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Métapo infos - Page 20

  • De Léon XIII à Léon XIV ou un remake de Rerum novarum ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bernard Plouvier , cueilli sur EuroLibertés, site de réinformation européenne, et consacré à l'encyclique Rerum novarum du pape Léon XIII, dans la lignée duquel le nouveau pape, Léon XIV vient de s'inscrire...

    Médecin, Bernard Plouvier est, notamment, l'auteur de plusieurs études historiques décapantes, comme La ténébreuse affaire Dreyfus (Dualpha, 2010) et Faux et usage de faux en histoire (Dualpha, 2012), et d'une imposante Biographie médicale et politique d'Adolf Hitler (Dualpha, 2007).

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    De Léon XIII à Léon XIV ou un remake de Rerum novarum ?

    Il est sans importance que le nouveau pape soit né dans la ville ultra-cosmopolite de Chicago. Il est beaucoup plus utile de comprendre pourquoi ce Dr. en Droit canon, membre de l’Ordre des Augustins (dont le plus célèbre membre jusqu’à présent était Martin Luther !), a choisi de se faire appeler Léon XIV, après avoir émis quelques critiques à l’égard des gouvernements exploiteurs.

    Le pape a passé plusieurs lustres comme missionnaire dans les quartiers miséreux du Pérou. Il a l’expérience de la misère matérielle et morale des « sans espoir ». Or en 1891, son grand prédécesseur avait publié un texte révolutionnaire qui renvoyait au Sermon sur la Montagne… et ce texte, l’encyclique Rerum novarum, prit tout le monde – catholiques endormis et socialistes hurleurs – au dépourvu, plus exactement à contre-pied. Ceci mérite explication.

    Dans la livraison du 5 mai 1891 du journal de la bourgeoisie d’affaires LeTemps, l’inénarrable Jules Simon interpelle le monde ouvrier (qui, certes, ne lit pas cette feuille) : « On a beaucoup fait pour vous, que voulez-vous donc qu’on fasse encore ? ». Et le bon Jules d’énumérer les lois sur l’école laïque et les deux lois sociales celle de 1841, limitant le nombre d’heures de travail des enfants et adolescents, et celle de 1874 interdisant le travail en usine et dans les mines des moins de 10 ans. Et ce huguenot (dont l’ascendance juive est toujours discutée) omettait de préciser que le rapporteur de ces deux lois avait été un député catholique, qui avait dû batailler ferme ! Le bon apôtre conclut : « Rien ne manque au bonheur de l’ouvrier » (Plouvier, 2010-1). Le pharisien sert manifestement les intérêts de la trinité dominante, celle des financiers, des entrepreneurs et des négociants.

    Ce n’est nullement le cas de Léon XIII qui, dix jours plus tard, rend publique son encyclique Rerum novarum, un texte révolutionnaire, tellement juste de ton que les créateurs du BIT (le Bureau International du Travail), après la Grande Guerre, lui emprunteront quelques paragraphes. C’est le fruit de longues méditations et la synthèse des idées de tous les catholiques sociaux qui depuis les années 1830 tentent de faire bouger une société inhumaine et d’une tout autre façon que le séisme marxiste. Léon XIII a longuement médité les écrits du baron Karl von Vogelsang, le fondateur du Parti Chrétien Social d’Autriche, l’ancêtre de tous les partis chrétiens-démocrates.

    L’encyclique du 15 mai 1891 est une réfutation intégrale du capitalisme inhumain, de ce « libéralisme économique » sans frein prôné par les théoriciens du « laissez faire, laissez passer » : « L’employeur ne doit point traiter l’ouvrier en esclave ». Léon XIII déplore la situation économique et sociale des pays industrialisés : trop de richesses et « des profits exagérés » d’un côté, la misère de l’autre. Il ne lui semble pas bon qu’une « faction, maîtresse absolue de l’industrie et du commerce, tienne en mains plus d’un ressort de l’administration publique ». Il lui semble évident que la situation est grosse du risque de guerre sociale où la haine, après avoir répandu beaucoup de sang, provoquerait une « spoliation généralisée des propriétés privées légitimement acquises… Il faut, par des mesures promptes, efficaces, venir en aide aux hommes des classes sociales inférieures qui sont dans une situation de misère imméritée. »

    Les propositions qui découlent naturellement de ce constat sont à la fois d’ordre moral et d’ordre pratique. Le pape recommande des rapports directs fréquents et cordiaux entre employeurs et salariés, une juste rétribution du travail et la participation de tous les travailleurs aux bénéfices des entreprises qui les emploient. C’est une recommandation révolutionnaire, reprise par Karl Lueger dans le programme du PCS autrichien cité plus haut (puis par un admirateur de Lueger, Adolf Hitler, qui en fera le 14e item du programme national-socialiste exposé à Munich dans la soirée du 24 février 1920) ; en 1909, le socialiste Aristide Briand en évoquera l’idée, sans faire référence, bien sûr, au pape défunt, maudit de son successeur et de la bourgeoisie, toutes tendances et toutes religions confondues (Plouvier, 2010-1).

    Léon XIII n’est pas un adepte du communisme de distribution prôné par certains Pères de l’Église, tel saint Ambroise (in Walter, 1975). Il est plutôt dans le droit fil de l’enseignement de Lactance, un chrétien austère et pétillant d’intelligence du IVe siècle, ce qui en fait un contemporain d’Ambroise : « On a plus si on travaille plus ; on a moins si on travaille moins et c’est justice ». Le pape de la fin du XIXe siècle ajoute à cette philosophie économique de simple bon sens la condamnation du gain sans travail et l’exigence d’une juste répartition des fruits du travail.

    En 1891, et pour longtemps encore, il n’est pas usuel que l’État intervienne pour protéger les salariés. En comparaison du prudhommesque Jules Simon ou du futur Président de la République Française Armand Fallières, auteur d’un autre poncif rassurant : « Il faut de la prudence quand on touche aux questions sociales », Léon XIII fait figure de dangereux agitateur social. Le lecteur un peu teinté de sous-culture marxiste peut se rendre compte que le pape en a dit davantage en quelques lignes que les deux poètes surréalistes de l’économie politique, les tant célébrés Karl Marx et Friedrich Engels, dans leur fatras romantique.

    Léon XIII bouscule la molle tradition de la « charité bourgeoise », grâce à laquelle les riches vivaient depuis des siècles en harmonie avec leur conscience, au prix de quelques pièces lancées aux mendiants et de vielles nippes données avec une grâce hautaine. Le pape ne veut plus que les catholiques riches se satisfassent d’une pseudo-charité, souvent indiscrète et mesquine. Il réclame une vraie justice sociale : la juste rétribution du travail permettant au salarié de se procurer des conditions de vie décentes, la constitution d’un « fonds de réserve » pour indemniser les chômeurs et les victimes d’accident du travail, enfin l’octroi d’une pension aux salariés trop vieux ou trop malades pour continuer de travailler.

    Il encourage le syndicalisme chrétien : « Les ouvriers chrétiens [doivent] joindre leurs forces pour secouer hardiment un joug si injuste et si intolérable », sans que les manifestations de la colère des exploités dégénèrent en bacchanales furieuses et sanglantes comme on l’a vu trop souvent depuis 1848 lorsque le peuple est conduit par des loups déguisés en bergers, soit les doctrinaires de la guerre des classes. Le 18 janvier 1901, in Graves de communi, il récidivera : « L’avenir de la société et de la religion est en jeu. La question sociale est avant tout une question de morale ». Vingt siècles plus tôt, le grand Nazaréen l’avait proclamé : « Nul ne peut servir deux maîtres à la fois, Dieu et l’argent [variante : Mammon] ». Moins naïf, Goethe avait écrit dans l’une de ses nouvelles : «  »Mon règne finira-t-il ? » demanda le roi d’argent.  »Tard ou jamais », répondit le vieillard ».

    Il n’est pas sans intérêt de noter que le grand pape condamne « l’américanisme » (c’est-à-dire l’american way of life, une philosophie pratique qui fait la part trop belle à la réussite matérielle), en 1899, par l’encyclique Testem benevolentiae. Léon XIII n’aurait assurément pas approuvé la « mondialisation de l’économie » telle qu’elle est pratiquée depuis les années 1990, soit la désindustrialisation massive des pays à haut niveau salarial et la délocalisation des entreprises vers les pays où la main d’œuvre est sous-payée et la protection sociale inexistante. Il n’aurait pas non plus applaudi le mépris flagrant – en nos tristes jours, on dirait un « mépris macronien » – des maîtres pour les petits salariés, même méritants, ni la gestion des entreprises dans le but exclusif d’accroître les profits des grands actionnaires.

    La généralisation à l’ensemble des pays de la planète de l’injustice sociale (qui est fondamentalement de ne pas rétribuer le travail à sa juste valeur) et du mépris des puissants envers les dominés est une façon expérimentale de préparer un nouveau cataclysme social. Par leur cynisme, leur soif inextinguible de richesses, leur absence pathologique de conscience sociale, les « super riches » ouvrent la carrière aux fous furieux de la révolution sociale et menacent l’ensemble des peuples d’une nouvelle expérience collectiviste effroyable, en comparaison de laquelle les expériences de messieurs « Staline »-Djougashvili et Mao Tsé-toung, les deux plus sanguinaires dictateurs du XXe siècle, risque de paraître des badineries.

    On ferme cette parenthèse absurde : chacun sait que les maîtres des multinationales et leurs employés du monde de la politique et des média œuvrent pour le bien de l’humanité… mais on n’a pas l’impression que Léon XIV partage ce type de propagande d’allure très macronienne.

    De son vivant, Léon XIII est un peu entendu en Allemagne et en Autriche, en Belgique et aux Pays-Bas (où un tiers de la population est catholique), et pratiquement pas en France (Croizier, 1929). Les chefs des officines marxistes ont immédiatement perçu le risque, comme les adorateurs de Mammon : il leur faut impérativement réduire l’influence du clergé catholique sur le bon peuple. Pour les dévots de la lutte des classes, la doctrine pontificale est une concurrence catastrophique : tenter d’obtenir la justice sociale par des négociations courtoises et consoler la misère spirituelle de ceux qui, par sectarisme ou par tradition familiale, ont abandonné la quête du divin, cela risque de détourner le bon peuple des joies saines et ineffables de la haine des classes, de la surenchère démagogique et de l’approbation de toutes les dingueries wokistes et des ignominies réciproques des assassins sionistes et des non moins assassins antisionistes… on voit mal un admirateur de Léon XIII devenir un groupie de l’illustre Mélenchon.

    L’étrange alliance des capitalistes et des marxistes s’est lancée, dès 1891, dans une guerre anticatholique, d’une intensité qui n’avait été surpassée que par les crimes de la Terreur. Mais c’est en pure perte qu’elle a déclaré cette guerre : la masse des catholiques ne suivait pas son chef spirituel. Partout, le haut clergé, pratiquant le conservatisme social, savait que ce sont les plus riches des fidèles qui remplissent les caisses paroissiales et diocésaines et alimentent les bonnes œuvres : Pie X rompra dès son élection avec la doctrine sociale de son prédécesseur. En France, Léon XIII n’a enthousiasmé que de rares âmes d’élite, comme le jeune et très riche polytechnicien Marc Sangnier, le créateur du Sillon, qui marquera l’adolescence du général de Gaulle.

    En mai 1896, quelques prêtres de paroisse organiseront à Reims un Congrès des ouvriers catholiques, qui déchaînera la haine des marxistes et n’intéressera guère la presse parisienne. L’expérience ne sera pas renouvelée. C’est peu dire que « l’esprit public français était aveugle au problème social » (Goguel, 1958), à la jonction des XIXe et XXe siècles. Même chez quelques catholiques violemment anticapitalistes, tel Édouard Drumont (il n’est venu à l’antijudaïsme que par haine du « libéralisme économique »), l’autorité pontificale est rejetée (Croizier, 1929). Les articles de La libre Parole le répèteront d’année en année : le problème social français doit être réglé par les seuls Français.

    Quel curieux pape que ce Léon XIII ! Il réclamait une véritable redistribution des profits et discutait avec les Orthodoxes et les Anglicans, au lieu de flatter les bailleurs de fonds traditionnels de la Sainte Eglise et de continuer à lancer des anathèmes contre les schismatiques. Son successeur Pie X, plus tard canonisé, reviendra aux saines traditions, reposantes pour les bons esprits : abrutir les fidèles de prières, ne pas aborder les dangereuses questions sociales et calmer les pauvres en leur promettant le Paradis… après la mort ! Léon XIII n’a pas été canonisé et n’est même pas inscrit sur les listes d’attente. Cet ironiste subtil n’aurait probablement pas aimé qu’on lui attribue des miracles.

    Le merveilleux utopiste déjà cité l’avait dit en son temps : « Il est dur à un riche d’entrer au royaume des Cieux », mais il avait ajouté ce conseil générateur de paix sociale : « Aimez-vous les uns les autres ». Il est vrai qu’il est difficile d’aimer certaines gens.

    Bernard Plouvier (EuroLibertés, 9 mai 2025)

     

    Bibliographie :

    1. Croisier : Pour faire l’avenir. Leçons du passé ; devoirs d’aujourd’hui, Spes, sd. (1929)
    2. Goguel : La politique des partis sous la IIIe République, Seuil, 1958
    3. Plouvier : La ténébreuse affaire Dreyfus, Tome 1 : Anticatholicisme et antijudaïsme, Dualpha, 2010
    4. Walter : Les origines du communisme (judaïques-chrétiennes-grecques-latines), Payot, 1975
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  • La droite et l'esprit du fascisme...

    Les éditions KontreKulture viennent de publier sous le titre La droite et l'esprit du fascisme, un recueil de textes de Maurice Bardèche publié dans la revue Défense de l'Occident. Normalien, agrégé de lettres et auteurs d'essais reconnus sur Proust, Balzac ou Flaubert, Maurice Bardèche était également le beau-frère de Robert Brasillach et a animé après guerre la revue Défense de l'Occident.

     

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    " En 1952, Maurice Bardèche fondait la revue Défense de l’Occident, dans laquelle des écrivains tels que Lucien Rebatet, Michel Déon, Jean Mabire, François d’Orcival et François Duprat interviendront. Maurice Bardèche y prendra aussi régulièrement la plume sur des sujets aussi variés que l’Europe, la littérature, le socialisme, le monde arabe, la violence, la question juive, l’examen de conscience et bien d’autres. Ces textes méritaient, par leur profondeur de vue qui transcende les années, d’être rassemblés et réédités, que ce soit pour le regard historique qu’ils apportent ou pour la réflexion qu’ils suscitent sur des questions intemporelles.

    Le fascisme, dans ses différentes déclinaisons, peut sembler aujourd’hui appartenir à l’histoire. Pourtant, à l’heure ou la vie en virtuel des réseaux sociaux, la mondialisation et le nomadisme forcé, l’individualisme de la société de consommation plongent de plus en plus de personnes dans la dépression, des crises identitaires ou le refus d’enfanter, « notre avenir et notre salut, c’est de retrouver une vie conforme à la nature, une vie qui permet aux hommes d’être des hommes, de respirer, de courir, de vivre […], de ne plus être ankylosés par des idéologies, mais de pouvoir nous développer librement […], selon la liberté animale que la nature a mise en nous ». Loin de Vichy, loin des « processions au pas de parade », il faut, nous dit l’auteur, retrouver l’ « esprit du fascisme », qui est « presque en tous points le contraire de ce que les antifascistes appellent le fascisme ». Loin aussi de la droite des affaires, qui ne prospère que dans un régime démocratique qui aboutit, bien qu’il « proclame le contraire, au règne du capitalisme », il faut renouer avec l’essentiel de la mentalité de droite, celle qui consiste à croire, « qu’il y a un train naturel des choses que l’homme ne peut falsifier sans péril […], à la vertu de qualités fondamentales telles que le travail, le courage, l’énergie, la fidélité ». Cette aspiration est présente, en sourdine parfois, chez beaucoup d’entre nous. Elle est celle de « la France profonde, la France muette, celle qui refuse la criminalité, la pornographie, les margoulins et les fraudeurs, celle qui demande la paix sociale, la justice et la sécurité »."

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  • Yalta ou le crépuscule de l’Europe...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique de David Engels sur Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, datée du 9 mai 2025 et consacrée à Yalta comme crépuscule de l'Europe...

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan, à l'Institut Catholique de Vendée ainsi qu'au Mathias Corvinus Collegium de Bruxelles, David Engels est l'auteur de trois essais traduits en français, Le Déclin - La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013), Que faire ? - Vivre avec le déclin de l'Europe (La Nouvelle Librairie, 2024) et, dernièrement, Défendre l'Europe civilisationnelle - Petit traité d'hespérialisme (Salvator, 2024). Il a  également dirigé deux ouvrages collectifs, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020) et Aurë entuluva! (Renovamen-Verlag, 2023), en allemand, consacré à l’œuvre de Tolkien.

     

                                              

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  • Cioran ou le gai désespoir...

    Les éditions de L'Archipel viennent de publier une biographie signée par Anca Visdei et intitulée Cioran ou le gai désespoir.  Anca Visdei est déjà l'auteur d'une biographie de Jean Anouilh.

     

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    " Lire au pied de la lettre l'ironiste lucide que fut Emil Cioran (1911-1995), maître du paradoxe et de l'aphorisme, serait la plus sûre façon de mal le connaître. Sa vie durant, ce fils de pope et d'une mère mélancolique, venu au monde dans la mosaïque ethnique des Balkans, a chéri l'inconvénient d'être né, fatalité tragicomique qui est la matrice de son œuvre. Au lieu de sombrer dans la folie, il y a trouvé ses plus grandes jouissances.
    Car l'ermite de la rue de l'Odéon était un intellectuel passionné, voire colérique, sensuellement hanté, luttant mal contre la misogynie et l'antisémitisme. S'il a " connu toutes les formes de déchéance, y compris le succès ", les émois du cœur n'y firent pas exception, jusque dans son grand âge. Sans oublier les emportements idéologiques de sa jeunesse qu'il ne regretta qu'avec peine.
    De ses années de jeunesse en Transylvanie à ses derniers jours à Paris, en passant par l'Allemagne nazie, l'Espagne et la côte dieppoise, la vie de Cioran est ici racontée dans ses moindres détours par Anca Visdei, qui l'a connu, à l'aide de témoignages, de lettres et de textes en roumain inédits en français, qui font de cette biographie la plus complète à ce jour."

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  • Adriano Scianca : « Il existe une troisième voie : celle qui cherche à conjuguer force et liberté, droit et identité, technique et enracinement. »

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Adriano Scianca à Xavier Eman pour le site de la revue Éléments, dans lequel il évoque la question de l'Europe qu'il a traité dans un essai remarquable et essentiel, Europe versus Occident - La fin d'une ambiguïté (Institut Iliade/La Nouvelle Librairie, 2024).

     

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    « Il existe une troisième voie : celle qui cherche à conjuguer force et liberté, droit et identité, technique et enracinement. »

    ÉLÉMENTS. Votre dernier ouvrage est consacré à la dichotomie entre « Europe » et « Occident », thème récurrent et central de la pensée de la Nouvelle Droite notamment. Pourquoi avoir ressenti le besoin d’une « mise au point » sur ce sujet ?

    ADRIANO SCIANCA : Parce que les réactions à la guerre en Ukraine que j’ai pu observer dans le monde non conformiste italien (mais je pense que la situation n’est pas différente en France) m’ont montré, d’une part, des milieux pro-russes qui ont suivi le discours de Moscou au point de confondre totalement la notion d’Europe avec celle d’Occident, en faisant un bloc unique « satanique » hostile à l’avancée du « monde multipolaire » ; et, d’autre part, des milieux hostiles à ce discours au point de se ranger  tout aussi absolument du côté du camp opposé, celui des libéraux et des occidentalisés, à la BHL. En pratique, la notion d’Europe a été ramenée à celle d’Occident par deux directions opposées : ceux qui s’opposaient à ce bloc et ceux qui l’exaltaient. C’est pourquoi j’ai jugé opportun de revenir sur cette distinction élémentaire.

    ÉLÉMENTS. Si vous concluez à la la différence ontologique entre « Europe » et « Occident », votre propos refuse cependant tout manichéisme simplificateur et vous n’hésitez pas à égratigner certaines « habitudes mentales » de la droite radicale qui adopterait parfois, selon vous, des postures caricaturales notamment vis à vis des États-Unis considérés comme « le Grand Satan ». Mais s’ils ne sont pas le « mal » absolu, les États-Unis n’en restent-ils pas moins l’ennemi principal d’une Europe souveraine, puissante et indépendante qui seule pourrait véritablement les concurrencer ?

    ADRIANO SCIANCA : J’avoue nourrir un certain scepticisme à l’égard de la catégorie d’« ennemi principal », qui me semble découler d’une mauvaise lecture de Schmitt. Le juriste allemand est un maître de la pensée concrète et lorsqu’il parle de l’ennemi et de l’ami, il a à l’esprit un conflit existentiel qui est déjà en cours avant même que les analyses politologiques ne se mettent en marche. À l’inverse, si je me mettais maintenant à dresser une liste des ennemis principaux, en classant une série de puissances géopolitiques en fonction de mes sympathies et antipathies philosophiques, je ferais un exercice très abstrait, donc très peu schmittien. Aujourd’hui, l’ennemi principal d’un Ukrainien est-il la Russie ? L’ennemi principal d’un Italien en 1915 était-il l’Empire austro-hongrois ? L’ennemi principal d’un Français qui s’est rendu au Bataclan le soir du 13 novembre 2015 est-il l’islam ? J’ai l’impression que dans tous ces cas, c’est toujours la réalité qui choisit pour nous, avant toute évaluation philosophique. Je ne veux toutefois pas éluder la question : les États-Unis restent certainement une puissance spirituelle, culturelle, géopolitique et économique anti-européenne. Je n’ai aucun doute à ce sujet. Les Américains nous voient encore comme l’empire corrompu qu’ils ont fui pour fonder la Nouvelle Israël. Cependant, refuser le manichéisme moraliste qui voit dans les États-Unis le Grand Satan et dans quiconque se déclare anti-américain un allié objectif ne signifie pas faire un pas vers Washington, mais au contraire, envisager une autonomie vis-à-vis des États-Unis d’une manière moins infantile et plus réaliste, donc aussi plus efficace.

    ÉLÉMENTS. Vous affirmez, à juste titre, que le rejet de « l’Occident » ne doit pas se confondre avec un néo-luddisme technophobe et une volonté de retour à « la lampe à pétrole ». Sans tomber dans ces excès, le sens de la mesure, du respect de la nature et de ses limites, la volonté de lutte contre l’hybris d’une certaine fuite en avant techno-scientiste ne font-ils pas partie de l’ADN européen ?

    ADRIANO SCIANCA : Les anciens Romains sacralisaient les frontières, placées sous la protection du dieu Terminus, mais ils ne cessaient de les repousser toujours plus loin. Chaque découverte, chaque invention, de la roue au feu, de la poudre à canon à l’énergie nucléaire jusqu’à l’intelligence artificielle, conduit à dépasser des limites et à en expérimenter d’autres. En fin de compte, personne, aussi « faustien » soit-il, n’aime s’écraser contre un mur à toute vitesse ou mourir des suites d’une irradiation nucléaire. L’absence totale de limites serait en effet invivable. Il n’en reste pas moins qu’une certaine tension vers l’inconnu, vers l’aventure, vers le risque, vers la découverte et l’expérimentation me semble inhérente à l’esprit européen et presque uniquement à lui. Bien sûr, ce trait identitaire vit une dialectique complexe avec la tension vers l’ordre, l’harmonie, la tradition. Mais aucun ordre n’est éternel, pas même le divin, comme nous l’enseignent les théogonies indo-européennes mouvementées. Ce qui me semble intrinsèquement anti-européen, c’est l’idée d’une limite absolue, d’une interdiction métaphysique, de règles données une fois pour toutes, que l’homme devrait se contenter d’accepter passivement. Quant à l’hybris, rappelons-nous qu’à l’origine, il s’agit de l’arrogance d’un homme envers son semblable du même rang (par exemple Agamemnon qui vole le butin d’Achille) dans un jeu de pouvoirs toujours tendu et contesté, et non du « péché » d’un homme qui ne sait pas « rester à sa place » dans des hiérarchies ontologiques fossilisées.

    ÉLÉMENTS. Vous écrivez que pour  affirmer son « européanité » face aux États-Unis, il ne suffit pas de se priver de Coca, de MacDo, de jean’s et de Marvel. C’est incontestable mais n’est-ce pas là néanmoins un indispensable préalable ? Pour refonder cet « être au monde » spécifiquement européen que vous appelez de vos vœux, n’est-il pas nécessaire se débarrasser des oripeaux imposés par le « soft power » américain au fil du temps et qui, loin de n’être que superficiels, façonnent les esprits et les comportements ?

    ADRIANO SCIANCA : Il ne peut certainement pas exister de bon Européen qui ne mange que du MacDo et ne regarde que des films Marvel. Ma critique vise toutefois un certain moralisme, qui résout toute la question dans une course à la pureté individuelle. Je crois en outre qu’un soft power se combat en lui opposant un autre soft power, et non en jouant les ascètes. J’ajouterai une réflexion supplémentaire : l’américanisation se propage-t-elle aujourd’hui davantage à travers les hamburgers de MacDonald’s ou à travers des récits que l’on voudrait même « dissidents » ? Il y a une américanisation à travers le conformisme, certes, mais il en existe une autre, peut-être plus dangereuse, qui s’impose à travers un prétendu anticonformisme. Aujourd’hui, une « dissidence » qui raisonne selon des schémas strictement américanisés s’est imposée. Il y a quelques années, j’ai entendu une dame du même âge que mes parents, étrangère à toute affiliation politique radicale, qui voulait me faire croire que Biden avait été arrêté en secret et que les grands médias cachaient la vérité. Pourquoi cette grand-mère placide, qui n’a probablement jamais mangé un Big Mac, au cœur de l’Italie profonde et authentique, me répétait-elle avec conviction les idioties de Qanon ? Pourquoi entendons-nous de plus en plus souvent les « dissidents » suivre des prédicateurs religieux, adopter des catégories politiques messianiques, prêcher le droit absolu à l’autodéfense armée sur sa propriété ? Avant de juger les Américains loin de nous, regardons ceux qui sont déjà parmi nous.

    ÉLÉMENTS. Vous appuyez sur la nécessité d’un certain « pragmatisme politique » pour sortir du romantisme improductif et de « l’absolutisme » incapacitant. Jusqu’où doit aller ce « pragmatisme », sans risque qu’il se mue en « compromission » ? Par exemple, peut-on (ou doit-on) soutenir Emmanuel Macron du fait de son aspiration proclamée à la création d’une « armée européenne » qui pourrait devenir à terme l’un des piliers d’une « Europe puissance » à laquelle nous aspirons ?

    ADRIANO SCIANCA : Si un gouvernement « ennemi » fait quelque chose qui va dans la bonne direction, il est juste de souligner ses contradictions, son inadéquation, son hypocrisie, mais on ne peut pas soutenir du jour au lendemain le contraire de ce que l’on a toujours soutenu juste pour contrarier les dirigeants. Il est clair pour tout le monde que l’activisme de Macron sur le front de la défense commune n’est qu’une tentative désespérée de figurer dans l’histoire comme un homme d’État européen malgré ses échecs dans son propre pays. Tout comme il est clair pour tout le monde que son profil anthropologique et culturel est mal adapté au rôle de meneur qu’il prétend soudainement pouvoir jouer. Et pourtant, après avoir reproché à cette Europe d’être impuissante, sans défense, désarmée, hors de l’histoire, on ne peut pas ensuite lui reprocher exactement le contraire, simplement par crainte d’être associé à Macron. Dans mon livre, j’évoque l’image d’une « singularité européenne », sur le modèle de la singularité technologique. Comme on le sait, cette dernière représente la phase où les machines intelligentes commencent à se programmer elles-mêmes, de plus en plus rapidement, échappant au contrôle de ceux qui les avaient conçues à des fins tout autres. De la même manière, il est possible que l’Europe puissance, une fois mise en mouvement par ces classes dirigeantes, devienne autre chose, échappe au contrôle de ceux qui l’ont évoquée et les balaye. En tout état de cause, je ne deviendrai pas un partisan de notre impuissance par crainte de paraître compromis avec le macronisme. D’autant plus que ceux qui portent de telles accusations ont généralement des fréquentations bien plus embarrassantes.

    ÉLÉMENTS. Dans les dernières pages du livre, vous évoquez comme objectif des « bons européens » le concept d’Hespérie, également mis en avant par David Engels, un terme qui peut paraître à première vue légèrement abstrus ou du moins relativement « désincarné ». Pourriez-vous en donner une définition concrète ?

    ADRIANO SCIANCA : Il s’agit d’un concept qui résulte d’une traduction quelque peu créative d’une distinction heideggérienne. Le philosophe allemand opposait l’Occident et l’Abend-Land. Le premier est l’Occident que nous connaissons, mondialiste et déracinant. Le second est quelque chose de complètement différent, c’est la reprise du génie grec mais dans un contexte qui n’est plus celui de la Grèce. Les traducteurs français ont rendu Abend-Land par Esperia (qui est d’ailleurs l’un des plus anciens noms donnés à l’Italie par les Grecs). Guillaume Faye a repris ce concept et l’a développé à sa manière. Il est évidemment toujours un peu difficile de donner une substance concrète à des concepts philosophiques, mais dans mon cas, le concept servait à briser la dialectique binaire entre l’occidentalisme des Lumières et l’anti-occidentalisme obscurantiste. Il existe une troisième voie : celle qui cherche à conjuguer force et liberté, droit et identité, technique et enracinement. Occident est le nom du lieu où le soleil meurt, Esperia est le nom de la terre qui garde le soleil dans la nuit du monde, en attendant son inévitable renaissance.

    Adriano Scianca, propos recueillis par Xavier Eman (Site de la revue Éléments, 25 avril 2025)

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  • Tour d'horizon... (284)

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    Au sommaire cette semaine :

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    - sur Le Saker, une revue de presse internationale pour la période du 28 avril au 4 mai, abordant tous les sujets chauds du moment : la guerre en Ukraine, la guerre commerciale de Trump, le conflit israélo-palestinien, le Moyen-Orient, les tensions indo-pakistanaises, etc...

    La revue de presse internationale du 28 avril au 4 mai

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    - sur Grand Continent, les timides, mais réelles, évolutions du courant européiste sur la nécessité de la force...

    Un art politique européen peut contenir la dérive des Empires

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