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Points de vue - Page 14

  • La grande peur des clercs bien-pensants...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Idiocratie consacré à une tribune de juristes bien-pensants appelants à faire barrage au RN, comme il se doit...

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    La grande peur des clercs bien-pensants

    Visiblement indignés, rebutés, effrayés certainement, enhardis parfois, par la perspective d’une victoire électorale du Rassemblement National aux législatives du 30 juin 2024, plusieurs centaines d’« enseignants-chercheurs en droit » ont commis ces jours-ci une magnifique tribune, véritable condensé de politiquement correct, chef-d’œuvre de démonstration de bonne volonté qui vaudrait – nous l’espérons – un zéro pointé à tout dissertant en sciences politiques, en théorie de l’État ou même en philosophie du droit – tribune reproduite en fin d’article.

    C’est qu’on en frétille, on s’en gargarise avec un air grave de circonstances, de pouvoir draper son activisme de technicien de l’ordre juridique dans de belles considérations morales. On rajuste ses bésicles, on prend son air mi-sévère, mi-débonnaire de demi-sachant, et on lève l’index pour commenter doctement les commentaires du commentaire de l’agitation d’épouvantails politiciens.

    Cela nous change un peu d’aller trifouiller de la loi, du décret, des circulaires, de la norme, des recommandations, des rapports, de la décision, du jugement à n’en plus finir. On vibre, le pouls s’accélère, la poitrine se gonfle, il est temps de monter sur l’estrade, de revêtir l’habit d’officier de l’avant-garde éclairée.

    L’ennemi est désigné. Il ne devrait pas y avoir d’ennemi, comprenez, mais enfin l’ennemi est là tout de même, et c’est – coïncidence – précisément celui qui veut qu’il y en ait, des ennemis. Schmitt ressurgit (il y a toujours un autre qui est ennemi), l’essentiel est de lui donner raison tout en fondant ses prises de positions sur la prétention inverse. 

    Nous n’avons guère de sympathie pour le techno-populisme turbo-souverainiste sauce « french dream » du RN. Un intérêt d’ethnologue amateur et amusé, à la rigueur, et une forme de solidarité humaniste (oui, oui !) avec ceux qui croient encore pouvoir faire changer quelque chose, et qui nous sont rendus d’autant plus touchant que leur élan les distingue irrémédiablement de toute l’autorité et la fatuité recuites de ceux qui récitent un catéchisme devenu gnose mortifère.

    C’est que tout y passe dans cette tribune, ou presque, une bonne page (souvent la même, d’ailleurs) du catalogue des « libertés publiques », dont la remise en cause serait immédiatement corrélées (on n’ose dire « attribuées », tant la démonstration scientifique brille par son absence) à des faits arbitrairement relatés et généralisés.

    Mais tout de même, osons demander : la démocratie ne serait-elle donc pas la démocratie ? Ne peut-on plus, a minima, interroger la légitimité de la prophétie auto-réalisatrice de l’État de droit, de ses normes, de ses institutions ? De l’adéquation de leurs formes et de leurs contenus actuels aux aspirations majoritairement et récemment exprimées par l’universalité des citoyens français ? La « démocratie continue » est-elle à ce point sclérosée ?

    De quoi ont-ils peur, tous ces fieffés clercs de l’État de droit ? Que le Parlement, bicaméral, corseté par le parlementarisme rationalisé et la Constitution normative, se remette à effectuer un ou deux choix politiques ? Nos représentants élus ne sont-ils pas précisément là pour en débattre ?

    Faut-il donc qu’ils soient demeurés et inaptes, ces citoyens et électeurs pour qu’on ait tant besoin de leur tenir la main, de leur rappeler qu’en dehors d’un libéralisme hémiplégique du dernier homme, il n’y a rien qui vaille. Faut-il considérer que le gouvernement représentatif est devenu sans objet ? Sans sujet, sans contenu même ?

    Conjuguant à merveille le statisme à l’étatisme, ces apôtres du meilleur des présents nous expliquent donc (nous « décodons ») :

    - que la représentation nationale est devenue sans objet (« vouloir pour la nation »), puisque que sa réalisation est devenue inéluctable, automatique : l’État de droit est là, et il ne pourra que progresser vers sa propre perfection, vers un stade total, à savoir toujours plus de droits « à », pour toujours plus d’ayants-droits ;

    - que la représentation nationale est devenu sans sujet, puisque la force morale des préceptes constitutifs de cette doxa de l’État de droit et des libertés publiques fait des électeurs des êtres cybernétiques, dont la conscience comme la responsabilité (laquelle ? devant qui ?) ne peuvent conduire qu’à un certain nombre de choix, préprogrammés ;

    - que la représentation nationale, enfin, est désormais sans contenu propre, puisqu’elle ne peut qu’entériner le droit, les droits, le choix de société, dictés par les « valeurs » auxquelles il est fait référence, et qui les rendraient donc digne d’estime. Seule compte qu’elle fasse œuvre de « justice », qu’elle répète, toujours mieux, toujours plus et dans tous les domaines, les principes de l’État de droit, et surtout ceux que les enseignants-chercheurs en droit (sont-ils donc, ex officio, des représentants voire des constituants ?) estiment être les plus importants.

    Comprenne qui pourra : le droit, les droits, sont « des choix de société », des valeurs qui pourraient ne plus en être (si elles n’étaient plus « choisies » par la « société » ?) mais qui ne peuvent que le demeurer, au nom du fait qu’elles … existent ? Sont sanctionnées en droit ?

    En réalité, il y là un cas topique d’étalage sans vergogne d’épistocratie spéculaire (écrire « démocratie » n’aurait à ce stade plus aucun sens) : l’argumentation est insaisissable, le propos se dérobe, seul le miroir reste, et le reflet fugace de normativisme qu’il paraît nous renvoyer. La « société » désirée n’est pas présente, elle est montrée – instituée – mais de façon cléricale : elle n’accède à l’existence en tant que collectivité politique, ce qui est toujours une opération abstraite en soi, que grâce à l’enseignement de ses « représentants » de fait, qui lui donnent à voir ce qu’elle est et sera, ce qu’elle doit être et rester, et ce qu’elle ne peut pas être. Qu’on ne s’y trompe pas : l’existence même de leur cléricat est légitimée par la figure active (j’ergote donc je suis) de la « société » qu’ils produisent (l’État de droit, « le tas de droit »), et non pas par son mode de fonctionnement politique intrinsèque (le parlementarisme) ou l’origine de celui-ci (le gouvernement représentatif).

    Mais quel courage, quelle prise de risque ! Les revoilà les traîtres de clercs, qui s’érigent cette fois-ci, comme toutes les autres, en parangons de la « démocratie » cordicole. C’est qu’ils l’ont, eux, le monopole du cœur : comprenez, ils sont titulaires, fieffés pour ainsi dire. Une ligne après le patronyme suffit à témoigner de leur belle et bonne volonté, de leur expérience viscérale de l’inéluctabilité, pour ainsi dire historique et anthropologique, de la perpétuation des valeurs présentées (ne sont-il pas, pourtant, que juristes ?). Le Léviathan, la Gorgone, tournent tout seuls, mais remettons un peu d’huile, sait-on jamais ?

    Auraient-ils oublié que la « démocratie », même libérale, même présidentialisée, et même à l’âge de la donnée, des cabinets de conseil, et du numérique ubiquitaire, c’est avant tout l’organisation procédurale de l’incertitude, l’admission du faillibilisme du politique ? Adoptée au terme d’une confrontation organisée de points de vue, d’une démarche dialectique – donc rationnelle – de production du droit, la loi, produit d’une délibération qui est l’expression « de la diversité et de l'incertitude de nos opinions » se fait « le registre toujours plus fidèle de nos doutes » (P. Manent).

    Sont-ils à ce point gonflés d’orgueil pour oublier qu’une fois leur fonction professorale épuisée (enseigner les origines, le fonctionnement, les accomplissements, de notre système politique, idéalement avec une forme d’autonomie de la pensée savante), les apprenants en ayant bénéficié ne sont plus tenus de les écouter qu’en tant que simples citoyens comme les autres, voire plus tenus de les écouter du tout ?

    Des Idiots (Idiocratie, 1er juillet 2024)

     

     

     

    Tribune des enseignants-chercheurs en droit, 27 juin 2024

    Nous, enseignants-chercheurs en droit, attachés à l’État de droit et aux libertés publiques, sommes inquiets.

    Qu’enseignerons-nous à nos étudiants demain ?

    Que la devise de la France est « Liberté, Égalité, Fraternité » ? Ou que la fraternité s’arrête aux portes de l’hôpital où l’étranger doit présenter ses papiers avant d’être soigné ?

    Que la loi est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ? Ou que l’on peut être plus ou moins Français, à l’instar des binationaux exclus de certains emplois publics ?

    Qu’il existe une liberté d’expression et d’information en France ? Ou qu’une telle liberté existait autrefois, jusqu’à ce que le pluralisme disparaisse emporté par la privatisation des médias publics ?

    Que la justice est indépendante et garante des libertés ? Ou qu’elle n’est qu’un automate qui applique des peines planchers et présume que la violence des forces de l’ordre est en toute occasion légitime ?

    État de droit, égalité, libertés publiques, justice : toutes ces valeurs sont attaquées par le programme du Rassemblement national qui prône la fin de l’aide médicale d’Etat, la préférence nationale et l’hégémonie du droit du sang, la vente de l’audiovisuel public, les peines planchers et la présomption de légitime défense des forces de l’ordre.

    Deux modèles de société s’opposent, deux visions du droit et des droits. Nous sommes inquiets, mais ce qui sera enseigné demain dans nos amphithéâtres et nos salles de cours, c’est ce que les électeurs auront décidé le 30 juin et le 7 juillet prochain. Le choix appartient à chacune et chacun de ceux qui sont appelés à voter.

    Prenons toutes et tous la mesure des conséquences de notre vote.

    Nous, enseignants-chercheurs en droit, demandons aux citoyens de se rendre massivement aux urnes et de voter en conscience et en responsabilité.

    Source

    https://docs.google.com/documentd/1POAAgzBlDd_YmJnZVRvnK7nrleunq2Ie2cSg25YTAco/edit

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  • Les modifications de frontières par la force : une question de morale ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun cueilli sur Geopragma et consacré au "principe" de l'intangibilité des frontières. Membre fondateur de Geopragma, Pierre de Lauzun a fait carrière dans la banque et la finance.

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    Les modifications de frontières par la force: une question de morale ?

    Un des enjeux de la guerre russo-ukrainienne est évidemment la question des frontières. Au lendemain de l’offensive russe en Ukraine, le Conseil européen a d’ailleurs fait part de son indignation :  « l’usage de la force pour changer les frontières n’a pas sa place au XXIe siècle ». Que peut-on en penser ?

    Nous passerons sur le progressisme naïf à la base de cette formulation, laissant entendre que l’humanité irait sans cesse vers un plus haut niveau d’exigence morale et un comportement plus vertueux ou plus humain. On pouvait peut-être raconter cela en 1890. Mais les innombrables barbaries du siècle qui a suivi devraient semble-t-il avoir balayé une telle naïveté.

    En revanche, il peut être légitime de vouloir poser le principe d’un respect des frontières existantes, qui ne seraient pas modifiables sauf accord mutuel, et cela au nom de la paix. Changer les frontières est en effet une des motivations les plus fortes des guerres, et en amont, des conflits au sens large. Cela dit, l’exemple même de la guerre russo-ukrainienne montre que même sur cette base, on ne ferait nullement disparaître la possibilité de guerres. En l’espèce, au départ, la Russie a mis en avant des motivations d’un autre type pour son invasion : la menace pour sa sécurité que représenterait le passage de l’Ukraine dans le camp occidental, le caractère supposé "nazi" du régime de Kiev, ou le traitement des russophones. Elle ne parlait pas d’annexion avant, et cela n’est venu qu’après.

    Mais il reste que poser le principe de l’inviolabilité des frontières fait peser sur l’agresseur la menace d’une réprobation large et d’un statut juridique flou et désavantageux. Cela joue donc sans doute un rôle utile, y compris dans des zones comme l’Afrique où la plupart des frontières sont très artificielles.

    Cela dit, l’examen des précédents depuis 1945 montre que même s’il a servi de règle de base, le principe a connu une existence souvent chaotique. On a pu régulièrement s’assoir dessus, et même justifier son exact contraire, parfois par de grands arguments moralisants.

    La dissolution des empires

    Le changement de souveraineté le plus massif et le plus évident a été l’explosion des empires coloniaux, qui étaient après tout des réalités juridiques reconnues (avec parfois intégration dans la métropole comme en Algérie), et leurs frontières aussi. Dans ce processus, la violence a souvent joué un rôle important, parfois décisif, au moins comme menace contre le colonisateur (guerres dites de libération).

    On a alors tenté de maintenir le principe du respect des frontières héritées de la dislocation de ces empires, et cela a en général plutôt fonctionné jusqu’ici, même si elles étaient et restent artificielles. Cela dit, la violence est régulièrement intervenue ici ou là pour les redéfinir : pour imposer une partition (Empire des Indes, puis Pakistan et Bengladesh, Soudan), ou au contraire pour l’empêcher (réunification du Vietnam), ou encore pour annexer un territoire (Rio de Oro, Nouvelle-Guinée occidentale). En Somalie, successivement on a rassemblé deux colonies, puis elles se sont séparées.

    Dans un autre cas, celui des empires communistes, soviétique et yougoslave, le principe n’a pas empêché la terrible guerre qui a déchiré une Bosnie Herzégovine artificielle, avec son issue bancale. Et surtout on a joyeusement promu l’indépendance du Kosovo, pourtant partie intégrante de la Serbie. Certes, en ex-URSS, la reprise des frontières intra-soviétiques s’était faite dans l’ensemble sans guerre. Mais c’était sur des bases assez friables, notamment au vu des importantes minorités notamment russophones, comme la guerre en cours le rappelle (après le précédent en Ossétie et Abkhazie).

    Un principe qui reste imparfait

    Par ailleurs la mise en œuvre du principe peut aboutir à des résultats embarrassants. Prenons le cas de Taiwan, reconnue comme partie intégrante de la Chine par la plupart des Etats. Le respect des frontières reconnues, compris littéralement, va ici manifestement dans le sens de Pékin. Ce qui choque. Et donc on cherche à moduler le principe. Mais on ne peut prendre une position contraire que de deux manières, qui posent toutes deux problème.

    Soit en considérant qu’une frontière même contestable au départ devient légitime avec le temps, ce qu’en pratique on fait assez largement, et c’est après tout en général prudent. Mais aller dans ce sens donne une prime à la modification de fait d’une frontière, si celui qui l’opère arrive à la tenir assez longtemps : d’où naguère le nettoyage ethnique dans le nord de Chypre. Sauf obstacle militaire, le Venezuela pourra dès lors s’emparer de l’Essequibo et le peupler de Vénézuéliens : à la longue, cela passera.

    Soit en se calant sur des procédures d’autodétermination ; et de fait il y aurait bien des motifs pour modifier des frontières qui ici ou là sont contraires à la réalité des populations. Mais si on retient ce critère, on risque justement de conduire à des remises en causes nombreuses des frontières existantes par toutes sortes de séparatistes, ou d’intervenant extérieur, du plus souple au plus violent.

    Ceci met en lumière une autre limite du principe, qui est qu’en un sens il repose, dans une majorité de cas, sur une tautologie : si en effet on est d’accord sur l’endroit où se situe la frontière, de façon générale elle n’est pas remise en cause, et le principe n’apporte rien. Il ne sert finalement que pour tenter de geler les situations contestées, mais existant de fait. Or en soi il n’y a pas de raison de choisir toujours le statu quo, et moralement cela peut même être choquant. En outre, par un paradoxe apparent, la fétichisation des frontières peut parfois conduire à ce que soient menées des opérations révoltantes afin d’aligner les populations sur les frontières, comme les épurations ethniques à Chypre, en Yougoslavie, et encore récemment au Haut Karabakh.

    Que dire enfin des frontières maritimes, là où il n’y a pas de critère de population et où les droits historiques sont bien plus flous ? Où est la juste frontière en Mer de Chine méridionale, que la Chine occupe pour l’essentiel à l’indignation des autres riverains ? Et que vaudront les autres droits historiques, actuellement respectés, lorsque les enjeux deviendront réellement importants, soit en termes de sécurité ou de contrôle des routes maritimes, soit au vu des richesses sous-marines ?  La France a peut-être ici quelques soucis à se faire…

    En conclusion, ce "principe" a rendu de réels services ici ou là. C’est un moyen de calmer le jeu. Comme on l’a dit, ce n’est pas à mépriser. Mais à condition de ne pas le voir comme le grand principe moral qu’on tend à en faire ; c’est simplement une règle pratique, pragmatique, permettant de maintenir la paix dans bien des cas. Ni plus, ni moins.

    Pierre de Lauzun (Geopragma , 1er juillet 2024)

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  • Peut-on dissocier l'identité civique de l'identité ethnique ?...

    Peut-on vraiment dissocier l’identité civique de l’identité ethnique ? En d’autres termes, l’appartenance à une nation doit-elle être comprise en termes de valeurs partagées et de loyauté ou en termes de naissance et d’hérédité ? Telles sont les questions qu'aborde Ego Non dans cette nouvelle vidéo.

     

                                              

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  • Élections : la guerre des mondes...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean Montalte, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à la fracture béante qui traverse le peule français et que les résultats des élections ont désormais mise en pleine lumière...

     

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    Élections : la guerre des mondes

    C’est étrange tout ce qui gît au fond d’un esprit, ces vestiges d’une vie intérieure étouffée. On a beau remuer, atteindre le fond, on ne parvient qu’à sabouler des entités résiduelles, des scories, d’étriqués souvenirs, des images mal montées, en somme un film amateur tourné avec les moyens du bord. Il n’est pas dit que vivre à la surface de soi-même soit une fatalité. Et pourtant, tout le monde est pris au piège. Plus personne ne vit. Les zombies sont légion, armée de démons anti-dopés au salariat, à l’administration, aux bons de réduction, aux réseaux sociaux, au lithium portatif et protubérant et, cerise sur le gâteau, au théâtre antifasciste, enfin à tous ces expédients inventés par l’homme pour se désolidariser de sa propre vie, pour se délester de cette tâche écrasante : être au monde.

    Vous en avez de bonnes, me direz-vous, être au monde est une formule de philosophe éculée, lessivée, essorée. Nous avons inventé, depuis lors, tant de mondes alternatifs, tant de carburants psychiques pour schizophrènes, qu’être au monde ne peut plus se faire qu’à la condition de se démultiplier sans cesse, de fragmenter son esprit en autant de particules infimes.

    David Lapoujade, dans son livre L’Altération des mondes, consacré à Philip K. Dick, produit une exégèse de cet exégète de soi-même, de ce paranoïaque superbe, de ce génie schizoïde, et établit ceci : l’œuvre de Dick met en scène une guerre des mondes, une guerre des psychismes d’une intensité inouïe dans la littérature. « La SF pense par mondes. Créer des mondes nouveaux, avec des lois physiques, des conditions de vie, des formes vivantes, des organisations politiques différentes, créer des mondes parallèles et inventer des passages entre eux, multiplier les mondes, telle est l’activité essentielle de la SF. Guerre des mondes, meilleur ou pire des mondes, fins du monde sont les thèmes récurrents. […] Dick répond bien à l’impératif SF de créer des mondes, mais ses mondes ont en effet la particularité de s’effondrer très vite, comme s’ils n’avaient pas suffisamment d’assise pour tenir debout par eux-mêmes ou comme s’ils manquaient de réalité. Ses mondes sont instables, susceptibles d’être altérés, renversés à la faveur d’un événement qui en perce et en dissipe la réalité. »

    Don Delillo a cette formule impeccable, dans son roman Zéro K : « Tout le monde veut posséder la fin du monde. » Vous, moi, Macron, tout le monde aspire à la dissolution, à s’en rendre maître plus encore. En attendant la fin du monde – les buccinateurs de la scène finale sont dans l’attente fiévreuse du signal –, nous assistons, pour le moment, à une guerre des mondes et, en effet, à une guerre des psychismes. D’un bord à l’autre de l’échiquier politique, des Français sont devenus des extra-terrestres pour d’autres Français. La France est aujourd’hui divisée entre entité-mondes étrangères et hostiles, autant qu’on peut l’être. Je note, en passant, un paradoxe savoureux : la victoire du RN aux élections européennes, parti qui refuse le clivage gauche-droite, a ressuscité ce clivage en l’exacerbant. Et la haine hystérique qui se nourrit de ce clivage – clivage dont je ne discute pas le bien-fondé ici – n’a jamais été aussi forte.

    Ce que beaucoup de Français désirent, c’est qu’on leur rende ce monde commun qui était le leur avant l’ensauvagement, la brutalité des mœurs importées d’autres continents géographiques, ethniques et spirituels. Qu’on leur rende cette douceur de vivre longtemps associée à ce pays de cocagne. Qu’ils puissent se rendre à une fête de village, en famille, pour jouir des bons moments de la vie, sans avoir à craindre la visite d’individus nuisibles et carnassiers, dont le seul ressort psychique est la violence. Qu’on cesse d’excuser les pourritures qui les agressent, avec la complicité d’une extrême gauche, cette autre entité-monde, imperméable à la réalité et à la morale, tout simplement. Les abrutis qui nous rejouent la comédie de l’antifascisme feignent d’ignorer cette réalité : les Français n’ont aucune envie de restaurer un quelconque fascisme, ils veulent juste vivre en paix et ne plus être martyrisés. En quoi devraient-ils culpabiliser pour avoir formulé un souhait auquel tout le monde devrait se rallier ? Les Français refusent la spoliation systématique de leur être-au-monde et c’est la raison pour laquelle l’anti-France – dénomination désormais revendiquée par les nervis les plus excités de l’extrême gauche – se bat, non pas contre le fascisme mais contre les Français et leur être-au-monde. Raison pour laquelle ils ont vandalisé le local d’une association catholique dans le secteur d’Ainay à Lyon, lors d’une manifestation prétendument antifasciste. Ils s’attaquent, au fond, à une anthropologie, une culture, une spiritualité, qui leur sont étrangères. La haine est de leur côté et personne ne s’y trompe ou presque. S’ils déploient autant de violence, ne serait-ce pas pour cette raison : comme dans les romans de Philip K. Dick, leur monde factice est en train de s’effondrer ? C’est une hypothèse que je soumets à ces zombies d’une époque révolue.

    Dantec : « Je voudrais dire aux bouffons et aux bouffonnes : votre monde, il est déjà mort. » L’auteur des Racines du mal a écrit dans son Journal métaphysique et polémique : « Nous vivons sur les ruines du futur. » C’est sur les ruines de leur idéologie anti-France que nous élèverons notre glorieux avenir.

    Jean Montalte (Site de la revue Éléments, 19 juin 2024)

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  • Nouveau Front populaire : anatomie d’un monstre...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Camille Galic, cueilli sur le site de Polémia et consacré au Nouveau Front populaire qui s'est constitué pour faire face au "péril fasciste" qui rappelle, bien entendu, les heures les plus sombres de notre histoire...

     

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    Nouveau Front populaire : anatomie d’un monstre

    Néo-Front populaire contre contre front national

    De Lille à Papeete le 14 juin, et à l’appel d’une partie de la presse (les journalistes de BFMTV s’étaient même mis en grève pour participer aux réjouissances), des élus de gauche et de tous les représentants des « forces laborieuses », de SUD-Rail au Syndicat de la magistrature regroupant hélas 32 % des magistrats, on a compté 265 000 manifestants selon le ministre de l’Intérieur et même 630 000 selon la CGT familière des grands chiffres.

    Motif de ces rassemblements qui en annoncent sans doute bien d’autres d’ici au 7 juillet : faire barrage au « péril fasciste » et surtout remettre dans le droit chemin, fût-ce contre son gré, le peuple souverain, qui s’est égaré lors des élections européennes en donnant la préférence à la liste Bardella. Incompréhensible, et scandaleux, aux yeux des démocrates patentés.

     Il était d’autant plus vital d’agir que, simultanément, une rafale de sondages créditait le « rassemblement des Droites » composé du RN renforcé par soixante-dix élus Les Rpublicains ayant suivi leur président Eric Ciotti d’un nombre record d’intentions de votes au premier tour des législatives : avec un électorat sûr de son vote à 87 %, le RN pourrait en effet obtenir 235 à 265 sièges, contre 89 actuellement avec 29,5 % selon le Cluster 17 du Point, 34 % pour l’institut Opinion Way et même 35% pour l’IFOP, résultat selon Le Journal du dimanche des « deux coups politiques réussis en à peine une semaine : récupérer Marion Maréchal en écrasant Éric Zemmour et faire exploser les Républicains avec le ralliement d’Éric Ciotti ».

    Face à ce déferlement, qui devra toutefois être vérifié dans les urnes le 6 juin, le parti présidentiel et ses alliés du Modem et d’Horizons jouent les utilités avec au mieux 19%, loin devant Les Républicains tendance Bertrand-Larcher-Wauquiez, réduits à 9%, mais loin derrière le Nouveau Front populaire (NFP) crédité au maximum par les sondeurs de 28,5% des intentions de vote. Mais qu’est donc ce conglomérat concocté à la va-vite après la victoire de Jordan Bardella aux élections européennes et la dissolution par Macron de l’Assemblée nationale qui s’ensuivit?

    Le choix de la référence au Front populaire constitué en 1936 par le socialiste Léon Blum peut sembler curieux puisque Jean-Luc Mélenchon, qui se sent « capable » d’être Premier ministre, affirme lui-même que quand le vénérable Blum arriva au pouvoir, « il n’avait pas le niveau qu’ont aujourd’hui Manuel Bompard et Mathilde Panot », deux des députés les plus frénétiques de La France Insoumise.

    Glucksmann cocufié

    D’autre part, nombre de sénateurs et de députés membres de cette coalition devaient quatre ans plus tard voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Ce souvenir ne gêne-t-il pas Raphaël Glucksmann qui, tête de liste de Place publique/PS, faisait figure le 9 juin au soir de vainqueur à gauche du scrutin européen avec 13,83 %, à peine moins que la candidate macronise Valérie Hayer, quand LFI devait se contenter de 9,89 % des suffrages, Europe Écologie les Verts de 5,50% et le PC de 2,36 %?

    Mais la Roche tarpéienne est proche du Capitole et, star des plateaux télés pendant quelques dizaines de minutes, Glucksmann devait s’effacer sitôt après l’annonce de la dissolution. Avec Manon Aubry et François Ruffin appelant aussitôt à l’union sacrée contre l’« extrême droite », La France Insoumise reprenait la main et c’est autour d’elle que s’édifiait le nouveau rempart contre « la petite bête qui monte, qui monte » jusqu’au sommet, comme prophétisait Jean-Marie Le Pen.

    Cela n’est pas allé sans réticences. Présidente de l’Occitanie mais ayant des visées sur la mairie de Toulouse et, dit-on, l’Élysée, Carole Delga renâclait ainsi que d’autres hiérarques socialistes ou EELV tel leur ancien patron Yannick Jadot. Mais, quelques heures après sa rédaction, la pétition unitaire lancée par François Ruffin recueillait plusieurs centaines de milliers de signatures, et 350 « personnalités » suivaient le mouvement en publiant dans Le Monde une tribune dont les premières signataires étaient Esther Duflo, prix Nobel d’économie, et Annie Ernaux, prix Nobel de littérature. Du beau linge. Car il fallait mettre la pression en prévision des législatives souverainement fixées par Emmanuel Macron aux 30 juin et 7 juillet, la campagne électorale la plus courte dans l’histoire de la Vème République. Devant l’urgence de faire front contre le Rassemblement national et son nouvel allié Eric Ciotti, président de Les Républicains — destitué par ses pairs mais reconduit dans ses fonctions par la Justice qu’il avait saisie —, tout était rapidement bouclé.

    Le 11 juin, Delga cédait et, le 14 juin, Glucksmann qui avait le 11 repoussé les conditions imposées par La France Insoumise, se résignait à les accepter. Au grand désarroi de ses électeurs modérés, mais l’essentiel était que l’on pouvait produire une séduisante photo de famille. D’ailleurs uniformément blanche, ce qui est surprenant de la part d’une gauche qui a pour mots d’ordre inclusion et diversité.

    Un programme commun pour les Français ou pour les immigrés ?

    Regroupant finalement autour des pères fouettards LFI les écologistes, le PS, le PC, Place Publique, la Gauche républicaine et jusqu’au Nouveau Parti anticapitaliste (issu de la Ligue communiste révolutionnaire d’Alain Krivine), aux ultras basques de Euskal Herria Bai, aux indépendantistes polynésiens d’Oscar Tomaru ou aux Maghrébins de Génération.s, ce rassemblement de bric et de broc a fini par s’accorder sur un programme commun attrape-tout assorti d’un « contrat de législature » et surtout à se distribuer les rôles afin de présenter avant la date fatidique du 16 juin pour le dépôt des candidatures un candidat dans les 577 circonscriptions de France et d’Outre-mer— dont 229 pour les mélenchonistes qui se sont taillé la part du lion.

    Comme on pouvait s’y attendre, figurent dans ce programme commun des mesures financières extravagantes ou démagogiques comme la généralisation du « remboursement du sport sur ordonnance » et d’autres carrément inquiétantes. Ainsi de la promesse de donner à la justice encore plus de « moyens pour poursuivre et sanctionner les auteurs de propos ou actes racistes, islamophobes et antisémites » (pas un mot évidemment sur les actes antichrétiens, de loin les plus fréquents) ou du « remplacement de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale (IGPN) par un nouvel organisme indépendant rattaché au Défenseur des droits » — autorité administrative créée en 2008 par un certain Sarkozy et disposant de prérogatives particulières en matière de promotion des droits de l’enfant, de lutte contre les discriminations, du respect de la déontologie des des activités de sécurité et d’orientation et de la protection des lanceurs d’alerte. Sauf ceux d’« extrême droite », bien sûr, traqués et condamnés avec la plus extrême sévérité— voir le site Asla.fr qui organise la « résistance judiciaire » pour défendre les nationaux.

    L’actuel Défenseur des droits (concept imaginé par… Gracchus Babeuf !) est la journaliste Claire Hédon, ancienne présidente d’ADT Quart Monde, en pointe justement contre les contrôles d’identité « au faciès » ou les « violences policières » ; elle s’était d’ailleurs déchaînée après l’«exécution» du délinquant récidiviste Nahel Merzouk, le « petit ange » dont la mort consécutive à un refus d’obtempérer fut le prétexte des émeutes de juin 2023 avec leurs cortèges d’incendies et de destructions aveugles d’écoles ou de médiathèques flambant neuf — coût : plus de 900 millions d’euros.

    Naturellement, le programme et le contrat de législature du NFP abordent longuement la question des immigrés. Ils prévoient ainsi la régularisation des « travailleurs, étudiants, parents d’enfants scolarisés », la « création d’un statut de “déplacé climatique” », l’instauration d’une « voie légale et sécurisée d’immigration » avec « mise en place d’une agence de sauvetage en mer et sur terre » et un « accès garanti à l’Aide médicale d’État » qui nous coûte déjà 1,2 milliard par an.

    À combien la note s’élèverait-elle si la Marine nationale recevait l’ordre d’amener à bon port (français) toutes les cargaisons exotiques acheminées par les passeurs et s’il nous fallait-il accueillir tous les réfugiés climatiques ?

    Les Insoumis sont-ils d’extrême gauche ? Un simple “ressenti”

    Mais que le bon peuple se rassure et que les milieux financiers s’apaisent : il est erroné de considérer La France Insoumise comme d’extrême gauche. C’est du moins le quotidien gratuit 20 minutes (qui a renoncé à sa version papier mais reste très actif sur « la Toile » où il affiche ses partis-pris sociétaux, en faveur des immigrés et des LGBT notamment) qui l’assurait le 16 juin, dans un entretien avec Aurélien Dubuisson. Pour ce chercheur associé au Centre d’histoire de Sciences po, LFI est « un mouvement réformiste qui ne vise pas une rupture nette avec le capitalisme mais désire plutôt, au moins dans un premier temps, l’adoption de mesures limitant les effets des formes débridées du libéralisme économique actuel ». C’est donc « une erreur » que de le cataloguer à l’extrême gauche alors que les fondateurs, dirigeants et militants du Rassemblement national, eux, « inscrivent indubitablement l’histoire de ce parti dans la filiation de l’extrême droite française ». «Erreur notamment provoquée par la droitisation de l’échiquier politique ces dernières années ».

    En somme, si vous vous méfiez de LFI, c’est seulement du « ressenti », comme pour la météo ! Même si Mélenchon a tenu absolument à investir à Lyon le voyou Raphaël Arnault, porte-parole du mouvement antifa La Jeune Garde, tabasseur de jeunes royalistes dont l’un fut sérieusement blessé puis agresseur d’Alice Cordier, présidente du groupe d’action identitaire et alterféministe Némésis — et dont les interventions furent très appréciées en février dernier lors de notre cérémonie des « Bobards d’or ». Ces exploits n’avaient d’ailleurs pas empêché le camarade Arnault d’être invité le 3 avril dernier à l’Assemblée nationale pour débattre de « la lutte contre le terrorisme d’extrême droite », en dépit des protestations de divers élus de droite… tel Éric Ciotti.

    Rififi à LFI

    Et si vous n’êtes pas convaincu, vous pouvez toujours vous consoler avec l’espoir de l’implosion — moins grave toutefois que celle qu’a connue Reconquête — de ce parti après l’exclusion de cinq de ses députés sortants, les « mutins » Danielle Simonnet, dont Sophia Chikirou, la muse de Mélenchon — qui l’avait fait élire en 2022 député de Paris, s’est réjoui publiquement d’avoir « enfin eu la peau », Hendrik Davi et Frédéric Mathieu ainsi que les époux Alexis Corbière et Raquel Garrido — la Franco-Chilienne devant céder sa circonscription, où elle se maintient, de Seine-Saint-Denis au bénéfice du Franco-Gambien Aly Diouara. Pendant la campagne des élections européennes, ce fonctionnaire de la mairie de Drancy s’était pourtant distingué par des tweets vengeurs contre « le candidat sioniste de la droite libérale de gôche » Raphaël Glucksmann ; lequel, apparemment sonné, n’a pas moufté devant ce choix délibérément insultant à son égard (2). Pas de réactions non plus du côté du revenant François Hollande qui, investi dans son ancien fief de Tulle sous l’égide du NFP, rêve de revenir à l’Assemblée et, « pourquoi pas ? », selon ses termes, de décrocher Matignon pour se venger du « traître » Macron… dont lui-même avait fait un fleuron de son quinquennat et favorisé le vedettariat.

    Macron : moi ET le chaos

    Nul n’ignore cependant que les « forces de gauche » savent mieux que celles de droite préserver leurs intérêts et donc leur unité. Si hétéroclite, bancal — et profondément amoral — soit-il, nous ne serons donc pas de sitôt débarrassés du Nouveau Front populaire qui, s’il parvenait par malheur à ses fins, ruinerait notre nation, voire l’annihilerait dans son essence même.

    Mais à qui la faute ? La dissolution ne fut pas une foucade de « l’enfant roi » trônant à l’Élysée mais une stratégie longuement méditée. C’est lui-même qui l’a reconnu — et avec quel cynisme en un tel lieu ! — le 10 juin dernier, lors de la solennelle commémoration de la tragédie d’Oradour-sur-Glane. Interrogé sur les difficultés de la situation, il répondit en effet en s’esclaffant : « Mais pas du tout ! Je prépare ça depuis des semaines, et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils s’en sortent ! »cité par Le Monde, qui n’a pas été démenti.

    Immaturité, perversité, malheur au pays dont le prince est un enfant. Mais la culpabilité doit aussi être partagé par tous ceux, politiques ou journalistes, syndicalistes ou grands patrons, obédiences maçonniques et dignitaires religieux qui, agitant l’épouvantail Le Pen, avaient concouru en 2022 à la reconduction de ce psychopathe se prenant pour un démiurge. De même d’ailleurs que les électeurs « raisonnables » qui, redoutant la peste mariniste, avaient opté pour le choléra morbus macronien. Espérons qu’ils ne referont pas en juillet cette erreur diabolique.

    Camille Galic (Polémia, 17 juin 2024)

     

    Note :

    (1) Hostile au contraire à « une extrême gauche qui est sous l’emprise de La France Insoumise avec des relents antisémites et un violent antisionisme », Serge Klarsfeld a déclaré le 15 juin sur LCI : « En cas de duel avec la gauche lors des législatives, je voterai pour le Rassemblement national. » Pour savourer ce virage, se souvenir que le fondateur du lobby Fils et filles de déportés juifs de France fut à l’origine de maints procès contre des journaux, en particulier Rivarol pour une interview de Jean-Marie Le Pen accusé par Arno Klarsfeld de « négationnisme ».

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  • Quête de l’Infini et inquiétude européenne...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean Montalte, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à la tentation faustienne de l'Europe...

     

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    Quête de l’Infini et inquiétude européenne

    Anaxagore, au Ve siècle avant notre ère, a résolu en ces termes, et par avance, le principe de raison suffisante, énoncé par Leibniz (pourquoi y a-t-il de l’être plutôt que rien ?) : « Quel est le but qui vaudrait que l’on choisît de naître plutôt que de ne pas exister ? Spéculer sur le ciel et sur l’ordre du cosmos entier. » Être ou ne pas être, interrogeait Shakespeare. Anaxagore répond : être, pour contempler les astres, les étoiles, la voûte céleste, et s’en repaître comme d’un breuvage aussi succulent qu’intarissable. « Les esprits dignes de contempler les choses profondes conçoivent pour l’illimité une confiance sans limite », lui rétorque Goethe par-dessus les siècles, puisque l’univers s’est ouvert aux dimensions de l’Infini, révolution scientifique dont Alexandre Koyré avait tiré les conséquences dans un ouvrage de synthèse fameux.

    J’ai la passion des chimères. Mon vœu le plus cher serait de vivre dans un château vaste comme le monde, à l’instar des Gormenghast. J’ai l’appétit cosmique propre à ma race. Inquiétude métaphysique, soif de dépassement, voilà les traits constitutifs de tout Européen bien né. Cette quête de l’ailleurs, je tente parfois d’en dompter la démesure, tant elle peut briser l’âme qui s’y livre sans retenue. Je me paie alors une cure de banalité. J’essaie de trouver dans la proximité des choses et des êtres la poésie invisible qui y est recelée, comme l’œuf de la colombe mystique dans sa coquille cernée de boue, en attente du troisième règne selon Joachim de Flore, celui du Saint-Esprit. Voyez l’ampleur de mes divagations… Chesterton, alors, se présente comme un antidote salvateur : « C’est une chose de raconter une entrevue avec une gorgone ou un griffon, une créature qui n’existe pas. C’en est une autre de découvrir que le rhinocéros existe bel et bien et de se réjouir de constater qu’il a l’air d’un animal qui n’existerait pas. » Si je peux me passer de ces créatures sorties de l’imaginaire européen, il m’est sans doute plus difficile de ne pas jeter un regard théorique sur l’Univers, de temps à autre, pour éprouver ce vertige du cosmos qui a le don de conjurer les forces entropiques menaçant mon cerveau du ratatinage.

    La pulsion faustienne

    David Engels, dans son dernier livre Défendre l’Europe civilisationnelle, sous-titré Petit traité d’hespérialisme (Salvator, 2024), qualifie l’esprit européen de faustien, dans la lignée de Spengler. Tantôt, ce trait idiosyncrasique se traduit dans une soif spirituelle portée vers la transcendance divine, tantôt cette même quête de dépassement s’abîme dans le règne du matérialisme, de la marchandise, de la croissance illimitée et de la technique. Selon David Engels, parmi toutes les explications qui tentent de rendre compte du déclin des grandes civilisations, la raison profonde qui mérite de retenir notre attention est la suivante : l’abandon graduel de la transcendance pour la matière.

    David Engels écrit : « Pour moi, l’Europe proprement dite commence après la fin des grandes migrations avec la restitution impériale de Charlemagne, avec la recréation de l’Église chrétienne en Occident, avec ce grand projet de restitution impériale. C’est cela le véritable début d’une Europe que je définis dans son identité profonde surtout de manière psychologique. Pour moi, le mot-clef, c’est ce que l’on appelle la “pulsion faustienne”, c’est-à-dire cette volonté typiquement européenne de vouloir être en quête : en quête de quelque chose qui est derrière l’horizon ; en quête de quelque chose qu’on ne peut jamais vraiment atteindre ; en quête d’une transcendance, d’une vérité qui est juste derrière l’horizon. Et donc la quête d’une envergure assez monumentale, démesurée, je crois que la démesure, en bien comme en mal, est quelque chose d’assez typiquement européen. (…) La splendeur intérieure de la cathédrale gothique et la démesure inhumaine du gratte-ciel sont tous les deux des expressions d’un même archétype typiquement européen. » Jean-François Mattéi constatait, dans une veine similaire, que « l’Europe ne se comprend elle-même que dans un mouvement qui l’emporte irrésistiblement au-delà d’elle-même ». Mais ce mouvement, sur le modèle du périple odysséen n’exclut pas un retour à l’Île d’origine.

    Cette articulation de la dimension spirituelle ou psychologique et de la dimension technicienne a le mérite de rappeler à une droite prométhéenne, dont je mesure les qualités au demeurant, que, sans un horizon de sens, nous sommes voués à nous enliser toujours plus profondément dans le nihilisme, nihilisme dont les dommages ne peuvent être résorbés par les prouesses techniques, aussi indispensables fussent-elles pour développer notre puissance sur la scène internationale.

    Au Purgatoire ?

    L’erreur symétrique de l’antimoderne ou de l’archéo-primitiviste n’est pas moins nocive pour autant. Certes, la science et ses dérives ne doivent être passées sous silence, encore moins les folies prométhéennes dont l’Européen doit en grande partie son déclin. Jean-François Mattéi écrit dans Le Sens de la démesure : « Le vingtième siècle aura été le siècle de la démesure. Aucune époque ne saurait lui être comparée, aussi loin que notre mémoire remonte. Démesure de la politique, tout d’abord, avec deux guerres mondiales et des conflits régionaux permanents, des déportations et des tortures de masse, des camps de la mort déclinés en allemand et en russe, et, pour culminer dans l’horreur, deux bombes atomiques larguées sur des populations civiles. Démesure de l’homme, ensuite, puisque tous ces crimes ont été commis en son nom, qu’il soit nazi, communiste ou démocrate, ou plutôt au nom d’idéologies abstraites qui, pour mieux sauver l’humanité, ont sacrifié sans remords les hommes réels. Démesure du monde, enfin, avec une science prométhéenne qui a voulu percer les secrets de l’univers, une technique déchaînée qui a cherché à asservir la nature, et une économie mondialisée, sous le double visage du capitalisme et du socialisme, dont les flux incessants d’échanges ont privilégié le prix des choses au détriment de la dignité des hommes. Telle est la démesure revendiquée du progrès, nouveau Moloch auquel il fallait à tout prix sacrifier. » Il semble qu’après la lecture de ces lignes, la messe soit dite. Et pourtant, se rallier aux thèses technophobes, en émules de Theodore Kaczynski – je cite ce nom parce qu’il n’est pas si rare de le voir pris comme exemple –, ce serait signer l’arrêt de mort de l’Europe puissance.

    Une tentation anarcho-primitiviste, qui lorgnerait sur une barbarie originelle telle qu’elle fut fantasmée par un Robert E. Howard, par exemple, l’auteur de Conan le Barbare serait une catastrophe pour l’homme européen et diminuerait d’autant ses forces, tant intellectuelles que matérielles. Ce serait réduire l’homme européen hautement civilisé à l’ombre de lui-même, tout comme « les consécutions des bêtes ne sont que l’ombre d’un raisonnement », pour citer Leibniz.

    Dans un entretien donné à Paris en 1997, un journaliste qui demande à Maurice G. Dantec si, devant la révolution numérique et internet, il serait du côté des utopistes un peu naïfs ou des catastrophistes anti-techno. « Il y a ceux qui y voient l’enfer et ceux qui y voient le paradis, où vous situez-vous ? » Maurice G. Dantec répond : « Au purgatoire. »

    Mesure des Grecs, démesure de l’Europe

    Au fond, l’erreur de l’antimoderne c’est d’avaliser l’équation de la philosophie des Lumières, qui consiste à établir une fausse corrélation entre progrès moral et progrès scientifique et technique. Croyant à cette corrélation et par rejet, répulsion, il récuse tout aussi bien les progrès techniques bien réels et ce qui tient lieu de progrès moraux, dans lesquels ils voient, souvent à juste titre, un pur camouflage de la décadence égalitariste. Contre cette équation, à rebours de cette identification, nous devrions repenser à nouveau frais la question de la technique sans lui associer tout le baratin progressiste qui l’a escortée jusqu’ici.

    L’infini est parfois une notion qui a mauvaise presse, dans nos parages. Dominique Venner fustigeait la « métaphysique de l’illimité », ce qui n’est, certes, pas tout à fait la même chose. Maurras, plus sévère, dans sa préface du Chemin de Paradis de mai 1894, adressée à Frédéric Amouretti, écrit : « Il n’est point contestable qu’il existe sous le nom de pensée moderne un amas de doctrines si corrompues que leur odeur dégoûte presque de penser. […] J’ai surtout horreur ces derniers allemands. L’Infini ! Rien que ces sons absurdes et ces formes honteuses devraient induire à rétablir la belle notion du fini. Elle est bien la seule sensée. Quel Grec l’a dit ? La divinité est un nombre ; tout est nombré et terminé. » Et Boutang, de commenter dans son monumental Maurras, la destinée et l’œuvre : « En vain criait-il contre l’infini à l’allemande, le mauvais infini. L’infini l’habitait, lui jouerait des tours jusqu’à la fin – et la prière de la fin – (Maurras, mal rassasié, lui disait Mistral) calembour métaphysique qui répond à celui d’Eschyle sur son héros, Ulysse, Ulysse éponyme des douleurs. »

    Et, pour finir, évoquons cette grande plume de la littérature française, Paul Claudel, qui dans sa Poétique, compose un poème en prose métaphysique, dans la lignée de Poe avec Eurêka, en congédiant la notion d’infini de sa cosmologie. Retour à l’antique, en somme, où l’infini devient synonyme d’indéfini, voire pire, de démesure. Ainsi, le premier à avoir tenté de penser l’être dans sa dimension métaphysique et cosmologique, Parménide d’Élée, concevait l’Être comme une sphère finie, « une balle ronde ». L’univers, en s’étendant sans limites, commettrait finalement une faute morale, au regard de la philosophie héritée des Grecs.

    Cette distinction entre l’esprit grec et l’esprit européen, qui se développe sur le même axe que l’opposition entre le fini et l’infini, la limite et l’illimité, Albert Camus en donne un résumé saisissant dans son texte L’Exil d’Hélène : « La pensée grecque s’est toujours retranchée sur l’idée de limite. […] Notre Europe, au contraire, lancée à la conquête de la totalité, est fille de la démesure. »

    Des crises et des révolutions

    Nietzsche, dans L’Antéchrist, qualifie l’aboutissement du nihilisme européen de bouddhisme européen, une sorte de quiétisme aspirant à l’ataraxie, au nirvana. La société prospère et pépère des Trente Glorieuses, le plein emploi, le consumérisme, l’abandon de l’Algérie française et de l’Armée, dernier bastion des valeurs chevaleresques et aristocratiques, a bien failli accoucher de cette société en état de léthargie heureuse. Et il n’est pas rare de constater la présence d’un petit Bouddha en porcelaine dans le salon de monsieur Tout-le-monde. Tout indique, à rebours de ces espérances amniotiques, le retour du tragique dans l’Histoire, le retour des peuples européens, saisis par une inquiétude, une angoisse proprement existentielle.

    Pour conclure, je me permets cette longue citation – il n’y a pas un mot à retrancher – de Jean-François Mattéi, qui écrit dans Le Regard vide : « Je considère l’Europe, cette figure unique de l’inquiétude dans le courant des civilisations, comme une âme à jamais insatisfaite dans la quête de son héritage et le besoin de dépassement. En dépit des renaissances, son rythme naturel est celui des crises et des révolutions, qu’elles soient religieuses, avec l’instauration du christianisme dans le monde romain, politiques, avec l’invention de l’État moderne, sociales, avec l’avènement de la démocratie, économiques, avec la domination du capitalisme, mais aussi philosophiques, avec la découverte de la rationalité, scientifiques, avec le règne de l’objectivité, techniques, avec la maîtrise de l’énergie, artistiques, avec le primat de la représentation, et finalement humaines, avec l’universalisation de la subjectivité. Ces ruptures qui forment la trame continue de son histoire, ces créations et ces destructions qui stérilisent son passé et fertilisent son avenir, ces conquêtes de soi et ces renoncements qui sont l’envers de l’oubli et de la domination de la nature, tous ces facteurs indissolublement liés ont contribué à faire de la crise, et donc de la critique, le principe moteur de l’Europe. On comprend que le choc de la Première Guerre mondiale, en rappelant à l’Europe le destin de mort des civilisations, lui ait enlevé l’espoir de ses vieilles certitudes et laissé le regret de ses anciens parapets. »

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