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Points de vue - Page 34

  • Quand les magistrats profitent de l'effritement du pouvoir politique pour imposer leur autorité...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Thierry Lentz, cueilli sur Figaro Vox et consacré au "coup d'état" des juges...

    Historien, directeur de la Fondation Napoléon, Thierry Lentz est l'auteur de nombreux ouvrage sur l'Empereur et le 1er Empire, dont dernièrement Pour Napoléon (Perrin, 2021). Mais, on lui doit également une enquête passionnante sur l'assassinat du président des Etats-Unis John Kennedy ainsi qu'une étude intitulée Le diable sur la montagne - Hitler au Berghof 1922-1944 (Perrin, 2017).

     

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    Thierry Lentz: «Les magistrats profitent de l'effritement du pouvoir politique pour imposer leur autorité»

    En 1976, le conseiller d'État Francis de Baecque publiait aux Presses universitaires de France un ouvrage dont le titre fit les délices des étudiants en droit : Qui gouverne la France ?. À cette époque, l'auteur voulait seulement débrouiller les rapports et pouvoirs respectifs du président de la République et de son Premier ministre, compliqués alors par les différends entre Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac. Si un tel ouvrage devait être réécrit aujourd'hui, il faudrait y ajouter quelques chapitres.

    Il ne concernerait plus seulement la fameuse «dyarchie au sommet» (l'expression est de De Gaulle, qui ne voulait pas en entendre parler), mais devrait être étendu à un phénomène dont nos compatriotes ne s'inquiètent guère : la place des juges et des autorités administratives indépendantes dans l'acte de gouverner. Il s'agit ni plus ni moins que d'une réforme constitutionnelle rampante, évolutive et pernicieuse, car remettant en cause l'article 3 de notre Constitution qui dispose que «le pouvoir appartient au peuple qui l'exerce par l'intermédiaire de ses représentants et par la voie du référendum», et ajoute «Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice».

    Il ne se passe pas en effet une semaine sans qu'une décision de justice française ou européenne, une déclaration de magistrat ou même un rapport d'une instance réputée indépendante (sans qu'on nous dise de quoi), soit autant d'agents non-élus, n'intervienne directement dans la marche des affaires publiques ou la vie privée, jusqu'à ce rapport ahurissant de la Cour des comptes qui va jusqu'à suggérer la limitation de la consommation de viande à 500 grammes par tête et par semaine.

    À l’abri d'adages qui «claquent» comme des commandements aux citoyens à aller voir ailleurs («On ne critique pas une décision de justice», «Je ne commenterais pas les affaires en cours» ou, le plus beau, «J'ai confiance en la Justice de mon pays»), les interventions des magistrats dans la vie publique de la nation et dans la vie privée des citoyens se multiplient. Grandes questions et sujets de détail, rien n'échappe à leur sagacité. Formés sur les bancs d'une école qui ne cache plus ses préférences idéologiques et sociétales, ils puisent dans leur «indépendance» ou leur «inamovibilité» une protection absolue, concrétisée par le silence de tous, notamment du président de la République, chargé de veiller au respect de la Constitution et à la continuité de l'État (article 5 de la Constitution). Notamment lorsqu'ils faussent l'élection présidentielle de 2017, lorsque les actes d'instruction paraissent dans les journaux avant même d'avoir été communiqués aux parties, lorsqu'ils règlent leurs comptes avec un garde des Sceaux à peine nommé, lorsqu'ils condamnent un ancien président sur des soupçons d'intention et plus généralement lorsqu'ils appliquent la loi civile ou pénale dans une vision idéologique, sans tenir compte de la jurisprudence (à force, ils espèrent bien un revirement qui leur donnera raison) ou des nécessités nationales ou sociales.

    Comble de tout, ces magistrats jugent «au nom du peuple français» qui leur a délégué le pouvoir de «dire le droit». Ajoutons qu'ils paraissent parfois ajouter aux principes évoqués plus haut celui d' «impunité» soit en se couvrant les uns les autres, au besoin par voie de communiqués de presse effarouchés, soit en appliquant de façon extensible une loi de 2019 sur la publication des décisions de justice qui leur permet de rester anonymes. D'autorité judiciaire, comme le dit la Constitution, ils sont passés sans opposition à «super-pouvoir» politico-judiciaire.

    Ces privilèges des magistrats judiciaires et leur tendance à vouloir concurrencer le peuple et l'exécutif a donné des ailes à toutes les instances qui jouissent de la possibilité de «juger» ou d'intervenir dans une parcelle du pouvoir. Quelques exemples parmi tant d'autres. Un jour, le Conseil constitutionnel cherche une application concrète du principe de fraternité de la devise républicaine pour se mêler de la politique migratoire, en faveur des étrangers en situation irrégulière. Un autre, le Conseil d'État évalue la politique environnementale du gouvernement et sanctionne l'État d'astreintes s'il ne l'améliore pas. Un troisième, les tribunaux administratifs appliquent au droit mouillé et à l'aune des humeurs des rapporteurs (ils parent cette pratique du qualificatif «d'opportunité», c'est plus acceptable) tel ou tel litige, se constituant eux-mêmes en source de l'insécurité juridique. Et que dire des juges supranationaux de Luxembourg (Cour de justice de l'Union européenne) et de Strasbourg (CEDH) qui chapeautent le tout en limitant le pouvoir de notre législatif et, toujours, appliquent une législation vague dont leur interprétation s'impose à des États en principe indépendants ?

    Crème sur ce mille-feuilles juridictionnel, les fameuses autorités «administratives» ou «publiques» indépendantes se sont multipliées. Arroseurs arrosés, les gouvernants (et les citoyens) subissent désormais les caprices idéologiques de pas moins de vingt-quatre «volapüks», dont bon nombre doublonnent avec les inspections des ministères, à ceci près qu'elles ne reçoivent d'instructions de personne, ne rendent compte à personne et imposent leurs décisions à tous. Certaines sont connues, comme l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (l'Arcom), la Commission d'accès aux documents administratifs, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, la Commission nationale de l'informatique et des libertés ou le Défenseur des droits (dont la prise de position récente contre ce qu'il appelle les «violences policières», sans égard aux mille blessés des forces de l'ordre nous laisse pour le moins perplexe). D'autres le sont moins, sans pour autant que leurs capacités d'imposer leurs vues à l'État soient moindres : Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, Autorité de régulation des transports, Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, etc.

    On pourrait se réjouir tout à la fois que les juges aient pris leur envol, que des juridictions n'aient plus peur de s'affirmer, que de grands sujets soient traités indépendamment des pressions politiques, si cette multiplication officielle ou officieuse des pouvoirs concurrents aux pouvoirs constitutionnels n'était pas source de paralysie de l'exécutif, de marginalisation du législateur et, finalement, d'exclusion du peuple de décisions qui relèvent de sa compétence. Ce dernier aspect est sans doute celui qui devrait nous inquiéter. On plaisantait naguère (à moitié) en disant que «si le peuple ne plaît pas, il n'y a qu'à changer le peuple». Il n'en est même plus besoin : il suffit aujourd'hui de le diluer, pour lui laisser seulement une portion de souveraineté et l'impression qu'il continue à l'exercer.

    Thierry Lentz (Figaro Vox, 26 mai 2023)

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  • Nietzsche affirme la vie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre Le Vigan consacré à Nietzsche et cueilli sur le site de la revue Éléments.

    Urbaniste, collaborateur des revues Eléments, Krisis et Perspectives libres, Pierre Le Vigan a notamment publié Inventaire de la modernité avant liquidation (Avatar, 2007), Le Front du Cachalot (Dualpha, 2009), La banlieue contre la ville (La Barque d'Or, 2011), Écrire contre la modernité (La Barque d'Or, 2012), Soudain la postmodernité (La Barque d'or, 2015), Achever le nihilisme (Sigest, 2019), Nietzsche et l'Europe (Perspectives libres, 2022) et La planète des philosophes (Dualpha, 2023).

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    Nietzsche affirme la vie

    Le cœur de la pensée de Nietzsche, c’est le constat que nous n’arrivons pas à « affirmer la vie ». Nous n’y allons pas franchement. Nous n’osons pas la vie. Derrière nos opinions, se cache souvent quelque chose. Derrière nos rationalisations, se dissimule souvent une peur : peur de nous affirmer, d’être vraiment nous-mêmes. C’est la philosophie du soupçon. Avec Nietzsche, on peut remonter de soupçon en soupçon, de caverne profonde en caverne encore plus profonde, toujours plus en amont. On peut et on doit remonter. Nous ne devons pas craindre ce que nous découvrirons dans cette enquête. Terrible périple, qui fait bien sûr une place à l’idée d’inconscient, ou de préconscient (qui précède la conscience, comme un préjugé précède le jugé).  

    On peut dire aussi que Nietzsche déconstruit le sujet, au sens où il déconstruit son évidence. Non, le sujet n’est pas toujours rationnel ; non, il n’est pas toujours prévisible. C’est pour le reconstruire, mais différemment, avec moins de faux semblants, que Nietzsche ausculte le sujet. De l’homme au surhomme, qui est un homme au-delà de l’homme : voilà le chemin que défriche Nietzsche. Le surhomme selon Nietzsche est l’homme qui comprend et qui accepte ceci : nous sommes portés par un souffle de vie qui nous dépasse. La volonté est ce qui nous permet d’accepter d’être traversés par des forces qui nous poussent vers plus d’être, vers plus de puissance, vers plus de vie, vers plus de création. Mais comment dire cela et peut-on le dire avec des mots ?

    Pourquoi Nietzsche est irréfutable

    Philologue – il est professeur à Bâle dès l’âge de 25 ans –, Nietzsche se pose la question : la réalité peut-elle être entièrement saisie par le langage ? Il ne le croit pas. Les mots deviennent des idoles : amour, société, humanité, progrès… Dieu lui-même est une idole. « Je crains que nous ne puissions-nous débarrasser de Dieu, parce que nous croyons encore à la grammaire » (Crépuscule des idoles, « La raison dans la philosophie », 1888). Nous sommes prisonniers de la fixité des choses, ou plutôt de notre propension à voir les choses dans leur fixité, parce que cela nous rassure. Nous sommes prisonniers de la croyance hégélienne comme quoi tout ce qui est réel est rationnel et tout ce qui est rationnel est réel. Nietzsche refuse ainsi l’esprit de système. Cet esprit qui veut rassurer, et empêche de remonter vers les cavernes les plus profondes. « L’esprit de système est un manque de probité » (Crépuscule des idoles, paragraphe 26). Contre le systématisme, Nietzsche prône le perspectivisme. Les choses sont toujours mises en perspective, et ces perspectives changent toujours. C’est un mobilisme (comme quoi les choses ne cessent de se transformer), comme celui d’Héraclite. Panta Rhei : « Tout coule ». Tout est soumis à un devenir. Emporté par un devenir. Ce sont les pulsions, ou encore les instincts qui donnent du sens à des phénomènes. « Tout ce qui est bon sort de l’instinct — et c’est, par conséquent, léger, nécessaire, libre » (Crépuscule des idoles, « Les quatre grandes erreurs », 2).

    Les points de vue sont des éclairages. Ce sont des torches qui éclairent dans une direction. C’est pourquoi Nietzsche s’exprime souvent par des aphorismes qui, plus que des paroles, sont des sons. « Les sons ne permettent-ils pas de séduire à toute erreur comme à toute vérité : qui songerait à réfuter un son ? » (Le Gai savoir, paragraphe 106). Il y a ainsi, plutôt que des possibles réfutations de Nietzsche, de multiples interprétations possibles de sa pensée. « L’éléphant est irréfutable », disait Alexandre Vialatte. Nietzsche aussi. Surtout, il y autant d’interprétations de Nietzsche que de lecteurs de Nietzsche. Ce dernier dit lui-même : « On veut non seulement être compris lorsque l’on écrit, mais certainement aussi ne pas être compris. Ce n’est nullement encore une objection contre un livre quand il y a quelqu’un qui le trouve incompréhensible : peut-être cela faisait-il partie des intentions de l’auteur de ne pas être compris par “n’importe qui”. » (Le Gai savoir, paragraphe 381).

    Le bon et le mauvais nihilisme

    Au début des années 1880, Nietzsche s’éloigne de la pensée de Schopenhauer. Pour celui-ci, l’homme est le jouet d’un vouloir-vivre universel et sans but. Schopenhauer en concluait qu’il fallait renoncer au désir, seul moyen de ne pas être balloté par celui-ci. Au contraire, Nietzsche pense qu’il faut s’ancrer dans le désir. Celui-ci doit opérer la réconciliation du corps et de l’âme. C’est pourquoi la santé de l’âme et celle du corps sont un seul et même sujet. Le philosophe est un médecin de la culture. Il étudie les symptômes de la maladie ou des maladies qui affectent la culture. Et il désigne la cause des maladies, par exemple les religions culpabilisatrices, ou les philosophies qui dévalorisent la vie, au profit d’un arrière-monde, monde « d’avant », ou monde qui « devrait être », mais n’est point, ou monde « sauvé » qui viendra « après » la vie, etc.

    De ce refus des arrière-mondes vient la critique par Nietzsche du nihilisme. Ce dernier peut être passif. C’est le plus courant. Nihilisme du « à quoi bon ». Nihilisme de la fatigue de vivre et d’être soi. On ne croit plus en rien, et on ne croit plus en soi. C’est l’acédie [J’en dis deux mots dans Le malaise est dans l’homme]. Le nihilisme peut être actif : il veut détruire ce qui vaut quelque chose, il veut avilir. Il veut enlever le goût du travail bien fait, le sens de l’honnêteté, la pudeur, etc. C’est un cynisme. Puisque la société n’est pas parfaite, que tout le monde soit le plus imparfait possible. C’est un nihilisme de la rage. Et c’est moins la rage de vivre que la rage contre la vie.

    Il y a encore une forme subtile de nihilisme qui ne consiste pas à vouloir détruire, mais au contraire à affirmer des valeurs. Mais il s’agit de fausses valeurs selon Nietzsche, ou plutôt de valeurs faibles : l’amour universel, la petite charité sans générosité, les droits de l’homme, l’égalitarisme, le culte du progrès, le positivisme d’un Auguste Comte… Il faut démanteler cette forme subtile de nihilisme, qui ne se donne pas pour destructrice, mais qui ne laisse subsister que ce qui est bas et médiocre. Et pour ce démantèlement, il peut y avoir (enfin !) un bon nihilisme : un nihilisme actif qui consiste à balayer ce qui nous abaisse, à mettre à terre les valeurs basses, les valeurs non aristocratiques. Ce nihilisme actif est alors une négation de la négation, et cette négation est nécessaire.

    Proactif, pas réactif

    Il s’agit de lutter contre ce qui nous nie, et parmi ce qui nous nie, il y a toutes les utopies, de cellede Thomas More (1516) à 1984 de George Orwell (1949) en passant par Nous autres de Zamiatine (1920), La cité du soleil de Campanella (1602) et La République de Platon. Ces utopies sont des « forces réactives ». Elles veulent réagir contre ce qui empêcherait l’homme d’être heureux, ou juste, ou bon, ou ouvert au progrès, ou tout cela ensemble. Elles voudraient que l’homme soit parfait, rationnel, prévisible. Osons dire qu’il serait alors formidablement ennuyeux ! Il faut donc à la fois se garder des idéaux autour de grandes idées comme l’impératif moral catégorique de Kant, ou l’Esprit Absolu réconciliant la Logique et la Nature chez Hegel, et refuser les utopies qui imaginent un homme réconcilié avec lui-même et le monde parce que sa nature même aurait changé (ou aurait été changée). Les deux processus, l’un d’apparence métaphysique (exemple : Hegel), l’autre d’apparence imaginative (exemple : Campanella), sont tous deux des utopies et peuvent se recouper.

    Faut-il alors détruire ces forces réactives que sont les grands récits trompeurs et les utopies elles-mêmes ? Nietzsche ne le pense pas. Nous avons besoin de ces forces réactives comme ennemies. C’est dans le corps à corps avec ces forces réactives que nous pouvons élaborer de nouvelles valeurs, qui affirment l’immanence de la vie. Il s’agit de faire de nos vies des œuvres d’art et donc de faire triompher les valeurs esthétiques sur les valeurs morales. Mais dans l’esthétique, il y a l’acceptation de la joie comme de la souffrance. L’éternel retour – une idée qui vient à Nietzsche au bord du lac de Silvaplana, en Engadine, en août 1881 – veut dire l’éternel retour de tout, de la joie comme des peines. C’est un oui inconditionnel à la vie, et pas seulement un oui aux bonheurs de la vie. Si la volonté de puissance est le moteur de cet éternel retour, elle n’est pas la seule volonté de jouissance, elle n’est pas non plus principalement la volonté de domination, à moins d’inclure dans la domination la domination sur soi. Comme Heidegger l’écrira dans son Nietzsche II (Gallimard, 1971, p. 36), la volonté de puissance est ce qu’est la vie (son essence) dans son immanence (le quid, la quiddité), tandis que l’éternel retour est le comment elle se manifeste comme immanence (le quod, la quoddité).

    Désir du désir et volonté de volonté

    La volonté de puissance s’oppose à la volonté de vérité, car la recherche maladive de la vérité à tout prix peut être l’exact opposé de la volonté. La volonté de puissance est d’abord volonté d’ordonner ses passions. Nietzsche critique « l’anarchie des instincts » (il la voit chez Socrate, l’homme qui dit : « La vie n’est qu’une longue maladie », l’homme malade de l’hypertrophie de sa raison raisonnante.) Ainsi, la volonté de puissance est-elle avant tout une volonté de volonté. Nietzsche récuse par avance toute interprétation purement libertaire, hédoniste et spontanéiste de l’abandon aux forces instinctives. Pour le dire autrement, Dionysos doit être mise en forme par Apollon. L’un sans l’autre n’ont aucun sens. Sans Dionysos, il n’y a pas de vie. Sans Apollon, la vie ne produit aucune œuvre d’art. Si Nietzsche accuse Socrate, et la métaphysique, et la dialectique d’avoir dévalué la vie, c’est bien qu’il se veut, lui, médecin, et prescripteur de remèdes pour la « grande santé ». À la métaphysique et à la dialectique, Nietzsche oppose la danse. Il manqua à Nietzsche de rencontrer une Lucette Almanzor !

    Toute la quête de Nietzsche consiste à récuser les mensonges d’un sens du monde déjà-là, qui ne serait que consolation, avec le christianisme et les autres religions, d’un salut dans l’au-delà. Nietzsche ne nie pas qu’il faille trouver un sens à nos vies, mais sa philosophie du soupçon fait qu’il rend le sens, de l’exploration de caverne profonde en caverne toujours plus profonde insaisissable. De là le pari de Nietzsche : il faut dissocier la question du sens de la question de la vérité. Le sens ne se trouve pas dans les profondeurs, mais à la surface même de la vie.  Dans Le Gai savoir (préface IV), Nietzsche écrit : « Ah ! Ces Grecs comme ils savaient vivre. Cela demande [de] la résolution de rester bravement à la surface, de s’en tenir à la draperie, à l’épiderme, d’adorer l’apparence et de croire à la forme, aux sons, aux mots, à tout l’Olympe de l’apparence. Les Grecs étaient superficiels… par profondeur. »

    Pierre Le Vigan (Site de la revue Éléments, 11 mai 2023)

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  • Dominique Venner, dernière victime de la dictature Macron...

    Dans cet article cueilli sur Polémia, Camille Galic revient sur la scandaleuse interdiction de la réunion d'hommage à Dominique Venner, organisée par l'Institut Iliade, qui aurait dû se tenir à Paris dimanche dernier. Analyse d'une dérive liberticide qui devient de plus en plus inquiétante...

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    Dominique Venner, dernière victime de la dictature Macron

    Venus tout spécialement – pour certains de Bretagne ou de Provence – nous nous réjouissions d’assister ce dimanche 21 mai à Paris à l’hommage qui, sous l’égide de l’institut Iliade et de la Nouvelle Librairie — et fort peu clandestin puisqu’il avait été constamment annoncé depuis une quinzaine sur plusieurs sites, dont celui de Polémia —, devait être rendu à Dominique Venner, qui s’était donné la mort voici dix ans tout juste à Notre-Dame dans l’espoir de « réveiller les consciences » européennes. Mais, arrivés devant le Pavillon Wagram, nous avons trouvé porte close et une police présente en nombre. Arrivés, et ensuite repartis en compagnie de l’équipe des bolchos de Quotidien, les flics nous sommèrent de nous disperser. Motif : par arrêté n° 2023-00540, sciemment diffusé trop tard pour que le référé-liberté aussitôt déposé puisse être examiné par le tribunal administratif, le préfet de police de Paris Laurent Nuñez avait souverainement (et scandaleusement) interdit la réunion, certes politique mais aussi littéraire, le fondateur d’Europe Action puis de La Nouvelle Revue d’histoire (où écrivit notamment la grande helléniste et académicienne Jacqueline de Romilly) ayant été un écrivain et un essayiste majeur, d’ailleurs couronné par l’Académie française.

    Nuñez démission !

    Cette mesure d’interdiction est aussi révoltante que misérable par son argumentation. Bien incapable de la justifier, compte tenu du lieu choisi et de la parfaite honorabilité des orateurs annoncés dont Jean-Yves Le Gallou ou l’historien Philippe Conrad, par le classique risque de trouble à l’ordre public, M. Nuñez excipait en effet du passé évidemment nauséabond à ses yeux de Dominique Venner, qui fut « condamné à 18 mois de prison pour appartenance à l’Organisation Armée secrète (OAS), organisation terroriste clandestine proche de l’extrême droite ». Si bien que sa « célébration ne signifie pas un simple hommage » à l’auteur du Cœur rebelle, mais « une incitation à l’émeute » et à « allumer des feux ».

    Faut-il rappeler à celui qui fut secrétaire d’État à l’Intérieur sous la houlette du ministre Castaner de 2018 à 2020, et donc en première ligne contre les Gilets jaunes, avec le cortège de violences et de mutilations qui s’ensuivit, que les crimes de l’OAS (simple délit dans le cas de Venner dont la peine fut insignifiante au regard des multiples condamnations à mort ou à la réclusion perpétuelle ensuite prononcées) furent amnistiés par les lois des 17 juin et 31 juillet 1968 et que les évoquer hors contexte historique entraîne automatiquement le délit de diffamation comme Le Nouvel Observateur en fit l’expérience quand il fut condamné pour avoir souligné la participation de Louis de Condé à l’attentat du Petit-Clamart et la lourde condamnation qui lui avait été infligée ? Faut-il rappeler à M. Nuñez que certains chefs de l’OAS, tel le capitaine Pierre Sergent, n’avaient jamais été « proches de l’extrême droite » mais se référaient à la Résistance, à laquelle ils avaient appartenu ? Faut-il lui rappeler enfin que, préfet de police, il resta impavide le 23 mars dernier, « journée d’action » contre la réforme des retraites, devant les innombrables feux allumés — non pas métaphoriquement, mais réellement — un peu partout par les Black Blocs dans maintes villes, dont Paris ? Ainsi sur les Grands Boulevards où un arbre récemment planté fut brûlé en face du théâtre du Gymnase… sans qu’aucun écolo s’en émeuve.

    Un Teknival non autorisé mais très chouchouté

    Cet abus de pouvoir est d’autant plus inqualifiable que, simultanément, se déroulait près d’Issoudun une gigantesque rave-party qui, interdite par le préfet de l’Indre, mobilisa nonobstant quatre jours durant plus de 30 000 participants attroupés sur des champs, dont le propriétaire n’avait pas été averti de ce débarquement massif. Que croyez-vous qu’il arriva dans ce cas ? Les pouvoirs publics se bornèrent à déployer toujours plus de gendarmes, près de 400, et, dans ce territoire qui est un désert médical, autant de pompiers et de soignants. Histoire de venir en aide aux précieux festivaliers transformés en zombies par la musique techno, camés ou ivres-morts car toutes sortes de drogue circulaient à l’envi et l’alcool coulait à flots. D’où moult évacuations et hospitalisations en urgence — dont nous devrons payer la note. Mais un Teknival, c’est sacré. Pas question donc d’employer des canons à eau ni de saisir l’impressionnant matériel de sonorisation utilisé par les organisateurs de cette « fête », que seule a troublée l’apparition de vipères perturbées par la foule et l’infernal boucan.

    À la remorque de Mediapart

    Tandis qu’étaient tacitement autorisé le Teknival et interdit l’hommage à Dominique Venner, Gérald Darmanin soignait, lui, sa stature internationale en participant à Washington puis à New-York (où, selon Europe 1, il a été « reçu en grande pompe, par les plus hautes instances policières des États-Unis ») à une réunion sur les thèmes plutôt mystérieux « de la coopération policière et de la décolonisation ». Mais on ne peut évidemment l’exonérer de la décision inique prise par le préfet de Paris, bien entendu avec l’aval de son ministre, lequel n’avait vu d’ailleurs aucun inconvénient à la conférence faite en mars dernier à la faculté de Bordeaux par l’ancien terroriste Jean-Marc Rouillan, assassin en chef d’Action directe, à la faculté de Bordeaux.

    Pourquoi cette répression sélective ? Sans doute la Place Beauvau veut-elle se concilier l’ultragauche qui, par ses outrances, rend de signalés service à la Macronie : le 19 mai, quelques heures avant l’annonce de l’arrêté préfectoral, Le Monde, toujours aussi cafard, s’inquiétait « des risques sérieux pour que, à l’occasion de cet hommage, des propos incitant à la haine et à la discrimination (…) soient tenus ». Et, surtout, le site Mediapart du camarade Edwy Plenel avait mis en ligne un article de Nicolas Lebourg où était longuement exposée l’extrême dangerosité de l’homme Venner (comment Lebourg s’est-il procuré l’analyse psychiatrique suivant l’arrestation de 1961 ?) et, partant, de ses idées et de son enseignement, plus que jamais actuels et suivis par la jeunesse française, en raison de sa capacité à « mobiliser des mémoires dans le cadre d’une méditation sur la décadence », qui était sa hantise. Tâche poursuivie par l’institut Iliade, propulsé donc comme ennemi numéro un de la République et de notre belle démocratie.

    Darmanin veut-il la guerre civile ?

    Mais, connaissant la perversité du ministre de l’intérieur, il n’est pas exclu qu’en interdisant systématiquement des manifestations par nature pacifiques tels les hommages à Jeanne d’Arc et à Dominique Venner — et pourquoi pas, demain, à Louis XVI, à Charette et aux victimes de la Grande Révolution ? — que Darmanin veuille convaincre les jeunes Français écœurés par la décadence de leur pays que, les voies légales étant coupées, il n’est d’autre recours pour se faire entendre que la violence aveugle. Transformer les contestataires en desperados redoutés et haïs par le marais, ne serait-ce pas le meilleur moyen d’en finir avec l’ultradroite, l’extrême droite, et même la droite pas encore totalement couchée ?

    Nous sommes conscients de la gravité de cette question mais, devant la dérive liberticide de l’État-Macron, dictature dénoncée ici dès 2019, elle mérite, nous semble-t-il, d’être posée.

    Camille Galic (Polémia, 22 mai 2023)

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  • Déconstruction du wokisme...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une intervention de Julien Rochedy qui revient sur la philosophie de la déconstruction et son rejeton le wokisme...

    Publiciste et essayiste, Julien Rochedy, qui est une figure montante de la mouvance conservatrice et identitaire, a déjà publié plusieurs essais dont Nietzsche l'actuelL'amour et la guerre - Répondre au féminisme et Philosophie de droite.

     

                                           

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  • Pour une écologie nationale !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré au localisme.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste localiste intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

     

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    Pour une écologie nationale !

    Ce mois de mai 2023, le localisme fait son entrée dans le dictionnaire Petit Larousse ! Cette reconnaissance d’un mouvement qui grandit en Europe et dans le monde salue tous ceux, de France et d’ailleurs, qui bénéficient d’un environnement sain, bienveillant et beau, qui veulent le conserver, le promouvoir et le transmettre.

    Ces localistes ont quatre ennemis.

                1 ) Les apprentis sorciers qui veulent leur faire croire qu’en abandonnant leurs traditions, leurs frontières et leurs identités, et en donnant les clés à ceux qui se croient supérieurs par élection divine ou par leur génie propre, le monde sera meilleur. L’autonomie locale, territoriale, communautaire, est la voie de la transition écologique réussie.

                2 ) La financiarisation qui veut que tout soit à vendre, les hommes comme les gênes et la terre comme l’air, que les biens communs soient privatisés, et que le monde ne soit plus qu’un marché commandé par la rentabilité du capital. L’écologie est la forme la plus actuelle du combat social pour l’égalité et les libertés. Décidons nous-mêmes de ce qui nous concerne !

                3 ) La globalisation, qui conduit à proposer des réponses globales à des problèmes tels que la disparition de la biodiversité, l’épuisement des ressources naturelles et le dérèglement climatique, qui ont pour première cause la globalisation elle-même. L’avenir est à l’éloge des frontières :

                4 ) L’intrusion du numérique dans chacun des aspects de la vie, à travers l’identité numérique, la monnaie numérique, la santé numérique, qui séparent l’homme de la nature plus radicalement encore que la révolution industrielle. « Tapez 2, tapez 3″ est l’arme de destruction massive des communautés, des proximités, et du localisme. Plus jamais ça !

                Le silence des prétendus « Verts » sur le sujet est assourdissant. L’écologie est le prétexte aux politiques les plus anti-sociales, anti-démocratiques et anti-libérales poursuivies depuis trente ans. La transition écologique est un chèque en blanc donné aux dérives de techniques qui menacent l’existence de l’humanité elle-même, de l’IA aux vaccins à ARN messager. Et l’alignement des Verts au Parlement européen sur les intérêts américains devrait avertir sur leur complicité avec la ploutocratie qui s’est emparée de Washington, et dont le grand peuple américain entreprendra tôt ou tard de se libérer.

                Le temps est venu d’élever la voix sur ces quatre sujets. Pour que renaissent nos villages, nos villes et nos régions. Pour que nos traditions, nos singularités, et ces cultures nées de siècles d’intimité avec des écosystèmes tous différents, tous uniques, redeviennent notre bouclier contre les illusions du changement. Pour renouer l’alliance entre les hommes et la nature dont ils sont membres.

                Ceux qui prétendent nous conduire vers un monde meilleur n’ont réussi à ce jour qu’à nous diriger vers le pire des mondes, celui des zélateurs de Davos, des Hariri et cie, celui contre lequel Claude Lévi Strauss, Noam Chomsky ou Hannah Arendt n’ont cessé de nous prévenir, un monde dont la diversité humaine et naturelle, notre trésor commun, aurait disparu. La banalité du mal est là, chez ceux qui prétendent changer l’humanité et faire advenir l’homme nouveau, ce qui a toujours, toujours désigné une tentation totalitaire.

    Attendre le salut du génie inventif de l’homme libéré de toutes entraves n’a fait à ce jour qu’aggraver les dégâts provoqués par la fuite en avant technique. La priorité écologique est de rendre à nos démocraties le pouvoir sur la science et la technique qu’elles ont abandonné. Il est urgent de retirer aux usuriers de la brevetabilité du vivant, de la privatisation de la santé, comme aux rentiers des « Intellectual property rights » les privilèges que nos démocraties leur ont abandonnés. Sinon, la science et la technique détruiront nos démocraties comme la « woke » culture détruit la nature humaine. Les économies de rente sont les pires ennemies du progrès collectif.

                La prétendue « transition écologique » ordonnée par l’Union européenne est au service du globalisme. Elle est à l’origine d’une régression sociale sans précédent. Elle est intrusive, supprime des libertés essentielles, et menace de s’en prendre à la propriété privée — les habitations qualifiées de « passoires thermiques » interdites à la location le seront bientôt à la vente. Qu’en diront des millions de Français, propriétaires expulsés ? Elle affirme comme des faits établis des paris incertains, comme les bénéfices écologiques du tout électrique, tout renouvelable, tout numérique. Et elle porte atteinte aux droits humains fondamentaux, suivant les commandements du World Economic Forum qui vient de déclarer que l’accès à l’eau n’était pas un droit humain (le 5 mai) !

                Cette transition est dictée de l’extérieur, par des ONG, des Fondations et des organisations étrangères aux Nations européennes. Elle a pour fonction stratégique de détruire les moyens de l’indépendance européenne, le nucléaire étant suivi par l’automobile allemande et l’armement français. La contrainte énergétique aggravée par les sanctions contre la Russie conduit les pays de l’Union à devenir des économies de service, dépendants de l’extérieur pour satisfaire les besoins vitaux de leurs populations. Les paniques écologiques, et d’abord le réchauffement climatique, ont été instrumentalisées pour obtenir le résultat attendu ; le sabordage par l’Europe des moyens de son indépendance — et d’abord, sa compétitivité industrielle, ses excédents commerciaux, bientôt, sa monnaie elle-même (qui analyse l’effet sur l’euro du déficit commercial allemand en 2022, 85 milliards d’euros, le premier depuis deux générations ?)

    La priorité écologique est localiste. Elle consiste à rendre nos territoires autocentrés et autosuffisants, à la fois pour réduire les risques liés aux dépendances extérieures, les pollutions de la mobilité forcée, et pour leur permettre d’exprimer le meilleur d’eux-mêmes pour l’exporter. Elle place sous contrôle citoyen les organisations financées depuis l’étranger. Les Français responsables de leur territoire, dans leurs frontières, au nom de ceux qui sont morts avant eux et de ceux qui naîtront après eux, sont les meilleurs intendants de la nature et de la vie que les nomades prédateurs sont prêts à vendre au plus offrant.

                L’alignement de l’Union européenne sur l’agenda globaliste mobilise la transition écologique pour mieux aligner, conformer, uniformiser, un cadeau aux groupes mondialisés dont le naufrage des PME européennes va révéler l’ampleur. La plus grande sottise, partout répétée, est que le changement climatique étant universel, appelle des réponses universelles. Double sottise, puisque le changement climatique dramatique ici peut être bénéfique là — la Russie pourrait en être bénéficiaire. Sottise encore, puisque la réponse à un dérèglement directement issu de la globalisation — transports, besoins en énergie, niveau de consommation — ne réside pas dans plus de globalisation, mais dans des approches locales, différenciées selon les territoires, respectueuses de traditions dont beaucoup résultent de l’adaptation séculaire à des écosystèmes spécifiques — qui peut soutenir que la réponse pertinente au dérèglement climatique soit identique en Finlande et en Sicile, au Bangla Desh et au Sahel, en Israël et en Alaska ?

    Et qui ne voit que beaucoup des normes dictées par les lobbys ont pour première fonction d’éliminer les PME et les artisans comme les solutions locales, au profit des produits standardisés des multinationales, ennemies de notre patrimoine comme de la beauté de nos villages et de nos villes ? Les normes éliminent la capacité d’organisation spontanée des sociétés humaines, pour la remplacer par les modèles des consultants, les tableurs des auditeurs, et la conformité globale. Voilà pourquoi toute politique écologique est conservatrice, localiste, et sociale — affirmant les droits des sociétés politiques au-dessus de ceux de la cupidité individuelle, de la rentabilité du capital et de la privatisation des biens communs.

                La transition écologique européenne est une aubaine pour la finance globale. Que signifient tant de milliards d’investissements dont seule la dépense publique assure la rentabilité ? L’indécence des subventions publiques que mobilise la transition écologique européenne, notamment dans les renouvelables, n’a d’égale que la violence des rentabilités atteintes grâce à l’argent public ; les contribuables européens financent à travers les prix d’achat garantis aux éoliennes l’une des pires escroqueries de leur histoire ! Le pillage de l’argent public a trouvé dans la transition écologique un eldorado.

                Il est tout aussi grave que la centralisation favorable aux géants de la gestion de capitaux et du crédit contribue à la destruction des autonomies territoriales et des singularités nationales et régionales. Elle se déroule au détriment des banques locales ou régionales, des coopératives et des mutuelles, des logiques territoriales et localistes. Son premier effet est l’éloignement des centres de décision, pour lesquels tout projet se réduit à des états financiers, sans visage, sans poignée de main, sans rien de ce qui fait société.

    Le second est l’alignement sur de prétendues normes de rentabilité internationales, souvent supérieures à 15 % annuels, qui n’ont rien à voir ni avec le niveau soutenable d’exploitation des ressources naturelles, ni avec le niveau soutenable des revenus d’une banque durable, de l’ordre de 5 % à 7 % — de quoi rémunérer un réseau, des salariés, des sociétaires, et le coût du risque. Enfin, c’est la difficulté d’accès à l’offre écologique que ces investissements sont supposés financer ; l’augmentation des rendements financiers se traduit toujours par une raréfaction de l’offre et de la demande solvables.

    Les exigences de rendement financier actuel sont en elles-mêmes destructrices de l’environnement et de la société ; il est grave que la transition écologique européenne se présente d’abord comme une aubaine pour la finance globale, appelée à mobiliser des capitaux, arbitrer des projets, gérer les investissements, sans aucun rapport avec l’utilité réelle, les services écosystémiques et la réalité territoriale (lire Arnaud Berger, Annales des Mines, XXX). Toute économie repose sur la gratuité des processus naturels — la germination des plantes, la croissance des arbres, le cycle de l’eau, la photosynthèse, n’ont pas de prix. Qui dira qu’ils n’ont pas de valeur ? Les systèmes par lesquels la prétendue transition écologique donne un prix à la vie, à la reproduction et à la nature sont des systèmes de mort — des systèmes qui réalisent la malédiction biblique de l’homme maître et possesseur de la nature, et condamnent ceux qui s’en inspirent à la ruine, à la haine, et à l’extermination finale. Tout projet écologique est localiste ; il restaure la liberté des acteurs à s’organiser selon leurs choix, à déterminer eux-mêmes les cadres et les statuts de leur action collective — et les formes associatives, coopératives ou mutualistes, comme les monnaies locales, qui préviennent l’accumulation des réserves ou leur concentration privée sont au cœur des solutions efficientes de financement. Et tout projet écologique appelle au contrôle collectif des techniques et de la science — le gouvernement des experts a toujours débouché sur les pires régimes politiques, l’avènement de l’homme nouveau a toujours ouvert des horizons de cauchemar, et ceux qui prétendent conduire l’humanité vers des jours meilleurs ont toujours été les pires ennemis des hommes d’ici, de chez nous et de leur terre que nous sommes.  

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 9 mai 2023)

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  • Gérald Darmanin, le voyou de la République...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Camille Galic, cueilli sur Polémia et consacré aux mesures liberticides prises par Gérald Darmanin pour interdire toute expression libre à la droite radicale... Journaliste, Camille Galic a dirigé l'hebdomadaire Rivarol pendant vingt-cinq ans.

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    Gérald Darmanin, le voyou de la République

    Après la scandaleuse interdiction par la préfecture de police de l’hommage national prévu le dimanche 14 mai à 9 h 30 place des Pyramides, à Jeanne d’Arc, sainte de la Patrie, sous prétexte qu’il serait « porté par des groupuscules d’ultradroite » selon la secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté Sonia Backès (un référé a été déposé contre cette mesure inique), on peut s’attendre au pire. Le VIIe Forum de la Nation organisé la veille par Jeune Nation dans l’espoir de « rebâtir la nation au milieu des ruines » est-il également menacé ainsi que le banquet de Rivarol annoncé pour le 24 juin et sans doute bien d’autres manifestations. Bien sûr, on peut être d’accord ou non avec tel ou tel courant de pensée ou telle ou telle expression d’une opinion. Mais la liberté ne se divise pas et le principe de la liberté d’expression est précisément de permettre l’expression de ceux avec qui on n’est pas d’accord ! L’attitude du gouvernement est dangereusement liberticide car de proche en proche toute expression qui lui déplaît pourrait être interdite.

    Cette question se pose depuis l’instruction donnée le 9 mai par Gérald Darmanin aux préfets de « prendre des arrêtés d’interdiction » lorsque « tout militant d’ultradroite ou d’extrÊme droite [le ministre ratisse large, Nadine Morano et même Sylvain Tesson ou Michel Houellebecq étant désormais catalogués d’extrême droite !] ou toute association ou collectif, à Paris comme partout sur le territoire, déposera des déclarations de manifestations » semblables à celle qui s’est déroulée le 6 mai. Dans le calme et la dignité et sans provoquer le moindre incident mais qui, en raison des « images choquantes », cf. la Première ministresse, diffusées ad nauseam par les chaînes de télévision, n’en a pas moins provoqué l’indignation générale. D’Éric Ciotti aux plus excités des Insoumis en passant par Mathieu Bock-Côté qui, d’ordinaire mieux inspiré, a flétri sur CNews le 8 mai ce défilé de « néo-fascistes et peut-être même de néo-nazis professant une idéologie détestable ». Mais, comme l’a sévèrement fait remarquer à l’Assemblée l’élue écolo Francesca Pasquini, « ce n’est pas parce que l’ennemi est silencieux et qu’il marche au pas sans déborder qu’il n’est pas dangereux ».

    Loin de Black Lives Matter

    Ces dangereux ennemis de l’humanité en général et de la République en particulier étaient des militants du Comité du 9-Mai créé en 1994, Édouard Balladur étant Premier ministre et Charles Pasqua ministre de l’Intérieur, à la mémoire du jeune Sébastien Deyzieu qui, poursuivi sur un kilomètre par des policiers à la suite d’une manifestation hostile à l’interventionnisme des États-Unis dans les Balkans et au Proche-Orient, s’était, pour leur échapper, réfugié sur le toit d’un immeuble, d’où il fit une chute mortelle. Un drame qui rappelait la mort du diabétique tunisien Malik Oussekine ayant succombé à une charge policière à Paris lors des émeutes anti-Devaquet en 1986 et annonçait celle du truand afro-américain et miné par la drogue George Floyd décédé en mai 2020 à Minneapolis lors d’une arrestation musclée par des flics – pour la plupart non Blancs.

    Mais si Oussekine et Floyd sont devenus des icônes de la gauche qui, dans le cas du second, lança le mouvement Black Lives Matter aussitôt célèbre et suivi dans le monde entier, une indifférence totale prévalut en ce qui concerne Sébastien Deyzieu. En revanche, l’émotion fut profonde dans les milieux nationaux. Le premier cortège d’hommage fut conduit par l’ancien député Roger Holeindre, les conseillers régionaux Jean-Yves Le Gallou, Marie-Caroline Le Pen et Philippe Olivier ainsi que par Samuel Maréchal, directeur du Front national de la jeunesse, et, depuis près de trois décennies, aucun dérapage n’a été observé lors des marches anniversaires.

    Dans son excellent article « Interdiction, répression… Darmanin, l’apprenti sorcier » publié ici, Guillaume Luyt, successeur de Maréchal à la tête du FNJ puis président des Identitaires de 2002 à 2009, déplore que les nationalistes de 2023 aient adopté « les codes de l’ultra gauche, repris il y a 20 ans par les nationalistes autonomes allemands », soit « le parfait look “black block” en y ajoutant, à l’envi, les masques et les cagoules les plus improbables ». Une mise en scène esthétiquement très réussie avec les drapeaux à croix celtique (vue aussi le même jour lors du sacre de Charles III à l’abbaye de Westminster !) mais en effet « parfaite pour les cameramen de Brut ou de Yann Barthès » et idéale pour légitimer tant l’indignation réelle ou feinte des belles consciences que la répression décidée par Gérald Darmanin qui savait ce qu’il faisait en prononçant il y a deux ans la dissolution de Génération identitaire. « Parce que le modèle identitaire avait débordé le cadre de la jeunesse patriote pour inspirer jusqu’aux élus locaux LR, il fallait l’éliminer », estime Guillaume Luyt. Avec cet avantage supplémentaire que, privée de cadre et livrée à elle-même, cette jeunesse ne manquerait pas de céder à certaines outrances et à la provocation (visuelle et non agissante, rappelons-le), ressuscitant ainsi « un spectre bien commode ».

    Ministre exécrable mais manipulateur d’élite

    En tant que ministre de l’Intérieur, Darmanin est au-dessous du médiocre comme il l’a montré face aux banlieues ethniques, aux clandestins (les 230 passagers en majorité africains de l’Ocean Viking refusés par l’Italie mais accueillis à Toulon en novembre 2022 et aussitôt évaporés dans la nature), aux « mineurs étrangers non accompagnés » mais parfois trentenaires qui, munis d’iPhone dernier modèle et frimant sur des trottinettes électriques, tiennent impunément le haut du pavé à Nice, à Marseille ou à Paris où ils participent aux trafics de drogue, aux mafias albanaises, rom ou nigériane, ou aux imams radicaux, assez puissants pour obliger la doyenne de la Sorbonne à annuler la conférence que devait donner le 12 mai l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler, auteur aux éditions Odile Jacob du livre Le Frérisme et ses réseaux – L’Enquête. En revanche, celui qui se targue d’un grand-père maternel militant du FLN et d’une mère « femme de ménage » (alors qu’elle était concierge de la Banque de France où elle jouissait récemment encore d’un confortable appartement), est un politicard des plus retors et un manipulateur hors pair, sans foi ni loi et doté d’un formidable culot.

    Qu’on se souvienne de sa condamnation de Marine Le Pen, décrétée par lui alternativement « extrémiste » et « trop molle », puis de Georgia Meloni désormais accusée de « ne rien faire » pour juguler le tsunami migratoire déferlant sur l’Italie pour atteindre la France, accusation le conduisant à affirmer que, parvenue au pouvoir, la présidente du Rassemblement national serait aussi impuissante que Meloni. Reproche peut-être fondé, mais insupportable de la part d’un membre du gouvernement qui, à l’unisson avec la Commission européenne, s’est acharné à saborder, comme non démocratiques, toutes les initiatives prises par la dirigeante italienne pour tenter d’endiguer le Grand Remplacement. Et allégations insupportables surtout dans la bouche d’un ministre qui, après avoir annoncé à son de trompe sa volonté d’en finir avec l’immigration sauvage submergeant Mayotte grâce au déploiement d’importantes forces de l’ordre sur l’île martyre, a brutalement cané en trois jours devant l’obstruction des juges et le chantage du gouvernement comorien exigeant des compensations financières extravagantes pour reprendre ses ressortissants. Si tant est que cette très coûteuse opération se poursuive, le Tartarin de la Place Beauvau n’en parle plus, et les journalistes font montre d’une exquise discrétion.

    Darmanin ? Non, Darmalin

    Suivi par tous les médias de grand chemin, Darmanin a en revanche monté en épingle la présence (du reste traditionnelle et discrète) à l’hommage rendu à Sébastien Deyzieu d’Olivier Duguet, ancien trésorier de Jeanne, le micro-parti créé par Marine Le Pen, et d’Axel Loustau, ancien du GUD mais aussi conseiller régional RN d’Île-de-France jusqu’en 2021 et, lors de la présidentielle de 2017, directeur de la cellule financière de la campagne de la candidate Le Pen. Acculée à une attitude défensive, celle qui a érigé en ardente obligation la dédiabolisation de son parti est ainsi allée jusqu’à affirmer sur Sud Radio que Loustau et Duguet, qu’elle connaît depuis leurs études communes de droit et a si longtemps appréciés, « ne font pas partie de [s]es proches ». Cette assertion l’a fait perdre sur tous les tableaux, l’extrême gauche lui reprochant son « mensonge » et l’« extrême droite » sa « trahison ». Bien joué, Gérald Darmanin !

    Cette dernière péripétie, dommageable en vue des élections européennes, fera-t-elle également reculer Marine Le Pen dans les sondages qui la donnaient tous arrivant en tête au premier tour de la présidentielle de 2027 ? Une chose est sûre : si la tendance se confirme malgré tout, le nouveau Fouché profitera de toutes les occasions (quitte à les susciter) pour l’inverser. Et si Laurent Wauquiez se décide enfin à plonger dans le grand bain, il fera bien de se méfier, lui aussi. De même qu’Edouard Philippe car, nul ne l’ignore, Darmanin ou plutôt Darmalin rêve lui aussi d’un « destin national » et fera tout, y compris les plus sales coups, pour y parvenir.

    Camille Galic (Polémia, 12 mai 2023)

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