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oligarchie - Page 25

  • La guerre civile à l'horizon de l'Europe ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article du magazine Flash, cueilli sur le site Mecanopolis, signé par Clovis Casadue, et consacré aux prévisions d'aggravation de la crise en Europe...

     

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    Pendant les révolutions et les catastrophes, la crise continue !

    Les révolutions arabes et la catastrophe nucléaire de Fukushima ont détourné notre attention de la crise des Etats européens depuis le début de l’année. Pourtant la situation continue de se détériorer. Malgré des réformes drastiques, le Portugal est tombé sous la tutelle du Fonds Européen de Stabilité Financière et du FMI. En Espagne, la situation économique se détériore tous les jours un peu plus et la plupart des analystes s’attendent à ce que le pays se retrouve en situation de cession de paiement au plus tard d’ici l’automne prochain.

    Malgré l’aide du Fonds Européen et du FMI octroyée en juin dernier, la Grèce est loin de retrouver un équilibrer budgétaire. Dans la salve de rapports qui ont ponctués les réunions organisées par le FMI et le G20 à Washington le week-end dernier (1), l’un d’entre eux pointe gravement du doigt Athènes. Le document évoque même une possible restructuration de la dette grecque. En clair, cela veut dire que le pays est à nouveau très proche du défaut de paiement. Un scénario catastrophe pour les banques qui détiennent les obligations d’Etat de la Grèce, en premier lieu l’Allemagne et la France. Deux solutions sont possibles pour éviter le pire : durcir les conditions du plan d’aide et mettre encore davantage à contribution la population grecque par de nouvelles mesures d’austérité, au risque de provoquer une crise sociale majeure, ou remettre de l’argent au pot par une rallonge du Fonds Européen et du FMI. Pour l’heure, Athènes, en présentant ce lundi d’autres mesures d’économies, telles que de nouvelles coupes budgétaires, a choisi la première solution.

    Dévaluation de l’euro

    Selon une note confidentielle publiée le 15 février dernier dans une publication allemande (2) plusieurs hauts responsables de l’UE auraient recommandé à leurs proches collaborateurs de transformer une part de leurs économies en métaux précieux. Le fait que des responsables de l’UE se préoccupent des investissements et de la prévoyance de leurs subordonnés est plutôt rare. Mais le document de l’UE explique la raison pour laquelle le vice-président fit une exception. Citation : « Nous nous attendons à une forte poussée d’inflation pour 2011, à une augmentation des taux d’intérêts directeurs et à un renchérissement massif des principales matières premières. Nous devons nous attendre à de nouvelles ondes de chocs sur les marchés financiers et l’euro va être pris dans une spirale de dévaluation. » Sur la plan de la crise sociale, le document est encore plus alarmant : « La conjonction dans les pays membres d’un chômage accru et d’un démontage de l’Etat social renforcera les dangers de violences. A moyen terme, nous devrons réduire la sécurité sociale à son minimum, même si cela devait provoquer des révoltes et de la violence

    De la nécessité de faire diversion

    Comme l’autorité de l’Etat ne peut en aucun cas être contestée, pas plus que le pouvoir – intimement lié – de l’oligarchie financière, il est donc nécessaire de trouver le moyen de faire diversion afin de catalyser la colère du peuple. L’islamophobie, qui ne cesse de croitre depuis plusieurs années et qui est en passe d’être renforcée grâce à la vague d’immigration venue des pays d’Afrique du Nord, peut être encore attisée afin de détourner les populations des réels problèmes de notre société. C’est ce qu’indique un rapport secret de la CIA publié le mois dernier (3). Et quand un document prétendument confidentiel de cette agence de renseignement devient public, c’est qu’il a pour but d’être utilisé à des fins de propagande. Ce rapport prétend mettre en garde contre « la possibilité de guerres civiles dans certaines parties de l’UE. » Selon le texte « 70% des délinquants incarcérés en Espagne et en France sont d’origine musulmane. L’Europe, avec son taux important d’immigrés, est considérée comme faible et proche du déclin. Le risque de troubles augmente d’année en année.» La CIA voit également dans les graves émeutes de jeunes de ces dernières années en France, au Danemark, en Suède, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne des « signes avant-coureurs » des guerres civiles à venir. « La raison en est le manque de volonté de s’intégrer d’une partie des immigrés qui créent des zones de non-droit par la force des armes alors que l’on désarme systématiquement la population. » indique encore le document, avant de conclure que cette situation va renforcer « l’apparition de mouvements nationalistes en Europe qui entraîneront, dans les années 2012 à 2016, des tensions ethniques et religieuses dans tous les Etats d’Europe et l’expulsion des musulmans. »

    Choc des civilisations

    La théorie du choc des civilisations n’est qu’un grossier mensonge. Mais il convient maintenant de lui donner une réalité, ce à quoi travaillent les officines de propagande et d’actions clandestines – ainsi que les laquais politiques qui sont à leurs ordres – de sorte à créer une déstabilisation psychologique des populations propre à manipuler l’imaginaire collectif. Les crises successives que nous traversons depuis 2008 ne servent en réalité qu’à restructurer l’économie mondialisée pour permettre la mise en place d’une société 20/80, à savoir celle dans laquelle le travail de 20 % de la population mondiale sera suffisant pour soutenir la totalité de l’appareil économique de la planète ; les 80 % restant étant superflus et destinés à disparaître. Les guerres civiles en cours d’élaboration et les autres catastrophes qui ne tarderont plus à s’abattre sur nos existences ne seront créées et utilisées que pour atteindre cet objectif.

    Néanmoins, ce monde cataclysmique que l’on veut nous imposer n’est en rien une fatalité. Comme nous l’avons indiqué à plusieurs reprises, nous devons nous garder d’oublier ce fait d’expérience que l’action de quelques individus, ou de groupes humains très restreints, peut, avec un peu de chance, de rigueur, de volonté, avoir des conséquences incalculables sur les évènements en cours.

    Clovis Casadue (Flash, 21 avril 2011)

    Notes :

    1. Les 16 et 17 avril 2011

    2. Vertrauliche Mitteilungen du 15 février 2011

    3. Inter Nachrichten n° 387, mars 2011, et Zeit-Fragen du 4 avril 2011

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  • Nous ne sommes pas en démocratie...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Eric Werner, publié par le site Enquête&débat. Eric Werner a publié de plusieurs essais remarquables comme De l'extermination (Thaël, 1993), L'avant-guerre civile (L'Age d'Homme, 1999), Ne vous approchez pas des fenêtres (Xénia, 2008) ou dernièrement Douze voyants (Xénia, 2010). 

     

     

    Eric Werner : "Qui croit encore sérieusement que nous sommes en démocratie? "

    1. Vous êtes l’auteur d’un livre intitulé L’avant-guerre civile il y a plus de 10 ans. Pensez-vous que la France est encore en situation d’avant-guerre civile ?

    L’avant-guerre civile n’a pas nécessairement vocation à déboucher dans la guerre civile, si c’est ça que vous voulez dire. C’est évidemment une possibilité, mais il y en a aussi une autre: que l’avant-guerre civile se stabilise en tant qu’avant-guerre civile, côtoyant ainsi de près la guerre civile, la frôlant même parfois, mais sans jamais pour autant franchir la limite l’en séparant. C’est, me semble-t-il, ce qu’on observe à l’heure actuelle.

    On est dans une situation de “ni guerre, ni paix”, on pourrait dire aussi (par analogie avec ce qui se passe dans la sphère inter-étatique) de “paix armée” (ou de “guerre froide”). On observe bien, ici et là, certaines étincelles de guerre civile, mais dans l’ensemble les dirigeants maîtrisent encore bien la situation. Ceci posé, incontestablement, le risque existe. Qu’est-ce qui pourrait faire basculer l’avant-guerre civile dans la guerre civile ? Très peu de choses, en fait. Les gens ne le savent peut-être pas, mais la France ne dispose à l’heure actuelle que d’une autonomie alimentaire de vingt jours: vingt jours, c’est peu. A Paris, elle n’est que de quatre jours. J’emprunte ces chiffres au film de Coline Serreau, “Solutions locales pour un désordre global”, un documentaire sorti en 2010. Je les cite de mémoire.

    2. Le Front national ne fait-il pas office de soupape de sécurité du système pour canaliser les ressentiments divers et empêcher la guerre civile ?

    C’était assurément le cas à l’époque de Jean-Marie Le Pen. A cette époque-là, effectivement, le FN (tout comme, à une époque plus lointaine encore, le Parti communiste) faisait office de soupape, d’exutoire. On a souvent dit aussi que Jean-Marie Le Pen, non sans talent d’ailleurs, assumait une fonction tribunicienne (en référence aux tribuns du peuple dans la Rome antique). C’était un contre-pouvoir, mais un contre-pouvoir n’aspirant pas, comme parfois cela arrive, à devenir lui-même le pouvoir.

    Jean-Marie Le Pen ne s’est, je pense, jamais seulement imaginé qu’il pourrait un jour prendre le pouvoir. Il ne l’a jamais non plus ambitionné. Il en va différemment, me semble-t-il, de sa fille. L’impression qu’elle donne est qu’elle veut réellement faire bouger les choses. On pourrait la comparer en ce sens à l’héroïne de “True Grit”, le récent film des frères Coen. “True Grit”, autrement dit le cran, la détermination. C’est quelqu’un, assurément, qui “en veut”. Cela étant, une question se pose: que mettre à la place du système ? La guerre civile, puisque vous y faites référence, n’est évidemment pas en elle-même une réponse.

    3. Vous êtes l’auteur d’un livre intitulé “L’après-démocratie”. Nous ne sommes donc plus en démocratie selon vous ?

    Je suis surpris de votre question. Qui croit encore sérieusement que nous sommes en démocratie? La démocratie n’est rien d’autre aujourd’hui qu’un nom, un nom au sens proustien du mot, autrement dit ce qui fait rêver les gens, rêver ou rêvasser. On imagine des choses qui n’existent pas. Comment caractériser le régime occidental actuel ? En gros, comme une oligarchie, mais le terme le plus proche de la réalité serait, à mon avis, celui de ploutocratie (le gouvernement des riches).

    Certains vont même plus loin encore, n’hésitant pas, à l’instar de certains politologues (Guy Hermet), à faire le rapprochement avec les gouvernements autoritaires latino-américains des années 1950-1975, voire avec la dictature franquiste: rapprochement qui en surprendra plus d’un mais qui s’éclaire dès lors qu’on ne se contente pas de dire, comme il sied de le faire, que le régime occidental se veut respectueux du pluralisme des idées et des intérêts, mais qu’il comporte également toutes sortes de limitations dans ce domaine: limitations d’ordre social pour certaines, mais pas seulement. Les médias occidentaux reprochent à juste titre au régime chinois, ou encore iranien, d’enfermer les gens pour délit d’opinion, mais en Europe aussi il existe des prisonniers d’opinion ! C’est le cas par exemple en Allemagne, en Suisse et en Autriche, trois pays particulièrement répressifs en la matière.

    Le régime occidental actuel comporte aussi certains traits typiquement totalitaires, comme le recours désormais systématique à des lois-”caoutchouc” (ou encore “attrape-tout”), que les juges interprètent comme bon leur semble, en quelque sorte à la tête du client. On en a une illustration avec les lois fixant ce qu’il est permis ou non de faire et de montrer en matière sexuelle. L’indétermination dans ce domaine est aujourd’hui telle qu’elle autorise toutes les dérives. C’est le retour au bon plaisir du Prince.

    D’autres textes (lois sécuritaires, antiterroristes, etc.) dotent la police de pouvoirs discrétionnaires, certains disent même illimités, pouvoirs dont la police fait ou non usage, mais qui, même lorsqu’elle n’en fait pas usage, joue le rôle d’épée de Damoclès. Rappelons qu’en France, en 2009, près de 900’000 personnes ont été placées en garde à vue, dont beaucoup sans la moindre justification. A ce stade, ce n’est même plus la démocratie qui est en cause, c’est l’Etat de droit.

    4. Quelle est la principale menace qui pèse sur la civilisation européenne selon vous ?

    Il y a une menace exogène, inutile d’y insister. Mais il y a aussi une menace endogène, plus importante encore peut-être. Je ne vais pas ici pleurer sur le grec et le latin. Mais c’est un fait que les humanités n’occupent plus aujourd’hui qu’une place très marginale dans les programmes scolaires. En soi ce n’est peut-être pas très important, mais il faut mettre cette évolution en rapport avec d’autres phénomènes similaires, les progrès de l’analphabétisme de masse, par exemple: analphabétisme au sens propre, bien souvent (entre 20 et 25 % des élèves en fin de scolarité obligatoire sont analphabètes en ce sens), mais aussi au sens figuré.Qui lit encore, par exemple, Montaigne, Corneille et Racine ? Le très beau film de Régis Sauder, “Nous, Princesse de Clèves”, récemment sorti sur les écrans, fait apparaître, il est vrai, une contre-tendance, mais elle est très marginale.

    Autrefois, dans chaque famille allemande, les enfants apprenaient dès leur plus jeune âge à jouer d’un instrument musical. Cette tradition s’est très largement aujourd’hui perdue. Etc. La principale menace, je dirais, elle est là. L’héritage culturel ne se transmet plus, ou mal. Au mieux, il se trouve relégué dans les musées, les conservatoires. Ou alors s’est délocalisé (au Japon par exemple). Cela étant je ne suis pas passéiste. On ne peut pas se contenter de répéter toujours les mêmes choses, moins encore de les répéter toujours de la même manière. Une culture ne reste vivante que si elle se renouvelle régulièrement. Sauf, je le pense, que ce renouvellement, pour être valable, ne saurait s’exercer dans le vide. Il lui faut s’adosser à une tradition.

    5. La Suisse, où vous vivez, jouit de la démocratie directe, un système qui existe également aux Etats-Unis, en Allemagne, et en Italie. Pourrait-il exister en France et à quelles conditions ?

    Il ne faut pas idéaliser la démocratie directe. Démocratie directe ou pas, de toute façon les dirigeants font ce que bon leur semble. S’ils décidaient un jour d’introduire la charia en Suisse, vous n’imaginez quand même pas qu’ils se laisseraient arrêter par un référendum. Ils l’introduiraient, point barre. Je ne dis pas que les référendums ne servent à rien, ils ont, admettons-le, une certaine utilité. Mais ils ne faut pas en exagérer l’importance. Leur importance est surtout symbolique. Pour influer sur le cours des choses, à plus forte raison encore l’infléchir, il ne suffit pas de gagner des référendums. Il faut changer les rapports de force.

    6. Comment expliquez-vous la progression de l’islam un peu partout en Europe?

    Pour une part, évidemment, par l’immigration de masse. Mais ce qu’on constate aussi, c’est que le terrain est bien préparé. Je ne dirais pas que l’islamophobie n’existe pas. Elle existe bien sûr, mais sans doute pas dans les proportions que certains imaginent (ou feignent d’imaginer). Les gens, dans leur ensemble, me semblent, au contraire, plutôt bien disposés envers l’islam. On n’observe en tout cas pas de réaction de rejet massif à son endroit.

    On objectera que les gens n’en pensent pas moins. C’est possible. En attendant ils laissent les choses se faire, et dans une certaine mesure même les accompagnent. Jusqu’où iront-ils dans cette direction ? Difficile de se prononcer. On dit et répète volontiers que les hommes sont prêts à mourir pour la liberté. Tel n’était pas l’avis de Dostoïevski. Lui, au contraire, pensait que les hommes n’aimaient pas la liberté.

    Le psychanalyste Erich Fromm dira de son côté que les hommes ont peur de la liberté. Fromm se référait aux expériences de son temps, mais sa remarque a bien évidemment une portée générale. Le rappellera-t-on, en effet, le mot islam signifie soumission. Ma position personnelle est simple. La progression de l’islam en Europe me gênerait moins si je ne constatais que partout où l’islam est aujourd’hui en position dominante il n’opprimait les religions minoritaires, les tolérant tout juste quand il les tolère, le plus souvent, en réalité, les persécutant, ne concédant à leurs adeptes qu’un statut de citoyen de seconde classe, les contraignant le cas échéant à l’exil, occasionnellement même les exterminant, etc.

    Tout le monde sait quel est le sort aujourd’hui réservé aux chrétiens dans des pays comme l’Algérie, l’Egypte ou même la Turquie, pour ne rien dire de l’Irak ou du Pakistan. Il faut être très bête, ou en tout cas d’une grande naïveté, pour croire qu’il en irait autrement en Europe, le jour où l’islam deviendrait ici même majoritaire.

    7. Les Européens peuvent-ils un jour redevenir spirituels ?

    Autrement dit redevenir chrétiens ? Oui bien sûr. Je ne crois d’ailleurs pas à la déchristianisation. Les églises se vident, c’est une chose. Mais ce n’est pas parce qu’elles se vident que le christianisme serait sur le point de disparaître. En aucune manière. Mon sentiment propre, si je devais le résumer, serait plutôt que le christianisme est en train maintenant seulement de naître. Il est à son aube plutôt qu’à son déclin. On pourrait aussi dire, en recourant à une formule nietzschéenne, qu’il est en train de “devenir ce qu’il est”. Jusqu’ici le christianisme ne pouvait se passer d’un certain nombre de “béquilles”: l’ensemble des dogmes par exemple. De telles “béquilles” ne sont plus aujourd’hui nécessaires. Le christianisme peut très bien s’en passer. Certaines choses qui étaient contenues en germe dans les évangiles sont aujourd’hui parvenues à maturité. Et donc le christianisme peut voler de ses propres ailes.

    8. La mondialisation est-elle plus dangereuse que le mondialisme ?

    On n’échappe pas à la mondialisation. Voyez les questions environnementales, la question climatique en particulier. Il est évident que si l’on veut résoudre ces questions, la seule manière de le faire est de se situer au plan planétaire. Autrement, il n’y a pas de solution. Ceci étant, quand on parle de mondialisation, on ne parle pas de ça. On parle d’autre chose, et presque du contraire: de l’économie-monde, en fait. Car l’économie s’est aujourd’hui mondialisée.

    Il n’y a plus désormais qu’un seul et unique marché sur terre, le marché planétaire justement. Pour une part c’est le fruit de l’évolution propre du capitalisme, de sa dynamique immanente, mais l’évolution propre du capitalisme n’est, je pense, pas seule en cause. Il faut aussi y voir la concrétisation d’une certaine volonté politique, celle liée au courant de pensée néolibéral.

    C’est ici que surgissent les problèmes. On pourrait dire en simplifiant: une certaine mondialisation, oui, le libre-échange généralisé, non. Il est anormal, par exemple, que les accords de l’OMC ne comportent aucune clause sociale et environnementale. Je ne vais pas ici développer ce point, mais il relève de l’évidence. Il est anormal également qu’on encourage, comme on tend aujourd’hui à le faire, la libre circulation des denrées alimentaires d’un point à l’autre de la planète, sans prise en compte du gaspillage énergétique que cela occasionne.

    Il est déjà absurde de le faire à l’intérieur même de l’Union européenne, à plus forte raison de le faire d’un continent à l’autre. Idéalement parlant, on ne devrait consommer que des denrées produites dans un rayon de 200-300 kilomètres autour de chez soi. Il était question plus haut d’autonomie alimentaire. Beaucoup de pays ne veulent plus aujourd’hui se battre pour le maintien de cette autonomie. A mon avis ils ont tort.

    9. Faut-il craindre l’américanisation, ou au contraire remercier les Américains pour ce qu’ils nous ont apporté ?

    L’américanisation de l’Europe a commencé au XIXe siècle, il y a donc bien longtemps déjà. Il en est déjà question chez Baudelaire, Flaubert, et bien sûr aussi Tocqueville. L’américanisation de l’Europe a subi un premier coup d’accélérateur après la première guerre mondiale, un autre ensuite après 1945. Aujourd’hui, elle prend la forme d’un alignement plus ou moins contraint et forcé sur le néolibéralisme, idéologie que personnellement je n’aime guère, puisque nombre de catastrophes récentes lui sont directement imputables, catastrophes économiques mais aussi écologiques. Et donc je ne vois pas pourquoi je dirais merci aux Américains. Merci, sûrement pas.

    J’en veux aussi beaucoup à la commission de Bruxelles pour le rôle qu’elle joue à l’heure actuelle de cheval de Troie néolibéral en Europe. On ne l’avait pas créée pour ça. Vraiment pas. Ceci étant, je ne suis pas par principe anti-américain. Les Américains produisent par exemple beaucoup de très bons films, films qui sont aussi souvent des films très courageux. Les cinéastes américains abordent des thèmes que leurs homologues, de ce côté-ci de l’Atlantique, n’abordent que rarement: la corruption de la police, par exemple. Ils s’emploient également à décrire le fonctionnement d’ensemble du système, ses intrications avec le crime organisé, etc. C’est très instructif. Pour le reste, je ne sais pas ce qu’est qu’un hamburger, je n’en ai personnellement jamais consommé, et je ne fréquente jamais non plus les fast-food. L’américanisation de l’Europe trouve ici sa limite.

    10. Etes-vous plutôt optimiste ou pessimiste pour l’avenir de l’Homme ?

    Comment ne pas penser à ce qui vient de se produire au Japon ? Cette catastrophe est survenue au Japon, mais (comme on s’en rend compte maintenant) elle aurait très bien pu survenir ailleurs. On pouvait lire il y a quelques jours dans “Le Monde” (25 mars 2011) un article sur EDF, l’entreprise chargée en France de la production nucléaire. Selon la médecine du travail de la centrale du Blayais, 40 % de l’encadrement prenait des tranquillisants en 2008 et 2009. Des syndicalistes écrivent de leur côté: “La sûreté est mise en cause par le recours généralisé à la sous-traitance, à la disqualification, à la frénésie de changements d’organisation, à la mobilité interne”. Non, vraiment, je ne suis pas très optimiste.

    Eric Werner (Enquête&débat, )

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  • Marine Le Pen et la gauche paradoxale...

    Nous avons reçu en commentaire de notre note Des lignes qui bougent ?... ce point de vue fort intéressant de Claude Bourrinet.

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    Marine Le Pen et la gauche paradoxale

    Les causes du « malaise »
    Le titre de cet article est à double entrée : la copule « et » peut en effet s’entendre comme un signe d’opposition, mais il peut aussi s’interpréter comme un lien d’équivalence. Dans le premier cas, le terme « gauche » fait référence à la mouvance officielle qui le revendique comme un label ; dans le second, il traduit une connivence avec le peuple, contre une oligarchie qui lui est antithétique.
    Le malaise qui travaille au corps la caste politique actuelle, face à la montée d’un populisme contestataire, trouble d’abord les champions historiques, et pour ainsi dire institutionnalisés, des « exploités » et des « opprimés », mais qui gêne aussi la partie adverse, qui leur fait face comme dans un miroir, et qui joue avec eux cette musique en boucle qu’est l’alternance. Il  prend sa source surtout, plus que dans un « danger fasciste » fantasmé, dans la confusion de mots, dans l’usage d’un discours brouillé dont on voit bien qu’il a perdu son efficace.
    La sphère politique étant constituée autant d’images que de discours, il semble évident que le choix des vocables, et les connotations qui y sont attachées sont primordiaux.  En outre, il s’agit là d’un univers éminemment symbolique, à même de motiver des engagements forts, et peut-être plus lisible pour les masses que la pertinence d’intérêts véritables, qu’il est parfois difficile de démêler dans l’embrouillement des évènements. Or, si les mots dénotent, et ont donc une attache avec le réel, il s’en faut parfois de beaucoup pour qu’imaginaire et emblèmes y correspondent et s’y adaptent comme des gants à une main. Le plus souvent, le réel rejoint avec retard l’expression discursive  qui a tendu à le remplacer, parfois même jusqu’à l’invalider, le périmer ou le faire éclater.
    C’est justement ce qui est train de se produire avec l’extension, l’approfondissement et la consolidation du votre Front national, qui est en quelque sorte une immixtion du réel dans le jeu hautement virtuel du politique.

    Une « modernité » conquérante
    A trop user de la terminologie journalistique, qui consiste à donner une certaine crédibilité aux pétitions de principes, on perd la vérité du monde. Il n’est qu’à dire ce qui est, de façon tautologique, comme l’enfant qui clame que le Grand duc est nu. Ainsi la « droite » n’est plus, depuis longtemps à droite, et s’est spécialisée dans la gestion libérale et mondialisée de l’économie, n’ayant plus à cœur que de promouvoir la productivité du pays. Et la « gauche » ne défend plus le peuple.
    Laissons les premiers, qui inspirent pitié par leur pauvreté idéologique, car on ne ferait, en analysant le contenu de leurs propositions « sociétales », que retrouver en substance le programme de la « gauche », à savoir un abandon totale des barrières morales, culturelles et sociologiques, lesquelles avaient le tort d’empêcher la modernité d’exercer les ravages que l’on sait. L’application de la vulgate libérale n’a jamais produit des œuvres de génie dignes d’être retenues par l’Histoire. Le libéralisme, c’est l’homme perçu à travers son estomac et ses parties génitales, et sa réduction démoralisante à ses stimuli animaux.
    La « gauche » a visé plus haut. Elle s’est voulu l’héritière, comme sa sœur libérale, de l’idéologie des Lumières, mais dans une version plus idéaliste, plus rhétorique, plus messianique, bien que le projet libéral promît aussi de son côté l’avènement d’une société d’abondance, seule apte à porter le bonheur chez les hommes.
    L’évolution politique, depuis 89, au-delà du simple positionnement dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, qui a engendré les termes « droite » et « gauche », a été un progressif détachement, marqué par des chocs révolutionnaires, des problématiques attachées à l’Ancien Régime. Une fois que l’hypothèque monarchiste a été balayée, ne sont restés en présence que les partisans de la « modernité », même si on ne plaçait pas exactement la même idée derrière ce vocable. L’essentiel était que la solution aux maux de la société se trouvait devant, dans un avenir qu’on espérait radieux.
    Or, d’un côté comme de l’autre, du côté « libéral » comme du côté « socialiste », la conséquence a été une dépossession quasi complète de ce qu’avait en propre le peuple, c’est-à-dire le sentiment d’une communauté, d’une solidarité qui lui permettait de résister aux assauts de l’industrialisation et de l’urbanisation.

    La dépossession du peuple
    La marche irrésistible de l’industrie a jeté dans la misère et l’acculturation le peuple paysan, qui s’est parfois soulevé contre le progrès, par des révoltes, des grèves ou simplement en cassant les machines. Ces actions ont pris parfois une résonnance « réactionnaire », et ce que Marx a nommé « socialisme utopique » peut se lire comme une nostalgie programmatique d’un passé idéalisé. L’anarchisme, le syndicalisme révolutionnaire ne peuvent se comprendre aussi que comme cette tentative de sauver, dans la classe des artisans le plus souvent, les traditions de corps et une culture populaire mises à mal par la massification d’une économie de plus en plus déracinée et anonyme.
    Ce n’est certes pas un hasard que la « gauche », en se faisant le porte-parole des revendications populaire, n’a eu de cesse de combattre cette mouvance libertaire incontrôlée, que l’on accusait de confusionnisme, et qui du reste connut en son sein, notamment chez d’anciens communards,  la tentation du boulangisme et de l’antisémitisme.
    Le républicanisme avait pour vocation de gommer les frontières de classes. Pour lui, le peuple était un bloc, à l’exception de quelques archaïsants irréductibles. Le notable patriote s’adresse à la Nation, et veut concilier tous les intérêts. Or, bourgeoisie et prolétariat en vinrent à s’affronter. Naquirent alors les « socialistes », militants spécialisés dans la revendication, porteurs de prophétisme grandiloquent, et même lestés d’une doctrine à prétention scientifique, le marxisme. Nous assistons là à la deuxième dépossession des masses populaires, surtout après l’institution, à la suite de l’Affaire Dreyfus, d’une nouvelle caste, d’un clergé laïque, les « Intellectuels »,  qui va porter la parole sainte au milieu des ouvriers, et s’attachera à les éduquer, ou du moins à leur indiquer la bonne direction. Tous les comités qui vont fleurir à la suite du Front populaire, et qui se nourriront du mythe fallacieux et mortifère de l’Union soviétique, ce paradis rouge, confisqueront la parole prolétarienne, pour l’instrumentaliser et en faire une légende. Les « acquis » tant vantés n’ont été conquis que pour être vite récupérés par la classe marchande, et, ce qu’il en resta ne fut toléré que parce que cela correspondait aux nouveaux réquisits keynésiens de la société d’abondance.

    L’ultime dépossession
    Les partis politiques sont des machines à sélectionner une noblesse d’appareil, et à produire, par des slogans et des mots d’ordre, un semblant de discours qui trahit ou étouffe la parole populaire.
    Ce système hégémonique, bien qu’en perte d’influence depuis l’abandon des « grands récits » idéologiques, a permis la persistance d’une bureaucratie de spécialistes, qui se cooptent et contrôlent la société. Cette maîtrise douce et astucieuse de l’opinion, qui s’est donné le luxe d’un semblant de débat, incarné par le jeu de l’alternance, a été très utile quand il s’est agi de préparer, ou plutôt d’imposer au pays le tournant mondialiste, l’intégration au nouvel ordre libéral. Dans les faits, la « gauche » et la « droite » se sont rejoints sur cette cause, notamment par le truchement du projet d’union européenne, qui a été, une fois l’hypothèse de l’Europe puissance abandonnée, la porte de sortie par laquelle toutes les attaches identitaires ont été rompues. De là une difficulté récurrente à marquer des différences, sinon par des étiquettes qu’on agite et auxquelles seuls croient les journalistes.
    La nouvelle classe hégémonique communie dans l’instauration d’une société résolument moderne, moderniste, destructrice, dévastatrice. La famille, la patrie, le syndicalisme, les vieilles revendications de solidarité, de vie en commun, le simple désir de se retrouver sur un terrain civique qui inclut des impératifs de combats, bref, le veux monde, tout cela est non seulement déconstruit comme un témoignage d’un passé méprisé, mais même entaché de soupçon, comme si regarder en arrière en déplorant la perte de l’authenticité était un signe d’appartenance au fascisme. C’est ainsi qu’on a loué les familles recomposées en ignorant la souffrance enfantine, qu’on a promu la permissivité en regrettant hypocritement la violence sexuelle, qu’on a voué aux gémonies l’art ancien au profit d’un art dit « contemporain » qui, quand il n’est pas pure spéculation, n’est qu’une machine à araser les goûts et les imaginations, qu’on a abandonné l’idée de Nation, si antique, au nom d’un magma cosmopolite où seule l’élite « nomadisée » se retrouve, qu’on a prêché un hédonisme de bazar, qui rabaisse l’individu et enlève de son esprit le sentiment de l’héroïsme, du sacrifice, et même toute énergie, qu’on a encouragé, au nom de l’humanité, une immigration de masse, provoquant ainsi la baisse des salaires et la dévastation de vastes territoires de la République, qu’on a vanté la culture « jeune » en ouvrant grand les portes à l’américanisation de la France, en rompant les solidarités générationnelles tout en donnant comme modèle l’individualisme, l’égoïsme et le cynisme. Il faut ajouter à cela le profond mépris dont font l’objet toutes les résistances qui voient le jour, et que des humoristes vendus ont traînées dans la boue en les accusant d’avoir pour auteurs des « beaufs », des « Dupont-la-joie ».
    C’est dans ce qu’il reste du peuple, après ce travail destructeur entrepris par la « gauche » et la « droite » réunies, que gît encore le respect de la famille, de la patrie, de la langue française et de l’autorité naturelle. Pour combien de temps ?
    Ce n’est donc pas un paradoxe d’avancer alors que Marine Le Pen est la seule, dans le monde politique, à se trouver à « gauche », si être à gauche est défendre le vrai peuple.

    Claude Bourrinet (17 mars 2011)

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  • L'honorable société...

    Quand DOA, l'auteur de l'excellent Citoyens clandestins, et Dominique Manotti, celui de Nos fantastiques années fric ou de Lorraine Connection, se rencontrent, ils écrivent L'honorable société, publié chez Gallimard, un polar passionnant sur "l'envers de l'histoire contemporaine" et sur le système mafieux qui s'installe progressivement dans notre pays...

     

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    "À Paris, deux jours avant le premier tour des élections présidentielles, deux hommes cagoulés pénètrent dans un appartement du 17e arrondissement. Une seule chose semble les intéresser : l’ordinateur portable du propriétaire des lieux, un certain Benoît Soubise, dont ils copient consciencieusement le disque dur. Ce dernier rentre plus tôt que prévu et, après une courte lutte, meurt accidentellement. Aussitôt les deux cambrioleurs désertent ce qui est devenu une véritable scène de crime.

    L’enquête, confiée au commandant Pétrus Pâris de la Brigade criminelle, va très rapidement prendre une dimension inattendue du fait de la personnalité de la victime. Et, dans un contexte politique tendu, les investigations de la Crim’ commencent à gêner l’entourage du Ministre des Finances, en lice pour la présidentielle. Lui et ses amis industriels ne voient pas d’un très bon oeil l’acharnement du commandant Pâris à faire éclater la vérité. La situation est d’autant plus explosive qu’un groupuscule de jeunes écologistes extrémistes semble également avoir eu accès à l’ordinateur du défunt.

    Alors que les candidats à l’élection suprême se présentent sous leur plus beau jour devant les caméras des télévisions nationales, leurs porte-flingues, dans l’ombre, s’activent pour étouffer dans l’oeuf une affaire qui pourrait s’avérer explosive.

    Événement dans l’univers du polar français : Manotti et DOA ont allié leurs qualités respectives pour écrire un roman critique et haletant, une charge contre l’État Français qui se lit comme un pur roman d’action et d’aventures. Fruit de longues enquêtes et de recherches minutieuses, L’honorable société est un roman noir sans concession. Manotti et DOA démontrent comment une petite affaire de surveillance et de contrôle peut finalement déraper dans la violence et le sang, comment la machine d’État broie sans hésiter les individus qui se dressent sur son chemin. Les institutions ne sont finalement que des paravents qui cachent une réalité bien souvent nauséabonde. Critique politique et économique, la force de L’honorable société est de se lire comme un roman d’action tel qu’il en existait dans les années 1970. Fruit de longues enquêtes et de recherches minutieuses, L’honorable société se rapproche au plus près de la réalité de notre pays."

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  • Mieux comprendre l'Empire afin de mieux le combattre !...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain Soral au magazine Flash à l'occasion de la parution de son essai Comprendre l'Empire. Attention, mer agitée !

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    Vous nous aviez habitués à parler légèrement de choses graves et là, on sent une rupture de ton dans ce dernier ouvrage… C’est la cinquantaine qui vous change ou sont-ce les temps qui changent ?
    Disons que nous ne sommes plus dans les années 1990/2000 où quelque chose se mettait en place avec l’UE, l’Euro, mais où la tentative de putsch mondialiste n’était pas aussi imminente et visible. À cette époque, on pouvait encore tergiverser, mais là, entre la crise financière américaine, les déficits publics européens, les tensions ethniques et sociales qui se généralisent, et pas seulement dans le monde musulman, plus ici l’écroulement de la classe moyenne et la candidature de Strauss-Kahn qui s’avance… Vous conviendrez que les temps ne sont plus à la rigolade, à moins d’être Martien !

    Vous êtes de formation marxiste et pourtant vous continuez de défendre la monarchie capétienne. Le paradoxe est plaisant, mais on sent du fond derrière ce raisonnement. Dites-nous en un peu plus…
    Pour apaiser nos lecteurs de droite, je vais commencer par une citation de Marx, afin de bien leur faire sentir quelle était la position de ce grand penseur sur l’Ancien régime et le monde bourgeois qui lui a succédé : “Partout où la bourgeoisie est parvenue à dominer, elle a détruit toutes les conditions féodales, patriarcales, idylliques. Impitoyable, elle a déchiré les liens multicolores de la féodalité qui attachaient l’homme à son supérieur naturel, pour ne laisser subsister d’autre lien entre l’homme et l’homme que l’intérêt tout nu, l’inexorable “paiement comptant”. Frissons sacrés et pieuses ferveurs, enthousiasme chevaleresque, mélancolie béotienne, elle a noyé tout cela dans l’eau glaciale du calcul égoïste.”

    Ceci pour rappeler que le sujet de Marx c’est la critique de la bourgeoisie, pas de l’Ancien régime ! En revanche, l’outil sociologique marxiste est très utile pour comprendre le renversement de la monarchie française par le nouvel ordre bourgeois. Et ces deux siècles de régime démocratique nous permettent aussi de juger largement des promesses et des mensonges de notre fameuse République égalitaire et laïque, en réalité démocratie de marché et d’opinion sous contrôle de l’argent et des réseaux maçonniques… Je peux donc, à la façon de Maurras, conclure de cette analyse objective que la monarchie catholique, comme système politique, était meilleure garante de l’indépendance nationale et de la défense des intérêts du peuple, que la finance apatride qui se trouve aujourd’hui au sommet de la pyramide démocratique qui n’a, en réalité, de démocratique que le nom !

    De même, vous avez rejoint le PCF au début de sa dégringolade et refusez de vous acharner sur la défunte URSS, y voyant une sorte de tentative maladroite de lutter contre un empire encore plus puissant. On se trompe ?
    Je suis persuadé, par intuition, mais aussi par l’analyse philosophique et historique, que le communisme n’a pu séduire une grande partie des masses travailleuses et des élites intellectuelles en Occident, que parce qu’il renouait avec la promesse chrétienne du don et du nous, détruite par le libéralisme bourgeois et son apologie de l’égoïsme individuel. Tout le reste n’est qu’une histoire de manipulation et de récupération, comme il en va toujours des religions par les Églises. Comme Tolstoï à son époque, je ne vois donc pas le communisme comme une aggravation du matérialisme bourgeois, mais comme une réaction au matérialisme bourgeois. Une tentative de respiritualiser le monde, malgré la mort de Dieu, et il y a pour moi, à l’évidence, bien plus de spiritualité et de christianisme dans l’espoir communiste tel que l’avaient compris le peuple et les poètes, que dans la bigoterie catholique de la IIIe République !

    Par ailleurs, le monde bipolaire USA/URSS était la chance de la France, qui pouvait faire valoir, dans ce rapport de force, sa petite troisième voie. Ce qu’avait parfaitement compris de Gaulle dès 1940. Se réjouir, pour raison doctrinale, de la chute de l’URSS, alors que la nouvelle hégémonie américaine qui en a résulté nous a fait tout perdre, n’est donc pas une attitude de patriote français intelligent.

    Bref, comme je l’explique aussi dans mon livre : l’ennemi de la France catholique est, et reste, la perfide Albion et ses rejetons, le monde judéo-protestant anglo-saxon libéral ; pas la rêveuse Russie d’hier, pas l’Orient complexe et compliqué d’aujourd’hui…

    Continuons à parler de vous. De tous les intellectuels “alternatifs” ou “déviants”, vous êtes l’un des meilleurs dans la maîtrise des codes de la “modernité”. Mais aussi l’un des plus en pointe dans la défense de la tradition, gréco-romaine et chrétienne. Un autre paradoxe ?
    Merci du compliment. Mais je crois que ma réponse précédente éclaire en partie cette juste remarque. La France, qui a été la grande Nation, a produit les plus grands penseurs occidentaux du XVIIe et XVIIIe siècle – les Allemands ayant pris le relai au XIXe après que l’Angleterre nous eut détruits avec Napoléon, comme elle détruira ensuite l’Allemagne avec Hitler… – la France donc, pour des raisons sociologiques et épistémologiques, reste encore aujourd’hui, malgré sa faiblesse politique, la citadelle morale capable de résister, en Occident, au rouleau compresseur judéo-protestant anglo-saxon. À ce rouleau compresseur qui avance en détruisant les deux piliers de notre civilisation qui sont le logos grec et la charité chrétienne. Cette pensée et cette vision du monde helléno-chrétienne – celle de Pascal – qui est française par excellence et européenne, au sens euro-méditerranéen du terme. Une compréhension spirituelle de l’Europe qui passe malheureusement très au-dessus de la tête des Identitaires et de leurs fatales alliances judéo-maçonniques (Riposte laïque + LDJ) d’adolescents niçois…Toute la modernité, comme sa critique intelligente, c’est-à-dire la compréhension et la critique du processus libéral-libertaire provient de cette épistémè helléno-chrétienne, si française. Il est donc logique que quelqu’un qui prétende maîtriser la modernité défende cet outil et cet héritage national incomparable…

    Cela vous amène tout naturellement à prendre la défense d’un islam dont on sent bien que les élites dominantes souhaitent la diabolisation, après avoir eu la peau du catholicisme. Une fois de plus, vous ramez à contre-courant…
    Pour enfoncer le même clou, je rappellerai qu’un Français, donc un catholique, se situe à égale distance d’un anglo-saxon judéo-protestant et d’un arabo-musulman. Et c’est de cet équilibre, comme l’avait déjà compris François 1er, qu’il tire son indépendance et sa puissance. Une réalité spirituelle et géopolitique encore confortée par notre héritage colonial, l’espace francophone qui en a résulté… En plus, la situation aujourd’hui est d’un tel déséquilibre en faveur de la puissance anglo-saxonne, et cette hyper-puissance nous coûte si cher en termes de soumission et de dépendance, qu’il faut être un pur agent de l’Empire – comme Sarkozy et nos élites stipendiées pour se tromper à ce point d’ennemi principal !

    Quant à la question de l’immigration, qui est la vraie question et pas l’islam, il est évident que pour la régler il faudra d’abord que la France reprenne le pouvoir sur elle-même. Or, ce pouvoir en France qui l’a ? Pas les musulmans…

    Revenons-en à votre livre. Si on le résume à une charge contre le Veau d’or et ceux qui le servent, la définition vous convient-elle ?
    Oui. “Comprendre l’Empire” c’est comprendre l’Empire de l’Argent. Et la lutte finale n’est pas contre la gauche ou la droite, les Allemands ou les Arabes, mais contre la dictature de Mammon. C’est en cela que le combat actuel rejoint la tradition…

    Un dernier petit mot d’optimisme pour nos lecteurs, histoire de les inviter à ne pas désespérer ?
    D’abord pour citer Maurras après Marx : “Tout désespoir en politique est une sottise absolue”. N’oubliez pas que, contrairement au football, l’Histoire est un match sans fin. On peut donc être mené 20-0, rien n’est jamais perdu. De plus, notre empire mondialiste en voie d’achèvement ressemble de plus en plus à l’URSS. Un machin techno-bureaucratique piloté par une oligarchie délirante, stupide et corrompue, ne régnant plus sur le peuple, contre ses intérêts, que par le mensonge et la coercition. Le Traité de Lisbonne et la réforme des retraites en témoignent. Il n’est donc pas exclu que, comme pour l’URSS, l’Empire mondialiste s’écroule sous le poids de ses mensonges et de ses contradictions, au moment même où il pensait arriver aux pleins pouvoirs officiels par le Gouvernement mondial, après deux siècles de menées souterraines…

    De ce point de vue, les soulèvements populaires au Maghreb, et qui pourraient bien culminer par la chute d’Israël et la défaite du lobby sioniste aux USA, sont un signe d’espoir bien plus probant que la montée des extrêmes droites sionistes et libérales européennes !

    Alain Soral (propos recueillis par Béatrice PÉREIRE, Flash Magazine, 10 février 2011)

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  • Les snipers de la semaine (16)

     

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    Au sommaire :

    - sur Justice au singulier, Philippe Bilger mouche de belle manière MAM et ses petits voyages entre amis ;

    Une France qui se paie de maux

     

    mam.jpg

    - sur Polémia, Andrea Massari flingue le CRIF, son dîner et ses dîneurs...

    Le dîner du CRIF...

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