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Métapo infos - Page 7

  • Le mythe de l'Atlantide...

    Les éditions du CNRS viennent de rééditer dans leur collection de poche Biblis un essai de René Treuil intitulé Le mythe de l'Atlantide. René Treuil est professeur émérite de protohistoire égéenne à l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne.

     

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    " Traditionnellement associé à la quête géographique d'une brillante civilisation disparue, le mythe de l'Atlantide invite à un questionnement passionnant sur la modernité de cette fable des origines perdues. Notre imaginaire occidental n'a cessé d'investir l'Atlantide de symboles riches et contradictoires, de l'utopie des premiers temps à des visions fantasmatiques de chute et de décadence.
    La production littéraire et artistique qui lui est associée, extrêmement prolifique, vient témoigner de cette fascination. Un phénomène d'engouement collectif et une source d'inspiration majeure qui remontent au Critias de Platon, trouvent écho dans l'utopie philosophique de Bacon, irriguent les œuvres de Lovecraft, Conan Doyle, Pierre Benoit... Autant de créations, autant de mondes insolites analysés par René Treuil dans cette étude ludique et documentée qui décrit l'Atlantide comme une fiction constitutive de nos mentalités et de notre culture. "

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  • La “progéniture monstrueuse”: brève histoire de l’intérêt...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Andrea Falco Profili cueilli sur le site d'Euro-Synergies et consacré à la question du prêt à intérêt . Ce texte a été publié initialement sur le site du GRECE Italie.

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    La “progéniture monstrueuse”: brève histoire de l’intérêt

    Aristote la qualifia de “commerce le plus haï”, une activité contre nature où l’argent, par essence stérile, se reproduisait de façon monstrueuse par lui-même. Pendant des millénaires, l’acte de prêter avec intérêt a été un tabou moral, repoussant et inacceptable. Dans le folklore médiéval, les démons remplissaient la bouche du prêteur décédé de pièces brûlantes, une punition jugée appropriée pour un abomination telle que l’usure. Le monde antique, en effet, connaissait bien la puissance socialement destructrice de la dette : il avait conçu à cet effet un mécanisme de suppression, l’institution du Jubilé. Une année sacrée, qui servait de réinitialisation légale où les terres revenaient à leurs anciens propriétaires et, surtout, où la libération de l’esclavage de la dette était proclamée. C’était la tentative ultime de freiner une pratique odieuse.

    Ces échos d’une ancienne répugnance morale ont été, depuis, enfouis par l’histoire. La longue marche du crédit a transformé le péché capital en une pratique financière respectable. Mais, en se dotant de méthode, il faut retracer comment il a été possible d’en arriver là.

    Comme nous l’avons dit, dans le monde antique, l’intérêt était perçu comme un acte repoussant et inacceptable, on parlait de faire “enfanter” l’argent, un acte que Aristote, dans le premier livre de La Politique, condamne immédiatement, déclarant la stérilité de l’argent. L’usurier, en faisant “accoucher” des pièces de monnaie à partir d’autres pièces, crée une progéniture artificielle, un tokos (qui signifie aussi “rejeton” en grec), qui est une monstruosité. La pratique du prêt était considérée odieuse car elle constituait le principal instrument de soumission. Dans le monde grec-romain et au Proche-Orient, un paysan dont la récolte tournait mal était contraint de grever sa terre, puis ses outils, puis ses enfants, et enfin lui-même. C’était la réalité du crédit: l’esclavage pour dettes. Des populations entières étaient dépossédées et asservies non par une armée envahissante, mais par un registre comptable. Le créancier voyait sa richesse croître non par le travail, mais par la désolation d’autrui. C’était un système qui dévorait la société de l’intérieur, concentrant la terre et le pouvoir entre les mains d’une oligarchie, tandis que la masse de la population sombrait dans une servitude permanente.

    La dette accumulée, laissée à elle-même, devient une entropie sociale et se concentre jusqu’à détruire le tissu même de la communauté, créant une fracture irrémédiable entre créanciers et débiteurs. Cette répulsion ne se limita pas au paganisme philosophique ou à la culture catholique. Elle fut universelle, si bien que l’Église chrétienne primitive, suivant les Évangiles (“Prêtez sans espérer rien en retour”), fut implacable. Les pères de l’Église, à partir de Saint Thomas d’Aquin, furent unanimes dans leur condamnation de l’usure comme péché mortel, défini comme un vol sans demi-mesure. Faire payer pour l’usage de l’argent, disait Thomas, c’était faire payer pour le temps. Les conciles ecclésiastiques interdisaient aux usuriers de recevoir les sacrements et même la sépulture en terre consacrée. L’Islam, dans le Coran, est peut-être encore plus clair, en comparant l’usurier à celui qui est “touché par Satan” car il déclare littéralement la guerre à Dieu et à son prophète en poursuivant cette pratique.

    Pendant plus de deux mille ans, les trois grandes traditions intellectuelles et morales d’Europe et du Proche-Orient – la philosophie grecque, la loi chrétienne et la loi islamique – s’accordaient sur la malignité absolue de l’usure, avec une voix unanime.

    La question est alors la suivante:  comment a-t-il été possible d’arriver à la situation actuelle, comment un paria moral a-t-il pu s’intégrer dans l’administration courante en dissimulant son passé de pratique répugnante. Il s’agit en effet d’un chef-d’œuvre de sophistique, d’un lent lavage de cerveau collectif qui a duré des siècles, a commencé par de petits détails et des jeux terminologiques. Les théologiens et juristes  du bas moyen-âge commencèrent à creuser des fissures dans le mur, en postulant les droits du prêteur d’argent. Si le créancier subissait un dommage, ou perdait une opportunité de gain, il devenait opportun et justifiable qu’il reçoive une compensation, un “intérêt”. Le terme même d'“intérêt” fut choisi délibérément pour s’éloigner du mot “usure”, lequel était chargé de haine. Par la suite, furent créés les Monts de Piété, officiellement nés pour lutter contre l’usure, qui étaient des institutions franciscaines prêtant de l’argent aux pauvres en demandant en échange seulement un petit intérêt, juste suffisant à couvrir les coûts opérationnels. Cela semblait charitable, mais le tabou avait été brisé et, pour la première fois, une institution chrétienne légitimait l’intérêt. La digue avait cédé.

    Le coup de grâce arriva avec la Réforme protestante. En plus de Luther, c’est Jean Calvin qui fournit la justification théologique que le capitalisme naissant attendait. Calvin distingua entre le prêt au pauvre (qui constituait encore un péché) et le prêt à l’entrepreneur, arguant que l’intérêt était le gain légitime de celui qui permettait à un autre homme de tirer du profit en lançant une activité. À partir de ce moment, les coordonnées de l’argent dans la société changèrent irrémédiablement : on ne parle plus d’argent stérile mais de capital, et l’usurier, parasite, changea de nom pour devenir l'“investisseur”, devenant un partenaire dans le progrès.

    Depuis ce moment, la marche du crédit fut inarrêtable. Les Lumières ont sécularisé le sujet (Bentham, Adam Smith), liquidant les anciennes interdictions désormais considérées comme relevant de superstitions médiévales qui entravaient le libre marché. Les banques, autrefois activités marginales et honteuses, sont devenues les temples de la nouvelle économie. Aujourd’hui, le système que les Européens d’autrefois voyaient comme un cancer social est désormais le système circulatoire en place. La re-signification a permis de remplacer la peur de la dette par celle de ne pas en avoir assez (on parle maintenant de “mauvais crédit”). Les gouvernements ne cherchent pas à effacer les dettes, mais s’endettent pour payer les intérêts sur les dettes précédentes. Même l’institution du Jubilé ne survit que dans son sens spirituel dans un catholicisme en déclin, tandis que sa valeur économique et sociale est oubliée et ridiculisée comme une impossibilité économique. En revanche, il existe son opposé : le sauvetage (bailout), où les dettes faillies des puissants ne sont pas effacées, mais transférées sur le dos du public. L’apothéose de cette transformation est survenue avec la crise financière de 2008. Quand le château de cartes construit sur les prêts hypothécaires s’effondra, on a pu s'attendre à un retour à la santé. Au contraire, ce fut la victoire définitive de la logique de la dette. Les sauvetages bancaires dans le monde atteignirent des chiffres astronomiques. Ce ne furent pas les dettes des désespérés qui furent effacées, mais celles des requins financiers qui furent socialisées. Les spéculateurs qui avaient parié et perdu furent sauvés par l’argent public, tandis que des millions de familles perdirent leurs maisons. On choisit de récompenser ceux qui avaient créé la catastrophe, ceux qui en subirent les conséquences découvrirent vite le sens du mot “austérité”.

    Le cercle est bouclé, la “progéniture monstrueuse” d’Aristote s’est tellement multipliée qu’elle a dévoré ses propres parents. Et le monde, sans même s’en rendre compte, est devenu son enfant adoptif.

    Andrea Falco Profili (Euro-Synergies, 28 novembre 2025)

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  • La France face aux Etats-Unis...

    Les éditions La Ravinière ont récemment publié un essai de Stève Sainlaude intitulé La France face aux États-Unis - Une tradition d'opposition. Agrégé d’histoire et docteur en histoire diplomatique, enseignant à Sorbonne-Université,  Stève Sainlaude est spécialiste des relations franco-américaines et est l’auteur de plusieurs ouvrages dont Le gouvernement impérial et la guerre de sécession 1861-1865 (L'Harmattan, 2011).

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    " Ancienne grande puissance, la France dénonce régulièrement l’hégémonie américaine. Dans la course aux récriminations, elle est probablement l’État occidental où la critique s'exprime le plus régulièrement, le plus bruyamment, parfois le plus solitairement et même, de temps à autre, le plus sévèrement. Quand les États-Unis voulurent étendre leur emprise territoriale, la France a plus d’une fois œuvré pour endiguer leur expansion. Puis, lorsque la république fédérale américaine est devenue puissance mondiale, dans un mouvement inversement proportionnel au recul de la France sur la scène internationale, ses dirigeants ont dénoncé de façon quasi systématique la suprématie de Washington. Avec La France face aux États-Unis, Stève Sainlaude revient sur les origines de cette politique d’opposition. À partir d’archives inédites, il retrace le fil de relations parfois tendues, mais jamais rompues qui, de la vente de la Louisiane par Napoléon à la crise des tarifs douaniers ouverte par Donald Trump en passant par le fameux discours de Phnom Penh du général de Gaulle, lient les deux nations depuis plus de deux siècles. Écrit dans un style vivant et foisonnant d’anecdotes, ce passionnant essai d’histoire diplomatique satisfera les spécialistes par la rigueur de son contenu tout en sachant intéresser un large public."

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  • Europe : la guerre civile qui monte...

    Dans cette émission du Plus d’Éléments, diffusée par TV Libertés, l'équipe du magazine s’empare du dernier numéro d’Éléments qui interroge l’avenir des Européens – démographique autant que civilisationnel – face au péril migratoire et à la menace de guerre civile qui gagne l’Ouest du continent, du Royaume-Uni à la France. Une perspective sombre, nourrie d’un faisceau d’indices chaque jour plus inquiétants. 

    On trouvera sur le plateau, autour d'Olivier François, Xavier Eman, rédacteur en chef, Daoud Boughezala, Rodolphe Cart et Anthony Marinier...

     

                                              

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  • Une philosophie biocentrique...

    Les éditions de la Nouvelle Librairie, en collaboration avec l'Institut Iliade, viennent de publier un court essai de François Plat Colonna intitulé Ludwig Klages - Une philosophie biocentrique.

    François Plat Colonna, né en 1994, vit à Aix-en-Provence. Titulaire d’un Master d’histoire de la philosophie, ce passionné d’histoire des idées est déjà l'auteur d'un essai intitulé Vivre sur les cimes - Le sens de la terre dans la philosophie de Friedrich Nietzsche (Éditions du Royaume, 2025). 

     

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    " D’après Cioran, il aurait été « l’homme le plus réalisé » qu’il ait jamais rencontré. Figure intellectuelle fascinante, Ludwig Klages a exercé son influence sur de grands penseurs ou artistes comme Hermann Hesse, C. G. Jung, Walter F. Otto, Robert Musil ou Gustave Thibon. Il demeure pourtant un nom méconnu, voire énigmatique, en France.

    Disciple hétérodoxe de Nietzsche, représentant d’une pensée écologiste et vitaliste avant la lettre, Klages incarne, selon l’auteur de ce livre, l’acmé de la pensée antimoderne. Le philosophe allemand défia en effet dans son œuvre tous les fondements de la pensée moderne que sont la mathématisation du monde, la déification de la raison, le progressisme et l’universalisme. Au logocentrisme qui a dominé l’ensemble de la philosophie occidentale, Klages opposa le biocentrisme, revalorisant ainsi les dimensions instinctives et poétiques du monde enfouies par des siècles de rationalisme. "

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  • Marine Le Pen telle qu’elle aurait pu être…

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Vincent Coussedière au site de la revue Éléments.

    Agrégé de philosophie, professeur, candidat aux dernières législatives sous l’étiquette RN, Vincent Coussedière est l’auteur de plusieurs essais politiques dont Eloge du populisme (Elya, 2012),  Le retour du peuple - An I (Cerf, 2016) et, récemment, Marine Le Pen comme je l’imaginais (La Nouvelle Librairie, 2025).

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    Marine Le Pen telle qu’elle aurait pu être…

    ÉLÉMENTS. Spécialiste reconnu du populisme, en 2024 vous avez été candidat aux élections législatives pour le Rassemblement national (dans des conditions catastrophiques, précisez-vous). Qu’est-ce qui vous a décidé à « franchir le pas », à passer du rôle d’analyste et d’observateur à celui d’acteur politique ? Regrettez-vous ce choix et cette expérience ?

    VINCENT COUSSEDIERE. J’explique dans le livre ce qui m’a décidé à franchir le pas en 2024. Ce sont à la fois les circonstances, le fait que suite à plusieurs conférences ou formations que j’ai assurées pour le Rassemblement national, et après m’être déclaré éventuellement disponible, j’ai été contacté par Philippe Olivier pour être investi dans une circonscription qui n’était malheureusement pas celle dans laquelle je vis. C’est pourquoi je parle d’une investiture dans des « conditions calamiteuses », ceci dit, j’ai accepté, et ne cherche donc pas à me victimiser.  J’étais « parachuté » dans une circonscription que je ne connaissais pas bien, et dont la sociologie électorale me laissait très peu de chances au second tour. A ces circonstances s’ajoutait un certain désir – dont je ne cache pas, dans le livre, que le ressort restait fragile – de prendre mes responsabilités en politique. Citant Bernanos, j’explique que c’est surtout par désespoir que je me suis lancé dans l’aventure. Désespoir à l’égard du reste de l’offre politique, désespoir aussi à l’égard des intellectuels, qui, bien que proches sur certains thèmes du RN, ne cherchent pas à le rejoindre pour le faire progresser de l’intérieur. D’autres que moi, fort peu nombreux cependant, ont fait cette démarche avec davantage de réussite. On peut penser à Hervé Juvin, à Jérôme Sainte-Marie ou à Guillaume Bigot.

             Je ne regrette rien, même si la faiblesse du soutien militant local que j’ai pu recevoir – pour ne pas en dire davantage et être plus désobligeant  – a rendu les choses très difficiles. Le livre n’est toutefois pas un règlement de compte après une aventure malheureuse. Je dis d’ailleurs peu de choses sur la campagne électorale elle-même, sur laquelle il y aurait pourtant beaucoup à dire, mais ce n’est pas le sujet du livre. Je raconte qu’elle m’a fait toucher du doigt les limites de l’exercice du « métier de politique » tel qu’il est devenu dans nos démocraties représentatives. Participer à cette campagne m’a également fait voir à quel point le RN continue de subir une forme d’ostracisme dans les médias régionaux et chez les élus de tous bords, qui manipulent l’opinion et restent les prescripteurs de proximité de celle-ci. Tous ces notables : présidents de Comcom, maires, conseillers généraux se tiennent par la barbichette les uns et les autres et entendent bien conserver leurs places en se liguant contre le RN.

    ÉLÉMENTS. Pourquoi avoir choisi de consacrer un ouvrage à Marine Le Pen, que vous n’avez rencontré qu’une seule fois ?

    VINCENT COUSSEDIERE. Le livre est consacré à Marine Le Pen comme je l’imaginais et non à la Marine Le Pen réelle que je ne connais pas. Il part de cette rencontre à laquelle j’ai participé, organisée par Hervé Juvin, dans l’entre-deux tour de la présidentielle de 2027, et qui réunissait quelques intellectuels. Cette rencontre était très propice au fait que mon imagination opère une sorte de « cristallisation politique ». En effet, Marine Le Pen a dit très peu de choses, et a surtout beaucoup écouté et laissé parler ses interlocuteurs. Sa présence, son authenticité ont fait brèche dans la représentation essentiellement médiatique que je me faisais d’elle. Je lui ai offert, de manière complètement décalée par rapport à son ambition, le petit livre que je venais de faire paraître : Fin de partie, requiem pour l’élection présidentielle. C’était une curieuse manière de l’encourager pour le deuxième tour ! Tout ceci n’était pas très sérieux et pas très rationnel, comme base d’un engagement politique. D’ailleurs, je ne me suis pas engagé politiquement dans les années qui suivirent et n’ai accepté qu’à partir de 2022, de faire quelques interventions pour le RN. J’ai simplement continué de suivre Marine Le Pen à distance, mais de manière plus attentive et intéressée que je ne le faisais avant cette rencontre. J’ai trouvé qu’elle ne cessait de se bonifier dans l’adversité, malgré les échecs de 2017 et 2022. J’ai fini par penser qu’elle était peut-être la seule, dans la classe politique actuelle, à pouvoir réaliser ce dont nous avons besoin : débuter le redressement du pays, nous remettre la tête hors de l’eau.

             J’explique dans ce livre pourquoi j’ai fini par penser qu’elle pourrait occuper la place vide du grand homme qui nous manque. J’explique aussi qu’occuper la place, ce n’est pas tout à fait prendre la place. C’est au contraire assumer que la place reste vide, mais assumer qu’en attendant, il s’agit de faire ce que nous pouvons.  Je me moque en même temps un peu de moi-même : n’ai-je pas cédé à une forme d’illusion politique ? Mais n’avais-je pas en même temps des raisons d’y céder ?

    ÉLÉMENTS. Selon vous la stratégie de la « dédiabolisation » et la volonté de rupture avec l’héritage du Front national ont-elles été, en partie ou entièrement, des erreurs ?

    VINCENT COUSSEDIERE. La « dédiabolisation » est un slogan qui ne vient pas du RN, même s’il est repris parfois par celui-ci. Cette expression fait croire à une simple stratégie de communication par laquelle le RN aurait voulu se rendre acceptable par les médias. Or Marine Le Pen a fait une chose beaucoup plus importante. Elle a réorienté politiquement le parti en l’éloignant définitivement de ses tropismes antisémites et d’un nationalisme trop étriqué. Sur ce point, elle a fait œuvre très utile, qui s’est aussi accompagnée d’un travail de professionnalisation et de crédibilité. Il s’agissait ensuite, sur la base de ce travail, de ne plus se fermer la porte des médias, ou tout simplement de ne pas se heurter inutilement à  l’agressivité de ceux-ci. C’est aussi à l’égard des électeurs qu’il s’agissait de se « dédiaboliser » en évacuant les peurs liées au FN de Jean Marie Le Pen. 

             Je ne remets donc pas en cause que ce travail ait été utile dans le passé. Je critique qu’il se poursuive aujourd’hui dans un nouveau sens qui consiste à gommer la radicalité « nationaliste » du parti qu’il faudrait au contraire réaffirmer. Le retour à la nation est plus que jamais la priorité politique actuelle qu’il faut assumer. Encore faut-il être capable de préciser ce qu’on entend par nation dès lors qu’on a pris ses distances avec le nationalisme réactif de Jean-Marie Le Pen et qu’on prétend se distinguer d’un nationalisme identitaire du type de Zemmour ou d’un nationalisme souverainiste du type de celui de Phillipot. Encore faut-il expliquer aussi comment ce retour à la nation pourrait se faire dans un cadre européen, qu’on ne semble plus vouloir remettre véritablement en cause.  La dédiabolisation a pris la place de ce travail non effectué. Elle est devenue une fin et non plus un moyen, qui tend à occulter ainsi  que le véritable travail doctrinal sur le retour à la nation n’a pas été effectué.

    ÉLÉMENTS. La figure de Jordan Bardella représente-t-elle pour vous l’expression du renoncement au véritable « populisme » au profit d’une repositionnement classiquement « droitier » et libéral ?

    VINCENT COUSSEDIERE. Sur le fond, il est un peu tôt pour juger d’un éventuel tournant doctrinal.  Jordan Bardella continue de s’appuyer sur le programme du RN de 2022 et, sans doute aussi un peu sur celui qui est en gestation pour 2027, et qui n’a pas encore été rendu public. Il donne cependant quelques signes d’une stratégie qui se réorienterait davantage vers l’ « union des droites » que vers le « ni droite ni gauche »  populiste. Il semble également être un peu plus libéral et atlantiste que Marine Le Pen. Mais tout ceci reste encore assez indéterminé et semble relever davantage d’une stratégie de communication, que d’une doctrine alternative au « marinisme », si tant est que cette doctrine ait jamais existé. Si on avait mauvais esprit, on pourrait parfois avoir l’impression que Marine Le Pen et Jordan Bardella, à eux deux, nous font un peu du « et en même temps »…

             Sur la forme et le style politique, il est par contre évident que Bardella est beaucoup plus proche des jeunes loups tels Attal ou ex-jeunes loups tels Macron que de Marine Le Pen. Il s’est construit de manière essentiellement médiatique, comme d’ailleurs de jeunes et moins jeunes que lui dans la droite nationale : Marion Maréchal, Eric Zemmour, aujourd’hui Sarah Knafo. Comme eux, il est essentiellement un produit médiatique. Il ne s’est pas construit dans l’adversité d’une longue carrière politique comme Marine Le Pen. La manière dont il essaie de surfer sur ses livres, les lancements de ceux-ci par des causeries presque télé-évangéliques, sa maîtrise de la démagogie spectaculaire et ses passages très huilés et répétitifs sur les plateaux de télévision, son art des selfies, tout ceci a de quoi enchanter les uns et désespérer les autres. Je me place plutôt du côté de ces derniers… J’explique dans le livre pourquoi la force de Marine Le Pen était au contraire d’avoir réussi à ne jamais se soumettre entièrement au pouvoir médiatique, à ce que Guy Debord appelait « le talon de fer du spectacle », et ce malgré la dédiabolisation.

    ÉLÉMENTS.  À l’autre bout de l’échiquier politique, Jean-Luc Mélenchon incarne-t-il, pour vous, l’autre grande figure de ce « populisme » que vous avec beaucoup étudié ?

    VINCENT COUSSEDIERE. Il n’incarne pas le populisme dans le sens positif que j’ai redéfini comme « populisme du peuple », puisqu’il n’a pas de peuple derrière lui et n’en veut pas, puisqu’il va même jusqu’à théoriser cette absence de peuple comme étant le vrai « peuple » ! Ce sont les multitudes dénationalisées et communautarisées, c’est l’« archipel français » que Mélenchon veut fédérer par un discours victimaire. Un discours aussi bien anti-Français (il n’y a plus de Français d’origine mais que des métissés) qu’anti-institutions (la police tue). Mélenchon est un « populiste » au sens négatif du terme, c’est-à-dire un démagogue qui n’a aucune conviction véritable et veut à tout prix prendre le pouvoir en soufflant sur les braises de la guerre civile. Il faut lire à ce sujet le très bon livre de Rodolf Cart : Mélenchon, le bruit et la fureur, paru également aux éditions de La Nouvelle Librairie.

    ÉLÉMENTS. Vous terminez votre ouvrage en actant votre « adieu à la politique » . Cela signifie-t-il que, selon vous, dans ce domaine, « tout est foutu » et qu’il n’y a plus rien à espérer du jeu électoral ?

    VINCENT COUSSEDIERE. Le livre développe ce qu’aurait pu être la stratégie de Marine Le Pen après l’inéligibilité pour éviter d’avoir recours au plan B. Bardella est un jeune homme talentueux, mais l’enthousiasme qui monte autour de sa candidature à grands coups de sondages, lui assurant même aujourd’hui d’écraser la concurrence au deuxième tour, relève largement d’une forme d’intoxication voire d’auto-intoxication. Rappelons-nous des sondages de Zemmour qui finira à 7 % après avoir cotoyé les 20 % ! Rappelons-nous aussi les illusions de « Bardella premier ministre ». Et quand bien-même Bardella parviendrait au pouvoir, je doute qu’il possède déjà l’épaisseur morale et intellectuelle, ni l’entourage, pour mener la France sur la voie du redressement. Je me demande si Marine Le Pen elle-même ne s’est pas auto-intoxiquée par l’hypothèse Bardella, et par l’idée qu’elle aurait d’ors et déjà réussi à assurer l’avenir du parti, par delà le nom Le Pen. L’intuition « populiste » de Marine Le Pen risque de ne pas déboucher pas sur la nouvelle synthèse nationale dont nous avons besoin. Je crains qu’elle ne se dissolve dans une variante de droite du progressisme.

    Vincent Coussedière, propos recueillis par Xavier Eman (Site de la revue Éléments, 2 décembre 2025)

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