Retraites : pourtant d'autres pistes existent
Alors que le vote définitif au Sénat devrait intervenir, après examen des 500 amendements, le jeudi 21 octobre dans la soirée (selon le philatéliste célèbre Gérard Longuet), le mouvement social ne cesse de se durcir.
Pénurie d'essence, raffineries fermées, ports bloqués, lycées paralysés (1), trains annulés, grèves reconductibles, opérations escargots, cortèges de manifestants qui ne désemplissent pas, des sondages mettant une lumière crue sur le désaveu du gouvernement, tous les éléments sont là pour que ce projet de loi inique sur les retraites soit retiré comme le fut avant lui le SMIC-jeune balladurien, la « réforme » Juppé ou le CPE villepinien.
Toutefois, si ce projet finissait par devenir une loi après publication au J.O, en raison de l'obstination du Narcisse pervers qui a posé ses valises à l'Elysée et/ou grâce à l'aide des racailles de banlieue (éternels idiots utiles), on peut douter de la volonté d'un gouvernement de « gauche », après un possible changement de majorité en 2012, de revenir sur cette contre-réforme. Surtout si l'on se base sur les précédents des réformes Balladur (1993) et Fillon (2003), qui semblent avoir été définitivement acceptées par la gauche de gouvernement.
D'autant que la cacophonie régnant chez les sociaux-démocrates du PS laisse supposer une nouvelle félonie. Des déclarations du candidat préféré de l'oligarchie, le directeur du FMI, DSK, qui ne fait pas mystère que pour lui le "dogme" des 60 ans doit sauter, aux propos d'autres caciques PS qui veulent maintenir l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans tout en réclamant l'allongement de la durée de cotisation à 41,5 annuités... comprenne qui peut.
Comme toujours, il ne faudra donc pas compter sur cette formation de petits marquis manipulateurs et condescendants qu’est le parti socialiste pour mener une véritable réforme des retraites, une réforme qui serait juste, équitable et pérenne.
Mais il n'est pas interdit d'espérer que le flambeau sera repris par un ou plusieurs candidats lors de la prochaine présidentielle…
Quels pourraient alors être les axes de réflexion ? Est-il possible de faire autrement ?
Des moyens existent. Il faut cependant faire preuve de courage et de volonté.
Chaque année, ce sont des dizaines de milliards qui font défaut aux caisses de retraite au titre des baisses de cotisations patronales, des exonérations de charges et des conséquences funestes des licenciements massifs et de la politique des bas salaires (2).
Depuis 1980, la part patronale des cotisations sociales a baissé de 4 points (passant de 34 à 30%), soit un manque à gagner annuel de 17 milliards pour la sécurité sociale.
Si la cotisation patronale était relevée dans cette proportion, il n'y aurait plus de déficit dans les caisses de retraite du privé.
De même, dans le budget de l'Etat, ce sont des dizaines de milliards de cadeaux fiscaux qui mettent en péril le financement des retraites, des rémunérations de fonctionnaires, de l'emploi et des services publics. A elle seule, la prise en charge par l'Etat des exonérations de charges sociales consenties au bénéfice des entreprises représente un coût pour le budget de l'Etat de 33 milliards d'euros chaque année.
Or, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'argent ne manque pas : 212 milliards d'euros de bénéfices pour les entreprises françaises du CAC 40 entre 2007 et 2009.
Pour ces sociétés, on estime que le taux réel d'imposition est inférieur à 10%.
Il faut aussi signaler les 3 milliards par an de niches fiscales réservées aux 1% les plus fortunés. Également, les 36 milliards de dividendes distribués aux actionnaires des entreprises du CAC 40 en 2009.
Entre 2004 et 2007, les 0,01% les plus aisés ont gagné 40% de plus. Ceux-là mêmes, parmi d'autres, qui jouissent du bouclier fiscal.
Des solutions alternatives existent donc bel et bien.
Mais on peut également réfléchir à beaucoup plus long terme.
Le débat sur les retraites reviendra de façon lancinante tant qu'une réelle politique nataliste ne sera pas instaurée dans ce pays.
La mise en place d'un vrai salaire parental, l'augmentation des allocations familiales, l'allongement du congé maternité (et paternité) sont des pistes essentielles à explorer.
Autre point fondamental : la question des retraites est très étroitement liée à l'emploi.
Ne pas aborder la question de la lutte contre le chômage dans cette affaire relève d'une malhonnêteté intellectuelle sans limite.
Assurer la reprise en main économique de notre marché intérieur (application de droits de douane sur les produits importés), rompre avec la « chienlit laissez-fairiste » (dixit le regretté Maurice Allais), ainsi qu'assurer le lancement de grands projets de ré-industrialisation, de développement et d'équipement, sont des options qui s'avéreront très vite incontournables.
Pour pouvoir mettre en place tout ceci, une sortie de l'Union européenne (UE) sera inévitable (3).
Là encore, il s'agira donc d'une question de bravoure et de volontarisme politique.
Maurice Gendre
( 1 ) Depuis plusieurs jours, on entend sempiternellement le même refrain : "En quoi les jeunes sont-ils concernés?". La réponse est fort simple. La jeunesse française subit un taux de chômage de l'ordre de 25%. Les différentes mesures de recul de l'âge de départ en retraite conduiront d'ici 2016 à ce qu'un million d'emplois ne soient plus disponibles pour les jeunes arrivant sur le marché du travail, auxquels s'ajouteront 300.000 emplois supprimés dans la fonction publique entre 2007 et 2013.
( 2 ) Entre 1981 et les années 2000, la part des salaires dans la valeur ajoutée a reculé de 10 points, la part du capital a augmenté d'autant, alimentant les marchés financiers et la spéculation. Certains experts avancent le chiffre de 100 milliards par an volés au monde du travail.
( 3 ) A ce propos, le plan Sarkozy-Woerth prétend s'inspirer des autres pays européens. Or, un observateur un tout petit peu attentif remarquera que la durée de cotisation est de seulement 30 ans en Grande-Bretagne, 35 ans en Allemagne, en Italie, en Belgique et en Espagne, 37 ans en Autriche et 40 ans en Suède. Certes, des modifications sont également en cours dans ces pays, et on recense de fortes disparités (hallucinant plan de régression social de Zapatero en Espagne, mise en place d'un système de pénalités en Allemagne à partir de 2012, minuscule retraite de base en Angleterre… de 116 euros par semaine). Mais on n’atteint tout de même pas les 41,5 ans que souhaite imposer le gouvernement français.