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Métapo infos - Page 578

  • Julien Rochedy : “Je fais partie d’une génération qui n’a pas peur de voir ce qu’elle voit !”

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien récent donné par Julien Rochedy à Valeurs actuelles et cueilli sur son site, dans lequel il évoque ses travaux de réflexion autour de la question masculine, de Nietzsche, du conservatisme, du progrès et de l'évolution. Publiciste et essayiste, Julien Rochedy est une figure montante de la mouvance conservatrice révolutionnaire.

     

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    “Je fais partie d’une génération qui n’a pas peur de voir ce qu’elle voit !”

    Samedi [décembre 2019], vous vous êtes illustrés par un tweet aux accents provocateurs qui a été abondamment commenté, notamment par la secrétaire d’État Marlène Schiappa. Il s’agit d’une photo prise dans votre supermarché de province montrant une pile de poupons métis et accompagnée du message suivant : « Maintenant nous n’avons même plus le choix […] le seul poupon mis en avant est métis […] » avant de conclure : « L’avenir nous est montré ; mieux, il nous est prescrit : disparaissez, sales blancs. » Vos opposants ont fustigé une obsession identitaire de votre part qui confinerait au racisme. Que leur répondez-vous ?

    Je fais partie d’une génération qui n’a pas peur de voir ce qu’elle voit, comme l’exhortait Charles Péguy, et encore moins de « décrire la réalité de manière spontanée » comme le formule Roger Scruton. Dès lors, je ne me cache pas derrière mon petit doigt ou derrière de grands concepts pour parler de choses crues qui, sous leurs dehors apparemment simplistes, sont en vérité fondamentales. J’entre dans un supermarché de province dans laquelle la population est encore à grande majorité blanche et je vois un poupon noir en tête de gondole. Est-ce quelque chose d’absolument anodin, ne méritant pas que l’on s’y arrête, ou est-ce plutôt quelque chose de très significatif dans le contexte d’une Europe qui a peur de s’affirmer et celui d’une immigration de masse venue d’un continent qui va démultiplier sa démographie dans les années à venir ? Selon moi, ce mignon petit poupon noir que Marlène Schiappa veut offrir à sa nièce, est très révélateur de l’état d’esprit qui préside à l’abandon de nous-mêmes. Nous ne sommes pas seulement une culture, des valeurs, un « mode de vie » ou autres abstractions utilisées pour nous définir dans les frontières du politiquement correct : nous sommes aussi des peuples d’ethnies européennes sans lesquels il n’y aura plus ni de France ni de civilisation européenne. Qu’importe que dire cela soit très mal vu : je préfère la vérité à un bon diner en ville.

    Ancien cadre du Front national, vous avez quitté la “politique politicienne” pour vous concentrer sur d’autres activités, entrepreneuriales et intellectuelles pour l’essentiel. Vos différentes réalisations, de l’école Major (site de développement personnel à destination des hommes) en passant par la tenue de conférences jusqu’à la rédaction d’ouvrages, convergent vers une même préoccupation : la crise de la civilisation européenne et occidentale. En cela, ne poursuivez-vous pas un travail éminemment “politique” ?

    J’ai compris assez vite que les politiques n’avaient pas de pouvoir et qu’ils n’étaient que des exécutants et des comédiens. Le vrai pouvoir se situe dans l’influence que l’on peut avoir sur les autres. Pouvoir influencer des décisions, des opinions, des modes et des mouvements, là réside la véritable puissance. Or, il y a deux manières d’influencer : soit par l’argent, soit par les idées. N’étant hélas pas riche, je me concentre sur les idées. Si, demain, je pouvais influencer une partie de la société civile ainsi que des acteurs importants, alors, oui, on pourrait considérer mon travail comme éminemment politique, car j’aurais atteint le vrai pouvoir. Pour l’heure, par exemple, je travaille sur une longue conférence-vidéo sur la pensée conservatrice. Elle sera sûrement vue par plusieurs dizaines de milliers de personnes, dont beaucoup de jeunes qui sont en politique et des acteurs du monde économique et culturel. Je le sais car ces gens m’écrivent. A ma petite échelle, c’est déjà de l’influence.

    La masculinité occupe une place de choix parmi vos réflexions. Tandis que le post-féminisme réduit l’identité masculine à une simple construction sociale, vous l’envisagez au contraire sous un prisme anthropologique. Pouvez-vous préciser votre pensée sur ce point ?

    Réfléchir à la masculinité autrement que sur le ton du seul reproche et de la condamnation vous transforme en « masculiniste », qui n’est qu’un autre mot pour dire, en langage progressiste, « homme de Cro-Magnon frustré et misogyne ». Pourtant, il faut admettre que la fin des sociétés traditionnelles, la tertiarisation de l’économie et les conditions de vie postmodernes ont apporté de toutes nouvelles façons de se penser homme et de se penser femme, ce qui a une profonde incidence sur nos vies, en amour, au travail, en famille, etc. Apparemment, dans ce nouveau monde, la masculinité classique semble devenue inutile, anachronique voire même souvent détestable. Et si ce point de vue n’était en fait que très superficiel ? Peut-être avons-nous toujours besoin d’hommes qui se pensent dans des contours classiques. Et peut-être même qu’en vérité, ces hommes n’ont jamais été aussi nécessaires. En général, je crois à la grande sagesse et à la profonde intelligence de l’existence de pôles masculins et féminins, et je redoute l’indifférenciation nihiliste à laquelle se livrent les postféministes qui, par ressentiment, cherchent désormais moins à s’occuper des femmes et à promouvoir le féminin qu’à haïr les hommes et vouloir liquéfier les genres. Je veux croire qu’il est toujours beau, bon et heureux qu’il y ait des hommes et qu’il y ait des femmes, pour le bonheur des deux d’ailleurs.

    Selon vous, nos sociétés sont en proie à une forme de nihilisme civilisationnel. Quels chemins préconisez-vous pour sortir de la nasse ?

    A la suite de Nietzsche, la question du nihilisme occidentale me hante. Pourquoi la civilisation européenne, qui est le lieu par excellence de la haute culture, de l’évolution et de la beauté, se renie-t-elle à ce point, craint de faire état de volonté de puissance et fait manifestement tout pour se suicider ? C’est un nihilisme profond qui est à l’œuvre ; un nihilisme entendu comme une maladie de l’esprit que les civilisations fatiguées, et trop coupées du naturel, attrapent. Il faut d’abord, comme en médecine, constater le mal. Faire réaliser au patient qu’il est en train de mourir. Ce n’est déjà pas gagné, car les progressistes ont souvent coutume d’appeler la mort « changement » pour tromper le monde. Puis, il faut essayer de comprendre les causes historiques, anthropologiques, philosophiques, et même biologiques, de la maladie nihiliste qui se propage si facilement dans l’existence postmoderne. Enfin, en termes de réponse et pour résumer brièvement, je crois qu’il faut se débarrasser de la moraline qui est son symptôme purulent, revenir au droit naturel, assainir nos modes de vie, et trouver de nouveaux défis civilisationnels exigeants. Tout cela est possible.

    Dans une publication récente sur votre site, vous expliquiez vouloir développer une nouvelle idéologie, “l’évolutisme”, consistant à lutter contre le progressisme ambiant sans céder aux sirènes de la nostalgie et à un chimérique retour du passé. Qu’entendez-vous par là ?

    Depuis des années, je cherche une réponse possible au progressisme qui soit autre chose que du pur conservatisme, car celui-ci a déjà beaucoup perdu et perdra encore. La vision du monde qu’oppose le conservatisme au progressisme n’est qu’un décadentisme et sa proposition idéologique n’est qu’un simple statu quo. En face, il y a des promesses, il y a un mouvement, il y a une narration empreinte de positif, même si elle est mensongère. Pour s’y opposer, il faut comprendre la signification profonde de la civilisation européenne et renouer avec ce qui la fonde : l’évolution. Or, l’évolution n’est pas le progrès, en tous cas pas celui entendu par la gauche ou par les libéraux. Pire encore : il semble bien que plus on « progresse », moins on évolue. La vérité est qu’en bien des domaines, nous régressons. La raison est simple, et elle tient dans la différence essentielle entre évolution et progressisme : pour évoluer, il faut partir de son état antérieur ; on évolue en fonction de ce que l’on est – grâce à ce que l’on est ; le passé n’est donc pas méprisé : il est fondamental pour évoluer. Au contraire, le progressisme est axiologiquement fondé sur la tabula rasa ; pour progresser comme ils l’entendent, il faut se débarrasser du passé, s’en « émanciper » – fondamentalement, on « progresse » donc contre ce que l’on est. Et cela change tout. A la place du conservatisme, c’est une doctrine de l’évolution qu’il faut opposer au progressisme, et c’est celle sur laquelle je travaille. Cependant, je ne suis malheureusement pas encore assez connu pour la formuler aujourd’hui, car j’aurais besoin de crédit. Mais ça viendra je l’espère.

    Vous travaillez présentement à la rédaction d’un prochain livre. Sur quoi portera-t-il ?

    Je publie à la rentrée trois de mes manuscrits de jeunesse : mon premier livre, un essai impétueux sur la décadence postmoderne nommé Le Marteau ; mon roman, Mourir à petit peu, roman d’une jeunesse sans vie ; et Nietzsche contre le nihilisme suivi de Nietzsche et l’Europe, deux essais que je réunis en un livre. Mon prochain livre traitera normalement de la condition masculine à l’heure actuelle. Je cherche à répondre à la question que nous sommes beaucoup à nous poser : est-il encore possible (et souhaitable !) de rester un homme aujourd’hui ? Et si oui, comment ? Si je parvenais à trouver une bonne maison d’édition, je suis sûr que ce pourrait être un best seller ! Car ce sujet, même s’il est un peu méprisé par l’intelligentsia comme un sujet mineur, n’en demeure pas moins essentiel pour la vie réelle de millions de gens.

    Julien Rochedy (Club Valeurs actuelles, 19 décembre 2019)

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  • Confinez-vous avec : ... La légende de Gösta Berling, de Selma Lagerlöf !

    Avec la crise du coronavirus, les maisons d'édition reportent la publication de leurs nouveautés à des jours meilleurs. Cette période sera donc l'occasion de vous signaler, au gré de l'inspiration du moment, des ouvrages, disponibles sur les sites de librairie en ligne (ceux dont l'activité se poursuit...), qui méritent d'être découverts ou "redécouverts".

    On peut trouver publié aux éditions Stock, un roman de Selma Lagerlöf intitulé La légende de Gösta Berling. Femme de lettres suédoise, Selma Lagerlöf (1858-1940) a obtenu le prix Nobel de littérature en 1909 et est particulièrement connue pour Le merveilleux voyage de Niels Holgersson à travers la Suède.

     

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    " Selma Lagerlöf nous raconte la vie bizarre, brutale et à demi fantastique d'une petite commune du Vermland, sa province à elle, dans la première moitié du XIXe siècle. Ses héros sont des paysans, des officiers retraités, des bohèmes et surtout Gösta Berling, le pasteur défroqué, buveur, joueur, débauché, qui répand autour de lui la joie, et la folie de vivre. On lit La légende un peu comme on assiste à une longue veillée où des personnages rudes, impulsifs, fantasques, viennent chacun raconter leur histoire... "

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  • Docteur Molière et Mister Diafoirus...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François Bousquet, cueilli sur le site de la revue Eléments et consacré aux descendants du docteur Diafoirus, qui occupent le devant de la scène depuis le début de la crise sanitaire. Journaliste et essayiste, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a notamment publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017) et Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2019).

     

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    Biopolitique du coronavirus (6). Docteur Molière et Mister Diafoirus

    – Quoi de neuf ?
    « Molièrrre », répondait inlassablement Sacha Guitry, de sa voix de velours. Molière toujours recommencé. On aurait pu croire notre gloire nationale dépassée par les progrès de la science, renvoyée dans d’obscurs âges médicaux quand la secte des médicastres formait une redoutable bande de fossoyeurs – en plus chers et plus verbeux. Il n’en est rien. La médecine coronavirale sous tutelle publique confine toujours comme au bon vieux temps de la peste, elle interdit toujours de voir la dépouille des défunts comme au temps du choléra et elle dépêche aux cas désespérés Michel Cymes, la coqueluche des Ehpad, pour annoncer aux derniers résidents qu’ils ne survivront pas à ses blagues. Mais pas de panique, les vieux, y’aura des masques pour la prochaine épidémie !

    Le coup est rude pour Hippocrate. Il y a à peine trois mois, la médecine rêvait en grand, une nouvelle ère s’ouvrait, l’homme augmenté, les nanotechnologies, l’intelligence artificielle. Aux dernières nouvelles, seuls les respirateurs sont artificiels. La médecine, qui avait avantageusement remplacé les curés, du moins avait-elle fini par s’en convaincre, avait oublié l’essentiel : il faut quelqu’un pour administrer les derniers sacrements – en débranchant les malades. La voici donc de nouveau aussi désarmée, aussi hébétée, aussi impuissante, qu’au temps de Molière. Bien sûr, elle ne dit plus aux malheureux : « Souffrez, on s’occupe du reste ! », elle a ajouté une pincée de paracétamol. Prenez du Doliprane en somme, et on s’occupera du reste !

    Pharmafoirus en digne héritier

    On peine à déceler sous les traits des bureaucrates du ministère de la Santé et des barbons sortis de cet Ehpad qu’est l’Académie de médecine, tous choisis par Macron en personne, des avatars, même lointains, du docteur Diafoirus. C’est pourtant lui qui régente notre santé. Son champ de rayonnement s’est même considérablement élargi, si bien qu’il faudrait l’appeler Pharmafoirus. Comme son ancêtre, Pharmafoirus s’est fait une spécialité de soigner des maladies qui n’existent pas, selon la forte doctrine et parole du docteur Knock. Là où Diafoirus assommait de noms latins les dupes qu’il dénichait, il vous abreuve de molécules aux formules alambiquées. Là où son ancêtre multipliait les lavements purgatifs en vous enfonçant dans les fesses des seringues anatomiquement monstrueuses, grosses comme des pompes à vélo rustiques, lui vous vaccine des shoots fixés à l’alu. Là où il faisait des saignées à en crever, il intube jusqu’à l’asphyxie.

    La peste soit de Didier Raoult

    Pharmafoirus n’a pas de visage, rien que des masques successifs (quelle ironie à l’heure où il ne parvient pas en fabriquer en quantité suffisante). S’il y en a deux à épingler, bien grimaçants, farcis de morgue, dans le musée des horreurs médicales, c’est le couple infernal Agnès Buzyn-Yves Lévy. La survaccination précoce en France, c’est elle. Le lobbying vaccinal, c’est lui. La multiplication des conflits d’intérêt, c’est eux. La demande d’assouplissement des règles sur les conflits d’intérêt, c’est elle. Le Raoult bashing, c’est eux aussi, c’est eux d’abord – et Didier Raoult ne s’est pas privé de le rappeler, quand les « fondamentalistes de l’Inserm », alors dirigé par Yves Lévy, ont voulu mettre en coupe réglée les Instituts hospitalo-universitaires (IHU), dont le sien. Tout cela a été dit et redit.

    C’est la « génération Sida », pour parler comme l’infectiologue marseillais, la maladie des élites culturelles, pas des Gilets jaunes, comme on s’en doute, plus Téléthon que Sidaction, mais chut ! Pierre Bergé pouvait dauber autant que son argent le lui autorisait les priorités philanthropiques des ploucs, l’inverse n’est pas possible. Dont acte.

    Cette génération, ce n’est pas seulement Yves Lévy, c’est aussi Jean-François Delfraissy, à la tête du Conseil scientifique de l’Élysée et Françoise Barré-Sinoussi, à la tête du CARE (Comité analyse recherche et expertise) – encore un pseudopode inutile fraîchement créé par l’exécutif, qui vient redoubler les avis du Conseil scientifique (pour une affaire d’ego sûrement). Clemenceau recommandait de nommer des commissions pour enterrer les problèmes. Nous, on fait mieux : on crée des problèmes en multipliant les commissions.

    Génération Sida

    Au passage, quel linguiste charitable viendra couper le robinet d’eau tiède de ce vocabulaire psychologisant, compassionnel, anglicisé de surcroît, trempé dans les sucreries des niaiseries cucumanitaires. Quoi de plus saugrenu que le CARE ! L’État français n’est pas une ONG, que diable ! Et pourquoi lancer aussi prématurément (et triomphalement) une opération Résilience, alors qu’on vient à peine d’entrer dans la phase épidémique – et pas post-traumatique, que l’on sache. De quoi le Covid-19 serait-il résilient à ce stade, sinon de l’incurie et de l’incompétence de l’exécutif ? Tous ces kilotonnes de sollicitude recyclés par la novlangue des communicants finissent par ne plus rien dire à force de tout dire. Fatalité du macronisme né d’un coup de force médiatique, sa gestion de crise porte la marque de la communication dont il procède. Or, cette communication de crise a été conçue pour gérer les infidélités de Monsieur et la couleur des robes de Madame, pas pour affronter des pandémies. La gestion devient alors gesticulation.

    Revenons à cette génération dorée et tapis rouge, cliniquement parlant. Elle cherche un vaccin contre le Sida depuis bientôt 40 ans comme d’autres cherchaient l’or des Incas. La quête de cet Eldorado a englouti des milliards. À ce niveau de gabegie, la recherche ne se résume plus qu’à la recherche de financement pour financer le financement de la recherche de financement.

    Cocoricovid

    L’avenir dira si Raoult et ses équipes se sont trompés. Il suffira de comparer les niveaux de pénétration épidémique à Marseille et dans le reste de la France. Les déclarations du professeur auront en tout cas permis de donner un fantastique coup de pied dans la termitière médicale, et accessoirement de mettre le dépistage à l’ordre du jour en France. On s’étonne d’ailleurs que ce dépistage, dont la quasi-obligation est placardée dans tous les cabinets médicaux de France, ait pu faire l’objet d’un tel tir de barrage. Raoult ? Allez savoir !

    Curieux pays. On tient enfin une pointure internationale, il faut qu’on lui savonne la planche. Les Marseillais, enorgueillis et retrouvant les accents tarasconnais de Tartarin, croient rejouer gagnant le Classico, mais le vrai match, c’est celui qui oppose les élites, certes parisiennes, et le peuple. Ce dernier se tient prêt à lancer des Cococorico, Cocoricovid, en faisant une belle quenelle au Système. Raoult est son champion, n’a-t-il pas eu droit à un tweet décoiffant de Trump, le plus grand performer artistique du moment, qui soit dit en passant ressemble de plus en plus à Michou.

    Les fans de Raoult l’ont comparé au druide Panoramix. C’est flatteur. La vérité, c’est qu’on ne sait pas si Raoult est Panoramix ou Amnésix, le druide chargé de guérir Panoramix dans Le Combat des chefs, après qu’un lancer supersonique de menhir, œuvre de cette godiche d’Obélix, l’eut heurté (Amnésix aussi du reste) : génial tout court ou génial mais fou ? Pasteur ou Pastis ? Ou les deux peut-être.

    À son actif, il soigne les maladies sans traitement connu comme on devrait les traiter : empiriquement, à tâtons, en bricolant, en se trompant, comme les pionniers, comme les aventuriers.

    – Ouh là là, objectent ses détracteurs ! Vous n’y pensez pas ! Et la méthodologie ? Et le protocole thérapeutique ? Et le code de la route ?

    Oh les gars, il ne part pas en vacances, le Raoult, il conduit une ambulance à 180 km/heure dans un système hospitalier embouteillé par les malades.

    – Pfuit, populiste va !

    C’est ce qu’un chef de service, la cruche du jour, lui a reproché (du « populisme médical »). Il a été entendu. Pharmafoirus a donc décidé – très officiellement, très hippocratiquement et très méthodiquement – de tester l’hydroxychloroquine sur des souris pendant six mois, puis sur des lapins blancs en période de reproduction, puis sur Agnès Buzin, avant de délibérer aux voix entre le comité Théodule, j’ai nommé le Conseil scientifique, et le comité Théophraste, j’ai nommé le CARE et l’ego de Madame Barré-Sinoussi. Et quand il y aura 100 000 morts, on administrera enfin la chloroquine, mais aux survivants. La belle affaire !

    L’anti-discours de la méthode

    Franchement, la méthode, on s’en fout, comme du protocole. Il n’y a pas de méthode qui tienne ici. Feu le professeur Lucien Israël, un sacré bonhomme et une sacrée pointure, disait des protocoles thérapeutiques que c’était le sommet de la médiocrité médicale. Raoult ne dit pas autre chose, la truculence en plus. Le « paradigme du parachute » et la « méthode de Tom » racontés par lui, c’est du Jean Yanne. Ils devraient être enseignés dans tous les amphis de médecine. Leur irréfutabilité jetterait Karl Popper dans la perplexité.

    La vérité, c’est que la plupart des grandes choses qui ont changé le cour de l’histoire ont été faites sans protocole. Mieux et plus encore : elles n’ont été rendues possible que parce qu’il s’est trouvé quelqu’un qui a jeté par la fenêtre ce putain de protocole. Comment comprendre autrement « la lettre tue, l’Esprit vivifie », règle de vie ? Le protocole, c’est fait pour les cons, pour les docteurs de la loi, pour les pharisiens, pour Adolf Eichmann. Eichmann suivait le protocole à la lettre. Amen !

    Quand on sait d’ailleurs comment fonctionnent les comités de lecture « indépendant »… Les joyeux lurons qui ont publié le canular sur la culture du viol dans les jardins publics chez les chiens sont intarissables sur le niveau intellectuel de ces revues savantes. Mention spéciale dans leur papier aux discriminations contre la gent canine queer, même pas relevé par les membres du jury. À ce niveau d’« hénaurmité », la méthodologie rappelle furieusement la scolastique et la syllogistique brocardées par Rabelais. Alfred Jarry et le Docteur Faustroll ne sont pas loin. Il y a toute une littérature savante consacrée au sujet depuis l’étude pionnière de John Ioannidis, « Pourquoi la plupart des résultats de recherche publiés sont faux » (Stanford University, 2005). Les « Monsanto papers » ont révélé combien la FDA, la Food and Drug Administration, la principale agence américaine, était gangrenée jusqu’à l’os.

    Lisez l’excellent blog « Anthropo-logiques » de Jean-Dominique Michel, anthropologue médical suisse, parfait connaisseur des arcanes du monde médical. Lui parle de « corruption systémique », c’est-à-dire que la corruption est endogène au système de santé, elle en est même la signature génétique. Médecins, industriels, agences publiques, la relation est devenue incestueuse, au point d’accoucher elle aussi de monstruosités : les scandales sanitaires (Mediator, Dépakine, Vioxx, crise des opioïdes, etc.) Crime organisé, a pu dire le chercheur Peter Gøtzsche, cofondateur de la plus grande veille mondiale sur Big Pharma. Alors, après le crime en col blanc, le crime en blouse blanche ?

    La faillite d’un système

    C’est tout un système qui a fait faillite, privé et public dans le plus parfait mélange des genres – les labos, le ministère de la Santé, les agences sanitaires gouvernementales, les mandarins de la Faculté de médecine. Ah, ces mandarins ! Ouvrez Les Morticoles (1894) de Léon Daudet. C’est Molière à 250 ans de distance, une fable outrancière, swiftienne, contre les toquades médicales, très proche, la comparaison surprendra, de la Némésis médicale (1975) d’Ivan Illich.

    Et encore ni Léon Daudet ni Molière ne connaissaient le médecin fonctionnaire, le rond-de-cuir de la santé, le technocrate médical qui gèrent le coronavirus avec des tableaux Excel en télétravail. Le directeur de l’Agence régionale de Santé du Grand Est (évidemment nommé par l’État, à la tête d’une région sans autre existence qu’administrative) faisait les deux. Christophe Lannelongue de son nom. Il faut encadrer ce patronyme et le signaler à l’attention de la postérité. Auto-confiné à Paris, ce haut fonctionnaire pilotait depuis sa cuisine, chocolat chaud à la main, la réponse de l’État à l’offensive du Covid dans le Haut-Rhin, tout en déclarant, début avril, toujours depuis sa cuisine parisienne, à des journalistes de L’Est républicain interloqués, qu’il était hors de question, pandémie ou pas, d’interrompre la suppression de postes et de lits au CHRU de Nancy, alors qu’on en cherchait désespérément ! Macron l’a limogé, quand bien même il ne faisait qu’appliquer scrupuleusement la feuille de route présidentielle.

    De Max Weber à Michel Crozier, une sociologie plutôt conservatrice a montré comment dans les univers impersonnels et déshumanisés se développait parfois une « personnalité bureaucratique », généralement étriquée, vouée à élargir sans arrêt son périmètre de pouvoir. Le lebensraum du fonctionnaire et de son coup de tampon ! C’est fou ce que le pouvoir de donner un coup de tampon confère de pouvoir à celui qui tient le tampon. La délivrance des homologations pour fabriquer des masques ou faire des tests nous en a fourni un aperçu. Combien de laboratoires ont-ils couru après une autorisation administrative qui n’est peut-être toujours pas arrivée ?

    Mais ce n’est rien à côté de l’administration centrale. Du haut du ministère de la Santé, forte de son jacobinisme criminel, elle a fusionné les organismes comme on a fusionné les régions et les communes, avec une règle de calcul, des préjugés technocratiques et une méconnaissance totale des réalités du terrain. En est sortie une super-usine à gaz (les seules qu’on fabrique encore en France). Voici en deux mots l’histoire de l’Agence nationale de santé publique, créée en 2016, sur la base d’un rapport lui-même issu de rapports eux-mêmes issus de rapports qui ressemblent à tous les autres rapports qu’on peut lire dans d’autres rapports, les uns et les autres baptisés, par ironie on suppose, rapports d’activités, alors que l’activité principale se résume à rédiger des rapports. Inévitablement, cette Agence nationale qui a tout refondu a englouti l’organisme qui gérait les stocks stratégiques de médicaments et matériel. Zou, à la trappe.

    En rupture de stock

    On fera valoir que cette notion de stock est désormais une hérésie comptable appartenant à l’ancien temps. À l’heure de la mondialisation et des flux tendus, le meilleur des stocks, c’est l’absence de stocks, fussent-ils stratégiques. Si du reste il n’y a plus de stocks stratégiques, on en induit, comme on nous a appris à le faire à l’école, qu’il n’y a plus de stratégie du tout.

    Tout cela n’a d’ailleurs pas empêché l’État de préempter les stocks d’hydroxychloroquine – subitement les réserves stratégiques reprenaient tout leur sens –  pour les formes sévères de Covid alors qu’il apparaît que la molécule est inefficace quand elle est prise en phase de détresse respiratoire. Pour une fois, miracle, nulle pénurie à l’horizon. Aïe ! On a donc décidé d’en créer une, sur-le-champ, en asséchant les stocks de la molécule (et pendant ce temps-là, le groupe « français » Sanofi, fabricant de ladite molécule, a choisi de la distribuer gratuitement un peu partout dans le monde, 100 millions de doses quand même). En rupture de stock, ce pourrait être le titre de la tragi-comédie nationale qui tient l’affiche depuis deux mois. En rupture de masques, en rupture de tests, en rupture de soignants, en rupture de lits, en rupture d’imagination, en rupture de chefs. Régis Debray nous a récemment rappelé un des derniers mots de Malraux à qui on demandait peu de temps avant sa mort ce qui caractérisait notre âge : « L’absence de décision », répondit-il laconiquement, pour une fois. Que dirait-il aujourd’hui ? Des comités, des commissions, des instances consultatives à n’en plus finir. Toujours repousser la prise de décision, toujours les atermoiements. Personne ne veut choisir, on préfère en déléguer le soin à la « méthode ». La méthode, c’est indifféremment les protocoles, les procédures, les normes, les lois, les règles. Pour le reste, la procrastination préside à l’absence de décision. Ici aussi, le décisionnisme schmittien – on le redit, l’essence du politique, ce qui fonde sa souveraineté – a été battu en brèche par le normativisme, car il y a un normativisme médical, pas seulement juridique. Cette faillite de la décision est générale, elle affecte autant le savant que le politique, pour parler comme Max Weber, chacun dans son registre respectif. Plus encore peut-être en France où, tradition jacobine et saint-simonienne oblige, l’administration des choses depuis Paris s’est substituée au gouvernement des hommes depuis chez eux. Ce qui veut dire, en bon français, qu’on est vraiment dans la merde…

    François Bousquet (Éléments, 24 avril 2020)

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  • Confinez-vous avec : ... L'Antéchrist, de Friedrich Nietzsche !

    Avec la crise du coronavirus, les maisons d'édition reportent la publication de leurs nouveautés à des jours meilleurs. Cette période sera donc l'occasion de vous signaler, au gré de l'inspiration du moment, des ouvrages, disponibles sur les sites de librairie en ligne (ceux dont l'activité se poursuit...), qui méritent d'être découverts ou "redécouverts".

    On peut trouver aux éditions Gallimard, dans la collection de poche Folio, un essai de Friedrich Nietzsche intitulé L'Antéchrist. Plus de cent ans après sa mort, l'auteur de Ainsi Parlait Zarathoustra et de Par-delà bien et mal, qui a appelé à surmonter la "mort de Dieu " et le "règne du dernier homme", reste d'une profonde actualité.

     

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    " «Rien ne sert d'embellir et de farder le christianisme : il a livré une lutte à mort à ce type supérieur d'humanité, il a jeté l'anathème sur tous les instincts élémentaires de ce type. À partir de ces instincts, il a su distiller le mal, susciter le méchant : l'homme fort étant par définition celui que l'on réprouve, le «réprouvé». Le christianisme a pris le parti de tout ce qui est bas, vil, manqué, il a fait un idéal de l'opposition à l'instinct de conservation de la vie forte. Même aux natures les mieux armées intellectuellement, il a perverti la raison, en leur enseignant à ressentir les valeurs suprêmes de l'esprit comme entachées de péché, induisant en erreur, comme des tentations. Exemple le plus lamentable : la perversion de Pascal, qui croyait à la perversion de sa raison par le péché originel, alors qu'elle n'était pervertie que par son christianisme !»
    Friedrich Nietzsche. "

     

     

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  • On ne voit qu'une solution, c'est la dissolution !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique mordante et réjouissante de la France de Campagnol, par Christian Combaz, consacrée à la crise du coronavirus et à la manière dont elle est ressentie par les Français d'en-bas. A déguster !

    Romancier et journaliste, Christian Combaz est notamment l'auteur de Gens de Campagnol (Flammarion, 2012), de Portrait de Marianne avec un poignard dans le dos (Le retour aux sources, 2018) et de La France de Campagnol (La Nouvelle Librairie, 2020).

     

                                        

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  • Confinez-vous avec : ... En attendant le roi du monde, d'Olivier Maulin !

    Avec la crise du coronavirus, les maisons d'édition reportent la publication de leurs nouveautés à des jours meilleurs. Cette période sera donc l'occasion de vous signaler, au gré de l'inspiration du moment, des ouvrages, disponibles sur les sites de librairie en ligne (ceux dont l'activité se poursuit...), qui méritent d'être découverts ou "redécouverts".

    On peut trouver publié aux éditions L'Esprit des péninsules et réédité chez Pocket, un roman d'Olivier Maulin intitulé En attendant le roi du monde. Anar de droite, tendance Rabelais, critique littéraire à Valeurs actuelles, alsacien et roi de Montmartre, Olivier Maulin est l'auteur de plusieurs romans truculents et païens, comme Les évangiles du lac (L'esprit des péninsules, 2008), Petit monarque et catacombes (L'esprit des péninsules, 2009), Les Lumières du ciel (Balland, 2011),  Le Bocage à la nage (Balland, 2013), Gueule de bois (Denoël, 2014) ou La fête est finie (Denoël, 2016), mais aussi d'un recueil d'articles polémiques revigorant, Le populisme ou la mort (Via Romana, 2019).

     

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    " Pour convaincre Romain de venir vivre avec elle au Portugal, Ana n'a pas eu à insister beaucoup. Car à 29 ans, sans grandes ambitions, c'est avec plaisir qu'il abandonne ses petits boulots parisiens pour une nouvelle ville, une nouvelle langue, de nouvelles rencontres... Rapidement, Romain se lie d'amitié avec Lucien, un grutier français. Un drôle de type, ce Lucien, qui se prétend chaman et vit son métier comme un sacerdoce. Romain lui doit d'ailleurs la révélation de sa propre vocation de grutier, un travail enfin stable, et sans doute un peu plus... Car en montant dans le bus pour Lisbonne, Romain savait qu'il partait en voyage, seulement il ignorait la vraie destination. "

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