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heidegger - Page 8

  • Tour d'horizon... (68)

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    Au sommaire cette semaine : 

    - sur son site Paroles des Jours, Stéphane Zagdanski publie un texte consacré à Heidegger que le Monde lui a demandé au mois de mars mais qui n'a jamais été publié... 

    Réflexions sur la question Heidegger

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    - sur Polémia, un texte superbe, à méditer de Javier Portella, l'auteur de l'essai Les esclaves heureux de la liberté...

    Le projet d'un monde nouveau : pas de politique sans mystique

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  • Le chemin de l'étoile...

    Les éditions du Grand Est publient cette semaine un ouvrage de Heinrich Wiegand Petzet intitulé Le chemin de l'étoile - Rencontres et causeries avec Heidegger. Vous pouvez également découvrir la courte présentation qu'en fait François Fédier, grand défenseur et spécialiste du philosophe de Todtnauberg.

     

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    " « Votre livre, cher ami, est quelque chose d’absolument nouveau dans la littérature sur Heidegger pourtant déjà bien volumineuse. D’un mot : pour la première fois, on peut lire un livre  où Heidegger lui-même apparaît sous la figure de l’ami. C’est dire qu’il ne s’agit ici ni d’un recueil d’anecdotes, ni d’une biographie au sens habituel du mot. Dans votre livre vient au jour ce que d’aucuns ont eu le privilège de voir de leurs yeux : l’être humain qu’était Martin Heidegger.» François Fédier 

     
    H.W Petzet fait en 1929 la connaissance de Martin Heidegger dont il devient l’ami et qu’il côtoie intimement jusqu’à sa mort. C’est au fil de ces rencontres et causeries avec le penseur qu’il a écrit son livre : « À partir de souvenirs qui englobent sur une période de presque un demi-siècle, en bordure de son  chemin, des détails et des événements personnels, souvent même en apparence anecdotiques, et en leur associant des lettres, des notes, des transcriptions de  conversations, il s’est agi de rassembler les différentes facettes du philosophe, notamment celles de son âge avancé. » "

     

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  • La souveraineté numérique...

    Les éditions Stock viennent de publier un essai de Pierre Bellanger intitulé La souveraineté numérique. Vous trouverez ci-dessous la critique stimulante que Guillaume Faye a fait de ce livre sur son blog J'ai tout compris.

     

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    Internet, la pieuvre américaine ?

    Le fondateur et directeur de Skyrock, Pierre Bellanger, par ailleurs créateur du premier réseau social français (skyrock.com), expert en Internet et analyste des médias, signe un nouveau livre, La souveraineté numérique (Stock, 253 p.), qui est probablement l’analyse la plus originale et fouillée de la Toile – et de son futur – parue à ce jour. Au rebours de l’optimisme béat souvent de mise en ces matières, la thèse de l’auteur fait froid dans le dos. Il faut citer ici intégralement la quatrième de couverture : « la mondialisation a dévasté nos classes populaires. L’Internet va dévorer nos classes moyennes. La grande dépression que nous connaissons depuis cinq ans n’est qu’un modeste épisode en comparaison du cataclysme qui s’annonce. La France et l’Europe n’ont aucune maîtrise sur cette révolution. L’Internet et ses services sont contrôlés par les Américains. L’Internet siphonne nos emplois, nos données, nos vies privées, notre propriété intellectuelle, notre prospérité, notre fiscalité, notre souveraineté.

    Nous allons donc subir ce bouleversement qui mettra un terme à notre modèle social et économique. Y a-t-il pour nous une alternative ? Oui. »

     

    Comparant le réseau Internet à l’espace océanique trans-frontières, l’auteur fait un parallèle entre la thalassocratie anglo-saxonne et l’hégémonie américaine sur la Toile planétaire. Sans oublier de préciser que la Chine, puissance ascendante et sans scrupules, est comme un pirate en embuscade. Les Européens et les Français restent bras ballants, renonçant à utiliser leur  énorme potentiel économique, à le transformer en puissance, voire même à le protéger. Face à ce que l’auteur appelle le « complexe militaro-numérique américain », l’Europe reste un nain, qui prend à peine conscience de ce qui lui arrive. Comme si nous ne savions pas que nous sommes au XXIe siècle et que le ”nomos de la Terre”, pour employer le concept schmittien, a changé de fond en comble. (1)

    La question de la souveraineté numérique, de la maîtrise d’Internet, fait évidemment beaucoup de moins de buzz que des sujets nettement moins importants (je n’ai pas dit sans importance puisque j’en traite par ailleurs avec vigueur) tels que le mariage homo ou la théorie du genre.

    Bellanger use d’un néologisme pertinent : les « résogiciels » c’est-à-dire les conglomérats numériques en réseaux qui tendent à maîtriser les processus et les flux économiques, d’amont en aval et inversement, pour l‘instant tous américains : Google, Apple, Amazon, etc. Espionnage, captation de toutes les données personnelles et collectives, maîtrise des leviers politico-économiques, contrôle des industries : la panoplie de puissance des géants américains de l’Internet, qui fonctionnent la main dans le main avec les super agences de renseignement et le Pentagone, ne cesse de croître, comme une vigne vierge ou une pieuvre.      

    La thèse de Bellanger est qu’il faut reconquérir une indépendance et une souveraineté abolies par l’Internet tel qu’il est aujourd’hui.  Car pour lui, il ne s’agit pas de diaboliser Internet mais de se le réapproprier, d’y réintroduire des principes démocratiques mis à mal par une dérive orwelienne des maîtres américains oligopolistiques du web ; loin de fulminer avec rogne impuissante contre l’ ”impérialisme US”, l’auteur appelle à jouer le jeu de la vie, de la politique et de l’histoire, selon une logique au fond schumpeterienne : l’innovation compétitive et la reprise en mains de son destin en cessant d’accuser les autres par fulminations morales, coups d’épée dans l’océan.  

    En inventant le concept de « souveraineté numérique », Bellanger fait avancer la science politique en ce qu’il est le premier à formuler cette extension du domaine de la souveraineté – et partant celui du champ politique – au XXIe siècle. Il présente, dans la seconde partie de son essai, un véritable plan de bataille pour reconquérir (ou plutôt conquérir) en France et en Europe, cette souveraineté. En créant nos propres résogiciels, pour nous réapproprier Internet et ses innombrables synapses.

    Car, pour les résogiciels et le complexe militaro-numérique US, l’Europe, démontre Bellanger, est le maillon faible, la proie principale, bien plus que l’Asie. En raison de son énorme PIB global  et de son absence conjointe de volonté et de synergie.

    L’auteur explique, contrairement aux clichés, que la puissance US (et bientôt chinoise par un étrange paradoxe de l’histoire) dans la sphère numérique – et dans toutes les autres, d’ailleurs – repose sur une étroite collaboration, patriotique au fond, entre l’État, le système militaro-industriel et le mercantilisme privé. C’est la logique de l’économie organique, telle qu’elle avait été décrite par François Perroux, qui n’a absolument rien de ”libéral” au sens d’Adam Smith. (2)

     Refuser de reconquérir et de maîtriser la sphère numérique aujourd’hui, c’est comme si jadis on avait renoncé à contrôler l’imprimerie,  à posséder une flotte hauturière ou à construire des chemins de fer, laissant ce soin à d’autres. 

    Sur le plan strictement économique, outre le champ politico-stratégique, Bellanger ouvre une autre piste, une autre interrogation : et si l’économie numérique (Internet au premier chef) était fondamentalement destructrice d’emplois, notamment dans les pays qui ne la maitrisent pas ?

    Bellanger, qui ne néglige pas la science-fiction réaliste, nous brosse un monde dominé par le soft-totalitarisme des réseaux numériques. Ses prédictions sont parfaitement impensables et horriblement possibles. Il est comme le médecin qui vous dit : ”vous voyez  ce petit bouton sur votre fesse gauche ? C’est une tumeur. Si vous n’y prenez garde, elle vous emportera ”.

    Contrairement à la tradition de la critique pure (qui est hémiplégique et hélas très française), Bellanger propose des solutions argumentées pour reconquérir l’indépendance numérique. Ces dernières sont, à proprement parler, gaullistes. C’est-à-dire l’alliance synergique de la puissance publique et de l’économie privée. Dans ses propositions, il essaie aussi de surmonter les handicaps des institutions européennes, par des solutions innovantes. Il prône, pour la France et l’Europe la liberté individuelle et l’indépendance collective : n’était-ce pas déjà la leçon d’Aristote, il y a de cela des milliers de révolutions circumsolaires  ?  

    Guillaume Faye (J'ai tout compris, 3 février 2014)

     

    NOTES

    (1) La révolution d’Internet, extrêmement véloce, qui marque le début du XXIe siècle et se caractérise par la constitution d’un ”nouvel espace” (en sus de la terre, de l’océan et de l’atmosphère/ espace proche) peut se comparer à ce qui s’est produit à la charnière XVe/ XVIe siècles par l’irruption de la dimension océanique post-méditerranéenne. 

    (2)  L’idée selon laquelle l’économie américaine serait ”libérale” et anti étatiste est d’une prodigieuse fausseté, comme je l’ai montré dans plusieurs de mes essais. Les USA refusent l’État Providence social mais ont totalement adopté le modèle de l’État-pilote du colbertisme, évidemment avec d’énormes variantes. Mais cela mériterait un autre article.

     

    NOTE LIMINAIRE

     Pour le philosophe Martin Heidegger, l’innovation technique (à l’image de l’évolution naturelle), intégralement liée à sa diffusion par l’économie, est un mécanisme aveugle et tâtonnant, dont il est impossible de prévoir les conséquences. Il parle de « processus sans sujet ». Et de fait, depuis des siècles, les progrès de la technoscience produisent des effets imprévus sur les plans sociologiques, économiques, anthropologiques, politiques ; des effets qui n‘avaient jamais été planifiés mais qu’on découvre ”quand il est trop tard”. Et auxquels il faut s’adapter a posteriori. Il en fut ainsi de l’agriculture de jachère, comme de l’imprimerie, des métiers à tisser,  de la poudre, du chemin de fer, de l’automobile, du télégraphe et du téléphone, de la radio et de la télévision, de l’aviation, des antibiotiques, du nucléaire, etc. Il en est aujourd’hui de même avec l’informatique, le numérique et Internet. Pour paraphraser Heidegger, l’homme invente un procédé supranaturel (”technique”, du grec technè, qui signifie à la fois ”art” et ”fabrication”) qui produit une réalité augmentée, laquelle agit en retour sur la société humaine de manière imprévue. L’artéfact technique « arraisonne » l’écosystème naturel et humain. C’est l’allégorie juive du Golem : la poupée qui échappe à son créateur et devient autonome. Néanmoins, un pilotage a posteriori de l’innovation est possible, mais il faut faire très vite, être hyper réactif : c’est ainsi que procèdent les ”résogiciels” dont parle Bellanger, pour maîtriser un système économique devenu extrêmement fluide.

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  • Tour d'horizon : vers une nouvelle affaire Heidegger ?...

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    Après la publication de la biographie accusatrice et diffamatoire de Victor Farias, Heidegger et le nazisme, en 1987, puis celle de l'essai absurde et malhonnête d'Emmanuel Faye, Heidegger, l'introduction du nazisme dans la philosophie, en 2005, une nouvelle « affaire » Heidegger commence à poindre avec la publication prochaine en Allemagne des Cahiers noirs d'Heidegger, dans lesquels résiderait la preuve tant attendue par certains de son antisémitisme...

    Ces Cahiers noirs, dont la publication doit mettre un point final à l'édition allemande des œuvres complètes du philosophe, constituent un journal de pensée, tenu par le philosophe entre 1930 et 1970. Les trois premiers tomes, couvrant la période 1930 – 1941, qui sortent en Allemagne en mars prochain, comportent plus de mille pages. On a donc là un document exceptionnel appelé à rentrer en résonance avec l’œuvre publique d'Heidegger.

    Mais las ! Il semblerait que, dans ce massif imposant, on ait découvert une quinzaine de passages dans lesquels l'auteur d’Être et Temps aborde la question juive. Il évoquerait ainsi l'esprit de calcul des Juifs et leur « déracinement hors de l’Être » et renverrait dos-à-dos nazisme, psychanalyse, judaïsme, christianisme et même antisémitisme... A priori, pas de quoi, donc, faire d'Heidegger un émule d'Edouard Drumont ou de Julius Streicher, et, a fortiori, pas de quoi remettre en cause les milliers de pages qu'il a écrits. Mais il n'en faut pas plus aux éternels contempteurs du philosophe pour relancer le procès en sorcellerie et pour reproduire inlassablement l'équation Heidegger = Nazisme = Shoah.

    Car il est dangereux le philosophe qui écrit :

    « La décadence spirituelle de la terre est déjà si avancée que les peuples sont menacés de perdre la dernière force spirituelle, celle qui leur permettrait du moins de voir et d'estimer comme telle cette dé-cadence (conçue dans sa relation au destin de " l'être "). Cette simple constatation n'a rien à voir avec un pessimisme concernant la civilisation, rien non plus, bien sûr, avec un optimisme ; car l'obscurcissement du monde, la fuite des dieux, la destruction de la terre, la grégarisation de l'homme, la suspicion haineuse envers tout ce qui est créateur et libre, tout cela a déjà atteint, sur toute la terre, de telles proportions, que des catégories aussi enfantines sont depuis longtemps devenues ridicules. »

    ou

    «Le commencement est encore. Il ne se trouve pas derrière nous comme ce qui a été il y a bien longtemps ; tout au contraire il se tient devant nous. En tant que ce qu'il y a de plus grand, le commencement est passé d'avance au-dessus de tout ce qui allait venir, et ainsi déjà au-dessus de nous-mêmes, pour aller loin au-devant. Le commencement est allé faire irruption dans notre avenir : il s'y tient comme la lointaine injonction à nous adressée d'en rejoindre à nouveau la grandeur (…) Nous nous voulons nous-mêmes. Car la jeunesse, la plus jeune force de notre peuple – celle qui, par-dessus nous, déjà tend au loin – la jeunesse a déjà décidé. La magnificence pourtant et la grandeur de cette rupture et de ce départ, nous ne la comprenons entièrement que si nous portons en nous le profond et ample consentement d'où la vieille sagesse grecque a puisé cette parole: Tout ce qui est grand s'expose à la tempête... »

    Dossier :

    Heidegger, la preuve du nazisme par le « Cahier noir » ?, par Nicolas Weil

    Heidegger et l'antisémitisme, par Peter Trawny

    Heidegger : une pensée irréductible à ses erreurs, par Hadrien France-Lanord

    "Ni accuser ni défendre", par François Meyronnis

    Du nouveau sur Heidegger et les « Cahiers noirs », par Nicolas Weil

    Heidegger ensorcelé, par Stéphane Zagdanski

    Faire face à l'ouverture des "Carnets noirs" d'Heidegger, par Gérard Guest

    Pour suivre l'évolution de l'"affaire", on pourra suivre le blog heideggerien : Sur l'antisémitisme de Martin Heidegger

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    Pour découvrir Heidegger et sa pensée, on pourra lire ou consulter :

    - l'article de Robert Steuckers dans le dernier numéro de Réfléchir et Agir (n°46, hiver 2014), Heidegger - La tradition, la révolution, la résistance et l'"anarquisme" ;

    - d'Alain de Benoist, l'article Heidegger critique de Nietzsche

    - le numéro 37 de la revue Nouvelle Ecole, Lectures de Heidegger (passionnant mais difficile à trouver...);

    - de Silvio Vietta, Heidegger critique du national-socialisme et de la technique (Pardès, 1993) ;

    - de Georges Steiner, Martin Heidegger (Champs, 2008) ;

    - de François Fédier, Entendre Heidegger (Pocket, 2013) ;

    - le Dictionnaire Martin Heidegger (Cerf, 2013) ;

    - de Heidegger, Essais et conférences.

     

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  • Heidegger en dictionnaire...

    Les éditions du Cerf viennent de publier Le Dictionnaire Heidegger - Vocabulaire polyphonique de sa pensée, un ouvrage sous la direction de Philippe Arjakovsky, François Fédier et Hadrien France-Lanord. Comportant plus de  600 entrées dont :

    Amitié, Arendt, Atome, Balzac, Beckenbauer, Cézanne, Christianisme, Communisme, Consommation, Critique de la raison pure, Descartes, Économie, Enfant, Enseignement, Éthique, Europe, Féminité, Génétique, Geste, Habiter, Humour, Japon, Joie, Keats, Langue française, Mai 1968, Mathématique, Mort de Dieu, Ordinateur, Parménide, Parti nazi, Pensée juive, Poésie, Pudeur, Racisme, Rhin, Sécurité, Sexualité, Shoah, Socrate, Stravinsky, Technique, Théologie, Tolstoï, Traduction, Utilité, Zvétaieva...

    Cet ouvrage est une introduction passionnante pour ceux qui veulent découvrir la pensée du philosophe le plus important du XXème siècle et commencer à cheminer dans ses livres.

     

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    " Il n’existe encore dans aucune langue de Dictionnaire de cette ampleur consacré à la pensée de Martin Heidegger.
    L’originalité de ce livre peut être exposée selon trois axes principaux, mais il faut en souligner d’abord l’ambition philosophique. Comme le montre la grande variété des articles qui composent ce dictionnaire, philosophie ne veut pas dire difficulté insurmontable ou abstraction inabordable. La philosophie est ancrée dans l’existence de chacun. Quant au travail philosophique que ce Dictionnaire souhaite initier, il n’est pas synonyme d’érudition pour spécialistes. Ce travail, demande seulement de la patience dans la lecture, de la probité philologique, de l’endurance dans le questionnement, et avant tout : s’engager dans la pensée en ayant à cœur ce qui est à penser (c’est le sens même du mot philosophie). Pour tous ceux qui ont ce cœur, voici les trois axes principaux.

    I. La pensée de Heidegger en elle-même.

    Le but du livre est d’offrir un accès au chemin de pensée de Heidegger dans son entier, chose qu’il est désormais possible de faire de manière entièrement neuve, au vu des ouvrages parus dans le cadre de l’édition intégrale (une cinquantaine de volumes depuis 25 ans, dont une majorité inconnue du public français, car ils ne sont pas encore traduits). Le livre marque à cet égard une étape importante dans la réception de la pensée de Heidegger : ses 615 entrées permettent de voir sous tous ses aspects l’unité de ce chemin, à travers les nombreuses inflexions qu’il a suivies sans pour autant entamer son caractère foncièrement unitaire. Il est important ici de ne pas figer les choses à propos d’une pensée qui s’est chaque fois déployée selon un mouvement qui a justement trait à ce qu’il s’agit de penser.
    Au sein de chaque article, il a été fait grand cas de cette mobilité propre à la pensée de Heidegger, à travers notamment l’écoute précise des mots et de leur sens.
    À l’échelle du livre entier, cette mobilité se perçoit dans son aspect polyphonique, le seul qui sied à une véritable interprétation .
    Les articles sont de taille et de difficulté diverses : à côté de nombreux articles introductifs figure également un certain nombre d’articles de fond. De manière générale tout le livre est animé par un double souci : offrir une clarification élémentaire, mais sans négliger la possibilité d’ouvrir la voie à l’approfondissement et à l’étude (grâce notamment au grand nombre de références données).
    Ces articles correspondent à plusieurs rubriques de l’index thématique : « Art et poésie », environ 120 articles ; « Le divin », environ 50, « La science », environ 30, « Le chemin de Heidegger », plus de 200 articles.

    II. La question politique. Il faut ici distinguer deux ordres de choses :

    1. Ce qui relève des faits. Il y a d’une part des contre-vérités pures et simples qui continuent d’être mises en circulation, surtout auprès du grand public qui est la plupart du temps soumis à une “information” systématiquement unilatérale. Exemples : le prétendu antisémitisme, la prétendue interdiction faite à Husserl d’accéder à la bibliothèque de l’université de Fribourg en 1933, le prétendu « silence de Heidegger » après la Shoah (voir par exemple les articles Antisémitisme, Extermination, Husserl, Shoah, « Silence de Heidegger »). Il y a d’autre part des choses qui sont souvent évoquées de manière biaisée, faute de vérification relative à ce qui s’est vraiment passé, par exemple le sens et les limites de l’adhésion au parti national-socialiste, ou le déroulement de la procédure de dénazification (voir par exemple les articles Dénazification, Parti nazi). Sur tous ces points, il est désormais loisible, au moyen de faits, de documents et de témoignages de s’informer complètement. Le Dictionnaire Martin Heidegger donne à tout un chacun les moyens d’aller vérifier par soi-même ce qui s’est véritablement passé.

    2. Mais il y a d’autres questions, qui sont en général traitées de manière parfois spectaculaire et sensationnelle, alors que ce sont des questions philosophiques qui ne peuvent pas être réglées de manière expéditive en faisant l’impasse sur une connaissance approfondie de la pensée de Heidegger, c’est-à-dire, sans un travail de longue haleine. Le Dictionnaire ne prétend ni dispenser de ce travail ni y mettre un terme en se contentant de réponses toutes faites, mais vise tout au contraire à en ménager la possibilité. Il s’agit ici de quitter enfin une bonne fois le plan de « l’affaire Heidegger » afin d’ouvrir la voie à un travail qui atteigne la rigueur philosophique que réclame la pensée de Heidegger. En sortant de l’agitation de « l’affaire Heidegger », il s’agit de commencer par situer avec la précision philosophique qui leur revient des questions souvent réglées jusqu’ici dans une atmosphère de rumeur. Il s’agit donc de sortir de la vaine alternative entre accusation et défense pour s’inscrire dans l’exigence de la lecture attentive de textes souvent difficiles et mettre un véritable travail en chantier, à savoir selon deux axes majeurs :
    A) Cerner le sens de l’erreur de Heidegger au moment où, entre 1933 et 1934 il s’engage, dans le cadre de l’université, en faveur d’Hitler, sans jamais cautionner le biologisme antisémite et raciste propre à l’idéologie nazie (voir par exemple les articles Allemand, Kolbenheyer, Hitler, Nazisme, Peuple, Rapport Jaensch, Rectorat). Erreur qui ne va pas, à partir de sa reconnaissance en 1934, sans une honte que Heidegger n’a jamais cachée.
    B) Dégager la manière dont, après l’erreur, la pensée que Heidegger développe au sujet du nihilisme et du règne de l’efficience technique totale, livre une interprétation historiale du nazisme, mais aussi du communisme, et du libéralisme planétaire (voir par exemple les articles Bâtir, Brutalité, Extermination, Führer, Génétique, Gigantesque, Nihilisme, Organisation, Racisme, Sécurité, Shoah, SS, Totalitarisme, Utilité, Violence). Au vu de la manière dont « l’affaire Heidegger » occupe le devant de la scène en faisant le plus souvent écran aux véritables questions, il est intéressant de se demander pour quelle raison on ne veut pas prêter l’oreille à la manière dont un grand penseur de son temps a bel et bien pensé les catastrophes humaines sans précédent qui ont marqué son époque (en plus des articles précédents, voir aussi Atome, Communisme, Lénine). Il apparaît également que cette pensée du nihilisme et de la technique n’a rien perdu de son actualité et même qu’elle est de grande utilité pour appréhender notre monde actuel, ses dérives – mais aussi ses possibilités inouïes.
    La rubrique thématique intitulée « Politique, technique et Temps nouveaux » comprend environ 80 articles.

    III. Les indications biographiques (gens, lectures, lieux), parfois agrémentées d’anecdotes ou de souvenirs (plusieurs auteurs ont connu et côtoyé Heidegger), ne sont pas traitées de manière purement factuelle, mais à la lumière de la pensée de Heidegger, et dans le but de l’éclairer.
    L’ensemble du livre est émaillé d’articles souvent très simples, parfois très courts, qui contribuent à rendre vivante la figure d’un penseur au sein de son époque et parmi ses contemporains. Ces articles concernent : des lieux en rapport avec sa pensée et sa vie, des auteurs ou des lectures particulières qui ont nourri sa pensée et les personnes, parmi ses contemporains qui ont trouvé chez Heidegger une résonance ou une inspiration dans sa pensée.

    De manière générale, il faut souligner que la présentation faite de Heidegger pour le grand public à partir de son seul engagement a tendance à réduire l’ensemble de sa pensée aux questions politiques (qui sont de surcroît souvent mal posées), en occultant la multiplicité des directions dans lesquelles cette pensée s’est orientée et a trouvé des échos – multiplicité parfois pleine de surprise, que les 615 entrées du Dictionnaire entreprennent de refléter.

    En Annexes du livre figurent : une chronologie de Martin Heidegger, et, pour la première fois en France : la liste complète de ses cours et séminaires ainsi que le plan de l’édition intégrale répartie en 102 volumes.

    24 Auteurs, presque tous professeurs de philosophie, ont eu à cœur de travailler à ce livre : Massimo Amato, Philippe Arjakovsky, Ingrid Auriol, Guillaume Badoual, Stéphane Barsacq, Maurizio Borghi, Jean Bourgault, Pascal David, Cécile Delobel, Guillaume Fagniez, François Fédier, Hadrien France-Lanord, Adéline Froidecourt, Jürgen Gedinat, Jean-Claude Gens, Gérard Guest, Pierre Jacerme, Fabrice Midal, Florence Nicolas, Dominique Saatdjian, Alexandre Schild, Peter Trawny, François Vezin, Stéphane Zagdanski. "

     

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  • Bougisme et présentisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à l'omniprésence de la technique dans nos vie...

    alain de benoist,turbocapitalisme,hollande,taubira,révolution

     

    Facebook ? Le simulacre des « amis » sans amitié...

    Naguère, les polémiques politiques venaient d’émissions fracassantes à la télévision ou de dépêches de l’AFP. Aujourd’hui, c’est Twitter ; soit le règne de l’immédiateté. Comme si le temps de la réflexion avait tendance à se raccourcir…

    Toutes les dimensions constitutives de la temporalité sont aujourd’hui rabattues sur le moment présent. Ce « présentisme » fait partie de la détresse spirituelle de notre époque. Twitter n’en est qu’un exemple parmi d’autres. L’importance qu’on donne aujourd’hui aux tweets est une sorte d’assomption métaphysique de la brève de comptoir. Elle mesure une déchéance. C’est la raison pour laquelle je ne « tweete » jamais. Je n’ai pas non plus de compte Facebook. Je n’utilise ni « smartphone », ni « Blackberry », ni tablette tactile, ni iPad, ni iPod, ni aucun autre gadget pour petits-bourgeois numérisés et connectés. D’ailleurs, je me refuse même à avoir un téléphone portable ; car l’idée de pouvoir être joint en permanence m’est insupportable. La disponibilité totale relève d’un idéal de « transparence » totalitaire. Il faut lui opposer des opacités bienfaisantes.

    Vous êtes technophobe ?

    Je ne suis pas technophobe, mais je suis profondément préoccupé par ce technomorphisme qui transforme nos contemporains en prolongement de leur télécommande ou en terminal de leur ordinateur. Je crois que la technique n’a rien de neutre, et qu’elle cherche à nous soumettre à sa logique propre. De même que ce n’est pas nous qui regardons la télévision, mais la télévision qui nous regarde, ce n’est pas nous qui faisons usage de la technique, mais la technique qui se sert de nous. On le réalisera mieux encore quand nous aurons des codes-barres et des puces RFID insérés sous la peau – ou lorsqu’on aura réalisé la fusion de l’électronique et du vivant. On ne peut, dans le monde actuel, faire l’économie d’une réflexion sur la technique, dont la loi première est que tout ce qui devient techniquement possible sera effectivement réalisé. Comme l’écrit Heidegger, « Nous pouvons utiliser les choses techniques, nous en servir normalement, mais en même temps nous en libérer, de sorte qu’à tout moment nous conservions nos distances à leur égard. Nous pouvons dire “oui” à l’emploi inévitable des objets techniques et nous pouvons en même temps lui dire “non”, en ce sens que nous les empêchions de nous accaparer et ainsi de fausser, brouiller et finalement vider notre être. » Dans le rapport à la technique, c’est l’humanité de l’homme qui est en jeu.

    On peut certes gloser sur ce « bougisme » que nous impose Internet. Mais au moins a-t-il l’avantage de permettre aux citoyens de base que nous sommes de prendre part au débat. Vous qui n’aviez rien contre la « démocratie participative » prônée par Ségolène Royal lors de l’élection présidentielle de 2007, quelles éventuelles réflexions ce changement de donne peut-il vous inspirer ?

    Comme toute forme de démocratie, la démocratie participative exige un espace public où puisse s’exercer la citoyenneté, c’est-à-dire d’un espace radicalement distinct de l’espace privé où se meut la « société civile ». Internet fournit des sources d’information alternatives, mais il est avant tout un outil de surveillance totale. Rapporté aux exigences démocratiques, il n’est qu’un simulacre. Jean Baudrillard l’avait déjà dit il y a vingt ans : nous vivons au temps des simulacres. Les touristes qui visitent la grotte de Lascaux n’en visitent aujourd’hui qu’une copie. En ce moment, un théâtre parisien propose un opéra « virtuel » où la cantatrice vedette n’est qu’une image de synthèse, un hologramme. Les imprimantes en trois dimensions peuvent désormais produire des répliques d’œuvres d’art qui ne se distinguent plus de l’original, relief compris. Elles produiront demain des organes humains. Walter Benjamin avait écrit en 1935 un beau texte méditatif sur « L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique ». Nous n’en sommes déjà plus là, car la réplique va très au-delà de la copie. Elle abolit même la notion de copie. Le virtuel est cette catégorie immatérielle dans laquelle nous fait vivre le monde des écrans. Il ne relève ni du réel, ni de l’irréel, ni même du surréel. Il relève de cet hyperréel qui prend peu à peu la place de la réalité sans que nous nous en rendions compte. À terme, c’est l’univers de Matrix qui se dessine à l’horizon.

    Dans votre revue Eléments, dont vous fêtez cette année le quarantième anniversaire, vous évoquez souvent la perte du lien social. Si on vous objecte que les « réseaux sociaux » peuvent être une façon de le retisser, cela vous fait-il sauter au plafond ?

    Cela me fait plutôt sourire. Ces « réseaux sociaux » n’ont de « sociaux » que le nom. Ils ne proposent eux aussi qu’un simulacre de socialité. Avec Facebook, on noue des liens avec des « amis » qu’on ne verra jamais, on visite des pays où l’on ne mettra jamais les pieds. On bavarde, on se défoule, on se raconte, on inonde la terre entière de propos insignifiants, c’est-à-dire qu’on met la technique au service du narcissisme immature. La dé-liaison sociale est le fruit de la solitude, de l’anonymat de masse, de la disparition des rapports sociaux organiques. Elle résulte du fait que l’on se rencontre de moins en moins. La socialité véritable exige l’expérience directe que le monde des écrans tend à abolir. La seule utilité de Facebook est de mettre à la disposition de la police plus d’informations sur nous-mêmes qu’aucun régime totalitaire ne pouvait hier espérer en rassembler. Libre aux naïfs de contribuer eux-mêmes à renforcer les procédures de contrôle dont il leur arrive par ailleurs de se plaindre !

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 1er décembre 2013)

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