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  • La trahison des intellectuels : plaidoyer pour une révolution métapolitique...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Martin Sellner consacré à la nécessité du combat métapolitique et intellectuel.  Martin Sellner est une des figures montantes de la mouvance identitaire européenne.

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    La trahison des intellectuels : plaidoyer pour une révolution métapolitique

    « La trahison des clercs » est le titre d’un ouvrage polémique de Julien Benda, philosophe français libéral. Il y déplorait, en 1927, la « trahison » de l’intelligentsia française aux Lumières et à l’universalisme au profit de la lutte des classes et du nationalisme. En effet, les révoltes de gauche et de droite du XXe siècle se sont moins décidées dans les combats de rue que dans les académies. Tout comme les révoltes libérales du XIXe siècle étaient portées par les étudiants et les classes éduquées, les partisans des révolutions antilibérales étaient pour la plupart de jeunes universitaires.

    Bien avant les succès du NSDAP, la Nationalsozialistischer Deutscher Studentenbund avait la main sur les universités. En mai 1928, le NSDAP n’obtient que 2,6 % des voix, tandis que le NSDStB obtient 19,5 % en 1929 et 34,4 % en 1930. Les résultats des étudiants étaient en moyenne deux fois plus élevés que ceux du reste de la population. En 1930, le corps étudiant nazi représentait la majorité absolue dans onze universités et la faction la plus forte dans douze universités. En 1931, il y eut même un résultat national des élections AstA de 44,4 %. La raison en est évidente. Les élèves ont le temps et la formation pour la lutte métapolitique. Le succès des « marxistes culturels » après la guerre, qui ont dû renoncer au « bouleversement de la situation » économique mais ont occupé au contraire tout l’appareil idéologique d’État, est dû à cet effet d’apprentissage.

    La lutte pour l’espace intellectuel de la nation implique une lutte pour imprégner le cœur des récits et pour tenir la source de la maîtrise du discours. Celle-ci réside encore dans les universités, d’où sortent presque tous les « experts » qui en tirent leur légitimité. « Chaque guerre n’est décidée qu’après la guerre », écrivait Arthur Moeller van den Bruck et il avait raison. Après la chute inévitable des nazis, qui ont perverti les idées de la Révolution conservatrice, la vraie lutte n’était pas encore déterminée. La lutte pour l’avenir de l’Allemagne et de l’Europe, la recherche d’une troisième voie au-delà du libéralisme et du marxisme, était loin d’être terminée. Et les conservateurs ont cependant continué à dominer les universités.

    « Trahison de l’intelligentsia de droite »

    La preuve en est les résultats des élections des représentants étudiants en Autriche après 1945. Le « Ring Freiheitlicher Studenten » (FS), le parti étudiant de droite, qui n’a pu se présenter aux élections universitaires qu’en 1953, a obtenu 32%. Avec une participation impressionnante de 70 %, c’était le deuxième plus grand groupe. Ce niveau a été maintenu jusqu’en 1967. Depuis le RFS a tout de même atteint 30% après des hauts et des bas. Après 1968, le crash s’est produit. En seulement 5 ans, le corps étudiant national est tombé à 8% et s’est installé dans les chiffres les plus bas les années suivantes. Aux élections universitaires de 2021, le RFS a obtenu un triste score de 2,65 %. À l’Université de Vienne, quatre listes ouvertement marxistes atteignaient ensemble près de 73 %. Une comparaison avec les sondages et les résultats électoraux du FPÖ dans la population montre un énorme écart. La tendance s’observe dans tous les pays occidentaux et s’applique à presque tous les grands partis populistes de droite. La domination conservatrice qui existait encore dans les universités après la guerre a été perdue dans le quart de siècle suivant.

    Dans la lignée de Benda, il faut peut-être parler de « trahison de l’intelligentsia de droite ». La droite a fui le combat. Le problème, j’en émets l’hypothèse, réside dans les choix de vie qui ont été posés par la plupart des conservateurs. Des centaines de milliers de décisions individuelles prises par de jeunes universitaires de droite – notamment influencés par leur environnement familial – ont été prises, génération après génération, en faveur de sujets qui promettaient une bonne « assise financière » mais aucune influence métapolitique. Non seulement la lutte pour les universités a été abandonnée mais la droite n’a même pas réussi à maintenir et à défendre les structures et les positions existantes. Cette omission est particulièrement évidente dans la dégradation des études littéraires.

    Stratégie de Reconquista

    Tandis que les « étudiants permanents » de gauche raillés se livraient à leurs « utopies » dans des bavardages stériles, les universitaires de droite se consacraient à une forme de carriérisme. Droit, médecine, chimie technique, administration des affaires, mécanique… c’est ce qu’enseigne la plupart des registres d’études des entreprises de droite. Les quelques oiseaux de paradis qui ont osé s’aventurer dans les humanités ont été perdus dès le départ. Beaucoup ont fini comme archivistes et gestionnaires de magazines défunts et autres projets de musée. À mon avis, la raison n’était pas un manque d’idées mais à voir dans de mauvaises approches de leurs penseurs. Il y avait tout simplement trop peu de penseurs ! Trop peu nombreux pour créer une ambiance dynamique, un échange synergique d’idées, voire une compétition fructueuse. Trop peu nombreux pour réseauter à l’échelle nationale, créer des plateformes visibles ou même se battre pour la politique universitaire. L’intelligentsia de droite, qui a laissé le champ de bataille des sciences humaines en plan, a encore voté pour les factions de droite lorsqu’elles étudiaient à l’université, ce qui suggérait une force apparente. Cependant, lorsque la gauche a lancé l’attaque de 1968, ce village Potemkine s’est effondré. Dans la vie professionnelle, les universitaires de droite, en tant que réalisateurs diligents et promoteurs du produit intérieur brut, n’avaient aucune influence métapolitique. À leur grande horreur, ils doivent maintenant constater comment les étudiants de gauche, dont on se moquait à l’époque, enseignent maintenant à leurs enfants, écrivent leurs journaux, créent leurs programmes de télévision et déterminent comment ils doivent parler et penser. Même la plus grande expertise technique et la puissance économique sont littéralement à genoux devant la domination métapolitique et le commandement de l’appareil idéologique d’État, comme on l’a vu dans la folie Black Lives Matter.

    Quelle est la leçon de la « trahison de l’intelligentsia de droite » ? Je suis convaincu qu’une prise de conscience claire du problème et une réorganisation et une réorientation ciblées du potentiel existant aideront à trouver une solution. Le temps presse. Nous n’avons qu’une fenêtre d’opportunité étroite pour une stratégie de Reconquista. Trump et Salvini nous ont appris ce que nous aurions dû savoir depuis longtemps : le pouvoir politique ne peut être saisi, détenu et utilisé de manière durable que s’il bénéficie d’une bonne « couverture aérienne » métapolitique. Chaque parti populiste de droite qui a été porté au pouvoir par une vague de protestations est paralysé ensuite par un « feu » nourri par la doxa dominante.

    Potentiel académique

    Se réapproprier l’université revient à se réapproprier les humanités. Si seulement une petite proportion des universitaires de droite encore diplômés de l’université aujourd’hui étaient dirigées vers des matières telles que le journalisme, la philosophie, les sciences politiques, la conception des médias, l’éducation, la sociologie et l’histoire, le potentiel métapolitique du camp de droite serait sensiblement augmenté.  Chaque université est un nerf à vif où les plus petites piqûres produisent les plus grandes réactions. Si, en une génération, une partie significative des étudiants de notre famille de pensée s’attachait stratégiquement à agir pour une révolution métapolitique, le camp de droite deviendrait plus créatif, attrayant et puissant en quelques années.

    Aujourd’hui, nous sommes peut-être dans une situation comparable à celle des marxistes en 1924. Dans la lutte idéologique pour la nation, ils avaient moins de poids et avaient contre eux la majorité de l’élite éduquée de la bourgeoisie. S’il n’est pas possible d’arrêter l’hémorragie du potentiel académique de la droite politique qui va préférentiellement vers des domaines professionnels à faible influence métapolitique, l’espace intellectuel de la nation restera fermement entre les mains de nos opposants. Si rien ne change, je crains que chaque vague de protestations populistes, de Trump à Strache et de Le Pen à Zemmour, ne reste sans effet…

    Martin Sellner (Institut Iliade, 2 mai 2022)

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  • La France dans la guerre énérgétique...

    Sur Terra Bellum, Hervé Machenaud, ancien cadre dirigeant d'EDF, évoque l'importance de la production d'énergie nucléaire française dans le contexte de guerre énergétique actuel, qui s'est gravement envenimé depuis le déclenchement du conflit en Ukraine...

                                          

                                        

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  • Ukraine : arrêter la surenchère verbale...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Renaud Girard cueilli sur Geopragma et consacré à la dangereuse surenchère verbale du gouvernement américain face à la Russie dans le conflit ukrainien. Grand reporter au Figaro, Renaud Girard est membre du comité d'orientation stratégique de Geopragma.

     

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    Ukraine : arrêter la surenchère verbale

    Le général Lloyd Austin a, le 25 avril 2022, effectué une visite à Kiev. Elle fut tenue secrète jusqu’au dernier moment, pour des raisons évidentes de sécurité. Il est tout-à-fait normal que le Secrétaire américain à la Défense se rende en personne sur le territoire d’un pays ami, ayant été agressé militairement, et que les États-Unis ont décidé d’aider par tous les moyens, à l’exception de la guerre. Il a témoigné du soutien de la première puissance militaire du monde aux ukrainiens, tout en recensant leurs besoins en équipements militaires modernes, en formations, en renseignements. Le président Joe Biden a annoncé qu’il solliciterait du Congrès le financement d’un nouveau train d’aides à l’Ukraine. Vingt milliards de dollars sont prévus pour la fourniture d’armes. C’est considérable. Il faut remonter à la guerre du Kippour, lancée en octobre 1973 par les États arabes contre Israël, pour trouver un pont aérien militaire américain aussi important. À cette époque, l’aide matérielle américaine à Tsahal avait contribué à la victoire finale d’Israël. 

    Il n’y a rien d’étrange à ce que les pays de l’Otan cherchent à équilibrer la puissance militaire du pays agressé par rapport à celle du pays agresseur. Mais le ministre américain avait-il besoin d’en rajouter avec des déclarations tonitruantes ? Était-il nécessaire d’affirmer, comme il l’a fait, que le but de l’Amérique était désormais « d’affaiblir à tel point l’armée russe, qu’elle ne soit plus capable de réattaquer l’un de ses voisins » ?  

    Si le général Austin avait voulu alimenter la paranoïa déjà importante des dirigeants russes, il ne s’y serait pas pris différemment. Vladimir Poutine pense depuis longtemps – il l’a dit la première fois en février 2007 à la conférence de sécurité de Munich – que l’Occident a le dessein caché d’encercler la Russie. Depuis sa rencontre de Genève avec le président américain en juin 2021, il n’a cessé de réclamer une « nouvelle architecture de sécurité européenne ». Même s’il est avéré que les Occidentaux n’ont jamais eu l’intention de s’en prendre au territoire de la Fédération de Russie, la base de la diplomatie n’est-elle pas de prendre en compte le ressenti de l’adversaire ?  

    Cette phrase de matamore du ministre américain de la Défense, qui s’ajoute à celle du discours du 26 mars 2022 de Joe Biden à Varsovie sur la nécessité de changer le régime à Moscou, ne peut qu’alimenter la propagande du Kremlin auprès du peuple russe, prétendant que les vrais agresseurs, sur le temps long, sont les Occidentaux et que l’ « opération militaire spéciale » russe du 24 février s’apparente à une mesure préventive. 

    On peut comprendre que le Pentagone ait le désir secret d’affaiblir considérablement les armées russes. Mais cela doit-il se faire au prix de la destruction de l’Ukraine ? Si c’est le cas, une honnêteté minimum ne serait-elle pas d’en prévenir clairement les premiers concernés, à savoir la population ukrainienne ? Dans cette guerre, on a parfois l’impression que la Maison Blanche et le Congrès sont plus jusqu’au-boutistes que le président Zélensky (qui a lui-même dit que l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan n’était plus une nécessité).

    Il y a quelque chose d’immoral à vouloir obtenir la destruction d’un adversaire stratégique grâce au sang des autres.
     
    Le pouvoir russe n’est lui-même pas avare de déclarations tonitruantes et de surenchère verbale. Au départ, il s’agissait pour lui de « dénazifier » l’Ukraine et d’empêcher que se réalise un « génocide » contre les populations russophones du Donbass. Aujourd’hui, les ministres de Poutine agitent de manière alambiquée la menace d’une confrontation nucléaire. Récemment, un programme de la télévision d’État russe a expliqué qu’un missile à tête nucléaire tirée de l’enclave russe de Kaliningrad (l’ancienne Königsberg du philosophe Emmanuel Kant) mettrait moins de 200 secondes à atteindre Paris…

    Qu’il y ait indéniablement de la surenchère verbale du côté russe ne rend pas pour autant intelligent d’en faire du côté occidental. Il est contradictoire de se comporter de la même manière qu’un adversaire dont on conspue l’autoritarisme et l’agressivité. Cela ne sert en rien la cause que l’on veut, en définitive, servir, qui est celle du cessez-le-feu. Maintenant que la cité portuaire de Marioupol a été détruite, l’urgence n’est-elle pas d’éviter à tout prix que la guerre ne s’étende à Odessa ?

    Dans cette guerre d’Ukraine, les intérêts et les risques de l’Europe sont très différents de ceux des américains. Se proclamant les meilleurs alliés de l’Europe, ils devraient cesser d’agiter en permanence un chiffon rouge devant les yeux de Poutine. Au lieu de le pousser dans ses retranchements, ils feraient mieux de travailler, avec les Ukrainiens, à trouver une porte de sortie pour l’agresseur. 

    Renaud Girard (Geopragma, 4 mai 2022)

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  • La fin de l’universalisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Baptiste Noé cueilli sur l'Institut des Libertés et consacré à la fin de la domination de l'idéologie universaliste dans le monde. Jean-Baptiste Noé est directeur de la revue Conflits.

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    La fin de l’universalisme

    L’Europe a cru à l’universalisme. Elle a cru que les frontières culturelles, religieuses, humaines, politiques étaient des chimères que l’on pouvait effacer. Elle a cru qu’en dehors de l’Europe les autres étaient d’autres soi-même, avec les mêmes volontés, les mêmes passions, les mêmes objectifs. D’autres soi-même qui aspiraient, dans leurs désirs secrets, à devenir comme les Européens. Elle a cru que l’on pouvait exporter les valeurs et les idées, qu’il suffisait pour cela de coloniser, autrefois, de normaliser, aujourd’hui, si besoin au moyen d’une guerre.

    Peindre le monde à son image

    L’universalisme n’était pas exempt d’ambiguïté. En voyant dans l’autre un être encore à l’état de nature, qu’il fallait « développer » pour le transformer en homme complet et abouti, la pensée universaliste était porteuse de guerres et de drames. La première période coloniale (1880-1960) fut une tentative d’exportation des valeurs universelles. Puis, en dépit de l’échec de celle-ci, les Occidentaux continuèrent de vouloir peindre le monde à leur image. Ce fut la grande époque des objectifs de développement, d’une colonisation intellectuelle à laquelle des élites se prêtèrent, flattée d’entrer dans le monde occidental et d’être invités dans les colloques mondiaux. La modernisation devait suivre la voie de l’occidentalisation. Il y eut un premier accroc en 1979 quand les mollahs iraniens affirmèrent vouloir moderniser leur pays sans l’occidentaliser. Un accident de l’histoire probablement, qui se prolongea avec Kadhafi et Saddam Hussein. Mais la démocratie, qui n’était plus seulement un régime politique mais une idéologie politique, devait être la plus forte. L’universalisme, si doucereux et sirupeux dans son langage, provoqua des guerres sanglantes dont les blessures n’ont pas encore fini d’abîmer le monde. Yougoslavie (1991-2001), Afghanistan (2001-2021), Irak (2003), Syrie et Libye (2011-) pour les principales. La démocratie devait être exportée à coups de bombes et ainsi remodeler le visage et les peuples de ces pays. La planification politique à l’échelle internationale échoua. Ces pays rejetèrent l’Occident et ses valeurs universelles. Simultanément, d’anciens empires abattus se réveillèrent en voulant peser sur la scène du monde : Russie, Chine, Inde ; eux-aussi avec la modernité technologique mais sans les valeurs occidentales.

    Dans l’espace occidental même, l’universalisme était rejeté au profit d’un retour à l’indigénisme ; l’Amérique latine et l’Afrique en furent les laboratoires. L’Afrique, qui devait avancer à marche forcée à coups d’élections, de démocratie et d’aides publiques au développement connait un émiettement sans précédent. En Europe même, l’assimilation et l’intégration des populations extra-européennes devient de plus en plus complexes ; loin de vouloir adopter les modes de vie européens elles souhaitent conserver leurs cultures et leurs spécificités. L’universalisme est mis en échec à l’intérieur même de l’Europe. Ainsi, nous avons un monde de plus en plus uni par la mondialisation, de plus en plus technologisé et connecté mais également de plus en plus émietté et diversifié parce que l’universalisme a échoué.

    Accélérer quand on échoue

    Le propre d’une idéologie est de ne pas reconnaitre son échec et de ne jamais déposer les armes : quand elle échoue, elle accélère. La fin de l’universalisme signifie donc l’accélération de sa défense, d’où les interventions passives ou actives en Syrie et en Libye, alors que l’échec de l’Irak était patent. D’où le refus de voir le monde tel qu’il est, de penser les empires renaissant, de comprendre les motivations et les idéologies qui sous tendent les actions des autres pays et des autres peuples. Reconnaitre l’échec de l’universalisme, c’est reconnaitre l’échec de près de deux siècles de politique mondiale.

    Pourtant, cette fin de l’universalisme est une bonne nouvelle. Parce qu’il est un sentimentalisme et un idéalisme, il a conduit à la guerre, il a bouleversé des régions, il a affaibli l’Europe. En posant systématiquement le débat sur le terrain des valeurs et de la morale il a empêché toute entente et toute conciliation. L’universalisme est une rupture intellectuelle avec la vision classique de l’homme et des relations entre les nations, fondée sur la nature humaine et les rapports de forces. La fin de l’universalisme n’est pas le fait des idéalistes qui auraient reconnu leur échec, il est le fait des autres peuples qui l’ont rejeté parce que contraire à leurs cultures et à leurs intérêts. Parce qu’il est né en Europe et qu’il a été exporté dans les zones tenues par les Occidentaux, l’Europe est aux premières loges de sa disparition. Les guerres extérieures et intérieures qu’elle connait désormais signent la fin de l’universalisme, même si beaucoup ne veulent pas le reconnaitre. Le projet même de l’Union européenne, fondée sur la dissolution des nations dans une bureaucratie impériale, est un échec, les nations, notamment l’Allemagne, reprenant leurs intérêts de puissance. le nouveau siècle débuté est donc en rupture avec les deux siècles passés du fait de cette disparition de l’universalisme.

    L’école des réalistes

    Pour la France et l’Europe, une autre voie était possible. Loin de l’adhésion systématique à l’universalisme, l’école française d’économie politique puis l’école de géographie ont proposé une étude réaliste des échanges entre les nations. La vision mondiale portée par François Guizot, Frédéric Bastiat ou encore Alexis de Tocqueville est en opposition avec la pensée des idéalistes, notamment dans leur opposition à la colonisation. Durant la période coloniale, le maréchal Lyautey su tenir compte des différences culturelles des peuples et s’appuyer sur les spécificités du Maroc pour assurer son développement économique sans porter atteinte à son identité historique.

    L’école française de géographie, initiée par Paul Vidal de la Blache, a ancré ses recherches dans l’étude première du terrain géographique et de l’occupation humaine ; une étude réaliste et critique qui n’a jamais cessé d’exister en dépit de la prééminence du courant idéaliste.

    La fin du monopole du dollar, la mise en place d’une zone monétaire chinoise, le combat contre les normes juridiques américaines, la volonté chez certain de bâtir un empire islamique, le rejet des cultures européennes pour la redécouverte des cultures locales sont autant de manifestation de la fin de l’universalisme. Nous revenons ainsi au début du XIXe siècle, quand le monde comptait plusieurs empires et que l’Europe ne l’avait pas encore conquis, mais avec la technologie et la modernité technique du XXIe siècle. La fin de l’universalisme n’est donc pas un retour en arrière mais une continuation de l’histoire.

    Jean-Baptiste Noé (Institut des Libertés, 29 avril 2022)

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  • Pourquoi David Engels est conservateur...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une intervention de David Engels à Radio Poznan dans laquelle il explique son engagement conservateur.

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan après avoir été professeur à l'Université libre de Bruxelles, David Engels est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019). Il a  également dirigé un ouvrage collectif, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020).

     

                                             

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  • Les retombées géopolitiques de la guerre en Ukraine...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Patricia Lalonde, cueilli sur le site de Geopragma et consacré aux conséquences de la guerre russo-ukrainienne sur le paysage géopolitique mondial. Chercheuse à l’IPSE (Institut de Prospective et de Sécurité́ en Europe), Patricia Lalonde a succédé à Caroline Galactéros à la tête de Geopragma.

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    Les retombées géopolitiques de la guerre en Ukraine

    Les conséquences de la guerre des Russes en Ukraine sont innombrables : si les pays européens ont unanimement condamné l’intervention russe en Ukraine, il n’en est pas de même pour la plupart des pays du Moyen-Orient et de la sphère eurasiatique. 

    Après le refus de la Chine et de l’Inde de condamner l’opération militaire russe en Ukraine, il semblerait que les pays du Moyen-Orient tentent, eux aussi, d’éviter une brouille avec la Russie.

    Israël, soucieuse de ne pas froisser un pays avec lequel elle entretient de bonnes relations – grâce à l’importante communauté juive sur son sol – s’est dans un premier temps abstenu de condamner la Russie lors du vote aux Nations Unies, même si elle finira sous la forte pression américaine, par voter pour son retrait de la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies. Son Premier ministre Naftali Bennett proposera son aide pour une médiation entre la Russie et l’Ukraine, ce qui ne sera pas bien vu des côtés européen et américain. Néanmoins, malgré les remous politiques que la crise ukrainienne provoque dans le pays, les dirigeants israéliens savent qu’un accord avec le voisinage reste primordial pour la sécurité d’Israël.

    L’Invitation de Bachar el Assad par Mohamed Ben Zayed aux Emirats Arabes Unis reste sans doute l’acte le plus significatif d’une possible recomposition au Moyen-Orient.

    MBZ, qui a signé les accords d’Abraham à l’initiative de Donald Trump, pourrait chercher à devenir un facilitateur dans une prochaine réintégration de la Syrie dans le Conseil de Coopération du Golfe, espérant ainsi ouvrir la voie à un possible futur nouveau Levant.

    La visite du ministre des Affaires étrangères du Barheïn à Sergueï Lavrov, son homologue russe à Moscou ainsi que les accords diplomatiques et économiques qui s’en est scellés participent à ce remodelage.
    Le président turc, R. T. Erdogan, politiquement mis à mal dans son pays, tout en restant un pilier de l’OTAN, joue sur plusieurs tableaux, après s’être rapproché d’Israël, il cherche également à se réconcilier avec Damas. Il prend une place centrale dans les négociations qu’il héberge à Istanbul entre l’Ukraine et la Russie comme il l’a fait lors des négociations d’Astana sur le conflit syrien ou encore sur le conflit du Haut Karabakh ; son rapprochement avec Damas et avec Israël pourrait également participer à ce jeu de chaises musicales au Moyen-Orient.

    Il semblerait que l’alliance des pays occidentaux avec les États-Unis contre la Russie ait effrayé tous ceux qui gardent et cherchent à avoir de bonnes relations avec elle.

    La façon dont l’Amérique de Joe Biden a lâché les Afghans (en laissant le pays revenir au Moyen Âge), son incapacité à faire stopper la guerre au Yémen provoquant les attaques des Houthis sur les sols saoudien et émirati ont fait la démonstration pour bon nombre de pays de la région qu’il était dangereux de mettre tous leurs œufs dans le même panier, sous la protection de l’oncle Sam… C’est ainsi que Mohamed Ben Salmane vient d’obliger le président du Yémen en exil Mansour Hadi à démissionner dans une énième tentative de paix, en donnant la gestion des affaires à un conseil présidentiel. S’il n’est pas certain que les Houthis en accepteront toutes les conséquences, le besoin urgent d’aide humanitaire de l’ouverture de l’aéroport de Sanaa et du port d’Hodeïda, pourrait les pousser à au moins accepter d’entamer de véritables négociations. L’avenir de la sécurité au Moyen-Orient ne pouvant plus reposer sur les Américains, de nouvelles dispositions doivent être prises au niveau régional. 

    S’il fallait une autre preuve, le refus des Algériens à Doha lors du Forum des Pays exportateurs de gaz (GECF) de livrer du gaz à certains pays européens, excepté à l’Italie, en serait une autre démonstration.

    L’évolution de la dynamique du pouvoir mondial et des pratiques régionales réoriente rapidement de nombreux États du Moyen-Orient qui préfèrent s’éloigner de Washington par peur.

    L’Iran sous sanctions américaines cherche également à jouer un rôle et à apaiser les tensions régionales entre les partisans des accords d’Abraham et ceux qui ne veulent en entendre parler.

    À cause de la guerre en Ukraine, les négociations sur le nucléaire iranien ont pris du retard. La Russie, important négociateur sur le JCPOA, a en effet réclamé que les nouvelles sanctions appliquées par les Américains depuis l’invasion russe en Ukraine, ne le soient pas en ce qui concerne son commerce avec l’Iran, laissant ainsi aux Américains, comme ultime moyen de pression sur les Iraniens, la menace de laisser les Gardiens de la Révolution sur leur liste terroriste.  

    En Asie centrale, la rencontre et le soutien du Premier ministre Pakistanais Imran Khan avec Vladimir Poutine, ainsi que son refus d’accepter l’implantation de bases militaires américaines sur son sol, ont fortement déplu aux Américains. Il est vrai que le rapprochement que le Pakistan a opéré avec la Chine et son soutien à la « Belt and Road Initiative » dont le port de Gwadar au Balouchistan doit faire partie, avait déjà commencé à envenimer les relations entre les deux pays. Imran Khan vient d’être destitué dans ce qui semble être un coup d’État imposé aux militaires pakistanais par les Américains. De graves troubles dans le pays sont à craindre, risquant s’il en était encore possible de déstabiliser le voisin afghan.

    Enfin, la réunion organisée par le ministre des Affaires étrangères chinois avec ses homologues d’Asie Centrale dans la province d’Anthui en Chine afin de se mettre d’accord sur une position commune sur le conflit Ukraine Russie,  ainsi que  les accords commerciaux et diplomatiques qui s’en sont suivis, montrent qu’une nouvelle organisation géopolitique du monde est en marche.

    Pas sûr que les appels téléphoniques de Joe Biden au président indien, Narendra Modi ainsi qu’à Cyril Ramaphosa, son homologue de l’Afrique du Sud pour avoir une explication sur leur abstention sur le vote pour évincer la Russie de la CNDH ne puissent empêcher ce bouleversement géopolitique. 

    Pas sûr non plus, que l’insistance des Américains à vouloir prolonger la guerre et à livrer des armes lourdes à l’Ukraine ne constitue pas un énorme risque pour l’Europe.

    Patricia Lalonde (Geopragma, 18 avril 2022)

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