Dans cette nouvelle vidéo, Ego Non nous fait découvrir une partie de la pensée de Frédéric Bastiat, représentant de l'école libérale française et grand contempteur des "sophismes économiques"...
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Dans cette nouvelle vidéo, Ego Non nous fait découvrir une partie de la pensée de Frédéric Bastiat, représentant de l'école libérale française et grand contempteur des "sophismes économiques"...
Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Bernard Pinatel, cueilli sur Geopragma et consacré à l'attaque de terreur menée le 7 octobre 2023 par le Hamas palestinien ainsi qu'à la riposte massive conduite depuis par l'état d'Israël, en s'interrogeant sur les causes de ces événements ...
Comprendre le 7 octobre 2023
Un an après le 7 octobre 2023, tout et son contraire a été dit sur les causes profondes et les responsabilités qui ont conduit au massacre horrible de cette jeunesse israélienne par les terroristes du Hamas.
L’analyste stratégique que je suis doit cependant s’efforcer de démêler et de hiérarchiser les faits et de mettre en lumière ceux qui m’apparaissent être les vrais déterminants de cette guerre qui meurtrit Israël, les territoires à ses frontières et qui peut déboucher sur une guerre régionale nucléaire.
Deux enchainements de faits, parmi des dizaines d’autres d’importance plus secondaires, sont pour moi les facteurs déterminants du pogrom du 7 octobre, expliquent la guerre meurtrière en cours et m’amènent à considérer que la responsabilité de ce conflit est partagée ; l’aveuglement de certains dirigeants politiques israéliens et leur politique à courte vue y ont malheureusement une part.
Le premier fait déterminant est la sous-estimation par l’Occident, en premier lieu par les Etats-Unis qui s’en sont servis, puis par les responsables politiques israéliens, du caractère radical et terroriste du Hamas, émanation de l’organisation des Frères Musulmans.
Le but des fondateurs des Frères Musulmans, qui ont fait de la dissimulation de leurs objectifs, leur premier principe d’action stratégique[1], est double : à l’impératif religieux d’installer partout dans le monde des Etats Islamiques guidés par la Charia s’ajoute, dès l’origine du mouvement en 1933, une volonté géopolitique d’éradiquer la présence occidentale au Moyen-Orient et de s’opposer par tous les moyens à l’implantation d’un « Foyer Juif »[2] en Palestine. Cette volonté d’éradiquer Israël figure dans leur charte tandis que la complicité des « fréristes » avec le régime hitlérien durant la seconde guerre mondiale ne peut m’empêcher de penser que les actes barbares commis le 7 octobre 2023 y trouvent leur inspiration.
Pour les Frères Musulmans, les juifs furent les premières cibles justifiant une mobilisation et un engagement face à la politique britannique d’implantation d’un foyer juif en Palestine. Cette opposition contre les britanniques et les juifs conduisent, dès le début des années 30, les leaders des frères à se rapprocher des nazis qui soutiendront financièrement l’organisation et leur propagande antibritannique et propalestinienne via un de leurs adeptes, le grand mufti de Jérusalem, Amin Al-Husayni. Sa persévérance et l’appui d’une grande personnalité musulmane locale, Hafiz Muhamed Pandza, un des leaders du clergé (Ouléma) de Bosnie, lui permirent de recruter 20 000 musulmans pour former la division SS « Handjar » en référence au cimeterre turc qui ornait son écusson. L’encadrement provenait de la division SS Prince Eugène[3]. De même dans le Caucase, durant leur avancée, les troupes nazies firent environ cinq millions de prisonniers. Hitler fut convaincu par Gerald Von Mende que beaucoup de ces minorités étaient prêtes à servir le Reich contre les Soviets. Hitler créa les « Ostlegionen » dans lesquelles près d’un million de ces prisonniers acceptèrent de servir, et parmi eux beaucoup de musulmans du Caucase qui permirent aux nazis de mettre sur pied deux autres divisions SS islamiques.
Après-guerre, Gerhard Von Mende prit contact avec les services anglais et leur fit valoir que ses contacts dans les pays occupés par l’URSS seraient des atouts précieux dans la lutte contre les soviétiques. Avec l’aide des britanniques dont il devint un agent de renseignement, il créa à Düsseldorf le « Service de Recherche de l’Europe de l’Est » avec des anciens collaborateurs de l’Ostministerium, dont de nombreux musulmans.
Le contrôle de la Mosquée de Munich devint vite l’objet d’une âpre bataille entre les anciens combattants islamiques du Caucase chapeautés par Mende et les Frères Musulmans, dirigés par Saïd Ramadan. La CIA semble avoir joué au début sur les deux tableaux, finançant les actions de propagande anticommuniste de Mende et aidant les Frères Musulmans qui s’opposaient à Nasser, soutenu par l’URSS avant de donner une préférence à ces derniers comme le montre la réception en 1953 par Eisenhower, dans le bureau ovale, d’une délégation des Frères Musulmans comprenant Saïd Ramadan.
Ce dernier était le chef coordinateur d’organisations associées au Pakistan agissant pour la Ligue Islamique Mondiale ainsi qu’au sein du Jamaat-e-Islami[4]. Privé de sa nationalité par Nasser, Saïd Ramadan était arrivé en Europe en 1954 à Genève[5]. En 1958, il créait à Munich « le centre islamique » à partir duquel il constitua « une importante dynamique fédératrice qui rassembla et forma les jeunes musulmans issus des pays musulmans du Caucase et du Moyen-Orient afin de mettre en place de nombreuses « filiales » au Moyen-Orient (Jordanie, Arabie saoudite, Palestine…). »
Ainsi, l’introduction du « frérisme » en Europe fut financé par la CIA et 70 ans plus tard il ne faut donc pas s’étonner de la montée de l’antisémitisme en Europe, diffusé par les réseaux des Frères Musulmans et leurs compagnons de route comme LFI en France et du soutien qu’y reçoit le Hamas.
Les responsables israéliens qui ont voulu s’opposer, dès l’origine du projet, à la création d’un état palestinien ont repris à leur compte cette politique de manipulation des islamistes radicaux qui s’est retournée contre eux le 7 octobre 2023 comme l’avait été, le 11 septembre 2001[6], pour les Etats-Unis l’utilisation de l’islamisme radical contre les soviétiques.
Le second fait déterminant se situe dans l’évolution de la société israélienne, de sa représentation parlementaire et de son gouvernement qui est désormais comme pris en otage par les mouvements religieux.
Je date pour ma part l’accélération de cette évolution de société israélienne à l’assassinat d’Yitzhak Rabin, il y a presque trente ans. Pour moi, le jour de sa mort coïncide avec l’enterrement du projet des « deux Etats » qu’il portait avec la conviction intime du grand chef militaire qu’il était. Il estimait que c’était la seule voie de la paix durable pour son pays qu’il avait servi durant une carrière militaire exceptionnelle et que les partis religieux n’ont cessé de combattre pour des raisons liées à leur interprétation de la Torah.
Yitzhak Rabin fut réélu Premier ministre en 1992. Cet homme exceptionnel qui, au couronnement de sa carrière militaire, fut le chef victorieux de la guerre des six jours savait que les Israéliens ne vivraient en paix que s’ils soutenaient le projet de création d’un état palestinien. Il acquit ainsi pour le monde entier un statut d’homme d’État providentiel et d’homme de Paix en signant les accords d’Oslo en 1993, facilitant ainsi la création de l’Autorité palestinienne et cédant pour la première fois un contrôle partiel de certaines zones de la bande de Gaza et de la Cisjordanie aux Palestiniens[7]. Confiant dans l’aura que lui conférait son passé militaire, son prix Nobel et sa reconnaissance internationale, Yitzhak Rabin voulut, en 1995, franchir un pas de plus sur le chemin de la Paix et envisagea d’évacuer une petite enclave au centre d’Hébron, Tel Rumeida. Son projet fut immédiatement perçu par les extrémistes religieux comme une mise en danger des colons juifs. 31 jours avant sa mort, le 4 novembre 1995, devant son domicile, un groupe de rabbins prononça une prière appelée « pulsa denura » affublant Yitzhak Rabin du qualificatif de « rodef »[8] oubliant qu’il avait été le commandant en chef victorieux de la « guerre des six jours » qui rendit « la montagne du temple » à Israël[9].
On ne sait pas si cette prière et ces différents édits furent les facteurs déclenchants de l’action d’Yigal Amir, l’assassin de Rabin. Ce qui est cependant sûr, c’est que lors de son interrogatoire, il déclara : « Si certains rabbins n’avaient pas prononcé ces jugements halachiques dont j’avais entendu parler considérant Rabin comme « din rodef », il m’aurait été très difficile de tuer. Un tel meurtre doit être soutenu religieusement. Si je n’avais pas eu ce soutien et si je ne représentais pas un certain nombre de personnes, je n’aurais pas agi. »[10]
En fait, les Israéliens séculiers, la vie et l’action politique en Israël sont désormais pris dans une tenaille qui se resserre inexorablement sur eux du fait de la démographie et dont ils ne pourront se défaire qu’à l’occasion d’une grave crise extérieure comme celle que vit actuellement Israël. Cette opinion est partagée par Tzipi Livni, ancienne ministre des Affaires étrangères qui a déclaré déjà en 2010 que « l’Etat juif avait été pris en otage par les ultra-orthodoxes »[11].
L’une des mâchoires de cet étau est le « Goush Emounim » et les partis politiques qui supportent la colonisation de la Cisjordanie et de Gaza. Le « Goush Emounim » lie inexorablement religion et territorialité en prenant au pied de la lettre la promesse que Dieu aurait faite à Abraham de lui donner « l’Eretz Israël » (la Terre d’Israël) qui dans son interprétation maximaliste va du Nil à l’Euphrate englobant des régions de la Jordanie, de la Syrie et de l’Irak[12] . Ainsi, le mouvement de colonisation est pour ces croyants l’expression même de la volonté de Dieu.
L’autre est composée des « haredins »[13], qui font peser une pression constante sur la société séculière israélienne pour qu’elle retourne vers une pratique religieuse plus rigoureuse.
Cette domination des orthodoxes religieux rend incapable l’état israélien d’avancer dans la direction d’une solution pacifique du problème palestinien.
En effet, le « Likoud » de Menahem Begin mit fin en 1977 à un demi-siècle de domination des partis de gauche ouverts à la négociation avec les palestiniens. Son programme reprit en effet les mêmes thèses et ferma la porte « de facto » à une solution négociée. Le Likoud ne cessera d’appuyer les initiatives du Goush Emounim visant à créer des dizaines et des dizaines de localités juives en Judée-Samarie et à Gaza.
De leur côté le poids des « haredins » dans la société israélienne et à la Knesset ne fait qu’augmenter du fait de la natalité plus importante de leurs familles dont, selon le bureau central statistiques d’Israël, la croissance est de 4% par an (Actuellement ils sont 1.28 millions sur 9.45 millions pour le total de la population israélienne soit 12,5%, total qui devrait s’élever à 16% à la fin de la décade). Les hommes en âge de faire le service militaire en sont dispensé pour pratique religieuse ce que la Cour Supreme a condamné récemment.
Enfin, la situation politique d’Israël, état démocratique, s’explique également par les particularités de son système électoral. Il s’appuie en effet sur une proportionnelle intégrale à un tour et dans une seule circonscription : Israël.
Il permet ainsi à un parti obtenant seulement 2 % des voix d’entrer au Parlement. En conséquence, aucun parti ne peut atteindre seul les 61 sièges (sur 120) nécessaires pour gouverner et ce système confère en outre un poids disproportionné aux petits partis religieux sans lesquels aucune coalition à droite n’est possible.
Aux dernières élections de 2022, les partis sionistes qui s’opposent à la politique des deux états ont encore progressé et disposent d’une majorité à la Knesset pour interdire toute autre voie. Ainsi Netanyahou, possède à la Knesset le soutien d’une majorité de députés (64)
Le 7 octobre : conséquence de la sous-estimation de ces deux faits déterminants
C’est donc, d’une part, la volonté dissimulée de l’organisation terroriste du Hamas, émanation des Frères Musulmans, d’éradiquer la présence d’Israël au Moyen-Orient appuyée par l’Iran et l’argent du Qatar conjuguée d’autre part, avec la politique d’affaiblissement de l’autorité palestinienne en favorisant le Hamas à Gaza, menée depuis 30 ans par les différents gouvernements israéliens pour discréditer la solution à « deux états » qui ont conduit au 7 octobre.
Le chemin qui a mène à cette tragédie est long et sinueux et ce n’est pas mon propos d’en décrire tous les méandres. D’autant plus que Charles Enderlin qui vient de rééditer et de mettre à jour son livre paru en 2009 : « Le grand aveuglement : Israël et l’irrésistible ascension de l’islam radical[14]» le fait brillamment.
Benjamin Netanyahu n’a fait que poursuivre la politique de ses prédécesseurs[15]. Il a hérité de la politique mise en place par Ariel Sharon d’évacuer Gaza sous la pression de George W Bush, d’en laisser de facto le contrôle au Hamas et de collaborer en Cisjordanie avec une autorité palestinienne affaiblie.
Je reproduis ici les graves accusations de Charles Enderlin [16] de son avant-propos qui les explicite avec ses sources dans les derniers chapitres de son ouvrage : « Benjamin Netanyahu est devenu en quelque sorte le protecteur des chefs du Hamas interdisant _à six reprises- à l’armée et au Shabak (NDLR Shin Bet le service de renseignement intérieur israélien.) de les neutraliser… Il a autorisé le financement du Hamas par le Qatar, fermant les yeux sur les gigantesques investissements de l’organisation islamiste en Turquie[17] ». En mars 2019 il a fini par s’en expliquer devant les députés de son parti : « Toute personne qui veut empêcher la formation d’un état palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas, le transfert de fonds au Hamas[18]. »
En conclusion provisoire
Au vu de cette histoire, la route vers un cessez le feu et la Paix ne peut donc venir que d’une prise de conscience par les citoyens israéliens que la poursuite « ad aeternam » de la guerre n’est pas une solution acceptable pour eux et pour l’avenir de leurs enfants. Cela passe par un retour à une majorité parlementaire qui ne soutienne plus la colonisation rampante de la Cisjordanie et veuille collaborer avec une autorité palestinienne réellement modérée.
Les pressions extérieures désordonnées, comme celle formulée récemment par le Président Macron et les soutiens aux organisations terroristes sous des prétextes humanitaires, ne serviront qu’à faire durer ce conflit et à l’internationaliser avec le risque majeur, plus élevé qu’en Ukraine, qu’il ne débouche sur l’utilisation de l’arme nucléaire et la prolifération qui s’en suivrait au Moyen-Orient.
Bernard Pinatel (Geopragma, 14 octobre 2024)
Notes :
[1] Histoire de l’Islam radical et de ceux qui s’en servent, Jean-Bernard Pinatel, Lavauzelle, 320 pages, 2017
[2] Terme employé par Arthur Balfour, secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères, qui demanda à Chaim Weizmann de rédiger une mouture de texte où la Grande-Bretagne entérinerait le principe d’une « Palestine reconstituée en Foyer national »
[3] La mission de cette unité était d’éliminer les partisans dans la région des Balkans. La division fut décorée de six croix de fer. Elle fut responsable de nombreux crimes de guerre
[4] Robert Dreyfuss, Devil’s Game, 2006, p. 73-79
[5] Des preuves historiques suggèrent que M. Ramadan a travaillé avec la CIA. A cette époque, l’Amérique était bloquée dans une lutte de pouvoir avec l’Union soviétique, qui soutenait Gamal Abdel Nasser en Egypte. En tant qu’ennemi de Nasser, les Frères Musulmans semblaient être de bons alliés pour les USA. Un document du service de renseignement extérieur allemand, connu par sous son acronyme BND, prétend que les USA ont aidé à persuader la Jordanie de délivrer un passeport à M. Ramadan, et que « ses dépenses seraient couvertes par le camp américain. » Des diplomates suisses ont confirmé que les USA et M. Ramadan étaient proches. Selon un rapport diplomatique de 1967 des archives fédérales suisses, « Saïd Ramadan est, entre autres, un agent informateur des Britanniques et des Américains. » Ian Johnson, « How a Mosque for Ex-Nazis Became Center of Radical Islam », The Wall Street Journal, 12.7.05
[6]Ben Laden était aussi un Frère Musulman. Histoire de l’Islam radical et de ceux qui s’en servent, op.cit.142 à 161.
[7] Sous son mandat, Yasser Arafat renonce officiellement au recours à la violence et reconnaît Israël dans une lettre officielle. Rabin reconnaît en retour l’OLP le 9 septembre 1993. Autre fait marquant : Rabin signe un traité de paix avec la Jordanie en 1994. Le prix Nobel de la paix est décerné en 1994 aux dirigeants politiques qui ont permis les accords d’Oslo : Yitzhak Rabin, Shimon Peres et Yasser Arafat.
[8] Rodef est un juif sur le point de tuer un autre juif ou d’aider à son meurtre : tuer un rodef permet de sauver une vie juive. Alors que le judaïsme interdit le meurtre de juifs, « Din Rodef est le seul cas où la halacha autorise un juif à tuer un autre juif«
[9] Lors d’un discours remarquable qu’il prononce sur le mont Scopus, à l’Université hébraïque de Jérusalem, Rabin évoque les qualités humaines et spirituelles de Tsahal : « les parachutistes qui se sont emparés du Mur occidental se sont appuyés à ses pierres et ont pleuré. Je doute que l’on trouve beaucoup de gestes aussi symboliques dans toute l’histoire de l’humanité. Nous avons gagné le droit d’être conscients de notre supériorité sans avoir pour autant méprisé nos adversaires. Notre armée est celle d’une nation qui aime et désire ardemment la paix mais qui est aussi capable de se battre avec courage lorsque ses ennemis la forcent à le faire. »
[10] « Brother against brother », violence and extremism in Israel politics, from Altalena to the Rabin Assassination (Free Press, 1999) p277.Professeur en sciences politiques à l’université hébraïque de Jérusalem, Ehud Sorinzak (décédé en 2002) était considéré comme l’un des meilleurs spécialistes du terrorisme
[11] Le Figaro, mardi 9 mars 2010, page 14.
[12] « Quand le soleil fut couché, il y eut une obscurité profonde ; et voici, ce fut une fournaise fumante, et des flammes passèrent entre les animaux partagés. En ce jour-là, l’Éternel fit alliance avec Abraham, et dit : Je donne ce pays à ta postérité, depuis le fleuve d’Égypte jusqu’au grand fleuve, au fleuve d’Euphrate. »[12]
[13] Les « haredins » vivent en quelque sorte en marge du reste de la société israélienne. Ils vivent dans une pratique religieuse stricte, refusent de certaines formes de la « modernité » et font preuve d’une volonté de séparatisme sociale : vêtements spécifiques, quartiers spécifiques, institutions religieuses spécifiques). Les haredins, cette dénomination provient du mot harada, le mot le plus fort en hébreu pour la peur. Le haredi est celui qui est « terrifié » à l’idée de violer une des 613 mitzvot .
Depuis des décennies, les haredins qui sont en âge de faire leur service militaire ont eu la capacité d’éviter leur enrôlement en s’inscrivant dans des yeshivot, où ils étudient la Torah, et en obtenant des dérogations d’un an leur permettant d’échapper à l’incorporation jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge légal de l’exemption. Cependant la Haute Cour considère depuis longtemps cette disposition comme illégale et avait fait savoir, au mois de mars, que l’État devait cesser de subventionner les yeshivot.
[14] Paris, Albin Michel, 2009
[15] Début des années 2000, les Frères Musulmans desquels le Hamas est issu ont eu l’opportunité pour la première fois de prendre le contrôle d’un territoire. Le 17 aout 2005, sous la pression des Etats-Unis, Ariel Sharon annonce sa décision d’évacuer Gaza et les sept mille cinq cents colons qui s’y trouvent et accepte que l’organisation terroriste du Hamas participe à des élections et, le 25 janvier 2006, le Hamas obtient la majorité absolue au conseil législatif palestinien.
[16] Charles Enderlin, le grand aveuglement, Albin Michel, 2024, page 8
[17] Dirigé par le Frère Musulman Erdogan
[18] Publié par le Times of Israël 8 octobre 2023...
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Julien Dir cueilli sur Breizh-Info, qui évoque la question de l'égalitarisme...
Pour en finir avec l’égalitarisme : une utopie destructrice
Il est temps de mettre un terme au mythe qui gangrène nos sociétés : celui de l’égalitarisme. Depuis des décennies, la gauche, aidée par les élites globalistes, nous vend l’idée absurde selon laquelle tous les hommes seraient égaux, que les différences biologiques, culturelles et historiques entre les individus n’existeraient pas, et que nous devrions tous aspirer à une société où règne une égalité parfaite. Cette idéologie gauchiste n’est pas seulement une illusion, elle est une machine de destruction massive qui sape les fondements mêmes de notre civilisation.
L’égalité homme-femme : un mensonge qui déstructure nos sociétés
Parmi les plus grandes aberrations de ce mythe égalitariste, figure l’idée selon laquelle hommes et femmes seraient identiques en droits, en capacités et en rôles sociaux. Ce mensonge, devenu mantra féministe, nous a menés à la déstructuration complète des rôles traditionnels, fondement de nos sociétés depuis des siècles.
Depuis la nuit des temps, l’humanité a prospéré grâce à la complémentarité des sexes. Ce n’est pas en niant la réalité biologique que nous améliorerons notre société. Les hommes et les femmes sont différents. Ils sont complémentaires. Le rôle protecteur et bâtisseur des hommes et celui de nourricière et d’éducatrice des femmes ont été les piliers sur lesquels se sont construits les plus grandes civilisations. Mais aujourd’hui, en prônant une égalité absolue et absurde, nous avons déraciné ces rôles. Résultat : désordre familial, délitement de l’autorité et effondrement des structures sociales. Cette négation de la complémentarité des sexes ne mène qu’à la confusion et à la décadence.
La vérité est simple : hommes et femmes ne sont pas égaux. Pas parce qu’une catégorie est supérieure à l’autre, mais parce qu’ils ont des rôles naturels différents qui, ensemble, garantissent l’équilibre et la prospérité de la société. Vouloir gommer ces différences est une entreprise suicidaire.
L’éducation : un nivellement par le bas au nom de l’égalité
L’égalitarisme a également frappé de plein fouet l’éducation, ce qui entraîne une tiers-mondisation généralisée de nos sociétés. Au lieu de promouvoir l’excellence, de pousser les individus vers le haut, on nivelle par le bas. Le système éducatif, autrefois orienté vers l’excellence et le mérite, a été transformé en un terrain où l’on favorise les moins bons au détriment des plus capables. Pourquoi ? Pour que tout le monde soit « égal ». Le résultat est sans appel : un effondrement du niveau général, un rejet des exigences académiques et une production de citoyens ignorants et inaptes à affronter les défis de la modernité.
Les réformes éducatives successives, dictées par une idéologie égalitariste, n’ont eu pour effet que de détruire la transmission du savoir. Ce qui était autrefois une source de fierté et d’accomplissement personnel, la réussite scolaire, est aujourd’hui dénigré sous prétexte de « lutte contre les inégalités ». Il n’y a pourtant rien de plus naturel que l’inégalité dans l’apprentissage : tous les enfants n’ont pas les mêmes aptitudes, et ce n’est pas un crime. Vouloir ignorer cette vérité conduit inexorablement à l’échec collectif.
L’immigration et l’assimilation : un autre échec de l’égalitarisme
Le mythe de l’égalitarisme va encore plus loin en tentant d’assimiler l’idée que tous les peuples seraient également aptes à s’intégrer de la même manière au sein des nations européennes. Il faut le dire sans détour : tous les peuples ne sont pas assimilables de la même manière. L’idée que l’on pourrait créer une société homogène à partir de cultures fondamentalement différentes est une chimère dangereuse.
L’Europe, bâtie sur des siècles d’histoire, de tradition et de valeurs, est confrontée à une immigration de masse qui, loin de renforcer la cohésion sociale, la fracture de plus en plus. Les faits sont là : un Africain, un Asiatique, un Européen ne partagent pas les mêmes codes culturels, les mêmes visions du monde, les mêmes comportements sociaux. Pourquoi s’acharner à vouloir fondre ces différences dans un même moule alors que les conséquences de cette folie égalitariste se font sentir chaque jour : montée de l’insécurité, communautarismes, tensions ethniques.
Là encore, le rêve égalitariste échoue à affronter la réalité. Une société forte n’est pas celle qui cherche à tout prix à niveler les différences, mais celle qui valorise ce qui la rend unique, et qui comprend que l’assimilation de certaines populations est non seulement difficile, mais parfois impossible.
L’inégalité : moteur de la réussite
En vérité, l’inégalité est non seulement naturelle, mais bénéfique. Ce sont les différences entre les individus qui ont permis l’essor de notre civilisation. L’inégalité pousse chacun à se surpasser, à atteindre l’excellence. C’est grâce à elle que nous avons produit des esprits brillants, des inventeurs, des leaders, des bâtisseurs. L’égalitarisme, à l’inverse, tue l’ambition, éteint le génie, et entraîne une homogénéisation vers la médiocrité.
Ce n’est qu’en réhabilitant la notion de mérite, de hiérarchie et de responsabilité individuelle que nous pourrons redresser notre civilisation, plongée dans un déclin accéléré par cette utopie gauchiste de l’égalitarisme.
Il est temps de mettre un terme à cette dangereuse illusion. L’égalitarisme n’est pas un idéal à atteindre, mais une idéologie destructrice qui mène nos sociétés à la ruine. Hommes et femmes ne sont pas égaux, mais complémentaires. Tous les individus ne sont pas faits pour les mêmes choses, et tous les peuples ne s’assimilent pas de la même manière. Reconnaître ces vérités, aussi impopulaires soient-elles, est la première étape vers la reconstruction de notre civilisation.
Julien Dir (Breizh-Info, 2 octobre 2024)
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Thierry DeCruzy, cueilli sur Polémia et consacré à la nécessité pour la droite de mener la guerre culturelle.
Contributeur du mensuel Politique Magazine, Thierry DeCruzy travaille sur le rôle de la musique dans la société. Il a notamment publié un essai intitulé Démondialiser la musique - Une réponse au naufrage musical européen (La Nouvelle Librairie/Iliade).
La culture d’abord !
« Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver ». Attribuée à Goebbels, la citation est fausse, mais elle convient bien aux élus nationaux qui ont abandonné le combat culturel. Le problème n’est pas dans les positions hégémoniques de l’adversaire, mais dans la volonté de l’affronter…
La fête de l’Huma : preuve de l’importance de la culture
Pour évaluer le chemin à parcourir, un petit exemple suffit. Les communistes n’ont plus qu’un poids électoral résiduel (2,3 % aux dernières élections), tout en conservant une audience disproportionnée dans la société française. Si le PC (communiste devrait être remplacé par wokiste ou altermondialiste) s’est toujours inscrit dans la mouvance révolutionnaire œuvrant à éliminer toute résistance au “progrès”, sa politique culturelle reste son relai essentiel dans l’opinion. Avec 430 000 visiteurs, la dernière Fête de l’Huma en a encore été une illustration. Le programme musical, une quarantaine d’artistes, sert d’appât pour une jeunesse qui ne rate pas une occasion de faire la fête, et ses débats réunissent des personnalités aux engagements divers, de Mélenchon à de Villepin, confortant une capacité à rassembler.
Cet ancrage légitimise une influence sur tous les milieux culturels, comme l’avait montré en 2022 la stagiaire recalée lors d’un entretien d’embauche à l’Opéra de Paris. Elle avait travaillé pour Valeurs Actuelles, publication classée à l’extrême droite : « Le monde de la culture est de gauche, ne perdez pas votre temps à postuler » est déclaré à la postulante. L’Opéra abrite le plus ancien orchestre de France, créé en 1668 par Louis XIV, véritable temple de la danse et de la musique classique. Ce lieu de traditions est tenu par des révolutionnaires, ceux qui veulent déconstruire et imposer leur cancer idéologique.
Le combat culturel ne peut être refusé
La déficience culturelle du courant national traduit une incapacité à affronter l’adversaire politique, car la musique rend compte de l’état des sociétés. En 1985, c’est par le concert de SOS Racisme place de la Concorde que Mitterrand tente de masquer l’échec économique du Programme commun. Les grands concerts entretiennent une ambiance propice. La culture est le décor dans lequel évoluent les sociétés, elle entretient l’ambiance et l’ambiance affecte les comportements, influençant directement les votes. Le combat culturel est donc prioritaire et ne peut être relégué dans l’attente d’une victoire toujours retardée. Voilà plus de 40 années que le courant national est revenu dans l’arène politique. Disparue en 2000, la SERP, société d’édition musicale, confortait une réelle politique culturelle dans ce domaine. Disparue en 2006, la fête des BBR offrait une scène aux musiciens dissidents, ceux qui avaient l’audace de contester l’hégémonie culturelle gauchiste. Daniel Guichard, vrai dissident du showbiz, en a payé le prix fort après sa prestation aux BBR de 1991. Étiqueté « nationaliste » et « populiste », le chanteur Jean-Pax Méfret n’est venu pourtant qu’une fois sur la scène des BBR, à leur première édition en 1981. Présents sur scène en 1996 et 1998, les groupes de RIF (Rock identitaire français) ont affolé les médias, tout simplement pour leur audience auprès de la jeunesse, et la SERP en produisait plusieurs. Les attaques iront jusqu’à l’attentat à la bombe contre le festival de RIF à Vitrolles en novembre 1998. Que l’adversaire en soit réduit à cette extrémité contre la musique dissidente révèle l’importance de l’enjeu et montre que le combat ne peut être refusé.
Si les musiciens dissidents ne sont pas forcément nombreux, du fait de l’absence de scène pour se produire, certains font transpirer les médias. Le récent exemple des Brigandes, ces chanteuses convoquées à l’Assemblée nationale, en est une illustration. La soumission culturelle des représentants politiques du courant national reflète leur capacité combative, leur motivation à intervenir dans le débat. Cantonnés dans les limites imposées par l’adversaire, et alors qu’ils représentent un tiers de l’électorat, ces élus refusent l’affrontement.
Sortir d’une posture d’évitement
Il est faux d’invoquer la puissance de l’adversaire, depuis des décennies les plus fortes mobilisations sont d’origine dissidente, malgré les dénonciations médiatiques et la sous-estimation systématique des chiffres officiels. Déjà en 1984 le retour du courant national en politique est contemporain de la mobilisation pour l’école libre qui faisait reculer la Gauche dans sa volonté de contrôler l’enseignement. Les manifestations contre le mariage homosexuel n’ont pas abouti à cause de l’absence des politiques. Les Gilets Jaunes ont pareillement été abandonnés, comme les antipass. Dans la rue, les dissidents sont les plus nombreux. À l’heure des caméras à haute résolution, l’absence de chiffres incontestés signe une volonté de tromper. Pourquoi continuer à croire dans la sincérité des élections alors que le contrôle n’est exercé que dans les seuls bureaux de vote et pas sur l’ensemble du processus (depuis les listes électorales jusqu’à la proclamation des résultats, il n’existe aucun observatoire indépendant) ? Avec les institutions républicaines, le succès électoral est un mirage. Depuis 40 ans d’existence, le courant national a non seulement jamais infléchi la politique de destruction de l’identité française, mais a été incapable de ralentir le programme des minorités (climatologistes, avorteuses, homosexuelles, transgenres, euthanasistes…). Si le combat politique ne doit pas être négligé, il n’est pas suffisant pour atteindre le pouvoir.
Des atouts puissants et reconnus
Il est bien évident que la reconquête du terrain culturel perdu ne se fera pas en un jour. Mais il est tout aussi évident que cette reconquête s’appuiera sur des positions solides et des atouts puissants, nombreux, appréciés des Français, et reconnus des étrangers. Depuis les années 1990, la France est la première destination touristique de la planète (données de l’OMT). En 2019, 830 millions d’euros de dons sont collectés après l’incendie de la cathédrale Notre-Dame, montrant un profond attachement au patrimoine. Les monuments les plus visités témoignent de cet attachement : 1. Musée du Louvre (8 millions en 2019), 2. Château de Versailles, 3. Tour Eiffel, pour l’Île-de-France et le Mont Saint-Michel en 6e position. Si les visiteurs sont à 15 millions pour Disneyland et 3 millions pour le Parc Astérix, ils sont 2 millions pour le Puy-du-Fou avec une thématique visant un « combat culturel », dixit son fondateur, Philippe de Villiers. Dans l’écosystème culturel français très particulier et malgré les attaques, il a été capable d’obtenir une reconnaissance internationale en exportant son modèle.
Une hégémonie de carton-pâte
Les atouts culturels français sont nombreux (monuments, œuvres d’art, musique, gastronomie, paysages…), mais il faut faire preuve de discernement tout simplement en défendant la tradition historique et l’authenticité, contre les produits mondialisés. Le socle culturel français prend ses racines dans une civilisation européenne millénaire. Il est autrement plus puissant et solide face à quelques décennies de culture révolutionnaire et wokiste.
Car le refus du combat culturel est un acte d’allégeance aux codes imposés par l’adversaire, clairement perçu par la population et donc les électeurs. Il faut commencer par dénoncer ses règles truquées. Un exemple, par besoin de crédibilité les politiques nationaux considèrent comme valorisant de répondre aux invitations dans les médias du “service public”, financé et dirigé par l’État. Il serait plus efficace de prioriser – et non boycotter – les médias dissidents, leur procurant une audience et un soutien qui seraient en mesure d’inverser le rapport de forces médiatique. En décembre dernier, talonnée par l’audimat de CNews, BFMTV invite Thaïs d’Escufon, ancienne porte-parole de Génération Identitaire, pour tenter de remonter son audience. L’influenceuse est aussi sollicitée par Cyril Hanouna qui doit finalement reculer. Devant le risque d’effondrement de ses relais d’influence, l’inquiétude est palpable à gauche. Un monopole présenté comme solidement établi, n’est en réalité qu’un décor qui ne demande qu’une poussée pour tomber. L’extrême violence des antifas à attaquer toute forme d’expression culturelle dissidente ne confirme pas seulement l’importance de l’enjeu, elle révèle la faiblesse des positions de l’adversaire. Il faut sortir de la soumission, le combat culturel n’est pas une option, il est un préalable.
Thierry DeCruzy (Polémia, 5 octobre 2024)
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Philippe Duranthon, cueilli sur Geopragma et consacré à la grave perte d'influence de la France au sein de la Commission européenne. Jean-Philippe Duranthon est haut-fonctionnaire et membre fondateur de Geopragma.
Un Frexit institutionnel
Les tentatives de séduction, les portes qui claquent et les accusations d’infidélité, dignes de Feydeau, qui ont caractérisé le choix du Premier Ministre puis la formation du gouvernement, ont éclipsé l’annonce de la composition de la nouvelle Commission européenne : celle-ci a été à peine évoquée dans la presse et est restée absente des déclarations des responsables politiques. Elle est pourtant riche d’enseignements sur l’influence que la France a désormais au sein de l’Union Européenne et vis-à-vis de la Commission.
Quatre faits sont troublants.
1/ Thierry Breton a eu l’élégance de déclarer qu’il n’était plus candidat, ce qui a arrangé tout le monde, mais en précisant qu’Ursula von der Leyen avait réclamé son départ ; il a ensuite affiné son propos en indiquant que celle-ci avait placé Emmanuel Macron devant un choix : « ou bien c’est Thierry Breton mais avec un plus petit portefeuille, ou bien c’est un autre, mais avec un plus gros portefeuille ». Une forme de chantage, donc. Le propos n’est pas ici de dire qui, d’Ursula von der Leyen ou de Thierry Breton, avait raison dans les différents débats qui les ont opposés ces derniers mois ; il est de remarquer que la présidente de la Commission s’est permise de récuser un candidat présenté par la France et que le président de la République s’est plié à cette étrange initiative. On peut en déduire que le rapport de forces entre ladite présidente et ledit président n’est pas en faveur de ce dernier, à qui pourtant elle doit son poste, et que le poste de président de la Commission a pris une stature nouvelle, qui le place au-dessus des chefs d’Etat, ces derniers fussent-ils d’un grand pays.
2/ La « grosseur » du portefeuille alloué au commissaire français peut être discutée. Celui-ci est en charge de « la prospérité et la stratégie industrielle » : « vaste programme ! », pourrait-on s’exclamer, tant ces deux thèmes, et surtout le premier, sont vastes. Mais ils sont aussi bien vagues ! Cette imprécision autorise tous les débordements mais permet aussi une « cornérisation ». D’ailleurs, d’autres commissaires ont en charge « la transition » (climatique, peut-on supposer), « la souveraineté technologique », « l’économie et la productivité », « l’énergie », « la recherche et l’innovation », concepts qui sont beaucoup plus précis ; peut-on agir pour « la prospérité » et définir la stratégie industrielle de l’Union sans s’intéresser à ces domaines qui sont en d’autres mains ? L’action de « notre » commissaire sera donc conditionnée par celle de ses collègues compétents pour les mêmes problématiques.
On pourrait se rassurer en notant que le commissaire français fait partie des quatre « vice- présidents exécutifs » de la Commission. Mais le titre est plus honorifique que fonctionnel (la précédente Commission comportait huit vice-présidents exécutifs, chiffre élevé qui amène à relativiser l’importance du rôle) car leurs titulaires ne bénéficient d’aucun pouvoir hiérarchique sur les commissaires « de base » ; il ne peut d’ailleurs pas en être autrement puisque les décisions de la Commission sont collectives et que, juridiquement, chaque commissaire dispose du même poids que les autres. En outre, les trois autres vice-présidents exécutifs sont les commissaires présentés par l’Espagne, la Finlande et la Roumanie : difficile d’en déduire que le titre reflète l’importance du pays au sein de l’UE.
Le portefeuille confié au commissaire français est-il vraiment « un plus gros portefeuille » comme l’avait promis Ursula von der Leyen ?
3/ Le choix de Stéphane Séjourné peut surprendre. Il ne s’agit pas ici de discuter des mérites et des limites d’une personne mais seulement de noter que le nouveau commissaire français n’a ni la personnalité, ni l’expérience longue et multiple de son prédécesseur. Il est peu probable qu’il ait rapidement le même poids que lui au sein des instances européennes.
Les mauvais esprits pourraient penser qu’au moment où, en France, se met laborieusement en place une vraie-fausse cohabitation, son choix résulte avant tout de la volonté du président de la République d’avoir à Bruxelles un commissaire qui lui sera personnellement fidèle, de montrer que le choix du commissaire et les relations avec la Commission font partie du « domaine réservé » qu’il n’entend pas partager. Si cela était vrai, il faudrait en déduire que les vicissitudes de la politique intérieure ont le pas sur la défense des intérêts du pays au sein de la Commission.
4/ Le choix des commissaires et la répartition des rôles entre eux ne sont pas toujours favorables aux intérêts français. Ainsi, les deux commissaires qui seront en première ligne sur les questions énergétiques sont de fervents adversaires du nucléaire : l’Espagnole Teresa Ribera Rodriguez,
« vice-Présidente exécutive à la transition juste, propre et compétitive », et le Danois Dan Jorgenson, « commissaire à l’énergie et a au logement ». Il est étrange que, s’agissant d’un sujet aussi important et sensible, qui fait l’objet de fortes oppositions au sein de l’Union, la France n’ait pas pu éviter que les deux commissaires en charge de cette politique fassent l’un et l’autre partie du camp hostile aux orientations qu’elle défend.
Plusieurs conclusions peuvent être tirées de ce rapide examen :
1/ Le poids de la France dans l’UE se réduit. L’époque où les pays fondateurs pilotaient le processus est bien fini, la France n’est plus qu’un pays comme un autre, l’élargissement a fait son œuvre. La Commission s’est émancipée et le « couple franco-allemand » n’est qu’un souvenir.
2/ Le Commissaire français aura bien des difficultés à défendre, dans le cadre des orientations communautaires, nos intérêts nationaux. Il disposera de bien peu de leviers pour son action au sein des institutions communautaires.
3/ Alors que chaque renouvellement de la Commission est toujours l’occasion, pour chaque pays, de pousser ses pions, les dirigeants français ont fait preuve d’une grande légèreté (naïveté ou impuissance ?). Ils n’ont pas cherché à, ou su, résister aux pressions de leurs homologues ou de la présidente de la Commission. C’est surprenant compte tenu de l’importance que tient l’Europe dans leurs discours.
Tout se passe donc comme si la France se désengageait involontairement du pilotage des institutions européennes, Une sorte de Frexit institutionnel, en quelque sorte. Etonnant !
Jean-Philippe Duranthon (Geopragma, 29 septembre 2024)
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jure Georges Vujic, cueilli sur Polémia et consacré à l'appauvrissement de la parole publique...
Avocat franco-croate, directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, Jure Georges Vujic est l'auteur de plusieurs essais, dont Un ailleurs européen (Avatar, 2011), Nous n'attendrons plus les barbares - Culture et résistance au XXIème siècle (Kontre Kulture, 2015) et Les convergences liberticides - Essai sur les totalitarismes bienveillants (L'Harmattan, 2022).
Après la défaite de la pensée, la défaite de la parole
Nul besoin d’être décliniste pour constater l’appauvrissement de la parole, et particulièrement dans le domaine public, dans les médias, la culture et la sphère politique. À la défaite de la pensée annoncée par le philosophe Alain Finkielkraut, succéderait par voie de causalité une défaite de la parole, dans le sens d’une déliaison à la fois sémantique mais aussi épistémique. Les logos incarnant en quelque sorte l’esprit contemporain, le Zeitgeist du moment, il va de soi que cette parole serait l’expression d’une culture du loisir abêtissante et standardisée, d’un jeunisme qui prêche par excès de confusionnisme et relativisme culturel. Bien sûr, bien avant Finkielkraut, d’autres penseurs avaient réfléchi sur les causes et les formes du déclin des civilisations. En effet, alors que Paul Valéry avait affirmé que « [nous] autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », Spengler, Toynbee avaient démontré que les principales causes du déclin des civilisations étaient endogènes, parmi lesquelles la perte d’identité, de sens, et l’appauvrissement de la langue en tant que symptômes de ce long processus de déclin – « Les civilisations meurent par suicide, non par meurtre » (Toynbee).
La parole « émancipée » et la crise de l’esprit
Il est vrai que le statut de la parole d’une société, voire d’une civilisation, est en relation étroite avec le choix d’une ontologie de la pensée, de l’être. Alors que dans l’Antiquité la parole était un moyen de cheminement vers la vérité (alètheia), aujourd’hui, le cynisme et la démagogie de la parole politique qui ne représente plus rien à l’échelle de la vérité et de la morale en tant que respect de la parole donnée rendent compte de l’affaiblissement général du politique en tant que discours d’adhésion. En effet, la parole autoréférentielle, dénuée d’engagement pratique et téléologique, prend le pas sur l’action, le dire sur le faire, l’impression sur la réalité, le semblant sur l’être, la conservation du pouvoir sur son exercice ; alors qu’à l’époque classique la parole préparait l’action véritable en formulant la prise de décision. La sidérante capacité des gouvernants de certaines époques à changer d’idées, comme si celles-ci n’avaient réellement aucune importance par rapport aux nécessités de la conquête et de la conservation du pouvoir, ne laisse rien augurer de bon. Et pourtant, ce n’est pas la pensée révolutionnaire, progressiste, des Lumières qu’il convient de regretter, comme le fait Finkielkraut, car c’est bien leurs hybris, leur exacerbation, leurs métastases épistémologiques qui ont engendré ce double désordre à la fois ontologique et langagier conduisant à cette « crise de l’esprit » évoquée par Valéry lui-même. Par une sorte de ruse de l’histoire, on pourrait presque dire que la défaite de la pensée issue des Lumières aura, par excès d’universalisation, réhabilité les valeurs organiques d’un J.G Herder, de J. de Maistre et L. de Bonald opposant « l’inconscient » national, « enraciné » dans l’histoire, la géographie, les coutumes, les préjugés nationaux, qui pourtant, à force d’être ignorés durant des décennies, reviennent comme un boomerang dans le réel.
La parole performative : parole magique ?
Tout se passe comme si la parole performative agit seule en tant que prophétie autoréalisatrice. La parole libérée de l’esprit, de l’engagement, de la morale et de la responsabilité, qui peut dire le tout et son contraire, se transforme en signe interchangeable qui réalise lui-même ce qu’il énonce. Dans cette incantation permanente d’un lyrisme de pacotille, d’un tragique d’opérette et de la simulation sophiste, la parole devient une sorte de parole magique aux mille et une vertus prophylactiques, alors que nos politiciens revêtent les habits d’alchimiste du verbe ou de chaman du storytelling quotidien. Malgré la dégradation de la langue via la culture visuelle, la toxicité des réseaux sociaux et la dégradation de l’enseignement, la défaite de la parole est toujours une faillite de l’esprit, qui elle-même renvoie à une crise de sens. C’est aussi une faillite de notre imaginaire collectif colonisé par des signes consommatiques, symptôme de notre époque postlittéraire. Ainsi, la parole publique est bien le reflet de cette post-vérité contemporaine, qui n’est pas le mensonge, mais bien l’indifférence à la distinction entre mensonge et vérité, ce qui est le propre du totalitarisme, comme l’avaient si bien démontré H. Arendt et G. Orwell. On se souvient que E. Cassirer, dans Le Mythe de l’État, procédait à une distinction entre l’usage magique et l’usage sémantique du mot, l’usage sémantique servant à décrire les choses, alors que l’usage magique, chargé d’affects du mot, visait plus à produire des effets et à changer le cours de la nature. Libérée de toute morale et d’impératif de vérité, la parole devient le vecteur des « fausses promesses et des vraies menaces » évoquées par Paul Ricœur, qui lui-même faisait le lien entre la sophistique et la tyrannie, entre un usage pervers du langage et la tyrannie (perversion du régime).
Vers une ère techno-vocifère
La langue française serait en passe de devenir, dans la plus grande indifférence, une langue morte sous la pression conjuguée de l’abandon de l’emploi de certaines temporalités comme le passé simple et le subjonctif (reflets de la nuance), des niaiseries franglaises et des emprunts anglicistes tels que hosting, trip, etc.. Cette dégradation ne s’est pas faite de façon évolutive et elle est le résultat d d’une longue déconstruction programmée et mise en œuvre par l’idéologie progressiste de la novlangue inclusive, du genre et des lubies wokistes. Non, la langue et la parole ne sont pas une simple construction de la réalité sociale sujette au remodelage mutilant et constant au service de la mondialisation et du marché, comme l’affirment les déconstructeurs. Nous vivons bien à une époque postlittéraire, alors que nous ne sommes pas loin d’être aussi à l’aube d’une ère techno-vocifère ou phono-tactile, qui coïnciderait avec un retour de l’animalité où la communication se réduirait à des onomatopées et des phonèmes ponctués de tapotages numériques. La langue ne constitue pas un simple critère de reconnaissance et d’identification. Elle est au contraire l’émanation de l’essence d’un peuple, son « âme » – c’est-à-dire le lieu où il lui donne une forme concrète. En effet, cette dénaturation de la langue est concomitante au déclin de la poésie, des belles lettres, de la sensibilité et de l’art de la nuance face à la polarisation des points de vue, la prolifération de la bêtise idéologique et de la surenchère débile sur les réseaux sociaux. On se souvient que, pour l’historien et anthropologue des « mœurs » Norbert Elias, la prise de parole constituait un élément fondamental du processus de civilisation et de la mise en place de la « civilité », qui servira bientôt à la société européenne de notion centrale pour se définir elle-même, et conduira au recul systématique et général de la violence sociale. Or, de nos jours, la parole libérée de toute retenue morale s’inscrit, surtout avec les nouveaux moyens de communication des réseaux sociaux, dans une économie globale des pulsions et des émotions, qui lui procurent une extraordinaire amplitude et accélération. C’est bien cette démesure et cet affranchissement de la parole de la civilité qui constituent le premier degré de violence sociale à travers l’ensauvagement du langage et des comportements sociaux.
Jure Georges Vujic (Polémia, 1er octobre 2024)