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  • De la sécession intérieure à la reconquête...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la contribution du pôle étude de l'Institut Iliade au colloque d'Academia Christiana consacré à la question de la sécession qui s'est déroulé le 5 novembre  2022 à Paris.

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    Rester ce que nous sommes. De la sécession intérieure à la reconquête

    Sécession ou reconquête ? Pour bien comprendre le sens de la question que posent aujourd’hui nos partenaires d’Academia Christiana, il faut revenir a minima sur la signification de ces deux mots. « Reconquérir » signifie récupérer par la lutte ce que l’on nous a pris. « Faire sécession » signifie au contraire s’exclure volontairement de quelque chose qui nous appartenait, mais dans lequel nous ne nous reconnaissons plus, quelque chose qui nous est devenu insupportable, peut-être justement parce qu’il nous a été pris d’une manière ou d’une autre. Faire sécession, c’est donc affirmer vouloir se séparer d’une partie de nous-même pour masquer discrètement le fait que nous ne sommes plus capables de la maintenir en l’état hic et nunc. Par comparaison, choisir la sécession plutôt que la reconquête, c’est donc préférer une forme de fuite discrète à une « extension du domaine de la lutte », notamment quand une voie plus facile suggère qu’elle pourrait être perdue d’avance. Cette façon d’envisager l’action est évidemment totalement incompatible avec les positions de l’Institut Iliade, qui affirme au contraire son objectif de reconquête intégrale. Mais elle est également contre-productive, pour ne pas dire incohérente.

    Faire sécession, nous venons de le dire, implique une séparation vers quelque chose d’autre qui, par définition, sera nécessairement différent. Or, l’objectif n’est pas de devenir différent, mais de le rester : être ce que nous sommes où nous sommes, en revendiquant ce que d’autres appelleraient un « droit à la continuité historique », au sein des territoires qui ont justement été construits à travers cette continuité historique en la véhiculant concrètement. Qui sommes-nous sans les paysages, les villes où les quartiers qui nous ont vu naître ? Des déracinés ? Des migrants ? L’allusion paraît facile, mais il est également très facile de la solidifier par l’exemple. Historiquement, il existe en effet deux façons d’envisager concrètement la sécession.

    La première est aujourd’hui assez éloignée de nos préoccupations contemporaines, mais elle reste essentielle pour la démonstration. Elle fait référence aux communautés confessionnelles qui, à l’époque moderne, ont pris le chemin d’une expatriation lointaine et durable. Historiquement, on ne peut nier que pour les quakers anglais ou les anabaptistes de l’espace germanique, le départ outre-Atlantique a été l’occasion de créer ailleurs un Nouveau monde, susceptible de transcrire leurs idéaux dans une réalité vierge. Deux questions émergent de ce constat : 1. Avaient-ils le choix ? ; 2. Qu’ont-ils fait là-bas ? Nous n’avons pas le temps ici de répondre précisément à ces questions, mais il est aujourd’hui clair qu’ils y ont fondé quelque chose qui, étant essentiellement le produit du messianisme vétéro-testamentaire, s’est largement éloigné de la tradition européenne. Par ailleurs, leur utopie de société nouvelle n’a su partiellement se conserver que dans le cadre de communautés fermées, condamné à la mise à distance d’un monde sur lequel ils n’ont pas prise. Il suffit pour cela de penser aux communautés Amish aux États-Unis, ou aux Huttites du Canada.

    Secondement, en France, un autre exemple nous vient des « communautés » artificielles, plus ou moins sectaires, fondées dans les années 1960 et 1970 par une approche dite hippie. Elle souhaitait bâtir une société nouvelle, réunie par une idéologie commune, extrêmement sensible à certaines valeurs, mais à certaines valeurs seulement. Ce faisant, en partant « élever des chèvres dans le Larzac », pour ne prendre que ce cas particulièrement caricatural, elles ont en réalité construit un monde « hors-sol » idéalisé, en opposition au monde « réel » qui a continué à avancer sans elles. Un alter-monde, en somme, soumis à l’adoption de règles logiques perçues comme « supérieures », mais qui se situent en réalité à l’antipode de la complexité qui nous a été transmise depuis l’antiquité grecque, à une époque où la culture européenne n’envisageait pas l’opposition autrement que comme une forme constructive de « complémentarité des contraires ».

    On comprend donc que cette forme de sécession traduit politiquement un des « instincts » de conservation les plus élémentaires : la mise à l’abri, la retraite, la rétraction sur une base vitale. Il s’agit de quitter physiquement une situation devenue intolérable pour un mode de vie plus sécurisant, plus familier, plus apte à s’inscrire avec cohérence dans une certaine vision du monde. Dans le règne animal, cet instinct de préservation, qui consiste à fuir le danger, relève de la capacité de survie. Chez l’être humain en revanche, il ne constitue pas véritablement un instinct de survie, mais plutôt un confort lié à un besoin de stabilité intérieure. D’un point de vue psycho-social, le sécessionnisme apparaît donc comme un escape game collectif visant à recréer ailleurs et à une autre échelle une réalité collective identifiée comme « plus digne ». L’ensemble tient à un seul et même facteur : le sentiment d’impuissance, l’impossibilité de l’action et l’espoir de les recouvrer dans une réalité alternative.

    Ainsi, quand on entend aujourd’hui le gouvernement se poser à lui-même la question de la localisation des migrants, « fraîchement arrivés » (selon l’expression médiatique) dans les campagnes de France, on peut évidemment se demander où s’arrêtera la fuite en avant pour ceux qui sont entrés dans l’engrenage sécessionniste. Nous avons à notre disposition toute la France, puis l’Europe, puis les cinq continents, puis la Terre entière, puis le cosmos et l’espace intersidéral. Autant dire qu’il existe une marge pour organiser de nouveaux flux migratoires à l’ombre du drapeau « No Border ». Face à cette absence théorique de limite, il est donc fondamental de raisonner à la bonne échelle. C’est un souhait légitime que nous devons nous approprier en mobilisant toutes les armes idéologiques, culturelles, économiques, artistiques et politiques qui sont à notre disposition, en sachant pertinemment que certaines ne peuvent être inventées que par nous-même, à travers la pluralité des points de vue que constitue notre héritage européen. Le monde à reconquérir n’est pas ailleurs, il est ici, déjà ébréché par la profondeur des changements que nous lui imposons collectivement et individuellement avec la tenue, le style et le panache qui sont les nôtres.

    Ce que l’on doit regretter in fine, c’est que l’Europe des élites ait déjà elle-même fait sécession face aux valeurs qui sont historiquement les siennes. Comment l’aider dans cet exercice de reconquête tous azimuts ? Pour commencer, on peut évoquer la figure du Rebelle d’Ernst Jünger. S’il lutte contre Léviathan, c’est avant tout dans sa « sécession intérieure » que le Rebelle, par le « recours aux forêts », retrouve sa souveraineté en tant qu’« individu ». Dans toute la profondeur et la subtilité du développement jüngerien, il reste partagé entre une forme de liberté (assimilable ici à la sécession) et une forme de nécessité (ici à la reconquête). La sécession y apparaît avant tout comme une lutte intérieure, une lutte de l’être, une réflexion sur soi-même qui constitue le travail de toute une vie.

    Une sécession « extérieure », sous ses différentes formes, serait une action bien consciente, un choix de vie ou un projet à réaliser. La sécession intérieure, quant à elle, s’apparente davantage à un phénomène inconscient, dont nous sommes moins le sujet que l’objet. De ce fait, nous ne sommes pas en sécession parce que, au terme d’une réflexion ou d’une expérience, nous décidons de rompre avec le monde tel qu’il est. Nous sommes en sécession précisément parce que nous n’adhérons pas à la réalité actuel du monde. En ce sens, notre sécession est un état, et non un acte. On ne fait pas sécession, on est en sécession. Tout l’enjeu consiste donc, et c’est ce qu’il convient de souligner, à ne pas céder à une mise à l’écart superficielle pour fuir ce sentiment de rupture. Il faut au contraire en sonder toute la profondeur, ressentir le vertige de l’abîme tout en continuant à se confronter à la réalité telle qu’elle est. Pour cela, il est nécessaire de donner une orientation à notre sécession, c’est-à-dire un horizon poétique et spirituel capable d’ouvrir la voie à un cheminement intérieur qui réponde aux exigences du combat.

    Pour autant, si l’on envisage l’engagement politique comme la confrontation active au monde réel tel qu’il est, dans toute son hostilité, le recours à un monde préservé par ses grandes permanences (réelles ou abstraites) s’impose comme une nécessité. Et c’est bien là le sens qu’il faut donner à la métaphore du Recours aux forêts. Car une reconquête qui constituerait une lutte factice, sans réel fondement, est vaine. Elle doit au contraire s’inscrire dans la continuité d’un combat intérieur, nourri et orienté par notre longue mémoire.

    En lieu et place d’une sécession trop facile, l’Institut Iliade privilégie donc le ressourcement comme une base arrière privilégiée et mobilisable pour un combat authentique. Le renouement avec les grands espaces, la soustraction aux mécanismes des technostructures, l’immersion dans une convivialité élégante et pacifiée, s’ils présentent toujours un risque de désertion face au combat, doivent justement nous donner le courage et la force de l’emporter. Les grands monastères de l’Occident chrétien n’ont pas été construits pour offrir à quelques-uns la possibilité de cultiver une vie intérieure loin du tumulte du monde. Les moines, depuis leurs monastères, ont donné forme au monde, et toute leur vie spirituelle a été mise au service de ce qu’ils concevaient comme une lutte eschatologique. Aujourd’hui, c’est dans nos villes ou derrière les murs de nos maisons de campagne, dans nos cercles d’amis, à l’ombre des grandes œuvres de la tradition européenne, que se tiennent partout, en secret, les conseils de guerre de la grande reconquête politique et spirituelle.

    Pôle Étude de l’Institut Iliade (Institut Iliade, octobre 2022)

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  • Le déclin d’un monde...

    Les éditions de L'Artilleur viennent de publier un essai de Jean-Baptiste Noé intitulé Le déclin d'un monde - Géopolitique des affrontements et des rivalités en 2023. Docteur en histoire économique, l'auteur est rédacteur en chef de la revue Conflits.

     

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    " L’Occident n’a plus le monopole de la puissance. Le rêve universaliste, en vigueur deux siècles durant, s’estompe, laissant place à un monde fragmenté. En ce premier quart du XXIème siècle, les affrontements et les rivalités sont multiples : militaires et politiques bien sûr, mais aussi économiques et civilisationnels. Luttes pour le contrôle des énergies, guerre des monnaies, militarisation de l’Asie, affrontement de la Chine et des États-Unis, de la Russie et de l’Occident par pays interposés ; partout, les épées sont sorties et l’Europe est déjà l’un des principaux champs de bataille.

    En convoquant la pensée des grands auteurs et stratèges, Jean-Baptiste Noé brosse le portrait d’un ancien monde en déclin qui annonce une nouvelle ère pour l’Occident.

    S’appuyant sur les recherches menées par la revue Conflits et sur 40 cartes qui illustrent ses démonstrations, il propose une analyse novatrice de la géopolitique pour mieux appréhender le nouveau monde qui émerge. "

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  • De bons dirigeants ne sont-ils pas censés donner de l’espoir à leurs peuples ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Yann Vallerie cueilli sur Breizh-Info qui constate que nos dirigeants font régner une profonde désespérance au sein des peuples européens...

     

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    Pénuries, crise économique, crise écologique, crise migratoire… De bons dirigeants ne sont-ils pas censés donner de l’espoir à leurs peuples ?

    Quiconque s’intéresse (ce n’est pas le cas de tout le monde même si au final tout le monde est concerné) à l’actualité, et à l’accélération puissante de l’Histoire qui se déroule sous nos yeux, ne peut que s’étonner du fait que les dirigeants, occidentaux notamment, maintiennent les peuples dans la peur, la terreur, plutôt que de leur apporter un nécessaire et vital message d’espoir et d’espérance.

    Les pénuries (nourriture, essence, énergie) s’enchainent, vont et viennent, plongent les populations dans une insécurité économique (et en conséquence morale) de plus en plus élevée. Certains gagnent beaucoup d’argent en vivant de crises économiques graves. Nos dirigeants parviennent au nom d’un effort de guerre quasi sainte contre la Russie, à faire avaler la pilule des conséquences de lourdes sanctions dont nous sommes les premières victimes. Parallèlement, il n’y a pas un JT, pas un journal, qui n’évoque quotidiennement la crise écologique, la menace climatique, et les annonciateurs de la fin du monde sont pléthores. Ceux là même qui, à côté, s’efforcent de nier la transformation ethnique de nos sociétés, la sauvagerie grimpante, le réel, vécu, subi au quotidien par des populations maintenues dans un climat de terreur psychologique effrayant.

    Mais où est donc passé l’espoir dans tout cela ? Où sont passés ces dirigeants – il fût un temps long où il y avait des rois, des empereurs, des chefs – dont la mission est avant tout de redonner de l’espoir à des peuples qui traversent des bouleversements lourds ? Alors il est vrai que le niveau intellectuel de nos mal élus est en constante diminution. Qu’aujourd’hui, ce sont des chargés de communication abreuvés de soja qui font la pluie et le beau temps du moment politique dans nos sociétés occidentales. Mais tout de même. Comment voulez-vous donner à un peuple l’envie de faire des enfants, c’est à dire de ne pas mourir, de ne pas s’éteindre, si vous passez votre temps à prêcher l’Apocalypse qui vient ? A lui demander de renier qui il est, qui il a été, d’où il vient ? Comment voulez vous donner de l’espoir à un peuple, l’envie de vivre, et de ne pas se suicider maintenant ou à petit feu, si vous ne lui offrez aucune perspective à moyen et long terme, y compris pour les générations qui suivront ?

    Voyez Olivier Véran, qui vous parle de l’interdiction des voitures thermiques en 2035 au profit du tout électrique. Mais qui pilote cet individu ? Comment peut-on affirmer de tels énormités alors que dans le même temps, ses compagnons politiques ont massacré le nucléaire français, provoquant qu’aujourd’hui, il n y a même plus de main d’oeuvre compétente pour reconstruire et multiplier un parc digne de ce nom ? Car le nucléaire est aussi la clé de notre avenir. Imaginez des centrales dernier cri, partout en Europe. Des centrales sûres, entretenues, permettant à 10-15-20 ans la production d’une énergie de moins en moins cher pour l’intégralité des Européens.

    Mais voyez les, ceux qui ont érigé Greta Thunberg en nouvelle prêtresse de l’écologie. Jamais un mot sur la démographie mondiale. Demain 10 milliards d’habitants sur terre dont la majorité en Afrique et en Asie ? Pas grave, on continue, on fonce dans le mur, en culpabilisant au passage les Européens dont la démographie est, au passage, la plus stable de cette planète, et donc la moins nuisible pour l’ensemble. Ils veulent faire moins avec trop. A quand des dirigeants responsables qui clameront haut et fort vouloir faire autant, avec moins ?

    Nos dirigeants occidentaux naviguent à vue. Ils n’ont plus rien à nous proposer si ce n’est nous offrir toutes les clés, et les armes pour notre propre suicide. Démolir la famille. Démolir le socle commun culturel, linguistique, religieux. Démolir le socle ethnique. Tout déconstruire, jusqu’à la mort. Ils appliquent finalement de façon systémique la politique de la table rase, chère à l’utopie communiste et à ses dizaines de millions de morts à travers le monde.

    Pourtant, de l’espoir, il y en a. Beaucoup. Parce que les crises, y compris de Civilisation, sont cycliques. Elles ont un début, mais aussi une fin, c’est une constante dans l’Histoire. Ce qui disparait réapparait, y compris sous d’autres formes. Mais encore faut-il entrer en guerre contre un nihilisme tel qu’il pourrait réellement sonner le glas d’une partie non négligeable de notre planète. Car ce n’est pas le réchauffement climatique qui nous tuera demain. Ce n’est pas Pierre qui roule en diesel. Ce ne sont même pas les millions d’individus qui ne rêvent que de pénétrer en Europe et de s’y installer, qui nous menacent. La menace est intérieure, elle est en nous. Elle est dans notre volonté de peuples à décider si, oui ou non, nous voulons vivre ou mourir.

    Et pour cela, encore une fois, il nous faut des dirigeants à la hauteur. Avec une longue mémoire et une vision sur le long terme. Pas des boutiquiers, pas des calculateurs, pas des individus au service d’une petite caste, pas des faux philanthropes mais vrais escrocs. Pas des personnalités qui se révèlent à la hauteur de la benne à ordures que constitue parfois un monde politique constitué des âmes les plus viles que notre société ait enfanté.

    Que ces dirigeants soient députés, présidents, rois, ou empereurs, là n’est pas la question.

    Contez-nous une brève histoire de l’avenir qui ne soit pas celle de Jacques Attali. Ne vous occupez plus de ce qui se passe dans nos foyers, dans nos cerveaux. Donnez-vous les moyens de trouver les secrets de la fusion nucléaire, de nous faire rouler à l’hydrogène, de nous faire conquérir l’espace, de ne plus nous empoisonner en mangeant, de parcourir l’Europe en quelques heures, de rendre notre continent plus sûr, harmonieux, pacifié. Inventez la chevalerie du futur. Dirigez pour notre civilisation, plus pour les autres. Pensez à nous, avant les autres. Parlez-nous d’une Europe puissante, homogène, dans 30 ans ou dans 100 ans. Anticipez, prenez maintenant les mesures qui nous permettront demain, de continuer à vivre toujours mieux que nos ancêtres ne vivaient.

    Qu’on nous donne de l’espoir et un destin, et nos peuples aujourd’hui à l’agonie se remettront en marche dès demain !

    Yann Vallerie (Breizh-Info, 9 octobre 2022)

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  • Ukraine : les vraies raisons d'une guerre...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par le général Vincent Desportes à Elucid dans lequel il propose une analyse à contre-courant du conflit en Ukraine, qui lui a valu d'être évincé des médias de grand chemin... 

    Spécialiste de la stratégie, le général Desportes est notamment l'auteur de Comprendre la stratégie (Economica, 2001), de Décider dans l'incertitude (Economica, 2004) et, dernièrement, de Entrer en stratégie (Robert Laffont, 2019).

     

                                              

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  • Le monde de l'Inde...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré au monde de l'Inde...

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste localiste intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

     

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    Le monde de l'Inde

    La date est passée inaperçue — c’est l’été.

    Le 15 août 1947, l’Inde et le Pakistan devenaient deux États indépendants, au terme de plusieurs siècles de colonisation britannique, au terme aussi d’une lutte unique par la forme qu’elle a revêtue — la non-violence — par son ampleur — des millions de manifestants mobilisés, battus, emprisonnés — et par la personnalité qui l’a conduite — le mahatma Gandhi.

    Le 15 août 1947, c’est loin. Et la question mérite d’être posée ; au moment où le canon gronde en Ukraine, où une Europe dévitalisée se demande comment passer l’hiver, l’Inde est loin, et le Pakistan encore plus loin. Pourquoi regarder l’Inde ?

    Les réponses qui s’imposent sont banales. L’Inde est déjà ou sera très bientôt le pays le plus peuplé du monde, devant la Chine, avec 1,5 milliard d’habitants, tandis que le Pakistan atteindra bientôt les 250 millions d’habitants. L’Inde est le second pays musulman au monde, tandis que les deux écoles de vie qui y sont nées, l’hindouisme et le bouddhisme, se sont révélées non solubles dans les monothéismes prosélytes.

    L’Inde comme le Pakistan sont des puissances nucléaires à part entière, l’une et l’autre dotée d’armées qui en font des puissances régionales incontournables, actives au-delà de leurs frontières, en Afghanistan pour le Pakistan, au Sri Lanka, au Bangla Desh et en Birmanie pour l’Inde. Chacun joue une partie complexe, mais permanente avec la Chine et la Russie, tandis que l’Inde devrait devenir dès 2030 le premier fournisseur de travail qualifié au monde (des experts indiens considèrent que le monde indien représentera alors un tiers de la main-d’œuvre mondiale jeune et qualifiée !), grâce à une démographie dynamique et à un exceptionnel réseau d’écoles de techniciens et d’ingénieurs, les fameux Indian Institutes of Technology — dépassant largement la Chine, notamment dans l’offre de services informatiques et numériques, mais aussi de prestations intellectuelles, médicales et de bien-être. Et le Pakistan comme le Bangla Desh, exportateurs de textiles, de suivre la voie indienne vers l’offre de services numériques à bas prix. L’Inde a connu au second trimestre 2022 une croissance de 13,5 % en rythme annuel ! Au moment où la Chine cesse d’être le moteur de la croissance mondiale, pour converger vers la croissance potentielle des États-Unis, de l’ordre de 3 % à 4 % par an, la question se pose ; l’Inde est-elle le nouveau géant économique ?

    Les vraies raisons de célébrer août 1947 et de revenir sur la longue route suivie par l’Inde sont bien différentes. Et elles touchent l’essentiel.

    L’Inde est un monde. Un monde en soi, qui n’a pas besoin de l’extérieur, qui a en lui-même toutes les différences, toutes les richesses et toutes les contradictions. L’inde contient en elle-même ses doubles et ses contraires ! Comme l’Asie sinisée, qui se suffit à elle-même, qui a absorbé tous ses envahisseurs, avalé toutes leurs ambitions, mais de manière bien différente, l’Inde a traité avec une inébranlable certitude en elle-même les aventures extérieures qui, depuis Alexandre le Grand jusqu’aux Britanniques, en passant par les Mongols, les Afghans, et tant d’autres, l’ont effleuré sans en changer l’âme. Les conquérants nomades se sont dilués dans la masse chinoise.

    Les empires ont glissé sur l’indifférence hindoue, si bien résumée par ce verset du Mahabharata ; « les papillons se posaient sur les guerriers morts et leurs vainqueurs endormis. » Quelle importance ? Ce sont les mots mêmes du livre sacré que le Dieu Krishna conseille au héros Arjuna, malheureux à la veille de la bataille de tant de morts et de blessés à venir ; « le sage ne saurait s’émouvoir ni pour les morts ni pour les vivants ». Si peu de choses en effet — quelques années d’une vie dans l’éternité des renaissances ?   

    L’ordre hindou n’a rien à voir avec l’ordre politique du monde, ce « New world Order » que l’Amérique veut imposer, comme l’a fait l’Europe avant elle quelques siècles durant. Rien à voir avec la flèche du temps que les monothéismes attendant le Sauveur, recyclés par le marxisme, voient ordonner le monde au progrès. Rien à voir avec le progrès linéaire du « toujours plus » tel que les indicateurs économiques et financiers le définissent, et sa juste imprécision s’oppose avec bonheur à leur injuste précision. L’Inde depuis soixante ans a su jouer avec l’équilibre des puissances, les alliances régionales et les combinaisons politiques et stratégiques de court terme, sans jamais perdre une équidistance lucide. Comme la Chine, l’Inde n’a jamais cherché à exporter ses principes, sa culture politique, son mode de vie, au-delà du monde indien ; il lui suffit de demeurer elle-même, puisqu’elle est son propre monde, et que le sous-continent indien, et que l’Inde elle-même, qui dans sa plus grande extension (3e siècle av. J.-C., au temps de Kautilya, concurrent de Sun Tzu en matière de stratégie) s’est étendue de l’Iran à la Birmanie (Myanmar) et de l’Afghanistan au Bangla Desh, est assez riche pour s’autosuffire (à l’exception notable de l’eau et de l’énergie) !

    Fervent adepte de l’expérience soviétique, ami de la Russie, Jawaharlal Nehru n’a jamais aligné l’Inde sur l’Union soviétique ; tout au contraire, avec le maréchal Tito et quelques autres, il a hautement affirmé sa vocation de pays non-aligné, notamment à la fameuse conférence de Bandoeng en 1956, et l’a fait savoir à tous ceux qui auraient aimé voir l’Inde s’aligner sur leurs propres intérêts politiques et géopolitiques, les États-Unis en premier encore tout récemment. Il a inauguré une posture singulière, constamment poursuivie, jusqu’au désintérêt de l’Inde pour une place au Conseil de Sécurité de l’ONU ; l’Inde en a-t-elle besoin ? Qu’y ferait-elle ? Qu’y gagnerait-elle ? La parité avec la Chine, l’apaisement avec le Pakistan, ont-ils une quelconque relation avec cette reconnaissance ?

    Au moment où l’évolution des sociétés européennes rompt avec le progrès, au moment où tout le système de l’Occident n’assure plus cette satisfaction de la majorité qui est la clé de la démocratie, il faut prêter attention à l’Inde, non comme modèle, mais comme incitation à revenir chez nous, à se concentrer sur ce que nous sommes, et à oublier un peu ce que nous devrions être. A nous préférer à ceux qui nous veulent du bien. Ni désintérêt ni mépris ; réalisme d’une expérience unique, totale, impartageable et non soluble dans les concepts, les institutions et les jeux occidentaux.

    La plus grande démocratie du monde affirme une identité singulière, l’hindutva (dans une de ses décisions majeures, la Cour constitutionnelle indienne a jugé que l’hindutva ne comportait pas de dimension raciale, mais désignait une culture incarnée par un peuple, à l’instar du minzoku au Japon), et entend moins rompre avec la globalisation que faire valoir cette identité dans la globalisation, sans l’abandonner pour le prêt-à-porter occidental. Faut-il dire que l’Inde invente la démocratie identitaire ? Mieux vaudrait réfléchir à la réappropriation par les Français de la France comme culture, comme territoire et comme mode de vie singulier et unique, certes pas réductible à l’Europe, ni soluble dans la globalisation.

    Quels que soient les discours et les affichages, dans le centre financier d’importance mondiale qu’est Mumbaï, les Bhramanes pure veg continuent de demander en mariage des Bhramanes pure veg présentés par leurs parents, des Jaïns d’épouser des Jaïns, et le monde des castes d’exister d’autant plus que le combat officiel contre la discrimination par caste donne en fait toutes les incitations d’appartenir aux castes privilégiées… Le fondateur et théoricien du BJP, le parti au pouvoir, Ram Madhav, témoigne dans ses livres d’une connaissance fine de la pensée politique occidentale et britannique, de Grotius à Burke et de Tocqueville à Kissinger — mais c’est pour mieux les distinguer d’une pensée politique fondée sur le karma, le dharma, la Terre mère, Bharat Mata, et structurée par des concepts à peu près intraduisibles en anglais ou en français, hors du champ réduit de notre imagination politique — qui s’est essayé à expliquer ce que signifie « hindutva » a tout compris ! La métarealité est le lot quotidien de tout Hindou.

    L’Inde invente une démocratie identitaire et se préfère elle-même à tous les modèles qui lui sont proposés de l’extérieur. D’Edgar Morin à Gérard Chaliand, il est significatif que quelques-uns des plus aigus observateurs occidentaux de l’Inde aient manifesté leur refus de « l’acceptation de l’inacceptable », ou de « la révoltante indifférence à la souffrance et au mal ». Leurs mots contrastent avec la fascination exercée par l’Inde et par Nehru sur Malraux, aussi bien que sur un Henry Kissinger qui se livre à son propos à de rares digressions culturelles et philosophiques — un géopoliticien réaliste au pays du Mahabharata !

    La réalité de l’Inde échappe aux critères moraux et politiques de rigueur à l’Ouest, comme la politique réaliste suivie par Narendra Modi et le BJP échappe aux critères de définition du progrès, de la croissance et de la modernité tel que l’Ouest les définit pour lui-même. Deux exemples parmi tant d’autres. L’Inde rurale, image de l’éternité diffusée par Gandhi, doit se voir épargner la conversion brutale et forcée que la Chine impose à ses populations rurales, forcées chaque année de quitter par millions des terres vouées à l’industrie alimentaire pour grossir la force de travail des villes. La stabilité de l’Inde rurale est la clé de la stabilité sociale de l’Inde, et le progrès ne peut se faire contre elle, ou à son détriment. Il en va de même du petit commerce de détail, de rue, de trottoir.

    Les dizaines de millions d’Hindous qui en vivent ne peuvent se voir balayés par l’arrivée des grandes surfaces et des distributeurs mondiaux qui exigent que l’Inde s’ouvre à leurs pratiques destructrices. L’Union européenne doit s’en souvenir, ce n’est pas l’Inde qui est demandeuse d’accords de libre-échange ! Et l’Inde, à la différence du Brésil, est l’un des pays au monde qui protège efficacement quelques-unes des dernières populations vivant à l’âge de pierre — ceux qui comme moi ont voulu aller dans les îles Lakkhadives ou aux Andamans en savent quelque chose… Respect de la diversité et modernité ébouriffante se conjuguent pour faire de l’Inde une énigme qu’il est sage de ne pas prétendre résoudre.

    Il faut la respecter. Car la réalité s’impose, comme elle s’est imposée à tant d’industriels qui font de l’Inde leur centre de recherche mondial ; l’Inde invente. En matière politique aussi, de l’Inde est capable de sortir autre chose, comme la formule du futur. La France devrait réfléchir à l’hindutva ; est-elle autre chose qu’une culture nationale et un mode de vie singulier ? Elle devrait travailler sur cette équidistance que l’Inde sait si bien maintenir, présente dans toutes les organisations internationales où il faut être sans se lier à aucune. Car l’imagination politique n’est plus en Europe, elle n’est plus aux États-Unis. Et les formes que le monde prendra pourraient bien se jouer dans le secret hindou, entre les temples, les back offices, et le rire léger de qui mesure la fragilité de toute chose vivante et son éternel retour.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 6 septembre 2022)

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  • Drieu la Rochelle ou l'Europe avant tout !...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier un essai de Thomas Gerber intitulé Drieu la Rochelle - L'Europe avant tout. Franco-suisse, Thomas Gerber est professeur de philosophie, de littérature et de cinéma. Fondateur du site filmexposure.ch, il est également critique de cinéma pour la Radio télévision suisse.

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    " Pierre Drieu la Rochelle incarne la figure par excellence de l’écrivain maudit. Célébré pour sa finesse psychologique et ses qualités d’écriture, on juge cependant bien trop souvent son parcours à l’aune de son épilogue collaborationniste. Pour l’expliquer, les critiques ont multiplié les lectures psychanalytiques et cherché les racines du mal dans le récit romanesque de sa vie et de ses névroses. À rebours de ces analyses, Thomas Gerber livre une étude détaillée du parcours politique de Drieu la Rochelle, s’appuyant sur ses essais et textes de réflexion. Avec méthode et précision, il couvre l’évolution des idées de l’écrivain et révèle la véritable nature de son engagement : le combat pour une Europe unie, fil rouge qui traverse les méandres de cette pensée complexe. Véritable sismographe des passions qui ont déchiré son époque, Drieu s’impose ainsi comme une figure essentielle à la compréhension du XXe siècle. "

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