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Points de vue - Page 28

  • Abayas à l’école : Macron et Attal en représentation théâtrale...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré au feuilleton des abayas à l'école.

    Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou, et deux essais, La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018), La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Immigration de masse - L'assimilation impossible (La Nouvelle Librairie, 2021), Le crépuscule des Lumières (Via Romana, 2021)  et dernièrement Bienvenue dans le meilleur des mondes (La Nouvelle Librairie, 2023).

     

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    Abayas à l’école : Macron et Attal en représentation théâtrale

    Les abayas, c’est le feuilleton de la rentrée. Oublié, l’été sécuritaire catastrophique. Oublié, le Waterloo diplomatique français en Afrique. Oubliée, la hausse des prix et des tarifs qui ne s’arrête pas. Dès lundi « les abayas ou les qamis n’entreront pas en classe[1] », annonçait le ministre Gabriel Attal, et les médias saluaient cette belle fermeté à l’unisson. Attal, quel homme !

    Quelle fermeté !

    Une fermeté médiatique qui, à vrai dire, sert aussi à éclipser un Darmanin devenu quelque peu gênant. Et qui s’inscrit pleinement dans la stratégie macronienne de séduction de la vieille droite – déjà ralliée à lui sur le covid, l’Ukraine et le règlement DSA de l’UE – avec en ligne de mire la modification à son profit de la durée du mandat présidentiel.
    Et quelle habilité ! Pendant que Gabriel Attal joue les matamores[2], son conjoint Clément Beaune se prononce en faveur de la GPA : un coup à droite, un coup à gauche. Bravo, les duettistes !
    Las, la lecture de la note de service ministérielle du 30 août 2023 laisse quelque peu songeur quant à la détermination réelle du gouvernement dans cette affaire.

    Armons-nous et partez !

    Que lit-on en effet dans cette circulaire ?

    D’abord, bien sûr, que les chefs d’établissement et les directeurs d’école sont en première ligne dans cette proscription de l’abaya.
    L’usage de la formule bureaucratique classique « je demande aux chefs d’établissement de veiller à » ne trompe pas : la hiérarchie n’est qu’en soutien et elle n’interviendra que si elle est sollicitée, en cas de « difficultés » (sic).
    Courageuse mais pas téméraire, la hiérarchie qui pourra toujours se désolidariser du directeur maladroit.

    Ensuite la circulaire précise d’entrée que les chefs d’établissements doivent engager le dialogue préalable avec l’élève concernée et, si cela ne suffisait pas, avec ses parents. Voilà la fermeté transformée en dialogue.
    La circulaire précise certes que ce dialogue « ne saurait être une négociation » et doit se dérouler dans « un temps resserré » (non précisé cependant). Mais pour le ministère « ce dialogue peut en effet, dans un grand nombre de cas, résoudre les tensions et dissiper les incompréhensions ».
    On a un peu de mal à suivre cette logique de Bisounours : si le dialogue est aussi efficace que l’écrit le ministère, pourquoi n’a-t-il pas déjà permis de mettre un terme aux signes ou comportements religieux musulmans à l’école ? Mystère.

    Et s’il s’agit de l’équivalent pédagogique d’une sommation de police, ce n’est pas un dialogue.

    Débrouillez-vous !

    Accessoirement, la circulaire ne précise pas ce qu’il advient de l’élève concernée durant cette phase de dialogue, dont on imagine aisément la facilité dans les zones où la majorité de la population est de religion musulmane. L’élève est-elle toujours en classe ou seulement dans l’école ? Rentre-t-elle chez elle pour réfléchir ou pour ameuter ses grands frères ? On ne sait.

    Enfin, si l’élève persiste dans son comportement malgré ce sympathique dialogue préalable, « une procédure disciplinaire sera systématiquement engagée par le chef d’établissement », pour violation de la loi du 15 mars 2004.
    Là aussi la circulaire se garde bien d’indiquer la nature de la sanction qui sera prononcée, éventuellement, par ledit conseil de discipline, ce qui laisse la porte ouverte à bien des capitulations. D’autant que la scolarisation est un droit autant qu’une obligation.

    Et procédure disciplinaire implique en outre délais et voies de recours. Que se passe-t-il pour l’élève durant cette période : est-elle suspendue ou non ? La circulaire, courageusement, ne le précise pas : les chefs d’établissement, une fois encore, devront se débrouiller.

    La formation à la laïcité, voilà la panacée

    Il est enfin frappant de constater que la conduite à tenir face à ces tenues islamiques ne représente finalement qu’une petite partie de cette circulaire.
    Laquelle s’étend de long en large sur la nécessaire formation à la laïcité de la communauté éducative, comme on dit, et des élèves. « Tous les professeurs contribuent à la pédagogie de la laïcité et des valeurs de la République, à laquelle concourent l’ensemble des disciplines et les éducations transversales », affirme ainsi cette note de service.

    La circulaire rappelle aussi qu’« outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’École de faire partager aux élèves les valeurs de la République ». On comprend donc mieux les priorités de la rue de Grenelle face à la chute du niveau scolaire en France.

    Et l’on découvre que, pour ce faire, la communauté éducative bénéficie de magnifiques outils payés par le contribuable : un « coffret guide républicain », un « vade-mecum “La laïcité à l’école” », un « plan académique », des « équipes académiques Valeurs de la République », des « formateurs laïcité » et, bien sûr, la « charte de la laïcité ». Ne manque que le raton laveur pour que la liste soit complète !

    On pourrait se demander quand même pourquoi cette avalanche de moyens n’est pas parvenue jusqu’à présent à venir à bout des abayas et qamis, dans 500 établissements si l’on en croit les chiffres du ministère.
    Manifestement, ces outils passent à côté de l’essentiel : la volonté de les mettre en pratique, qui s’efface vite devant le « pas de vagues » officiel. Comme pour les « signalements à la hiérarchie », que la circulaire cite une fois encore pour se donner bonne conscience, alors que nombre d’enseignants se plaignent de l’absence de réaction de la hiérarchie à leurs alertes.

    Attal médiatique versus Attal réel

    La circulaire du 31 août 2023 permet de mesurer l’écart séparant l’Attal médiatique de l’Attal réel, ministre du gouvernement Borne.
    Les moyens évoqués dans la circulaire ne constituent en effet aucune véritable novation.
    Par conséquent on est en droit de se demander pourquoi ils n’ont pas déjà été appliqués par le ministère de l’Éducation contre les abayas. Et pourquoi ce qui n’a pas fonctionné hier marcherait mieux maintenant. Par seule la vertu du verbe attalien ? Parce que les musulmans seraient enfin touchés par la grâce laïque ?

    La question que pose l’islamisation de notre société, conséquence de l’immigration de peuplement, ne se réduit pas en outre aux abayas et aux qamis, lesquelles ne sont que la partie émergée de l’iceberg. En admettant que quelques succès soient acquis en la matière (et ils seront bien sûr fortement médiatisés !), cela ne changera nullement les rapports de force à l’œuvre dans notre société.

    La circulaire du 31 août 2023 confirme qu’il faut toujours distinguer entre les propos tenus par un politicien – qui n’engagent que ceux qui les écoutent –, les mesures réellement prises par lui – qui ne correspondent pas nécessairement aux intentions déclarées – et leurs effets concrets – lesquels peuvent contredire l’intention initiale du fait du principe d’hétérotélie.

    Une distinction essentielle que les médias mainstream effacent en permanence, en nous présentant des paroles comme des réalités. Des vessies pour des lanternes, donc.

    Michel Geoffroy (Polémia, 7 septembre 2023)

     

    Notes :

    [1] Le Monde du 31 août 2023.
    [2] « Tueur de Maures » en espagnol.

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  • Le droit au cœur de la domination économique...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue d'Olivier Maison Rouge, cueilli sur le Journal de l'économie et consacré à l'utilisation du droit comme arme de guerre économique...

     

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    Le droit au cœur de la domination économique

    « Il est évident que la mondialisation économique, mais aussi sociale et intellectuelle, formate le droit, non seulement le droit international, mais aussi les droits internes. » (1)

    En cela, le droit est effectivement devenu un des instruments de l’affrontement économique global. Il se retrouve sous forme de normes, sanctions, embargos, et plus largement permet à la puissance émettrice d’asseoir sa domination envers les pays vassaux.

    D’une manière générale, il n’est pas interdit d’affirmer que le droit d’un état soumis n’est autre que la loi du vainqueur. Historiquement, le Code civil français de 1804 s’est étendu au continent européen avec l’avancée des armées napoléoniennes (2). Il en fut de même, le siècle suivant, avec l’expansion coloniale française dans les pays d’Afrique.

    À l’heure de la mondialisation et de la compétition économique, le droit, qui est une dimension non négligeable en matière de conquête des marchés et de dépendance économique, ne doit donc pas être considéré comme un simple instrument non efficient. Au contraire, il est nécessaire d’affirmer la place du droit, notamment en matière de rayonnement et d’accroissement de puissance économique. Le droit, dans son essence même, sert d’étalon et de norme aux entreprises humaines et aux activités commerciales.

    DROIT ROMANO-GERMANIQUE CONTRE COMMON LAW

    Si l’antagonisme n’est pas toujours aussi ténu dans les faits, on peut néanmoins aisément dégager les lignes d’affrontement, l’opposition reposant essentiellement sur la hiérarchie des normes.

    Traditionnellement, on distingue les deux approches dans le rapport à la Loi :

    Il est couramment admis que le droit romano-germanique (ou « continental ») affirme la primauté de la Loi sur la volonté des parties que l’on retrouve cantonnée dans le contrat qui n’est que la loi des parties. Plus largement, la loi est perçue comme l’expression de la volonté générale, raison pour laquelle le droit continental lui confère une valeur absolue.

    A contrario, le common law anglo-saxon, fait prévaloir le Contrat, comme affirmation de la liberté contractuelle et de l’autonomie de la volonté des parties. Par conséquent, le juge ne peut défaire ce que les cocontractants ont voulu, tandis que le droit continental souffre davantage l’immixtion du juge dans le contrat, au nom de l’ordre public.

    Mais la ligne de démarcation juridique ne s’arrête pas à cette seule opposition hiérarchique. Ayant évoqué le rôle de juge, précisément, en matière procédurale, les règles diffèrent largement. Ainsi, en droit continental, le procès est mené sur le mode dit « inquisitoire », ce qui laisse toute faculté au magistrat pour conduire et organiser les débats. Il est maître du déroulement de l’audience et juge du choix des pièces et du mode opératoire de constitution de la preuve.

    En droit coutumier, si le juge n’est pas moins un acteur du procès, la justice étant nommée « accusatoire » leurs avocats – prennent l’initiative de la direction des débats. De même, la jurisprudence a une valeur supérieure, à l’instar de l’absence de constitution écrite du Royaume-Uni, souvent citée à titre d’exemple.

    INTERDÉPENDANCE OU INFÉODATION ?

    Cette comparaison systémique serait sans incidence si, effectivement, elle ne se traduisait pas par la conquête de parts de marché du droit.

    À cet égard, on peut souligner l’importance de la notation annuelle établie par la fondation Doing Business, déclassant volontairement les pays de droit continental (affirmant que le common law offre davantage de garantie et de sécurité juridique des actes)(3).

    Cette bataille n’est pas neutre sur le terrain de la globalisation des échanges, dans la mesure où le droit est partie prenante dans la traduction des relations commerciales. Et ce faisant, à l’échelle globale, le common law s’affirme comme la pratique usuelle incontournable, voire comme un modèle indépassable du monde des affaires, au détriment du droit continental.

    Ainsi, il est patent de relever que :
    « La capacité des entreprises à exporter dépend en grande partie du cadre juridique qui les contraint dans le pays d’importation et dans lequel elles déploient localement leurs initiatives ;
    Pour exporter du droit, il faut d’abord exporter des professionnels : dans les années 70, les Anglais ont favorisé l’exportation de leurs juristes, notamment les avocats des banques britanniques, ce qui explique qu’aujourd’hui le droit financier international soit largement d’inspiration anglo-saxonne. » (4)

    En effet, autre phénomène visible et révélateur, la présence et l’implantation des cabinets anglo-saxons dans les pays de droit civil, qui se traduit dans les faits par l’extension et la revendication des normes et pratiques issues du common law.

    Cette soumission au droit anglo-saxon s’est trouvée renforcée dans le cadre des procédures dites extraterritoriales, par lesquelles les autorités judiciaires américaines se sont déclarées compétences pour l’application de lois anglo-saxonnes, à l’égard d’entreprises et/ou d’opérations étrangères ne présentant aucun lien de rattachement direct avec les États-Unis. De fait, en vertu d’un impérialisme juridique, les États-Unis se sont vus non seulement gendarme, mais aussi juge du monde.

    La réalité est que les entreprises, et notamment les directions juridiques, œuvrant dans un monde des affaires façonné par des préceptes américains (financiers, commerciaux, juridiques, etc), elles s’alignent sur les canons ainsi édictés, les rendant au final vulnérables à l’égard de législations étrangères auxquelles elles se soumettent naïvement.

    CHERCHER L’AUTONOMIE STRATÉGIQUE

    Le défi actuel qui appartient aux Européens réside donc dans l’affirmation du droit continental à l’égard des règles juridiques étrangères.

    Il convient donc de chercher un nouveau point d’équilibre pour éviter que l’influence du droit civil ne s’affaiblisse davantage, au bénéfice du common law. L’ambition est alors d’appuyer à l’international le rayonnement du droit civil, en lien notamment avec le développement de la francophonie.

    Dans cet esprit de reconquête, deux actions parfaitement complémentaires ont d’ores et déjà été initiées, et qu’il convient de saluer :

    La Fondation pour le droit continental a été instituée en 2007, précisément pour :
    « Faire valoir au plan international les qualités des droits écrits codifiés dans le souci de maintenir un équilibre entre les systèmes juridiques (…),
    Etablir une solidarité entre les juristes de droit continental pour mener des actions communes de promotion de ce droit,
    Mettre en œuvre une stratégie d’influence juridique au plan international dans l’intérêt des entreprises du droit continental,
    Valoriser, au plan international, l’expertise des professions du droit,
    Contribuer, par la formation, à l’ouverture internationale des juristes de droit continental. »
    Selon la Fondation pour le droit de continental, les pays représentant environ 60% du PIB ont d’ores et déjà adopté un mode référentiel relevant du droit civil ou approchant. Ceci doit nous conduire à rester optimistes.

    En parallèle, il appartient aux juristes de réinvestir les institutions internationales créatrices et prescriptives de normes et de règles, telles que l’OMC, l’OCDE, OMS, l’OIT, ... bien qu’elles soient actuellement déclinantes.

    L’enjeu fondamental est désormais d’apprécier les grandes évolutions géopolitiques et systémiques qui vont peser durant plusieurs décennies, en matière de pôle décisionnel et de centre d’impulsion économique mondiale. Or, à cet égard, ayant énoncé en propos liminaire que le droit n’est autre que la loi du vainqueur, on peut se satisfaire de voir que les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont globalement adopté un système juridique de droit écrit (cela vaut notamment en droit constitutionnel, droit de la propriété intellectuelle, droit civil …). Nul n’ignore que ces pays portent actuellement atteinte à l’hégémonie économique des pays anglo-saxons et ont depuis lors fait basculer le monde dans un système multipolaire.

    Dès lors, la compétition est engagée en matière de prééminence de la norme juridique et la France doit trouver à faire valoir son savoir-faire.

    Olivier de Maison Rouge (Journal de l'économie, 6 septembre 2023)


    Notes :
    [1] du MARAIS Bertrand, « Guerre du droit, Paris brûle-t-il ? », in l’ENA hors les murs, octobre 2014, n°445
    [2] Ce qui lui vaut d’être aujourd’hui dénommé « droit continental »
    [3] Ibid.
    [4] http://thomastoby2012.com/la-guerre-des-droits-une-guerre-économique 16 juillet 2012
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  • Le pessimisme et l'action...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une nouvelle vidéo d'Ego Non dans laquelle il évoque la pensée de Georges Sorel au travers de son célèbre livre Réflexions sur la violence (La Nouvelle Librairie, 2023) ainsi que de l'essai que lui a consacré Rodolphe Cart, Georges Sorel - Le révolutionnaire conservateur (La Nouvelle Librairie, 2023).

     

                                                 

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  • Il y a 100 ans, mourait Vilfredo Pareto...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Winfried Knörzer  consacré à Vilfredo Pareto, cueilli sur le site d'Euro-Synergies, qui en a assuré la traduction, et initialement publié dans sa version originale sur le site de la revue allemande Sezession.

     

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    Il y a 100 ans, mourait Vilfredo Pareto. Winfried Knörzer nous rappelle l'importance de son oeuvre

    Vilfredo Pareto (1848 - 1923) est un classique de l'économie politique et de la sociologie. Comme c'est souvent le cas avec les classiques, Pareto est souvent mentionné, mais rarement lu.

    Les manuels d'histoire de la sociologie traitent de lui de manière obligatoire, mais la traduction française de son œuvre principale, Trattato di sociologia generale, qui se limitait de toute façon aux chapitres les plus importants, est épuisée depuis des décennies. Seul un recueil d'articles sélectionnés est actuellement disponible en Allemagne. Les efforts méritoires de Gottfried Eisermann dans les années 1960 pour faire connaître Pareto dans notre pays sont tombés à l'eau.

    Pareto est encore populaire aujourd'hui grâce à l'une de ses nombreuses contributions à la théorie de l'utilité - la règle dite 80 : 20 (principe de Pareto). Exemple : si vous nettoyez une pièce encombrée de déchets, vous avez déjà mis de l'ordre à 80% avec 20% de l'effort total ; pour ranger les objets restants de manière judicieuse, un effort toujours plus important est nécessaire.

    Les hypothèses de base de la théorie de l'utilité ont également influencé les travaux sociologiques ultérieurs de Pareto. Pour analyser les actions des personnes, il ne faut pas partir d'un homo oeconomicus construit de manière abstraite, qui s'oriente sur le marché uniquement en fonction du rapport entre l'offre et la demande, mais il faut observer les actions qui ont réellement lieu et essayer de comprendre leurs motivations. La notion d'utilité fait elle-même le lien entre l'économie et la sociologie ; il ne s'agit pas d'une donnée rationnelle, car l'"utilité" dépend du contexte.

    Si l'on se penche sur le portrait intellectuel de Pareto, les zones d'ombre et de lumière apparaissent dans un contraste saisissant. Il a été ingénieur pendant vingt ans et a donc été particulièrement influencé par l'esprit positiviste de son époque. Les sciences naturelles étaient son modèle, c'est pourquoi il s'est toujours efforcé d'appliquer leur modèle de connaissance aux sciences sociales.

    En tant que positiviste, il pensait qu'il était possible de découvrir une vérité objective en se débarrassant des préjugés de la doctrine dominante et de ses propres préjugés. Mais c'est précisément cette croyance qui l'a conduit au-delà du positivisme, puisqu'elle l'a amené à pousser la recherche de la vérité jusqu'à ses ultimes conséquences. Il a en effet découvert que l'action humaine était bien moins déterminée par la raison que ne le prétendait la science. Chaque ligne de son œuvre témoigne de son étonnement et parfois de son indignation face au fait que le monde n'est pas aussi raisonnable qu'il devrait l'être. Cette prise de conscience a eu deux conséquences : d'une part, elle lui a permis d'acquérir une vision du monde sans illusion et sans jugement de valeur, ce qui lui a permis de mettre à nu, par l'interprétation, les motivations qui sous-tendent les phénomènes sociaux. Cet art de l'interprétation fait la force de Pareto.

    D'autre part, il a tenté d'extraire du chaos varié des actions non rationnelles un ordre analysable rationnellement sous la forme d'un système. Avec cette approche, il est cependant retombé derrière le positivisme, dans une taxinomie baroque avec des classifications confuses et des déductions abstruses.

    Ce n'est pas grâce à sa théorie, mais en dépit de celle-ci, que Pareto est parvenu à ses conclusions révolutionnaires sur le fonctionnement des processus sociaux. Le système sociologique de Pareto est en quelque sorte la dérivation de ses connaissances intuitives. La faiblesse de la construction du système de Pareto apparaît déjà dans l'un de ses éléments centraux : la définition des résidus. Même les interprètes les plus bienveillants ont reproché à cette définition son manque de cohérence. Les résidus sont des complexes idéaux de motivation, souvent appelés simplement instincts par Pareto. Pareto interprète l'action sociale en la ramenant aux résidus qui la sous-tendent. Seuls les deux premiers résidus d'un groupe de six ont acquis une notoriété générale.

    Le contenu de "l'instinct de combinaison" est relativement précis : il comprend une attitude progressive, la recherche de la nouveauté, l'audace, l'utilisation de la ruse et de la persuasion dans les relations humaines et de l'imagination dans le travail créatif. Cette disposition mentale s'incarne dans les idéaux-types du spéculateur en économie et du renard en politique. Ce résidu passe au premier plan dans les époques hautement civilisées. Lorsque ce type est parvenu au leadership, il règne par consensus.

    La deuxième catégorie s'intitule "Persistance des agrégats". Elle est incarnée par les types du rentier et du lion. Le retraité vit de ses économies, de ses avantages, de ses privilèges ou d'autres revenus fixes et est donc réticent au changement ; il est passif et anxieux. Le Lion tire sa confiance en lui de sa force et de son agressivité ; il domine par la violence.

    Cependant, les dispositions mentales des deux types s'excluent mutuellement : On ne peut pas être à la fois passif et agressif, prendre le pouvoir par la force et avoir peur du changement.

    Malgré ce manque de précision définitionnelle, le génie de Pareto apparaît toutefois ici, car en distinguant ces deux types, il a anticipé presque mot pour mot celui de David Goodhart entre les "somewheres" et les "anywheres" : «Dans la première catégorie se trouvent les "enracinés", dans la seconde les "déracinés"».

    Pareto a acquis une importance durable grâce à sa théorie des élites, dont l'originalité réside avant tout dans l'analyse de la circulation des élites. L'idée de la circulation des élites découle nécessairement des hypothèses théoriques de base de Pareto :

    1) ce sont principalement les instincts qui déterminent l'action ;

    2) chaque grand groupe délimitable, y compris la classe dirigeante, est composé de personnes ayant la même constitution instinctive ;

    3) comme la constitution instinctive et donc le type d'homme de la classe dominante ne peuvent pas changer, la classe dominante ne peut changer que si le type d'homme jusqu'ici dominant est remplacé par un autre.

    Au début de chaque nouveau cycle, il y a la violence. Un groupe d'individus agressifs (résidu de la "persistance des agrégats") s'est emparé du pouvoir par la conquête ou la révolution. La domination ne peut toutefois pas être maintenue durablement par l'utilisation de la violence nue. Elle doit être légitimée et se fonder sur le consentement de ceux qui sont soumis à la domination. Dans le même temps, l'économie commence à prospérer grâce à la paix civile et à la sécurité juridique.

    Ces deux évolutions, l'établissement d'un consensus et la croissance économique, favorisent l'émergence d'un type d'homme caractérisé non pas par l'agressivité mais par l'intelligence (résidu de "l'instinct des combinaisons"). Les productions de discours et de biens gagnent en importance, et avec elles le type d'homme qui exerce ces activités. Celui-ci accède donc à la classe supérieure, mais est encore exclu de la domination politique proprement dite. Il existe donc dans la classe supérieure deux fractions distinctes : l'une dominante (les établis, qui règnent par l'épée) et l'autre dominée (les ascendants, dont le pouvoir repose sur leur force mentale ou leur richesse).

    C'est maintenant qu'il faut décider si l'évolution future sera pacifique ou violente. Elle est pacifique lorsque certains membres de la faction dominante, particulièrement incompétents, quittent la société et que des membres de la faction dominée prennent la place laissée vacante par cooptation. La révolution survient lorsque la faction dominante se ferme complètement et, surtout, lorsqu'elle tente de maîtriser la situation par la carotte et le bâton.

    Dans cette phase, la faction dominée se fait le porte-parole des couches dominées, inférieures. Elle utilise l'agressivité, la colère et la force numérique des classes inférieures comme instrument pour parvenir elle-même à la domination. Une fois cet objectif atteint, l'alliance est rompue et le Maure, qui a fait son devoir, est apaisé par quelques cadeaux et phrases. Les classes inférieures n'accèdent jamais au pouvoir en tant que telles, mais seulement la petite partie, l'élite, qui a déjà accédé à la classe supérieure.

    La véritable lutte des classes ne se produit jamais que dans l'affrontement entre la fraction dominante et la fraction dominée au sein de la classe dirigeante.

    Pareto a été courtisé par Mussolini dans la dernière année de sa vie, ce qui l'a exposé au soupçon de sympathie avec le fascisme. Mais : Pareto n'est ni de droite ni de gauche, mais un analyste de la société devenu cynique et incorruptible.

    Il semble être de gauche parce qu'il dénonce impitoyablement les agissements des classes dirigeantes et leur exploitation du peuple.

    Il semble être de droite parce qu'il méprise la faiblesse des décadents hypercivilisés qui reculent devant tout usage de la violence, et parce qu'il se moque de l'hypocrisie humaniste.

    Winfried Knörzer (Euro-Synergies, 1er septembre 2023)

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  • L’été de tous les crimes et de toutes les manipulations politico-médiatiques...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Laurence Mauguest cueilli sur Polémia et consacré à l'été de violence et de manipulation que la France a traversé...

     

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    L’été de tous les crimes et de toutes les manipulations politico-médiatiques

    Dès fin juin, l’été fut chaud. La mort de Nahel a entrainé les émeutes dont le monde entier a parlé. Elles furent sources de catastrophes pour bon nombre de commerçants et d’entrepreneurs. Depuis, l’été poursuit sa course avec chaque jour son crime, son viol, ses actes de barbarie insoutenables. Il nous faut tenter de réfléchir aux traitements médiatiques de ces horreurs et à leurs incidences psychologiques.

    Des victimes plus importantes que d’autres

    Emmanuel Macron a pris la parole immédiatement après la mort de Nahel en mettant en cause, d’emblée, le geste du policier. Cela nous confirme, encore une fois, que le locataire de l’Élysée n’a pas pris la mesure de ses responsabilités. Notamment, en qualité de premier magistrat de France, il aurait dû veiller, avec intransigeance, au respect du principe de non-ingérence du politique dans les enquêtes de police et de justice.

    En instillant un sentiment de suspicion quant à un acte de police, il ne pouvait qu’attiser les émeutes de rue et provoquer la colère, ou pire peut-être, la dépression des policiers. L’avenir nous confirmera le tout.

    En revanche, le silence fut assourdissant à la suite de certains crimes dus à un manque de sécurité chronique. Pourtant, le premier rôle de l’État est bien d’assurer la sécurité de tous. L’État est donc incompétent en amont et révoltant en aval par son mutisme à la suite de ces meurtres sauvages. Des personnes mortes pour un mauvais regard, une nuisance sonore qu’ils tentaient d’empêcher ou encore pour avoir tenté de rappeler au bon sens un homme qui urinait sur un pas de porte…

    Nous avons vu cette liste s’accroitre de façon cauchemardesque au fil de ce qui ne peut plus être appelée « la trêve estivale ».
    Nous notons que ces victimes n’appartenaient pas à une dite minorité d’origine étrangère. Contrairement à Nahel et d’autres « jeunes » blessés ou tués lors de leurs altercations avec les forces de l’ordre, qui, eux déclenchent systématiquement une avalanche d’émotion et de réactions tonitruantes.
    Cette inégalité dans les réactions s’accentue d’une façon tout simplement grossière.
    Effectivement, nous constatons que des politiques, même en responsabilité, ne redoutent plus d’afficher les différences éclatantes de leur perception des crimes selon leur contexte ! Ils n’ont peur de rien. C’est bien la preuve de leur sentiment de « toute-puissance » et cela devrait véritablement nous alarmer.

    L’arrogance des hommes politiques signe-t-elle l’avancée de notre lobotomisation ?

    Le succès des manipulations médiatiques quotidiennes – par exemple le traitement du phénomène des Gilets Jaunes ou bien encore l’acceptation des mesures liberticides d’une grande majorité de Français au temps du coronavirus – semble en attester.
    Il serait peut-être temps de se ressaisir mais comment ?

    Les partis souverainistes d’opposition, soi-disant sensibles à la situation des Français, continuent à battre leurs propres campagnes, à-coup de tweets et de petites phrases, sans évoquer, ou que trop rarement, la nécessité de l’union des forces.
    En définitive, les Français ont peu de recours pour résister à l’oppression politico-médiatique, particulièrement asservissante, qui avance sans pudeur et sans gêne comme dans un ventre mou.

    Pour renforcer cette mollesse : une bonne dépression estivale !

    La répétition de ces actes monstrueux, que l’on nous égrène au quotidien dans les détails les plus sordides, est certes source de dépression chez les Français mais, en même temps, elle œuvre à la banalisation de ces maux.

    Le terme même de « fait-divers » est symptomatique. Revenons avec humilité au Petit Larousse qui nous apporte deux définitions :

    1. Événement sans portée générale qui appartient à la vie quotidienne.
    2. Rubrique de presse comportant des informations sans portée générale, relatives à des faits quotidiens.

    Ces crimes sont donc considérés par le monde politico-médiatique sans incidence et leur caractère « quotidien » est souligné avec clarté.

    Le choix d’utiliser ce terme est donc bien une stratégie évidente de « banalisation » et aussi, plus malheureusement encore, un acte de torture psychologique vis-à-vis des victimes et de leurs proches. En effet, comment accepter de voir un être aimé trainer dans la rubrique « Faits-divers » ?
    Ces actes, par leur quantité incroyable, doivent devenir en quelque sorte habituels tout en étant source d’anxiété. Un peuple déprimé peut être asservi à l’insupportable et devient ainsi manipulable à souhait.

    En fait, les Français doivent non seulement accepter de vivre dans la peur face à la montée de la violence… tout en étant soumis quotidiennement à une doxa qui la nie ! Voilà un bel exemple de situation source de dissonance cognitive particulièrement délétère quant à l’équilibre de l’esprit humain.
    Dissonance cognitive que nous connaissons depuis des années déjà et qui s’étend du « sentiment d’insécurité », terme tant médiatisé afin de minimiser une menace pourtant réelle, jusqu’aux injections paradoxales qui ont ponctué nos vies sous coronavirus : « Allez au théâtre mais ne sortez plus » – « Café debout mais pas assis » – « Tour du pâté de maison avec auto-attestation de déplacement dérogatoire », etc.

    Il faut nous attendre à des dissonances plus criantes encore aux heures des futures rencontres sportives internationales qui vont se dérouler en France.
    Préparons-nous psychologiquement à une pathologie du spectacle qui aura office de ménager notre image dans la presse mondiale missionnée pour dissimuler les plaies et les peines des Français. La médiatisation des peines affligées aux pilleurs du mois de juin, peines d’une lourdeur si peu habituelles, sont une première illustration de la France Potemkine en cours de fabrication. La France Potemkine, sommet de la dissonance qui rend fou. Que deviendront les Français ? Tout le monde ne peut pas être Corse.

    Laurence Maugest (Polémia, 29 août 2023)

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  • Soulèvements de la Terre, Civitas: dissolution, piège à cons...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Nicolas Lévine, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à la question de la politisation de la justice notamment au travers des décisions de dissolution d'associations politiques...

     

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    Soulèvements de la Terre, Civitas: dissolution, piège à cons

    Il n’y a que les gens de gauche qui trouvent la France trop à droite. De même, il n’y a que les juristes de gauche qui pensent vraiment qu’on y juge « en droit ». Il est vrai que notre droit est de gauche – ou libéral, ou progressiste. La preuve par le Conseil d’État, lui qui doit statuer sur les demandes de dissolution du ministère de l’Intérieur, mais qui ne semble pas les traiter avec la même équité suivant qu’elles sont de gauche ou de droite. Ainsi les Soulèvements de la Terre seraient-ils indissolubles, alors que les soulèvements de la droite – hier Génération identitaire, demain Civitas ? – seraient quant à eux solubles. Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements tout court vous rendront blanc ou noir.

    En France, on juge globalement « en droit », parce qu’on a quand même des codes, des articles, et que la Justice s’y réfère pour absoudre – j’emploie ce vocabulaire à dessein, car il y a quelque chose de messianique dans cette Justice humaniste, adepte de la dixième chance, enfin uniquement pour certains, avec son idéal de la réinsertion qui sonne comme une rédemption maçonne – ou condamner. Mais la loi est sujette à interprétation, et les juges français – à l’instar des européens – ne se privent pas pour interpréter dans un sens qui leur convient. Lorsque le rappeur noir – par ailleurs caché derrière un pseudonyme, ce qui a pu jouer, je le conçois – Nick Conrad chante : « Je rentre dans les crèches / Je tue des bébés blancs / Attrapez-les vite / Et pendez leurs parents », en fait un clip horrifique, le diffuse et l’assume parfaitement, la loi permet de l’envoyer au trou pour un an et de lui soutirer quarante-cinq mille euros. Ce qui n’a pas été le cas, comme on s’en doute.

    Ce n’est pas rien, de prôner l’assassinat de nourrissons, de leurs parents, et ce en vertu de la couleur de leur peau. En Occident, il n’est rien de plus grave, de pire crime-pensée que le racisme. Conrad aurait donc dû être sévèrement puni. Mais Conrad est Noir ; or, selon le progressisme, le racisme est un système de domination inventé par les Blancs pour dominer les autres races ; l’appel au meurtre lancé, sur une base raciale, par le rappeur-afro-militant ne peut donc pas être tout à fait raciste ; il relève fondamentalement d’un autre ordre : c’est un appel au secours, l’expression d’un juste désir de revanche, la « blanchité » soumise à un examen de conscience, une « métaphore »… C’est là ce que pensent la plupart des journalistes, des universitaires, des écrivains, des comédiennes, des juges, des politiques, des cadres de l’économie nouvelle, en somme les membres des élites, qui recrutent d’ailleurs dans le même milieu, qui pratiquent une endogamie stupéfiante et partagent le même fond culturel et idéologique – en clair, la bourgeoisie, ou plutôt les deux, la petite et la tout court.

    Selon que vous serez correct ou incorrect

    Pour « décrypter le monde », comme disent les journalistes – laissant donc accroire que le monde est « crypté », mais heureusement ils sont là pour le révéler aux simples mortels que nous sommes ! –, ils disposent d’une unique grille de lecture, difficile à nommer – marxisto-raciale ? libérale-diversitaire ? –, avec des « dominés » et des « dominants », des gentils colorés et des méchants blancs. C’est là le « logiciel » de la gauche, pour parler (encore) comme elle – un logiciel directement issu des Lumières, donc, mais revu par deux cinglés, Sartre et Foucault. Si Nick Conrad avait été Blanc et avait chanté « Je rentre dans les crèches / Je tue des bébés noirs / Attrapez-les vite / Et pendez leurs parents », il la prenait, son année en zonzon, et il n’aurait pas non plus échappé à l’amende de quarante-cinq mille euros.

    Pour un raciste de ce genre, on tordrait sans remords les qualifications pénales afin de le tuer socialement et économiquement. Mais en tant qu’homme noir, donc victime atavique, pluriséculaire, victime du fameux système de domination instauré par les Blancs, justement désireux de se libérer de l’esclavage mental, culturel, économique et social dans lequel il vit, Conrad a le droit d’appeler à massacrer des enfants blancs, leurs parents et le revendiquer devant un tribunal. Cela ne coûte en tout cas que six mois et cinq mille euros avec sursis (qui seront du reste annulés en appel). Il en va d’ailleurs des gauchistes comme des « dominés » de naissance : si Clément Méric avait tué Esteban Morillo et non l’inverse, il est certain que le verdict aurait été différent. (Un antifa qui tue un facho, ce n’est pas la même chose qu’un facho qui tue un antifa. Nier cela, ce serait comme comparer nazisme et communisme, alors qu’on sait très bien que le second génocidait pour le bien de l’humanité, ce qui change tout. Les dizaines de millions d’innocentes victimes du communisme étaient heureuses de mourir d’une balle dans la tête, sur un petit sentier de Pologne, de Bohême, du Vietnam, dans un goulag.) Sans doute que, outre une peine bien inférieure à celle reçue par Morillo, Méric aurait été remercié d’avoir, avec ses camarades petits-bourgeois, participé au nettoyage des rues de France, où les fachos font régner la terreur. Mais donc on juge « en droit » ?

    Le bon accueil des Soulèvements de la Terre au Conseil d’État

    L’avocat – l’un des avocats ? – des Soulèvements de la Terre n’a pas fait semblant, lui. Le 11 août sur BFM, le bonhomme, en direct en visio, est lancé par la speakerine. Que pense-t-il de la décision du Conseil d’État qui refuse la dissolution de l’association d’extrême gauche ? Normalement, il devrait dire ceci : « C’est une décision logique. Le juge administratif a, en responsabilité, estimé que les éléments du dossier ne justifiaient pas au final la dissolution de l’association. » Le droit, toujours le droit – et ce qu’il faut de novlangue, d’anglicismes et de scies. Il était tôt ; l’avocat n’était pas ivre, à priori ; et le reste de son intervention manifestait une adhésion totale à l’époque et ses codes. Alors pourquoi a-t-il répondu, le plus posément du monde, la chose suivante : « Le Conseil d’État a déjà puni plusieurs fois le gouvernement pour son inaction climatique. Logiquement, il ne pouvait donc pas dissoudre une association qui a pour but de sauver la planète. Le Conseil d’État a été cohérent. » Hein ? Cohérent en quoi ? Politiquement ? Il ne pouvait vouloir dire que cela. Oui, en effet, le Conseil d’État est, en l’espèce, cohérent politiquement. Mais de quel droit notre plus haute juridiction administrative fait-elle de la politique, ce qui n’est pas du tout sa vocation ? Elle en fait depuis longtemps, certes. C’est par exemple le Conseil d’État qui, via le célèbre arrêt GISTI de 1978, a consacré l’immigration de peuplement – ce sont donc des juges, des fonctionnaires non élus et irresponsables, qui ont réinitialisé le paradigme civilisationnel dans lequel la France se déployait depuis quinze siècles. Nous nous sommes habitués à une inflation jurisprudentielle, systématiquement orientée politiquement, du reste raccord, dans le cas de l’ordre judiciaire, avec le gauchisme et le socialisme hégémoniques à l’École nationale de la magistrature – pour s’en convaincre, en plus des débats et des peines, on peut s’amuser à lire les productions « scientifiques » des élèves de l’école, évidemment tous obsédés par le social, le sexisme, le genre, les violences-faites-aux-femmes, les discriminations, les-violences-policières. Les juridictions administratives ne sont pas en reste qui mettent juridiquement en œuvre, avec le même zèle, le programme progressiste.

    Maman-Gaïa et Migrant-Rédempteur

    Selon ce dernier, il n’est rien de plus important que « l’urgence climatique ». Chaque jour, le JT le répète : « La jeunesse se mobilise pour la planète », « La crise écologique est l’affaire de tous », « Encore une preuve du dérèglement climatique ». Chaque jour un reportage nous montre les conséquences de la hausse du niveau des océans sur l’activité des pêcheurs de Zanzibar. Le climat, c’est limite, juste après l’indétrônable « pouvoir d’achat », qui est lui hors classement, la-première-préoccupation-des-Français. L’« enjeu de civilisation », et même l’enjeu tout court, c’est ça. Fondamentalement ésotérique, la gauche a trouvé dans l’écologie une nouvelle prophétie. Dans son culte dualiste, la protection de Maman-Gaïa va de pair avec celle du Migrant-Rédempteur : un jour, l’homme nouveau métis pourra gambader sur une Planète rendue à la Nature et libérée du Corrupteur-Blanc – cependant, il pourra toujours se rendre dans une clinique pour changer de sexe – pas plus que des autres la gauche n’a peur de cette insurmontable contradiction entre idéalisation puérile et mépris absolu de la nature, une nature bonne en soi, sauf quand elle concerne l’homme. Ce n’est pas « la » jeunesse, mais une certaine, la bourgeoise des métropoles d’Occident, qui manifeste « pour sauver la planète ». Peu importe : c’est la bourgeoisie qui décide du programme. Le climat est donc la grande et unique mission de notre génération et des générations à venir. Y’a-pas-débat. C’est là ce qui autorise l’avocat à avouer aussi benoîtement. En plus, sur BFM, on est entre nous, entre convaincus de l’« urgence climatique » ; on pense dans l’ordre des items proposés par les instituts de sondage ; on sait qu’on ne sera pas contredit sur le fond.

    Et d’ailleurs, la speakerine ne reprend pas l’avocat après sa saillie. La même speakerine, ou l’un de ses clones sévissant sur la pire chaîne de télé de France, qui dégaine sans relâche, quand la causalité y oblige mais que l’idéologie veut absolument le cacher, de chafouins « Vous faites de la politique ». Lola, les « attentats » : il ne faut pas « faire de la politique ». Les droits des minorités, la lutte pour le climat : là tout est politique, même si c’est un politique qui se confond entièrement avec la morale – la gauche est religieuse, disais-je. Il y a en somme, plus que jamais, plus qu’à n’importe quelle époque hormis peut-être les années 30 – et encore ! au moins les idéologies s’y affrontaient, en France le royalisme n’était pas tout à fait mort, c’était infiniment plus fun qu’aujourd’hui où le progressisme domine intégralement les élites, alors qu’elles étaient encore heureusement divisées durant l’entre-deux-guerres – le problème ce n’est pas les élites, il en faut, les nôtres firent d’immenses choses ; le problème c’est qu’elles soient désormais apatrides, que plus rien ne les lie à la France, qu’elles méprisent ses habitants autochtones plus sûrement que les aristocrates snobaient leurs gens en 1788 – il y a plus que jamais, disais-je, l’idéologie.

    Darmanin ou l’art de dissoudre des associations

    L’air satisfait des journalistes, sur BFM et ailleurs, en annonçant la décision du Conseil d’État trahissait le contentement de tout un système. Elle leur permettait en plus, au cœur de l’été, où ils n’ont habituellement que des incendies de forêt, le prix du steak frites en terrasse sur le bassin d’Arcachon et bien sûr les salvateurs conseils pour résister à la canicule – leur monde n’est qu’une suite de messages de prévention – à se mettre sous la dent, de titiller Gérald Darmanin, l’un des meilleurs « clients » de cette Macronie où les personnalités ne brillent guère. Dans l’imaginaire de la gauche – qui est d’abord un imaginaire –, Darmanin occupe la même place que Sarkozy autrefois. Dans sa lutte éternelle contre le nazisme, la gauche voit en lui un énième avatar de la Réaction, l’homme providentiel espéré par les cons qui n’ont rien compris à l’émancipation de l’individu dans un monde enfin débarrassé de ses frontières, évidemment artificielles, et qui empêchent les humains de vivre ensemble, heureux, en paix, ce à quoi ils aspirent évidemment. Darmanin, c’est le drapeau, l’ordre, l’autorité. Que sa dureté, comme celle de Sarkozy, ne soit que de mots, n’y change rien ; non seulement par hypocrisie, qui est chez elle une seconde nature, mais aussi parce que la gauche pense vraiment que « les mots tuent » ; pour elle, ils le font même plus sûrement que ce supposé « réel » qui plaît tant aux réacs et avec lequel la gauche est – même la marxiste, la « scientifique », parfaitement gnostique en vérité, en tout cas basée, comme le libéralisme dont elle procède, sur des postulats complétement faux sur la nature humaine – irrévocablement fâchée.

    Ministère de l’Intérieur au moment où la violence dite du quotidien explose, dix fois humilié dans le dossier des OQTF où les États des pays d’origine des clandestins l’ont baladé, confronté à une fronde systémique des policiers qui voient clair dans son jeu, il y a au moins une chose que Darmanin sait faire, en général : dissoudre des associations. Dans la frêle dynamique de l’oiseuse loi contre le séparatisme, il s’est enfin attaqué à des associations islamistes, parfois déguisées en ONG ; il s’en est pris à quelques figures de la mouvance, à l’instar bien sûr de l’imam Iquioussen – qui l’a bien eu, d’ailleurs, avec le soutien de la justice belge, de la couronne marocaine et, en partie, de notre justice administrative.

    Mais à chaque fois que Darmanin dissout une association islamiste, il se croit obligé de dissoudre également une association patriotique. Le nom de la loi annonçait la couleur, cela dit : outre qu’il vise à cacher le mot islam, le terme « séparatisme » traduit l’idée que nos élites se font des « radicalismes », qu’elles hiérarchisent ; et en vérité, pour un libéral et a fortiori un socialiste et un gauchiste, l’intégriste autochtone est plus dangereux que le salafiste exogène, le type qui veut juste prier en latin que celui qui prépare un massacre de masse, un fascisme imaginaire qu’un fascisme bien réel. Ainsi, Génération identitaire avait été dissoute en même temps que BarakaCity, dans une évidente logique de compensation. Car non seulement la Macronie doit satisfaire son aile gauche, mais elle est de gauche – il faut donc compenser sévère.

    Hyper-tolérance pour l’extrême gauche

    Ces dernières années, d’autres groupuscules identitaires, locaux, ont subi le même sort ; il est vrai que ce fut également le cas de quelques groupes antifas. On observera que le traitement médiatique diffère selon l’objet à dissoudre ; la dissolution d’une assos islamiste, même wahhabite assumée, provoquera une « polémique » ; il n’en ira pas de même de la dissolution d’un groupe de patriotes, dont la disparition sera seulement accompagnée, sur les plateaux, de formules définitives sur le péril fasciste distillées par des experts en extrême droite militant à l’extrême gauche – ce qui est un bon gage d’objectivité. Génération identitaire a été dissoute pour quelques feuilles jetées en l’air au siège marseillais de l’association d’ultragauche SOS Méditerranée, qui encourage des étrangers à violer les lois européennes et les viole elle-même, et des vidéos qui prouvaient que la frontière entre la France et l’Italie était une passoire. L’association refusait la violence. Son agit-prop était propre, et en plus très pro. Elle a été dissoute en cinq minutes. Il y a de cela quelques mois, des membres des Soulèvements de la Terre ont mené et même filmé l’attaque d’une usine de Lafarge, brûlant pour plus de quatre millions d’euros de matériel, affaire d’ailleurs traitée par les services antiterroristes – les journalistes semblent avoir omis ce fait, dont ils n’ont absolument pas parlé. L’association appelle à la violence, au moins contre les biens ; elle mène ou s’agrège à des manifestations interdites, comme celle de Sainte-Soline, où des dizaines de gendarmes ont été blessés ; son caractère séparatiste et même insurrectionnel ne fait aucun doute, tant ce qu’elle dit que ce qu’elle fait justifiait sa dissolution. Le Conseil d’État a en jugé autrement. Que le dossier présenté par le cabinet de Darmanin soit solide ou non, c’est d’abord au tamis idéologique qu’il est passé, et qu’il a logiquement perdu – comme perdent systématiquement toutes les maigres tentatives de durcir le droit des étrangers.

    Pas de civilité pour Civitas

    Compensation, toujours : tandis que le Conseil d’État examinait le dossier des Soulèvements de la Terre, Darmanin a annoncé, pour satisfaire une gauche évidemment indignée par la procédure engagée contre ces sympathiques amoureux de la planète, tous ces Jean-Eudes, Charlotte et Stan sortis d’un cauchemar de Papacito, la dissolution de Civitas. Association catholique, de droite dure, tendance tradi et donc éloignée d’une Église dominée par le gauchisme, Civitas s’est manifestée aux yeux du grand public – et des journalistes, qui ne s’intéressent à rien – lors du vote de l’Assemblée socialiste en faveur du mariage gay. Conséquente – contrairement à tant de catholiques dits de gauche, qui sont surtout de gauche –, l’association s’est opposée et continue de s’opposer farouchement à la PMA et à la GPA, et elle est clairement moins enthousiaste que l’antipape François vis-à-vis de l’immigration de masse extra-européenne. Civitas ne prône pas la violence, ne mène pas d’actions violentes.

    Récemment, lors de quelque colloque, Civitas a invité Pierre Hillard, géopolitologue promu par Égalité et Réconciliation. Durant son intervention – telle qu’elle a été rapportée par une presse évidemment hostile par principe –, Hillard a commenté la naturalisation des Juifs sous la Révolution, a dit voir en elle la matrice de l’immigrationnisme et s’est demandé s’il ne faudrait pas revenir sur ce principe. Niveau antisémitisme, on a fait cent fois pire. Comme tous les auteurs qui gravitent autour de Soral, Hillard a une fâcheuse tendance à analyser toute l’histoire avec le Talmud à la main. Comme le brillant Julien Rochedy l’avait expliqué à un autre essayiste soralien, Youssef Hindi, l’obsession soralienne pour les Juifs est d’abord et surtout bête ; prenant l’exemple de l’origine de la Révolution française, Rochedy opposait les tenants du complot maçonnique à Taine, en somme ceux qui croient en une cause unique et ceux qui savent que, bien sûr, il y a toujours plusieurs causes – et Taine le prouve génialement. Oui, les événements sont toujours multifactoriels ; et j’ajoute que rien, dans la vie des idées, n’arrive par hasard, spontanément, y compris le progressisme, qui correspond en premier lieu, comme l’a démontré Christopher Lasch, à une mutation de la bourgeoisie occidentale, sa sortie du corps social – comme l’aristocratie en était sortie au moment de la Révolution, ce qui l’explique en partie.

    Inviter Hillard est une drôle d’idée ; du reste, on ne voit pas ce qui, dans ses propos, choque tant – il n’a pas dit qu’il fallait déchoir les Juifs de leur nationalité française –, et puis les excès de la liberté sont toujours préférables à ceux de la censure. Aidé comme d’habitude par les mouchards LFI qui traquent sans relâche, avec l’enthousiasme de scouts commissaires politiques, les « dérapages » sur les réseaux sociaux, qui réclament sans cesse la dissolution de mouvements patriotiques quand ce n’est pas carrément celle du RN, Darmanin a immédiatement sauté sur l’affaire. Se débarrasser de l’une des principales associations authentiquement catholiques, d’un opposant constant aux délires transhumanistes et sociétaux : le Iago de Tourcoing ne pouvait laisser passer cette occasion. Sevrée de « polémiques » sur les tampons hygiéniques, les toilettes non-genrées et le changement de sexe à huit ans, la gauche accepte volontiers ce cadeau, qui l’autorise à faire des heures d’antenne et des pages et des pages sur l’intégrisme catholique, si présent, si oppressant, toujours capable de déclencher sur une nouvelle Saint-Barthélemy dans le Marais et à Sevran. Si le dossier contre Civitas est centré sur Hillard, il me semble bien léger ; et je ne vois pas ce qui, dans ses prises de position et actions passées, justifierait la dissolution de l’association ; mais on peut quand même parier que, pour elle, le Conseil d’État ne s’opposera pas.

    Une justice politique

    Chaque semaine, des associations islamistes accueillent – ou tentent d’accueillir – des prédicateurs imperméables aux « valeurs de la République ». Darmanin n’engage pas leur dissolution. Il laisse également tranquille, outre SOS Méditerranée qui accomplit un rôle de passeur, d’associé de trafiquants d’êtres humains, toutes les associations pro-clandestins qui – je le répète, car la chose semble ne choquer que moi – violent et appellent les clandestins à violer les lois et ce, en toute décontraction – imagine-t-on une association, subventionnée en grande partie par de l’argent public, appelant à ne pas payer les impôts ou promouvant la haine raciale ? Quid d’Utopia 56, qui a installé, sous des tentes, des clandestins sur les places de la République et du Palais-Royal, paye les procédures administratives des clandestins et, dans la lignée du GISTI toujours très actif, mène une guérilla juridique de chaque instant contre l’État ?

    Formidablement ambitieux, Darmanin se sert de la dissolution d’association pour nourrir sa com’. Donner aux boomers centristes l’impression de frapper les « radicalismes », ça doit rapporter. C’est son calcul pour 2027. Mais, entre les mains de cet énième Machiavel et sous la pression permanente de la gauche, cette procédure est aussi un outil au service d’une répression idéologique qui s’acharne encore plus durement sur ceux qui veulent sauver leur culture que sur ceux qui veulent la détruire. Et la Justice, sur la même ligne, vient consacrer ce titanesque renversement de civilisation auquel le droit a déjà collaboré de façon décisive. En somme, il s’agit d’une justice politique.

    Nicolas Lévine (Site de la revue Éléments, 21 août 2023)

     

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