaire ou qui est inattendu. Or il existe aussi, en français courant, des mots comme « magnifique, inouï, exceptionnel, extraordinaire » ou même « génial, fabuleux, dingue », etc. etc. Mais leur emploi se raréfie dangereusement au profit d’« incroyable ».
    • Les mots prétendument élégants ou savants comme « paradigme » ou « résilience » (souvent confondue avec « résistance ») la plupart du temps mal compris ou utilisés à contresens. Dans le même ordre d’idées, certains trouvent chic de parler de leur « problématique » alors qu’ils ont tout simplement des « problèmes ». Et il vaut mieux dire aujourd’hui que ces problèmes « perdurent » plutôt qu’ils ne « durent », ce qui serait sans doute trop simple. Mais le pompon dans ce domaine est détenu par un célèbre entraîneur de football qui redoute non pas ses « adversaires » mais « l’adversité ». Je le cite : « Nous avons perdu ce match car l’adversité était trop forte ».
    • L’utilisation détournée de mots anciens comme « maraude » qui signifiait autrefois « vol, larcin » et qui maintenant a ses lettres de noblesse puisque les « maraudes » sont devenues des tournées de travailleurs humanitaires cherchant à venir en aide aux nécessiteux. Ce « maraud » de François Villon en serait bien surpris (ou amusé).
    • La redondance injustifiée comme « Au jour d’aujourd’hui ». Le mot « hui » venant du latin « hodie » qui signifie « ce jour », le mot « aujourd’hui », est déjà une redondance, mais qui est passée dans l’usage. « Au jour d’aujourd’hui » est pour sa part une double redondance. Le verbe « pouvoir » offre lui aussi de belles perspectives comme « être en mesure de pouvoir » ou « avoir la possibilité pouvoir », etc.
    •  L’anglais mal maîtrisé mérite lui aussi quelques remarques. Ainsi, on peut être « supporter » d’une équipe, la soutenir mais pas la « supporter ». Sinon, on en viendrait à dire que l’on ne supporte pas de voir perdre l’équipe que l’on supporte.
    • Le faux anglais offre quelques expressions amusantes voire ridicules comme « rester focus » (rester concentré), « checker » pour « vérifier » ou, le pire du pire, « Il y a du level » (prononcé « levelle ») pour dire que la concurrence (ou l’adversité) a un bon niveau.

    Certes toutes les langues sont soumises à ce type de problème (devrais-je dire à cette problématique ?). Le Professeur Bernard Cerquiglini, l’un de nos meilleurs linguistes, vient de publier un livre plein d’humour intitulé « La langue anglaise n’existe pas, c’est du français mal prononcé », dans lequel il cite Daniel Defoe qui, en 1708, s’insurgeait devant le remplacement du vocabulaire anglais par le français : « I cannot but think, disait l’auteur de Robinson Crusoé, that the using and introducing of foreign terms of art or foreign words into speech while our language labours under no penury or scarcity of words is an intolerable grievance ». Aujourd’hui la situation est inversée et nous voyons arriver de plus en plus de mots étrangers (en grande majorité anglais) alors que leur équivalent français existe bel et bien et est d’ailleurs généralement plus harmonieux. Pourquoi parler d’un « coach » quand nous avons les mots « entraîneur » ou « sélectionneur », pourquoi prendre un vol « low cost » (souvent prononcé d’ailleurs « low coast » !) quand existent des vols pas chers, à bas coût ? Pourquoi le « sweater » prononcé systématiquement « switer » a-t-il remplacé le bon vieux chandail et le « jogging » le survêtement. On pourrait multiplier les exemples.

    L’une des causes de ce mal-parler réside dans l’affaiblissement du niveau des journalistes de radio et de télévision. Jusqu’aux années soixante, ces média faisaient office de bible, s’agissant de la prononciation du français. Ils n’auraient jamais confondu « cote » et « côte ». A cette époque on buvait du côtes-du-rhône et non pas du cotte du ronne, et c’était bien meilleur.

    Faudrait-il que l’Académie française se saisisse du problème ? Après tout, elle n’est pas obligée de se limiter à l’écrit. Mais voilà une problématique que beaucoup ne supporteraient pas ?

    Gérard Chesnel (Geopragma, 22 avril 2024)

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  • Penser la nécessaire révolution conservatrice avec Soljenitsyne...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre Le Vigan cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré aux idées métapolitiques de Soljenitsyne.

    Philosophe et urbaniste, Pierre Le Vigan, qui vient de publier Clausewitz, père de la théorie de la guerre moderne, est également l'auteur de plusieurs essais comme Inventaire de la modernité avant liquidation (Avatar, 2007), Le Front du Cachalot (Dualpha, 2009), La banlieue contre la ville (La Barque d'Or, 2011), Nietzsche et l'Europe (Perspectives libres, 2022) et Le coma français (Perspectives libres, 2023).

     

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    Penser la nécessaire révolution conservatrice avec Soljenitsyne

    On connaît le titre d’un ouvrage de Rémi Brague : Modérément moderne. L’ouvrage ne vaut pas seulement par son titre, mais aussi par son contenu, notamment la dénonciation du « tout à l’ego », le règne de l’individualisme et du « quant à soi » (‘’tank à soi’’ dit Brague). Être modérément séduit par le paradigme moderne de la malléabilité infinie de l’homme, et du perfectionnement infini du monde, cela peut aussi se dire comme être modérément progressiste. Mais on peut le dire d’une façon moins réactive. Cela consiste à développer une critique conservatrice de la société actuelle.

    Levons une ambiguïté : cela ne consiste pas à conserver la société actuelle, auquel cas, pourquoi être critique ? Il s’agit de conserver ce qui mérite d’être conservé dans toute société, et que précisément la société actuelle détruit. « Vous ne posséderez rien et vous serez heureux », nous disent les promoteurs de la Grande Réinitialisation (great reset). C’est effectivement le projet ultra-moderne. Le projet des ultras de la modernité du libéralisme du Capital. Il s’agit de supprimer toutes les propriétés, sauf la propriété privée des moyens de production et d’échange (banque, institutions financières). C’est pourquoi  le conservatisme a désormais une tâche révolutionnaire, qui en est l’inverse. Pour sauver les libertés, et notamment les libertés de la personne, et celles d’être propriétaire, il faut mettre fin à la domination de l’économie, et à l’assujettissement aux puissances d’argent. Il faut pour cela restaurer le droit de propriété personnelle, et mettre fin à la propriété qui les détruit, à savoir la propriété privée des grands moyens de production et d’échange. Le choix n’est pas entre étatisation et propriété privée, même si l’étatisation peut être parfois préférable – à condition que l’État soit celui du peuple tout entier et connaisse une circulation des élites –, le choix est entre propriété privée et propriété collective, une nationalisation qui peut être publique sans être étatique, qui peut être une propriété communautaire, une propriété mutuelliste, une socialisation dont l’histoire montre des exemples (la Yougoslavie titiste ne fonctionnait pas si mal dans les années 60-70, le « socialisme de marché » de la Hongrie de la même époque, etc). Autant dire que la révolution conservatrice, pour conserver vraiment ce qui vaut éternellement de l’être, doit être vraiment révolutionnaire. Pour le dire autrement, modérément progressiste ne doit pas vouloir dire modérément socialiste.

    Le choc Soljenitsyne

    Mais notre propos va se situer en amont de cette nécessaire révolution conservatrice. Il s’agit de s’attacher à un tournant de la vie intellectuelle qui a été la réception de Soljenitsyne. Sa pensée et le choc de son témoignage ont fait effet peu de temps après Mai 68. Il en a dégrisé beaucoup du communisme, et de ses différentes variantes, se voulant toutes plus pures les unes que les autres, échappant à la « dégénérescence », à l’entropie. Ceci laisse bien sûr perplexe, tant de décennies après Boris Souvarine et d’autres  (tel Serge Chessin, La nuit qui vient de l’Orient, 1929). Mais beaucoup d’intellectuels de gauche sont restés en chemin, devenus anticommunistes mais restant progressistes (uniquement sociétalement), tandis que d’autres intellectuels devenaient « de droite », c’est-à-dire passaient du communisme frénétique à l’occidentalisme exacerbé, comme si l’addition de deux demi-vérités faisait une vérité. S’agissant des intellectuels sortis du communisme mais restés « de gauche » (comment ne pas mettre des guillemets à des catégories si changeantes ?), ils n’ont pas vu le danger du refus des transmissions, de la négation de notre histoire, de l’oubli de soi, de la négation du « droit des individus et des peuples à la continuité historique » (Bérénice Levet, « Soljenitsyne, penseur des limites », Figaro, 28 novembre 2018). Ces intellectuels n’ont pas remis en cause le refus des héritages, le mépris des continuités. Ils  n’ont pas estimé la valeur des attachements au patrimoine culturel et aux habitudes de sociabilité, ni vu la valeur de l’ « enracinement dynamique », comme l’ont promu Elisée Reclus, Jacques Ellul, Bernard Charbonneau, Murray Bookchin. Pire, ils ont souvent estimé que l’oubli de soi, voire la haine de soi était le meilleur moyen d’éviter les totalitarismes. Ils ont survalorisé l’adolescence et refusé l’idée que les jeunes ont besoin, comme le dit Hannah Arendt, d’être « escortés » dans leur entrée dans la vie. 

    Le contraire d’une erreur n’est pas la vérité

    La leçon de Soljenitsyne était pourtant claire. La société soviétique était fondée sur une privation de liberté (elle ne se résumait évidemment pas à cela mais comportait cet élément fondateur). Mais le contraire d’une erreur n’est pas forcément la vérité. En d’autres termes, la liberté du « monde libre » n’est pas forcément la meilleure des libertés. Elle était même une fausse liberté – une liberté privée de sens. Elle reposait sur une fausse conception de l’homme. Elle était fondée sur une idée mutilée de l’homme. Le message de Soljenitsyne (Discours de Harvard sur « le déclin du courage », 1978) mettait en cause trois tendances qui caractérisent notre Occident, et le font, au sens propre, se coucher.  L’une était notre rapport avec nous-mêmes. C’est-à-dire la question anthropologique. Nous nous refusons à nous-mêmes toute sécurité culturelle, par mépris des permanences, des continuités, des transmissions, par « présentisme » (Pierre-André Taguieff) ou « nostrocentrisme » (Hans Blumenberg), ainsi que par haine du passé.  Deuxième danger : notre rapport à notre civilisation, et aux civilisations en général. Nous croyons que notre identité est d’appartenir au « monde libre », c’est-à-dire non communiste.  (Depuis 1990-91, les choses ont en fait peu changé : nous avons remplacé le monde communiste par « l’axe du mal », les pays « autoritaires », les régimes « illibéraux », ou « populistes » ou « nationalistes » et nous sommes toujours tout aussi persuadés d’appartenir au « camp du bien »). Nous nions nos spécificités culturelles, nos racines, et celles des autres, Nous croyons tous les peuples miscibles dans une « République » conçue comme une enveloppe universelle et non comme une forme historique donnée de la trajectoire de notre peuple. Troisième péril : nous refusons de penser notre rapport à la nature autrement que sur le monde de l’instrumentalisation et de la consommation d’espaces et de ressources.   Nous oublions que nous faisons partie de la nature et que la salir et gaspiller ses richesses, c’est nous salir et nous gaspiller nous-mêmes. Ce n’est pas la planète qu’il faut sauver (elle durera plus longtemps que nous), c’est notre environnement. Voulons-nous avoir encore de la beauté à contempler et acceptons-nous de prendre notre place mais pas toute la place dans le système du vivant ? Autrement dit, appliquons-nous l’écologie à nous-mêmes en tant que partie intégrante du vivant ? Considérons-nous que notre envie de consommation doit avoir des bornes qui sont l’équilibre du vivant et le refus d’épuiser les ressources et les beautés de la planète ? « La domination du libéralisme libertaire, écrit Jean-Frédéric Poisson, désigne l’alliance de deux logiques qui plongent leurs racines dans une philosophie commune : le refus de la limite. Il s’agit d’une part de la contestation de toute forme d’autorité dans son principe et de la volonté de faire primer la liberté individuelle sur toute autre forme de considération, notamment collective et d’autre part, de la domination de la logique de marché et de consommation. » (entretien sur le site de Mayeul Jamin, etsictaitpossible.com, 15 novembre 2016).

    La fin de la loi naturelle et de la décence commune

    Plus de quarante-ans après le discours de Soljenitsyne, on ne peut que constater qu’il a dévoilé le vrai visage de notre monde.  Sa laideur ne se voyait pas encore pleinement, car ce monde était encore en partie enchâssé dans des structures mentales traditionnelles : le culte du progrès n’était pas encore déconnecté du goût du travail bien fait, l’appétit pour la liberté n’avait pas encore signifié la négation des invariants des sociétés humaines (ce que l’on pourrait appeler « la loi naturelle » – celle dont parle Pierre Manent -, ou la décence commune).  Depuis, nous avons fait du chemin. Nous avons avancé… vers l’arrière.   Nous sommes au temps des « hommes creux », comme disait Thomas Steams Eliot en 1925. Des hommes englués dans le présent, sans profondeur temporelle.

    Cet aplatissement du monde et de nos vies renvoie à la domination dans nos sociétés du droit et du marché (dont j’ai tracé la généalogie dans Le Grand Empêchement. Comment le libéralisme entrave nos peuples etdans Le Coma français). Le constat de Soljenitsyne rejoint celui que fera Jean-Claude Michéa. Quand les relations entre les individus relèvent principalement du droit, c’est que l’on ne fait plus appel aux vertus morales et sociales, à la décence ordinaire. De même, plus une société connaît l’ensauvagement, plus l’État se croit autorisé à multiplier les mesures de contrôle et de pistage de la population. Une société sans auto-régulation devient une société policière, une société de surveillance (comme l’a bien montré Guillaume Travers). La juridicisation des rapports humains aboutit à une inflation de droits et de lois. Les unes « microscopiques » concernant par exemple le « squatt dans les halls d’immeuble » : une façon de ne pas affronter le problème de l’économie de la drogue, les autres exorbitantes de toute décence, comme l’extension indéfinie du nombre de semaines de grossesse permettant d’avoir le droit d’avorter, par une mesure falsifiant l’esprit comme la lettre de la loi du 17 janvier 1975 (cf. Tribune collective, « IMG jusqu’au 9e mois pour ‘‘détresse psychosociale’’ : le danger d’un motif imprécis », Figaro, 12 août 2020).

    Omniprésence de la loi  

    Plus il y a de lois, plus une société renonce à produire des limites internes à ses dévoiements. On connaît la formule d’Albert Camus : « Un homme, ça s’empêche. » Plus l’empêchement face aux dérives de comportement relève de la loi et des pouvoirs publics, plus il déserte le cœur de l’homme. Moins on en demande à l’homme, moins il exige de lui-même, et moins il donne à la société. Une société sans autre droit que « le droit du Parti » (communiste ou nazi) est invivable. Mais une société dans laquelle le seul parti est le « Parti des ayants droits » est tout aussi invivable. « Le droit est trop froid et trop formel pour exercer sur la société une influence bénéfique. Lorsque toute la vie est pénétrée de rapports juridiques, il se crée une atmosphère de médiocrité morale qui asphyxie les meilleurs élans de l’homme », note Soljenitsyne. Le droit ne suffit donc pas. Trop de droit contribue même à ce que Cynthia Fleury a appelé « la fin du courage » (Fayard, 2010). Le courage s’exprime quand on se place au-delà du ressentiment, et au-delà des états du droit tel que l’ « état d’urgence ». Le courage est un état d’esprit, et non une procédure juridique. Le courage est une forme nécessaire du lien social qu’aucun pacte juridique ne saurait remplacer. Le courage n’est pas un devoir juridique mais un devoir éthique. Il s’agit d’être fidèle à l’idée que nous avons de nous-mêmes. « Il me semble, écrit Paul-Marie Couteaux, que l’on ne fait des choses sur la terre qu’au nom et en mémoire de ce que nous sommes (…) »  (in Qu’est-ce que la France ? dir. Alain Finkielkraut, Folio-Gallimard, 2007). Vérité profonde qu’exprime de son côté Slobodan Despot de la façon suivante : « Nous faisons plus de bien par ce que nous sommes que parce que nous faisons. » On est courageux – ou pas – pour défendre son identité, et pour survivre physiquement et moralement. D’où l’expression, en désuétude, de « défendre son honneur ». « Une société, écrit encore Soljenitsyne, qui s’est installée sur le terrain de la loi, sans vouloir aller plus haut, n’utilise que faiblement les facultés les plus élevées de l’homme. »  C’est contre cet esprit du temps (Zeitgeist) qu’il faut se dresser, tout comme l’avait fait Hannah Arendt, et des écrivains aussi inclassables que majeurs tels Montherlant, Ernst Jünger, Dominique de Roux.

    Contre la bassesse et la médiocrité

    La force de Soljenitsyne est qu’il n’a jamais réduit le mal au communisme. Le mal n’est pas seulement la cruauté, ou la barbarie, mais est aussi la bassesse et la médiocrité (« En prison pour médiocrité », dit Montherlant). Le mal est ainsi une question qui se pose dans toutes les sociétés.   «  (…) la ligne de partage entre le bien et le mal passe par le cœur de chaque homme […] Au fil de la vie, cette ligne se déplace à l’intérieur du cœur, tantôt repoussée par la joie du mal, tantôt faisant place à l’éclosion du bien. », dit Soljenitsyne dans L’Archipel du Goulag. Il en est de même pour la ligne de partage entre le haut et le bas. Ce qui veut dire qu’il n’est pas nécessaire d’être chrétien pour avoir à entendre ce que nous dit Soljenitsyne (mais être chrétien n’interdit nullement de le comprendre, voire en donne peut-être une compréhension plus immédiate). En effet, l’homme est-il faillible, est-il susceptible d’être aspiré vers le bas, vers le médiocre uniquement parce qu’il est une créature, inférieure par définition à son créateur ? C’est la vision chrétienne. Tout dépend de ce que l’on appelle créature. On peut très bien considérer que l’homme est une création de la matière, est de la matière complexifiée, un stade supérieur de l’évolution du vivant, et que du reste, le vivant, le cosmos, la matière sont incréés. Le rapport entre créature et créateur est donc sans objet. Dans ce cas, quand on a cette vision du monde, cela ne veut pas dire que l’on pense que l’homme puisse tout se permettre. Cela ne veut surtout pas dire que l’homme n’ait pas à distinguer entre le haut et le bas. Et l’enjeu est d’autant plus fort qu’il se situe en dehors de toute théologie. L’homme doit choisir à partir de lui-même, sans se référer à une instance extérieure. Il n’y a pas de transcendance extérieure à l’homme.  C’est à l’homme de construire sa propre échelle de valeur. C’est précisément dans une vision non désiste du monde, d’un monde auto-créé (ou incréé), que se ressent le mieux la fragilité du vivant, la fragilité de sa beauté, et la responsabilité de l’homme, en tant qu’il est « poussière d’étoile », issu, au sens propre, de la matière  première du monde. L’homme a des devoirs vis-à-vis du monde en tant qu’être de sensation et d’intelligence, à la pointe du vivant. Et donc berger de l’être (Heidegger, Lettre sur l’humanisme, 1947). Berger et médiateur entre la terre et le ciel, entre les mortels et les dieux (les « dieux » n’existent évidemment pas, mais sont les allégories du sacré qui existe dans le monde tel que les hommes le mettent en perspective tant qu’ils sont des hommes. Pour le dire autrement, quand l’homme ne produira plus de sacré, il aura cessé d’être un  homme, hypothèse que l’on ne peut nullement exclure. Dés lors, quand l’homme est mort, tout est permis).

    C’est précisément parce que nous faisons partie du cosmos  que nous sommes en devoir de tracer des limites, et de nous tracer des limites. « Tout est possible », pensent les Modernes, et, au premier rang d’entre eux, ceux qui croient avoir découvert une vérité universelle : l’existence d’une race supérieure, d’un peuple élu, ou d’une idée rédemptrice comme le communisme. « Tout ce qui est possible n’est pas souhaitable », pensent au contraire les antimodernes. Si le possible nous abaisse, il faut lui tourner le dos. Plus d’accumulation pour plus d’uniformisation, ce n’est pas le bon chemin. Il faut préserver notre environnement – rien d’autre que le cosmos – de nos appétits de toujours plus de croissance. Athéna n’était pas seulement une déesse de la guerre. Elle était aussi une déesse des limites dans la guerre : ni pillage ni massacres gratuits. Refus de l’hubris. « Celui qui reconnaît consciemment ses limites est le plus proche de la perfection », dit Goethe.

    Pierre Le Vigan (Site de la revue Éléments, 19 avril 2024)

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  • Rachida Dati : la grande imposture en route vers 2027 ?...

    Personne n'avait vu arriver arriver Emmanuel Macron avant 2016. Il n'est donc pas interdit d'imaginer un candidat surprise pour l'élection présidentielle de 2027, promu par le système et ses nombreux relais médiatiques  pour empêcher une victoire désormais possible du camp populiste. Dans ce texte cueilli sur Polémia, Jean-Yves Le Gallou évoque l'hypothèse, crédible, d'une mise sur orbite de Rachida Dati. 

     

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    Rachida Dati : la grande imposture en route vers 2027 ?

    L’arrivée de Rachida Dati dans le gouvernement Attal a été survendue. Ce n’est ni une femme de droite, ni une réussite de la « méritocratie républicaine ». C’est un produit « people » issu de la « diversité ».

    Promotion à la faveur et non par la méritocratie républicaine

    Elle a été nommée magistrate sans passer de concours et doit toute sa carrière à l’intrigue et à la faveur. Elle s’est toujours montrée inapte à maitriser le moindre dossier que ce soit comme conseiller ministériel, comme ministre ou comme député européen.

    Rachida Dati, sûrement pas « une femme de droite »

    Ministre de la justice de 2007 à 2009 son principal bilan est d’avoir réformé la carte judiciaire ce qui n’a rien changé d’essentiel au fonctionnement laxiste de la justice. Elle s’est intéressée à quelques coups médiatiques – comme la création d’un contrôleur des lieux de liberté – mais non au fond qu’elle n’a jamais maitrisé et qui a été alors repris en main par le secrétariat général de l’Elysée. Maire du VIIe arrondissement de Paris où ont eu lieu beaucoup de manifestations de La manif pour tous, elle s’est bien gardée d’y participer et s’est ralliée à la loi Taubira.

    Un symptôme de la peopolisation de la politique

    Rachida Dati est « people ». Elle est « cash ». Elle est « bankable », plus que bien des actrices, dans les médias, où elle fait de l’audience et dans la presse « people » qu’elle nourrit de ragots. Elle dévoile aussi sa vie privée. Entre ses revendications d’indemnités pour la paternité de sa fille Zohra auprès d’un casinotier milliardaire.  Ou l’évocation de harcèlements scolaires dont la même Zohra aurait été victime pour obtenir de Brigitte Macron la scolarisation de sa fille à Franklin. Le tout raconté dans Voici.

    Rachida Dati et la cape d’immunité de la « diversité »

    Mal à l’aise sur les dossiers de fond qu’elle ne connait pas faute de travail, Dati utilise la cape d’immunité de la « diversité » quand elle est mise en difficulté. Dans leur excellent livre Belle ami, les journalistes Michaël Darmon et Yves Derai ont bien décrypté son manège : « son tempérament tient lieu de compétence, son origine de viatique » […] « elle refuse qu’on la désigne comme une beurette, adjurant les commentateurs de ne tenir compte que de ses résultats professionnels [mais]elle dénonce des relents de xénophobie et les procès en illégitimité dès que son bilan est mis en cause ». Elle a été sélectionnée par le Club Le siècle comme icône de la diversité et a cofondé le club XXI e siècle d’autopromotion de la « diversité » et instrument du Grand Remplacement des élites.

    Super lobbyste

    Rachida Dati par ses fréquentations comme par sa stratégie a toujours été proche de grands intérêts privés et de puissances étrangères. Directrice juridique du Conseil général des Hauts de Seine en 2006 elle a fait valser l’anse du panier et fourni de nombreux marchés publics aux grands cabinets d’avocats. Devenue avocate elle-même elle entretient de nombreux liens d’affaires qui lui valent une mise en examen dans l’affaire Renault/Ghosn pour 900 000 euros d’honoraires imparfaitement justifiés. Ses éloges dithyrambiques du roi Mohamed VI dans L’écho du Sahara et ses liens avec le Maroc posent question. Tous comme ses relations avec le Qatar ou l’Azerbaïdjan.

    Un produit si parfait…

    Dati est divine ! Pour les naïfs qui croient au conte de fées, c’est la petite fille méritante qui s’est hissée à la force du poignet malgré le « racisme systémique ». Pour les gogos : c’est une politique énergique, courageuse et de droite ! Pour l’oligarchie elle est doublement parfaite : elle dépend des médias et des lobbys. Sous ses (faux) air d’indépendance elle est bien tenue. Derrière une insolence de façade, une soumission certaine.

    L’intrigante Rachida a déjà son plan de route : la mairie de Paris en 2026, l’Élysée en 2027. « Elle sera présidente de la République » avait prophétisé Nicolas Sarkozy. Le scénario est crédible. Conforme à la loi tragique de la Ve République selon laquelle le président n+ 1 est pire que le président n.

    Jean-Yves Le Gallou (Polémia, 17 avril 2024)

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  • L'avenir de l'Occident et ses menaces...

    Dans cette nouvelle vidéo, Ego Non nous fait découvrir un ouvrage d'Oswald Spengler moins connu que Le déclin de l'Occident, intitulé Années décisives, qui vient d'être réédité par les éditions de La Nouvelle Librairie.

     

                                                  

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