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Métapo infos - Page 1305

  • Mourir pour la patrie...

    Les éditions Actes Sud viennent de publier Mourir pour la patrie, un roman d'Akira Yoshimura. Auteur d'une vingtaine de romans, Akira Yoshimura est considéré comme un des grands écrivains japonais de la deuxième moitie du XXe siècle.

     

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    " Shinichi Higa a quatorze ans quand il est enrôlé dans le bataillon de la première école secondaire d’Okinawa tout comme les mille sept cent quatre-vingts élèves des écoles secondaires de cet archipel situé à environ cinq cents kilomètres au sud de Kyūshū. Nous sommes le 25 mars 1945, Shinichi Higa fait partie des plus jeunes soldats de l’armée régulière prêts à verser leur sang pour l’empereur. Mais Shinichi est heureux de défendre sa patrie.
    Sa seule angoisse est de mourir avant même d’avoir fait son devoir. Car il s’agit pour lui de tuer au moins dix soldats ennemis. En attendant, Shinichi accomplit les tâches qui lui sont confiées. Il transporte des corps d’un lieu à l’autre, vers ces hôpitaux de fortune où les blessés et les morts sont si nombreux qu’il n’est plus envisageable de soigner les nouveaux arrivants. Shinichi se déplace en permanence, il résiste malgré la peur. Au-delà de l’horreur il se cache et survit habité par le désir de se battre. Mais très vite il perd son unité et, séparé des autres, se retrouve seul face à la guerre.
     
    Magnifique hommage au courage d’un enfant, à sa belle naïveté, à sa résistance et à son engagement farouches pour son pays. "

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  • Contre le partenariat transatlantique !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur le site Europe solidaire, qu'il anime, et consacré au traité de partenariat transatlantique. Jean-Paul Baquiast est également le responsable du site d'informations scientifiques Automates intelligents.

     

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    Contre le partenariat transatlantique

    Les négociations entre l'Union européenne et les Etats-Unis sur le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI) ont débuté cet été, malgré les réserves, tout au moins en France, de nombreux représentants politiques, chefs d'entreprise et dirigeants de syndicats. Ils considèrent cette démarche comme un abandon de plus des compétences européennes face à une concurrence américaine "libre et non faussée" qui ressemble de plus en plus à une mise en coupe réglée, compte tenu des différences de forces entre les futurs partenaires. Il n'empêche. Avec l'implication personnelle du président de la Commission européenne, Jose Manuel Barroso qui en espérerait le soutien américain pour une promotion dans une institution internationale, le mouvement s'accélère. Le gouvernement français pour sa part semble étrangement indifférent. Ceci pourtant au moment où les révélations de Edward Snowden montrent l'ampleur de la guerre économique menée par les Etats-Unis, via la NSA et d'autres agences, aux dépens des industries et des économies européennes. Certains objectent que le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership ) ou PCTI (Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement) favoriserait symétriquement les divers partenaires à l'échange. C'est évidemment faux. Les intérêts français n'atteignent en aucun cas la taille critique leur permettant de se battre à égalité. Ceci non seulement dans le domaine économique mais dans le domaine politique et diplomatique, où leurs futurs partenaires américains bénéficient d'un soutien sans faille du Département d'Etat et du Ministère de la Défense, grand acheteur comme l'on sait. Certes, en Europe, une partie du patronat européen et de la banque, bien représentée dans les média, espère qu'à l'occasion de ce partenariat transatlantique seront démantelées les diverses mesures mises en place depuis 30 ans pour maintenir un reste d'équilibre entre l'investissement public et l'investissement privé, comme plus généralement entre le social et l'économique. La table-rase actuellement imposée à la Grèce par l'UE et la Banque centrale pourrait ainsi être généralisée dans l'ensemble de l'Europe. Mais ce soutien représente une raison de plus pour rejeter les négociations. L'indépendance et les perspectives de relance de l'Europe auront tout à y perdre – sauf à admettre que les entreprises et les banques européennes sont vouées à devenir de simples succursale de leurs concurrentes américaines. On fait également valoir que les Asiatiques sont moins frileux que les Européens, puisqu'ils semblent s'engager avec enthousiasme dans l'équivalent du TTIP pour la zone Pacifique, le TPP. Mais d'une part la taille et la compétitivité des entreprises asiatiques sont malheureusement en général sans comparaison avec celles des entreprises européennes. D'autre part, même en Chine, des réticences commencent à se faire sentir. La véritable colonisation des secteurs de pointe chinois par des entreprises et capitaux américains commence à alerter les opinions. On fait enfin valoir que les Européens n'ont pas de raison de s'inquiéter, parce que le soutien donné au TTIP et au TPP par les Américains semble s'effriter. Les membres du Congrès, notamment, découvriraient que beaucoup de leurs électeurs dans les secteurs économiques traditionnels ne partagent pas l'enthousiasme de la Maison Blanche, en perdition dans tous les autres domaines, pour une rapide conclusion des négociations.

    Mais il ne faut pas compter la-dessus. Le Big Business et la grande banque américaine ne seront pas fâchés de se débarrasser à la fois de la concurrence européenne et des lourdeurs de certains secteurs traditionnels provenant de l'Amérique profonde. Ils ne renonceront donc pas à mener et tenter de gagner la « guerre des Traités ».
    Il n’empêche. Tous les arguments présentés ici, et bien d'autres, pour refuser les négociations ou les faire indéfiniment traîner en longueur, semblent se heurter à un mur d'indifférence, tant à Bruxelles qu'à Paris. Il faudra s'y résigner. Il ne s'agira que d'une nouvelle phase dans le suicide de l'Europe.

    Jean-Paul Baquiast (Europe solidaire, 11 janvier 2014)

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  • Chronique des temps modernes...

    Pierre Le Vigan vient de publier aux éditions de La Barque d'or Chronique des temps modernes. Collaborateur des revues Eléments, Krisis et Le Spectacle du monde, Pierre Le Vigan a notamment publié Inventaire de la modernité avant liquidation (Avatar, 2007), La banlieue contre la ville (La barque d'or, 2011) et Écrire contre la modernité (La Barque d'Or, 2012) .

    Le livre peut être commandé à l'adresse suivante, pour la somme de 18 euros 50, port compris :

    Editions La Barque d'Or

    12 rue Léon Blum

    94600 Choisy le Roi

     

     

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    « Il faut essayer d'être fidèle à l'enfance. "Qu'importe ma vie ? Je veux seulement qu'elle reste jusqu'au bout fidèle à l'enfant que je fus" écrit Georges Bernanos (Les Grands Cimetières sous la lune). Qu'est-ce que l'enfance ? C'est attendre beaucoup du monde. Et inévitablement, c'est attendre beaucoup de soi (suivre la pente noble de l'enfance). L'enfance est le temps des grandes espérances et aussi des grandes déceptions. On meurt toujours de son enfance.»

    De Aimé Césaire à Albert Camus en passant par Ernst Jünger, Régis Debray et quelques autres. Propos sur la littérature , la philosophie et les temps modernes...

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  • Les élites françaises ont-elles honte de la France ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Marie-Françoise Bechtel, cueilli sur le site de l'hebdomadaire Marianne et consacré au mépris d'une grande majorité des "élites" françaises pour leur pays. Conseiller d'état, Marie-Françoise Bechtel a dirigé l’École Nationale d'Administration et est actuellement député du Mouvement républicain et citoyen (chevènementistes).

     

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    Les élites françaises ont honte de la France

    Marianne : Vous venez d'affirmer dans un entretien publié dans l'Expansion que «la spécificité française tient surtout à la détestation des élites envers la nation». Pouvez-vous préciser cette pensée et la justifier par quelques exemples ?

    Marie-Françoise Bechtel : C'est une idée qui me poursuit depuis assez longtemps. Je me souviens l'avoir soutenue pour la première fois dans un entretien accordé à Joseph Macé-Scaron dans le Figaro fin 2000. Je lui avais dit que j'étais très frappée de voir à quel point les élites britanniques étaient fières de leur nation. Aujourd'hui, pour moi, c'est plus que jamais un constat absolu et évident. Les élites françaises ont honte de la France, ce qui n'empêche qu'elles peuvent avoir un comportement extrêmement arrogant, même si cela peut paraître paradoxal. Je cite souvent l'exemple de Jean-Marie Messier. Ce pur produit des élites françaises avait qualifié les Etats-Unis de «vraie patrie des hommes d'affaires», et ce, juste avant de s'y installer. Ici, le propos est chimiquement pur. Toutes les élites ne sont pas aussi claires, mais beaucoup n'en pensent pas moins.

    Ça ne fait qu'un exemple !

    M.-F.B. : Je peux vous en trouver des dizaines. Prenons celui des grands patrons dont les groupes investissent à l'étranger et qui se soustraient au versement de leurs impôts en France. Vous ne pouvez pas dire que ce sont des comportements patriotiques... Total ne paie quasiment pas d'impôts en France. Bien sûr, à l'étranger, nombreux sont les groupes qui ont les mêmes comportements, mais ils savent être présents quand leur pays a besoin d'eux. Regardez aussi la façon dont on traite les commémorations de la guerre de 1914-1918 : les élites, dont le PS, incriminent les nations. On oublie que les peuples ne voulaient pas la guerre, et que c'est le déni de la nation qui nous entraîne aujourd'hui dans une Europe qui ne cesse de faire monter l'extrême droite. Autre exemple qui m'a été raconté de première main et qui illustre ce mélange de déni et d'arrogance. Dans les négociations européennes de 1997 à 1999, en vue de la conclusion du traité de Nice, Pierre Moscovici, alors ministre délégué aux Affaires européennes, avait traité les petits pays avec une morgue incroyable, coupant la parole aux uns, leur demandant d'abréger leur discours, exigeant que le représentant de la Belgique se taise. C'est ce même Pierre Moscovici, toute son action le démontre, qui est persuadé que la nation française a disparu, que nous sommes devenus une région de la grande nébuleuse libérale et atlantisée.

    Face à ça, dans cette période de crise, en France, le peuple se replie sur la nation, et comme on lui interdit d'être fier de son pays, qu'à longueur d'émission de télévision on lui explique que la France est une nation rance et sur le déclin, il prend le mauvais chemin, une mauvaise direction. Tous ces petits messieurs font le jeu du Front national.

    Mais il est intéressant aussi de se demander quand ce mépris de la nation a commencé à se développer chez nos élites. Je pense qu'une réponse se trouve dans les écrits de Jean-Pierre Chevènement. Il a pour la première fois, me semble-t-il, abordé cette question dans la République contre les bien-pensants, dans les années 90, il l'a ensuite développée dans La France est-elle finie ? En substance, il démontre que cette haine de la France et du peuple date de l'immédiat après-guerre, et je partage cette idée. Je pense que les élites ont trahi le peuple, qu'elles se sont compromises avec le régime de Vichy et qu'elles portent sur leur dos la défaite de 1939, «l'étrange défaite». C'est à ce moment-là que tout se joue. J'ai recueilli à travers des entretiens qui vont d'ailleurs être prochainement publiés les souvenirs du dernier membre vivant du CNR, Robert Chambeiron. Il explique avec beaucoup de précision l'état des partis politiques en 1940. La situation était catastrophique ! Ils n'ont plus aucune légitimité. Robert Chambeiron raconte ce discrédit et la façon dont peu à peu les principaux partis se sont reconstitués en admettant la nécessité d'une union nationale. Il raconte le premier entretien dans une pissotière entre Daniel Mayer, qui représente la SFIO, et l'envoyé du PC. L'entrée en matière est violente. Le premier envoie à l'autre les accords Molotov-Ribbentrop, l'alliance entre Staline et Hitler. Le communiste s'offusque et lui répond : «Comment pouvez-vous nous faire la morale après Munich ?» Tout le monde s'était déballonné devant Hitler. La chance des partis, il faut bien le dire, ça a été les Etats-Unis. Les Américains se méfiaient de De Gaulle, ils voulaient s'assurer du soutien des partis et des syndicats. C'est Washington qui les a réellement remis en selle.

    Après la guerre, la droite a eu une chance, c'est ce même de Gaulle. De Gaulle a racheté la droite. C'est pour cela que toute la droite s'est retrouvée gaulliste pendant de longues années. Mais cela n'a pas duré...

    Si de Gaulle a racheté la droite, qui pourrait racheter la gauche ?

    M.-F.B. : C'est une bonne question, celle de savoir si la gauche est rachetable. Je ne vois qu'une seule personne pour la racheter, c'est Jean-Pierre Chevènement. Pierre Mendès France y a participé à sa manière et je ne pense pas que François Mitterrand mérite tout le mal que de nombreuses personnes disent de lui. Mais je ne dirais pas qu'il a racheté la gauche parce qu'il a fait l'Europe telle qu'elle est aujourd'hui.

    Aucune partie de nos élites ne trouve grâce à vos yeux ?

    M.-F.B. : Je n'ai aucune admiration pour la grande majorité des élites économiques, mais je pense qu'il y a des exceptions. Ainsi, par exemple, Jean-Louis Beffa, l'ancien patron de Saint-Gobain, me semble avoir encore une conscience nationale. En revanche, ce n'est pas du côté des banques qu'il faut chercher. L'épargne française est énorme, 17 % du revenu... Qu'en font-elles ? Rien, ou plutôt rien d'utile à notre pays. Quant aux élites politiques, je les fréquente au quotidien, ils sont atteints d'un double syndrome : d'une part, ce que mon ami Sami Naïr appelle le «bonisme», c'est-à-dire la bien-pensance vertueuse. D'autre part, elles sont obsédées par l'idée que la gauche manque de légitimité. Celle-ci doit donc être convenable et le montrer. A chaque fois que des ministres se font agresser par la droite, ils se défendent en disant qu'ils respectent les codes du monde libéral. Aujourd'hui, je ne vois guère qu'Arnaud Montebourg qui sorte du lot, même s'il y a quand même des ministres qui travaillent utilement, Michel Sapin par exemple.

    Dans les médias aussi, c'est un peu la Berezina. Le mot «nation» hérisse. Libération reste le journal du courant «libéral-libertaire», même si on y trouve encore quelques pépites ici et là. Le Monde ne cesse de me décevoir, cela remonte déjà à assez loin et c'est encore plus vrai ces derniers temps, il ne reste plus grand-chose de ce grand journal. Le Figaro ? Il est devenu l'organe officiel de la mise en accusation de la gauche au pouvoir et à peu près rien de plus.

    Et les hauts fonctionnaires ? En tant qu'ancienne directrice de l'ENA et en tant que conseillère d'Etat, vous en avez beaucoup côtoyé...

    M.-F.B. : Généralement, ils partagent l'idéal européiste angélique et vertueux. Ils ont tous appris que «l'Europe est notre avenir». Sur ce sujet, leur esprit critique est assez peu développé. Ils pensent tous que la France est une affaire dépassée.

    Mais il faut se méfier des amalgames. Dans cet univers, il y a d'abord et surtout Bercy. Le gros morceau, c'est le couple Trésor-Budget. C'est là où tout se joue, tout se décide. C'est impressionnant, le pouvoir qu'ils ont, et je pèse mes mots. Laisser faire Bercy, c'est une grave erreur. D'abord, ces messieurs se méfient des politiques. Ils font bloc. J'ai été membre de la mission d'enquête sur l'affaire Cahuzac, eh bien, nous n'avons rien obtenu des directeurs ou responsables de ces deux administrations. Rien. Aucune réponse ! Blanc ! C'était impressionnant. Mais il y a en même temps des différences entre les deux. Les gens du Trésor sont toute la journée dans l'avion, un jour à Singapour, le lendemain à New York, pour placer l'argent public. Ils pensent en anglais. Au bout d'un certain temps, ils ne connaissent plus la France, c'est juste leur employeur. L'autre administration de Bercy qui compte, c'est le Budget, et cette direction serait plutôt gangrenée par l'idéologie allemande, si j'ose dire. Elle est devenue obsédée par l'équilibre budgétaire.

    En dehors de ces deux administrations, certaines se tiennent encore bien. Je pense d'abord à mon corps d'origine, le Conseil d'Etat. La plus haute juridiction administrative française a longtemps résisté aux dérives européennes.

    Même si c'est fini aujourd'hui, et je le déplore, elle reste une instance irremplaçable de conseil. Je pense ensuite à la préfectorale. Le corps des préfets me semble être une institution qui résiste. Elle le fait d'abord parce qu'elle est un corps qui représente l'Etat et non les féodalités régionales. Ces hauts fonctionnaires sont en contact avec la diversité des problèmes, ils vivent en province, rencontrent quotidiennement les Français. Il y a aussi l'armée. Lorsque j'étais directrice de l'ENA, j'ai rencontré régulièrement les dirigeants de Polytechnique ou de Saint-Cyr. L'armée a fait un très gros effort pour s'ouvrir à la nation, après la malheureuse suspension du service national par Jacques Chirac.

    Mais vous avez une responsabilité dans cette histoire puisque vous avez sélectionné les élites et vous les avez formées lorsque vous étiez à l'ENA !

    M.-F.B. : Il y a deux choses que je dois d'abord préciser. En tant que directeur de l'ENA, vous ne formez personne, ce sont les grandes administrations qui désignent les enseignants dans l'école. En revanche, c'est moi qui proposais au ministre les membres du jury, et j'avais d'ailleurs à l'époque choisi un journaliste de Marianne. Notre regretté Philippe Cohen avait ainsi participé à la sélection des futurs hauts fonctionnaires. Le deuxième élément que le grand public ignore souvent, c'est que l'ENA fonctionne comme une école d'application de Sciences-Po. Car, ne nous trompons pas, c'est Sciences-Po, la grande école. C'est là que les étudiants sont formés, voire déformés. Or Sciences-Po est devenue «l'école du marché», selon les termes mêmes de Richard Descoings, qui a reformaté cette école. Cet homme, à la fois très intelligent et très dangereux, était persuadé que le marché était la loi et que la loi était le marché. Il n'avait d'ailleurs pas vu venir la crise. Mais il a légué à cette école un formatage sans précédent. La victoire du marché se mesure aussi parce qu'il y a de plus en plus d'élèves d'écoles de commerce, notamment de HEC, qui entrent à l'ENA, tout ce petit monde jurant, la main sur la poitrine, que depuis sa plus tendre enfance il rêve de servir l'Etat. La conséquence est dramatique, ils récitent des discours appris. Je me souviens que de nombreux membres du jury m'ont dit que ces étudiants étaient tellement formatés que c'était difficile, voire impossible de les choisir, et encore moins de les classer. Et quand ils sont choisis, je me suis aperçue que je ne pouvais plus grand-chose pour des gens aussi - comment dire ? - fermés sur des certitudes, aggravées par le manque de culture.

    D'où peut venir l'espoir ?

    M.-F.B. : Je suis d'un tempérament optimiste. Regardez les Allemands. Il y a un renouveau de la langue et, au-delà, de la fierté allemande. Il y a dix ans, douze ans, j'avais été invitée à un colloque sur un thème tout particulièrement intéressant aujourd'hui : l'Allemagne a-t-elle le droit d'avoir sa propre élite ? L'Allemagne était à ce moment-là dans un trou, elle n'allait pas très bien. Il y avait là un conseiller de Gerhard Schröder qui était un peu sa tête pensante, un homme très connu à l'époque, je lui ai fait remarquer ma surprise de voir des Allemands qui parlaient en anglais de l'avenir des élites allemandes. Cela me paraissait très paradoxal. Eh bien, ce jour-là, nos hôtes me faisaient part de leur envie : «Vous vous rendez compte, dès que vous avez une réunion publique, politique, vous avez la Révolution française derrière vous, cela vous porte, et nous n'avons pas d'équivalent. Pis, se référer au passé est difficile.»

    Je pense aussi que nous avons des bases solides. Nous sommes un très grand pays. Nous sommes encore la sixième puissance mondiale. Nous sommes encore une grande puissance économique, une grande puissance exportatrice, malgré notre déficit commercial. Je pense que tout cela est très mal enseigné. On devrait apprendre à nos élites le respect de cette histoire, de cette nation, et on leur apprend l'arrogance et la morgue.

    Troisième élément, et non des moindres : je ne sais pas si c'est la nation ou l'Etat qui résiste, mais quelque chose en nous résiste. Nos bases, jusqu'à un certain point, restent solides.

    Pour conclure, avec de tels propos, ne craignez-vous pas de rejoindre les intellectuels et politiques qui ont été qualifiés de «néocons» par l'hebdomadaire le Point ? Méfiez-vous, vous vous retrouvez en compagnie de Marine Le Pen...

    M.-F.B. : Oublions le ridicule inventaire du Point. Je pense que, si l'on avait davantage écouté Jean-Pierre Chevènement, mieux, si on l'avait élu en 2002, on verrait aujourd'hui ce qu'est la différence entre une conception ouverte, généreuse et patriotique de la nation et le repli frileux, pour ne pas dire infantile, sur des valeurs régressives. Le problème aujourd'hui est de faire comprendre aux Français que la nation bien comprise est source de modernité, non de repliement : mais comment le leur faire comprendre alors que, à gauche comme à droite, l'Europe telle qu'elle dérive est devenue «la grande illusion» ?

    Marie-Françoise Bechtel, propos recueillis par Bertrand rothé (Marianne, 19 janvier 2014)

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  • Le soldat impossible...

    Les éditions Pierre-Guillaume de Roux viennent de publier un essai de Robert Redeker intitulé Le soldat impossible. Professeur de philosophie, essayiste à l'origine classé à gauche, Robert Redeker vit depuis plusieurs années sous protection policière à la suite des menaces de mort qu'il a reçues pour la publication dans le Figaro d'un texte hostile à l'islamisme. L'évolution qu'a connue sa pensée au cours des dernières années est particulièrement intéressante...

     

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    " Mourir pour la France, faire la guerre, tomber au champ d’honneur... Les jeunes générations y songent-elles encore ? Il est vrai que la désacralisation de la chose militaire, propagée par l’hédonisme-pacifisme triomphant, a eu raison de cette aspiration traditionnelle. Le 14 juillet des dernières décennies n’est-il pas devenu une fête pour la fête parmi tant d’autres, où les défilés militaires s’exposent au regard comme un spectacle de foire ? L’École a, elle-même, renoncé à exalter les vertus de la nation et de la patrie tant glorifiées par la Révolution. Cette mise au ban du soldat comme de l’Histoire ne traduit-elle pas un déni de réalité caractérisé ? Comme s’il suffisait de fermer les yeux sur les multiples motifs d’hostilité entre les États pour en neutraliser la bête noire : l’éternel retour de la guerre et de ses innombrables morts que l’esprit victimaire d’aujourd’hui récupère insidieusement. C’est oublier que la France ne serait pas la France sans ces guerres qui ont fait date, sans un choix décisif de société, sans un refus de se soumettre à la loi de l’Occupant. Bref, sans une certaine idée de la France... Les figures d’épouvantail successives sous lesquelles disparaît désormais le soldat – gendarme, bourreau, nazi, etc. – achèvent de brouiller le sens profond de son sacrifice. Où la part de sang versé et répandu, renforçant le lien de l’individu à la Nation, révèle aussi la part inconnue, transcendante, de l’homme face à la mort. "

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  • Un bon humoriste est-il un humoriste mort ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pascal Esseyric, cueilli sur le blog de la revue Éléments et consacré à l'affaire Dieudonné. Pascal Esseyric est le rédacteur en chef de la revue Éléments dont il a lancé la nouvelle formule, rajeunie et au style offensif, en 2011.

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    Coluche fasciste, Desproges antisémite, Dieudonné...

    Depuis le déclenchement de la quinzaine de haine anti-Dieudonné, que n'a-t-on entendu sur ce « comique qui ne fait plus rire» au contraire de Desproges et Coluche, qui étaient eux des vrais humoristes avec un grand H. « Dieudonné, c’est l’inverse de Coluche et de Desproges», nous a appris Aurélie Filippetti, la ministre de la Culture, emboîtant le pas à toute la classe politique et médiatique française. « Coluche, Pierre Desproges étaient fins, au-dessus de tout soupçon, et appartenaient à la grande tradition de la farce». Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls est allé jusqu'à célébrer « le génie de l'humour d'un Desproges» contre « les petits entrepreneurs de la haine» comme Dieudonné.
        C'est oublier un peu vite qu'à l'époque, le quotidien Le Matin de Paris (24 novembre 1980), organe officieux du parti socialiste avait comparé les amateurs de Coluche, ce « clown aux discours ambigus» aux ligueurs fascistes (22 novembre), et Coluche lui-même à Hitler (24 novembre) ! Dans Le Nouvel Observateur, Guy Sitbon estimait que Coluche était un « chansonnier obscène» et même un « chansonnier anarcho-poujadiste» (24 novembre 1980). Avec un art consommé de l'insinuation, Le Monde s'offusquait que le comique utilise « un certain langage de droite ou plutôt d'un langage de droite certain qui n'a rien de particulièrement original. » À droite justement, Le Figaro voyait en Coluche le « fossoyeur du music-hall » et un « manipulateur d'excréments.» À sa mort, L'Humanité n'a pas caché pas le dégoût que lui inspirait l'humoriste avec « ses éructations de beauf, bref ses facéties que lui-même, au fond, ne trouvait peut-être pas si drôles. » Paresseux par nature, les journalistes ont simplement remplacé Coluche par Dieudonné !
        Intronisé Saint comique laïque autorisé et approuvé par le ministère de l'Intérieur, Pierre Desproges n'a lui pas toujours fait rire au parti socialiste. Dans L'histoire secrète du SOS Racisme, Serge Malik rappelle que l'insoupçonnable Pierre Desproges a refusé de prendre sa carte à SOS Racisme parce qu'il n'y avait que des juifs et des socialistes ! Le chapitre s'intitule : «Du showbiz à l’UEJF en passant par Libé». Et Serge Malik de conclure : «Nous eûmes alors, Hervé et moi, une longue discussion sur l'antisémitisme de Desproges. Je prêtais volontiers ce préjugé à l'humoriste disparu. Hervé tentait de me faire comprendre que ce n'était pas aussi simple. Nous étions en train de nous fâcher, lorsqu’Hervé se saisit à nouveau du téléphone, interrompant le round. Et voilà qu'il remettait ça sur le même sujet, avec Bedos cette fois. Ce dernier lui expliquera qu'être « antisémite, pour Desproges n'était sans doute pas très différent d'être “antitélé”, “ antichar”, “anticancer”, “antinucléaire”, “antijarretelles”, “antivieux”. »
        Alain Jakubowicz, le président de la LICRA a été plus conséquent que le ministre de l'Intérieur en estimant qu'aujourd'hui, il demanderait l'interdiction du fameux sketch de Desproges sur les Juifs.
    Pas de doute, un bon humoriste est un humoriste mort…

    Pascal Esseyric (Blog Éléments, 15 janvier 2014)

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