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occident - Page 27

  • Pour une alliance stratégique avec la Russie !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien d'Alexandre Latsa avec Aymeric Chauprade, cueilli sur Ria Novosti et consacré à la place de la Russie dans le monde multipolaire du XXIème siècle.

    Aymeric Chauprade vient de publier un édition mise à jour de ses Chronique du choc des civilisations (Chronique, 2013).

     

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    “Si la Russie s’éloigne de l’Occident ce sera de la faute de l’Occident américain”

    Aymeric Chauprade bonjour, pourriez-vous vous présenter aux lecteurs de RIA-Novosti qui ne vous connaîtraient pas ?

    Je suis géopolitologue. Une formation scientifique d’abord (mathématiques) puis de sciences politiques (docteur) et dix années titulaire de la Chaire de géopolitique de l’Ecole de Guerre à Paris, entre 1999 et 2009. J’ai aussi enseigné la géopolitique et l’histoire des idées politiques en France à la Sorbonne et en Suisse à l’Université de Neuchâtel.

    Je suis maintenant également consultant international et très heureux de travailler de plus en plus avec la Russie. Mais je suis également souvent en Amérique Latine et j’ai des réseaux africains développés.

    Vous êtes considéré comme l’un des fondateurs de la nouvelle géopolitique française, pluridisciplinaire, attentive à décrire le « continu et le discontinu » dans l’analyse des questions internationales, pourriez vous expliquer aux lecteurs de RIA-Novosti ce qu’il en est exactement ?

    Je me rattache au courant dit réaliste qui tient compte de la force des facteurs de la géographie physique, identitaire et des ressources, dans l’analyse des relations internationales. Mais pour autant, je ne néglige pas les facteurs idéologiques. Ils viennent en combinaison des facteurs classiques de la géopolitique que j’évoquais à l’instant à savoir les déterminants liés à l’espace, aux hommes dans leur identité culturelle (ethnie, religion…), et à la quête des ressources. J’insiste sur la multicausalité (il n’y a pas de cause unique mais chaque situation est la combinaison unique, un peu comme l’ADN d’une personne, d’une multiplicité de facteurs déterminants) et sur la multidisciplinarité (je refuse l’idée que ma matière, la géopolitique, puisse rendre compte à elle seule de la complexité de l’histoire ; attention au “tout géopolitique”, au “tout économique” ou “tout sociologique”). La tentation de tout expliquer par sa discipline, comme le font beaucoup les sociologues aujourd’hui, est une dérive née de l’hyperspécialisation qui nous éloigne de l’époque des savants généralistes, ces savants du XVIe siècle qui étaient à la fois philosophes, mathématiciens et souvent hommes de lettres!

    Quant au “continu et au discontinu” c’est ce souci qui me vient de ma première formation scientifique de séparer la dimension continue et même parfois linéaire des phénomènes, de leur dimension discontinue et parfois erratique. Il faut savoir suivre les courbes des facteurs de temps long (la démographie par exemple) mais il faut aussi savoir lire les discontinuités, les sauts, de l’Histoire.

    Vous avez le mois dernier été invité au prestigieux Forum Valdaï, cofondé par RIA-Novosti. Pourriez-vous nous faire part de vos impressions sur ce forum ?

    D’abord j’ai été très honoré de figurer parmi les nouveaux invités du Forum de Valdaï. Ce fut une expérience véritablement passionnante. Les débats sont de qualité, l’organisation rigoureuse. C’est une sorte de Davos russe mais avec une différence notable : il n’y a pas de pensée unique mondialiste unanimement partagée. Des sensibilités différentes sont représentées. Si l’on voulait simplifier d’un côté, les Occidentalistes qui, Russes ou Occidentaux, célèbrent le “modèle démocratique occidental”, essentiellement américain et considèrent que celui-ci doit être l’horizon vers lequel doit tendre la société russe, et de l’autre côté, les partisans d’un modèle original russe, dont je fais partie, bien que n’étant pas russe, qui considèrent que la Russie n’est pas seulement une nation, mais une civilisation, dont la profondeur historique est telle qu’elle permet de proposer aux Russes un modèle original. A Valdai, j’ai beaucoup entendu les Occidentalistes se lamenter du fait que la Russie était encore loin des standards occidentaux, à cause d’un prétendu déficit démocratique et d’une forte corruption. Je n’idéalise pas la Russie sous Poutine qui travaille d’arrache-pied au redressement de ce pays depuis 13 ans ; j’en mesure les maux mais je dis simplement que lorsque l’on parle de corruption il faudrait premièrement rappeler que les indicateurs de mesure sont faits pour l’essentiel par les Occidentaux, et les Américains en particulier, ce qui n’est pas une assurance d’objectivité, et deuxièmement s’intéresser non seulement à la corruption de l’Occident lui-même mais à son fort pouvoir corrupteur dans les pays en voie de développement!

    Par ailleurs je considère que si la Russie court derrière le modèle occidental, elle sera toujours en retard. Bien au contraire, un pays qui a su pousser si loin la création artistique et scientifique, me paraît plus que capable de proposer un contre-modèle, lequel ne devra pas être fondé sur la toute puissance de l’individualisme, mais au contraire sur l’âme russe, sur la dimension spirituelle de ce pays. Il faut faire attention à une chose : le communisme, comme rouleau compresseur de l’esprit critique et de la dimension spirituelle de l’homme, a été un préparateur redoutable pour le projet de marchandisation de l’homme que propose l’individualisme américain.

    Je suis convaincu que le retour à la Sainte Russie, au contraire, peut être un formidable réveil du génie créateur russe, qui seul lui permettra de reconstruire, au-delà des hydrocarbures et d’autres secteurs, une économie performante et innovatrice.

    La question de l’identité a été extrêmement discutée et le président russe a utilisé une rhétorique eurasiatique pour parler de l’Etat Civilisation russe, pensez vous comme certains que le réveil russe l’éloigne de l’Occident, et donc de l’Europe, et devrait intensifier son rapprochement avec la Chine?

    Si la Russie s’éloigne de l’Occident ce sera de la faute de l’Occident américain. La Russie est en effet diabolisée dans les médias américains dominants et par conséquent dans les médias européens qui s’en inspirent. Cette diabolisation est injuste, c’est de la mauvaise foi qui vise à présenter le redressement russe comme agressif alors que celui-ci cherche à consolider sa souveraineté face à l’impérialisme américain qui fait glisser les frontières de l’OTAN aux frontières de la Russie et de la Chine.

    La Russie développe ses relations avec la Chine, dans le cadre notamment du groupe de Shangaï et aussi parce que les Chinois ont compris que les Russes pouvaient être des partenaires solides dans un monde multipolaire. De fait, ces deux puissances partagent la même vision de l’organisation du monde : elles respectent la souveraineté des Etats, refusent l’ingérence chez les autres, veulent l’équilibre des puissances comme garantie de la paix mondiale. Toutes deux s’opposent au projet unipolaire américain qui, il suffit de le constater, a déclenché une succession de guerres depuis l’effondrement soviétique : Irak, Yougoslavie, Afghanistan, Libye, Syrie maintenant… Où avez-vous vu les Russes dans toutes ces guerres?

    Je pense que la Russie ne veut pas se contenter d’un partenariat avec la Chine. Certes la Russie est une puissance eurasiatique, mais il suffit de s’intéresser à son histoire, à son patrimoine culturel, pour voir qu’elle est une puissance profondément européenne et qu’elle n’entend pas se couper de l’Europe. Si les Européens se libéraient de leur dépendance à l’égard des Etats-Unis tout pourrait changer et un fort partenariat stratégique pourrait se nouer entre l’Europe et la Russie.

    Vous aviez lancé le 13 juin dernier un « Appel de Moscou », quel regard global portez vous sur la Russie d’aujourd’hui?

    D’abord j’essaie de ne pas idéaliser la Russie même si je ne vous cache pas que je me sens extrêmement bien dans ce pays, parce que le matérialisme m’y paraît sans cesse équilibré par une sorte de profondeur d’âme insondable. Je pense que quelque chose est en train de se passer dans la Russie de Poutine et j’espère seulement que le Président Poutine pense à la manière de perpétuer son héritage, car la pire chose qui pourrait arriver ce serait le retour des occidentalistes de l’ère Eltsine, qui prennent la Russie pour un pays du Tiers monde qu’il faudrait mettre aux normes occidentales. L’appel de Moscou que j’ai lancé poursuivait deux buts: d’abord montrer mon soutien au refus russe du programme nihiliste venu d’Occident (mariage homosexuel, théorie du genre, marchandisation du corps), ensuite montrer aux Français qui défendent la famille et les valeurs naturelles que la Russie peut être une alliée précieuse dans ce combat. Je suis très surpris et heureux de constater à quel point mon appel de Moscou lancé à la Douma le 13 juin 2013 a circulé en France dans les milieux catholiques qui se sont mobilisés contre le mariage homosexuel.

    Le souverainisme est à vos yeux une notion clef de l’équilibre mondial. Très curieusement ce concept est abandonné en Europe alors qu’en Russie et dans nombre de pays émergents l’affirmation et le maintien de la souveraineté semble au contraire un objectif essentiel. Comment expliquez-vous cette différence d’orientation?

    La souveraineté est une évidence pour tous les peuples du monde, et en particulier pour ceux qui ont pris leur indépendance récemment ou qui aspirent à créer un Etat indépendant. Les Européens de l’Ouest, ou plutôt leur fausses élites gouvernantes, sont les seules du monde à avoir abdiqué la souveraineté de leurs peuples. C’est une trahison dont elles devront répondre devant l’Histoire. Des millions de Français ont péri à travers l’Histoire pour défendre la liberté et la souveraineté du peuple français, sous les monarques comme en République. Mon nom est inscrit sur les monuments aux morts français. Si les Français voulaient s’en souvenir, il n’est pas une famille française qui n’ait son nom inscrit sur ces monuments aux morts, de la Première, de la Deuxième ou des guerres de défense de l’Empire français.

    Imaginez-vous un Américain ou un Russe abdiquer sa souveraineté? Pour eux le patriotisme est une évidence, qui va d’ailleurs tellement de soi que tout parti affirmant un programme nationaliste en Russie est perçu comme extrémiste parce qu’il n’y a nul besoin là-bas d’affirmer l’évidence. Nos amis russes doivent comprendre en revanche qu’en France ce n’est plus l’évidence et par conséquent qu’il est normal qu’un parti politique qui veut rendre au peuple la souveraineté, mette celle-ci au sommet de son programme!

    Aujourd’hui nous assistons à une relative rapide modification des relations internationales, avec le basculement du monde vers l’Asie et la potentielle fin du monde unipolaire. Comment envisagez vous que cette transition puisse se passer?

    Ce que je vois c’est que les Etats-Unis refusent de perdre leur premier rang mondial et peuvent créer de grands désordres, peut-être même des guerres de grande ampleur, dans les décennies à venir, et que les Européens, quant à eux, sont dans la gesticulation kantienne, la proclamation de belles leçons de morale qui s’accompagnent d’un déclin en puissance dramatique et donc pathétique.

    Au sein de cet basculement, la France semble quant à elle pourtant de plus en plus aligner sa politique étrangère sur les intérêts américains, cela est visible avec la crise en Syrie. Comment l’expliquez-vous?

    Je l’explique très simplement. L’oligarchie mondialiste a pris le contrôle des principaux partis de gouvernement français, le PS et l’UMP. La majorité de ses dirigeants ont été initiés dans les grands clubs transatlantiques. Ils ont épousé le programme mondialiste et ne raisonnent plus en patriotes français comme le faisait le général de Gaulle. Lorsque le peuple français l’aura compris, ces fausses élites seront balayés car elles n’ont pour bilan que le déclin en puissance de la France et la perte de sa souveraineté.

    Vous avez soutenu Philippe de Villers en 2004, auriez appelé à Voter pour Nicolas Sarkozy en 2007 et vous venez de vous ranger au coté de Marine Le Pen. Souhaitez-vous désormais entamer une carrière politique?

    Le mot carrière ne me va guère. Si j’avais choisi de faire une carrière dans le système, alors j’aurais choisi de proclamer autre chose que des vérités qui dérangent. Je n’ai qu’une ambition, pouvoir dire à mes enfants, au seuil de la mort, que j’ai fait ce que je pouvais pour défendre la liberté et la souveraineté du peuple français. J’ai soutenu Philippe de Villiers que je respecte.

    Mais je n’ai jamais appelé à voter pour Nicolas Sarkozy, que je vois comme soumis aux intérêts américains. Je ne sais qui a pu dire une chose pareille mais je vous mets au défi de trouver un seul texte de soutien de ma part à Nicolas Sarkozy. C’est d’ailleurs son gouvernement, en la personne de son ministre de la défense Hervé Morin, qui m’a brutalement écarté de l’Ecole de Guerre parce j’étais trop attaché à l’indépendance de la France et que je m’opposait au retour de la France dans les structures intégrées de l’OTAN. Donc de grâce que l’on ne dise jamais que j’ai soutenu ou appelé à voter Sarkozy.

    En revanche, oui je soutiens Marine le Pen et il est possible que je joue prochainement un rôle sur la scène politique à ses côtés. Marine a un caractère fort, une carapace héritée des coups que son père a pris pendant tant d’années, et je la sens donc capable de prendre en main avec courage le destin du pays. Le courage plus que l’intelligence est ce qui manque aux pseudo-élites françaises, lesquelles sont conformistes et soumises à l’idéologie mondialiste par confort.

    Comment envisageriez vous la relation franco-russe?

    Je l’ai dit et je le redis haut et fort. Si le Front national arrive au pouvoir, il rompra avec l’OTAN et proposera une alliance stratégique avec la Russie. Ce sera un tremblement de terre énorme au niveau international et c’est la raison pour laquelle, avant d’arriver en haut des marches, et même avec le soutien du peuple, il nous faudra affronter des forces considérables. Nous y sommes prêts. Et n’oubliez pas que la France est le pays de Jeanne d’Arc. Tout est possible donc, même quand tout semble perdu!

    Merci Aymeric Chauprade.

    Aymeric Chauprade, propos recueillis par Alexandre Latsa (Ria Novosti, 16 octobre 2013)

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  • Tour d'horizon... (53)

     

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    Au sommaire cette semaine :

    - dans une tribune du Figaro, le général Henri Bentégeat condamne la prise en main des armées par les énarques et autres technocrates...

    Métier des armes : une porte se ferme

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    - sur Realpolitik, Hector, ancien haut responsable du renseignement français, explique en quoi l'affaire syrienne constitue un tournant stratégique...

    Syrie, guerre et conséquences

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  • Quand les émergents disent non aux "guerres du Bien"...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Yves Ollivier, cueilli sur Atlantico et consacré à l'échec occidental dans l'affaire syrienne, qui est le signe d'un basculement géopolitique majeur...

     

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    L'Occident mis en échec : quand les émergents disent non aux "guerres du Bien"

    Les relations internationales se limitent-elles au combat manichéen entre le Bien et le Mal que les dirigeants occidentaux, sous la férule des Etats-Unis, vendent à l’opinion publique depuis la première guerre du Golfe ? A cette dynamique binaire, les puissances émergentes opposent systématiquement une vision géopolitique plus traditionnelle (et plus cohérente) axée autour de leurs intérêts stratégiques et de notions-clés telles que alliés/ennemis, grands équilibres, menaces,…

    Mais, des interventions en Irak ou en Lybie, en passant par l’Afghanistan ou le Mali, les protestations des émergents étaient jusque-là restées bien vaines face aux visées bellicistes de l’Occident. Les menaces de veto régulièrement brandies (et parfois exercées) par la Chine ou la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU ne faisaient que retarder les projets des guerres civilisatrices de l’axe américano-européen.

    Comment comprendre dès lors l’impressionnant recul américain (et français) sur la question syrienne ? La défiance des opinions publiques nationales des deux pays est certes un élément de réponse, mais la fermeté de la diplomatie russe, associée au front commun anti-guerre des principales puissances émergentes (du Brésil à l’Inde en passant par la quasi-totalité du continent africain) est sans nul doute l’élément décisif qui a fait reculer Barack Obama.

    Pourquoi les Etats-Unis ont-il pour la première fois plié sous la pression des émergents ? L’administration américaine est consciente que le monde a profondément changé et que l’ère de la super-puissance hégémonique US est terminée. Dans un monde multipolaire et globalisé, les Etats-Unis doivent composer avec des partenaires qui ne sont pas toujours des alliés… et accepter d’avaler quelques couleuvres.

    L’Amérique omnipotente des Trente Glorieuses (tout comme l’Europe au demeurant) n’est plus qu’une vieille illusion. Avec un quart de sa dette souveraine détenue par la Chine et la grande majorité de ses outils de production délocalisés dans les pays émergents, les Etats-Unis ne disposent plus de beaucoup de leviers pour faire pression sur des pays avec lesquels ils sont intrinsèquement interdépendants.

    Et encore, à la différence de l’Europe (même si la France et la Grande-Bretagne font encore illusion), l’Amérique peut se prévaloir de sa puissance militaire. Indispensable mais insuffisant quand on prétend incarner l’ordre moral au niveau planétaire.

    La reculade du président Obama sur le dossier syrien démontre d’ailleurs que la suprématie militaire n’est plus suffisante face à des émergents qui prennent progressivement conscience de leur puissance. Et à regarder les courbes respectives de croissance en Occident et dans ces régions, il y a fort à parier que cette tendance ne fasse que s’accroître dans les années à venir.

    Le déclin des uns (Etats-Unis et Europe) et la montée en puissance d’autres puissances (Chine, Russie,…) perçues comme non interventionnistes, servent en réalité les intérêts des dirigeants attaqués qui sortent renforcés de leurs bras de fer avec l’Occident. Avant l’exemple syrien, Américains et Européens avaient déjà fait de Mugabe, Chavez ou Ahmadinejad des héros de l’anti-impérialisme.

    Mais pire encore, lorsque l’axe occidental intervient militairement… puis se retire aussitôt face à une opposition publique allergique à la guerre, ils abandonnent des pouvoirs fragiles qu’ils ont eux-mêmes "mis en place" ; réduisant à zéro leur légitimité et ouvrant la porte à des guerres civiles sans fin (Irak, Afghanistan, Lybie,…).

    Jean-Yves Ollivier (Atlantico, 25 septembre 2013)

    Les relations internationales se limitent-elles au combat manichéen entre le Bien et le Mal que les dirigeants occidentaux, sous la férule des Etats-Unis, vendent à l’opinion publique depuis la première guerre du Golfe ? A cette dynamique binaire, les puissances émergentes opposent systématiquement une vision géopolitique plus traditionnelle (et plus cohérente) axée autour de leurs intérêts stratégiques et de notions-clés telles que alliés/ennemis, grands équilibres, menaces,…

    Mais, des interventions en Irak ou en Lybie, en passant par l’Afghanistan ou le Mali, les protestations des émergents étaient jusque-là restées bien vaines face aux visées bellicistes de l’Occident. Les menaces de veto régulièrement brandies (et parfois exercées) par la Chine ou la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU ne faisaient que retarder les projets des guerres civilisatrices de l’axe américano-européen.

    Comment comprendre dès lors l’impressionnant recul américain (et français) sur la question syrienne ? La défiance des opinions publiques nationales des deux pays est certes un élément de réponse, mais la fermeté de la diplomatie russe, associée au front commun anti-guerre des principales puissances émergentes (du Brésil à l’Inde en passant par la quasi-totalité du continent africain) est sans nul doute l’élément décisif qui a fait reculer Barack Obama.

    Pourquoi les Etats-Unis ont-il pour la première fois plié sous la pression des émergents ? L’administration américaine est consciente que le monde a profondément changé et que l’ère de la super-puissance hégémonique US est terminée. Dans un monde multipolaire et globalisé, les Etats-Unis doivent composer avec des partenaires qui ne sont pas toujours des alliés… et accepter d’avaler quelques couleuvres.

    L’Amérique omnipotente des Trente Glorieuses (tout comme l’Europe au demeurant) n’est plus qu’une vieille illusion. Avec un quart de sa dette souveraine détenue par la Chine et la grande majorité de ses outils de production délocalisés dans les pays émergents, les Etats-Unis ne disposent plus de beaucoup de leviers pour faire pression sur des pays avec lesquels ils sont intrinsèquement interdépendants.

    Et encore, à la différence de l’Europe (même si la France et la Grande-Bretagne font encore illusion), l’Amérique peut se prévaloir de sa puissance militaire. Indispensable mais insuffisant quand on prétend incarner l’ordre moral au niveau planétaire.

    La reculade du président Obama sur le dossier syrien démontre d’ailleurs que la suprématie militaire n’est plus suffisante face à des émergents qui prennent progressivement conscience de leur puissance. Et à regarder les courbes respectives de croissance en Occident et dans ces régions, il y a fort à parier que cette tendance ne fasse que s’accroître dans les années à venir.

    Le déclin des uns (Etats-Unis et Europe) et la montée en puissance d’autres puissances (Chine, Russie,…) perçues comme non interventionnistes, servent en réalité les intérêts des dirigeants attaqués qui sortent renforcés de leurs bras de fer avec l’Occident. Avant l’exemple syrien, Américains et Européens avaient déjà fait de Mugabe, Chavez ou Ahmadinejad des héros de l’anti-impérialisme.

    Mais pire encore, lorsque l’axe occidental intervient militairement… puis se retire aussitôt face à une opposition publique allergique à la guerre, ils abandonnent des pouvoirs fragiles qu’ils ont eux-mêmes "mis en place" ; réduisant à zéro leur légitimité et ouvrant la porte à des guerres civiles sans fin (Irak, Afghanistan, Lybie,…)


    Read more at http://www.atlantico.fr/decryptage/occident-mis-en-echec-quand-emergents-disent-non-aux-guerres-bien-jean-yves-ollivier-851513.html#Ek0QDuO69b9OCAES.99
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  • Les dissidents du XXIe siècle ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré au nouvelles formes de dissidence en ce début de XXIe siècle...

     

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    France / Occident : les dissidents du XXIe siècle

    Honneur aux dissidents

    Les dissidents soviétiques avaient bonne presse en Occident dans les années 1970, car ils permettaient d’attaquer l’URSS sur les droits de l’homme – dont l’idéologie commençait à prendre sa forme moderne – et en particulier sur le droit d’émigrer (déjà…). Ils révélaient aussi la réalité cachée du communisme, même si en fait on savait déjà tout depuis Victor Kravtchenko (J’ai choisi la liberté, 1946) et même bien avant.

    On se souvient notamment de V. Boukovski, d’A. Zinoviev, d’A. Ginsburg, des frères Kopelev, ou Medvedev, de L. Pliouchtch et, bien sûr, d’A.Soljenitsyne.

    Les dissidents ont cependant commencé à moins intéresser l’Occident quand, ayant quitté l’URSS, ils ont commencé à déclarer que le « monde libre » n’était pas non plus le paradis. Et plus encore quand ils ont préféré revenir en Russie après la chute du communisme, comme Soljenitsyne, par exemple. Mais tant qu’il s’agissait de mettre en accusation l’Union soviétique, l’Occident souhaitait la bienvenue aux dissidents. Mais aujourd’hui les rôles se sont inversés.

    Le phénomène de dissidence marque l’usure d’un système

    L’apparition de la dissidence montre qu’un système touche à sa fin.

    Le phénomène de dissidence correspond au fait qu’un jour, et d’une façon imprévisible, des personnes du système décident de ne plus jouer le jeu en acceptant, en outre, d’en supporter personnellement les conséquences. Ce qui signifie qu’ils ne croient plus au système dans lequel ils vivent et qu’ils n’ont en outre plus peur de vouloir le changer.

    Ainsi, recrutés avant tout parmi les intellectuels et les chercheurs choyés par le régime, les dissidents soviétiques montraient que le mythe communiste ne faisait même plus rêver « l’avant-garde du prolétariat ». Comme le décrit A. Soljenitsyne dans son livre Le Chêne et le Veau, l’existence de la dissidence portait des coups de boutoir répétés sur le régime soviétique d’autant plus redoutables qu’elle provenait de l’intérieur du système lui-même. Comme un jeune veau têtu peut finir par abattre à la longue un vieux chêne.

    Ce phénomène s’est déjà produit dans l’histoire, notamment à la fin de l’Ancien Régime, quand une partie de la noblesse s’est ralliée aux « Lumières ».

    Les dissidents du XXIe siècle 

    La dissidence réapparaît aujourd’hui en Occident.

    Julian Assange, Bradley Manning et Edward Snowden sont en effet des dissidents du XXIe siècle. Et comme leurs homologues soviétiques, ils annoncent que le système occidental se fissure de l’intérieur.

    Bien qu’anglo-saxons, donc issus de la population dominant le système occidental, ces trois dissidents ont décidé un jour, et d’une façon imprévisible, de révéler au monde la réalité cachée de la politique américaine, en faisant la lumière sur les activités secrètes d’écoute des communications mondiales par la NSA auxquelles il participait, pour Snowden, ou en organisant la divulgation de documents diplomatiques ou militaires américains classifiés, pour Assange et Manning, via Wikileaks.

    Ces dissidents ne pouvaient ignorer les risques auxquels ils s’exposaient. Ils les ont pourtant assumés en démontrant par là même qu’ils plaçaient l’exigence de vérité plus haut que leur propre sécurité ou que leur loyauté vis-à-vis du système occidental.

    Leur dissidence porte aussi sur les télécommunications et l’internet : donc sur le cœur du réacteur occidental contemporain et sur le levier principal de sidération des populations.

    Tous les trois sont jeunes, enfin : ce qui montre que la contestation monte des profondeurs du système.

    Comme en URSS

    Le sort des dissidents occidentaux n’a rien à envier à celui des soviétiques. Les dissidents soviétiques ne trouvaient pas asile dans les pays du Pacte de Varsovie. Il en va de même pour les dissidents du XXIe siècle : aucun pays « libre » du bloc occidental – qui croule pourtant sous les « réfugiés » venus de toute la terre – n’a couru le risque de les accueillir et de mécontenter ainsi le « grand frère » américain. Y compris les pays espionnés par la NSA et qui se sont donc montrés pas très rancuniers ! L’oligarchie présente, bien sûr, les dissidents comme des délinquants et des hooligans, comme au temps de l’URSS.

    Manning, qui a déjà passé 1200 jours sous les barreaux, a été condamné à 35 ans de prison, même s’il a évité l’incrimination de « collusion avec l’ennemi » qui lui faisait courir le risque d’emprisonnement à vie. Manifestement, pour la justice militaire américaine le reste du monde s’assimile donc à un territoire ennemi, cela soit dit en passant. Peut-être le retrouvera-t-on un jour pendu dans sa cellule, comme cela arrive parfois en Occident ? Assange, réfugié à l’ambassade d’Equateur à Londres, se trouve sous le coup d’une demande d’extradition et de différentes accusations notamment d’abus sexuel. On a fait aussi circuler la rumeur qu’il se compromettait avec l’extrême droite (Le Monde du 23 août 2013), ce qui correspond en Occident au crime suprême de « contre-révolution » dans le bloc soviétique. Snowden, accusé d’espionnage, de vol et d’utilisation illégale de biens gouvernementaux, n’a pu obtenir que l’asile temporaire en Russie.

    Le goulag médiatique

    Les médias, habituellement si aimables avec les délinquants de toute sorte, n’ont cessé, avec un bel ensemble, de dévaloriser la portée de leurs gestes (ils n’auraient révélé qu’un secret de Polichinelle) ou leur personnalité.

    Manning, que l’on présentait ainsi comme un « jeune homme » un peu dépassé, en a d’ailleurs profité habilement devant le tribunal militaire pour faire adoucir sa peine ! Le goulag médiatique est, certes, plus soft que le goulag soviétique, mais il vise à produire les mêmes effets : réduire au silence et condamner à la mort sociale.

    L’Occident, URSS du XXIe siècle

    Les dissidents se multiplient en réalité en Occident, pour la même raison qu’en Union soviétique. Car on croit de moins en moins aux mensonges idéologiques sur lesquels repose le Système et ses résultats inspirent de plus en plus la défiance.

    Dissidents littéraires qui rejettent la médiocrité et le conformisme, artistes dissidents qui refusent l’art officiel cosmopolite déraciné, dissidents politiques qui ne croient plus aux partis institutionnels, dissidents médiatiques qui ne supportent plus les bobards, dissidents économiques qui préfèrent l’exil au fiscalisme, dissidents moraux qui manifestent contre le mariage homosexuel, dissidents scolaires qui fuient le naufrage de l’école publique, dissidence populaire qui ne fait plus confiance à l’oligarchie, dissidence identitaire contre le grand remplacement programmé des Européens, dissidents contre les fauteurs de guerre occidentaux.

    Malgré la police, malgré le goulag médiatique, malgré la menace économique, la dissidence progresse partout en Occident. Parce que le Système craque de toute part.

    Nous sommes tous des Assange, des Manning et des Snowden !

    Michel Geoffroy (Polémia, 15 septembre 2013)

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  • La révolution militaire...

    Les éditions Gallimard viennent de rééditer dans leur collection de poche Folio un essai de Geoffrey Parker intitulé La révolution militaire. Un classique passionnant qui fait du perfectionnement des techniques militaires au travers de la pratique assidue de la guerre le principal moteur de l'expansion européenne.

     

     

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    " La domination du monde par l'Europe du XIXe siècle est chose bien établie. Mais pourquoi et comment ce petit bout de péninsule eurasiatique démuni de ressources naturelles a-t-il pu assurer sa première expansion et affirmer en trois siècles, de 1500 à 1800, sa mainmise sur le tiers de la planète ? Avant sa révolution industrielle, le nerf de l'essor occidental a été sa révolution militaire.
    De cette révolution militaire, Geoffrey Parker rappelle l'importance, analyse les données et pèse le poids respectif de tous les éléments, techniques, stratégiques, tactiques, politiques et mentaux. Au moment où l'expansion rapide des armes à feu transforme le style des opérations offensives et défensives, où se développe l'art des fortifications, où les armées décuplent leurs effectifs et où s'aggravent les répercussions sociales des combats, où les États s'organisent en fonction de la guerre, règlent leurs conflits autant sur mer que sur terre et projettent leurs rivalités sur les autres continents.
    La vraie question sur laquelle débouche ce savant survol n'est pas tant de comprendre pourquoi furent ainsi vaincus les Amérindiens au XVIe siècle, les Indonésiens au XVIIe, les Indiens et les Africains au XVIIIe, mais pourquoi seuls la Corée, la Chine et le Japon purent tenir jusqu'à ce que le vapeur cuirassé et le canon à tir rapide viennent à bout de l'Est asiatique. "

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  • On a déjà vu le film !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'excellente chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 30 août 2013 et consacrée aux menaces de l'Occident à l'encontre de la Syrie ...

     


    Kosovo, Mali, Libye, Syrie : on a déjà vu le... par rtl-fr

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