Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Points de vue - Page 35

  • L’Europe n’est pas réductible au nationalisme blanc...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Patrick Arteault cueilli sur Voxnr et consacré à la question européenne.

    Jean-Patrick Arteault collabore à la revue Terre & Peuple Magazine. Il est l'auteur de Pour une boussole métapolitique (Editions de la Forêt, 2020) et de Comprendre le mondialisme et les origines de l’État profond occidental (Terre et peuple éditions, 2022).

    Ethnies européennes.png

    L’Europe n’est pas réductible au nationalisme blanc

    Précisons d’emblée que le « nationalisme blanc » n’a rien à voir avec une quelconque idée de « suprématisme blanc ». Seuls les ignares ou les idéologues gauchistes médisants peuvent le soutenir. En réalité, dans cette idée de « nationalisme blanc », née dans le monde anglo-saxon en général et aux États-Unis d’Amérique en particulier, il n’y a aucune connotation agressive, conquérante ou impérialiste. Bien au contraire, il s’agit de la posture défensive et protectrice de certains Américains blancs qui se perçoivent comme membres d’une race en voie d’extinction. Plus qu’une volonté de domination, il y a la volonté d’organiser, de manière séparée, ce qui peut être sauvé d’un monde perçu en rétraction.

    Il n’y a dans cette posture aucun optimisme quant à l’avenir. Cette position, qui est ultra minoritaire dans son pays d’origine, s’est faite jour dans un contexte où ces Américains blancs constataient la simultanéité de la stagnation démographique et du vieillissement des populations d’origine européennes, de la croissance démographique des populations noires et des populations latinos par voie d’immigration et de natalité plus élevée que celle des Blancs avec, pour perspective, une perte de la majorité numérique blanche dans la seconde moitié du XXIe siècle. Le tout se produisant dans un pays né de l’immigration européenne volontaire, fondue dans une matrice anglo-saxonne, de l’immigration noire largement contrainte par la traite et d’une immigration hispanique issue de la colonisation espagnole et revancharde, un pays, soulignons-le, qui n’a jamais réglé les problèmes raciaux qu’il a souvent délibérément construit et qui empirent de nos jours.

    Depuis quelques années, en Europe même, devant la montée d’une immigration, essentiellement africaine, encouragée pour des raisons économiques par l’oligarchie occidentaliste et justifiée idéologiquement par les gauchistes culturels qui la servent, parfois sans le savoir, cette option du nationalisme Blanc a été reprise par quelques racialistes européens. Ils y voient un point d’appui pour résister à une vague qui leur paraît analogue à celle qui frappe les Blancs des États-Unis.

    En réalité, si le « nationalisme Blanc » peut se concevoir aux États-Unis dans une population blanche elle-même résultat de vagues d’immigration qui se sont plus ou moins mélangées entre elles en perdant, pour l’essentiel, leurs spécificités d’origine, c’est moins vrai en Europe où les populations blanches des divers pays restent majoritairement empreintes de leurs consciences culturelles, régionales et nationales respectives, pour autant qu’elles n’aient pas totalement sombré dans l’américanisme, ce qui est un autre débat. Les Américains blancs vivent, quant à eux, dans un pays où les acquis culturels et historiques sont relativement faibles comparés à ceux des pays européens (chaque groupe y conserve les références plus ou moins affadies ou conscientes de son pays d’origine), où l’appartenance socio-économique est survalorisée et dont la taille permet encore le séparatisme résidentiel. D’une certaine manière, le seul point fédérateur, outre le drapeau et la Constitution, qui peut donner aux Américains une cohésion spécifique est bien le facteur racial. Même la religion ne peut pas vraiment jouer le rôle de fédérateur de l’identité car les autres groupes raciaux partagent aussi les principales religions pratiquées par les Blancs et ces religions, la plupart issues de la matrice chrétienne, sont de vision du monde universaliste, ce qui n’aide pas à la préservation d’une identité particulière. Il ne reste donc que le facteur racial comme facteur unificateur des Blancs américains (et des autres !), ce qui reste tout de même un peu pauvre, comme une sorte d’identité a minima.

    Pour ce qui est des Européens, la situation est différente même dans la confrontation avec l’immigration allochtone, et même en tenant compte d’une certaine américanisation des mœurs. Un Européen, questionné sur son identité, répondra spontanément par la référence à son identité ethno-régionale (s’il a conscience d’en avoir une, ce qui n’est pas le cas de tous les Européens) et/ou à son identité nationale. Car, pour la grande majorité des Albo-Européens d’Europe, il n’y a pas eu de rupture dans la continuité locale et nationale des générations. Les Albo-Européens sont des autochtones sur leurs terres et peuvent appuyer cette autochtonie par une résidence continue multiséculaire, voire multimillénaire.

    Sauf pour les microgroupes politisés déjà sensibilisés à la problématique raciale, la découverte par les Européens des diverses nations qu’ils sont Blancs au sens identitaire est assez récente et encore marginale. Ceux qui ont vraiment voyagé (c’est-à-dire en allant au contact des populations étrangères et non en se cantonnant à la fréquentation des amas de touristes) ou ceux qui ont eu à travailler longuement en Afrique ou en Asie ont pu découvrir leur « blanchité » dans le regard des autres. Mais la plupart de ceux qui ont toujours résidé en Europe ne commence à la percevoir que depuis la stigmatisation publique et médiatique dont ils font l’objet et par les insultes et les revendications « indigénistes » et « décoloniales », phénomène assez récent.

    En d’autres termes, c’est le racialisme, voire le racisme, des Noirs et des Maghrébins qui est peut-être en train d’amener certains Albo-Européens d’Europe à se percevoir comme Blancs, ou, en tout cas, à intégrer ce facteur racial à leur conscience identitaire. Et, visiblement, pour le meilleur et pour le pire. Car, ils ne sont pas rares les Blancs européens qui acceptent de se voir moralement à travers les yeux des Noirs et des Maghrébins… Cela entraine, au mieux un sentiment ethno masochiste de dévalorisation, au pire un engagement de type renégat) contre l’albo-européanité raciale et culturelle elle-même.

    Devant la nouveauté de cette offensive racialiste africaine totalement décomplexée, il est probable que les groupuscules politisés déjà évoqués voient leur nombre s’étoffer un peu du fait de cette prise de conscience, mais on doutera que la seule référence raciale suffise à enclencher un mouvement politique massif s’il ne s’appuie pas sur une conscience culturelle charnelle identitaire et autochtone, à la fois locale et nationale. De ce point de vue, les Albo-Européens, quand ils sont sur leurs terres, ont un patrimoine culturel et politique sur lequel il serait idiot de ne pas s’appuyer. Quand on est Albo-Européen, on n’est pas seulement un Blanc mais un Autochtone breton, catalan, alsacien… et français, ou tyrolien et autrichien ou bavarois et allemand, etc. La pénétration allochtone, du fait de l’immigration de masse, vient compliquer ce ressenti identitaire par la pression sociale, culturelle et politique qu’elle représente, mais elle ne l’annule pas.

    Par ailleurs, on ne saurait exciper du caractère massif de la colonisation de peuplement de ces dernières décennies qui pose bel et bien aux pays européens un problème existentiel, l’inutilité de se préoccuper des questions d’organisation politique à l’échelle des pays européens, comme de l’Europe en général. La question de l’immigration et de ses conséquences, comme l’enjeu de la nécessaire remigration, ne seront pas traités par des slogans ou l’organisation de microgroupes survivalistes. Elles devront être prises à bras-le-corps par une vraie démarche politique globale qui saura apparaître comme une alternative crédible aux yeux des autochtones non renégats.

    L’Europe n’est pas l’Union européenne

    L’un des éléments les plus énervant des conversations sur l’Europe, c’est la confusion systématiquement faite entre « Europe » et « Union européenne » au point d’entendre dire couramment « l’Europe » quand on veut désigner « l’Union européenne ». Bien entendu, l’U.E. joue sur cette confusion et l’entretient. C’est de bonne guerre de propagande pourrait-on dire, mais c’est tout ce qu’il y a de plus faux.

    L’Europe est un support géographique peuplé par des communautés humaines multimillénaires dotées de cultures cousines très tôt différenciées par l’histoire). Ce sont ceux que nous appelons, au sens fort, les Albo-Européens.

    L’Union européenne est une organisation interétatique, née par le Traité de Maastricht, entré en vigueur le 1er novembre 1993, prenant la relève des Communautés Économiques Européennes issues du Traité de Rome entré en vigueur le 1er janvier 1958. La C.E.E. était elle-même le prolongement de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier crée par le Traité de Paris, entré en vigueur le 23 juillet 1952. L’Union européenne, en réalité, est le résultat d’un processus initié dès les années 20 du XXe siècle dans les cercles de l’occidentalisme.

    Il y a en effet une préhistoire de l’U.E. avec trois influences directrices : le mondialisme occidental anglo-saxon, essentiellement britannique à cette époque, celui du Groupe de Milner au sein duquel Jean Monnet a fait ses premières armes et a puisé ses modèles ; le fédéralisme pan-européen de Nicklaus Richard de Coudenhove-Kalergi qui se voulait appuyé sur un peuple européen métissé guidé par une double aristocratie, l’une issue du judaïsme, l’autre issue de l’ancienne noblesse de sang ; un ensemble d’idées à la fois pacifistes et internationalistes venues de France à travers les orientations de Léon Bourgeois et d’Aristide Briand, ce dernier notoirement influencé par Coudenhove-Kalergi.

    Il faut noter, au passage, l’importance de l’expérience de la Société des Nations dans la formation de l’idéologie européiste. Le socle de l’idéologie de la S.D.N. était un compromis entre celle du Groupe de Milner et celle de la République maçonnique française. On rappellera que les susnommés Léon Bourgeois et Jean Monnet en furent respectivement le premier président et le premier secrétaire général adjoint.

    Pratiquement, même si elle avait une justification et une étendue mondiale, la S.D.N. fut essentiellement une organisation européenne parce que l’essentiel de ses membres étaient européens ou dépendants de l’Europe et que la puissance mondiale y résidait encore. Les idées, les projets, les méthodes, les hommes qui gravitèrent autour de la S.D.N. influenceront la future « construction européenne ».

    L’influence supposée de l’Allemagne nationale-socialiste sur l’idée européenne

    Il faut maintenant examiner un élément problématique de cette préhistoire de l’Union européenne qui a tendance à revenir sur le devant de la scène ces dernières années. Il s’agit de l’influence supposée de l’Allemagne nationale-socialiste sur l’idée européenne dans les années de la Seconde Guerre mondiale. Cette problématique est revenue sur le devant de la scène à la fois par le travail d’historiens communistes orthodoxes comme Annie Lacroix-Riz pour montrer le rôle de « collaborateurs » français non épurés dans l’après-guerre et, en particulier dans la « construction européenne », dans les travaux d’historiens plus classiques, comme Georges-Henri Soutou et dans les travaux de souverainistes français comme Pierre-Yves Rougeyron ou Philippe de Villiers sur le rôle de l’idéologie nazie dans la conception même de l’européisme et sur le recyclage d’anciens nazis dans les premières années des Communautés européennes. Selon eux, pour le dire brutalement et brièvement, l’Union européenne serait la retranscription acceptable et modernisée d’un projet national-socialiste allemand. Sans qu’il soit possible ici d’aller au fond des choses, on fera néanmoins un certain nombre de remarques. D’abord, il faut distinguer le rôle effectif de l’Allemagne nazie avant et pendant la guerre du rôle que les gens d’après-guerre font jouer rétrospectivement au national-socialisme pour servir des fins qui leur sont propres.

    Avant-guerre, il est à peu près indéniable que la préoccupation nationale-socialiste était massivement nationale-allemande et très marginalement européenne. C’était encore le cas dans les débuts de la guerre, en gros jusqu’à l’invasion de l’URSS. On tentait bien de rassembler autour de l’Allemagne les peuples qualifiés de « germaniques », mais c’était encore dans une optique purement germanocentrée. C’est quand les choses ont commencé à devenir vraiment sérieuses et dangereuses sur le front de l’Est que, sous couvert d’anticommunisme, a pu commencer à germer dans la tête de certains cercles militaires SS et de quelques rares politiques l’idée d’une version « européenne » de la Nouvelle Europe. Ce ne fut jamais la position officielle du Reich. La motivation de cette évolution était d’abord utilitaire et militaire : on avait besoin de chair à canon au-delà du peuple allemand qui peinait à satisfaire les besoins d’une guerre dévoreuse d’hommes. Si certains Européens projetaient leurs anciennes attentes européistes sur l’Allemagne nazie et venaient s’engager, c’était tant mieux mais cela n’engageait qu’eux. Il n’est pas inintéressant de souligner que parmi les volontaires français, on retrouvait d’anciens hommes de la gauche pacifiste, socialiste ou briandiste déjà préparés à une vision européenne.

    Après-guerre, les vaincus ont eu tendance à accentuer l’aspect européen de leur engagement car, s’inscrire dans un projet qui retrouvait une certaine virginité à travers les milieux occidentalistes, les plaçait comme des préfigurateurs, ce qui était plus valorisant que les figures de traitres qu’on leur avait fait endosser après leur défaite. Une mythologie européiste du national-socialisme s’est alors construite dans de micro-milieux pour valoriser un engagement « européen » passé et désormais renouvelé de manière présentable, mythologie qui allait être récupérée, mais à charge cette fois, aussi bien par des communistes orthodoxes comme Annie Lacroix-Riz que par des souverainistes comme Philippe de Villiers ou Pierre-Yves Rougeyron.

    Avec, dans les deux cas la liaison effectuée avec un anti-germanisme de tradition séculaire en France, remontant au moins aux séquelles de la guerre de 1870. Cet anti-germanisme fait que ces milieux sont très contents de « coller » un point Godwin sur le dos des européistes d’aujourd’hui. Mais il faut bien être conscient qu’il ne s’agit ici que de la réactivation du vieil anti-germanisme maurassien lié à l’ennemi allemand soi-disant héréditaire. Anti-germanisme qui n’était d’ailleurs pas partagé par le Général de Gaulle dont beaucoup se réclament aussi.

    On remarquera, en miroir et incidemment, que les mêmes, qui mettent tout sur le dos de l’Allemagne, soit comme « ennemi héréditaire », soit pour des raisons provenant de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, ne questionnent jamais ou rarement le rôle de la Grande-Bretagne dans cette histoire. Les États-Unis sont critiqués certes, car il n’y a pas moyen de les ignorer tant leur rôle est massif. Mais la vision du monde occidentaliste, née d’abord en Grande-Bretagne, est peu interrogée. Il y a une anglophilie, symétrique de la germanophobie, qui se trouve renforcée par l’épisode du Brexit qui fonctionne pour les souverainistes comme l’exemple à suivre. Mais jamais ils ne s’interrogent sur la réalité des rapports de la Grande-Bretagne avec l’idée européiste depuis ses débuts. Envisagée sur toute la période, une telle analyse montrerait peut-être que le choix du Brexit n’a pas été fait dans une logique souverainiste à la française. D’autant plus que les Britanniques sont restés dans l’OTAN, sœur quasi jumelle de l’organisation « Union Européenne » et y jouent aujourd’hui un rôle majeur dans la montée des tensions avec la Russie. La Grande-Bretagne, en tant que membre du 1er Cercle de l’Occident anglo-saxon, a certes plus de marges de manœuvre qu’un pays comme la France qui n’appartient qu’au second Cercle, mais ça n’en fait pas pour autant un pays souverain selon les critères revendiqués par les souverainistes français.

    Ceci étant dit, cela ne signifie pas du tout, précisons-le, que la République Fédérale d’Allemagne actuelle n’ait pas de lourdes responsabilités dans le fonctionnement délétère de l’Union européenne et de l’Euro, ni que l’esprit, culturellement souvent psychorigide, des germaniques n’y participe pas. En réalité, s’il y a une responsabilité allemande dans le fonctionnement de l’Union européenne, elle s’exerce à travers l’occidentalisme dont l’Allemagne post-guerre est le résultat. C’est alors forcer le trait que de mettre sur le dos de l’Allemagne d’aujourd’hui la responsabilité d’une sorte « d’euro-nazisme » en établissant des continuités excessives.

    L’occidentalisme, le produit de la victoire des Anglo-Saxons

    L’occidentalisme, en revanche, est le produit de la victoire des Anglo-Saxons en 1945, et particulièrement de l’entrée des États-Unis dans la compétition pour la domination mondiale.

    Les réseaux anglo-saxons d’avant-guerre, ceux d’une oligarchie anglo-américaine désormais bien connue, se sont alors réinvestis dans un projet géopolitique états-unien qui utilisait l’élan créé par les nouvelles institutions internationales du système des Nations-Unies, à la conception desquelles les États-Unis avaient fortement contribué. S’inscrivirent alors dans cette logique toutes les institutions ou groupements créés en Europe de 1946 aux années 1960 l’Organisation de Coopération Économique Européenne créée en juillet 1947 pour répartir l’aide Marshall et dont Jean Monnet fut le vice-président ; le Conseil de l’Europe fondé en 1948 à l’initiative (entre autres) de Joseph Retinger, futur initiateur du Bilderberg, et de Robert Schuman, l’un des initiateurs des Communautés Européennes ; l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord fut créée en avril 1949 comme le volet militaire d’une intégration occidentale comprenant l’Europe ; avec l’appui américain, Jean Monnet et Robert Schuman propulsèrent l’initiative de la Communauté Économique du Charbon et de l’Acier en 1950 qui évoluera en Communauté Économique Européenne en 1957 puis en Union Européenne après le Traité de Maastricht de 1992. Pour animer discrètement les réseaux de l’oligarchie atlantiste en produisant des réflexions sur les projets de l’ensemble occidental et européen, le Groupe de Bilderberg fut constitué en 1954 à l’initiative de Joseph Retinger. On n’aura garde d’oublier dans ce panorama tous les mouvements fédéralistes européens, ouvertement encouragés par le Département d’État étatsunien, O.S.S. puis la C.I.A. pour faire de l’agit-prop dans les milieux politiques nés ou non de la Résistance.

    En résumé, dès l’origine les institutions qui allaient donner naissance à l’Union européenne ou qui gravitent autour d’elle sont de philosophie libérale, libre-échangiste, occidentaliste, atlantiste, mondialiste. L’Union européenne, comme organisation, souffre alors d’un vice de conception originel qui la rend totalement impropre à assumer le destin d’une Europe « européenne ».

    Toute son histoire, depuis sa constitution officielle en 1993, illustre une continuité, un approfondissement et un élargissement de cette première empreinte. Tous ceux qui pensent que l’on peut faire évoluer cette organisation de l’intérieur pour la faire servir de base à une nouvelle Fédération ou Confédération européenne centrée sur les identités ethnoculturelles, sur les intérêts sociaux, économiques et géopolitiques de l’Europe stricto sensu se trompent.

    Quand on prend en compte le poids des traités conçus pour être très difficilement modifiables, le poids des « valeurs » dites européennes mais en réalité occidentalistes, et le poids de tous les groupes d’influence qui gravitent autour d’elle, on se rend vite à l’évidence qu’on ne peut pas faire évoluer l’Union européenne de l’intérieur.

    C’est une organisation néfaste qui pollue le beau nom d’Europe et qui doit être supprimée en bloc afin de pouvoir construire autre chose sur de nouvelles bases. On reconnaîtra ici toute l’importance du travail d’investigation et de déconstruction des mythes de l’U.E. effectués par les milieux souverainistes malgré leurs excès germanophobes. Il faut reconnaître qu’ils se sont colletés avec courage, professionnalisme et pédagogie à des dossiers souvent arides et très techniques. La technicité juridique absconse de la « construction européenne » était une des méthodes de l’école de Jean Monnet pour rendre invisible les finalités réelles de son projet : les détails étant incompréhensibles aux non-technocrates, on n’y regardait pas les diables qui s’y nichaient. On regrettera, parallèlement, le peu d’enthousiasme pour cette tâche des milieux identitaires plus sensibles aux grandes envolées lyriques qu’à l’étude sérieuse des traités, directives et règlements « européens ».

    L’Europe n’est pas une nation mais une civilisation commune

    L’Europe n’est pas une nation mais une civilisation commune à des peuples ethniquement et culturellement apparentés mais différenciés par une longue histoire. La contradiction fondamentale de tous ceux qui veulent l’unité européenne, qu’ils se situent dans l’optique de l’européisme occidental ou dans la perspective de L’Europe aux cents drapeaux de Yann Fouéré, ou encore dans celle de la Nation Europe unitaire de Jean Thiriart, c’est que ces constructions supposent l’existence d’un peuple européen et qu’il n’existe pas de peuple européen au singulier. Or, l’expérience historique montre que sans peuple il n’y a pas de structuration politique possible et la création d’un peuple ne se décrète pas.

    Certains se rapportent aux Indo-européens d’avant la dispersion pour arguer de l’existence d’un peuple européen. C’est assez largement un sophisme. Il est parfaitement vrai qu’à la racine très ancienne de la plupart des peuples européens historiques (mais pas de tous), il y a l’empreinte durable des Indo-européens. La majorité des langues européennes est indo-européenne, les structures mentales, culturelles, socio-politiques et symboliques les plus anciennes et les plus fondamentales peuvent être rattachées à la matrice originelle indo-européenne, sous la réserve de la médiation des peuples protohistoriques et historiques, ce qui n’est pas neutre pour notre propos.

    La science génétique moderne peut aussi, par la paléogénétique, montrer le cousinage racial de la plupart des européens contemporains. Mais cette souche commune remonte à au moins 10 000 ans et il s’est passé beaucoup de choses depuis, entre autres choses des séparations et différenciations ethnoculturelles et politiques précoces. Et on ne parlera même pas de la légitimité qu’auraient, dans cette logique d’un peuple unitaire fondé sur les Indo-Européens, les Kurdes, la majorité des Iraniens, les Pachtouns et les Indiens du Nord à se rattacher à ce peuple fondé sur l’indoeuropéanité.

    Dès l’époque protohistorique (avant donc la documentation écrite), les peuples qui vont faire l’Europe historique apparaissent comme distincts et séparés. L’époque historique est elle-même l’occasion de profonds bouleversements et ce n’est qu’à la fin du Moyen Âge que les peuples de l’Europe moderne furent à peu près stabilisés dans toutes leurs particularités : langues, cultures, coutumes juridiques, mœurs, mentalités, caractères nationaux. Du Moyen Âge à l’époque contemporaines ils s’affirmèrent aussi dans leurs rivalités géopolitiques, parfois sanglantes. Or, ces différences profondes et ces conflits n’empêchent nullement les Européens, comme peuples et comme États, d’avoir le sentiment et la pratique d’une civilisation commune.

    Celle-ci, on l’a vu, prend ses racines dans le fondement indo-européen à travers les grandes ethno-cultures grecques, latines, germaniques, celtiques et slaves, pour ne parler que des principales influences. Cette civilisation, on ne peut l’ignorer, a aussi été modifiée par l’acculturation chrétienne. Ce fut un événement majeur, un séisme dont les répliques se font sentir jusqu’à nos jours. Il y eut à la fois modification du substrat civilisationnel indo-européens par les valeurs, les croyances et les pratiques non-européennes du christianisme et appropriation-neutralisation de ce même christianisme par la puissance de l’inconscient collectif indo-européen. Pendant un certain temps le christianisme fut en quelque sorte digéré et réorienté par la matrice indo-européenne. Ce fut toute la grandeur et le paradoxe du Moyen Âge dont les références religieuses conscientes furent chrétiennes mais dont le dynamisme culturel, social et militaire était porté par le vitalisme et les archétypes indo-européens inconscients. Pendant un certain temps avons-nous dit, car ce mélange instable entre des valeurs antagonistes a débouché, par fusion-mutation symétrique des deux apports, sur l’occidentalisme moderne.

    Tout ceci pour dire que s’il n’existe pas un peuple européen (au sens ethnoculturel) ou une nation européenne (au sens politique) mais, au contraire, une pluralité de peuples et de nations européennes différenciées par l’histoire et non miscibles, il existe bel et bien une civilisation européenne. Celle-ci repose sur des anthropologies cousines, des langues pour la plupart issues du même tronc indo-européen, de cultures qui partagent des références de valeurs, de mythes, de symboles, de religions semblables, une civilisation qui est aussi, faite d’échanges humains séculaires qui ont été féconds dans tous les sens du terme. Sur cette base, les états européens peuvent, sans abdiquer leurs souverainetés et leurs particularités, bâtir des synergies fortes et préférentielles. Mais ces synergies ne doivent pas être confondues avec la création d’un état unique : politique et civilisation ne sont pas de même nature.

    Jean-Patrick Arteault (Voxnr, 6 avril 2023)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Patrick Buisson ou Jérôme Sainte-Marie : quelle ligne pour le camp populiste ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique de François Bousquet dans l'émission Ligne Droite sur Radio Courtoisie, datée du 21 juin 2023, dans laquelle il évoque la complémentarité des analyses de Patrick Buisson et de Jérôme Sainte-Marie s'agissant de la ligne à adopter par le camp national...

    Journaliste, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a aussi publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017), Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2020) et Biopolitique du coronavirus (La Nouvelle Librairie, 2020).

     

                                                

    Lien permanent Catégories : Multimédia, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Le macronisme, un extrême centrisme qui détruit la France...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré au macronisme comme extrémisme du centre .

    Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou, et deux essais, La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018), La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Immigration de masse - L'assimilation impossible (La Nouvelle Librairie, 2021), Le crépuscule des Lumières (Via Romana, 2021)  et dernièrement Bienvenue dans le meilleur des mondes (La Nouvelle Librairie, 2023).

    Macron_Extrême centrisme.jpg

    Le macronisme, un extrême centrisme qui détruit la France

    L’interdiction, la censure et le vote bloqué caractérisent de plus en plus la présidence postdémocratique d’Emmanuel Macron et son gouvernement minoritaire. Parce que l’en-même-temps présidentiel nous impose ce qu’il y a de pire dans la gauche et dans la droite. Cet extrême centrisme macronien, c’est donc la double peine assurée pour les Français !

    L’extrême centrisme de gauche

    De sa gauche, l’extrême centrisme macronien nous impose les déficits à répétition, l’immigration sans limite, les folies sociétales, l’égalitarisme à l’école, le sans-frontiérisme, le laïcisme anticatholique et le chaos sécuritaire.

    La macronie de gauche nous impose aussi une justice duale car idéologisée : tendre avec les racailles, les « déséquilibrés » et les black blocs, intraitable avec la France d’en bas, les Français qui se défendent et les Identitaires.

    Pas de liberté pour les ennemis de la liberté : le vieux slogan de Saint-Just est plus que jamais d’actualité dans la macronie de gauche, comme en témoignent la répression sans nuances qui s’est abattue sur les Gilets jaunes, les interdictions préfectorales à répétition, la censure croissante des opinions dissidentes et la mise au pas des médias et des réseaux sociaux.

    Comme tout homme de gauche

    Comme tout socialiste, Emmanuel Macron est également atlantiste et, comme tout homme de gauche, il rêve d’envoyer les autres faire la guerre aux tyrans, mais sans leur en donner les moyens : avec lui notre pays s’aligne donc sur les plus dangereuses postures de l’OTAN et renonce à sa position de puissance d’équilibre. Pendant que nos armées manquent de tout.

    La macronie de gauche nous entraîne enfin avec délectation dans le « Grand Reset » écolo : celui qui veut s’en prendre à la propriété immobilière individuelle, qui veut réglementer nos déplacements ou notre gastronomie, qui veut des villes sans automobile individuelle et des autoroutes à vitesse réduite, qui dégonfle les pneus des voitures et interdit les piscines gonflables, qui veut imposer un impôt climat et sans doute demain un passe climatique. C’est-à-dire l’écologisme des Khmers verts, celui qui recycle l’utopisme d’extrême gauche et la haine de classe des bobos vis-à-vis de la France « qui fume et roule au diesel ».

    L’extrême centrisme de droite

    De sa droite, l’extrême centrisme macronien nous impose l’alignement sur une Union européenne libre-échangiste qui a planifié la fin de l’indépendance énergétique française et des spécificités de notre pays. Et la soumission à une Union dominée par l’Allemagne.

    Le macronisme nous impose aussi la déconstruction méthodique des protections sociales (pour les seuls autochtones, s’entend), la diminution des retraites, la privatisation et la fermeture des services publics, la diminution des remboursements de la Sécurité sociale, la déconstruction de l’État régalien, l’impunité fiscale pour les grandes entreprises mondialisées, l’abandon de toute maîtrise de l’économie et de la finance au profit des marchés.

    Et sous prétexte d’attractivité économique de la France, le macronisme débouche sur la vente à la découpe de nos fleurons industriels et sur une connivence de fait avec les intérêts des grands monopoles privés, notamment les fonds de pensions et les GAFAM. Pendant que les milliardaires se partagent les médias mainstream.

    Avec la complicité de la vieille droite

    Avec la participation active des politiciens de la vieille droite, notamment du Sénat et du Conseil constitutionnel, le macronisme met aussi en place, à bas bruit, une société du contrôle, sous prétexte de sécurité ou de santé : extension continue des pouvoirs de police, introduction dans le droit commun des mesures de l’état d’urgence, déploiement de la vidéosurveillance, expérimentation de la reconnaissance faciale, contrôle policier à distance des ordinateurs et des smartphones, écoute des communications, mise en place de restrictions de déplacements ou de rassemblements, traçage numérique de la population.

    Bien sûr, aucune de ces mesures n’empêche l’islamisme ou l’explosion de l’insécurité et de la violence dans notre pays, comme chacun peut le constater, car elles visent avant tout à prévenir toute révolte des Français. Et notamment à bloquer toute émergence d’une véritable alternative politique au Système, également avec la complicité des barons de la vieille droite.

    Gouverner au centre ?

    Le président Valéry Giscard d’Estaing prétendait, dans les années 1970, que la France voulait être « gouvernée au centre », c’est-à-dire qu’elle voulait selon lui concilier ordre et progrès en évitant les excès de gauche comme de droite.

    Emmanuel Macron, lui, fait exactement l’inverse : son extrême centrisme consiste à prendre ce qu’il y a de pire dans les deux familles politiques pour imposer aux Français une politique qu’ils rejettent dans leur majorité.

    Emmanuel Macron joue en permanence sur les registres de la gauche et de la droite au gré des circonstances : ainsi, par exemple, l’écologisme militant vise à séduire tout à la fois l’extrême gauche et le Forum de Davos. Cela lui a permis, jusqu’à présent, d’être élu, réélu ou sauvé grâce à l’appui conjoint ou alternatif de la gauche et de la vieille droite.

    Mais ce balancement politicien à un prix : une régression française sans précédent, de plus en plus visible et de moins en moins supportée par les Français.

    Michel Geoffroy (Polémia, 21 juin 2023)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Halte à la compassion dévoyée !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Laurent Lemasson cueilli sur Figaro Vox et consacré à l'incapacité de l'état à neutraliser durablement les individus dangereux et violents qui multiplient les agressions et les méfaits dans les rues des villes de notre pays.

    Laurent Lemasson est docteur en droit public et sciences politiques.

     

    Bordeaux_agression.jpg

    Bordeaux : «L'agresseur présumé, multirécidiviste, n'avait aucune raison d'être en liberté»

    Les images sont à la fois terribles et banales. Terriblement banales serait-on tenté de dire. On voit une septuagénaire et sa petite fille rentrer chez elles. Elles jettent des regards dans la rue, vers un homme qui semble les suivre. Au moment où la femme et l'enfant tentent de refermer la porte d'entrée de l'immeuble, l'homme la repousse violemment, rentre dans le hall puis jette brutalement les deux malheureuses sur le trottoir. La septuagénaire reste étendue à terre tandis que l'homme semble chercher quelque chose, ramasse un petit objet puis s'enfuit. Le tout a duré à peine une vingtaine de secondes.

    Cette scène a été filmée par une caméra de surveillance ce lundi en fin d'après-midi, Cours de la Martinique, à Bordeaux. Elle a bien sûr immédiatement enflammé les réseaux sociaux.

    L'agresseur présumé a été très rapidement interpellé. Il s'agirait, selon les informations de Sud Ouest, d'un certain Brahim D., un sans domicile fixe de nationalité française âgé de 29 ans. Il ne surprendra personne d'apprendre que l'homme est «très défavorablement connu des services de police», selon la formule consacrée. Il a déjà été condamné une quinzaine de fois pour délit routier ou trafic de stupéfiants et aurait une vingtaine de mentions au traitement des antécédents judiciaires (TAJ : un fichier de police qui contient notamment des informations sur les personnes mises en cause comme auteur ou complice d'un crime ou de certaines contraventions de 5ème classe.) Aussi peu surprenant est le fait que l'agresseur présenterait des troubles psychiatriques importants.

    Les faits étant très récents, nous ne disposons sans doute pas encore de toutes les informations pertinentes, mais il est très peu probable que ce que nous apprenions par la suite vienne modifier l'appréciation globale que l'on peut porter sur cette agression, hélas si caractéristique de cette « violence gratuite » qui semble monter inexorablement partout en France.

    Le point saillant, évident, impossible à nier sans se discréditer totalement, est que les autorités publiques ne traitent absolument pas les individus comme celui-ci comme elles le devraient. Il est clair comme le jour que le suspect, avant cette dernière agression, a commis d'innombrables délits, petits ou grands, et que ceux pour lesquels il est connu de la police et de la justice ne sont qu'une petite partie de son palmarès.

    Certainement, n'importe qui habitant dans le ou les quartiers que fréquentait le suspect comprenait que celui-ci était dangereux, car imprévisible et désinhibé, et qu'il était une source permanente de troubles à la tranquillité publique. Il ne faut pas beaucoup d'individus de ce genre errant librement dans les espaces publics pour transformer un quartier paisible en une jungle inhospitalière, dans lequel la plupart des habitants ne sortent plus de chez eux qu'avec la peur au ventre.

    La mission première, fondamentale, indiscutable, des pouvoirs publics est d'assurer l'ordre public et la sécurité. Comparée à cette exigence primordiale toutes les autres sont secondaires. Et sur cette exigence primordiale, les pouvoirs publics français échouent aussi lamentablement que quotidiennement. L'agresseur présumé de Bordeaux n'est malheureusement qu'un cas d'école, parmi d'innombrables autres.

    Disons-le très simplement : les individus comme celui-ci ne devraient pas être libres. Rien ne peut justifier qu'un individu à la dangerosité évidente soit laissé libre de poursuivre ses déprédations et de dérober la tranquillité d'esprit des gens ordinaires qui ont le malheur de croiser sa route.

    Nous ignorons à l'heure actuelle la gravité exacte des blessures des victimes de lundi. Elles semblent être légères, ce qui est heureux, et presque miraculeux, car une chute violente sur le trottoir peut parfaitement tuer et souvent provoque des fractures, notamment chez les personnes plus âgées. Mais la gravité des atteintes physiques est parfois sans rapport avec la gravité des atteintes psychiques et il n'est pas besoin d'être un grand psychologue pour comprendre qu'une agression de ce genre peut vous marquer jusqu'à la fin de vos jours.

    Aujourd'hui, l'opinion autorisée est que la prison est l'école du crime et que les courtes peines ne servent à rien, à part « désocialiser » et donc rendre la réinsertion plus difficile. Combinées à la sous-dotation carcérale chronique, ces «raisons» ont abouti à ce que les très courtes peines fermes disparaissent de l'arsenal de la justice et à ce que les courtes peines aient vocation à être «aménagées», c'est-à-dire transformées en autre chose que de la prison.

    Cette approche est erronée. S'il est vrai que des courtes peines infligées à des délinquants endurcis n'ont que peu d'effets mesurables sur eux, des courtes peines appliquées à des primo-condamnés peuvent en revanche avoir un effet de choc salutaire et interrompre précocement les trajectoires délinquantes.

    Si ce premier choc ne suffit pas, la récidive devrait rapidement conduire à des peines de plus en plus lourdes. Si le délinquant n'est pas susceptible d'être dissuadé par les peines qui lui sont infligées (cela arrive), qu'au moins il soit neutralisé pour longtemps.

    Le suspect (au vu de ce que nous connaissons de son parcours) aurait dû faire connaissance beaucoup plus tôt avec la prison et, en supposant que cela n’ait pas suffi, son palmarès actuel aurait déjà dû lui valoir un long séjour derrière les barreaux.

    Le fait qu'il souffre peut-être de psychose ne change pas fondamentalement les termes du problème. D'abord parce que les troubles psychotiques peuvent parfaitement être la conséquence d'un mode de vie marginal et non sa cause. La vie dans la rue s'accompagne presque toujours d'une forte polytoxicomanie et n'est certes pas faite pour améliorer l'équilibre psychique de qui que ce soit. Elle peut aboutir à des épisodes psychotiques chez des personnes qui n'en avaient jamais fait et contribue toujours à dégrader l'état de ceux qui étaient déjà malades.

    Ensuite parce qu'un individu à la dangerosité avérée ne devrait pas traîner dans les rues, quand bien même il ne serait pas responsable de ses actes. La tranquillité publique est un état objectif. Lorsqu'elle est troublée, il importe peu de savoir si elle l'est volontairement ou involontairement : elle doit être rétablie en enlevant des rues les fauteurs de troubles.

    Que cela soit pour le protéger de lui-même ou pour protéger les autres de lui, un individu comme l'agresseur présumé de Bordeaux devrait donc être pris en charge de manière coercitive, soit par la justice soit par les services de santé. Il est bien évident que le «traitement» ne sera pas le même aux mains de la justice et aux mains de la médecine. Mais il devrait être coercitif. Nous y répugnons pourtant, par une compassion dévoyée qui est la source de beaucoup de maux.

    «La clémence n'en est pas qui souvent prétend l'être. Le pardon chaque fois nouveau malheur fait naître.» (Shakespeare, Mesure pour mesure, Acte II scène 1).

    Laurent Lemasson (Figaro Vox, 21 juin 2023)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Métaphysique de Silvio Berlusconi...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Maxence Smaniotto cueilli sur le site de la revue Rébellion et consacré à Silvio Berlusconi.

    Berlusconi.jpg

    Métaphysique de Silvio Berlusconi

    Un métaphysicien de la politique internationale ?

    Silvio Berlusconi, quatre fois premier ministre d’Italie, n’est plus. Avec lui s’en va une certaine façon de « far politica » à l’italienne. Il n’était guère un disciple de Machiavel, et nous pouvons affirmer avec une certaine exactitude qu’il ne fut, au fond, même pas un vrai homme politique. La preuve : il ne lâchait jamais tomber ses amis (même ceux qui étaient condamnés). Un homme politique n’a pas d’amis – Berlusconi, lui, en avait. Des salopards, diront certains. En particulier Vladimir Poutine ; Berlusconi et le Russe étaient tellement proches qu’ils passaient les vacances ensemble. Cette proximité, que certains confondent avec de la finesse géopolitique, préoccupe profondément l’Union Européenne, c’est-à-dire les USA. Les Russes investissent un peu trop en Italie, et l’Italie fait de même en Russie. Alors, Silvio Berlusconi, homme aux quarante procès pour tout et pour rien, se fit éjecter en parfait style états-unien : des histoires de cul. 

    Berlusconi était en effet un queutard, un hédoniste, mais au moins un queutard assumé, loin, très loin de ces inquiétants politiciens lisses, asexués, politically correct qui menacent nos existences : Macron, Trudeau, Renzi, Michel, Merkel… Rendez-nous Berlusconi, Chirac et Trump ! 

    Homme dépourvu de toute transcendance, Berlusconi fut néanmoins, grâce à ses pitreries, un excellent révélateur de l’essence de l’ignoble théâtre grisonnant des politicards internationaux, ceux des sourires photoshopés et des postures balai-dans-le-cul. On le vit faire « buh ! » à Angela Merkel lors d’un sommet Italie-Allemagne en 2008, appeler publiquement « kapo’ » l’insupportable Martin Schulz en plein Parlement européen, saluer la victoire de Barack Obama avec un « il est jeune, beau et bronzé », et la liste pourrait être encore longue. 

    En jouant au guignol, Berlusconi révèle la dimension faussement sérieuse des hommes et des femmes d’État. En cela, Berlusconi fut un vrai métaphysicien de la politique internationale : il en révéla les constantes les plus profondes, les plus fausses. « Ils sont des pitres comme moi, mais moi, je le montre. Eux, non » semblait-il nous dire. 

    Une géopolitique berlusconienne 

    Aujourd’hui, certains prêtent à l’ancien premier ministre italien des compétences en géopolitique. Les photos le montrant en train de serrer la main à Kadhafi, Chavez, Poutine et Bachar al-Assad seraient, selon des eurasistes peu renseignés et des dissidents un peu trop épidermiques, des preuves de sa prévoyance dans les questions internationales. 

    Or, Berlusconi ne comprenait rien à la géopolitique. Pour lui, les États étaient des entreprises dirigées par des hommes forts ou faibles avec qui il était possible ou pas de s’entendre. Il y avait certes un certain réalisme en tout ça, une volonté de multiplier les accords avec des partenaires différents sans tenir en compte leurs idéologies, mais certainement pas de vision stratégique. Il n’était pas un Karl Haushofer, ni un Samuel Huntington ou un Zbigniew Brzezinski, il n’avait jamais entendu parler de « monde multipolaire ». Sa géopolitique était faite d’affaires et de relations personnelles. Il était d’accord avec Poutine, Bush, Loukachenko, les princes des monarchies du Golfe et bien d’autres, c’est tout. Si on prend une carte du monde et on divise la planète selon la vision soi-disant stratégique de Berlusconi, on n’y voit pas beaucoup de cohérence ; il a serré la main à Kadhafi et puis il a laissé l’Italie devenir un porte-avions de l’OTAN contre la Libye en 2011. Et que dire de l’Irak ? L’Italie participe à sa destruction et à son occupation en 2003 alors que Vladimir Poutine, déjà grand ami de Berlusconi, s’y opposait fermement avec la France et l’Allemagne. 

    Signalons également que depuis 2015, date à laquelle Berlusconi alla rendre visite à Poutine en Crimée, il fut déclaré « ennemi de l’État » sur le tristement célèbre site ukrainien Myrotvorets. Depuis son décès, sa photo est agrémentée d’un « liquidé ». 

    En définitive, Berlusconi fut à la politique étrangère ce que Chirac fut à la politique interne française – médiocre, déconnecté. Chirac avait des réelles compétences en géopolitique mais était incompétent en politique interne. Berlusconi, en revanche, comprenait très bien les Italiens et la politique italienne. Pour le meilleur comme pour le pire. Preuve en est qu’il a, à quatre-vingt-cinq ans, fait gagner les élections à l’atlantiste pro-européenne Giorgia Meloni en 2022.

    Une politique personnalisée

    Homme dans la politique mais pas politique, Berlusconi balaya une certaine façon de penser l’Italie républicaine, avec ses entreprises d’État, son welfare, ses services publics. Contrairement à ses prédécesseurs, il personnifia les institutions républicaines, et ce, jusqu’à faire voter des lois ad hoc pour sa personne, qu’il cachait derrière sa fonction de premier ministre (ses successeurs, de gauche comme de droite, ne sont jamais revenus sur cela). Sa vision de l’État comme entreprise à diriger consacre une nouvelle façon de faire la politique en Europe – Emmanuel Macron n’en dit pas moins lorsqu’il eut l’idée ridicule de définir la France une start-up nation

    Berlusconi voyait des communistes partout, c’est-à-dire des parasites sociaux qui veulent mettre des impôts, mais il est toujours resté un grand admirateur du socialiste Bettino Craxi. Ses adversaires étaient régulièrement taclés de « communistes », surtout quand ils étaient des juges et qu’ils enquêtent pour fraude fiscale. Son irruption dans la politique redéfinit les contours de la droite italienne, accouchement aux forceps une droite libérale et hédoniste de l’ancienne démocratie chrétienne, bourgeoise, conservatrice et sociale, toute en retenue et en secrets, celle qui avait fait construire des logements sociaux pour ouvriers. Avec Berlusconi, tout le monde s’endetta pour devenir propriétaire et créer son entreprise, et ses gouvernements haussent les retraites.

    Il opéra une autre révolution, néolibérale aussi. Un golpe domestique en quelque sorte. Oligarque ayant démarré d’en bas (la petite bourgeoisie milanaise), il s’invita chez les Italiens avec ses chaînes de télévision et ses magazines. Mondadori, la plus importante maison d’édition italienne, est dirigée par sa fille Marina. Mediaset, le groupe qui rassemble ses chaînes TV, est dirigé par son fils Pier Silvio, qui en est le directeur général. 

    Ses chaînes TV gerbèrent un flot incessant de bêtises faites de « veline » (les soubrettes italiennes), de programmes sur les joueurs de foot les plus idiots, de journaux télévisés tellement  a ses bottes qu’à côté LCI passe pour une chaîne neutre, de programmes humoristiques abrutissants et ainsi de suite, faisant bien attention à éliminer les programmes culturels. 

    Il participe ainsi à façonner son propre électorat. 

    Berlusconi ne fut pas le pire. Il fut, comme le souligne pertinemment le journaliste italien Luca Bagatin dans ses articles, le moins pire. Certainement, meilleur que les loques qui infestent la politique italienne actuelle. Au moins, il avait de la personnalité, et il fut en quelque sorte le dernier à tenter de conserver un minimum de souveraineté italienne en critiquant ouvertement l’Union Européenne et en gardant de solides relations économiques et diplomatiques avec la Russie, l’Egypte et la Libye pour faire contrepoids à la toute-puissance états-unienne. 

    Berlusconi mort, une page de la politique italienne se tourne définitivement. On verra ce que le « Bel Paese » nous réserve. 

    Maxence Smaniotto (Rébellion, 14 juin 2023)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Sur la situation géopolitique dans le monde...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une intervention d'Hervé Juvin au Cercle National des Armées dans laquelle il brosse un tableau de la situation géopolitique mondiale.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste localiste intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

     

                                              

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Multimédia, Points de vue 0 commentaire Pin it!