Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

souveraineté - Page 12

  • Le livre noir des ONG...

    Les éditions Kontre Kulture viennent de publier une enquête de Julien Teil intitulée Le livre noir des ONG.  Journaliste indépendant, Julien Teil est notamment l'auteur de Rwanda, l'histoire truquée, un documentaire sur la désinformation autour des massacres de 1994 au Rwanda.

    Livre noir des ONG.jpg

    " Action contre la faim, défense des droits de l’homme, promotion de la démocratie, lutte contre la pollution, contre la torture et pour l’accès aux soins : qui ne voudrait pas donner pour de si nobles causes ? Les Organisations non gouvernementales, qui étaient au nombre de cinquante en 1948 sont près de quatre mille aujourd’hui. Elles ont envahi la société civile et se réclament d’elle. En réalité, beaucoup d’entre elles, souvent parmi les plus grosses dont la taille rivalise avec celle des multinationales avec qui elles ont un commun la volonté d’effacement des frontières, n’ont de « non gouvernementales » que le nom. Car derrière ces logos et acronymes bien choisis pour donner le sentiment que leur seule raison d’existence est la promotion d’un monde meilleur, on trouve des agences gouvernementales ou des personnalités dont la carrière et les prises de position laissent peu de doute sur les intentions et les collusions.

    Que ce soit à l’ONU où certaines ont réussi à entrer, ou dans les consciences que la puissance médiatique dont elles jouissent leur permet de pénétrer avec aisance, les ONG ont acquis en quelques décennies un statut de partenaire, voire d’autorité morale, qui les place au-dessus de la souveraineté des nations. Cette place, qui ne doit sa légitimité à aucun processus démocratique, justifie, en toute bonne foi pour ceux qui les écoutent, des ingérences dont la finalité réelle est parfois bien éloignée de celle pour laquelle les généreux donateurs ont mis la main à la poche.

    Julien Teil a travaillé plusieurs années au sein d’une société spécialisée dans la collecte de fonds pour de grandes ONG. Depuis 2008, il a évolué vers la recherche et le journalisme d'investigation dans le domaine de la géopolitique et des relations internationales, publiant dans des revues et participant à différents ouvrages (Lobby Planet, avec l'AITEC ; The NATO Illegal War on Libya avec Cynthia McKinney). Son travail accompli dans le cadre d'une commission d'enquête internationale menée en Libye pendant l'opération Unified Protector de l'OTAN en 2011 a permis de révéler des crimes de guerre et de révéler des dysfonctionnements au sein des Nations Unies et de la Cour Pénale Internationale. En 2012, il a participé à la création du Centre for the Study of Interventionism, un institut indépendant basé au Royaume-Uni et disposant d’associés à Paris, Washington et Rome. "

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Naufrage transatlantique...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent article cueilli sur le site Idiocratie et consacré au Traité transatlantique et à ses conséquences dévastatrices...

     

    Naufrage transatlantique.jpg

    Naufrage transatlantique

    Novembre 2015 : Le Tafta (Partenariat Transatlantique entre les Etats-Unis et l’Union Européenne) et son petit frère le CETA (Traité de libre-échange Canada-UE) sont ratifiés à une large majorité par l’Assemblée Nationale, malgré l’opposition acharnée des communistes, des frondeurs du PS, des deux élus FN et d’une trentaine de députés UMP à sensibilité gaulliste débauchés par Nicolas Dupont-Aignan. Ce dernier, particulièrement remonté au cours des débats s’est vu finalement privé d'un quart de son indemnité parlementaire mensuelle en vertu de l’article 71 du règlement intérieur de l’Assemblée, lequel sanctionne tout député « qui adresse à un ou plusieurs de ses collègues des injures, provocations ou menaces.»

    Pour ses promoteurs, ce gigantesque chantier économique, commercial et juridique est la conséquence logique de la mondialisation des affaires. Au nom de quoi en fusionnant l’ALENA (Accord commercial USA-Canada-Mexique) et l'Union Européenne, on bâtira une immense zone de libre-échange de part et d'autre de l'océan atlantique, rassemblant plus de 800 millions de consommateurs et représentant plus de 45% du PIB mondial. Pour ses détracteurs, ces mêmes 800 millions d’humains seront livrées pieds et poings liés aux multinationales.

    Preuve que Cassandre a toujours raison, une semaine après la publication des décrets d’application au JO, un géant américain des hydrocarbures non conventionnels, Anadarko Petroleum  envoie du papier bleu à l’Etat français. Motif de la requête : le moratoire sur les gaz de schiste adopté par Paris en 2013 est une entrave manifeste à la libre entreprise et au droit légitime de ces sociétés à se développer sur le marché mondial. Six mois auparavant, une telle demande aurait été archivée direct à la poubelle. Mais depuis que Tafta a force de loi, la plainte américaine crée une panique générale dans les ministères concernés. Ségolène tempête, Valls s’indigne et Taubira crie sa haine anti-impérialiste sur  Twitter. En pure perte, car le Traité que nous venons de signer autorise les entreprises privées à attaquer n’importe quelle collectivité publique, si elle estime qu’une de ses mesures nuit directement ou indirectement à sa rentabilité. Cela dit on pourrait penser que les Américains n’ont guère de chance d’obtenir qu’un juge français valide leurs délires procéduraux et que l’affaire sera prestement enterrée au tribunal. Sauf qu’avec Tafta, il n’y a pas plus de juge ou de tribunal dans la procédure que de Nuits-Saint-Georges au menu d’un McDo. La clé de ce miracle s’appelle l’ISDS, l’Investor-state dispute settlement,  qu’on peut traduire par « Mécanisme de règlement des contentieux entre investisseurs et États » . L’ISDS est la clé de voute du traité. Il est fondé sur l’idée que les juridictions nationales ne sont pas neutres, en vertu de quoi tous les litiges concernant les sociétés étrangères ne se régleront pas au tribunal, mais en commission d’arbitrage, comme ce fut le cas dans la dernière affaire Tapie.

    Janvier 2016 : Après un dépôt de plainte contre la France, une commission d’arbitrage tripartite a été constituée, composée d’avocats mandatés par la compagnie, par l’Union Européenne et par la Banque Mondiale. C’est la cerise sur le cupcake : la France sera absente des débats ! Selon les nouveaux traités et les règles de fonctionnement de l’Union Européenne, seule la Commission Européenne a la légitimité nécessaire pour régler ces différents commerciaux. Non seulement la plainte d’Anadarko ne peut tomber sous le coup du droit français mais le gouvernement n’a pas l’autorité pour désigner les avocats censés le défendre. L’affaire se présente mal…

     

    Mars 2016 : la France est condamnée par la commission d’arbitrage à verser un milliard d’euros de dommages et intérêts à Anadarko pour le préjudice commercial subi. Dans le même temps, un bonheur n’arrivant jamais seul, un trust canadien de l’amiante porte plainte contre l’interdiction totale décrétée par la France. Les dommages et intérêts réclamés sont faramineux : on parle de près de trois milliards d’euros. Certes Tafta prévoit que les mesures « conçues et appliquées pour protéger des objectifs légitimes d'intérêt public, tels que la santé, la sécurité ou l'environnement » sont exclues de l’accord mais ces restrictions sont annihilées quelques lignes plus loin par la mention par la mention « sauf dans les rares circonstances où l’impact de la mesure  apparaît manifestement excessif ». Un régal pour les cabinets d’avocats.

    Mai 2016 : c’est le printemps, les procès bourgeonnent et les ZAD fleurissent un peu partout dans le sud de la France. On annonce que General Electrics a bien l’intention de faire revenir de gré ou de force le gouvernement français sur les mesures prises par Arnaud Montebourg pour exclure les activités sensibles et nucléaires de la fusion Thomson-GE. L’amende s’annonce salée et la France est toujours vertement tancée par Bruxelles et Berlin pour son entêtement à ne pas rentrer dans les cadres du pacte de stabilité… A un an de la présidentielle, Marine Le Pen, qui a fait de l’abrogation de Tafta son nouveau cheval de bataille, vient de passer la barre des 40% d’intentions de vote…

    Politique fiction ? Oui pour les détails, les noms de personnes ou de sociétés, ou les dates exactes. Tout le reste deviendra cruellement réel, si les discussions sur la ratification du Tafta finissaient par aboutir. Et pour cause : nous n’avons pas inventé les procédures décrites plus haut,  nous avons seulement transposé ici des épisodes bien réels survenus dans le cadre de l'ALENA , l’accord de libre échange nord-américain ratifié en 1992.

    Ainsi, en ce moment même, la société américaine Eli Lilly réclame  500 millions de dollars aux autorités canadiennes. Celles-ci sont accusées d’avoir autorisé la mise sur le marché sous forme de générique de l’Olanzapine, un traitement destiné aux schizophrènes, commercialisé en 1996 par Eli Lilly. Le gouvernement canadien a mis vainement en avant une question de santé publique : ce cas a d’ores et déjà été jugé comme relevant de la stricte compétence des commissions désignées par le chapitre 11 de l’ALENA. ([1]) L’affaire est toujours en cours, entre les mains d’une commission d’arbitrage.

    Le TAFTA ne fait en effet rien d’autre, rappelle l’universitaire québécois Marc Chevrier, que retranscrire le chapitre 11 du traité, qui prévoyait déjà en 1992 la création d'une procédure d'arbitrage internationale pouvant être saisie contre une collectivité par n'importe quel investisseur privé. « Le chapitre 11 de l'ALENA contient un ensemble de mesures de protection des investissements et des investisseurs privés très attentatoires à la souveraineté des Etats », souligne Marc Chevrier. Le directeur de L’Humanité, Patrick Le Hyaric, est plus radical : « Ce serait une dictature sans chars dans les rues, sans généraux casqués et bottés au pouvoir. Il existe déjà de tels exemples à partir d’accords de libre-échange existants. Ainsi, la firme Philip Morris porte plainte contre l’Australie, parce que ce pays restreint le commerce du tabac. Le groupe multinational Novartis poursuit l’Inde pour la contraindre à cesser la production de médicaments génériques. »([2]) 

    Potion amère pour les Canadiens, ce fameux chapitre 11 de l’ALENA était censément destiné à circonvenir le Mexique, les entreprises américaines et canadiennes craignant de devoir se soumettre aux juridictions d'un Etat considéré comme folklorique. Dans les faits, c'est le Canada qui a fait l'objet du plus grand nombre d'actions en justice intentées par des entreprises multinationales à l'encontre de tel ou tel point législatif jugé contraire à leurs intérêts.

    Ainsi, le 14 avril 1997, le gouvernement canadien était attaqué par une société américaine protestant contre l’interdiction d’un additif au carburant décidée après que des constructeurs automobiles canadiens se sont plaints que cet additif déréglait l’électronique des véhicules. Après un jugement préliminaire, le gouvernement canadien accepta de revenir sur l’interdiction pour éviter de payer 250 millions de dollars de dommages et intérêts. Au prix de la sécurité des automobilistes ? En juillet 1998, la firme S.D. Myers, basée aux Etats-Unis, récuse le moratoire imposé par Ottawa sur les déchets chimiques dangereux. Pour ne pas avoir à payer une somme astronomique, le Canada a dû revenir sur sa décision et payer 6 millions de frais de procédure. Le 19 janvier 2000, le transporteur US UPS a dénoncé le monopole partiel de la poste canadienne et exigé 160 millions de dollars de compensation.([3] )

    Ces différents exemples peuvent suffire à justifier l'inquiétude vis-à-vis de la transcription du Chapitre 11 dans le CETA et le TAFTA. De l’autre côté de la « flaque » ([4]), en Europe, c’est l’Allemagne qui émet les plus sévères réserves vis-à-vis de l’ISDS. Et on la comprend : en 2011 l’entreprise d’électricité suédoise Vattenfall a engagé une procédure contre Berlin, réclamant 3,7 milliards d’euros en dédommagement de l’abandon partiel par l’Allemagne du nucléaire civil. Vatenfall refuse de se soumettre au droit commun allemand et réclame la possibilité d’avoir recours à un mécanisme d’arbitrage privé. On imagine quelle désagréable sensation ont dû ressentir les dirigeants allemands en découvrant l’étendue des possibilités laissée en matière d’arbitrage par l’ISDS. D’où la mise en garde de l’essayiste Alain de Benoist, qui a publié très récemment Le Traité Transatlantique et autres menaces (3bis):  « Le montant des dommages et intérêts serait potentiellement illimité et le jugement rendu ne serait susceptible d'aucun appel ». Une vision des choses partagée par Marc Chevrier : « Cela revient à créer une justice d'exception. Si le traité transatlantique ou le traité de libre-échange UE-Canada sont définitivement adoptés, estime-t-il, Allemagne ou Québec devront se soumettre à « une véritable constitution économique invisible qui se juxtaposera aux constitutions nationales ou provinciales et sera appliquée de manière universelle par des juridictions strictement privées. »

    Mais au fait, tout ça pour quoi ? On n’a aucun mal à comprendre l’empressement des Américains à emballer ce panier garni. Face au réveil russe et à l'expansion chinoise et au dynamisme des émergents, les Etats-Unis tentent d'élargir tous azimuts leurs partenariats économiques pour damer le pion à la concurrence. Mais nous autres, Européens qu’avons nous à y gagner? D'autant qu'il faut rappeler que si l'Etat et les collectivités américaines ont gagné jusqu'à présent tous les procès qui leur ont été intenté dans le cadre du chapitre 11 de l'ALENA et de l'ISDS, ce n'est pas en raison d'un obscur complot mondial mais tout simplement parce que les Etats-Unis cultive une culture du lobbying intensive, à laquelle les institutions fédérales et publiques sont aussi rompues que les investisseurs privés. En la matière, nous sommes Européens, encore dans l'enfance. Cela laisse-t-il présager pour le vieux continent un sort comparable à celui du Mexique dont le gouvernement ou les collectivités publiques ne sont jamais sortis gagnants d'un différent réglé par le biais de l'ISDS ? Ce qui est clair, c'est qu'en la matière, le bouleversement juridique s'avérerait là encore largement favorable à l'American Way of Business. 

    Dans les milieux souverainistes, altermondialistes ou écologistes on prédit en chœur un scénario catastrophe d’Etats voyant leur politique économique, sociale, sanitaire, agricole ou environnementale mise au rencart. Reste encore cependant à passer la barrière des représentations nationales. Comme le souligne le site officiel du Parti Socialiste, les sénateurs socialistes ont voté en faveur d’une proposition de résolution européenne, appelant à garantir « qu'en aucun cas, une mesure protégeant un objectif légitime d'intérêt public ne puisse donner lieu à compensation au nom de son impact économique sur l'investisseur, sans quoi il serait préférable de renoncer au volet consacré à la protection des investissements dans l'accord global négocié avec le Canada» En clair, le PS affirme dire non à l’ISDS et d’ en faire un casus belli dans les négociations en cours. Sauf que  le double langage n’est pas fait pour les chiens. Le collectif stoptafta.org rappelle en effet que, lors d’une réunion au sommet à Madrid, tous les sociaux-démocrates européens se sont accordés pour sanctuariser l’ISDS.  Une décision qui fait écho aux déclarations de François Hollande qui déclarait en 2014 lors d’une conférence de presse commune avec Barack Obama : « Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations. »

    Il faut rappeler ici que le traité que François Hollande se montre si pressé de signer risque non seulement de faire de la souveraineté nationale un souvenir lointain mais qu’il range également l’idée de préférence communautaire européenne au chapitre des causes perdues. Finalement, nos dirigeants ont peut-être trouvé le meilleur moyen de résoudre le problème insoluble de l’Europe politique : c’est de faire disparaître pour de bon le politique.

    Des idiots (Idiocratie, 22 juin 2015)

     

    Lien permanent Catégories : Economie, En Europe, Points de vue 1 commentaire Pin it!
  • « Reprenons notre destin en main ! »...

    Vous pouvez ci-dessous découvrir le remarquable entretien avec Hervé Juvin réalisé le 18 juin 2015 par Élise Blaise pour TV Libertés à l'occasion de la sortie du nouvel essai de cet auteur, Le Mur de l'Ouest n'est pas tombé (Pierre-Guillaume de Roux, 2015).

     

    Lien permanent Catégories : Entretiens, Géopolitique, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • Dix années de déni...

    Vous pouvez lire ci-dessous un point de vue de Bertrand Renouvin, cueilli sur son blog et consacré au dixième anniversaire du référendum sur le traité constitutionnel européen, qui avait vu le 29 mai 2005 le non largement l'emporter...

     

    Référendum 2005.jpg

     

    Dix années de déni… après le référendum du 29 mai 2005 - See more at: http://www.bertrand-renouvin.fr/dix-annees-de-deni-apres-le-referendum-du-29-mai-2005/#sthash.n6p6A4DR.dpuf
    Dix années de déni… après le référendum du 29 mai 2005 - See more at: http://www.bertrand-renouvin.fr/dix-annees-de-deni-apres-le-referendum-du-29-mai-2005/#sthash.n6p6A4DR.dpuf

    Dix années de déni… après le référendum du 29 mai 2005

    Le 29 mai 2005, le peuple français rejetait le prétendu « Traité constitutionnel ». Dès le 17 juin de la même année, le Conseil européen amorçait la procédure du déni qui allait aboutir au traité de Lisbonne signé en 2007 puis ratifié sans consultation populaire.

    Le déni de 2005 est central dans la transformation de notre République – organisée selon les principes d’une monarchie élective, démocratique et parlementaire -  en une gouvernance oligarchique.

    Ce déni vient après l’adoption en septembre 2000 d’un quinquennat qui assure la rotation rapide des équipes  ministérielles sous la direction d’un « président de la République » agissant comme chef de gouvernement.

    Ce déni vient après le passage à l’euro qui abandonne la politique monétaire à des organes extérieurs, hors de tout contrôle démocratique.

    Ce déni précède et annonce les textes par lesquels la gouvernance oligarchique se soumet à des obligations économiques et financières qui constituent des abandons de souveraineté :

    six pack, two pack, « semestre européen », traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (TSCG) de 2012.

    Ces textes opaques ont été explicités et dénoncés à de multiples reprises mais rien ne vaut l’examen des procédés mis en oeuvre. La Grèce fut le laboratoire dans lequel on expérimenta les thérapies extrêmes concoctées à Berlin, Francfort, Bruxelles et Washington et les ravages économiques et sociaux qu’elles provoquèrent s’observent, à des degrés divers, dans toute l’Europe du Sud. Les effets de ces traitements de choc s’ajoutent aux conséquences, toujours négatives, de la globalisation financière et du libre-échange. Un état de violence généralisée s’est créé.

    A chaque étape du processus entamé en 2000, les chefs de la droite et de la gauche ont fait cause commune. Jacques Chirac et Lionel Jospin pour le quinquennat et l’euro. Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac et François Hollande pour le «Traité constitutionnel ». Les dirigeants de l’UMP et du Parti socialiste lors de la ratification du traité de Lisbonne et du TSCG de 2012, sous les applaudissements du Patronat et des banques. Telle est bien la définition de l’oligarchie : peu d’hommes exercent le pouvoir à leur profit et pour le service d’intérêts privés.

    La négation du référendum de 2005 est cruciale car l’adoption ultérieure du Traité de Lisbonne et du TSCG signifie que l’exercice de la réalité du pouvoir se fait dans l’abandon de la souveraineté. Le passage de la République à l’oligarchie – du gouvernement en vue du bien commun à la gestion des intérêts privés – coïncide avec l’abandon de la monnaie qui est par définition un acte du pouvoir souverain, avec l’abandon de notre souveraineté nationale dans les domaines essentiels, avec la négation de la souveraineté populaire qui est au principe de la démocratie. Or la volonté des Français et des Néerlandais exprimée au suffrage universel en 2005 n’a pas été respectée et nous constatons aujourd’hui que le gouvernement allemand, la Banque centrale européenne et la Commission européenne essaient de contraindre le gouvernement grec, légitime et légal, à renoncer à l’ensemble de son programme. Ceci au nom de structures « européennes » qui sont étrangères à la République, faute d’Etat susceptible de mettre en œuvre son principe, et qui sont contraires à la démocratie puisque le principe de séparation des pouvoirs est violé en tous points du dispositif établi par les traités.

    La réflexion selon les concepts de la philosophie politique, l’analyse juridique et la simple observation des événements politiques conduisent à la même conclusion : il existe un lien essentiel entre la République, la souveraineté de la nation définie comme collectivité historique et juridique, et la souveraineté populaire. Si ce lien se défait, la sécurité nationale, la justice sociale et les libertés publiques, la prospérité collective et le bien être individuel sont menacés. La question du régime politique – monarchie élective ou royale, régime d’Assemblée… – perd tout sens quand la souveraineté est anéantie.

    Tel n’est pas le cas. En France, la souveraineté est délaissée, abandonnée, mais elle peut être ressaisie dans toutes ses exigences selon la Déclaration de 1789, le Préambule de 1958 et la Constitution de 1958. Ce sont les conditions politiques de ce ressaisissement qui ne sont pas réunies.

    Bertrand Renouvin (Le Blog de Bertrand Renouvin, 2 juin 2015)

     

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Le Mur de l'Ouest n'est pas tombé !...

    Les éditions Pierre Guillaume de Roux publient cette semaine un essai d'Hervé Juvin intitulé Le Mur de l'Ouest n'est pas tombé. Économiste de formation, Hervé Juvin a élargi sa réflexion à l'histoire, à la géopolitique et à l'anthropologie, et a sans doute écrit deux des essais les plus importants publiés au cours des dix dernières années, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013)...

     

    Mur de l'Ouest.jpg

    "Qu’est-ce que l’Europe aujourd’hui ? Sinon le moyen de l’intérêt national américain. Gouvernance, création de valeur actionnariale, compétitivité et attractivité des territoires… Quatre expressions d’une idéologie, celle de la primauté de l’économie comme moyen de la puissance. Sans oublier le copié-collé d’une « culture » d’importation américaine : toute puissance de la com’, adoption du mariage pour tous, bientôt peut-être de la procréation médicalement assistée, dogme de l’indifférenciation des sexes, tiré de la théorie du genre qui fit fureur aux Etats-Unis voici vingt ans ; dévaluation de l’appartenance nationale, et déchéance d’un projet national fédérateur et identifiant, etc.
    Faire Europe oui mais à condition de rompre avec l’erreur de l’occidentalisme qui la dresse contre ses voisins et alliés naturels, de la Russie aux pays du sud, ceux sans qui elle ne se fera pas l’Europe ne participera à une renaissance de la civilisation qu’en affirmant la séparation nécessaire entre les cultures et les Nations, qui garantit leur diversité. Le rêve totalitaire d’un gouvernement mondial est la promesse de l’esclavage, et la négation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Pour en finir avec cette utopie qui a fait tant de mal, l’Europe doit réaffirmer l’importance politique de frontières internationalement reconnues, de la citoyenneté comme appartenance nationale exclusive de tout marché, et le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats."

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Crise de la démocratie et souveraineté...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jacques Sapir, cueilli sur son site RussEurope et consacré à la crise de la démocratie dans notre pays qui trouve ses racines dans sa perte de souveraineté...

     

    Jacques Sapir.jpg

    Crise de la démocratie et souveraineté

    La France souffre aujourd’hui d’un déficit démocratique profond. On peut mesurer dans la montée de l’abstention lors des divers scrutin depuis près de vingt ans. Ceci est largement reconnu, même si l’on diffère sur l’analyse des causes de cette situation. Certains, rêvent d’une réforme institutionnelle qu’ils appellent de leurs vœux. Telle l’idée d’une « VIème République » avancée par le Parti de Gauche. Mais, pour qu’un tel changement ait un sens, pour qu’il produise les effets que l’on lui prête, il faudrait tout d’abord que la France redevienne un Etat souverain, ce qu’elle n’est plus. La Nation n’étant plus souveraine, le peuple ne peut plus exercer cette souveraineté. La démocratie alors s’étiole, et progressivement disparaît.

    Faux semblants.

    Bien des femmes et des hommes politiques de tout bord cherchent alors à s’emparer de cette thématique. On voit même un ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy pour le nommer, qui pourtant fut à l’origine du Traité de Lisbonne et qui avait négocié le traité budgétaire européen que l’on nomme le TSCG, summum des abandons de souveraineté, reprendre cette idée. Sauf à l’entendre procéder à une autocritique, cet exercice si typique de la culture stalinienne mais qui en l’occurrence serait plus que justifié, on doit avouer qu’un sérieux doute plane sur sa sincérité. Certes, tel Clovis se convertissant de l’Arianisme à l’orthodoxie chrétienne de son temps – telle que définie dans les conciles du IVème siècle – peut-être est-il prêt à adorer ce qu’il a brûlé par le passé et brûler ce qu’il a adoré. Mais on est, devant les zigs et les zags de sa trajectoire politique récente, en droit de très sérieusement s’interroger sur sa sincérité. Dans un cas comme dans l’autre il faut craindre que, reprenant la formule de Giuseppe Tomasi di Lampedusa dans Le Guépard les femmes et les hommes politiques ne crient d’autant plus fort qu’il faut que tout change que pour masquer leur envie de ne rien changer.

    De fait, si de nombreux acteurs politiques font le constat d’une perte de la souveraineté, peu nombreux sont ceux qui donnent des signes tangibles de vouloir reconstruire cette dernière. Encore moins nombreux sont ceux qui semblent réellement comprendre ce que cela implique. Partons néanmoins de ce point de départ que l’on pense partagé par de nombreux français, qu’ils se définissent comme « de gauche » ou « de droite » : il n’y a pas de sens à discuter des institutions si la France n’est plus un Etat souverain. Le constat est grave. Cela place d’emblée la question de la souveraineté au centre du débat.

    La question des institutions.

    Non que la question des institutions soit par ailleurs sans importance ; c’est tout le contraire. Encore faudrait-il ne pas oublier que ce n’est pas en changeant des institutions que l’on résout une crise politique et s’entendre sur où nous sommes et ce que nous voulons changer. J’ai bien peur que derrière la grandiloquence de certaines déclarations se cache surtout un grand vide politique. La véritable question est de savoir comment la souveraineté nationale est compatible avec la construction européenne. Or, il faut dire aujourd’hui que l’on ne peut défendre un projet européiste, certes amendé, certes modifié, mais qui reste un projet européiste néanmoins et prétendre en bonne fois vouloir restaurer la souveraineté nationale. Boire ou conduire, il faut choisir dit le slogan ; entre l’ivresse malsaine qui sort des outres du fédéralisme et la dure tache de conduire le peuple vers une réappropriation de sa souveraineté il ne peut y avoir de compromis. Cette tentative désespérée de concilier l’inconciliable a entraîné une perte de lisibilité et ceux qui s’y sont essayés en ont payé le prix.

    Nous sommes en réalité, dans une VIème République. Oh, bien sur on n’a pas fait sonner les trompettes ni procédé à de solennels roulements de tambours. Ce changement s’est fait par étape, dans un glissement progressif vers une perte de la souveraineté et un déni de la démocratie. La décision de Jacques Chirac d’aligner le mandat du Président de la République sur celui de l’assemblée nationale fut l’un des plus significatifs. Il crée une dyarchie au sommet de l’Etat, constituant le Président en chef de la majorité parlementaire mais sans qu’y soit attaché une quelconque responsabilité devant le Parlement. Cela aboutit à la confusion des responsabilités du Premier-ministre et du Président.

    La Cinquième République

    L’idée des constituants de 1958, que ce soit le gaulliste Michel Debré ou Guy Mollet, le dirigeant de a SFIO, était de bien séparer les deux fonctions, dans la mesure où ils avaient conscience qu’il fallait séparer l’incarnation de la légitimité de l’exercice de l’autorité directe légale du pouvoir. La réforme à laquelle le général De Gaulle procéda, introduisant l’élection du Président de la République au suffrage universel ne constituait pas une négation mais au contraire un renforcement de cette idée. Cet équilibre était néanmoins instable. On le vit dès l’élection de Georges Pompidou qui s’appropria une partie des compétences du ministère de l’économie et des finances et qui, après l’épisode ou Jacques Chaban-Delmas fut Premier-ministre, confia la fonction à un exécutant, certes de qualité, mais un exécutant quand même en la personne de Pierre Messmer. Une dérive s’amorça qui fut aggravée par les foucades d’un Valery Giscard d’Estaing, dont on peut penser qu’il nourrissait une ancienne opposition à la Constitution, et de François Mitterrand, qui fut un des opposants historiques de cette même Constitution. Mais, il fallut attendre le Président suivant pour que ceci soit acté dans les textes et que le pivotement de nos institutions devienne une réalité institutionnelle. C’est Jacques Chirac qui a mis le Président et le Premier-ministre sur le même plan en alignant le mandat présidentiel sur le mandat législatif. Dès lors, la fonction du Premier-ministre devient indistincte, et la légitimité dont dispose le Président l’entraîne à abuser de son pouvoir. Ceci donna naissance, sous Nicolas Sarkozy, à l’expression « hyper-président » qui traduit bien cette dérive.

    Jean-Pierre Chevènement, prévoyant les conséquences de ce déséquilibre, avait proposé que l’on supprimât la fonction de Premier-ministre, transformant la France en une véritable République Présidentielle, sur le modèle des Etats-Unis. Il ne fut pas écouté.

    La nouvelle dynamique politique

    Ce changement est significatif par la nouvelle dynamique politique qu’il entraine. Néanmoins, le changement le plus profond est venu, comme bien souvent, de la pratique, et il a concerné les rapports entre la République Française et les institutions européennes.

    Tout d’abord, l’interprétation du traité de Maastricht a commencé à vider la République d’une partie de sa souveraineté. Mais, et c’est de loin le plus important, les réactions de la classe politique au rejet du Projet de Traité Constitutionnel en Europe, en 2005, ont été en un sens fondatrices. En soi, ce rejet, s’il ouvrait une période d’incertitudes pour les institutions européennes, était parfaitement dans la logique des institutions françaises. Le peuple est consulté, il rend une décision, il en est tenu compte. Nous savons bien que ce ne fut pas comme cela que se passèrent les choses. Les français furent volés comme dans un bois de leur vote, ils furent dépossédés de leur souveraineté par un tour de passe-passe dans lequel les deux grands partis qui se partagent le pouvoir furent largement connivents. Il fut donc proclamé que l’on ne ferait plus de référendum sur la chose européenne et que l’on devait régler par le Congrès la question de la validation de traités ultérieurs. C’est un aveu lourd de sens.

    Le fait que Nicolas Sarkozy se ressouvienne aujourd’hui des mérites de la procédure référendaire, mais en en dénaturant profondément et radicalement son sens, ne doit pas faire illusion. Il fut donc décidé par une très large majorité de la classe politique que l’on ne donnerait plus la parole aux français sur un tel sujet. Le traité de Lisbonne, entérinant un choix dont les termes avaient été rejetés par les français, signait l’abandon de notre souveraineté et une dérive conduisant les institutions françaises, mais aussi européennes, vers des pratiques de moins en moins démocratiques.

    Abandon de souveraineté et guerre civile froide

    Cet abandon de souveraineté va progressivement de pair avec l’abandon des principales fonctions de l’Etat et du Parlement. On le voit à l’évidence dans les débats budgétaires de 2014 qui se sont déroulés sous l’épée de Damoclès d’une commission européenne rendant désormais des avis régaliens. Ceci induit en vérité un délitement de l’Etat, dont on a vu les effets sur le barrage de Sievens entre autres. « Quand on n’a plus d’honneur, on n’a plus de famille » fait dire Victor Hugo au héro du Roi s’Amuse. Quand on n’a plus d’Etat on n’a plus de paix civile est-on aujourd’hui obligé de constater.

    La souveraineté apparaît au cœur de ce qui fait société. Et ce n’est sans doute pas un hasard si nous avons le sentiment que cette société se délite dans la mesure ou la souveraineté n’est plus respectée. La dimension a-sociale d’un certain nombre de conflits qui traversent la société française en témoigne. Pourtant, cette multiplication des conflits n’est pas en soi un indicateur suffisant. Toute société est fondée tant sur la coopération que sur du conflit. C’est plutôt la nature de ces derniers qui pose aujourd’hui problème.

    La guerre civile froide serait elle l’avenir qui guette nos sociétés, et en particulier la société française ? On peut le craindre à la lecture de la presse qui décrit une société livrée à l’anomie. Le délitement de la société que l’on constate maintenant plusieurs années, pose abruptement, et au premier chef, la question du « vivre ensemble ». Devant la montée de cette anomie[1], nous sommes renvoyés à cette interrogation majeure : qu’est-ce qui « fait société » ? Plus encore, pouvons nous nous poser la question de « ce qui fait société » sans nous poser en même temps la question de savoir dans quelle société nous voulons vivre ?

    Jacques Sapir (RussEurope, 23 avril 2015)

     

    Note :

    [1] E. Durkheim, De la division du travail social, Paris, PUF, (1893), 2007.

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!