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Métapo infos - Page 170

  • Churchill, sa vie, ses crimes...

    Les éditions de La Fabrique viennent de publier Churchill, sa vie, ses crimes, une biographie critique de Winston Churchill signée par Tarik Ali. Écrivain, éditeur et militant politique, membre du comité de rédaction de la New Left Review, Tarik Ali est l’auteur d’essais dont Bush à Babylone (La Fabrique, 2004) et Obama s’en va-t-en guerre (La Fabrique, 2010).

    Les lecteurs anglicistes qui veulent approfondir la question de l'action de Churchill pendant la seconde guerre mondiale, en sortant des sentiers battus, devront également se procurer les trois premiers tomes du Churchill's War du grand historien David Irving, The Struggle for Power (vol. 1), Triumph in Adversity (vol. 2) et The Sundered Dream (vol. 3).

     

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    " Tariq Ali s’attaque dans ce livre à l’image, toujours célébrée, de Churchill. Dans sa longue carrière de journaliste, d’aventurier, d’homme d’État et d’historien, l’impérialisme et l’anticommunisme constituent le fil directeur, avec des conséquences ravageuses.

    Jeune homme, Churchill participe aux batailles en Afrique du Sud, au Soudan et en Inde, qui visent à maintenir l’ordre impérial. À la tête de la marine lors de la Première Guerre mondiale, il est responsable d’une série d’erreurs catastrophiques conduisant à des morts par milliers. Ses efforts pour écraser les nationalistes irlandais sont autant de plaies qui ne sont toujours pas cicatrisées. Endossant le rôle de défenseur de son pays pendant la Deuxième Guerre mondiale, la période la plus vénérée de sa carrière, il n’a pas hésité à sacrifier des populations : Tariq Ali évoque l’attaque brutale contre la résistance grecque, la famine au Bengale qui a coûté la vie à plus de 3 millions d’Indiens, l’assaut aérien contre les civils à Dresde et Hambourg, et son insistance sur l’utilisation d’armes nucléaires au Japon.

    Comme leader une fois la paix revenue, alors même que l’Empire s’écroulait, Churchill n’a jamais renoncé à sa philosophie impériale empreinte de racisme et il est l’un des architectes du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui. Son bilan est terrible, amplement documenté dans l’acte d’accusation de Tariq Ali qui déroule en contrechamps le récit d’un demi-siècle de résistance et de luttes pour l’émancipation. "

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  • De Gaulle et la conscience ethnique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Delcroix, cueilli sur le site du nouveau Présent et consacré à De Gaulle et à son rapport paradoxal à la conscience ethnique...

    Juriste et ancien avocat, Eric Delcroix a publié notamment Le Théâtre de Satan- Décadence du droit, partialité des juges (L'Æncre, 2002), Manifeste libertin - Essai révolutionnaire contre l'ordre moral antiraciste (L'Æncre, 2005) et Droit, conscience et sentiments (Akribeia, 2020).

     

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    De Gaulle et la conscience ethnique

    Mythe d’un De Gaulle conforme à l’antiracisme subversif

    Ceux, de plus en plus nombreux au fil du temps, qui se réclament du général De Gaulle à tout bout de champs, évitent, à de rares exceptions près, les propos tenus par celui-ci à Alain Peyrefitte quant à la nature raciale et ethnique de la France. Un tel De Gaulle n’est plus conforme au mythe reconstruit depuis…

    Quant à ceux qui les assument en encore, tels Éric Zemmour ou Nadine Morano, ils ne comprennent pas le caractère historiquement paradoxal de ces propos au regard de la responsabilité historique du Général.

    En effet, nous vivons sous l’empire d’un antiracisme systémique, doctrine rigoureuse et totalitaire, distincte de l’indifférence aux perceptions ethniques, et qui vise au métissage, à la « créolisation » de la France à laquelle aspire un Jean-Luc Mélenchon.

    Pour mémoire, Charles De Gaulle disait notamment à Alain Peyrefitte :

    C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne.

    Qu’on ne se raconte pas d’histoires ! Les musulmans, vous êtes allé les voir ? Vous les avez regardés , avec leurs turbans et leurs djellabas ? Vous voyez bien que ce ne sont pas des Français ! Ceux qui prônent l’intégration ont des cervelles de colibri, même s’ils sont très savants (…). Les Arabes sont des Arabes, les Français sont des Français. Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront vingt millions et après-demain quarante ?i (5 mars 1959).

    (…)

    Vous voyez un président arabe à l’Élysée ?ii(9 octobre 1959).

    Or ces propos, jugés scandaleux aujourd’hui, ne faisaient que refléter la perception, commune aux Français de la génération du Général et des générations précédentes. Les métissages étaient assez rares et socialement mal vus. Notre identité ethnique n’était guère théorisée, mais ressentie et vécue naturellement sans raciopudibonderie. Dans les années 1930, les postes françaises (ministère des PTT), émettaient, bien benoîtement des timbres « Pour sauver la race ». Au nom de la République !

    De Gaulle, artisan paradoxal du démantèlement de son propre univers

    Attaché à son accès au pouvoir politique à n’importe quel prix, De Gaulle abandonnera aux communistes et à leurs satellites le pouvoir culturel en 1944-1946, notamment l’Université et l’Éducation nationale dûment et violemment épurés par le Parti communiste avec la Terreur de l’été et l’automne 1944 mais aussi par les gaullistes.

    Dans les années soixante le PC est entré en crise et l’on voit se multiplier les dissidences gauchistes, portées par des marxistes américanisés. De Gaulle revenu au pouvoir, ce sera la crise de Mai 68… Qui eut pour épilogue l’abandon aux gauchistes de ce même pouvoir culturel : même chef, même compromission…

    Aussi, de nos jours encore, même si le capitalisme a absorbé comme un buvard les « contestatairesiii » de 1968, l’imprégnation marxiste est restée extrêmement forte dans la société française, ne laissant dans le débat politique et culturel plus de place qu’aux raisons économiques, toute naturalité ethnique en étant bannie. Et ce, en consensus, sous l’ordre moral anti-discriminatoire capitaliste américain, définie par exemple par l’économiste Gary Becker dans un ouvrage publié en 1957.

    C’est ainsi que va se développer un phénomène nouveau, l’ « antiracisme » : le vocable, précédemment sans objet, n’est entré dans la langue française qu’en 1958 (cf. Petit Robert), avant d’être la cause du retour du délit d’opinion avec la loi Pleven du 1er juillet 1972, faisant de la république française une pionnière en ce domaine. Antiracisme devenu lutte pour la délégitimation morale et juridique de toute forme de discrimination, jusqu’à la loi Perben II (1984), celle qui nous interdit même de nous moquer des travelos…

    Marxistes et ploutocrates, même combat vers un communisme, mais subordonné à la Bourse !

    L’après De Gaulle ou le règne du totalitarisme économétrique

    Un demi siècle après les propos de De Gaulle, il n’était plus possible d’enfreindre la morale anti-discriminatoire. Son expression selon laquelle il ne voulait pas que son village de Colombey-les-deux-églises deviennent « Colombey les deux mosquées iv» tombe sous le coup de la loi. Dans le langage vulgaire c’est en effet de l’ « islamophobie », dans le langage juridique de la provocation à la haine raciale, au sens large, ici religieuse.

    Car tout ce qui enfreint peu ou prou la nouvelle morale de fer de l’égalitarisme renvoie à un concept forgé outre Atlantique, celui de « haine », entré dans le droit français en 1972, avec la loi Pleven (Gaulliste mais aussi démocrate chrétien), qui a fait de la morale anti-discriminatoire, la loi. Les censeurs et persécuteurs de dissidents soutiennent qu’il n’y a pas là le retour du délit d’opinion : au regard de l’ordre moral, une immoralité ne peut procéder d’une idée, d’une opinion ou d’un sentiment naturel, mais seulement de l’outrage aux bonnes mœurs. Pas de liberté pour la pornographie discriminatoire…

    Contrairement à feu Jean Raspail, Renaud Camus et ceux qui entendent lutter contre l’immigration exotique, contre le « Grand remplacement », sont gênés aux entournures, contraints qu’ils sont (même sans avoir à se faire violence) d’en rester des circonlocutions, voire en s’abandonnant naïvement aux seuls arguments économiques. L’antifascisme, ce joker qui interdit toute alternative au progressisme économétrique (empire des seuls arguments quantitatifs) triomphant, les paralyse.

    Cela convient aux gardes-fou marxistes et ploutocratiques, mais au prix de l’escamotage de l’essentiel, savoir la réalité ethnique devenue inavouable.

    La Vème République s’est donné pour objectif la dissolution du peuple français

    Alors que reste-t-il de la conscience ethnique française ? Mais on ne peut plus dire les choses, aussi dit-on mixité sociale au lieu de mixité raciale ! Y pense-t-on seulement encore ? Personne ne nomme plus la réalité, grosse des pires désordres : le chaos ethnique, terme que personne n’ose utiliser. Non, il n’y a pas de de banlieues ou de quartiers « sensibles » ou « populaires » mais des banlieues et des quartiers du chaos ethnique. On ne saurait esquisser une solution à un problème que l’on ne sait, ou n’ose, pas nommer.

    Pourtant, on ne peut sauvegarder son être collectif si on n’en a plus aucune conscience, ce qui arrive immanquablement quand on cesse d’en parler par peur, puis par honte. De Gaulle, s’il n’avait pas été si pusillanime quant aux conséquences de l’abandon de la culture aux marxistes, aurait dû prévoir qu’il liquidait son univers, lui qui pressentait la cause de la pression migratoire à venir : « Un jour viendra où les peuples décolonisés ne se supporteront plus eux-mêmes.v » On ne peut pas se plaindre de la maladie tout en détruisant les anti-corps !

    De Gaulle nous a tués. Pourtant, nous étions quand même «  un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion et de religion chrétienne. » Nous étions : faut-il déjà se résoudre à conjuguer notre être au passé ?

    Éric Delcroix (Nouveau Présent, 19 avril 2023)

    i) C’était De Gaulle, par Alain Peyrefitte, Éditions de Fallois/Fayard, 1994, tome I, page 52.

    ii) Ibid , page 56.

    iii) Pour reprendre le néologisme du temps, qui a éclipsé le contestateur antérieur.

    iv) Ibid, page 52.

    v) Ibid, page 54

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  • Julien Freund et Oswald Spengler...

    Nous signalons aux lecteurs intéressés par la pensée et les écrits de Julien Freund et d'Oswald Spengler la parution de deux revues.

    La Revue des deux Mondes, dans son numéro du mois de mai 2023, à côté d'un dossier sur Nietzsche en France, publie pour la première fois le texte d’une conférence qu’a donnée en 1976 Julien Freund après le vote le 10 novembre 1975 d’une résolution des Nations unies assimilant le racisme au sionisme.

     

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    Par ailleurs, dans la nouvelle trimestrielle revue Huis clos, Max Goldminc publie les traductions inédites d'un article de Thomas Mann sur Spengler et de plusieurs pages des Carnets  de ce dernier.

    À ce jour, la revue est disponible uniquement dans 4 librairies parisiennes : L’extrême contemporain (75003), Les Éditions de la Différence (75006), L’Harmattan (75005), et à L’odeur du Book (75018).

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  • Bien assumer sa radicalité !...

    Le 17 avril 2023, Martial Bild recevait, sur TV libertés, Hubert Calmettes pour évoquer avec lui son livre Le Guide marketing du dissident (La Nouvelle Librairie, 2023).

    Spécialiste du marketing de l’offre, Hubert Calmettes a consacré sa vie à mettre ses méthodes au service de produits, marques et profils identitaires ou de territoires européens enracinés. Contributeur de la fondation Polémia et de la revue Éléments, il intervient par ailleurs au Conseil national des économies régionales, à l’IMPGT de l’université d’Aix-Marseille et à l’Institut supérieur des sciences économiques et politiques de Lyon.

     

                                               

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  • Le roi Krogold...

    Après Guerre et Londres, les éditions Gallimard viennent de publier La volonté du roi Krogold , le dernier des trésors retrouvés de Louis-Ferdinand Céline. Une œuvre indispensable à tous les amateurs de l'auteur du Voyage au bout de la nuit et de Mort à crédit.

     

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    " Les manuscrits mis au jour en 2021 ont confirmé l'importance aux yeux de Céline de sa "légende gaélique... mi-rime mi-prose", récit de la guerre menée par le Roi Krogold contre le prince félon Gwendor, du meurtre du procureur Morvan par le trouvère Thibaut et de la passion de Joad pour la belle Wanda - et dont les épisodes principaux se déroulent entre Bretagne et Scandinavie, dans un décor de "Moyen Âge d'opéra".L'écrivain, faute d'avoir pu la publier, en inséra le récit fragmenté et parfois halluciné dans Mort à crédit (1936), ainsi que dans Guerre et dans Londres. Mais il continua ensuite d'y travailler, sans toutefois parvenir à y mettre un point final. Céline restera dépité du peu de considération dans laquelle on tenait sa manière "épique et bardique", laquelle avait donné lieu à cette mythologie portative, "lyrique et ironique", qui ne renfermait pas moins de sens à ses yeux que ses écrits d'inspiration romanesque.Car ces histoires hautes en couleur sont écrites pour frapper les esprits et toucher les coeurs ; elles accompagnent la méditation de l'écrivain sur l'existence et la mort, le corps et l'âme, ainsi que sur les pouvoirs ambigus du poète à l'égard de la finitude humaine.La présente édition réunit les deux seules versions connues à ce jour de la légende, inédites et inégalement inachevées : l'une datant de la première moitié des années 1930, La Légende du Roi René ; l'autre, La Volonté du Roi Krogold, écrite en 1939 et 1940. "

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  • Nietzsche et le nihilisme à l'heure de la crise écologique...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné à Figaro Vox par Benoît Berthelier et consacré à la pensée de Nietzsche abordée sous l'angle de l'écologie. Diplômé de l'École normale supérieure et agrégé de philosophie, Benoît Berthelier vient de publier Le sens de la terre - Penser l'écologie avec Nietzsche (Seuil, 2023).

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    Nietzsche et le nihilisme à l'heure de la crise écologique

    FIGAROVOX. - Vous écrivez dans votre livre «Contrairement à beaucoup de lecteurs environnementalistes de Nietzsche, nous ne croyons pas que Nietzsche puisse être tenu pour un défenseur de la nature». Qu'est-ce que sa pensée peut apporter aux combats écologistes, s'il n'est pas un défenseur de la nature ?

    Benoît BERTHELIER. - On ne peut pas dire que Nietzsche ait été un défenseur de la nature, au sens où pour lui il n'y avait pas besoin de la défendre. Il était évidemment ignorant des problèmes écologiques que nous connaissons aujourd'hui. Il n'y a pas non plus chez lui de culte romantique de la nature, comme c'est le cas chez Rousseau par exemple. La divinisation de la nature lui semble suspecte, dans la mesure où elle conduit à voir la nature comme un lieu de rédemption.

    Cependant, on trouve dans son œuvre une vraie pensée de la vie, de son histoire, de ses conditions d'organisation et de croissance. Il nous invite à regarder de plus près l'ancrage de la vie dans certaines conditions naturelles et culturelles, ce qu'il appelle parfois des «climats». Il souligne l'importance d'apprécier tout ce qui peut nourrir la vie, de toutes les «choses proches» que la métaphysique a tendance à oublier.

    Alors que Nietzsche critiquait le nihilisme, vous blâmez vous le «nihilisme environnemental». De quoi s'agit-il ? En quoi est-ce un danger ?

    La véritable cible de Nietzsche est en effet le nihilisme. Et malgré ses avertissements, nous n'en sommes pas encore guéris. Je fais l'hypothèse, dans mon livre, que nous faisons face à une nouvelle étape du nihilisme, à savoir le nihilisme environnemental. Il s'agit d'un approfondissement de la perte de nos valeurs, d'une détresse devant l'absence de sens et de buts de notre existence terrestre, qui peut prendre des formes très diverses. J'en distingue quatre formes, quatre manières de réduire à «rien» le sens de la terre. Le «nihilisme réducteur» anime ceux qui voient la terre comme un simple stock de ressources à exploiter et à s'approprier, dont la valeur est déterminée par le seul marché. Le «nihilisme dénégateur» renvoie à toutes les formes de déni ou de relativisation de la crise écologique.

    Le «nihilisme exténuateur» concerne ceux qui ont une conscience lucide de la crise mais qui se sentent écrasés par l'urgence d'y répondre, qui souffrent d'une sorte d'épuisement, de découragement ou de déception. Ils en viennent à ressasser un amer «à quoi bon ?». Enfin, le «nihilisme négateur» est l'accomplissement du nihilisme comme volonté de néant, il s'agit du rêve d'une terre sans hommes ou des multiples visages du ressentiment, de la vengeance, de la culpabilisation de soi et des autres. L'un des objectifs de ce livre est de montrer que le nihilisme, la perte de sens, travaille les deux côtés du débat écologique : le côté des «climato-sceptiques», des «éco-modernistes» prétendument optimistes et le côté des personnes les plus sensibles aux problèmes écologiques. Je crois qu'au lieu de déplorer et de stigmatiser «l'indifférence» présumée des citoyens aux questions écologiques, on gagnerait à penser la situation en termes de nihilisme.

    Nietzsche redoutait l'avènement du «dernier homme», au sens d'un homme médiocre incapable de donner un sens aux choses. Et vous écrivez à propos de ce dernier homme «Son ultime fierté, la fine pointe de son orgueil, c'est d'être capable de renoncer à l'homme, à la vie humaine». Faut-il voir dans les mouvements écologistes radicaux qui refusent de perpétuer l'espèce et d'avoir des enfants, au nom de la nature, l'avènement de ce «dernier homme» ?

    On pourrait sans doute trouver des similitudes avec le «dernier homme» de Nietzsche dans certains de ces mouvements. Mais mon livre n'a pas une ambition sociologique ou politique, je ne cherche pas à décrire de manière systématique la société actuelle. La pensée de Nietzsche reste cependant utile pour discerner des grands types d'affectivité, différentes manières dont nous pouvons être affectés aujourd'hui par le non-sens de notre existence terrestre. Le dernier homme, selon Nietzsche, considère l'humanité comme le terme de l'évolution de la vie sur terre, c'est l'homme qui a pour idéal d'être le «dernier».

    Il est clair que Nietzsche s'oppose à cet anthropocentrisme maladif, il lui oppose un antidote, le surhumain. Nietzsche ne considère pas l'espèce humaine comme un fléau pour la nature. Certes, il dit dans Ainsi parlait Zarathoustra que l'homme est la «maladie de peau» dont souffre la terre, mais on peut supposer qu'il parle à ce moment-là des hommes modernes, qui veulent justement être les «derniers hommes». Il ne souhaite pas que l'homme s'anéantisse lui-même, mais qu'il se dépasse vers le surhumain, qu'il prépare la terre à l'accueil de multiples formes de vie.

    Que signifie cette «surhumanisation» de la terre que prône Nietzsche ?

    Pour redonner un sens à notre habitation de la terre, il faut se défaire de l'idée d'un «retour à la nature» idéalisé. Nietzsche défend d'abord la nécessité d'une «déshumanisation de la nature» et d'une «naturalisation de l'homme». Pour penser adéquatement le «surhumain», il faut produire une nouvelle pensée de ce qu'est l'être humain, en le naturalisant. C'est-à-dire en le réinscrivant dans l'histoire de la vie et dans les dynamiques de la volonté de puissance.

    Parallèlement, il est nécessaire de déshumaniser la nature, autrement dit de trouver une interprétation de la réalité qui ne soit pas anthropomorphique, qui ne soit pas seulement guidée par les préoccupations étriquées du type humain dominant. Cette tâche de déshumanisation de la nature doit aboutir à retrouver ce que Nietzsche appelle le «pur concept de la nature» et que l'on peut identifier à la volonté de puissance. C'est à partir de ce concept que l'on peut établir une interprétation de la nature que Nietzsche juge plus honnête, plus riche et plus stimulante que celle des scientifiques positivistes de son époque, des romantiques ou des philosophes qui l'ont précédé.

    Dans un passage sur le christianisme, vous écrivez «Pour redonner un sens à la terre, il faut donc déterminer comment ne plus être chrétien, c'est-à-dire déterminer comment renverser la haine de la terre et du terrestre que le christianisme a infusée dans nos corps pendant deux millénaires». Mais le christianisme en plaçant l'homme «au centre de la création», ne l'a-t-il pas au contraire doté d'une responsabilité vis-à-vis de celle-ci ? Dans la Genèse, Dieu considère que la création est bonne et place l'homme au milieu du jardin d'Éden pour le «cultiver et le garder». (Genèse 2 :15).

    En effet, la terre est une notion qui a une importance cruciale dans le christianisme, et il y aurait beaucoup à dire du rapport entre écologie et christianisme. Dans ce livre, j'ai surtout essayé d'identifier le type précis de christianisme qui était la cible de Nietzsche, pour mieux comprendre le nouvel «amour de la terre» qu'il a en vue. Cette cible, c'est le christianisme luthérien et paulinien (NDLR, inspiré de l'apôtre Paul), avec la figure médiatrice d'Augustin entre les deux. Dans un tel christianisme, l'amour de Dieu suppose une renonciation à l'amour terrestre. Pour comprendre ce que peut vouloir dire aujourd'hui «aimer la terre», il faut donc regarder de très près notre histoire chrétienne. La critique de Nietzsche n'est pas une critique athée qui considère que le christianisme n'a rien d'important à nous apprendre. Au contraire, il considère qu'il faut relire les textes de l'histoire chrétienne, pour parvenir à la dépasser et à nous extraire d'une forme de religiosité maladive.

    Pour revenir à votre question, le problème de la conception biblique de la nature, notamment dans la Genèse, est qu'elle reste anthropocentriste. C'est l'homme qui nomme les animaux, qui est le bon intendant de la terre, qui en est le gardien et le maître, même si c'est un maître responsable qui ne tire sa position privilégiée que du service qu'il rend à Dieu. Nietzsche nous enseigne que l'humain doit, certes, endosser la charge de la terre, mais que celle-ci ne dépend pas d'une place particulière qu'occuperait l'homme dans la création, ou dans une échelle des êtres instituée par Dieu.

    Mais peut-on redonner un «sens à la terre» sans aucune forme de sacralité ?

    Cela dépend des formes de sacralité et des types de vie qu'elles engagent. On trouve aussi des dieux chez Nietzsche. Certes Dieu est mort pour lui, mais du début à la fin de son œuvre, il fait notamment une large place à la figure de Dionysos. Dionysos est une autre figure de la divinité, qui renvoie à la vie surabondante. Le rapport de Nietzsche au divin et au sacré est complexe. Sa philosophie est une manière de remplacer ou de réinterpréter les affects chrétiens et non de les congédier simplement. Tout l'enjeu est que cette sacralité ne soit pas tributaire d'un idéal ascétique, c'est-à-dire négateur de la vie et de la terre.

    Benoît Berthelier, propos recueillis par Pierre-Alexis Michau (Figaro Vox, 27 avril 2023)

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