Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 10 mai 2018 et consacrée aux conséquences de la décision des États-Unis de dénoncer l'accord sur le nucléaire iranien...
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Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 10 mai 2018 et consacrée aux conséquences de la décision des États-Unis de dénoncer l'accord sur le nucléaire iranien...
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Dmitry Orlov, cueilli sur le blog francophone du Saker et consacré à l'implosion de la démocratie américaine... De nationalité américaine mais d'origine russe, ingénieur, Dimitry Orlov, qui a centré sa réflexion sur les causes du déclin ou de l'effondrement des civilisations, est l'auteur d'un essai traduit en français et intitulé Les cinq stades de l'effondrement (Le Retour aux sources, 2016).
Ingérence américaine
Depuis novembre 2016, une bonne partie des classes bavardes aux États-Unis ont glosé sur l’« ingérence russe » dans l’élection présidentielle. Les détails ne cessent de changer, mais l’histoire reste la même : la Grande Méchante Russie a corrompu la démocratie américaine … comme si la démocratie américaine n’était pas corrompue dès le départ. Le DNC n’a-t-il pas truqué les primaires en faveur de Clinton ? Le FBI n’a-t-il pas reçu l’ordre par Obama d’arrêter d’enquêter sur Clinton qui avait mal géré les secrets d’État ? Clinton n’a-t-elle pas reçu les questions du débat [pour les présidentielles, NdT] avant le débat ? N’a-t-elle pas reçu des contributions de campagne de la part d’oligarques étrangers bien louches ? Et techniquement, n’aurait-elle pas remporté l’élection, si on n’avait pas tenu compte de cet étrange collège électoral sclérosé [les grands électeurs, NdT] ? Il semble que « l’ingérence russe », si elle est réelle, serait loin dans la liste des choses qui ne vont pas avec la démocratie américaine ; sur l’échelle des situations d’urgence, « maison en feu » s’évalue généralement plus haut que des « souris dans le garde-manger », n’est ce pas ?
Peut-être n’êtes-vous pas d’accord avec cette évaluation ? Dans ce cas, il y a une autre considération à prendre en compte. Il est certain que les États-Unis ne sont pas du tout une démocratie, ce qui implique que les Russes n’ont rien à voir là-dedans. Une étude de l’Université de Princeton menée par Gilens and Page a effectué une analyse de régression sur plus d’un millier de décisions politiques aux États-Unis. Ils ont déterminé que l’effet de l’opinion publique sur la politique publique est nul. C’est vrai, il n’y en a aucun. Peu importe comment vous votez parce que votre vote n’affecte pas le résultat de façon mesurable. Par extension, cela vaut aussi pour le fait de protester, de s’organiser, de vous arroser d’essence et de vous enflammer sur les marches du Sénat américain, ou quoi que ce soit d’autre que vous pourriez faire. Cela n’influencera pas ceux qui sont au pouvoir.
Et qui sont ceux au pouvoir ? Ce sont les oligarques, bien sûr, les gens qui possèdent à peu près tout, y compris vous-même. Oui, vous êtes à eux, leur propriété. Gilens et Page ont déterminé que les opinions de l’élite économique et des groupes d’affaires ont par contre un effet profond sur la politique publique. Si ce groupe est réticent par rapport à une volonté politique, elle ne sera pas adoptée : 0% de soutien par ce groupe signifie aucune chance d’adoption de cette politique. Si, en revanche, ce groupe est à 100% derrière quelque chose, les chances que cela soit adopté grimpent jusqu’à 70%. Bref, alors que voter pour ou contre une question ne compte pour rien, dépenser beaucoup d’argent pour l’un ou l’autre camp sur cette question importe beaucoup. Les partis politiques, les campagnes, les campagnes électorales et toutes ces bêtises ne sont qu’un spectacle.
Alors, pourquoi y a-t-il un besoin soudain de se concentrer sur une ingérence russe inexistante, pendant 15 mois, sans souffler ? Je crois que la réponse est évidente : le spectacle qui est celui de la « démocratie américaine » tout aussi inexistante n’est plus à même d’être diffusé, et le public doit être réorienté pour regarder ailleurs. Tout le système s’effondre. Rappelez-vous le plafond de la dette ? Ne vous embêtez plus, maintenant le ciel est la limite − jusqu’à ce que quelque chose craque, ce qui sera le cas, et votre bout de plastique cessera de vous permettre de payer pour acheter des biens. Les États-Unis viennent de bombarder la Syrie, et … tout ce qui s’est passé, c’est que les Syriens sont sortis dans la rue pour célébrer leur victoire, car rien ne s’est passé à part quelques éclairs lumineux et de fortes explosions dans le ciel. La CIA, en la personne de Mike Pompeo, vient de prendre le contrôle du Département d’État. Diplomatie ? De quoi parles-tu ? Le président américain vient de déclarer que le président Français était son jouet. Relations étrangères ? Désolé, ça va devoir attendre, ces messieurs sont occupés ! Oui, tout se transforme en blague, mais vous feriez mieux de ne le dire à personne ! Ce serait comme crier « Au feu ! » dans un théâtre bondé : si suffisamment de gens réalisent ce qui se passe, cela pourrait provoquer une panique et quelqu’un pourrait être piétiné.
Entre-temps, il y a beaucoup de problèmes aux États-Unis et ils ne sont pas résolus. Voici un exemple : supposons que vous vouliez empêcher les États-Unis de tomber dans l’enfer de la dette. Eh bien, alors vous devriez commencer par fabriquer des choses au lieu de les importer. Mais voici un problème sous-jacent : le revenu moyen des particuliers aux États-Unis est d’environ 27 000 $ par année, ce qui, selon les normes internationales, est un peu trop élevé pour qu’une entreprise manufacturière demeure compétitive sur le plan international, mais peu importe. Maintenant, l’assurance-maladie pour une famille de quatre personnes (où papa travaille dans une usine alors que maman est occupée à élever la prochaine génération de travailleurs industriels) est d’environ 26 000 $ par année. Alors, d’accord, la famille a 1 000 $ par année pour tout le reste. Mais que se passe-t-il si quelqu’un tombe malade ? Eh bien, il y a une franchise de 8 000 $ à payer avant que l’assurance-maladie n’entre en jeu. Ainsi, si la famille vit dehors, boit de l’eau de pluie et mange des pissenlits pendant huit ans, elle pourrait survivre à une seule maladie sérieuse comme l’appendicite. (Il y a 40% de chance que quelqu’un dans une famille de six en contracte une, et c’est juste une maladie commune parmi beaucoup d’autres). En bref, si vous voulez faire quelque chose d’économiquement utile aux États-Unis … ne vous embêtez même pas. Le système n’est pas configuré pour que vous réussissiez.
Tout cela est assez déprimant, n’est-ce pas ? C’est peut-être pourquoi quelque chose comme un quart des Américains est sous anti-dépresseurs. Regardez Nikki Haley, le représentant américain à l’ONU. Notez son côté glacé, lapin-pris-dans-les-phares et cet air à demi renfrogné. Notez son comportement délirant : il y a quelques jours, elle a essayé d’imposer de nouvelles sanctions à la Russie. Lorsqu’elle a été mise au défi, elle a insisté sur le fait qu’elle avait raison et que la Maison Blanche avait tort … avant ensuite de se dédire. Si vous pensez qu’avoir des gens délirants au Conseil de sécurité de l’ONU est une mauvaise idée, alors vous avez raison.
Ce que font les anti-dépresseurs, c’est que les personnes qui ont des raisons objectives d’être déprimées (par exemple, du fait que leur pays est en train de s’effondrer), commencent chaque jour avec un sourire et une attitude séduisante, pour être à-la-hauteur. Cela semble hors sujet. Les anti-dépresseurs leur permettent de se faire des illusions en pensant que « tout ira bien » alors que ce n’est absolument pas le cas et ça ne le sera jamais. Et quand un quart des gens dans la salle sont délirants, alors des décisions sérieusement erronées sont prises et les choses ont tendance à aller de mal en pis.
Si les antidépresseurs ne sont pas votre truc, il y a aussi des opiacés. Aux États-Unis, les décès par surdose s’élevaient à environ 60 000 en 2016, soit 20% de plus qu’en 2015. À ce rythme, en moins de dix ans, la moitié des gens seront sous tranquillisants et plus aucune décision ne sera prise, défectueuse ou non. À mon avis, les drogués américains sont moins une menace internationale que les Américains sous anti-dépresseurs. Les drogués aux États-Unis commencent généralement avec une prescription contre la « douleur » (parce que la vie aux États-Unis est en effet douloureuse). Quand cela se termine, ils passent à l’héroïne afghane, qui est bon marché et abondante grâce à l’occupation de l’Afghanistan par l’armée américaine.
Mais qu’y a-t-il à faire si rien de tout cela ne vous plaît ? Eh bien, c’est le printemps, alors plantez ! Plantez de la roquette et des tomates cerises, elles vont bien ensemble. Cultiver des piments, pour pimenter les choses. Ensuite, dans quelques semaines, vous devrez passer du temps à lutter contre les mauvaises herbes. Cela devrait détourner votre attention du fait que votre pays s’effondre. En tout cas, c’est ce que je prévois de faire. Et s’il y a une souris dans votre garde-manger, essayez de mettre quelques bouts de fromages pour l’appâter.
Dmitry Orlov (Le Saker francophone, 26 avril 2018)
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la politique étrangère, désespérément atlantiste, du président de la République, Emmanuel Macron... Ancien haut-fonctionnaire et animateur de la Fondation Polémia, Michel Geoffroy vient de publier La Superclasse mondiale contre les peuples (Via Romana, 2018).
L’atlantisme forcené d’Emmanuel Macron sabote l’opportunité européenne de la France
Emmanuel et Brigitte Macron sont en voyage officiel aux Etats-Unis, pour rencontrer Oncle Donald. Pour rencontrer le patron, en quelque sorte, sous l’œil attendri des médias mainstream. On ne peut certes que se réjouir que notre président semble entretenir de bonnes relations avec le président des Etats-Unis comme avec, espérons-le, tous les autres grands chefs d’Etat. Mais cette visite protocolaire outre-Atlantique revêt aussi une signification politique qui ne doit pas nous échapper.
Une opportunité historique pour la France ?
La France bénéficie aujourd’hui en effet d’une conjoncture politique très favorable au sein de l’Union européenne, du fait de l’effacement relatif de l’Allemagne – empêtrée dans la crise politique – et de la Grande-Bretagne – empêtrée pour sa part dans son Brexit et ses histoires d’espions. Et cela, alors même que l’Union européenne connaît une profonde crise de confiance et se trouve notamment confrontée à la sécession de fait des pays du groupe de Visegrad sur la question migratoire.
En d’autres termes, il s’agit d’une situation extrêmement favorable pour la diplomatie française, qui ne s’était pas vue depuis fort longtemps.
Notre pays aurait pu en profiter pour faire avancer une approche différente de l’Union européenne, que ce soit par exemple en matière de défense, de politique économique ou de relations avec l’Eurasie, conformément à sa doctrine traditionnelle d’équilibre des puissances.
Macron fait le contraire de ce qu’on attend de lui
Or que fait Emmanuel Macron de cette belle opportunité diplomatique ? Rien. Ou plutôt il fait exactement le contraire de ce que l’on aurait attendu de la France dans un tel contexte.
En effet il en rajoute en permanence sur l’alignement transatlantique et atlantiste, comme s’il voulait ravir à l’Allemagne et à la Grande-Bretagne le rôle de meilleur soutien – de meilleur vassal en réalité – des Etats-Unis en Europe.
Il s’est ainsi empressé, au mépris de toute prudence, de soutenir la posture belliqueuse de la Grande-Bretagne à l’encontre de la Russie dans la douteuse affaire Skripal. Il a adhéré aux sanctions économiques, diplomatiques et médiatiques contre la Russie, sans aucune réserve.
Il s’est associé aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne pour bombarder, une nouvelle fois au mépris du droit international, la Syrie. Comme s’il était dans l’intérêt de l’Europe de voir éclater ce pays, après le chaos libyen et malien.
Il ne cesse de mettre en accusation les pays du groupe de Visegrad, se coupant par là-même du soutien qu’ils auraient pu fournir à notre diplomatie dans cette période charnière.
Et la rhétorique antirusse, racisme d’Etat qui ne dit pas son nom, devient une composante du politiquement correct officiel de la France.
Macron enferme la politique étrangère de la France dans l’impasse atlantiste
Le voyage présidentiel aux Etats-Unis, sorte de pèlerinage atlantiste, s’inscrit dans cette déplorable continuité.
Car qu’avons-nous à gagner à nous aligner sur cette puissance en déclin, au surplus belliqueuse et imprévisible ? Rien : la politique d’Emmanuel Macron nous mène dans une impasse.La France, n’en déplaise aux anglophiles qui peuplent l’oligarchie, n’est pas en effet une thalassocratie, mais une puissance continentale à rayonnement mondial. Son destin se situe en Europe et dans ce qui reste de son empire et non pas de l’autre côté de l’Atlantique.
S’aligner sur la diplomatie américaine ne garantit donc ni notre sécurité ni notre prospérité, a fortiori dans un monde désormais multipolaire qui rejette de plus en plus la prétention des Anglo-Saxons à gouverner le monde et à imposer leurs lubies idéologiques.
Mais Emmanuel Macron ne semble pas le savoir, ou, pire encore, il veut l’ignorer.
Comme il veut ignorer que les Etats-Unis traitent les Européens en vassaux et en marché à conquérir, la France ne faisant pas exception à la règle. Les promesses mirifiques des partisans des traités de libre-échange – comme Emmanuel Macron vantant le traité CETA avec le Canada – ne se réalisent jamais pour cette raison.L’Europe sans défense ?
De même l’OTAN n’assure plus la sécurité de l’Europe depuis la fin de l’URSS. Il sert avant tout à mettre en tutelle les Européens et à empêcher la constitution d’une véritable Europe de la défense, pour le plus grand profit du complexe militaro-industriel américain. L’OTAN risque, au surplus, de nous entraîner dans une confrontation avec la Russie, via les pays Baltes ou l’Ukraine, dont les Européens seraient une nouvelle fois la principale victime.
Mais cela ne paraît pas poser problème à Emmanuel Macron, tout fier de parler anglais sur Fox News !
D’ailleurs, ayant pleinement réintégré l’OTAN depuis François Hollande, la France n’invoque plus désormais officiellement son indépendance, mais sa simple autonomie stratégique : la nuance sémantique mais surtout politique est de taille.
Emmanuel Macron restera bien sage chez l’Oncle Donald
Et le même Emmanuel Macron, si prolixe à propos des prétendues « fake news » et « manipulations » russes, envisage-t-il par exemple de demander à Oncle Trump de cesser l’espionnage de masse des communications auquel ses services se livrent partout dans le monde, y compris en Europe, comme l’ont révélé les lanceurs d’alerte ?
Va-t-il prononcer des sanctions contre les Etats-Unis pour cette violation manifeste de nos droits les plus élémentaires ?
Poser la question c’est y répondre : Emmanuel et Brigitte resteront bien sages chez l’Oncle Donald.
Emmanuel Macron, un Européen de perlimpinpin
Enfin, l’atlantisme affiché et revendiqué d’Emmanuel Macron en dit long sur sa prétendue ambition européenne.
Car l’Europe qu’il envisage, en digne représentant de la Davocratie, ne serait qu’une Europe au rabais, entraînée dans le sillage mortel du Titanic américain : une Europe sans frontières mais coupée de l’Eurasie, une réserve culturelle pour yuppies fortunés en mal de dépaysement, un marché à conquérir pour les grandes firmes nord-américaines.
Une Europe, en fin de compte, comme la voulait le mondialiste Jean Monnet pour qui « la Communauté [européenne] n’est qu’une étape vers les formes d’organisation du monde de demain » : une simple étape vers la fumeuse gouvernance mondiale dont rêve la superclasse mondiale.
Tout le contraire de l’Europe, Une, Grande et Libre, comme le dit la belle devise de l’Espagne, que les Européens attendent toujours !
Oncle Donald ne doit pas s’inquiéter : Emmanuel et Brigitte ne lui feront pas ombrage.Michel Geoffroy (Polémia, 25 avril 2018)
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Lhomme, cueilli sur Metamag et consacré à l'affrontement qui vient entre les États-Unis et la Russie.
États-Unis, Russie : un affrontement en perspective ?
Contrairement à ce que pensent nos experts, ce ne sera pas une nouvelle guerre froide. Pourquoi ? La nouvelle guerre n’est plus une bataille d’idéologies, un combat philosophique, une lutte d’idéaux mais une bataille entre une superpuissance déclinante, ses alliés et des pays en pleine renaissance comme la Russie et la Chine.
Dans la dernière semaine de mars, des dizaines de diplomates russes ont été désignés comme persona non grata dans plusieurs capitales européennes. Alors que la tension augmentait entre les États-Unis et la Russie, le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, avait déclaré qu’il était temps de relancer les canaux de communication de la guerre froide du siècle dernier. « Ces mécanismes sont démantelés. Il est temps de les raviver à nouveau » , avait-il souligné publiquement, avertissant que sinon, il y avait un danger que les choses puissent échapper à tout contrôle.
Un autre signal fort d’une guerre froide muée en guerre chaude fut la Nuclear Posture Review de l’administration Donald Trump, publiée en février de cette année. Le document révélait à la presse un plan pour augmenter l’arsenal nucléaire américain et justifiait à l’avance une utilisation plus permissive des armes nucléaires. Cette déclaration a été suivie par le discours du Président Poutine sur l’État de l’Union, prononcé le 1er mars, dans lequel il annonçait lui-aussi le développement de nouveaux systèmes nucléaires et de missiles capables de frapper n’importe quel coin du monde. Poutine avait surtout mis l’accent (guerre psychologique?) sur le fait que la Russie avait la capacité de percer les boucliers de défense antimissile tant vantés par les États-Unis et disposait d’armes hypersoniques alors qu’en 2016, les États-Unis avaient installé un système antimissile de 800 millions de dollars dans une base militaire roumaine.
En Asie, ce même mois de mars 2018, le Parti communiste chinois a levé la restriction des mandats présidentiels en vigueur depuis le début des années 1990 et le président Xi Jinping est devenu président-empereur à vie. Les États-Unis avaient pourtant tenté en novembre et décembre 2017 de construire une alliance militaire pour conserver leur hégémonie dans la région Asie-Pacifique mais ils avaient échoué. Même les Philippines ne font plus confiance à l’Oncle Sam. Moscou et Pékin ont indiqué à Washington que si désormais l’un d’entre eux venait à être attaqué par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ou par tout autre groupe militaire parrainé par les États-Unis, les deux pays opposeront un front uni. Dès l’annonce des attaques contre la Syrie, quelques bâtiments de la marine chinoise rejoignaient la flotte russe en Méditerranée. Le ministre chinois de la Défense, Wei Fenghe, qui était à Moscou la première semaine d’avril pour assister à la 7ème conférence de Moscou sur la sécurité internationale, déclara aux médias que les deux pays avaient une « position commune » sur les question. Par ailleurs, on sait que Poutine et Xi ont convenu dans des pourparlers « secrets » de remplacer progressivement le dollar américain par un étalon-or comme monnaie de réserve pour le commerce international. La Chine a d’ailleurs déjà commencé à payer une partie de ses importations d’énergie en yuans. Les deux pays ont déjà établi des systèmes pour le commerce mondial qui contourneront à terme le dollar.
Donald Trump, un président toujours aussi imprévisible
Lors de sa campagne électorale, le candidat Trump avait donné l’impression qu’il était pour la normalisation des relations avec Moscou mais on ne s’arrache pas aussi facilement en Amérique à l’État profond et au lobby sioniste surtout lorsqu’on a fait sa carrière dans l’immobilier à New York. Du coup, depuis son élection, les relations américano-russes n’ont fait que se détériorer et l’on peut craindre qu’il n’y aura jamais de fête cette année pour la Coupe du monde de football qui devrait pourtant normalement se dérouler à Moscou. Donald Trump est prisonnier de sa haute administration et cette dernière avait pris les devants en accélérant le déploiement des systèmes de missiles en Europe de l’Est. Face à un tel mécanisme qui n’a rien en Europe d’un mécanisme de défense, la Russie n’avait d’autre choix que de chercher des moyens de neutraliser la menace émergente.
Par ailleurs, les États-Unis n’ont pas pardonné à la Russie son intervention opportune dans le conflit syrien à l’invitation du gouvernement de Damas. Or cette intervention a sauvé la Syrie et probablement la région de la désintégration et du chaos. L’objectif des alliés était pourtant de priver la Russie du gaz et de sa base sous-marine de Tartous c’est-à-dire la priver du partage tacite de la Méditerranée entre les deux grandes puissances depuis la première guerre froide. Pour n’importe quel observateur militaire ou géopoliticien, priver Moscou des ports syriens ne peut pas être négociable. Depuis un an, tout a donc été bon pour mettre au ban de la communauté internationale la Russie : intervention présumée de celle-ci à l’élection présidentielle américaine, empoisonnement d’un agent double russe au Royaume-Uni, attaques chimiques sur la Ghouta orientale. Moscou a toujours nié avec véhémence toutes ces accusations
2014 : le grand début de la guerre chaude
Quand on refera l’histoire, on pointera du doigt l’année 2014 comme le grand début. La guerre en Syrie sera déclenchée un an après. L’Ukraine a inauguré une marque, celle de « la révolution orange » : un gouvernement démocratiquement élu à Kiev, aligné sur Moscou, fut renversé avec la participation des États-Unis et de l’Union européenne avec l’aide de militants néo-nazis ouvertement déclarés. La guerre civile a alors éclaté et les habitants de la péninsule de Crimée ont voté massivement pour revenir en Russie. En représailles, l’Occident a introduit des sanctions draconiennes contre la Russie. Là encore la France de Hollande était en première ligne.
La fin de la première guerre froide a vu l’alliance occidentale étendre son influence jusqu’aux frontières de la Russie mais les assurances données à l’Union Soviétique sur la dissolution de l’OTAN n’ont jamais été à l’époque honorées. L’expansion de l’OTAN vers l’Est a donc changé toute la donne géopolitique et brisé les rêves d’une paix européenne. En 2002, la décision américaine de se retirer du Traité sur les missiles anti balistiques (Traité ABM), traité qui était pourtant la pierre angulaire du système de sécurité international a tout fait capoter. De fait, si les États-Unis avec l’UE avaient dissous l’OTAN, poussé pour l’abolition nucléaire, et aidé à créer une nouvelle architecture de sécurité en Europe qui incluait la Russie, la première guerre froide serait morte de sa belle mort naturelle.
Ce que n’ont pas vu les Occidentaux c’est que pendant tout ce temps, la Chine progressait inexorablement vers le statut de superpuissance tandis que l’Amérique et le système financier mondial qui lui restait attaché était en déclin constant par le poids de la dette et la politique des banques centrales. Avec Xi Jinping, la Russie dispose maintenant d’un partenaire stratégique et économique fiable pour contrecarrer les machinations des faucons de guerre de Washington. De plus, les mésaventures des champs de bataille américains en Asie de l’Ouest, en Afghanistan, en Irak et en Libye ont accéléré le rythme du déclin des États-Unis et ses efforts pour provoquer une nouvelle guerre froide peuvent être considérés comme un certain chant du cygne, comme faisant partie de l’ultime tentative d’un Empire déclinant pour conserver son statut de superpuissance prééminente et d’empêcher ainsi la communauté internationale de le considérer comme rien.
Relevons que lors de la guerre froide des années 1960 et 1970, les conflits les plus intenses se sont déroulés en Asie et en Afrique
Au cours de la dernière décennie, les États-Unis ont construit tout un réseau de bases sur le continent africain. En 2007, utilisant la «guerre contre la terreur» et Boko Haram comme prétexte, Washington a mis en place le Commandement Afrique des États-Unis (AFRICOM). Nous avions analysé à l’époque cela. La montée des forces islamistes en Afrique subsaharienne ont permis aux États-Unis et à son principal allié dans la région, la France avec la force Barkhane d’étendre l’influence militaire occidentale en ajoutant plus de bases. Le dernier pays africain à avoir officiellement cédé une base militaire aux États-Unis est le Ghana. Le secrétaire américain à la Défense, James Mattis, avait annoncé à la fin de l’année dernière que le nombre de forces spéciales américaines sur le continent africain augmenterait encore en 2018. L’Afrique sera le prochain terrain de guerre de la nouvelle guerre froide. Or, la Chine est maintenant totalement occupée pour des raisons vitales (les matières premières) sur le continent africain.
Si jusqu’alors, l’objectif de Pékin a toujours été d’éviter les collisions géopolitiques et militaires avec l’Occident en mettant toujours l’accent sur le commerce et le développement, le fait que depuis 2009, la Chine a dépassé les États-Unis en tant que principal partenaire commercial de l’Afrique ne pourra pas la laisser sur la touche. Beaucoup d’États africains et c’est sans doute le cas de la République démocratique du Congo de Kabila , ont compris ce qui se passe e,t parfaitement lucides, sont désireux d’échapper coûte que coûte à l’embrasement stratégique américain.
Que ce soit donc pour protéger les projets de la route de la soie ou défendre ses intérêts en Afrique, la Chine semble comprendre ces dernières semaines qu’elle devra intervenir et elle renforce actuellement toutes ses forces de défense et la formation de ses soldats. La Chine a maintenant le deuxième plus grand budget militaire du monde, certes toujours dérisoire par rapport au budget de défense gargantuesque des États-Unis. Mais on en ignore aussi beaucoup de choses d’elle et de plus elle bénéficiera de l’expertise militaire séculaire de la Russie.
Il n’est pas du tout certain que la nouvelle guerre chaude sera encore une guerre conventionnelle. L’un de ses champs de bataille sera africain. L’autre sera-t-il Européen et de quelle Europe ?
Michel Lhomme (Metamag, 17 avril 2018)
Vous pouvez ci-dessous découvrir un entretien avec Hervé Juvin, réalisé le 18 avril 2018 par Edouard Chanot pour Radio Sputnik, dans lequel il évoque, notamment, son nouvel essai France, le moment politique (Rocher, 2018).
Les éditions du Rocher viennent de publier un essai d'Hervé Juvin intitulé France, le moment politique. Économiste de formation, Hervé Juvin a publié des essais essentiels tels que Le renversement du monde (Gallimard, 2010), La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013), Le Mur de l'Ouest n'est pas tombé (Pierre-Guillaume de roux, 2015) ou Le gouvernement du désir (Gallimard, 2016), qui font de lui un des penseurs les plus pertinents du moment.
" L'histoire est de retour. Les frontières se ferment, les identités se réveillent, les Empires se confrontent et, partout, les constantes ethniques, nationales et spirituelles reprennent leur place. Partout aussi, des hommes et des femmes s'interrogent ; comment survivre aux chocs migratoires, à la destruction de l'environnement, au pillage des biens communs, autrement qu'à travers l'union nationale ?Le temps du « je » s'achève, le temps du « nous » commence. Hervé Juvin nous l'annonce : le retour de l'histoire détermine le moment politique exceptionnel que va vivre la France, le moment que vivent les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Russie, l'Inde ou la Chine. Car nous n'avons plus le choix. Confrontée à des échéances inéluctables, celles de l'occupation de son territoire et de la colonisation de ses ressources, celles de la faillite sociale et du recul de sa civilisation, celles du retour de la misère et de l'esclavage, celles enfin de la puissance ou de la guerre, la France doit reforger son projet pour le siècle, pour l'Europe, et d'abord, pour les Français. C'est le moment où chaque Français redécouvre que la France est ce qu'il a de meilleur. Le moment où l'unité nationale redevient la condition de la survie de chacune et de chacun. Et c'est le moment de dessiner le nouvel horizon de la France, celui qui rendra tout son sens au combat politique.Politique de la vie, politique de citoyenneté et de sécurité, politique économique et européenne, Hervé Juvin détaille un projet pour la plus grande France, le projet du rassemblement des Français. La voie qu'il ouvre est celle d'une politique exigeante, écologique et sociale à la fois, mais avant tout française. Parce que la France doit d'abord au monde et à elle-même de demeurer la France. "