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Métapo infos - Page 581

  • Coronavirus : l’Occident a-t-il échoué ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Dmitry Orlov cueilli sur De Defensa et consacré à l'échec de l'Occident au test civilisationnel du Coronavirus...  De nationalité américaine mais d'origine russe, ingénieur, Dimitry Orlov, qui a centré sa réflexion sur les causes du déclin ou de l'effondrement des civilisations, est l'auteur d'un essai traduit en français et intitulé Les cinq stades de l'effondrement (Le Retour aux sources, 2016).

     

    dmitry orlov,

    Coronavirus : l’Occident a échoué 

    Avec toute l’encre qui a coulé au sujet du SARS-CoV-2 et du COVID-19 et ses diverses ramifications et effets, vous pourriez penser qu’il y a peu à ajouter. Cependant, je n’ai pas encore vu d’article sur le coronavirus en tant que test – non pas dans le sens d’un test pour la présence du virus ou d’anticorps à celui-ci, mais en tant que test pour nous, en tant qu’individus, familles, communautés et nations entières. Nous constatons déjà que ses effets vont de relativement bénins à désastre complet. Comme toujours, blâmer le test pour son échec est une invitation au rire, à ses propres dépens.

    Les personnes susceptibles de rater un test peuvent préférer refuser de le passer. Mais refuser de passer le test du coronavirus n’est guère une option. Selon de nombreux épidémiologistes, environ 80 % de la population mondiale sera finalement exposée à ce virus. Un prince machiavélique régnant sur une société primitive qui ne dispose même pas d’un système de santé publique rudimentaire pourrait tout simplement l’ignorer. Ensuite, sur la base des chiffres actuellement disponibles, peu concluants certes, environ 4 % de la population mourra, mais la majorité d’entre eux seront soit âgés, soit malades, soit les deux. Le prince s’en féliciterait, pensant que les personnes âgées et malades sont un fardeau, alors bon débarras ! Il pourrait même essayer de tirer un profit politique de la situation : puisque le virus a une source étrangère, ceux qu’il infecte sont aussi d’une certaine manière étrangers, ou influencés par l’étranger, et donc des traîtres qui méritent cette affliction comme une sorte de punition surnaturelle. Le fait d’appeler le SRAS-CoV-2 “le virus chinois” va dans ce sens.

    Mais si cette principauté machiavélique dispose d’un système de santé publique, aussi modeste soit-il, elle n’a pas la possibilité de refuser toutes les personnes malades. Mais si l’on tente de les soigner sans préparation sérieuse, tous les médecins risquent d’être infectés. Le contact quotidien avec des personnes infectées leur fera accumuler une charge virale trop élevée pour que leur système immunitaire puisse la gérer. En conséquence, la principauté peut se retrouver rapidement à court de médecins. En retour, le taux de mortalité parmi la population qui aurait survécu au coronavirus augmentera parce que de nombreuses causes de décès de routine ne pourront plus être évitées. Cela pourrait amener le prince à faire une pause dans sa réflexion …

    Pourtant, les politiciens de plusieurs pays ont d’abord pris le chemin d’une passivité presque totale face à l’épidémie de coronavirus. Cette liste comprenait au départ les États-Unis, le Royaume-Uni et la Suède, et ils n’ont commencé à réagir que lorsqu’ils ont vu leurs systèmes de santé publique commencer à céder sous la pression, et s’effondrer. Une stratégie commune a maintenant été mise au point. Elle comprend la fermeture de toutes les frontières et l’autorisation de rapatriement pour les touristes et les expatriés uniquement ; le dépistage et la mise en quarantaine des personnes rapatriées ; la fermeture de toutes les entreprises et organisations non essentielles et l’auto-isolement de la quasi-totalité de la population ; la mise en quarantaine de toutes les personnes infectées ; et la construction rapide d’installations hospitalières spécialisées avec de grandes unités de soins intensifs. En attendant, des travaux sont en cours sur de nombreux vaccins candidats, qui offrent la défense ultime contre le virus, mais ces travaux prendront de nombreux mois.

    L’auto-isolement est avant tout un test. Il est particulièrement difficile pour les personnes seules et sans enfant. Je ne sais pas ce qui est le pire : l’isolement ou l’enfermement avec un ou plusieurs enfants agités. L’effet sur les familles diffère selon le type de famille. D’une part, les communautés en confinement ont connu une augmentation de l’incidence des troubles domestiques. Ces situations sont probablement exacerbées lorsque l’isolement s’accompagne d’une perte de revenus, d’une menace de faillite personnelle, d’une incapacité à payer le loyer et d’autres problèmes financiers. D’autre part, certains couples ont accueilli favorablement la possibilité de passer plus de temps entre eux et avec leurs enfants. Certains d’entre eux ont même découvert les joies de l’enseignement à domicile et explorent celles de la cuisine familiale. C’est à peu près aussi positif que l’auto-isolement, mais dans une certaine mesure et pour presque tout le monde, l’auto-isolement est une épreuve.

    Au-delà de ces effets personnels, l’auto-isolement entraîne une réaction en chaîne d’effondrement commercial. Dans ce cas, l’effondrement commercial entraîne l’effondrement financier, car une baisse des revenus de l’entreprise entraîne des répercussions sous la forme d’une incapacité à assumer ses responsabilités financières. Les salaires restent impayés, les loyers, les baux et les remboursements de prêts deviennent caducs, la faillite et la liquidation commencent à sembler inévitables. Dans certains cas, les gouvernements peuvent intervenir et fournir un financement à taux zéro pour permettre aux entreprises de continuer à payer les salaires, d’accorder des délais de paiement sur les prêts et les impôts et d’autres mesures de ce type.

    De telles mesures peuvent atténuer la douleur à court terme, mais quels effets cela aura-t-il à long terme ? Les premières victimes de l’auto-isolement seront les industries qui dépendent des dépenses discrétionnaires des consommateurs grâce à leurs excédents de revenus : la restauration et le tourisme. Quel est l’intérêt de sauver ces entreprises – et les entreprises qui les approvisionnent, comme les compagnies aériennes et les avions, les hôtels, les bus touristiques, etc. – si la demande pour leurs services ne revient pas dans un avenir prévisible ? Et elle ne reviendra pas – à condition que les gens soient conscients que vivre au jour le jour, aller manger ou faire des voyages même s’ils n’ont pas d’économies, est un très mauvais plan. Beaucoup d’entre eux s’en rendront probablement compte, après avoir survécu à cette épreuve, tandis que les autres finiront tout simplement ruinés. Manger et partir en voyage pour le plaisir ne sont pas des nécessités ; avoir une bourse d’or et d’argent et un stock de nourriture dans la cave le sont. Vivre au-dessus de ses moyens et toujours à crédit peut être efficace, jusqu’à ce que la chance tourne. Et pour beaucoup de gens, avec l’arrivée du coronavirus, elle s’est épuisée.

    Est-il raisonnable de s’attendre à ce que, dans le courant de l’année, une fois que l’on aura gagné suffisamment de temps et que certaines des restrictions auront été levées – tandis que d’autres, comme les voyages à destination/en provenance de régions dangereuses, devront rester en place – les économies des pays mieux gérés se redresseront et afficheront une reprise en forme de V ? Cette attente peut être justifiée en ce qui concerne les économies qui ont une forte composante manufacturière en raison du phénomène de demande retardée : le monde continue à consommer un certain nombre d’ampoules, de liquides vaisselle et de filtres à eau, qu’il soit ou non sous confinement. Les usines peuvent fonctionner en équipes en 3/8 et rattraper le temps perdu. Mais il n’en va pas de même pour les économies de services, qui sont celles de la plupart des pays occidentaux – jusqu’à l’arrivée du virus – mais qui ne le seront probablement plus, d’abord parce que de nombreuses “industries” de services, comme le tourisme et les restaurants, ont été détruites, et ensuite parce que la demande pour ces services sera lente à revenir, si jamais elle revient, parce que les gens fauchés ne mangent pas au restaurant et que les gens effrayés ne prennent pas l’avion pour se rendre dans des endroits exotiques, potentiellement infectés par le coronavirus.

    Dans l’ensemble, ce qui aurait dû se produire se serait produit indépendamment de toute pandémie de coronavirus. Le virus offre une excuse commode pour expliquer l’effondrement de l’économie mondiale, mais elle s’était déjà bien effondrée des mois avant son arrivée sur la scène. Certains des chiffres financiers falsifiés semblaient encore relativement optimistes, mais la production industrielle déclinait de manière significative dans des nations productives clés telles que l’Allemagne et le Japon, tandis que la Chine et l’Inde affichaient les taux de croissance les plus faibles depuis plus d’une génération. Ce sont ces chiffres qui comptaient, alors que la “performance” d’économies de services presque purement parasitaires, axées sur les consommateurs, s’est avérée ne pas compter du tout. Et puis, en août 2019, il s’est avéré que la dette publique américaine n’était plus valable comme garantie, et elle ne l’est toujours pas. C’est à ce moment qu’il est devenu évident que les nations exportatrices non parasitaires, productives et non occidentales n’allaient plus accepter des promesses vides de sens, au lieu de paiements, avant longtemps. La réponse des nations occidentales a été de faire d’autres promesses vides – c’est-à-dire d’imprimer plus d’argent. Que pensez-vous que cela leur apportera ? Pas grand-chose, je pense.

    Compte tenu de cette tournure des événements, inévitable mais très joliment précipitée par l’arrivée du coronavirus, chacune des composantes majeures de l’économie mondiale est confrontée à une tâche différente. Pour la Chine, c’est la fin d’une longue période d’expansion économique et de développement social massif, nécessitant un passage à un modèle de développement durable à un rythme plus lent, car la demande étrangère pour les produits fabriqués en Chine ne peut plus être utilisée pour poursuivre l’expansion économique.

    Pour la Russie, la tâche reste la même : continuer à suivre la voie qu’elle a empruntée depuis au moins 2014 pour atteindre une souveraineté totale et une autarcie limitée tout en passant de l’exportation de matières premières à l’exportation de produits manufacturés. Elle est assez avancée sur cette voie et est déjà autosuffisante dans de nombreux domaines, y compris l’alimentation et pour de nombreux produits manufacturés, dont une grande partie du reste provient de Chine et d’autres nations non occidentales avec lesquelles la Russie entretient des relations amicales. Les sanctions occidentales antirusses ont été très utiles à cet égard. Les Russes ont d’abord été lents à reconnaître le danger de la dépendance occidentale et ont nourri l’espoir d’être traités équitablement. Les sanctions les ont aidés à se mobiliser.

    Quant à l’Union européenne et aux États-Unis, la tâche qui les attend est d’essayer de ne pas s’effondrer. Jusqu’à présent, ces deux unions semblent s’acquitter assez mal de cette tâche. Face à la crise du coronavirus, les nations de l’UE n’ont pas réussi à s’entraider et ont plutôt eu tendance à se voler mutuellement des fournitures médicales essentielles tout en réclamant l’aide de la Chine et de la Russie – qu’elles reçoivent. Pendant ce temps, le vaisseau-amiral de l’UE, ainsi que l’OTAN, se sont révélés complètement inutiles. Il y a eu tellement de désaccords entre les pays membres de l’UE qu’un retour à un statu quo ante optimiste semble peu probable. Pour l’instant, le seul point d’optimisme est que l’afflux de migrants a été stoppé. Mais c’est aussi un point de pessimisme pour la Turquie et l’Afrique du Nord où ces migrants ont été parqués par millions, dont beaucoup sont détenus dans des camps de réfugiés qui vont probablement devenir de puissants incubateurs de coronavirus.

    Aux États-Unis, divers États de l’Union semblaient initialement faire un effort pour venir en aide aux États les plus touchés par la crise, mais ce modèle ne fonctionne que si la crise touche quelques États alors que celle-ci les touchera tous et nécessitera une approche centralisée de la gestion des crises. À cet égard, Washington s’avère à peu près aussi utile que l’UE ; une combinaison d’incompétence et de tracasseries bureaucratiques a produit une situation dans laquelle les États-Unis ont une capacité très limitée à découvrir qui est infecté et qui ne l’est pas. L’une des principales lacunes des États-Unis, qui s’avère aujourd’hui fatale, est qu’ils ne disposent pas d’un système national de soins de santé. Chaque État dispose d’un système de prestation de services médicaux privés et commerciaux basé sur divers régimes d’assurance que la pandémie de coronavirus ne manquera pas de faire exploser. Les quartiers clochardisés des grandes villes américaines, peuplés entre autres de malades mentaux et de toxicomanes, offrent le même environnement fertile pour la propagation de la contagion que les camps de migrants et les enclaves ethniques d’Europe.

    Bien que tout cela soit plutôt triste, il y a une grande note d’optimisme qui se dégage. La Chine vient de donner au monde un cours de maîtrise sur la défense contre la guerre biologique. Peu importe que le SRAS-CoV-2 ait été concocté dans un laboratoire de guerre biologique américain ou non. Le fait est que cela aurait pu être le cas, car sinon, pourquoi les États-Unis auraient-ils des laboratoires de guerre biologique dispersés dans le monde entier ? Et pourquoi ont-ils collecté des échantillons d’ADN auprès des populations locales, si ce n’est pour les cibler à l’aide d’armes biologiques ? Après quelques incertitudes et hésitations, la Chine a donc choisi de traiter la lutte contre l’épidémie de SRAS-CoV-2 comme une guerre et a gagné ! La Russie a suivi le mouvement, et bien qu’il soit trop tôt pour déclarer la victoire, elle est également susceptible de remporter une victoire sur le front de la guerre biologique.

    Et si c’est le cas, la guerre est terminée et l’armée américaine peut faire ses valises et rentrer chez elle car elle n’a plus de stratégie gagnante. La guerre des étoiles était un rêve et elle n’a jamais développé de capacité nucléaire crédible de première frappe ; ses capacités conventionnelles ont été rendues obsolètes par les armes modernes de la Russie et de la Chine ; et maintenant il s’avère que ses laboratoires de guerre biologique très coûteux ont été un gaspillage complet d’argent. Les États-Unis devraient maintenant se sentir libres de réduire à zéro le budget du Pentagone et de dépenser l’argent qui leur reste pour mettre en place un système national de santé publique – tant qu’il y a encore un public et une nation.

    Dmitry Orlov (De Defensa, 17 avril 2020)

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  • Confinez-vous avec : ... Initiation, rites, sociétés secrètes, de Mircea Eliade !

    Avec la crise du coronavirus, les maisons d'édition reportent la publication de leurs nouveautés à des jours meilleurs. Cette période sera donc l'occasion de vous signaler, au gré de l'inspiration du moment, des ouvrages, disponibles sur les sites de librairie en ligne (ceux dont l'activité se poursuit...), qui méritent d'être découverts ou "redécouverts".

    On peut trouver aux éditions Gallimard, dans la collection de poche Folio, un essai de Mircea Eliade intitulé Initiation, rites, sociétés secrètes. Historien des religions, penseur du mythe et du sacré, mais aussi romancier, Mircea Eliade, d'origine roumaine, est l'auteur d'une œuvre immense écrite pour une part importante en français.

    Eliade_Initiation, rites, sociétés secrètes.jpg

    " C'est une affirmation courante que le monde moderne, entre autres caractéristiques, se distingue par la disparition de l'initiation. D'une importance capitale dans les sociétés traditionnelles, l'initiation est pratiquement absente de la société occidentale de nos jours. Certes, les différentes confessions chrétiennes montrent encore, dans une mesure variable, des traces d'un Mystère initiatique. Mais le christianisme n'a justement triomphé et n'est devenu religion universelle que parce qu'il s'est libéré du climat des mystères gréco-orientaux et s'est proclamé une religion du salut, accessible à tous. En vue de dégager les divers types d'initiation, Mircea Eliade étudie successivement les rites de puberté dans les sociétés traditionnelles, les cérémonies d'entrée dans les sociétés secrètes, les initiations militaires et chamaniques, les mystères gréco-orientaux, les survivances des motifs initiatiques dans l'Europe chrétienne et, enfin, les rapports entre certains motifs initiatiques et certains thèmes littéraires. L'auteur conclut sur les mouvements occultistes dans le monde moderne. "

     

     

     

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  • Quand Claude Chollet, fondateur de l'Observatoire du journalisme, fait un putsch !...

    Vous pouvez retrouver ci-dessous un entretien donné par Claude Chollet, fondateur de l'OJIM, l'Observatoire du journalisme, à Putsch, le média franc-tireur, dans lequel il évoque la crise du coronavirus et son traitement médiatique, la crise dans les médias, l'avenir de la presse et le rôle de la presse indépendante...

     

                                         

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  • Confinez-vous avec : ... La billebaude, d'Henri Vincenot !

    Avec la crise du coronavirus, les maisons d'édition reportent la publication de leurs nouveautés à des jours meilleurs. Cette période sera donc l'occasion de vous signaler, au gré de l'inspiration du moment, des ouvrages, disponibles sur les sites de librairie en ligne (ceux dont l'activité se poursuit...), qui méritent d'être découverts ou "redécouverts".

    On peut trouver aux éditions Gallimard, dans la collection Folio, un roman de Henri Vincenot intitulé La billebaude. Chantre de la Bourgogne et du chemin de fer, Henri Vincenot (1912-1985) est l'auteur de nombreux romans et récits, parmi lesquels Le pape des escargots (1972), Les étoiles de Compostelle (1982) ou Le maître des abeilles (1987).

     

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    " Pour mieux nous parler du pays qu'il aime et où il est né, Henri Vincenot se penche sur son enfance, quand il vivait chez ses grands-parents, dans un petit village de Bourgogne. Impossible d'échapper à la magie de ce conteur merveilleux, et nous le suivons allégrement dans ses fabuleuses parties de chasse, où il sait si bien recréer le climat de fête. Mais tout ici devient une fête, qu'il s'agisse de la visite d'une cousine extraordinaire, nourrice à Paris, ou de ces interminables repas de fin d'année, au cours desquels le petit garçon écoute, fasciné, les histoires savoureuses qui se racontent et qui lui serviront plus tard de tremplin pour ses récits. "

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  • Le virus du faux...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son site Huyghe.fr et consacré à la guerre de l'information  autour du coronavirus. Spécialiste de la stratégie et de la guerre de l'information, François-Bernard Huyghe enseigne à la Sorbonne et est l'auteur de nombreux essais sur le sujet, dont, récemment, La désinformation - Les armes du faux (Armand Colin, 2015), Fake news - La grande peur (VA Press, 2018), Dans la tête des Gilets jaunes (VA Press, 2019) avec Xavier Desmaison et Damien Liccia, et dernièrement L'art de la guerre idéologique (Cerf, 2019).

     

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    Le virus du faux

    Nous vivons dans un monde obsédé par les fausses informations (auxquelles on associe spontanément : complotisme, propagande, désinformation et manipulation en ligne).

    Pour au moins deux raisons : a) leur indéniable prolifération sur les réseaux sociaux (symptôme d’une méfiance populaire à l’égard de l’information « mainstream» et d’une certaine réceptivité) et b) la peur éprouvée par les élites après l’élection de Trump, le Brexit, etc. Phénomènes qu’elles tendent à d’attribuer à la désinformation (éventuellement russe et/ou par des communautés en ligne extrémistes) donc à une causalité intentionnelle plutôt qu’à des évolutions profondes des mentalités.

    Il est bien connu qu’en cas de guerre, la première victime est la vérité (Kipling). La guerre au virus n’a pas dérogé à la règle. La contamination informationnelle (notamment les fake en ligne) est parallèle à la contamination sanitaire, mais ses formes sont plus variées.

    Il y a d’abord le classique mensonge ou silence d’État. La Chine a commencé en tentant de cacher l’épidémie sous le tapis et en faisant taire les lanceurs d’alerte qui en parlaient : si le réel contrevient aux ordres du Parti, le réel a tort. Puis, la chose admise (le réel, c’est ce qui est irrémédiable disait un philosophe), Pékin a opéré un brillant retournement : ses victoires pour confiner puis restreindre l’épidémie sont exploitées pour montrer l’excellence de son modèle confuciano-capitalo-socialo-autoritaire. C’est la Chine qui aide ostensiblement les Occidentaux un peu laxistes et dépassés.

    Elle affirme son soft power à mesure de sa prééminence économique et technique et de sa force de résilience. Quand l’épidémie sera finie, sera-t-elle présentée comme la puissance hégémonique qui remplace les USA (et profite de la confusion européenne) ? En tout cas, elle tient à agir sur l’opinion occidentale, ce qui se manifeste notamment par une action croissante de « diplomatie publique » sur les réseaux sociaux (sans oublier ses médias internationaux classiques d’influence).

    Voir la virulence avec laquelle la « sinosphère » réagit aux moindres accusations. Le storytelling chinois (une épidémie vite maîtrisée par un peuple discipliné et un système efficace) appelle des messages plus agressifs sur les responsabilités de la pandémie, l’efficacité des réponses occidentales...

    Par contraste, les « trolls russes » et médias d’influence idéologique poutiniens semblent dépassés. Dans tous les cas les stratégies d’influence internationales se déploient dans la perspective du chaos - politique, géopolitique, économique, culturel, etc.. - que risque de provoquer la pandémie. Dans les pays autoritaires, il est tentant de doubler le contrôle de l’information disponible pour sa population d’une stratégie d’accusation ou de confusion à destination des publics étrangers.

    La position de déni française n’est pas sans conséquences ; l’art de feindre d’organiser les événements qui vous dépassent s’y est déployé : il ne sert à rien de fermer les frontières, de porter des masques si l’on n’est pas malade, de dépister les gens qui ne sont pas gravement atteints, nous dit-on. Mais ces erreurs que l’on appellera par charité de communication ont entretenu une méfiance populaire : on nous cache tout, on ne nous dit rien... D’où la tentation d’adhérer aux explications alternatives, « non officielles ». Ainsi des sondages montrent qu’une proportion remarquable de nos concitoyens est convaincue que le virus aurait pu être fabriqué en laboratoire. D’où il aurait été délibérément répandu ou aurait simplement fuité.

    Le coronavirus pose aussi le problème de la vérité idéologique. Son terrible principe de réalité a dissipé quelques illusions : l’Europe qui protège, la mondialisation irrésistible et bonne, l’ouverture et la fin des frontières, la ringardise de l’État-providence, l’inutilité de la Nation qui protège, les flux tendus, la communication de tous avec tous, l’économie avant tout, ... Les dirigeants occidentaux peinent à comprendre qu’un événement (une guerre, une révolte, un virus) soit imprévisible, que le tragique puisse revenir, que les courbes ne se prolongent pas toujours, et que les situations les plus archaïques (grandes épidémies, rupture des flux de circulation) puissent encore se reproduire. Elles tendent à nier ce qui les nie. Mais l’affaire du coronavirus stimule l’opposition idéologique au « système », donc, là aussi, la propension à croire en une réalité différente.

    Parallèlement, il est tentant de refuser la vérité du hasard, c’est-à-dire que des événements, parfois d’une importance tragique, adviennent sans cause ou finalité (sauf l’aléa d’une mutation génétique et de quelques voyages de sujets porteurs) : ni puissance obscure, ni dessein caché. Le phénomène n’est pas nouveau : en cas de catastrophe, accident tragique, disette, épidémie, les rumeurs portent vite sur ceux qui en profitent ou ceux qui en sont responsables. Ici, évidemment avec un effet démultiplicateur : la planète est touchée et nous pouvons tous communiquer sur Internet.

    Un exemple : en France le risque de mourir du Corona a provoqué des conséquences inimaginables il y a quelques mois (confinement, changement de politique économique et financère) et, paradoxalement, le 1° trimestre 2020 a connu la plus faible mortalité des cinq dernières années.

    Du coup, se développent des théories dite complotistes, surtout relatives à l’origine de la pandémie. Ainsi :

    - Les Chinois auraient fabriqué le virus dans un laboratoire militaire et l’auraient laissé s’échapper
    - Le virus aurait été fabriqué par les Américains pour déstabiliser la Chine
    - Ce sont des militaires américains qui ont contaminé la Chine à l’occasion de jeux
    - Le virus a été fabriqué par l’institut Pasteur comme le prouverait un brevet (en réalité, ancien, portant sur une autre variété du virus, et destiné à trouver un vaccin, pas un virus tueur).
    - Vient récemment de s’ajouter la thèse d’une manipulation du virus HIV un laboratoire chinois suivi d’une fuite accidentelle de SARs-CoV-2 (prof. Montagnier)

    Des contre-vérités relèvent du mécanisme ancien de la rumeur ou désinformation. Il suffit de consulter la rubrique fake news de son navigateur : fausses photos de morts, fausses informations sur les horreurs qui se produisent là ou là, faux remèdes de bonnes femmes pour se guérir ou se préserver, fausses révélations sur des plans secrets... Et bien entendu, faux espoirs et solutions miraculeuses.

    Le phénomène n’est pas nouveau et on devait en raconter de rudes dans les tavernes au moment de la peste antonine ou du choléra. Plus un sujet touche à nos vies et nos passions - ici la peur- plus nous avons envie d’échanger à son propos, plus nous sommes ouverts à l’information alternative (et donc méfiants à l’égard de l’information venue d’en haut), plus nous nous intéressons aux révélations sensationnelles, plus nous les diffusons... Avec, évidemment, l’effet multiplicateur des réseaux sociaux...

    Dernier paradoxe : le virus médical favorise le virus informatique : les cyberattaques opportunistes se multiplient basées sur le principe que, si l’on envoie un message piégé qui porte dans son titre quelque chose en rapport avec le coronavirus (un appel urgent de l’OMS, une demande d’aide, des instructions importantes), les
    destinataires vont plus facilement cliquer, être moins vigilants, et introduire plus facilement des logiciels malveillants dans leur système.

    D’autres éléments :

    Tout cela s’ajoute à des phénomènes déjà repérés : doute sur l’efficacité des vaccins, la dangerosité de tel ou tel produit, le réchauffement climatique, les médecines alternatives. Il s’agit, sinon d’une remontée d’obscurantisme, du moins d’une dévaluation de l’autorité scientifique. En principe, celle du vérifiable. L’époque permet à chacun – surtout s’il pioche des révélations de « gens comme lui » sur les réseaux sociaux – d’étendre le champ de son opinion et de fantasmer son expertise.

    Il n’y a rien de mal, en démocratie, à ce que nous divergions sur ce qui est souhaitable et probable demain. Mais il faut s’entendre pour parler du même monde des événements avérés et principes démontrés (dans 1984 d’Orwell, le héros réclame la liberté de dire que 2+2=4, pas le contraire).

    On a vu des sondages sur la chloroquine. Que l’on interroge le public sur une question sur laquelle les experts se disputent est en soi comique. Nous sommes (moi en tout cas) incompétents pour en trancher. Que veut le peuple en physique quantique ? Il y a des domaines où la logique libérale du choix individuel doit connaître des limites. Le recours aux experts et aux comités ne garantit en rien l’autorité de la science.

    Ici, elle a d’autant plus de mal à apporter preuves et vérifications qu’il s’agit souvent de projections et anticipations (par exemple de taux futurs de contaminations, d’immunité, de létalité, etc.). De nombreux biais cognitifs bien repérés nous empêchent comprendre des raisonnements basés sur les probabilités. D’où la tentation d’une « autre » explication ou interprétation des risques, de leurs causes et de l’efficacité de leurs remèdes. Ou la confusion : voir les débats sur l’efficacité de la chloroquine et sa vérification (représentativité des échantillons testés, par exemple). Le fait que les professeurs Raoult ou Montagnier (prix Nobel) émettent des thèses controversée et qu’une partie de la communauté scientifique se dresse contre eux n’aide pas le citoyen moyen à bien distinguer ce qui est scientifique et ce qui est fake news. Cette complexité n’excuse pas la prolifération des thèses douteuses, mais l’explique en partie.

    Dernier élément : il y a une base sociologique et culturelle indéniable à l’adhésion à la version « officielle » ou « alternative ». Un indice entre cent : il y a une forte corrélation statistique entre le vote anti-système (RN, LFI, blanc ou nul + abstention) et le scepticisme à l’égard du « discours officiel », l’adhésion aux thèses alternatives de type « le virus s’est échappé d’un laboratoire », etc. Le bloc populiste, qui ne profite pas de la mondialisation, celui qui a le plus besoin de l’État protecteur et qui appartient souvent aux professions les plus exposées en cas d’épidémie, a déjà accumulé de la colère au moment des Gilets jaunes et de la réforme des retraites. Et comme ce sont les populations qui souffriront le plus des conséquences économiques et sociales du « jour d’après »…, ce seront les plus persuadées qu’on leur a menti, que les services publics ont été démantelés, que la Nation a besoin de frontières et de souveraineté, que la mondialisation est une folie, que l’Europe ne peut rien pour nous.

    Il y aura donc, après l’épidémie, des tensions entre les protestataires (par ailleurs divisés), le parti de la colère, et les partisans d’un retour à l’ordre fût-il agrémenté de considérations sur une nécessaire gouvernance ou une économie de l’humain (cf. Attali). Tout le monde proclame que « plus rien ne sera comme avant », mais chacun y met ce qu’il croyait auparavant. Et l’Histoire nous enseigne que d’effroyables épidémies n’ont pas forcément bouleversé l’ordre politique. Le pouvoir peut se renforcer du chaos.

    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 16 avril 2020)

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  • Confinez-vous avec : ... Les guerres préhistoriques, de Lawrence H. Keeley !

    Avec la crise du coronavirus, les maisons d'édition reportent la publication de leurs nouveautés à des jours meilleurs. Cette période sera donc l'occasion de vous signaler, au gré de l'inspiration du moment, des ouvrages, disponibles sur les sites de librairie en ligne (ceux dont l'activité se poursuit...), qui méritent d'être découverts ou "redécouverts".

    On peut trouver aux éditions Rivages, dans la collection de poche, un essai de Lawrence H. Keeley intitulé Les guerres préhistoriques. Professeur d’anthropologie à l’université de l’Illinois à Chicago, Lawrence Keeley a mené des recherches archéologiques en Californie, dans l’Oregon et en Europe ainsi que plus récemment au Vietnam et ses recherches sont centrées sur la fabrication et l’usage des pierres, l’agriculture, l’ethnologie de la guerre du feu.

     

    Keeley_Les guerres préhistoriques.jpg

    " Nos guerres modernes, aussi high-tech soient-elles, n'ont rien à envier aux guerres néolithiques. La préhistoire loin d'être un Eden idéal fut une période de fureur et de sang...

    On imagine, en général, que les guerres préhistoriques étaient rares, peu destructrices et sans grande importance. Grâce à des recherches archéologiques et historiques, Lawrence H. Keeley compare les modes guerriers des sociétés primitives avec ceux des états européens modernes ou ceux des Indiens de l'Amérique du Nord, et démontre que la guerre avant la civilisation était plus destructrice, plus fréquente et plus violente que la guerre moderne.
    Mais, au-delà des faits, le travail de Keeley ouvre des perspectives morales et philosophiques. Quelles sont les causes de la guerre ? Les êtres humains sont-ils violents de façon inhérente et inévitable ? Comment pouvons-nous être sûrs de préserver la paix ? Bousculant certaines de nos plus chères convictions, Keeley offre des conclusions qui ne peuvent que susciter la controverse. "

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