Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

oligarchie - Page 23

  • Le soulèvement ou l'effondrement...

    Vous pouvez regarder ci-dessous une intervention particulièrement percutante de l'économiste hétérodoxe Frédéric Lordon à l'occasion d'une table-ronde organisée par l'association ATTAC.


    "Leur dette, notre démocratie" : Frédéric Lordon par BTrenaissance

    Lien permanent Catégories : Economie, Multimédia, Points de vue 1 commentaire Pin it!
  • L'oligarchie des incapables...

    Les éditions Albin Michel publient cette semaine une nouvelle enquête de Sophie Coignard et de Romain Guibert, intitulée L'oligarchie des incapables. Après La Nomenklatura française (1986) et L'omerta française (1999), une enquête de plus sur les turpitudes de nos maîtres et de leurs laquais... En cette année électorale, il reste à espérer que le livre sera lu et que des conclusions en seront tirées...

     

     

    Oligarchie des incapables.gif

    "Ils monopolisent les postes les plus importants, cumulent les privilèges et font de l'argent leur principale passion.
    Ils se servent de l'Etat pour aider leurs amis, fabriquent des lois sur mesure pour leur bon plaisir et laissent le pays aux mains de bandes rivales. Patrons, hauts fonctionnaires, élus ou experts, ces oligarques nous gouvernent avec un mélange d'incompétence et de lâcheté. Après L'Omerta française, Sophie Coignard dont les enquêtes font trembler le monde politique et Romain Gubert, journalistes au Point, nous révèlent vingt ans de compromissions et d'affaires cachées, qui ont permis à une caste de maintenir son règne malgré ses échecs répétés.
    En toute impunité."

    Lien permanent Catégories : Livres 2 commentaires Pin it!
  • Gianluca et Nordine : un exexemple de manipulation de l'information...

    Dans cet article cueilli sur Polémia, Michel Geoffroy revient sur le traitement de deux faits divers sanglants qui se sont déroulés le même jour...

    Nordine et Gianluca.jpg

     

    Gianluca et Nordine ou Comment les médias de l'oligarchie travestissent deux atroces faits divers

    Gianluca Casseri tue au pistolet deux Sénégalais, vendeurs à la sauvette, et en blesse trois, dont un grièvement, sur les marchés de Florence. Cerné par la police, il se suicide ensuite. Gianluca est italien et son crime est « raciste », d’autant qu’il est déclaré proche de Casa Pound. Le quotidien La Repubblica le qualifie d’ailleurs de « tueur néofasciste » (Les Echos du 15 décembre 2011).

    Nordine Amrani, Belge d’origine marocaine, après avoir lancé des grenades, tue au fusil d’assaut quatre personnes sur le marché de Noël de Liège, dont un bébé de 17 mois, et fait 125 blessés dont 5 sont en état critique à la date du 15 décembre. Il se suicide ensuite.

    Vous pensez peut-être que si ces deux crimes sont odieusement comparables, celui de Nordine est plus grave par son ampleur que celui de Gianluca? Voilà un crime de la pensée !

    Car ce n’est pas du tout le cas pour les médias, au contraire.

    Un crime raciste ou une tragédie ?

    Pour la presse, en effet, le crime de Nordine n’est qu’une « impensable tuerie… une tragédie qui demeure inexplicable » (Le Parisien du 14 décembre 2011) mais pas du tout un acte raciste. Car après tout ce n’est qu’un Belge qui tuerait d’autres Belges. D’ailleurs, la police belge indique immédiatement que le criminel n’avait « aucun lien avec une idéologie extrémiste ou avec le terrorisme islamiste » (Le Monde du 15 décembre 2011).

    Ouf ! On respire ! Pas d’amalgame : ce n’est qu’un banal « tueur de masse », un « suicide extraverti » (sic) (Le Monde du 15 décembre 2011). S’il avait tué des Sénégalais cela aurait peut-être été différent, mais ce n’est pas le cas. En plus, ce Nordine serait « mystérieux ». La police belge voudrait « tenter de comprendre » son geste (Le Parisien du 15 décembre 2011). Ah les braves gens !

    Par contre, Gianluca n’est pas mystérieux du tout : on nous dit tout sur lui, qui serait « un néofasciste silencieux et solitaire diplômé en comptabilité » (La Repubblica). On nous précise même le type et le calibre de l’arme qu’il a utilisée : 357 magnum et Smith & Wesson 44. Sans doute pour nous le présenter comme un émule de l’Inspecteur Harry, flic brutal et plutôt « réac » incarné au cinéma par Clint Eastwood.

    Tout est normal

    On est quand même obligé de nous dire que Nordine, outre un passé judiciaire chargé et l’imputation d’un autre crime, cachait chez lui un impressionnant stock d’armes de guerre.

    Mais il ne faut pas s’inquiéter. Comme le dit la presse avec ingénuité il « n’a jamais donné la moindre indication sur la destination de ces armes » (Le Parisien du 14 décembre 2011). D’ailleurs, pour les médias l’affaire est entendue : il « collectionnait les armes » (Les Echos du 15 décembre 2011). Donc pas de problème : ce n’est pas un terroriste mais un simple collectionneur de grenades, de fusils d’assaut, de pistolets automatiques avec silencieux qu’il confectionnait lui-même d’ailleurs, par amour de la chose. Tout ce qu’il y a de plus normal.

    Il semble toutefois que Gianluca était un plus petit collectionneur que Nordine, puisque lui ne disposait que de deux pistolets.

    Pourquoi ?

    On nous dit que les Belges se demandent « pourquoi ». Vraiment ?
    Mais quelles sont en effet les motivations du criminel ?

    Pour Gianluca la réponse est simple : c’est un raciste car on nous dit qu’il a crié « Nègres, c’est votre tour ». Pas la peine d’aller plus loin ni en particulier de s’appesantir sur les raisons qui auraient pu le conduire à agir.

    Pour Nordine, par contre, la réponse est différente : on ne sait pas s’il a crié. Mais surtout c’est une victime. En effet, par le truchement de « l’un de ses avocats » (Le Monde du 15 décembre 2011) on nous dit qu’il se sentait « harcelé » par la police (Le Monde du 15 décembre 2011). L’explication est ensuite reprise en chœur par les médias. S’il a agi ainsi c’est parce qu’il « était inquiet de retourner en prison, ce qui pourrait expliquer ce geste fou » (Le Parisien du 15 décembre 2011). La prison belge étant, comme chacun le sait, vraiment terrible, on tremble en effet rétrospectivement pour Nordine…

    Décodons

    Cette affaire démontre une fois de plus la façon dont les médias de l’oligarchie traitent inégalement des faits criminels, selon l’identité des auteurs et des victimes.
    Car dans ces deux affaires il y a une différence essentielle qui n’a échappé à personne : Nordine est un « Belge d’origine marocaine » qui a tué des Européens et Gianluca un Italien de souche qui a tué des Africains.

    Or, pour l’oligarchie, par construction une personne d’origine immigrée est une victime, jamais un coupable. Si on ne peut cacher qu’elle commet un crime – ce que les médias font le plus souvent – on le transforme alors en « tragédie incompréhensible », formule abstraite destinée à rendre plus floue la dure réalité des faits. Il va de soi en outre qu’une personne d’origine immigrée ne saurait être qualifiée de « raciste », puisque l’oligarchie cherche à nous persuader, d’une part, que l’immigration est un chance pour nous et que, d’autre part, seuls les Européens de souche sont « racistes et xénophobes ». Car il faut délégitimer par tous les moyens l’inquiétude identitaire qui monte partout en Europe.

    Les médias font donc tout leur possible pour éviter de rapprocher des informations qui dresseraient de Nordine un tout autre portrait que celui, bisounours, qu’ils veulent nous présenter : celui d’un criminel endurci, en possession d’armes de guerre, qui a froidement prémédité son acte, accompli sur un marché de Noël.

    On suggérera modestement aux fins limiers belges qui se sont saisis du dossier de Nordine de se demander si cette « impensable tuerie » (titre du Parisien du 14 décembre 2011) ne serait pas tout simplement un attentat kamikaze.

    Michel Geoffroy (Polémia, 15 décembre 2011)

    Lien permanent Catégories : Décryptage, Manipulation et influence, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Une colère sourde...

    Nous reproduisons ci-dessous un article particulièrement éclairant, publié dans le quotidien le Monde daté du 7 décembre 2011 et consacré à la colère des classes moyennes qui sont frappées de plein fouet par la crise et l'insécurité...

     

    classe moyenne 2.png

     

    La colère sourde des français "invisibles"

    Les politologues sont convaincus que la clé de l'élection de 2012 est détenue par une population rurale et périurbaine. Exposée à la mondialisation et abandonnée par la démocratie.
     
    La société française se fissure, une partie fait le constat d'un " abandon démocratique ".
    C'est la " France des invisibles ", la " France d'à côté ", celle qu'on n'entend pas, dont on ne relaie pas les colères et qui se sent de moins en moins représentée. Avec des outils d'analyse différents, des sociologues, des géographes, des politologues et des spécialistes de l'opinion travaillant pour des institutions différentes et parfois concurrentes arrivent au même diagnostic. A cinq mois de l'élection présidentielle, ils partagent la même conviction : la clé de l'élection se trouve dans la réponse que les candidats sauront apporter à cette partie de l'électorat, de plus en plus nombreuse, qui oscille entre colère sourde et résignation rageuse.
    " Une rupture d'ordre existentiel  s'est produite ", affirme le sociologue et sondeur François Miquet-Marty, qui vient de publier Les Oubliés de la démocratie (Michalon, 304 p.). Des franges de plus en plus larges de la population ont le sentiment que ce qu'elles vivent n'est relayé par personne. Alain Mergier fait le même constat. En 2006, cet ancien professeur de sémiologie avait publié, avec le sociologue Philippe Guibert, une enquête sur les milieux populaires dont le titre avait marqué les esprits : Le Descenseur social (Plon, Fondation Jean-Jaurès). Cinq ans plus tard, le regard qu'il porte sur la société française est beaucoup plus inquiétant. Plus que jamais, explique-t-il, s'est installée l'idée que " deux France suivent des chemins opposés ".
    L'image n'est plus, comme il y a encore quelques années, celle d'une " société à deux vitesses ", dont une partie profiterait plus que l'autre des fruits de la croissance. Désormais, " une partie de la société a le sentiment qu'elle fait marche arrière parce que l'autre fait marche avant ", explique M. Mergier. Comme si le bonheur des uns ne pouvait passer que par le malheur des autres.
    Ce sentiment de " faire marche arrière ", combien sont-ils au juste à le partager ? " Jusqu'au milieu des années 2000, on pouvait dire que c'était l'apanage des milieux populaires ", répond M. Mergier. Grosso modo la France du " non ", celle qui avait voté non aux référendums européens de 1992 et 2005, parce qu'elle se sentait perdante dans la mondialisation. " Aujourd'hui, une partie des classes moyennes est touchée ", ajoute-t-il, tout en convenant qu'une définition socio-économique est insuffisante.
    Plus encore que le niveau de revenu en tant que tel, c'est l'image que se font les individus de leur place dans la société qui importe. " La puissance des marchés a engendré un malaise existentiel et diffusMême certains cadres sont touchés : ils ont le sentiment de subir aujourd'hui une perte de leur valeur personnelle, car l'obligation de rentabilité à court terme remet en cause leur travail ", explique M. Mergier.
    Pour cerner les contours de cette société hantée par la perte d'identité et la crainte du déclassement, Christophe Guilluy dessine des cartes. Coauteur d'un Atlas des nouvelles fractures sociales (Autrement, 2004), ce géographe distingue deux France. La première est celle des " 25 grandes métropoles qui profitent de la dynamique de la mondialisation ". Elles vivent un double phénomène d'embourgeoisement et d'immigration. La seconde France inclut l'essentiel du monde rural et périurbain, mais aussi de très nombreuses villes moyennes, touchées par la désindustrialisation et les plans sociaux à répétition.
    Selon M. Guilly, cette " France périphérique ", caractérisée par " une part plus importante des ouvriers et des employés dans la population, un taux de chômage et d'emploi partiel supérieur à la moyenne nationale et un revenu moyen inférieur au revenu médian ", concentrerait environ 65 % de la population. Elle accueille des natifs, mais aussi des migrants qui n'ont pu trouver leur place dans les grandes métropoles.
    L'Ouest, par exemple, a connu récemment d'importants mouvements de population, mais " c'est une géographie qui va se figer, car les logiques foncières sont très fortes : une fois que vous avez quitté la ville, vous n'y revenez plus ", explique le géographe. C'est la raison pour laquelle il ne croit plus à la notion de classes moyennes. " On assiste à la réémergence des classes populaires, à qui on répète depuis vingt-cinq ans qu'elles vont profiter de la mondialisation et qui, en réalité, sont en situation de précarité sociale, éloignées des endroits importants et de l'offre scolaire la plus qualifiée. Si l'usine du coin ferme, elles dégringolent. La crise valide leur crainte de la mondialisation ", ajoute Christophe Guilly qui, comme Alain Mergier, fait partie des auteurs du récent Plaidoyer pour une gauche populaire (sous la direction de Laurent Baumel et François Kalfon, Le Bord de l'eau, 118 p.).
    Que fera, en 2012, cette " France qui se sent reléguée, à tous les sens du terme " ? Pour qui voteront ces quelque 40 % d'électeurs qui affirment aujourd'hui ne se reconnaître ni dans la gauche ni dans la droite ? Le vivier est stratégique : si elles ne sont pas reconquises, ces quelque 16 millions de voix peuvent se réfugier dans l'abstention ou le vote Front national. Anne Muxel, chercheuse au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), rappelle que les cinq dernières élections - législatives de 2007, municipales de 2008, européennes de 2009, régionales de 2010 et cantonales de 2011 - ont enregistré des records d'abstention. Bouder les urnes devient de plus en plus une façon de sanctionner l'offre politique.
    Cependant, depuis le choc du 21 avril 2002, plus personne ne sous-estime le pouvoir d'attraction du Front national dans l'électorat populaire. Son haut niveau aux cantonales de mars - y compris dans certains secteurs de cette France de l'Ouest où le FN était jusque-là inexistant - est souligné par tous les observateurs. " Politiquement, il s'est produit quelque chose dans cet électorat, un point de rupture ", soulignent Alain Mergier et Jérôme Fourquet qui, par des chemins différents, en sont arrivés à la même conclusion : pour une partie de l'électorat populaire, le vote FN n'est plus un vote de sanction ou d'avertissement mais un vote d'adhésion (Le Point de rupture, Fondation Jean-Jaurès, 86 p.)
    C'est que la crise de la dette a un effet ravageur : elle sape la légitimité des gouvernants qui semblent courir derrière les marchés. Elle n'est pas appréhendée par le biais des discours politiques mais à travers l'expérience personnelle du surendettement. " L'idée prévaut que c'est une dette pharaonique, qui ne peut trouver de solution dans le cadre économique actuel.  Pour rompre le noeud, il faut trancher. Pour beaucoup, cela passe par la sortie de l'euro ", observe M. Mergier. Chez les ouvriers et les employés, plus de la moitié des électeurs souhaite la disparition de la monnaie unique, alors que ce sentiment n'est partagé que par un tiers de l'ensemble de l'électorat.
    Des entretiens réalisés par Alain Mergier, mais aussi de la récente enquête publiée par François Miquet-Marty, un mot surnage : l'insécurité. Physique, économique, identitaire, liée au vécu et, tout aussi important, à la conviction qu'il s'est produit une rupture dans les règles du jeu. " Quand vous n'avez pas de réseaux, la notion de règle du jeu est vitale, explique M. Mergier. Elle renvoie à la question des habitudes qui, lorsqu'elles sont brisées, induisent la menace de l'imprévisible. "
    C'est parce qu'ils ont l'impression que les règles du jeu sont faussées que " les milieux populaires  détestent  les profiteurs du bas, ceux qui trichent avec les prestations sociales et qui travaillent au noir ", explique le chercheur. Et c'est parce qu'ils ont l'impression de subir un processus de destruction des règles de vie commune que " le terme le plus porteur dans leur discours est celui d'islamisation, qui renvoie à la peur d'une hégémonie ", assure M. Mergier. " Les milieux populaires sont ceux qui ont été les plus exposés à la mondialisation et au multiculturalisme. Or on ne les a pas armés pour ", confirme M. Guilluy.
    Pour les candidats qui veulent reconquérir l'électorat populaire, la conjugaison de la question identitaire et de la question sociale est redoutable, car celle qui fait le lien entre les deux problématiques est précisément Marine Le Pen. " Elle colle à la demande. Elle a calé son programme sur la nouvelle sociologie du FN. Elle est passée du libéralisme à l'étatisme ", constate M. Guilluy. Dans la revue Etudes, Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l'innovation politique (proche de l'UMP) et auteur du livre Populismes, la pente fatale (Plon, 280 p.), qualifie le discours de la présidente du FN d'" ethno-socialiste ".
    " La question de l'extrême droite n'est pas seulement une question politique posée à la droite, c'est aussi une question sociale posée à la gauche ", confirme Pascal Perrineau, directeur du Cevipof, qui insiste sur le parallélisme avec l'évolution des extrêmes droites européennes. " Le protectionnisme culturel s'est prolongé d'un ralliement au protectionnisme économique et d'une remise en cause du credo néolibéral du début ", dit-il. Pour M. Miquet-Marty, " le grand danger de la période a un nom : le populisme ".

    Françoise Fressoz et Thomas Wieder ( Le Monde, 7 décembre 2011)
     
     
     
       
    Lien permanent Catégories : Points de vue 1 commentaire Pin it!
  • La Russie contre l'ordre hollywoodien !...

    Nous reproduisons ci-dessous le point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr, qui remet en perspective la déferlante médiatique anti-Poutine depuis les élections législatives du 4 décembre 2011.

     

     

    Vladimir Poutine.jpg

    La Russie contre l'ordre hollywoodien

    Comme un mauvais scenario de série B, le script diplomatique du camp atlantiste enchaîne les poncifs, les déclarations-types, les formules figées et usées à seule fin de déstabiliser l’Etat russe. Nous avons connu exactement la même rhétorique quand l’Iran a organisé des élections en 2009. On met d’abord en doute l’ « équité » de la campagne. Puis on jette la suspicion sur le modus operandi de l’élection, accusé de secréter une fraude massive. Des « observateurs » sont bien sûr invoqués pour valider ce réquisitoire, même s’ils ne sont pas sur place, et qu’ils sont enrégimentés dans les rangs des adversaires du régime. Bien entendu, tous les chiffres sont, soit fictifs, soit largement gonflés. Qu’importe, puisque les médias occidentaux les reprennent tels quels, sans autre forme de procès. En général, on cite, pour ce faire, des sources qui sonnent bien, où les expressions « droits de l’homme », ou des termes comme « liberté », « démocratie », « résistance » octroient une onction bienpensante. Ces « canaux » sont des entités plus ou moins fantomatiques, siégeant à l’extérieur, dans certains pays leur accordant une hospitalité généreuse, ou bien, sont des blogs parfaitement artificiels, manipulant l’opinion par des informations inventées ou déformées. Le cas est avéré aussi bien en Libye qu’en Syrie. D’un point de vue logistique, il est déterminent que des images de violence, de répression, que des victimes frappent les consciences. On manie alors la synecdoque, cette figure de style qui fait prendre la partie pour le tout. On trouvera toujours quelques excités pour se faire trouer la peau, surtout chez certains islamistes fanatisés, mais il est plus simple de gonfler les chiffres, de filmer en plan resserré des manifestations minoritaires pour faire croire à des protestations de masse, si possible en utilisant le téléphone portable, dont l’effet connote le danger, la clandestinité et un certain héroïsme, bref, le frisson. Ajoutez à cette salade les tremolos, le ton indigné, déclamatoire des journalistes, les injonctions et ultimatums des organismes liés à l’ONU, à l’OSCE, dont on a toutes les raisons de douter de l’impartialité, et beaucoup de dollars versés dans les poches de quelques consciences fraternitaires, et vous avez un bel et bon plan de subversion.

    La Russie n’a donc pas échappé à ce machiavélisme, à vrai dire un peu réchauffé. Après avoir injurié, dévalorisé, dénoncé, calomnié, traîné dans la boue un Vladimir Poutine, qui n’a eu que le tort de redresser un pays bien mal en point, et de ne pas recommencer l’ « expérience » Eltsine, qui a vu la quasi disparition de l’Etat et la dilapidation des richesses russes, après avoir montré la paille dans l’œil du voisin quand le camp de Guantanamo, un mode de scrutin ubuesque, la loi du fric roi, la torture délocalisée, des procès expéditifs, un patriot act antidémocratique, et une agressivité permanente désignent la poutre du donneur de leçon américain, sans parler de ses larbins européens, on passe à la pratique. Les élections législatives du mois de décembre ont permis aux trafiquants d’opinions et aux petits comploteurs indigènes de briller dans leurs œuvres. Les ONG, comme Golos, se sont dites harcelées par le pouvoir, des sites internet auraient été bloqués. Puis, on a crié à la fraude, au bourrage d’urnes, sans en apporter la preuve. La seule confirmation de ces accusations est une série de déclarations des libéraux et des national bolchéviques, qui sont des ennemis jurés du régime, et qui se sont alliés dans un combat plus que douteux. Il est au demeurant plaisant de constater combien l’antisémite Limonov est maintenant devenu une star dans les milieux bobos parisiens ; mais il est vrai qu’aux dernières nouvelles, il aurait abandonné sa haine du Juif… Paris vaut bien un pourboire… Bref, pour un journaliste occidental, tel communiqué vaut preuve. Ensuite, on a organisé une petite manifestation, dont on a doublé le chiffre, et cette provocation a bien sûr, comme il est normal quand on a affaire à une agitation illégale, occasionné des arrestations. Des martyrs dans la musette, donc. Enfin, last but not least, quelques personnalités internationales ont réclamé une révision de l’élection, ou, mieux, comme Gorbatchev, dont le seul son du nom provoque en Russie un crachat de mépris, en ont ordonné l’annulation.

    Logiquement, on devrait armer quelques terroristes, semer la pagaïe dans la rue, discrédité l’autorité russe. En fait, ce processus destructeur a déjà commencé, puisque plusieurs attentats sanglants ont eu lieu ces dernières années, dont celui de l'aéroport international Domodedovo de Moscou, le 24 janvier 2011, qui a fait plusieurs dizaines de morts.

    La guerre est, de fait, commencée. Celle que livrent les services secrets et de propagande atlantistes sur le sol même de la Russie double l’offensive belliqueuse que mène de façon plus ouverte l’empire oligarchique et marchand, sur d’autres théâtres d’opération, comme la Libye, la Syrie, le Liban, l’Iran, la Géorgie… Que la Russie, redressée et restaurée par Poutine, et avec l’assentiment de la Chine, fasse mine de résister, en déplaçant la flotte russe en Méditerranée, ou en activant des missiles nucléaires à Kaliningrad, cela montre que la partie n’est pas encore gagnée pour les champions du gouvernement mondial.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 7 décembre 2011)

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Le coup d'Etat permanent ?...

    Nous reprodusisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin cueilli sur son blog Regards sur le renversement du monde.

     

    Standart & Poors.jpg

     

    Le coup d'état permanent ?

    Il est permis de rêver. La crise de l’Union européenne est d’autant moins achevée que le diagnostic n’est pas posé ; il est plus facile d’accuser les agences de notation ou des « spéculateurs », d’ailleurs jamais identifiés, que d’interroger un modèle qui organise la sortie de la démocratie en Europe. Nous sommes pris au dépourvu par une situation dont nous ne savons analyser que les aspects économiques et financiers ; comment en sommes-nous arrivés là ? La dette, la crise, etc. sont des circonstances. Les raisons pour lesquelles les Etats-Unis ne veulent plus financer leur espace public et les Européens ne le peuvent plus sont ailleurs – politiques. Le délabrement de l’espace public, ici comme là-bas, est considérable, et la proximité d’élections majeures le rend sensible, sans rien y modifier. Le danger est de se laisser dicter une fois de plus des orientations politiques majeures (fédéralisme ) sans choix politique et sans validation démocratique.

    Les évènements récents parlent d’eux-mêmes, surtout lorsqu’ils sont mis dans la perspective des refus successifs soit d’en appeler aux peuples, soit de tenir compte de leur vote. Depuis des années, les élus répètent que l’Europe est en état d’urgence. Ils ne sont donc pas libres de débattre et de décider ( « nous n’avons pas de marge de manœuvre » est le refrain connu de l’irresponsabilité politique ) et les Européens non plus. Si le souverain est celui qui déclare l’état d’urgence ( selon Carl Schmitt ), nous savons dorénavant qui est le souverain ; c’est celui qui a changé deux chefs de gouvernement, en Grèce et en Italie, sans élections et sans débat, sans émotion non plus. La situation révèle l’état de délabrement démocratique produit par la construction européenne, et les forfaitures répétées à l’occasion des « non » français et irlandais aux referendums. L’anesthésie des opinions, décrétée à l’occasion de l’immigration de peuplement, poursuivie à l’occasion de la colonisation financière anglo-américaine, produit ses effets ; le pouvoir en Europe est à prendre, et un souverain s’en approche. Ce souverain est un ensemble composite de banques centrales (la BCE), d’un directoire à créer, dont l’Allemagne sera le pivôt, d’agences de notation, d’institutions supranationales, d’acteurs privés ( banques et fonds d’investissement ), d’autorités autodésignées ( tous ceux qui, depuis cinquante ans, pensent, parlent, décident à la place des Européens), qui s’installe à la faveur du déficit politique béant de l’Union européenne.

    Le déficit est là, il prête à toutes les dérives, de la colonisation financière par les intérêts étrangers – et la Chine a bien compris le parti qu’elle pouvait tirer d’actifs bradés – à la satellisation de pseudo-élites qui se retranchent plus que jamais dans leurs forteresses de Bruxelles, de Francfort ou d’ailleurs, depuis que les peuples se réveillent. Depuis trente ans, le mécanisme européen a prétendu que l’affaiblissement permanent et recherché des Nations européennes, la production de leur impuissance politique, allait produire par un effet magique, de la puissance et de la force au niveau européen. Du temps des Jean Monnet et al., il s’agissait de limiter la quasi-toute puissance des Etats Nations et de faire exister l’Europe. Ils étaient forts, elle était faible. Depuis le premier choc pétrolier, la mondialisation des économies et la financiarisation de nos sociétés, c’est tout l’inverse qui se produit ; l’affaiblissement des Nations en détail produit une impuissance en gros. Un fédéralisme qui serait l’accord de la France et l’Allemagne pour remettre les clés au nouveau souverain, anonyme et déterritorialisé, apatride et donc irresponsable par principe, serait l’annonce de la sortie du gouvernement des peuples par eux-mêmes, donc l’instauration d’une Europe non démocratique, au service d’intérêts qui seraient moins hostiles qu’extérieurs aux Européens eux-mêmes, et qui ne souhaitent rien moins qu’une confrontation au suffrage universel.

    Le caractère difficile de la situation actuelle s’accroît du fait que le souverain qui tend à prendre le pouvoir veut installer l’Europe dans un modèle – la croissance, le rendement du capital investi, la mobilisation des ressources,… – dont les Européens, à la différence des Américains ou des Chinois, sont nombreux à sentir qu’il est fini, épuisé, et qu’il ferait payer des gains à court terme par des maux pires à moyen et long terme. Ses exigences sont connues, et portent notamment sur la liquidation de ce que deux à trois générations d’élaboration sociale et politique avaient construit, notamment en matière de régimes sociaux et de droit public ; le délabrement des institutions et de l’Etat concourt avec la pression des marchés, à ramener l’Europe à l’âge de la révolution industrielle. Si c’est le prix à payer pour continuer à emprunter, la question vaut la peine d’être posée ; faut-il sacrifier cela pour ceci, ou décider unilatéralement, et de manière définitive, de transformer la dette des Etats européens en dette perpétuelle, d’en servir les intérêts au niveau contractuel, d’en rembourser une partie chaque année, pour un montant discrétionnaire, et de s’abstenir désormais du recours au marché international des capitaux pour financer tout engagement public ?

    La proposition peut choquer. Moins que certaines accusations pesant sur l’Allemagne. Qu’il appartienne à l’Allemagne de rappeler que les traités engagent, que la Cour de Karlsruhe n’est pas là pour faire ce que les marchés demandent, que la révision d’une Constitution suit des règles déterminées, et est une affaire sérieuse, enfin que la politique américaine, qui considère que ses engagements à l’extérieur n’engagent que ceux qui y croient, n’est pas un exemple à suivre, rend sensible la dégradation de l’espace public français, de la vie des institutions et du respect des principes fondateurs de la République. Et ceux qui, au Parti socialiste, accusent l’Allemagne, devraient réfléchir pour savoir si l’Allemagne ne leur fournit pas, bien involontairement, un élément de critique autrement porteur. Car le respect des institutions, de la séparation des pouvoirs, de la primauté de l’Etat sur les intérêts privés, ne sort pas indemne des épisodes récents. En dépit de tout ce qui agite et se débat, du bruit et du rien, il se pourrait bien que, dans le long terme, l’abaissement de la République par des intérêts, des clans et des tribus qui lui sont étrangers, profondément et irréductiblement étrangers, demeure l’un des passifs déterminants du récent quinquennat.

    Hervé Juvin (Regards sur le renversement du monde, 5 décembre 2011)

    Lien permanent Catégories : En Europe, Points de vue 2 commentaires Pin it!