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Métapo infos - Page 19

  • L’Extrême Droite expliquée à Marie-Chantal...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier un essai polémique de Frédéric Saint Clair intitulé L’Extrême Droite expliquée à Marie-Chantal. Ancien conseiller du Premier ministre Dominique de Villepin, écrivain et politiste, Frédéric Saint Clair est l'auteur de Comment sortir de l'impasse libérale ? - Essai de philosophie politique civilisationnelle (L'Harmattan, 2022).

     

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    " « Trentenaire, jolie, bourgeoise, macroniste jusqu’au bout des ongles, rencontrée par hasard au café de Flore, Marie-Chantal incarne à merveille l’élite actuelle, à la fois obsédée et effrayée par l’extrême droite. Je l’interroge : c’est quoi, l’extrême droite ? Elle peine à répondre. Un dialogue s’engage, au fil de nos rencontres : discrimination, grand remplacement, dictature, remigration, coup d’État… ou comment repenser la notion d’ennemi à l’heure du choc des civilisations ? À la fin de l’histoire : elle sait ce que ça coûte politiquement d’être cosmopolite à la manière de Kant et de n’avoir pas lu Carl Schmitt. Et qu’est-ce que ça change ? Absolument tout ! » Un livre indispensable pour comprendre les grands enjeux de notre temps. "

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  • L’hiver démographique est-il inéluctable ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Ferdinand Sudres, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à l'hiver démographique dans lequel est entré l'Europe...

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    L’hiver démographique est-il inéluctable ?

    Lors de sa conférence de presse fleuve du 11 janvier 2024, le président de la République a évoqué la nécessité d’un « réarmement démographique » du pays. Ces termes n’ont pas manqué de provoquer une petite polémique dans le landerneau parisien : les féministes accusant le chef de l’État de vouloir imposer aux corps des femmes des choix politiques et la droite rappelant à bon droit qu’Emmanuel Macron avait participé au gouvernement durant lequel la courbe démographique française avait entamé une descente vertigineuse.

    En 2023, l’Insee nous apprenait que la France avait enregistré son plus bas taux de natalité depuis 1946 avec moins de 700 000 naissances et un taux de natalité s’établissant à 1,6 enfant par femmes. Alors que la France disposait encore d’une natalité dynamique par rapport au reste de l’Europe, elle semble rentrer dans un hiver démographique de long terme, c’est-à-dire une baisse concomitante de ses naissances associée à un vieillissement de plus en plus important de sa population.

    Cet hiver démographique, phénomène bien connu en Italie ou au Japon, constitue en réalité un phénomène mondial qu’il appartient à tout acteur de la Cité d’appréhender. Si le défi écologique ou climatique est toujours en première ligne des préoccupations et de l’intérêt médiatique, le défi démographique, plus obscur, invisible par définition, constitue en réalité la plus grande menace pour l’équilibre de nos sociétés reposant largement sur une utilisation extensive du capital humain.

    Il nous faut ainsi établir les données du problème et identifier les causes aussi subjectives que matérielles qui concourent à ce vieillissement accéléré de l’ensemble de la population du globe et singulièrement de la population européenne. La démographie et le maintien d’une population active ne sont pas qu’une lubie économiste ou le dernier avatar d’une pensée chrétienne accrochée à la procréation. cette problématique doit être saisie comme centrale, car elle conditionne le futur et la stabilité socio-économique de nos pays et particulièrement du continent européen.

    L’hiver démographique arrive

    L’Europe et les pays fortement développés comme le Japon ou la Corée du Sud connaissent depuis la fin des années 1990 des niveaux démographiques alarmants. Pour la Corée du Sud, le point de non-retour semble déjà passé. Avec en moyenne 0,7 enfant par femme, il est désormais admis que la Corée du Sud perdra la moitié de sa population active d’ici 2050 et passera en dessous de 35 millions d’habitants d’ici la fin du siècle. Le Japon et l’Italie sont d’ores et déjà les pays les plus vieux du monde et leur atonie économique structurelle repose en partie sur cette situation démographique désastreuse.

    Néanmoins, si la situation alarmante des pays européens et des pays d’Asie du Sud-Est est déjà largement connue, on observe une baisse structurelle du taux de natalité dans la quasi-totalité des pays du monde et un vieillissement de certaines sociétés moins riches et moins développées. À ce titre, l’Amérique du Sud, connaissant désormais un taux faible de natalité, enregistre un vieillissement accéléré de sa population. Alors que les États-Unis d’Amérique avaient mis cinquante ans pour voir la part de leur population âgée de plus de 60 ans passer de 10 à 20 %, des pays comme le Pérou, la Colombie ou le Venezuela mettront moins de trente ans à passer cette limite déterminante avec un système de protection sociale moins performant, toutes proportions gardées, que le système américain.

    En Afrique, dont l’augmentation démographique est à juste titre une source d’inquiétude, particulièrement pour le Vieux Continent, on observe que nombre de pays africains connaissent une baisse démographique tendancielle de leur taux de natalité, malgré une démographie encore galopante en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. L’augmentation de la population mondiale résidera pour le siècle en cours essentiellement en Afrique qui conserve encore un taux de natalité important, à l’inverse du reste de la planète. Les pays du Maghreb ont d’ores et déjà terminé leur transition démographique et la natalité des grandes métropoles africaines est passée sous la barre du taux de renouvellement des générations.

    Dans le monde entier, depuis la Covid-19, les pays qui observent une augmentation de leur démographie se comptent sur les doigts d’une main. Seules la Mauritanie, l’Afghanistan et Israël affichent encore des taux de natalité croissants alors que la plupart des pays sont non seulement passés sous le seuil de renouvellement des générations, mais subissent également une baisse continue de leur taux de natalité.

    Selon l’ONU, le taux de natalité mondial s’établirait en 2023 à 2,2 enfants par femme. S’il est encore supérieur au seuil de renouvellement des générations, porté en partie par le déploiement de la démographie africaine, l’espèce humaine semble sur la voie d’une baisse structurelle de sa natalité. Les transitions démographiques rapides et désormais le vieillissement accéléré de la population constituent des phénomènes de plus en plus structurels non seulement en Europe où près de 30 % de la population aura plus de 60 ans en 2040, mais également dans d’autres parties du monde comme l’Amérique latine ou l’Asie du Sud-Est. Pour l’Empire du milieu, les effets de long terme de la politique de l’enfant unique, conjugués à une urbanisation et à un développement rapide, ont amené le pays à un taux de natalité à un enfant par femme, entraînant un vieillissement accéléré de la population chinoise réduisant ses chances d’hégémonie et de domination à long terme. Avant d’être riches, les Chinois seront vieux.

    Zeitgeist nullipare

    Le sujet de la démographie est un sujet complexe. Il se situe à l’intersection du privé et du public. Il concerne l’espace privé, ce que font les gens dans leur chambre à coucher, ou ailleurs, ce qui ne devrait pas normalement relever de l’examen de l’État ou des décideurs publics, mais il concerne surtout le collectif et le destin tout entier de la Cité. Si faire un enfant est une question intime, la natalité est une cause collective.

    Dans le monde occidental, cette baisse brusque de la natalité depuis la Covid-19 tient d’abord à une cause générationnelle. La génération dite Z (née entre 1997 et 2004) arrive peu à peu à l’âge de procréation. Génération socialisée par les écrans, déstructurée par le confinement, inquiète des évolutions du monde et d’un futur incertain, marquée par une solitude grandissante et une difficulté à s’engager, voire tout simplement à procréer, elle s’affirme comme une génération fortement nullipare (autrement dit : qui n’a jamais porté d’enfant ni accouché), où le projet d’enfant vient contrecarrer les aspirations individuelles. Dans un sondage récent paru dans Libération, l’IFOP estimait qu’un quart des jeunes Français de moins de 24 ans n’avaient pas pratiqué d’activités sexuelles dans les douze derniers mois, un chiffre record par rapport à la précédente enquête publiée en 2006. Par ailleurs, s’il y a une quinzaine d’années, la maternité était encore l’idéal de la quasi-totalité des Françaises (98 % en 2006), elle n’est plus aujourd’hui un rêve pour toutes : 13 % des Françaises âgées de 15 ans et plus (+11 points depuis 2006) expriment leur préférence pour une vie sans enfant, et leur nombre est trois fois plus élevé chez les femmes sans enfant en âge et en capacité de procréer (31 %). À l’inverse, la « famille nombreuse » (3 enfants et plus), qui était un idéal de vie pour près d’une femme sur deux il y a encore une quinzaine d’années (49 % en 2006), n’attire aujourd’hui plus qu’une Française sur trois (32 %).

    Le développement des réseaux sociaux explique en partie ce phénomène de non-natalité. Selon une étude récente de la Fondation de France, près de 25 % des jeunes Français sont en état de solitude aggravée, n’ayant plus ou peu d’interactions sociales avec autrui.Cette solitude moderne, paradoxale,car inscrite dans une absence de relation humaine réelle mais dans une surmobilisation et un surinvestissement de relations numériques éphémères, participe à un grand mouvement nullipare de la société.

    Parallèlement, la figure de la maternité et de l’enfant disparaît peu à peu de l’environnement des sociétés. Les grands ensembles urbains où vivent la majorité de la population sont de plus en plus rétifs à la présence des enfants. Les parcs, aires de jeux, ou autres infrastructures publiques dédiées à la présence enfantine, sont de moins en moins construits ou déployés.

    L’individu contre la famille

    Par ailleurs, les lieux de sociabilité et de rencontre, ferments de la civilisation européenne, comme les bars ou les cafés, tendent peu à peu à disparaître. Les boîtes de nuit, symbole de la jeunesse et de la sociabilité des années 1980 et 1990, subissent une désaffection profonde de la génération Z et ferment les unes après les autres.Selon le sociologue Jérôme Fourquet, un phénomène puissant de repli sur l’espace intime et l’intérieur irrigue désormais toute la société et particulièrement les plus jeunes. Cette civilisation du plaid, inquiète et adepte de safe space, souvent solitaire, semble devenir de plus en plus incapable de se projeter dans un avenir commun et particulièrement de troquer sa liberté de monade solitaire contre la charge de la parentalité.

    La baisse de la natalité en France et en Europe réside également dans la dégradation des conditions matérielles d’existence des jeunes. Le marché du logement, par exemple, constitue le frein le plus évident à la fondation d’une famille. L’exiguïté des lieux d’habitation comme l’instabilité structurelle dans leur occupation par l’impossibilité récente d’accès à la propriété découragent les couples à fonder une famille.

    De plus, l’évolution de la politique nataliste a eu un effet catastrophique sur la démographie française. Alors que le pays se félicitait d’associer un haut niveau d’accès à l’emploi pour les femmes et une natalité relativement dynamique, les réformes des allocations familiales, particulièrement sous le quinquennat Hollande, ont participé à enrayer ce qui était encore un atout déterminant de la France dans le concert européen. La fin de l’universalité des allocations familiales a entraîné une diminution de la natalité des couples de classes moyennes supérieures ou de la petite bourgeoisie. Si on ne fait jamais un enfant pour les aides, la perspective d’un soutien financier de l’État rassure quant à la possibilité de la conception d’un deuxième ou d’un troisième enfant. Des études ont ainsi exposé le lien mécanique entre la fin de l’universalité des allocations familiales, au mépris de la tradition historique de la gauche républicaine en faveur de toutes les familles, et le début de l’hiver démographique français.

    Par ailleurs, l’instabilité des économies occidentales, tertiarisées et flexibles, contribue à dissuader tout projet d’enfants. L’Italie constitue à ce titre un pays malheureusement exemplaire dans ce phénomène. Depuis 2000, la croissance italienne est nulle et son industrie est à la peine. Le baby-boom italien, situé dans les années 30 et non la fin des années 40, a pour conséquence tardive une impossibilité pour beaucoup de jeunes Italiens d’avoir accès à un emploi stable en dépit d’un haut niveau de formation universitaire. Le vieillissement de la société italienne a entraîné une sclérose tant du marché locatif que des possibilités professionnelles. Ainsi en 2023, 21 % des jeunes Italiens étaient au chômage contre 17,4 % des jeunes Français. Le marché locatif italien empêche également les jeunes de quitter le foyer familial. L’Italie affiche ainsi le triste record de 42 % de jeunes de 25 ans vivant encore chez leurs parents. Malgré les promesses du nouveau gouvernement de Giorgia Meloni, la natalité italienne ne repart toujours pas, lestée d’une situation économique, locative et sociétale particulièrement problématique et d’un manque criant d’infrastructures publiques pouvant concilier l’accueil d’un enfant et le maintien d’une vie professionnelle pour les parents, en particulier pour les mères.

    Des enfants de plus en plus tard

    Enfin, la baisse de la natalité trouve aussi sa cause dans la progression vertigineuse de l’infertilité des couples. Celle-ci s’explique par deux facteurs. En premier lieu, les femmes ont en moyenne leur(s) enfant(s) de plus en plus tardivement. En France, l’âge du premier enfant s’établit à 28 ans contre 22 ans en 1960 selon l’INSEE. Ce décalage constant de l’âge de conception de l’enfant repose dans une inadéquation entre l’âge de fertilité le plus élevé et l’entrée dans la vie professionnelle.

    En effet, les femmes sont les plus fertiles entre 20 et 30 ans, au moment de leur entrée dans le monde professionnel et où le besoin de faire ses preuves et d’être productif est le plus fort. Ainsi, et en notant un manque tangible d’éducation sexuelle du public féminin à ce sujet, l’âge du premier enfant se décale de plus en plus vers la trentaine au moment où les grossesses deviennent de plus en plus difficiles et où la femme comme l’enfant courent un risque accru.

    De plus, on observe également l’augmentation de l’infertilité masculine. La qualité du sperme de l’homme occidental n’a cessé de régresser. Selon Santé publique France en 2018, les études ont confirmé une altération globale de la santé reproductive masculine en France, depuis les années 1970, avec une baisse significative et continue de 32,2 % de la concentration spermatique entre 1989 et 2005. Les principales causes de cette crise sanitaire demeurent dans l’exposition constante des populations occidentales et européennes aux perturbateurs endocriniens. Malgré un plan de recensement et de lutte contre ces substances lancées par la Commission européenne et le gouvernement français en 2021, comme la mobilisation de parlementaires nationaux sur ce sujet, les populations européennes demeurent fortement exposées à ces substances issues de l’industrie chimique ou de traitements médicaux qui affectent fortement la capacité reproductive des couples. Ainsi, les troubles de l’infertilité concernent près de 3 millions de couples en France réduisant d’autant plus les capacités démographiques des populations.

    L’immigration, pharmakon contre la dépopulation

    Face à cet effondrement de la démographie européenne, certains, comme l’inénarrable démographe Hervé Le Bras ou une partie de la gauche, voudraient recourir à une immigration plus importante, capable d’apporter les forces vives et les naissances qui manquent désormais à un continent vieillissant.

    Il va sans dire que ce remède contre la dépopulation qui vient serait pire que le mal. Néanmoins il nous faut expliquer pourquoi l’immigration ne saurait en rien le moyen de régler le vieillissement démographique accéléré de nos sociétés.

    La dépopulation demeure encore un risque peu identifié, voire hypothétique pour beaucoup ; pourtant, les premiers effets de ce vieillissement démographique se font d’ores et déjà sentir par la dégradation des systèmes de soins aux populations reposant largement sur un capital humain à haute valeur ajoutée. Si les Français sont légitimement inquiets de la crise de l’hôpital public et de la disparition progressive dans de larges territoires de médecins généralistes ou spécialistes, peu identifient cette question comme le prolégomène de la crise démographique. En effet, le débat public circonscrit la cause de cette crise aux effets désastreux de l’application du numerus clausus lors des précédentes décennies. Il nous faut convenir que cette limite bureaucratique au nombre de médecins a fortement dégradé l’offre médicale. Néanmoins, de nombreux pays comme l’Allemagne ou le Canada n’ayant pas mis en place de tels mécanismes subissent également une baisse de la démographie médicale et un manque de bras et de médecins dans leurs hôpitaux. La cause ne résulte pas d’une décision bureaucratique, mais bel et bien des premiers effets de cette crise démographique et de la difficulté de trouver soit dans la population autochtone soit même parmi les populations immigrées des personnes disposant des qualités requises pour effectuer ses tâches.

    L’immigration ne sera pas ainsi la solution pour repeupler nos campagnes de médecins ou pour raccourcir les délais d’attente dans les urgences. En effet, l’immigration hautement qualifiée sera, dans les années à venir, une ressource rare et chère. Non seulement nous ne pouvons ni moralement ni politiquement vider les pays en développement de leur force vive, dont leurs médecins et leurs ingénieurs, mais, bientôt, beaucoup de pays pourvoyeurs d’immigration hautement qualifiée comme l’Asie ou l’Amérique seront dans l’incapacité de répondre à leurs propres besoins en raison du vieillissement démographique. Récemment, la Turquie a annoncé sa volonté de faciliter l’entrée de médecins d’origine d’Afrique noire pour pallier elle aussi au vieillissement accéléré de sa population et à un manque de personnels de santé.

    Par ailleurs, une immigration massive ne peut pas régler le problème structurel de la baisse de la natalité. On l’observe particulièrement en Amérique du Nord où le Canada comme les États-Unis subissent depuis de nombreuses années une immigration massive largement encouragée par les gouvernements libéraux et démocrates au pouvoir à Washington DC et à Ottawa. Au Canada par exemple, malgré l’entrée de près de 500 000 personnes par an depuis le début de l’ère Trudeau, la démographie canadienne a elle aussi atteint un stade critique, en dépit de l’apport de nombreux immigrés, avec 1,4 enfant par femme. De plus, comme l’a montré le même Hervé Le Bras, dans Le destin des immigrés, si les immigrés sont beaucoup plus féconds à leur arrivée sur le sol de leur pays d’accueil, dès la deuxième génération le taux de natalité s’adapte globalement à celui du pays d’accueil. Recourir à l’immigration serait donc, face au problème de la natalité, reculer pour mieux sauter… dans le vide.

    Enfin, face à ce vieillissement accéléré de la population et un risque d’hiver démographique en France et en Europe, miser sur l’immigration c’est réduire la stabilité ethnoculturelle des différents pays et ainsi saper un esprit communautaire, voire un simple esprit de redistribution entre tous les citoyens. La dépopulation et le vieillissement poseront à l’avenir des problèmes de grande ampleur, mêlant une charge de plus en plus intense sur les dépenses publiques et privées pour prendre en charge une population sénescente mais aussi altérant l’affectio societatis des collectivités par la rareté croissante d’un capital humain de haute qualité. Devant le vieillissement de la population, il faut ainsi rappeler que le maintien d’une unité ethnoculturelle est un préalable vital pour garantir la stabilité de nos pays.

    Aux bébés citoyens ?

    Retour au 11 janvier 2024. La gauche a fait feu de tout bois contre l’expression du président de la République de « réarmement démographique ». Si ce terme semble le concept central d’une simple opération de communication présidentielle forgée par un cabinet de conseils américain, il ne permet en rien d’appréhender le problème de l’hiver démographique et encore moins d’y apporter une solution.

    Il existe une constante dans l’étude des politiques de natalité : toute politique coercitive ou d’imposition morale faite aux femmes de faire des enfants, émanant d’une entité politique, est toujours une politique sans effet. Le moindre manuel scolaire publié sous la Troisième République alertait chérubins (et parents) de ce manque croissant d’enfants qui mettait à mal la capacité de défense et de prospérité du pays, particulièrement dans l’entre-deux-guerres, où une Allemagne revancharde accumulait les performances démographiques face à une France saignée à blanc et qui avait connu une transition démographique rapide sans commune mesure avec le reste de l’Europe. Les exhortations natalistes de tel ou tel gouvernement n’y ont rien fait.

    Il a fallu attendre le déploiement d’une politique familiale, dès 1942, sous le régime de Vichy, puis poursuivie par le Conseil national de la Résistance, le tout mêlé à un optimisme renouvelé des populations au sortir de la guerre, pour donner lieu au baby-boom. La politique nataliste doit ainsi reposer sur une volonté de l’État d’aider les couples à avoir des enfants et sur une politique réelle, appuyée sur des mécanismes financiers et administratifs qualitatifs, et non des injonctions moralisatrices ou patriotiques. À ce sujet, la Pologne comme la Hongrie donnent des exemples de mesures fiscales réelles pour soutenir et améliorer des taux de natalité très bas.

    Si la gauche veut réduire le problème de la natalité à une problématique purement individuelle et intime, elle en oublie que tout système socialisé repose sur une natalité dynamique. En effet la puissante armature sociale de l’État français, qui représente près de 700 milliards d’euros, est exclusivement financée par les prélèvements obligatoires des actifs et leur renouvellement.

    Le dernier mouvement social portant sur l’augmentation de l’âge à la retraite a démontré l’absolue irresponsabilité de la gauche Nupes au sujet de la natalité, s’enfermant dans des positionnements impolitiques et des postures morales, fortement éloignés des causes réelles de cette dégradation de la protection sociale pour les Français.

    Selon l’expression lumineuse de feu Patrick Buisson, cette réforme des retraites c’est le paiement des enfants que nous n’avons pas eus. Le système redistributif français ne peut reposer que sur une natalité dynamique et c’est cet impensé fondamental tant de nos gouvernants que d’une large partie du personnel politique, à l’exception notable du Rassemblement national et de Reconquête !, qui génèrent les drames sociaux actuels et futurs que vivront nos compatriotes. Sans une remontée de la démographie non pas à des niveaux délirants mais bien à un niveau moyen de 1,8 ou de 1,9 enfant par femme, la stabilité de notre système social est pour ainsi dire condamné.

    Quelles solutions reste-t-il alors pour le personnel politique ?

    L’hiver démographique menace. Néanmoins, une fois les données établies et les défis analysés, des solutions demeurent pour améliorer le taux de natalité marginale des Français.

    En premier lieu, le rétablissement d’une politique inconditionnelle d’allocations familiales universelles est un préalable obligatoire. Si, comme on l’a dit, l’argent public n’enfante pas, il permet en revanche d’augmenter la natalité marginale. Or, c’est bien ces quelques points supplémentaires qui permettront de sauver notre ordre social et préserver l’intégrité de notre pays.

    Par ailleurs, une réflexion d’ensemble doit être menée quant à la préparation de l’accueil et du suivi de l’enfant. Ainsi, la persistance de violences obstétricales terrifiantes sur certaines jeunes mères, mises en lumière par des collectifs féministes, participe malheureusement au grand dégoût de l’enfantement pour une large partie des jeunes femmes françaises. L’État doit ainsi reconstruire un cadre protecteur et accueillant pour les familles françaises en garantissant un suivi et une qualité de services dans tout le parcours de l’enfantement.

    À ce sujet, le manque de plus en plus criant de place en crèche constitue un jalon fondamental des politiques natalistes. Il conviendrait de mettre sur pied un plan de grande ampleur, centré sur les collectivités territoriales, à commencer par les municipalités, de façon à exiger des administrations publiques comme des acteurs du secteur privé qu’ils mettent en place des crèches professionnelles et de façon à ce qu’un véritable service public de la petite enfance décentralisé puisse voir le jour soit au niveau des communes soit au niveau des départements dans les zones rurales. Ainsi, un tel mouvement ne pourra être entrepris que par la revalorisation des métiers touchant à la petite enfance et à ses rémunérations.

    Par ailleurs, un grand plan de lutte contre l’infertilité passant par le recensement des perturbateurs endocriniens (et des entreprises fabricant les produits incriminés), couplé au développement de pratique médicalisée pour aider à l’enfance (que ce soit la FIV, soit la fécondation in vitro, sinon la PMA), pourrait contribuer à permettre à des couples ayant un désir d’enfant tardif, c’est-à-dire à plus de 30 ans, de l’obtenir. Il conviendrait de s’inspirer des pays nordiques, le Danemark en tête, qui ont été très tôt sensibilisés à la problématique de l’infertilité masculine et ont développé depuis de nombreuses années des dispositifs sociaux d’évaluation de la fertilité chez les jeunes et des soutiens financiers aux couples infertiles ou éprouvant des difficultés à enfanter pour répondre à leur désir d’enfants.

    Enfin, c’est bien un discours de réenchantement démographique qu’il faudra construire. L’image culturelle et médiatique de la maternité et de la paternité doit être revalorisée comme un moment de joie et d’accomplissement personnel, mais aussi comme une modalité réelle de réussite de l’individu, à l’heure où des vies professionnelles hachées et souvent dépourvues de sens réduisent l’homme au simple rang de producteur ou d’exécutant. L’éducation sexuelle doit aussi être renforcée, entre autres pour alerter les jeunes filles sur les risques d’une grossesse tardive et sur la réalité de la ménopause.

    La prise en charge politique réelle du problème démographique ne doit pas se fourvoyer dans un choix binaire : le déploiement d’un discours coercitif, voire patriotique, qui rebute les couples, ou la seule mise en valeur du choix individuel qui est à terme aussi dangereux et profondément impolitique. À cet égard, on ne peut que se lamenter du temps perdu dans de vains débats sur la natalité. La France, par son histoire, a été un pays où la politisation de cette question et le déploiement concomitant de mesures financières ou administratives réelles avaient su concilier une pleine liberté accordée aux couples et un État protecteur de l’enfance.

    Remarquons, au passage, que le tournant néolibéral a contribué à sortir de l’agenda public la question de la procréation, au moment même où les évolutions sociétales et migratoires rendaient ce sujet absolument central.

    L’hiver démographique n’est pas encore une fatalité pour la France ni même pour l’Europe. Si des causes structurelles et collectives concourent à cet esprit nullipare, le citoyen comme les pouvoirs publics doivent se mobiliser face à ce défi et promouvoir des réponses politiques visant à reconstruire un État protecteur des familles et des enfants, gages de notre avenir collectif.

    Ferdinand Sudres (Site de la revue Éléments, 28 février 2024)

     

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  • Les snipers de la semaine... (269)

    Pierre Boisguilbert, Macron, régis de castelnau, médiocrité, aya nakamura

     

    Au sommaire cette semaine :

    - sur Polémia, Pierre Boisguilbert se paie Macron et sa logorrhée qui tourne à vide...

    Emmanuel Macron, le président qui aimait trop s’entendre parler

    Macron_Pipot.jpg

    - sur Vu du droit, Régis de Castelnau dézingue l'amateurisme du Président à l'occasion de ses récentes déclarations sur la guerre en Ukraine...

    Ukraine : la dernière foucade du fake-Président

    Macron_Fake.jpg

    - sur Hashtable, H16 rafale la médiocrité triomphante dans notre pays...

    La France célèbre la médiocrité

    Nakamura.jpg

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  • Feu sur la désinformation... (456) : Macron et son double au salon de l’agriculture...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Lucas Chancerelle.

     

                                             

    Au sommaire cette semaine :

    L’image de la semaine : Macron va-t-en guerre sur l’Ukraine.

    Dossier du jour : une comparaison des deux lectures médiatiques du déplacement d'Emmanuel Macron au salon de l’agriculture.

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    Portrait piquant (en partenariat avec l’OJIM) : Gaspard Proust, un humoriste qui gêne le politiquement correct !

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  • Les Cahiers noirs de Heidegger...

    Les éditions Kimé viennent de publier un ouvrage d’Étienne Pinat intitulé Les Cahiers noirs de Heidegger - Un guide de lecture des Réflexions. Etienne Pinat, agrégé et docteur en philosophie, est l’éditeur des Notes sur Heidegger (Kimé, 2023) de Maurice Blanchot.

     

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    " En 2014 parurent en allemand les volumes 94, 95 et 96 des œuvres complètes de Martin Heidegger édités par Peter Trawny, qui donnaient à lire pour la première fois quatorze des cahiers noirs, ces carnets à couverture de moleskine noirs dans lesquels Heidegger, à partir de 1932, consignait les pensées qui lui venaient à la volée. Dès la fin 2013 avaient commencé à circuler des extraits contenant des propos antisémites, et l’éditeur des volumes accompagnait leur parution d’un essai de son cru portant sur ces extraits, livre rapidement traduit en français. S’en suivit une large polémique à ce propos dans la presse internationale qui éclipsa tout autre aspect du contenu des cahiers noirs. Etienne Pinat, spécialiste de la pensée de la pensée de Heidegger, se propose d’introduire le lecteur francophone à la lecture de ces trois volumes, intitulés Réflexions, en repartant de la polémique sur l’antisémitisme afin de statuer sur cet antisémitisme heideggérien. Il s’efforce de monter que ces passages antisémites ont éclipsé bien d’autres aspects intéressants de ces cahiers, et au premier chef l’explication de Heidegger avec le nazisme, et avec l’erreur que constitue à ses yeux son engagement de 1933-34. S’y révèle le développement progressif d’un véritable antinazisme heideggérien à partir de 1934, puis l’apparition de propos antisémites à partir de 1938, cet antisémitisme n’étant alors pas celui du nazisme, de sorte qu’il faut en penser la spécificité. "

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  • Défendre l'Europe...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de David Engels, cueilli sur le site d'Academia Christiana et consacré à un plaidoyer en faveur de l'unification européenne, troisième voie entre le progressisme eurofédéraliste et le souverainisme régressif.

     

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    Défendre l'Europe

    L'Europe est depuis longtemps divisée entre une gauche eurofédéraliste et une droite souverainiste qui prennent en tenaille les dernières chances de survie de notre civilisation : la première parce qu'elle veut remplacer l'identité culturelle traditionnelle de l'Europe par un mondialisme désincarné, matérialiste et hédoniste ; la seconde parce que le retour à une trentaine d'États-nations risque de transformer le continent en échiquier des intérêts impériaux des autres grandes puissances du nouveau monde multipolaire. Il est grand temps pour les défenseurs de la véritable tradition européenne d'emprunter résolument la troisième voie de l'engagement patriotique pour une unification européenne qui ne repose pas sur la lutte contre les identités et les traditions, mais plutôt sur leur défense et leur prolongement : l'hespérialisme.

    Les élections européennes de 2024 pourraient être un moment décisif à cet égard : d'une part, une victoire des eurofédéralistes pourrait abolir les vetos nationaux et porter un coup décisif à la subsidiarité ; d'autre part, la droite sceptique de l'UE semble plus que jamais divisée sur ses choix idéologiques : christianisme ou sécularisme, européisme ou souverainisme, solidarité ou libertarisme.

    Réorientation politique générale

    Je propose donc pour ma part une réorientation politique générale, dans une perspective non pas nationale, mais résolument civilisationnelle. Car bien avant d'être divisée en Etats, l'Europe était déjà une unité politique, culturelle et surtout spirituelle, et les nations n'ont fait qu'exprimer (et parfois exacerber) des facettes choisies de cette unité. Cette unité culturelle sous-jacente est aujourd'hui plus que jamais menacée, tant de l'intérieur que de l'extérieur, et si nous voulons sauver ses composantes nationales, nous devons commencer par sauver l'ensemble du cadre de référence qui la définit et la garantit. Il est donc grand temps pour les défenseurs de notre identité et de nos traditions d'élargir leur horizon politique de la lutte pour l'autonomie de l'État-nation à la lutte pour la survie de notre civilisation tout entière.

    Bien sûr, il s'agit dans une certaine mesure d'une "idée régulatrice" qu'il faut sans cesse adapter aux conditions réelles, qu'elles soient culturelles, politiques, économiques ou nationales. Néanmoins, je suis fermement convaincu que nous avons besoin de l'étoile directrice du patriotisme européen pour guider les différents choix à venir. Ce patriotisme comporte bien sûr une composante spirituelle, comme nous le verrons, car si la séparation de l'Église et de l'État a toujours fait partie intégrante de notre culture européenne, elle n'implique en aucun cas une séparation de la foi et de la politique, bien au contraire : le véritable hespérialisme ne consiste pas à glorifier sans distinction tout et n'importe quoi, pourvu que cela soit recouvert d'une rouille historique suffisante, mais plutôt à examiner soigneusement les différentes strates de notre identité, en ne considérant comme réellement admirables et dignes d'être imitées que celles qui ont été placées sous l'étoile directrice d'une aspiration sincère à rattacher l'existence terrestre à la transcendance.

    Mais avant d'approfondir ce sujet, revenons sur cette "grande confusion" systématique de l'identité européenne qui, sous couvert de "déconstruction critique", a fomenté une terrible calamité qui, même dans le meilleur des cas, continuera de peser sur notre civilisation pendant de nombreuses décennies. La pensée critique n'est pas en soi une nouveauté dans l'histoire occidentale ; déjà au Moyen-Âge, prétendument "obscur", la "disputatio" comptait parmi les principales techniques d'acquisition du savoir de l'"universitas" et n'était pas non plus, et surtout pas, empêchée par l'Église, mais plutôt encouragée. Toutefois, ce processus de pensée se déroulait sous le postulat fondamental de l'existence de l'Un, du Vrai, du Bien et du Beau, tel qu'il nous a été révélé en Europe par le christianisme ; la déchristianisation des "Lumières", dont les racines remontent certes loin dans le passé, est en revanche marquée par une déconstruction progressive de ce postulat fondamental, d'abord vidé de son contenu dogmatique, puis également de son contenu ontologique, de sorte que l'examen critique et constructif n'est plus que relativisme et finalement nihilisme.

    Bien sûr, pendant un certain temps, l'accumulation purement empirique de connaissances scientifiques descriptives sur les faits et les techniques d'application a progressé, mais là aussi, ces dernières années, nous avons vu de manière significative non seulement une stagnation progressive, mais aussi les multiples effets du nihilisme philosophique.

    Au cours du dernier demi-millénaire, nous avons assisté à la destruction totale du sens de la transcendance, à la déconstruction du christianisme de l'extérieur comme de l'intérieur, à l'introduction massive d'une religion étrangère en Europe, à l’expension inquiétante de diverses formes d'ésotérisme et à la promotion de l'athéisme, du matérialisme et de l'hédonisme comme formes normales de l'existence humaine.  Dans le cadre de cette autodestruction idéologique, l'homme a également perdu sa dignité : d'abord mis à la place de Dieu en tant que prétendue "mesure de toute chose", l'envolée de l'auto-élevation a rapidement été suivie d'une chute brutale dans les formes les plus diverses de collectivisme et de déshumanisation, qui connaissent actuellement une triste apogée dans les théories trans- et posthumanistes les plus diverses. Il en a été de même pour la famille, la nation, l'idée de démocratie participative, la tradition, la beauté, l'économie et même la nature : partout, les communautés solidaires qui s'étaient développées au cours de l'histoire, ancrées dans le droit naturel et intimement liées aux enseignements de la Révélation, ont été volontairement détruites et remplacées d'abord par des ersatz rationalistes, puis par le seul nihilisme pur et simple, jusqu'à ce qu'il ne reste presque plus rien de ce qui avait défini l'Europe pendant des siècles.

    Notre identité européenne

    Afin d'asseoir le contre-projet d'une vaste reconstruction culturelle sur des bases historiques solides, nous devons tenter de démêler les différentes strates chronologiques de notre identité européenne, afin d'apprendre à séparer l'important de l'insignifiant, la racine du tronc, l'action de la réaction. Ainsi, nous devons tout d'abord constater que le Proche-Orient ancien, y compris la sphère de l'Ancien Testament, la Grèce antique, le monde méditerranéen romain, les traditions des Celtes, des Germains et des Slaves et, bien sûr, le christianisme primitif, encore entièrement marqué par l'hellénisme levantin, ne doivent être considérés que comme des précurseurs et non comme le noyau du cycle culturel occidental : ce n'est que par leur fusion au cours de ce que l'on appelle les "siècles obscurs" que s'est formée cette nouvelle culture qui débute spirituellement avec le concile d'Aix-la-Chapelle, politiquement avec la "Renovatio" de l'idée d'empire par Charlemagne et culturellement avec la Renaissance carolingienne, et qui se caractérise psychologiquement avant tout par cette fameuse pulsion "faustienne", qui nous distingue si fondamentalement du sentiment apollinien de l'homme antique, du patriarcalisme fataliste de la culture orientale, de la doctrine de la renaissance des Indiens ou de la piété xiaoïste des anciens Chinois.

    Dans une première phase, cette nouvelle culture était encore entièrement sous l'influence de l'idée d'unité métaphysique marquée par le christianisme occidental, qui a ensuite été remplacée dialectiquement par le déplacement de l'accent sur la multiplicité à partir du 16ème siècle : Dieu a été remplacé par l'homme, la foi par le doute, la contemplation par l'expansion, la théologie par la technologie, la morale par le machiavélisme, le "Sacrum Imperium" par les premiers États-nations, la culture par la civilisation, etc. Il ne fait aucun doute qu'en ce début de XXIe siècle, nous sommes arrivés au sommet - ou devrais-je plutôt dire au creux - de cette évolution, et la morphologie culturelle comparée suggère que l'achèvement de la déconstruction ne correspond pas (encore) à la fin de notre civilisation, mais qu'il faut s'attendre à une dernière et brève synthèse, que l'on ne peut pas appeler autrement qu'un retour conscient à la tradition, comme nous l'avons vu dans l'Antiquité sous le premier Empire romain, en Chine sous la dynastie Han, en Iran sous le règne de Chosroes I. ou en Inde sous les Gupta.

    Retour conscient à la tradition

    Mais que faut-il entendre par un tel "retour conscient à la tradition", qui, comme toutes les synthèses, semble d'abord être une sorte de contradiction interne en soi, puisqu'une tradition, si on la renouvelle consciemment et rationnellement après une rupture, n'est plus vraiment une tradition, même si un deuxième regard révèle qu'il ne s'agit pas en fait d'un retour naïf, mais d'une transcendance consciente de la situation de départ ? Il est évident qu'une telle synthèse doit partir du constat que l'hubris de la phrase "homo mensura", à laquelle toute civilisation est encore vouée, ne peut conduire qu'à l'éclatement de l'autodestruction, d'où découle logiquement le besoin spirituel d'une redécouverte de la transcendance, qui cette fois-ci n'est pas seulement ressentie instinctivement, mais également recherchée rationnellement. A cette fin, la société entière doit être placée à nouveau sous la primauté de l'unité et de l'au-delà, et ce sous la seule forme qui nous soit familière, possible et reconnue en tant qu'Européens, à savoir la tradition chrétienne.

    Il n'est pas du ressort d'un gouvernement de pousser les gens à la foi à l'aide de textes de loi, mais bien de laisser ses propres convictions intellectuelles et spirituelles s'intégrer dans les actions de l'État, dans le cadre des prescriptions formelles. Si l'on considère par exemple l'omniprésence actuelle de la diffamation non seulement de la foi chrétienne, mais aussi de toute forme de croyance en la transcendance par les médias, les établissements d'enseignement et les institutions politiques, il est clair que notre élite actuelle, avec sa prétendue "laïcité", a plutôt pour objectif clair d'empêcher autant que possible les gens d'accéder à Dieu sous le couvert du sécularisme. Il s'ensuit que l'objectif d'une nouvelle élite hespérialiste est plutôt d'ouvrir à nouveau largement cette voie, dont la fréquentation ne peut bien sûr être qu'individuelle, et de la rappeler à la conscience publique comme une possibilité et non comme une contrainte. Mais toutes les autres conséquences en découlent également : la restauration de la dignité humaine de la conception à la mort ; la sanctification de la famille naturelle, le rétablissement de la subsidiarité dans le cadre d'un nouvel ordre spatial européen, la restitution de la fierté de notre histoire, l'engagement explicite en faveur du vrai, du bien et du beau, la lutte pour une vie économique à proportions humaines et le respect de la magnificence de la création, et ce non pas dans le sens d'un panthéisme écolo-gauchiste, mais d’un théâtre où se joue la lutte de l'homme et de la société pour leur âme.

    Or, malheureusement, tous les idéaux doivent être réalisés dans un monde dont les nombreuses contraintes les obligent à des compromis et des ajustements qui sont loin d'être optimaux, car ils doivent s'adapter aux réalités politiques, économiques, spirituelles et culturelles concrètes qui constituent le contexte global de nos efforts. En effet, même avec la meilleure volonté du monde et dans des conditions politiques favorables, il ne suffira pas de modifier tel ou tel texte de loi à Bruxelles ou à Paris : c'est toute une civilisation en voie de désintégration volontaire qui doit être protégée de ses tendances à la dissolution et ramenée à la raison - et à la transcendance.

    Parmi les contraintes extérieures, on peut citer : les dangers de la multipolarité pour une Europe en déclin ; les défis de la migration de masse ; le risque d'un Etat de surveillance avec un système de crédit social et une urgence pandémique ; la dépossession des politiques nationales par les institutions internationales et le réseau mondialiste ; la destruction des classes moyennes par le socialisme des milliardaires ; la crise de la foi et des églises ; et enfin, et ce n'est pas le moins important, l'épuisement naturel de notre civilisation vieillissante.

    Aux XVIIIe et XIXe siècles, l'homme européen a pu se reposer sur sa supériorité technologique par rapport au reste du monde ; au XXe siècle, les hégémonies de la guerre froide ont pris le relais pour s'occuper de lui. L'effondrement de l'hégémonie américaine renvoie l'Européen à l'histoire, même si c'est à un moment où il semble le moins apte à en relever les défis, de sorte que la seule question qui se pose aujourd’hui est de savoir s'il veut continuer à subir sans broncher les mesures palliatives actuelles afin de supporter le moins douloureusement possible la descente aux enfers, ou s'il veut au contraire oser prononcer à nouveau un "oui" courageux à l’adresse de Dieu, de l'histoire et de notre responsabilité – et entreprendre les nombreuses réformes douloureuses et urgemment nécessaires à la survie de notre société.

    Quelles sont donc les conséquences pour l'avenir proche ?

    Il n'est pas question dans ces brèves réflexions de donner une analyse détaillée des prochaines élections européennes et autres, ni de tenter de prévoir les événements du futur immédiat, ni même de résumer les projets alternatifs que j'ai présentés en détail ailleurs. Il semble toutefois évident que nous allons tous devoir mener une lutte acharnée en Europe, car il est clair que les libéraux de gauche iront jusqu'au bout pour conserver leur pouvoir et leur influence sur la société - si ce n'est par la persuasion, du moins par l'intimidation.

    Les récents événements en Pologne en sont un exemple typique : depuis des années, un pays entier a été mis à mal, tant économiquement que mentalement, par le harcèlement médiatique, les sanctions et la diffamation, tandis qu'en coulisses, un gouvernement multipartite était forgé pour s'emparer du pouvoir au moment critique et, si nécessaire, créer un nouveau statu quo par la force.

    Les élections européennes vont très probablement entraîner un certain renforcement du camp conservateur, non seulement en Pologne mais aussi dans toute l'Europe. Mais elles obligeront les progressistes à renforcer également au niveau de l'UE leur idéologie du "cordon sanitaire", provoquant ainsi une résurgence (in)volontaire de la doctrine des "partis-blocs" telle qu'on la connaissait en RDA : tous les partis qui soutiennent le "système" actuel s'allieraient durablement entre eux sous la direction idéologique de l’écolo-gauchisme comme étant la force la plus progressiste, afin de "sauver" (soi-disant) la démocratie et d'empêcher un nouveau "fascisme". Il est bien sûr tout aussi évident qu'une telle lutte contre un autoritarisme de droite imaginaire par un autoritarisme de gauche bien réel doit tôt ou tard chavirer sous le poids de ses propres contradictions et conduire à la catastrophe, tout comme, théologiquement parlant, une victoire à long terme du "mal", c'est-à-dire de l'hubris du "non serviam" diabolique, est impossible, puisque ce principe ne peut justement que toujours conduire à la dissolution, et doit même y conduire en raison de ses hypothèses ontologiques fondamentales.

    Bien sûr, cela ne peut nous rassurer que très modérément, car même si la victoire ultime du bien dans le monde extérieur est tout aussi prédestinée que le repos en Dieu nous est accessible à tout moment, même à l'intérieur, les deux nécessitent une lutte acharnée, qui doit être menée avec une intensité jusqu'ici insoupçonnée, en particulier dans les années à venir. Comme nous l'avons souvent dit, nous devons nous engager sur plusieurs voies et ne jamais perdre de vue l'objectif final : dans le domaine politique, argumenter avec persévérance et sans compromis sur la base de nos propres convictions et, dans la mesure du possible, agir ; dans le domaine social, construire partout dès aujourd'hui les communautés et les structures exemplaires sans lesquelles toute résistance au mal ne peut que s'effondrer ; et au fond de nous-mêmes, ne jamais perdre de vue que le véritable combat est celui de notre âme et qu'aucun défi politique ne peut nous dispenser de l'obligation d'établir et de maintenir la proximité de Dieu d'abord en nous-mêmes.

    David Engels (Academia Christiana, 19 février 2024)

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