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etats-unis - Page 33

  • Vers la guerre ?...

    Les éditions Odile Jacob viennent de publier un essai de Graham Allison intitulé Vers la guerre - L'Amérique et la Chine dans le Piège de Thucydide ? . Politologue, professeur à Harvard, Graham Allison a exercé des fonctions de conseiller politique au secrétariat de la défense sous plusieurs administrations.

     

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    " La Chine et les États-Unis se dirigent vers une guerre dont ils ne veulent pourtant ni l’un ni l’autre. Pour éclairer ce paradoxe, Graham Allison invoque ce qu’il appelle le Piège de Thucydide, qui se met en place quand une puissance émergente vient défier la puissance régnante. C’est Athènes se dressant face à Sparte.

    Au cours des cinq derniers siècles, cette configuration mortelle s’est présentée seize fois ; à douze reprises, elle s’est soldée par une guerre. Aujourd’hui, alors que Xi Jinping comme Donald Trump prétendent « restaurer la grandeur » de leur pays, la dix-septième occurrence se profile à l’horizon de manière sinistre.

    À moins que Pékin n’accepte de modérer ses ambitions ou que Washington ne renonce à sa suprématie dans le Pacifique, un conflit commercial, une cyberattaque ou un simple incident maritime pourraient bien entraîner une rapide escalade vers la guerre…

    Vers la guerre offre la meilleure grille de lecture pour comprendre les relations sino-américaines au XXIe siècle. En s’appuyant sur de nombreux cas historiques, Graham Allison rappelle que les puissances rivales d’hier ont su bien souvent préserver la paix. Reste à espérer que la Chine et les États-Unis sauront prendre les difficiles mesures qu’il préconise, seules à même d’éviter le désastre. "

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  • Quand la santé de l’économie américaine n’est qu’apparente…

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la question du dollar et de l'économie américaine... Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017). Son dernier essai est intitulé Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « La bonne santé de l’économie américaine n’est qu’apparente… »

    On connaît la phrase fameuse de Henry Kissinger : « Le dollar est notre monnaie, mais c’est votre problème. » On en est toujours là ?

    Cela s’est même aggravé. En 1973, la fin du système de Bretton Woods avait consacré le règne de l’étalon-dollar comme première monnaie de réserve mondiale et inauguré l’ère de la mondialisation, en permettant aux États-Unis d’acheter ses produits à crédit au reste du monde et de financer des déficits courants extraordinairement élevés en vendant des obligations du Trésor à leurs partenaires commerciaux au lieu de payer leurs importations avec de l’or.

    Depuis, les États-Unis ont imposé la règle selon laquelle toute transaction utilisant des dollars américains relève automatiquement de la juridiction américaine, même si elle ne concerne que des sociétés non américaines effectuant une transaction en dehors des États-Unis. Tous les pays sont également dans l’obligation de s’aligner sur les sanctions décrétées par les États-Unis sous peine d’être sanctionnés à leur tour. En 2014, BNP Paribas avait ainsi écopé d’une amende de près de neuf milliards de dollars pour avoir violé des embargos décidés par les États-Unis en effectuant des transactions en dollars. Plus récemment, la Chine a été sanctionnée pour avoir acheté des systèmes d’armement à des entreprises russes. En France, Total et Peugeot ont dû rompre leurs relations commerciales avec l’Iran au seul motif que Donald Trump a décidé de sortir de l’accord conclu par son prédécesseur avec Téhéran.

    Enfin, l’adoption, l’an dernier, du « Cloud Act » (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act) permet maintenant à l’État américain d’accéder à sa guise aux données sensibles de tout acteur économique sous le coup d’une enquête de la Justice américaine, y compris les données stockées à l’étranger.

    On dit que l’économie américaine se porte bien et que le chômage est au plus bas (moins de 4 %).

    Parce qu’on ne comptabilise plus tous les chômeurs ! Si l’on réintègre dans les statistiques les « discouraged workers », c’est-à-dire ceux qui ont renoncé à chercher un emploi, soit 23 millions de personnes, on constate que le véritable taux de chômage est beaucoup plus élevé : 10,5 %, selon les plus optimistes, et jusqu’à 23 %, selon les autres. La population active a augmenté de 21 millions depuis 2007, mais seulement deux millions d’entre eux ont aujourd’hui un travail à plein temps. Au total, il y a aujourd’hui 95 millions d’Américains aptes au travail qui n’ont pas d’emploi. Le tout sur fond de stagnation des salaires et des revenus, de désindustrialisation et d’envol des inégalités entre les 1 % les plus riches et la grande majorité de la population.

    La bonne santé de l’économie américaine est seulement apparente. Vous savez qu’en février 2017, les États-Unis ont purement et simplement décidé d’abandonner le plafonnement de leur dette, que George W. Bush avait déjà fait doubler, suivi par Obama, qui en a fait autant. L’endettement public, qui n’était que de 280 milliards de dollars en 1960, a atteint 22.000 milliards de dollars en 2018, et l’on prévoit déjà que l’on arrivera à 30.000 milliards d’ici à dix ans, soit une augmentation de trois milliards de dollars par jour ! Si l’on ajoute à la dette fédérale brute (108 % du PIB) celle des États (state debt), des comtés et des municipalités (local debt), on arrive à près de 120 % du PIB. Et si l’on ajoute encore la dette des particuliers et des ménages, on arrive au chiffre astronomique de 72.000 milliards de dollars, soit 86 % du PIB mondial et 3,5 fois le PIB américain !

    Les chiffres publiés le mois dernier montrent, par ailleurs, que le déficit commercial américain vis-à-vis de la Chine a pulvérisé, une fois encore, son record historique en s’établissant à 43,1 milliards de dollars pour le seul mois d’octobre. Ce qui signifie que Trump a déjà perdu la guerre commerciale qu’il a lancée contre Pékin ; ce qui n’a rien d’étonnant, car les États-Unis dépendent beaucoup plus de la Chine pour leurs importations que la Chine ne dépend des États-Unis pour les siennes.

    En fait, les États-Unis sont un pays virtuellement en faillite, qui ne peut plus survivre qu’en s’endettant à un rythme de plus en plus rapide. La dette ne sera, bien sûr, jamais remboursée, et il n’est pas exclu que même les intérêts ne puissent plus être payés. À l’heure actuelle, le seul service de la dette représente 333 milliards de dollars par an ! Dans ces conditions, le dernier atout des Américains tient au fait qu’un effondrement des États-Unis aurait des conséquences catastrophiques pour la plupart de ses partenaires, à commencer par la Chine. Mais cela ne signifie pas qu’à la faveur d’un nouveau krach mondial, cet effondrement ne puisse pas se produire, ce qui serait dramatique pour les épargnants et les cotisants des sociétés d’assurances et des fonds de pension. On ne peut écarter, dans cette perspective, la possibilité d’une guerre civile dans un pays où 300 millions d’armes à feu sont en circulation.

    Il y a quatre ans, nous avions déjà parlé de cette « dédollarisation » qui pourrait mettre un terme à l’hégémonie mondiale de la monnaie américaine. Où en est-on ?

    Même si la majeure partie des échanges internationaux restent réglés en dollars, les efforts de dédollarisation se poursuivent, malgré les menaces de Washington contre quiconque tente de fuir le système. Les États-Unis représentent une part de plus en plus petite de l’économie mondiale et subit la pression d’autres acteurs, à commencer par les BRICS*. Mais il faut bien comprendre qu’il n’est pas facile de s’entendre sur une unité de compte mondiale de remplacement. Les propriétaires étrangers de dette américaine savent très bien qu’ils ne seront jamais remboursés, mais ils savent aussi qu’en cherchant à se débarrasser de leurs bons du Trésor américains, ils risquent de provoquer un effondrement du marché des obligations qui leur serait préjudiciable. Si nombre de partenaires commerciaux des États-Unis continuent d’investir leurs surplus de dollars dans des actifs libellés en dollars, c’est aussi qu’une conversion de ces surplus dans leur propre monnaie entraînerait une appréciation de leur monnaie et, donc, une baisse de leurs exportations.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 16 janvier 2019)

    * NDLR : BRICS, acronyme anglais pour désigner un groupe de cinq pays : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud.

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  • Ezra Pound en enfer...

    Les éditions de L'Herne viennent de publier un essai de Pierre Rival intitulé Ezra Pound en enfer. Journalistes et critique gastronomique, Pierre Rival s’intéresse à l'auteur des Cantos depuis la fin des années soixante.

     

     

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    " De 1940 à 1945, le poète américain d’avant-garde Ezra Pound a participé de manière active à la propagande du régime de Mussolini et des forces de l’Axe. Ses émissions de propagande à la radio italienne empreintes d’un antisémitisme radical – dont certaines sont traduites ici pour la première fois – lui valurent une inculpation pour haute trahison ; il évita de justesse la peine de mort en étant déclaré inapte mentalement à être jugé, et fut interné durant treize ans dans un asile psychiatrique aux États-Unis.

    Ezra Pound en enfer retrace l’itinéraire politique et intellectuel du premier écrivain moderniste de la littérature anglo-saxonne dont il est aussi l’un des éditeurs les plus avisés, découvreur, notamment, de T.S. Eliot et de James Joyce. Ce récit tente de comprendre comment l’auteur des célèbres Cantos a pu adhérer à la cause du fascisme. Pierre Rival interroge ici le lien entre la radicalité politique et la radicalité esthétique. À travers l’exemple de Pound, il montre comment les attitudes de rupture, dans la littérature et les arts, lorsqu’elles sont déplacées dans le champ du politique, conduisent presque inéluctablement au choix du totalitarisme. "

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  • Quand Paris et Berlin se placent sous protection américaine...

    Nous reprodusisns ci-dessous un point de vue d'Hadrien Desuin, cueilli sur Figaro Vox et consacré au Traité d'Aix-la-Chapelle signé par Emmanuel Macron et Angela Merkel. Spécialiste des questions internationales, Hadrien Desuin est l'auteur de La France atlantiste (Cerf, 2017).

     

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    Traité d'Aix-la-Chapelle : «Paris et Berlin se placent sous protection américaine»

    Le titre d'Empereur du Saint Empire romain germanique, reçu à Aix-la-Chapelle pendant des siècles, fut aussi prestigieux que symbolique. Quand Napoléon y mit fin, on disait qu'il n'était ni saint, ni romain ni germanique. C'était un Empire honoraire dont le morcellement garantissait la sécurité de la France.

    De même, le traité d'Aix-la-Chapelle signé ce mardi 22 janvier 2019 par Emmanuel Macron et Angela Merkel aurait pu apparaître comme le couronnement de la fusion franco-allemande tant désirée par Paris. Allait-on ressusciter l'empire carolingien là où Charlemagne unît les peuples d'Europe occidentale il y a plus de 1200 ans, à la jonction des mondes latin et germanique?

    Déjà en 1963, après le refus des États Unis de former un directoire occidental (P3) avec la France et le Royaume-Uni, le général de Gaulle voulut détacher l'Allemagne de l'OTAN pour la ramener à elle et sortir ensemble de l'orbite américaine. Avec la bombe nucléaire française, il s'agissait de traduire diplomatiquement ce nouveau statut militaire et d'en finir avec les seconds rôles joués sous la IVe République. Comme chacun sait, Konrad Adenauer accepta de signer le traité, à l'Élysée, mais le parlement de la RFA neutralisa cette alliance en précisant qu'elle ne pouvait se substituer à l'OTAN.

    Le Bundestag ajouta un préambule qui assurait sa fidélité à son véritable vainqueur et mentor: Washington. Aix-la-Chapelle est certes la capitale de Charlemagne mais c'est aussi la première ville conquise par l'armée américaine en 1944. Les Allemands ne l'ont pas oublié.

    Dans ce nouveau traité où le symbolique l'emporte sur le stratégique, l'allégeance à l'OTAN est cette fois-ci directement inscrite dans le texte. Il n'y aura plus besoin de préambule et tous les efforts pour bâtir une défense européenne resteront superflus: la très hypothétique armée européenne sera toujours commandée par un général américain depuis son quartier général de Mons en Belgique. Le Bundestag pourra signer les yeux fermés.

    Ce statu quo stratégique fait écho au statu quo budgétaire. L'Allemagne a déjà refusé de rééquilibrer sa balance commerciale excédentaire en faveur de ses partenaires. Mais pourquoi s'incliner alors que, depuis 2009, la France s'est rangée d'elle-même dans l'OTAN?

    Le reste des dispositions prévues est donc un simple rappel de ce qui existe déjà en termes d'échanges franco-allemands: promotion du bilinguisme, eurorégion, coopération militaire et industrielle, soutien à l'Allemagne au conseil de sécurité de l'ONU... La seule nouveauté est l'assemblée et le conseil de défense franco-allemand. Des outils de dialogue non inintéressants mais très formels. Les articles qui prévoient plus d'intégrations politique et culturelle de part et d'autre de la frontière cachent péniblement la banalité d'un traité qui se voulait initialement le premier étage de la grande fusée fédérale européenne esquissée par le Président à la Sorbonne en septembre 2017. Le deuxième étage aurait dû être la constituante européenne à Strasbourg en mai prochain. Au final, on en reste au très modeste malentendu de 1963. Pas de quoi rivaliser avec l'arrogance de Trump.

    Cela fait plus de cinquante ans que l'Allemagne joue à la future mariée du couple franco-allemand, théorique moteur de l'Union européenne. Mais Berlin laisse le soupirant français lui conter fleurette tout en repoussant l'échéance. La réunification et la fin de la guerre froide en 1990 lui ont donné le premier rôle économique sur le continent. Quant à la guerre, elle ne veut plus en entendre parler sauf pour vendre du matériel. Son tuteur américain ne veut pas de ce mariage français. Et la promise allemande a peur d'une union aussi inégale.

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    Vue d'Allemagne, la réconciliation franco-allemande est un simple rituel mémoriel qui vise à se faire pardonner les deux dernières guerres mondiales. Voilà pourquoi Berlin multiplie les gestes d'amitié avec Paris qui rêve toujours de grandeur. Mais passer de l'amitié à l'amour est périlleux. Tandis qu'on palabre entre voisins, l'argent reste à Francfort et le commandement militaire reste à Washington. Avec le vieil ami de Paris, on se remémore la légende de Charlemagne, histoire d'oublier que c'est toujours Donald Trump qui tient les rênes.

    Hadrien Desuin (Figaro Vox, 22 janvier 2019)

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  • Alstom, le piège américain...

    Les éditions Jean-Claude Lattès viennent de publier un témoignage de Frédéric Pierucci intitulé Le piège américain. L'auteur, protagoniste de l'affaire Alstom, arrêté aux États-Unis et incarcéré pendant deux ans dans un pénitencier américain, explique les dessous d'une opération de guerre économique, qui a vu la France mettre un genou à terre et se défaire de l'un de ses fleurons industriels.

     

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    " Qui le sait ? Depuis la fin 2014 la France a perdu une partie du contrôle de ses centrales nucléaires au profit des Américains.

    Je m’appelle Frédéric Pierucci et je me suis retrouvé, bien malgré moi, au cœur de ce scandale d’État. Ancien patron d’une des filiales d’Alstom, je connais les dessous de ce thriller à 12 milliards de dollars. Après avoir été longtemps contraint au silence, j’ai décidé, avec le journaliste Matthieu Aron, de les révéler.
     
    En avril 2013, j’ai été arrêté à New York par le FBI et poursuivi pour une affaire de corruption. Je n’ai pas touché un centime dans cette transaction, mais les autorités américaines m’ont enfermé pendant plus de deux ans – dont quatorze mois dans une prison de très haute sécurité.
    Un véritable chantage pour obliger Alstom à payer la plus gigantesque amende jamais infligée par les États-Unis, et à se vendre à General Electric, son grand concurrent américain.
     
    Mon histoire illustre la guerre secrète que les États-Unis livrent à la France et à l’Europe en détournant le droit et la morale pour les utiliser comme des armes économiques. L’une après l’autre, nos plus grandes sociétés (Alcatel, Total, Société Générale et bientôt d’autres) sont déstabilisées. Ces dernières années, plus de 14 milliards de dollars d’amende ont ainsi été payés par nos multinationales ces dernières années au Trésor américain. Et ce n’est qu’un début… "

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  • Jair Bolsonaro, populiste ultra-libéral ?...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque l'arrivée au pouvoir au Brésil de Jair Bolsonaro... Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017).

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    Alain de Benoist : le programme de Jaïr Bolsonaro est consternant !

    Élu président du Brésil en octobre dernier, avec plus de 55 % des suffrages, Jaïr Bolsonaro vient de prendre ses fonctions. La gauche, qui multiplie les anathèmes contre lui (homophobe, sexiste, raciste, etc.), parle d’une nouvelle poussée de « populisme » et dit que sa victoire réjouit tout ce que le monde compte de gens « de droite et d’extrême droite ». Vous en faites partie ?

    Pas du tout. Bolsonaro a certainement bénéficié de la vogue actuelle du populisme et capté le vote des classes populaires qui votaient auparavant pour le Parti des travailleurs, mais le populisme, je vous le rappelle, n’a pas de contenu idéologique précis. C’est seulement un style, une manière de faire se répondre l’offre et la demande politiques, et ce style peut se combiner avec des idéologies très différentes (Luiz Inácio Lula, l’ancien président, était lui aussi un « populiste »). La droite frétille toujours de façon pavlovienne quand elle entend dire qu’on va rétablir « la loi et l’ordre ». Le problème est que la loi peut être injuste et que l’ordre n’est souvent qu’un désordre établi.

    Je me garderai, bien sûr, de faire un procès d’intention à Bolsonaro. J’espère de tout cœur qu’il pourra mettre un terme à la corruption et ramener un peu de calme dans un pays où l’on enregistre 64.000 homicides par an (plus d’un demi-million en dix ans). Ce que je constate en même temps, c’est qu’il était avant tout le candidat des marchés financiers (la Bourse de São Paulo a bondi de 6 % au lendemain de son succès), des multinationales, à commencer par Monsanto, et du lobby des grands propriétaires terriens (la bancada ruralista), et que ce sont les églises évangéliques, contrôlées par les télé-évangélistes nord-américains et pétries de messianisme sioniste, qui lui ont apporté le soutien le plus décisif (ancien catholique, il s’est lui-même converti à l’évangélisme en se faisant symboliquement baptiser dans le Jourdain en 2016).

    Mais que lui reprochez-vous essentiellement ?

    J’ai écouté les diverses interventions de Bolsonaro et j’ai lu avec attention son programme, que je trouve à bien des égards consternant. Après avoir décidé de se retirer de l’accord de Paris sur le climat, il a annoncé la construction d’une nouvelle autoroute à travers l’Amazonie, l’ouverture à l’exploitation pétrolière et minière de territoires autochtones dont les habitants seront expulsés, et la promotion systématique de l’agriculture industrielle au détriment de la protection de l’environnement. Pour que les choses soient claires, il a d’ailleurs froidement supprimé le ministère de l’Environnement, dont les fonctions ont été transférées à celui de l’Agriculture, et annoncé la disparition du ministère de la Culture. Sur le plan social, il entend recourir à la privatisation quasi intégrale des entreprises publiques, installer un système de retraite par capitalisation des fonds de pension, alléger la fiscalité des groupes industriels les plus puissants, multiplier les exemptions d’impôts pour les tranches de revenu supérieures et réaliser une large dérégulation du secteur financier. S’il y a des gilets jaunes au Brésil, ils y trouveront difficilement leur compte !

    En politique internationale, Bolsonaro a adopté la même ligne que Donald Trump dans ce qu’elle a de plus contestable : transfert de l’ambassade de son pays de Tel Aviv à Jérusalem, soutien inconditionnel à l’Arabie saoudite et à Israël, méfiance vis-à-vis de l’Europe et hostilité envers la Chine et la Russie. À cela s’ajoute encore sa nostalgie avouée pour la dictature qui a régné au Brésil de 1964 à 1985, ce qui n’a rien pour me plaire. J’ai vu, dans le passé, s’installer un certain nombre de dictatures militaires, des colonels grecs aux généraux argentins en passant par Pinochet et ses « Chicago Boys ». Je les ai trouvées plus lamentables les unes que les autres.

    On présente pourtant Bolsonaro comme un nationaliste…

    Plus qu’un nationaliste, ce personnage, humainement assez creux et dénué de scrupules, est en réalité, tout comme Macron, un libéral. Il suffit de voir son entourage. L’homme fort de son gouvernement, qui cumule à lui seul cinq portefeuilles de ministres, est Paulo Guedes, cofondateur de la banque d’affaires BTG Pactual, un ultralibéral formé à l’école de Chicago, ancien élève de Milton Friedman, qui a également fondé l’Institut Millenium, d’orientation libertarienne et pro-pesticides, avant de sévir sous la dictature militaire chilienne. Le ministre des Affaires étrangères, Ernesto Araújo, est un diplomate anti-écologiste lié aux intérêts de l’agro-business. Le ministre de l’Agriculture, Tereza Cristina, est la représentante de la bancada ruralista. Le ministre de l’Éducation, Ricardo Vélez Rodriguez, un Colombien naturalisé brésilien, est un disciple d’Antônio Paim, ancien intellectuel communiste devenu aujourd’hui ultralibéral. Et leur gourou commun, Olavo de Carvalho, est un « penseur » résidant aux États-Unis où il propose des cours de philosophie « online ».

    Tout cela est, pour moi, rédhibitoire. Par principe, je ne cautionnerai jamais un virage à droite qui s’accompagnerait d’un retour en force du libéralisme.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 11 janvier 2019)

     

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