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Métapo infos - Page 14

  • Le Québec face au projet d’annexion du Canada par Donald Trump...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Rémy Tremblay  à Camille Galic pour Polémia, dans lequel il évoque les projets d'annexion du Canada par les États-Unis lancés par Trump.

    Rémy Tremblay est un journaliste québécois spécialiste des arcanes politiques du Canada et éditeur de la revue Le Harfang.

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    Le Québec face au projet d’annexion du Canada par Donald Trump

    Un voisin déjà ultra-américanisé

    Camile Galic : Après le canal de Panama puis l’immense et très riche en métaux précieux Groenland, région autonome (mais désertique : 57 000 âmes) du Danemark, le président états-unien Donald Trump convoite le Canada. Votre première réaction a-t-elle été la stupéfaction ou l’indignation ? 

    Rémy Tremblay : En fait, comme la plupart des Canadiens, lorsque cette idée fut lancée la première fois par Donald Trump peu après son élection, j’ai pensé qu’il s’agissait d’une simple blague. Après tout, le président américain est connu pour ses déclarations à l’emporte-pièce et il annonçait des négociations sur des tarifs sur les produits canadiens, qu’il souhaiterait voir atteindre 25 % !
    Mais, nous sommes désormais en janvier, et Trump continue de discuter ouvertement de cette annexion envisagée. Alors, comme tout le monde ici, je commence à me demander s’il s’agit réellement d’une simple blague. Et la plupart des gens à qui je parle se posent la même question.

    Camile Galic : L’américanisation des esprits, de la langue et des mœurs avec le wokisme est-elle déjà un fait accompli au Canada ? Et, si oui, les régions les plus gangrenées sont-elles les provinces francophones ou anglophones ? 

    Rémy Tremblay : La question est excellente; en fait, le Canada anglais (qu’on appelle le Rest of Canada) est déjà ultra-américanisé : le wokisme y triomphe partout, on se nourrit de la culture hollywoodienne, on a les même références culturelles… Bref, les Anglo-Canadiens sont pratiquement des Américains, mais un peu plus à gauche. Ici, la liberté d’expression est loin d’être absolue, tout comme le droit aux armes à feu, et nous vivons, d’un océan à l’autre dans un état-Providence.

    Force est de constater que Vancouver, Toronto et même Montréal n’ont plus grand-chose de canadien. Ces mégalopoles, où les « de souche » se font de plus en plus rares, pourraient être des villes états-uniennes.

    Cela étant dit, ce qui distinguait les Canadiens anglais des Américains était l’américanophobie de façade adoptée par les Canadiens anglais, qui aiment se considérer comme « plus éclairés » que leurs voisins du Sud. Anciennement, les Canadiens anglais étaient des WASP (White Anglo Saxon Protestants) et se considéraient plus comme des Britanniques que comme des Canadiens. Loyaux à la Couronne, ils entretenaient de réelles différences culturelles avec leurs voisins du Sud.

    Toutefois, ces Anglais sont devenus une minorité. Lorsque Stephen Harper tenta il y a une quinzaine d’années de faire revivre un patriotisme canadien autour de la Couronne, de l’attachement à la Grande-Bretagne et à notre participation au conflit de 1812 contre les États-Unis, ce fut un échec. Les Néo-Canadiens provenant des quatre coins du globe, n’ont que peu d’intérêt pour ce genre de patriotisme à saveur historique.

    À l’heure où les Canadiens d’origine anglaise deviennent une pièce de plus en plus petite de la mosaïque canadienne, ce genre de patriotisme ne fonctionne plus.

    Camile Galic : Et le Québec?

    Rémy Tremblay : Le Québec, voilà ce qui me préoccupe. Nous avons une culture propre, une histoire différente, des origines à nous. Nous sommes une nation distincte. Et reconnue.

    Que les États-Unis avalent le Canada anglais m’importe peu. Les ressemblances entre eux sont tellement flagrantes, que leur séparation est une quasi-erreur historique! Dans tous les cas, le Canada-français ne doit pas être absorbé par les États-Unis, ce serait la fin de l’aventure française en Amérique. En une ou deux générations, nous serions, comme nos aïeux installés au Sud de la frontière durant la « Grande saignée », assimilés. Il ne resterait de nous que quelques patronymes prononcés à la sauce yankee.
    Une culture mourrait définitivement.

    Si certains sont prompts à condamner mes propos, qui peuvent paraître choquants, il faut se rappeler que c’est par le rapport de forces que le Canada tient le Québec en otage. En 1995, lorsque les Québécois purent s’exprimer sur leur avenir national, ce sont les magouilles avérées d’Ottawa qui firent en sorte que nous sommes restés contre notre gré dans cette Confédération. Ottawa a parfois invoqué la possibilité de faire intervenir l’armée ou d’utiliser d’autres moyens de coercition si le Québec quittait le Canada. Dans le scénario actuel, Washington a annoncé qu’il n’emploierait ni la force, ni la contrainte.

    Je me sens donc fort peu solidaire du Canada anglais, mais je crains que les souverainistes se rangent par commodité derrière Ottawa plutôt que de tenter de tirer leur propre épingle du jeu… surtout que la fenêtre de possibilités s’ouvre pour nous.
    Pourquoi défendre la souveraineté d’un État qui nie la souveraineté de ma nation?

    Un projet déjà ancien

    Camile Galic : L’Anschluss du Canada est-elle populaire ou déjà envisagée aux Etats-Unis ou bien cette idée extravagante pour nous Français est-elle sortie tout armée de la tête de Trump à des fins géopolitiques et/ou mercantiles  ? 

    Rémy Tremblay : Il faut le dire, ce n’est pas la première fois qu’un tel projet est évoqué. Les révolutionnaires américains tentèrent d’annexer le Canada lors de la Guerre d’indépendance, puis, en 1837-1838, plusieurs chefs canadiens-français, dont Louis-Joseph Papineau, évoquaient la possibilité de s’émanciper du joug britannique pour se rattacher aux États-Unis. Nous aurions été une Louisiane-bis.

    Dans les années 1980, il y eut un petit parti, le Parti 51, qui proposait de faire du Québec le 51e État américain. Le score fut anecdotique.

    Il semble que l’objectif de la menace de Trump soit de déstabiliser l’adversaire dans les rounds de négociation. Il faut comprendre que Trump veut imposer des tarifs de 25% aux produits canadiens pour favoriser l’économie de son pays. Face à lui, il a un Premier ministre démissionnaire, car peu populaire, qui a dû suspendre la démocratie en fermant le Parlement jusqu’au printemps pour éviter d’être renversé. Bref, Trump a le gros bout du bâton.

    Pire, la principale arme que Ottawa pourrait brandir est l’imposition de tarifs ou de restrictions sur les exportations énergétiques (pétrole de l’Alberta et électricité du Québec), mais on imagine mal l’Alberta et le Québec faire front commun avec Trudeau lors de ces négociations. D’ailleurs, la Première ministre albertaine Danielle Smith était à Mar-a-Lago le samedi le 11 janvier!

    L’assourdissant silence de la France

    Camile Galic : La réaction du Danemark a été jusqu’ici très modérée, mis à part le changement de ses armoiries pour y inclure le Groenland et les Féroé, mais quelle a été celle du Royaume-Uni ? 

    Rémy Tremblay : Le Royaume-Uni n’a plus de pouvoir au Canada. Le roi par contre est roi du Canada, ce qui en fait le chef d’État officiel, mais non pas en tant que roi d’Angleterre. Le Royaume-Uni n’a donc pas son mot à dire. Mais, vu la réputation du Canada dans les « Five Eyes », agence de renseignements réunissant depuis la Seconde Guerre mondiale  l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, et où il fait office de bon dernier, il y a probablement des gens à Londres qui espèrent un tel scénario.

    Maintenant, ce qui est assourdissant, c’est le silence de la France. Imaginons que ce fût un Charles de Gaulle à l’Élysée… À peine ce scénario d’annexion annoncé, le président français aurait traversé l’Atlantique pour assurer les Québécois de son soutien et il est fort à parier qu’il aurait exigé que le Québec devienne indépendant et devienne soit une nation totalement indépendante, soit un protectorat. Mais la France, qui fut longtemps la meilleure amie du Québec, ne semble pas vouloir jouer un rôle cette histoire.

    Camile Galic : Notre actuel président a d’autres chats à fouetter… Mais comment ont réagi les immigrés, de plus en plus nombreux au Canada et dont les nouvelles générations naturalisées sont majoritairement anglophones, même quand leurs ascendants venaient du Maghreb ou de Haïti ? En cas de référendum par exemple, comment voteraient ces citoyens de fraîche date ? 

    Rémy Tremblay : Bonne question! Il est difficile de savoir comment le vent tournerait. Il faut savoir que le Canada est excessivement laxiste au niveau de la justice et offre un filet social incroyable… Il se pourrait donc bien que les Néo-Canadiens préfèrent le Canada aux États-Unis. Mais ça reste à voir !

    Rémy Tremblay, propos recueillis par Camile Galic (Polémia, 21 janvier 2025)

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  • L'ère de la flemme...

    Les éditions Buchet-Chastel viennent de publier un essai d'Olivier Babeau intitulé L'ère de la flemme. Professeur en sciences de gestion à l’université de Bordeaux et éditorialiste, Olivier Babeau est également président de l'Institut Sapiens.

     

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    " Un mal nouveau s'est diffusé dans notre société : la flemme. Elle sépare les générations, assèche notre volonté, appauvrit nos vies. Toutes les raisons que nous avions de fournir des efforts ont disparu. Les technologies se substituent à nos tâches et les États-providence ont déployé de puissants filets de protection. Inutile d'acquérir le savoir du monde, puisqu'il est à portée d'un simple clic. La vidéo remplace la lecture, la livraison remplace la sortie, l'écran remplace les rencontres. Plaid et canapé sont les symboles de la vie indolente idéale. On ne se bat plus pour appartenir à la société, c'est la société qui doit s'adapter à nous. Sans-gêne narcissique et sensibilité à fleur de peau gagnent du terrain. On a perdu le sens du temps long et exigeons tout, tout de suite. Les vieux pays développés vivent une rupture civilisationnelle majeure. Notre civilisation s'est bâtie sur l'effort. Tous les progrès en procèdent. Hier, il fallait surmonter les mille contraintes d'une existence cruelle ; aujourd'hui, leur absence nous pèse. Ce livre est un coup de sang contre la transformation de notre rapport à l'effort. Il en analyse les ressorts cachés et les redoutables conséquences."

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  • Les hommes du fascisme...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'émission Passé présent de TV Libertés, diffusée le 8 janvier 2025, dans laquelle Guillaume Fiquet reçoit Frédéric Le Moal pour évoquer avec lui les chefs fascistes qui ont soutenu puis trahi Mussolini.

    Docteur en histoire contemporaine et élève du professeur Georges-Henri Soutou, Frédéric Le Moal, qui enseigne au lycée militaire de Saint-Cyr, est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Histoire du fascisme (Perrin, 2018) ou Les hommes de Mussolini (Perrin, 2022).

     

     

                                                

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  • C'était Le Pen...

    L'hebdomadaire Valeurs actuelles vient de publier un numéro hors-série consacré à Jean-Marie Le Pen, que sa mort érige en figure de proue historique du national-populisme en France. A acheter en kiosque ou sur le site de la revue.

     

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    " De sa jeunesse bretonne au séisme du 21 avril politique, de son engagement sur le front algérien à son divorce politique avec sa fille, de ses premiers avertissements précurseurs à ses dernières confessions exceptionnellement exhumées, Valeurs actuelles revient sur l´odyssée du Menhir de la Vème République. Sa disparition est l´occasion pour ceux qui l´ont soutenu ou combattu de résumer dans nos colonnes l´héritage d´une figure politique aussi majeure que complexe. "

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  • Le New Space : un univers spatial en pleine transformation accélérée...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christopher Coonen cueilli sur Geopragma et consacré au nouveau paysage de l'industrie spatiale...

    Secrétaire général de Geopragma, Christopher Coonen a exercé des fonctions de directions dans des sociétés de niveau international appartenant au secteur du numérique. 

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    Le New Space : un univers spatial en pleine transformation accélérée

    Il semble opportun, au moment où la start-up spatiale Blue Origin s’apprête à lancer son premier vaisseau orbital habité, et peu après que l’humanité ait célébré le soixantième anniversaire du premier homme Yuri Gagarine à voyager dans l’espace, les lancements réussis de la fusée Space X pour transporter des astronautes à la Station spatiale internationale (ISS) et les ramener via son module, de se pencher sur ce phénomène qu’est le New Space.  Même si en apparence c’est un contraste avec le Old Space, dominé alors par les superpuissances géostratégiques et militaires concurrentes qu’étaient les Etats-Unis et l’URSS, il révèle en fait l’émergence fracassante du New Space ; et il convient sans doute de non pas parler d’un New Space mais des New Spaces. En réalité, il s’agit de plusieurs phénomènes qui se conjuguent et concourent à une dynamique globale.

    Qu’est-ce que le New Space ? C’est la transformation du Old Space en New Space autour de quatre axes majeurs : l’ouverture de l’espace à de nouveaux acteurs essentiellement privés, à de nouveaux pays, à de nouveaux champs d’application y compris militaires, et afin de réaliser des projets profitables. Le Old Space, c’est l’industrie spatiale telle qu’on la concevait il y a quelques années encore : les acteurs étaient avant tout des monopoles d’Etat, les objectifs étaient pour l’essentiel des objectifs politiques et stratégiques avec un lien très étroit entre les enjeux militaires nationaux et les aspects scientifiques des missions spatiales. Ils étaient cantonnés à des tâches d’observation de la Terre, d’étude de l’univers, d’exploration, de démonstration de technologie et d’une activité humaine en orbite basse. Et la maîtrise des coûts et la profitabilité n’étaient pas du tout une priorité.

    Les nouveaux acteurs sont des milliers d’entreprises, pour le moment américaines pour la plupart – et de manière croissante, chinoises – qui visent à conquérir l’espace ; se traduisant dans les faits par la privatisation de l’accès à l’espace. Ces nouveaux entrants dans un secteur d’activité qui était jusqu’alors réservé aux états et institutions publiques font bénéficier au métier spatial traditionnel des innovations et des technologies issues d’autres domaines comme celles du numérique ou de la Big Data. Jeff Bezos (fondateur de Blue Origin et patron d’Amazon) voit son rôle comme bâtisseur d’infrastructures spatiales afin que « la prochaine génération puisse bénéficier d’un environnement entrepreneurial dynamique dans le domaine spatial. »

    Les partenariats public-privé se multiplient également : l’abandon de la navette spatiale américaine en 2011 a contraint la NASA à ouvrir le marché du ravitaillement de l’ISS au secteur privé avec Space X, car elle dépendait depuis lors de la fusée russe Soyouz pour transporter les astronautes américains jusqu’à la station orbitale. Space X n’est pas la première à avoir mis sur le marché un lanceur réutilisable (la navette spatiale américaine ayant cet honneur) ; toutefois, c’est effectivement la première société à avoir réussi à recycler un lanceur… et à réduire ainsi drastiquement les coûts par lancement de l’ordre de 30% …

    L’impact principal lié au New Space entraîne l’irruption de ces start-ups et de ces nouveaux acteurs dans le domaine spatial avec de nouveaux modes opératoires. Cette irruption n’est pas sans lien avec la conception de la nouvelle fusée Ariane 6, plus économe, car se voyant bousculé, cet acteur traditionnel se voit contraint d’innover à son tour avec un lanceur réutilisable.

    Pour les pays en développement et en accélération, cette nouvelle ère est aussi une opportunité inédite dans l’histoire de la conquête spatiale. Le Japon a procédé avec succès au lancement de sondes lunaires et également capables d’explorer des astéroïdes. La Chine avec les missions lunaires Chang’e et son rover Lapin de Jade qui a pu parcourir la surface de la Lune, en a fait l’un des rares pays à avoir réussi un tel exploit. En outre, la Chine a réussi le lancement de multiples modules qui constitueront à terme sa future station spatiale en orbite autour de la Terre. Elle vise elle aussi des missions sur Mars. L’Inde est également extrêmement dynamique : déploiement d’un orbiteur autour de la Lune, mise en orbite autour de Mars d’une sonde, et une autre mission lunaire comprenant un orbiteur, un atterrisseur et un rover.

    Enfin, Israël procède régulièrement au lancement de satellites de basse orbite grâce à son lanceur Shavit.

    La multiplication des acteurs étatiques et l’émergence d’acteurs privés ont abouti à la constitution de l’embryon de ce nouvel âge spatial.

    À l’ère du New Space, ce n’est pas parce qu’une destination existe qu’elle est un objectif. Elle doit correspondre à des objectifs commerciaux, ce qui impose de réfléchir aux débouchés sur les marchés dès l’étude de chaque programme. Ce faisant, à la différence du Old Space, le New Space pense en premier lieu aux besoins du client et des utilisateurs de données numériques.

    L’économie du New Space fait de la donnée spatiale un produit à forte valeur ajoutée. Pour rentabiliser les investissements consentis, elle doit être immédiatement disponible et utilisée pour une très grande variété d’applications et de services commerciaux, y compris dans des domaines jusqu’ici réservés aux acteurs gouvernementaux, tels que la recherche scientifique ou l’exploration spatiale.

    L’un des catalyseurs essentiels pour le New Space repose sur la miniaturisation des satellites : les microsatellites et nanosatellites permettent à de nouveaux acteurs de « se payer » leur satellite, les coûts de lancement et de mise en orbite payés par les clients dépendant avant tout du poids de la charge utile à transporter. De plus petits satellites se traduisent par des satellites plus légers – ils ne se mesurent plus en tonnes et mètres mais en kilos et centimètres – et sont donc (beaucoup) moins chers à lancer.

    Cela permet également de transporter plus de satellites à la fois : la moyenne actuelle se chiffre à plus de 300 satellites mis en orbite par mois, tout opérateur confondu.

    En d’autres termes, des dizaines de milliers de satellites supplémentaires, dont les lancements par grappes sont déjà bien entamés, vont peupler notre orbite. Ils sont d’ailleurs au cœur du projet Starlink qui vise à construire un réseau très puissant et global qui rend l’Internet et une multitude d’applications civiles et militaires, accessibles à une multitude d’utilisateurs qui aujourd’hui pour certains, n’y ont pas accès dans les contrées les plus reculées de notre planète.

    Ce foisonnement d’innovation va entraîner la conception d’usines spatiales, le minage lunaire et d’astéroïdes, le tourisme spatial et suborbital, des stations spatiales privées, les missions d’exploration spatiale de « l’espace lointain », mais aussi des entreprises spécialisées dans l’information financière sur le marché spatial. On peut sans doute parier que cette nouvelle industrie pèsera des centaines de milliards de dollars d’ici quelques décennies …

    L’Espace n’est donc plus seulement un vaste terrain de jeu où affirmer sa puissance technologique, symbolique ou militaire. Il est devenu un enjeu de création de richesses et de profitabilité, ce qui implique une politique de réduction des coûts de l’accès à cet univers afin d’être compétitif. Cette réduction des coûts a pour conséquence un plus grand nombre d’acteurs pouvant se lancer dans l’exploitation commerciale de l’espace et de gagner ainsi des parts de marché, tout en suscitant une demande plus importante. Néanmoins, les Etats restent de très gros clients et ils soutiennent parfois avec énormément de fonds publics « leur » industrie spatiale – que serait Space X sans le financement de la NASA ? La prochaine étape sera l’essor de sociétés commerciales financées uniquement par des fonds privés. La structure du marché est donc appelée à évoluer encore, allant en grossissant si l’écosystème s’avère viable, et devenir autonome par rapport aux Etats au fur et à mesure de cette croissance.

    Enfin, un autre champ d’application prioritaire est militaire, comme en témoigne la création lors du premier mandat du président Trump de l’US Space Force, rejoint par la France avec le Commandement de l’espace basé à Toulouse. La US Space Force constitue une nouvelle branche et sera composée de 16 000 militaires et civils déjà employés par l’US Air Force. Le secrétaire à la Défense américain a résumé l’enjeu ainsi : « L’US Space Force protégera les intérêts nationaux des Etats-Unis en se concentrant uniquement sur l’espace. Conformément à notre stratégie de défense nationale, l’US Space Force veillera à ce que nous soyons compétitifs, dissuasifs et gagnants en position de force, en protégeant notre mode de vie et notre sécurité nationale. “ Il est certain que d’autres puissances s’engageront dans cette voie, la Chine et la Russie étant les candidats les plus évidents. Même si cette évolution est sans doute inévitable, elle est inquiétante car le Traité de 1967 sur les principes régissant les activités des Etats en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, interdit le placement dans l’espace d’armes et prône donc des activités pacifiques. Mais ce traité important à sa signature parait totalement insuffisant à notre époque avec la multiplication des acteurs, le changement des intérêts et l’évolution des technologies spatiales. En effet, les missiles envoyés depuis la terre pour détruire des objets spatiaux sont hors du champ d’application de ce traité. De plus, ce traité ne fait pas mention des armes par destination ; en effet, n’importe quel satellite peut devenir une arme s’il est placé en orbite et envoyé sur un satellite ennemi. Il devient urgent donc de renégocier ce Traité d’une époque qui semble être bien lointaine.

    Avec le New Space, un foisonnement d’innovations sont donc à attendre dans les années à venir, mais aussi l’extension des rivalités géopolitiques terriennes à l’espace, notamment entre les Etats-Unis et la Chine. On ne peut que regretter que l’Europe, ayant abandonné ses programmes d’exploration humaine de l’espace, soit désormais reléguée au rang de partenaire junior.

    Christopher Coonen (Geopragma, 14 janvier 2025)

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  • Le livre de l'eau...

    Les éditions Bartillat viennent de rééditer un récit autobiographique d'Edward Limonov intitulé Le livre de l'eau.

    Figure de la littérature et de la politique russe, fondateur du parti national-bolchévique, Edward Limonov a vu son œuvre être largement traduite en français. On citera, notamment, Le Vieux (Bartillat, 2015), Kiev kaput (La Manufacture des livres, 2017) ainsi que son grand essai polémique Le Grand Hospice occidental (Les Belles Lettres, 1993).

     

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    " Cette autobiographie est considérée par beaucoup comme un des meilleurs livres d'Edward Limonov, à commencer par Emmanuel Carrère. À partir de souvenirs géographiques organisés autour du thème de l'eau, Limonov raconte en détail ses rencontres, ses aventures, ses engagements à travers la Russie, l'Ukraine, l'Europe, l'Amérique. Chaque partie est organisée selon un thème : les mers (Océan Atlantique, Pacifique, Méditerranée, Mer Noire…), les fleuves (Don, Volga, Danube, Tibre, Seine, Hudson…), les lacs, lagunes, étangs, (Gueorguievsk, Transnistrie…), les fontaines (Rome, jardin du Luxembourg), les saunas et bains publics. Le livre s'achève sur une tempête à Moscou. La chronologie est brouillée : Limonov circule librement dans les méandres de ses souvenirs. Il s'y livre comme dans aucune autre œuvre – sans doute parce que ce livre a été écrit en prison au début des années 2000. On comprend mieux le sens de ses engagements et l'orientation qu'il a voulu donner à sa vie en empruntant des chemins héroïques. À sa manière, rebelle et fougueuse, Limonov est un Russe citoyen du monde  qui a connu deux grandes passions : la guerre et les femmes. Ce livre complète le portrait qu'en a fait Emmanuel Carrère, en présentant le regard de l'auteur sur lui-même. Une grande leçon de vie. "

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